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I
^^JlAiA^'
1
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HISTOIRE
nir
XVr ARRONDISSEMENT
DE PARIS
HISTOIRE
DU
XVr ARR0NDISSEMEN1
DE PARIS
PAR
r^DONIOL
ANCIEN CONSEILLER D'ÉTAT
IMAPECTECn GéNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSl^ES EN RETRAITE
MEMBRE DU CONSEIL DE l'ORDRE DE LA LÉGION D'HONNEUR
ET DE LA COMMISSION MUNICIPALE DU VIEUX-PARIS
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE D'aL'TEUIL ET DE PASSY
Cet ouvrage est édité au profit de l'Union d'Assistance
du XVI« Arrondissement.
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET O
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1902
Droits de Iradurlion et de reproduction réservés.
' \
^1 -
INTRODUCTION
11 s'est formé à Paris, dans ces dernières années, plusieurs sociétés
d'histoire locale, dont chacune étudie le passé de son quartier ; on s'y
réunit pour s'occuper ensemble de la conservation des monuments et
des souvenirs de son arrondissement, pour étudier les moyens d'en
embellir l'aspect et pour recueillir des détails sur la biographie de ceux
qui l'ont illustré. La première en date de ces sociétés est celle du Vieux-
Montmartre (XVIll® arrondissement), qui a été constituée en novembre
1886. La seconde est la Société historique dWuteuil et de Passy
(XVI® arrondissement), qui a été (1) fondée en 1892. La Société de la
Montagne-Sainte-Geneviève et de ses abords (V® et XlIT arrondisse-
ments) a été autorisée le 3o novembre 1896, et la Société historique du
VP arrondissement^ le ao mai 1898. Des sociétés analogues ont été
également instituées pour le VHP et ensuite pour le IV" arrondissement
{La Cité) : les travaux de ces sociétés fourniront, sans doute, une contri-
bution utile à l'histoire de notre cher et grand Paris.
Les quartiers du centre remontent à une haute antiquité. LeXVParron-
dissement est beaucoup plus moderne : il se prête donc fort peu aux
recherches archéologiques ; mais les membres de la Société historique
d'Auteuil et de Passy y ont recueilli des souvenirs fort intéressants, parce
que cet arrondissement, qui était autrefois un lieu de villégiature pour
les Parisiens, a été habité par beaucoup de poètes, d'écrivains et d'ar-
tistes.
(1) La Société hislorique d'Aiiteuil et de Pnssy a son siège social h la Maiiie du
XV1« arrondissement; le Secrétaire général de cette Société dirige la publication du
Bulletin trimestriel, qui est adressé è chacun des membre
l*S
2 HISTOIRE DU XVl'' ARRONDISSEMEiNT
Je dois témoigner ma gratitude aux membres de cette Société dont
j'ai utilisé les communications. Les auteurs de plusieurs articles qui
ont successivement paru dans le Bulletin (i) delà Société historique
d'Auteuil et de Passy ont bien voulu m'autoriser à les réimprimer
comme annexes de mon travail. Pour d'autres articles de ce Bulletin, où
Ton trouvera des détails sur les sujets pour lesquels je n'ai donné qu'un
simple résumé sommaire, j'ai soin d'indiquer, en note, le nom de l'auteur,
ainsi que le volume et la page du Bulletin, afin qu'on puisse s'y référer.
Le moment m'a paru favorable pour écrire une histoire des voies du
XVI® arrondissement (dont la longueur dépasse 95 kilomètres), parce
que le percement des grandes rues et avenues qui en ont transformé
l'aspect est assez récent pour qu'on puisse être bien renseigné sur les
détails de leur exécution. Des ingénieurs (2), qui ont projeté et dirigé ces
travaux, ont eu l'obligeance de me communiquer à ce sujet des indica-
tions qui m'ont été fort utiles.
Enfin, j'ai trouvé beaucoup de documents aux archives de la Seine (3),
où M. l'archiviste Lucien Lazard, membre correspondant de la Société
historique d'Auteuil et de Passy, reçoit avec une grande affabilité les
travailleurs et sait parfaitement les guider dans leurs recherches.
J'ai divisé mon Histoire du XVP arrondissement en six parties :
1® Le passé d'Auteuil, de Chaillot et de Passy;
2® L'histoire des quartiers de Chaillot, de la Muette et de la Porte-
Dauphine (anciens territoires de Chaillot et de Passy);
3** L'histoire du quartier d'Auteuil ;
4® Observations sur la situation et l'avenir du XVI*^ arrondissement;
5° Annexes reproduisant divers articles insérés dans le Bulletin de la
Société historique d'Auteuil et de Passy, ainsi que la copie d'actes con-
cernant le XVP arrondissement ;
6"* Index alphabétique des voies publiques et privées et des principaux
monuments et établissements du XVP arrondissement, avec indication
des anciens noms et des principales dimensions de ces voies; index
alphabétique des personnes dont les noms sont cités dans ce volume ;
table des illustrations et table des matières.
(1) Le Bulletin cité dans les notes de cet ouvrage est toujours le BuUetin delà Société
historique d'Auteuil et de Passy.
{•i) Je dois particulièrement remercier M. l'Inspecteur général des Ponts et Chaussées
BoreuXf directeur des services techniques de la voie publique et de l'éclairage ; M. l'In-
génieur en chef Bechmann, directeur du service technique des eaux et de Tassainissement;
M. ringénieur en chef Habinet, qui a été longtemps chargé des services de voirie des
XV« et XVI« arrondissements, et son successeur, M. ringénieur Bret, pour les renseigne-
ments qu'ils ont bien voulu me donner. Je dois également remercier les membres de la
Société historiiiue d'Auteuil et de Passy, dont les intéressantes recherches m'ont docu-
menté sur le passé et l'histoire de ces deux anciennes communes suburbaines.
(3) On trouve, aux archives de la Seine, les délibérations des Conseils municipaux
d'Auteuil et de Passy.
INTRODUCTION
Il arrive fréquemment qu'une rue ou un personnage soient mentionnés
plusieurs fois, tant dans mon texte que dans les annexes; en consultant
les index alphabétiques, on verra les numéros de toutes les pages où
sont données des indications sur ces rues ou ces personnages (i).
Enfin, on trouvera dans ce volume : i® un extrait du plan de Paris
dressé par Roussel en 1781 ; 2® un plan d'Auteuil, Passy et Chaillot
en 1859, c'est-à-dire immédiatement avant l'annexion; 3^ un plan à
Téchellede i/5ooo*, indiquant toutes les voies existant en 1901 dans le
XVI* arrondissement, et le tracé des lignes concédées pour le métropo-
litain de Paris.
Comme j'ai eu à citer beaucoup de dates et de faits, il peut s'être
glissé quelques erreurs ou omissions dans mes indications, et si des lec-
teurs croient devoir proposer des modifications ou additions, je leur
serai reconnaissant de vouloir bien me les signaler.
Paris, le 4 octobre igo2.
A. DONIOL.
(Villa de la Tour, XVI« arr.).
(1) Les index alphabéliques ont été établis de manière que le lecteur désirant se
renseigner sur une voie publique, ou une voie privée, ou un personnage cité, puisse
trouver les articles qui s'y rapportent aussi facilement que dans un dictionnaire.
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
Le passé d'Auteuil, de Chaillot et de Passy.
Tout le XVI* arrondissement de Paris était occupé, pendant les pre-
miers siècles de notre ère, par la vaste forêt de Rouvray ou du Rouveret (1),
qui couvrait la boucle de la Seine et la partie occidentale de Paris-rive-droite ;
elle s étendait anciennement jusqu'à peu de distance de la butte Montmartre
et, le long de la Seine, jusqu'auprès du Pont-Neuf. Cette forêt, dont le bois de
Boulogne, le parc des Princes et celui de Saint-Ouen constituent des restes
considérablement modiAés, est dénommée dans un édit du roi Louis XI du
10 juillet 1469 : « Bois du village de Boulogne ».
Ce n'est que vers le vi* ou le vu* siècle que les habitants de Paris et ceux
de Saint-Cloud commencèrent à défricher la rive droite de la boucle de la
Seine, abattant des arbres de la forêt de Rouvray au furet à mesure de Taug-
mentation de la population et mettant le sol en culture ; ils transformèrent
ainsi peu à peu le coteau boisé qui bordait le fleuve en champs cultivés et en
vignes : ce fut l'origine du village de Nigeon (en latin : Nimio) ; il appartenait
au commencement du vn"" siècle à Bertram, évêque du Mans, qui le possédait
tant par une donation du roi Clotaire II que par suite de diverses acquisi-
tions. Ce prélat, qui mourut en 623, légua par testament le village de Nigeon
à révêque de Paris, qui était alors un des sufiragants de l'archevêque de Sens.
Le centre de cet antique village se trouvait aux alentours du Trocadéro.
Les habitants de Nigeon (2) se répandirent peu à peu des deux côtés de la col-
line de Passy : les uns se dirigèrent vers l'occident et y bâtirent Auteuil (3) ;
11) Voir rarticle sur la forêt de Rouvray, par M. Gaston Duchesne, p. 170 du II" volume,
et p. 8 du III* volume du Bulletin de la Société historique (f Auteuil et de Passy.
{vt^ Voir les indications données sur le village de Nigeon dans Tarticle de M. le D' Faul
Raymond, intitulé : « De Timportance des fouilles sur le sol de Passy », p. 9i du
I*' volume du Bulletin.
(3) Auteuil fut nommé d'abord : « Authueîl », et en latin : <« Altarium ». — Pour Tély-
raologic du nom d'Autcuil, voir la communication sur « les divers Auteuil », p. 6 du
1" volume du Bulletin ; -^ et aux annexes (p. a33], Tarticle de M. Taban^s de Grandsaignes,
intitulé ; « Deux cents ans de querelles sur un nom. »
6 HISTOIRE DU XVI' ARROxNOISSEMENT
les autres s'établirent plus près de Paris et créèrent ainsi le village de Chail,
qui est devenu Chaillot et fut réuni au domaine du roi (i).
Le premier document qui parie de Téglise de Chaillot est une bulle du
pape Urbain II, de l'an 1007, où elle est dénommée « ecclesia CoUoïo » (2). 11
résulte de cette bulle que l'église de Chaillot était sous la dépendance du
prieur de Saint-Martin-des-Champs, à qui la nomination du curé de Chaillot
appartint jusqu'à la Révolution. Des documents postérieurs désignent Chaillot
sous le nom de « (^hailloel » (3).
Les chanoines de Sainte-Geneviève devinrent propriétaires, en 1110, de
tous les biens possédés alors à Auteuil, soit comme fiefs, soit de quelque
autre manière, par les religieux de l'abbaye du Bec, près de Rouen, qui reçu-
rent, en échange, plusieurs domaines à Vernon (4). L'acte d'échange, qui com-
porte la cession des serfs et des serves^ cens, vignes et terres arables, avec
les droits de justice et toutes les prestations, a été conclu sous le règne et
avec la confirmation de Louis VI, roi des Français, et de Henri I*', roi des
Anglais et duc de Normandie. C'est à la suite de cet acte que les abbés de
Sainte-Geneviève sont devenus les seigneurs d'Auteuil et y ont exercé, pen-
dant plus de six siècles, les droits de haute, moyenne et basse justice. Ils
avaient les prérogatives d'un évéque et ne dépendaient que du Saint-Siège :
toutefois, l'abbé était tenu, lors de sa nomination, de prêter serment au roi
pour le temporel.
C'est en 1192 qu'Auteuil fut érigé en paroisse par Maurice de Sully, évéque
de Paris (5) et fondateur de la cathédrale de Notre-Dame; Boulogne et Passy
dépendaient alors d'Auteuil; le territoire du XVI** arrondissement ne com-
prenait donc, au xiii'' siècle, que deux paroivsses : celle de Chaillot, qui était
la plus ancienne, et celle d'Auteuil.
L'abbesse de Montmartre, Jeanne de Repentie, ayant donné cinq arpents
de terre pour la construction d'une église aux Menuls ou Muns (village qui
avait alors cinquante feux et est devenu Boulogne-sur-Seine), la première
pierre de cet édifice fut posée en 1319 par le roi Philippe-le-Long. La sépara-
tion juridique de la paroisse de Boulogne de celle d'Auteuil fut prononcée
en juillet 1330 par Hugues de Besançon, évéque de Paris (6), qui détacha
d'Auteuil tout le territoire situé au sud-ouest du bois de Boulogne actuel.
(i) Plusieurs auteurs ont prétendu que le mot de Chaillot signiflait « abatUs de bois
ou défrichement de bois ». Il parait probable qu'il est simplement un diminutif du mot
Chail, ou Chai, qui veut dire, en langue celtique, forêt ou bois, le village ayant été fondé
par ceux qui défrichèrent progressivement cette partie de la forêt de Rouvray. — Voir
aux annexes (p. 233) une coutume de Tancien village de Chaillot, mentionnée dans le dic-
tionnaire administratif et historique des rues de Paris, par F. Lazard. Beaucoup d'indi-
cations ont été empruntées à M. F. Lazard.
(2) La bulle dit que cette église est sise à « CoUoellum ».
(3J Ou u Challoel ». — En 1393, le duc d'Orléans expédiait des lettres à Challuyau-lès-
Paris.
(4) Voir aux annexes Tarlicle de M. Antoine Guillois, intitulé : « La vieille église d*Au-
teuil » et renfermant des détails sur Tinstallation des Génovéfains à Auteuil (p. 237) ; —
la liste de curés et de seigneurs, ainsi que (p. 244) l'article intitulé : « Les abbés de Sainte-
Geneviève, seigneurs d'Auteuil », par M. Léopold Mar; — (p. 252) Tarticle de M. Tabanès
de Grandsaignes sur la charte primordiale d'Auteuil.
(5) Voir à la Bibliothèque de la Ville de Paris, rue Sévigné, l'histoire de la ville et du
diocèse de Paris, par l'abbé Lebœuf (édition Cocheris, t. IV, p. 69). — L'église d'Auteuil
est la plus ancienne de ceUes qui ont été fondées par la collégiale de Saint-Germain-
l'Auxerrois et qu'elle appelait ses lilles.
(6) Voir l'ouvrage de l'abbé Lebœuf, rectifications et additions de Fernand Bournon
LE PASSÉ DAirrEUII., DE CIIAILLOT ET DE PAHSV 7
L'existeDce du village des Meouls en 1119 est signalée dans la chronique de
Saint-DeDis.
Dès le sur siècle, les ducs de Bretagne possédaient un domaine situé entre
Chaillot et Passy et appelé « le manoir de Nigeon » ; (iuy de Bretagne, duc
de Penthiêvre, y mourut en l'iil . C'est ce domaine que la reine Anne de Bre-
tagne (1) donna, en lt93, aux religieux minimes, dont l'ordre lut fondé en
Italie par François-de-Paul e. Appelé en France par Louis XI, il y amena son
petil-neveu André d'Alesso, premier prolecteur en France de cet ordre.
Louis XI appelait toujours François-de-I'aule bonhomme : de là vint le nom de
ivpiil Ues Bonshonimi'i".
(Archives <1« la Socitlt.)
Bonshommen, donné depuis aux Minimes, ainsi qu'à leur couvent (2). En 1496,
la reine Anne fit, en outre, don à ces religieux d'un second hôtel qui était
coDtigu au premier et qu'elle avait achetée Jean de Cerisi, bailli de Montfort-
l'Amaury, avecla chapelle voisine, dédiée à Notre Dame de toutes les grâces:
cette construction se Irouvait sur les terrains des rues Le Nôtre et Chardin.
Le couvent des Bonshommes (3j occupait l'emplacement compris entre la rue
Beethoven, la rue Le Nôtre et le boulevard Delessert ; ses dépendances étaient
fort étendues. Il fut supprimé en 1790, et la chapelle lut détruite en 1792.
:série i : — 8*. — n° 7; ; et vuir aux anneies |p. igO;, l'article dp M. Henri Je Foires de
Monla^nac sur le démemliremcnl île ta jiaroisHe d'Authueil.
1 1 ) Voir pp. iRo à 184, du I" volume, l'article de M. Léopold Mar inlituli! : « Sur Chaillot » ;
p. 58 du \" volume, une noie du menio auteur intitulée : h Une statue miraculeuse de la
Vierge à Passy; pp. 3a5à3o7du III" volume, les articles du même auteur intitulés : u Le cou-
vent dfs Bonshommes en 1770 » et " Une épave du couvent des Bonshommes ».
12; Ilétaitdésignè, pendant lerëgDcde François 1<', sous le nom de « CouvenldeNigcon",
<3) Pour l'apothicaircrie du eouvont des Bonshommes, voir, à la page ïi6 du second
volume, l'article de H. Léopuld Mar, intitulé : » Passy sans pharmaciens •-.
ISTOIR^ 1»L XVI" ARllONDISSËMKNT
C'est de Cliaillot qu'Henri IV dirigea le siège de Paris. Parmi les sei-
gneurs de l'.hâillot (1 ), les plus célèbres sont l'bistorien Philippe de Commines,
qui eut, de I \1\ au lii août 1509 (date de sa mort), cette seigneurie, dont Louis XI
lui avait fait don, et Krancois, baron de lîassora pierre, maréciial de France, qui
fut seigneur de <:haitlot depuis le I^janvierlti30 jusqu'à sa mort en l&iti. Bas-
sompierre servit en 1()03 dans l'armée impériale contre les Turcs; il devint
colonel général et grand maître de l'artillerie en 1617, maréchal de Prance en
^G2.^i, ambassadeur de France en Espagne et en Suisse. Il avait été compagnon
de soupers et de galanterie avec Henri IV, était brave, spirituel, excellent
général et ardent au plaisir. Ayant été accusé de comploter contre le cardinal
de rticbelieu. il fut enfermé, le 25 février 1631, à la Itastille, où il resta jus-
nAUTEtlL, DE CIIAIIXOT ET T
qu'en 1643. 11 raconte, dans ses mémoires, l'usage (|u'il lit de son château de
ChaiUot, pendant cette lougue captivité : suivant les hahitiides d'hospitalité
^ :
B s
des grands seigneurs de celte époque, il le prêta d'abord à sa belle sœur et
ensuite ù la duchesse de Nemours. Un jour que le cardinal revenait de
lu IIISTOIDG UU XVI' ARRONDISSEMENT
Charonoe et passait près de la Bastille, il envoya demander au prisonnier de
lui prêter le château de Chaillot. où il avait déjà logé eu lB:ii) pendant que le
roi (t) habitait le château de Madrid. Sur la demande de Hassompierre, la
duchesse de Nemours se hâta de quitter le chAleau de Chaillot, où le cardinal
demeura pendant plus de six semaines. Nest-il pas singulier quil ait ainsi
(Collei'lion de M. Em. l'ulin.)
demandé à son prisonnîerde lui céder sa maison de plaisance? L'an née d'après,
le château de Chaillot fut occupé parle chancelier Séguîer (2). Bassompierre
fut rendu à la liberté te jour môme des funérailles du grand minisire; il disait
à cette occasion : « Je suis entré à la Bastille pour le service de Monsieur le
Cardinal ; j'en sors également pour son service, »
(i) Ces fjiilB HOiil rolali's ilnns im ouvrage iiitltiilù : » Le paliiis du Trocadi^ro n, cl
imprimé en 1878 |iar i'i^ililcur Mnrcl et CM. i3. riif ltr)n;i|>arle.
{7.} Voir aux annexes (p.253j liirlicle .ie H. Léopold Mar sur E'hili|.[.e de Coiiimincs elle
maréchal de BassonipiciTe.
LE PASSÉ d'aUTEUIL, DE CHAILLOT ET DE PASSY 11
Le maréchal de Bassompierre (1579-1646) fut le dernier seigneur laïque
de Chaillot ; après lui, ce furent les dames du monastère de la Visitation qui
détinrent la seigneurie et ses droits jusqu'à la Révolution.
Sous Louis XIV, un arrêt du conseil du roi, de juillet 1659, érigea Chaillot
en faubourg de Paris, sous le nom de « faubourg de la Conférence » (1). Cette
faveur fut accordée à Chaillot dans le but d'y augmenter le produit des im-
pôts, par suite du changement des tailles en droits d'entrée : toutefois, les
règlements de la ville de Paris n'étaient pas tous applicables à Chaillot.
En 1784, les fermiers généraux obtinrent de Calonne, ministre de Louis XVI,
Tautorisation de construire un mur d'enceinte (2) autour de Paris, afin d'em-
pêcher la contrebande et de mieux assurer la perception des droits d'octroi.
La plus grande partie de Chaillot fut comprise dans cette enceinte et dépendit,
en conséquence, du I*"^ arrondissement (aujourd'hui le VIII'); le surplus de
Chaillot (c'est-à-dire la partie située au delà du mur d'enceinte et bordée par
des boulevards extérieurs) fut réuni à la commune de Passy (3).
Le château seigneurial de Chaillot était un édifice commencé en 1576 par
la reine Catherine de Médicis. Henri IV et Marie de Médicis ayant renonce à
la succession de Catherine, la liquidation fut très longue. Le président Janin
et Bassompierre agrandirent le château, qui était construit à mi-côte, avec
pavillon central.
Bassompierre étant mort en 16i6 sans héritiers directs, le domaine passa
dans les mains du comte Tillière, fut vendu ensuite par autorité royale et
acheté en 1651 par Henriette-Marie de France, flUe de Henri IV, et veuve de
Charles I*% roi d'Angleterre, décapité en 1649 ; cette princesse y établit, en
1652, le couvent des dames delà Visitation-Sainte-Marie. L'architecte Man-
sard accola au château un portique formant cloître et construisit une chapelle,
dans laquelle Bossuet prononça, le 16 novembre 1669, l'oraison funèbre d'Hen-
riette de France, qui avait été si malheureuse, bien qu'elle fût fille, femme
et mère de rois.
Le monastère royal de la Visitation est surtout célèbre (4) par les deux
retraites qu'y fit Mlle de la Vallière, la première en 1671, et la seconde trois
ans après, cédant la place à Mme de Montespan ; elle quitta la Visitation, en
avril 1674, pour entrer aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, sous le
nom de sœur Louise de la Miséricorde.
On peut citer, parmi les pensionnaires du très aristocratique couvent de
la Visitation, la fille du duc de Mortemart, gouverneur de Paris, sœur aînée
de Mme de Montespan; la fille du duc de Lorges; Marie Mancini, nièce du
cardinal Mazarin, qui avait eu l'ambition d'épouser Louis XIV ; la fille de
M. de Harlay, premier président du Parlement de Paris. M"" de Motteville,
auteur de mémoires sur Anne d'Autriche et la Fronde, morte en 1689, eut
dans ses dernières années un pied-à-terre au couvent de la Visitation. Marie
(1) Ce nom provcnail des conférences tenueR à Tile des Faisans pour faire la paix avec
l'Espagne et le projet de mariage de Louis XIV.
(2) On disait à cette occasion : le mur murant Paris rend Paris murmurant.
(3) Voir aux annexes (p. 256) l'article de M. Antoine Guillois, intitulé : « Paris depuis
ses origines Jusqu'à nos jours ».
(4) Voir aux annexes (p. 260) Tarticle de M. Léopold Mar sur le monastère royal de la
Visitation de Chaillot; et l'article (p. 267) de M. Edmond Wahl intitulé :» Souvenirs anglais
sur Chaillot et le bois de Boulogne »,
l2 iiisTOiiti^ r>r XVI' ARiinMii>isidMi:NT
d'Esté, seconde femme de Jacques II, roi d'Angleterre, s'y relira souvent, de
imHk 171K.
Les bâtiments de la Visilalion furent considérablement augmentés en ITOl,
La nouvelle chapelle de ce monastère, inaugurée le 3!) janvier ITOfi, se trou-
vait sur l'emplacement RCtuellement occupe par le bassin du jardin du Troca-
déro; en le construisant, on a trouvé beaucoup d ossements féminins, parce
que le cimetière oi'i on enterrait les visitandines était situé autour de cette
chapelle.
Quelques mois avant le It juillet 171N), le couvent de la Visitation futsup-
primé et les religieuses dispersées. Pendant la Terreur, les tombes niyales
furent violées et les œuvres d'art enlevées. Les bâtiments du monastère fu-
LE PASSÉ d'aUTEUIL. DE CHAILLOT ET DE PASSY l3
l'élit employés à divers usages pour le service de la natioa et ils ne furent
entièrement démolis que sous Napoléon !•'% pour donner place à la construc-
tion, alors projetée, du palais du roi de Rome.
L'emplacement compris entre le monastère royal de laVisitationet le Cours-
la-Reine était occupé par l'immense prairie de la Savonnerie, qui lut, sous
Louis XIV, transformée en une pépinière dont les sujets allaient peupler les
parcs royaux, ainsi que les promenades publiques; c'est sur cette prairie doma-
niale qu'Henri IV avait fait établir, vers 1605, la manufacture royale de la
Savonnerie (ij, pour y fabriquer des lapis dans le genre de ceux du Levant.
Elle avait son entrée au n" 25 du quai de ('haillot et se trouvait sur l'empla-
cement qu'occupe actuellement la Manutention militaire. On y conduisait
fréquemment Louis XllI, dans son enfance (2).
La reine Marie de Médicis avait établi à la Savonnerie un hôpital d'orphe-
lins qui y étaient « alimentez, entretenus et instruitz » et employés au tissage
de la toile.
Dans le Journal de voyages de deux jeunes Hollandais à Paris en 1656-1658
(H. Champion, 1900), il est dit que ces deux jeunes gens, nommés MM. de
Villiers, visitèrent un atelier de tapisserie dont le « maistre » Dupont leur
montra des portraits qu'ils prirent « de prime abord pour des tableaux de
véritable peinture », mais qu'en s'approchant, ils reconnurent faits « de
laine ». Ils ajoutent :
« Le père de cet excellent ouvrier en apporta le secret de Perse, où il avait
passé quelques années, et ce fut luy qui en establit la facture de la Savon-
nerie, où quantité de petits enfants sont entretenus avec un insigne advan-
tage du public, parce qu'outre qu'on les empêche de gueuser, on fait fleurir
un art qui n'est guère connu en Europe qu'en cet endroit. »
La Savonnerie, qui a été manufacture royale avant celle des Gobelins, fut
réorganisée par Colbert en 1663 et reconstituée par le duc d'Antin en 1713 ;
elle acquit une réputation européenne par la perfection de ses ouvrages et on
y a encore exécuté, sous le premier tlrapire, de très belles tapisseries. Elle a
quitté Chaillot en 1825, époque à laquelle elle a été réunie à la manufacture
des Gobelins.
Le monastère royal de la Visitation et ses dépendances s'étendaient entre
le quai de la Seine et la barrière Sainte-Marie (place du Trocadéro). Il était
borné d'un côté par le couvent des Minimes, ou Bonshommes, de Tautre
côté par la ruelle d'Hérivault, correspondant à la partie basse de la rue de
Magdebourg, qui le faisait communiquer avec le quai, et par la ruelle Sainte-
Marie, aboutissant à la rue des Batailles (aujourd'hui avenue d'iéna). Le mur
d'enceinte de Paris séparait les dépendances du couvent de la Visitation de
celles du couvent des Bonshommes ; ces dernières s'étendaient sur environ
le tiers des jardins du Trocadéro; le reste de l'emplacement occupé actuelle-
ment par ce jardin était compris dans l'enceinte du monastère de la Visita-
fi) Voir aux annexes (p. 278) l'article de M. le coin le Fernand de l'Eglise, sur la manu-
facture des tapis de la Savonnerie, ainsi que l'arlicle de M. Antoine Guillois intitulé : « Paris
depuis ses origines jus<iu7i nos jours ». Voir également, dans le 3"^" volume du Bulletin,
l'article de M. Henri Maïstre, intitulé : « (îhaillot et le bois de Boulogne en 1660 »'^
pp. 277 et 278; ainsi que l'article, du même auteur, intitulé : « Les manufactures de
Chaillot en l'an IX » {pp. 279 et 280).
(2) Voir aux annexes (p. 277) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : « Louis XIII au
XVI« arrondittsement. >•
H HISTOIRE DL' X\f ABBONDlt-SEMENT
tion, dont les dépendances renfermaient tout l'espace compris entre le quai
de la Seine, la rue de la Montagne (aujourd'hui rue Beethoven) et la rue
Vineuse. Sur le territoire d'Auteui), les terrains compris entre la route de
Versailles (longeant la Seine) et les hauteurs étaient occupés par quelques
r N. de Fer, (^âottrnphc de Sn Majcsli- catliolique.
Avec. |irivilj^gu du Roj*. — 1717.
(Colleclion de M. Ém. Polin.)
vignes et par les dépendances de la maison seigneuriale des abbés de Sainte-
Geneviève.
Ou voit qu'aux xvir et xviii" siècles, les rives de la Seine entre le Cours-la-
Reine et le Point-du-Jour, où se trouvent actuellement des quartiers
élégants, appartenaient, dans presque toute leur étendue, à quatre établis-
sements : la Savonnerie, le monastère de la Visitation, le couvent des Bons-
hommes et l'abbaye de Sainte-Geneviève.
LE PASSÉ D AUTEUIL, DE CHAILLOT ET DE PASSY l5
Le village de Passy (1), qui est mentionné, pour la première fois, dans une
charte de mai 1250, et fut érigé en seigneurie au xv' siècle, n'a été, pendant
plus de cinq cents ans, qu'un hameau dépendant de la paroisse d'Auteuil et
hahité par quelques vignerons et cultivateurs. Au xvn'^ siècle, comme on ne
pouvait se rendre de Passy à l'église d'Auteuil qu'en faisant un long trajet par
de mauvais chemins, Claude Chahu, seigneur de Passy, fit ériger, en 1666, une
chapelle (2), sous le vocable de Notre-Dame-de-Grâce, qui est devenue l'église
de Passy; cette succursale était desservie par la congrégation de Saint-Paul,
dite des Barnabites. Grâce aux dons et à la persistance de Mme Christine de
Heurles, veuve de Claude Chahu, le village de Passy fut érigé en paroisse par
lettres-patentes de Louis XIV, en date du 16 mai 1672.
L'église Notre-Dame-de-Gràce de Passy fut desservie par trois religieux
barnabites de 1672 à 1736 ; par quatre, de 1736 jusqu'à la Terreur, et, depuis,
par des prêtres du clergé séculier. La liste chronologique des curés de Passy,
par M. Léopold Mar, se trouve ci-après aux annexes (p. 248).
Dès le milieu du xvn^ siècle^ les médecins conseillèrent aux Parisiens de
séjourner pendant Tété à Passy, pour y prendre les eaux minérales (3), qui
faisaient alors concurrence à celles de Forges ; elles ont dû, avec la salubrité
de l'air (4) et le voisinage du bois de Boulogne, déterminer beaucoup de
citadins à venir, pendant la belle saison, à Passy, où l'établissement thermal
était situé entre la rue Raynouard et le quai de la Seine, sur des terrains qui
avaient été primitivement cultivés en vignes et où se trouvaient plusieurs
sources, ce qui avait fait donner à ce lieu, en latin, le nom de Fonlanitum, C'est
vers 1657 que la Faculté de médecine commença à s'occuper de la vertu cura-
tive de ces eaux ; elles tombèrent en discrédit dans les dernières année
du xvn* siècle ; mais, vers 1720, Tabbé Le Ragois les remit à la mode; on y
établit des jardins et des salons qui étaient fréquentés par des personnes de
toute condition et firent de ces eaux un lieu de plaisir. Elles furent l'objet
de rapports favorables à l'Académie des sciences en 1670 et 1671 ; les méde-
cins déclaraient qu'elles étaient ferrugineuses, suif ureuses et balsamiques et
(i) Pour rélymologic attribuée au nom de Passy, voir aux annexes {p. 279) un extrait des
documents déposés en 1892 par M. Antoine GuiUois sur le bureau de la Société historique
d'Auteuil et de Passy, l\ résulte d'un article de M. Tabariès de Grandsaignes, p. 164 du
IV* tome du Bulletin, que Passy est désigné en latin, sur d'anciens actes, par le mot
Paêsiamim et que cette désinence en acuni était généralement ajoutée, à l'époque gallo-
romaine et dans les premiers siècles du moyen âge, au nom du propriétaire pour dési-
gner un domaine rural; telle est Torigine des noms de lieu terminés en ac dans le midi
de la France (langue d*oc) et en y dans les pays de langue d'oïl.
(2) Voir aux annexes (p. 280) l'article de M. Léopold Mar sur la fondation de la paroisse
de Passy. Voir également, pp. 112 à 116 du premier volume du Bulletin, l'article de M. le
D' Paul Raymond, intitulé : « Documents sur Claude Chahu, Christine de Heurles et la
seigneurie de Passy. » Voir aux annexes (p. 49<*)) l'article de M. de Forges de Montagnac
sur le démembrement de la paroisse d'Auteuil.
(3) Voir pp. 236 à 238 du l" volume : « Les amusements des eaux de Passy », par
M. Léopold Mar, et pp. 10 à 12 du IV<: volume du Bulletin, l'article du même auteur, inti-
tulé : « Curieux litige entre l'abbé Le Ragois et le sieur Guichon ». Voir également» Les
origines des eaux de Passy et d'Auteuil », par M. le D' Paul Raymond, pp. 52 à 55 du
•W volume ; et un extrait des observations faites, en l'Académie des sciences, sur les
eaux minérales de plusieurs provinces de France, par M. Berrus, pp. 247 et 248 du II« vo-
lume du Bulletin.
(4) Le Moniteur du 9 mai 1882 constate que la première épidémie de choléra, qui avait
occasionné une très grande mortalité à Paris, n'avait fait qu'un très petit nombre de
victimes à Passy et à Auteuil. La même constatiition ressort d'une carte staUstique de
l'époque, que possèdent les archives de la Société historique.
l6 HISTOIRE DU XVI® ARRONDLSSEMKNT
les considéraient comme un remède contre la stérilité des femmes. Elles
jouirent d'une grande vogue pendant la plus grande partie du xviii'' siècle ;
il était de bon ton d'y aller. Laveillard, directeur des eaux, partit en 1785,
pour suivre Franklin en Amérique, et, rétablissement ayant alors changé de
propriétaire, l'entrée des jardins fut interdite au public; les eaux perdirent
leur célébrité ; elles étaient cependant encore fréquentées sous le premier
Empire, car on lit dans le Moniteur du 20 juin 1806 l'annonce suivante:
« Le public est prévenu que l'on continue toujours la distribution des
nouvelles eaux minérales de Passy, qu'on peut les prendre tous les matins
dans l'endroit même où jaillissent les sources d'où on les tire, et qu'un
jardin, qui n'est à l'usage que des buveurs d'eau, leur offre une promenade
agréable et contribue à les rendre pi us efficaces. » Les sources ont été englo-
bées dans la propriété de M. Benjamin Delessert, et leur débit s'est trouvé
beaucoup diminué par suite des fouilles exécutées pour établir les fonda-
tions des maisons du voisinage.
La situation de Passy et d'Auteuil entre Paris et Versailles, au milieu de
collines boisées du haut desquelles on a de très belles vues, a beaucoup faci-
lité rétablissement, pendant le xviii" siècle, de maisons de plaisance avec
parcs et jardins dans cette région: les châteaux qui s'y trouvaient, auprès
de ceux de la cour, ont été fréquemment habités par des personnages de
marque, appartenant à l'aristocratie, à la littérature, aux beaux-arts et à la
finance. Dans l'histoire de chaque rue, je me suis attaché à rappeler les prin-
cipaux personnages qui y ont séjourné autrefois. Pour Passy, les deux rési-
dences les plus importantes (1) étaient, au xviii' siècle, son château seigneu-
rial et le château de la Muette.
Déjà célèbres sous la seigneurie de M"* Chahu, le château et le parc de Passy
avaient une certaine importance. Samuel Bernard (1631-1739), riche ban-
quier qui s'était enrichi sous le ministère Chamillard et avait amassé,
dit-on, une fortune de plus de trente millions, dépensa 300.000 livres pour
embellir cette propriété et y installa son ancienne maîtresse, Mme de
Fontaine (2). Bernard de Rieux, fils de Samuel Bernard, et son petit-fils,
Bernard de Boulainvilliers, eurent ensuite le château seigneurial de Passy,
qui, vers le milieu du xviii'" siècle, était très luxueux et renfermait beaucoup
d'objets d'art, une chapelle et un théâtre. Le parc avait plus de 8 hectares ;
on y voyait une orangerie, des serres en cristal, des volières en filigrane d'or,
des grottes tapissées de verdure, des berceaux où le fruit était suspendu (3)
dans des treillages d'acajou ou de bois de rose, plusieurs terrasses et beau-
coup de statues. 11 était situé en amphithéâtre sur la hauteur occupée actuel-
lement par la rue de Boulainvilliers; les jardins s'étendaient jusqu'à la route
de Versailles. La rue Raynouard séparait le parc du potager, qui était pourvu
de deux bassins et avait une superficie de plus de 4 hectares.
(i) En ce qui concerne Auleuil, on peut se reporter aux pages relatives à l'histoire du
quartier d'Auleuil, pour le chAteau du Coq, la maison de Mme Helvélius, celle de Boileau
la maison seigneuriale des abbés de Sainte-Geneviève et le cliAlcau des Boufflors.
(2) Samuel Bernard maria une deslilles de Mme de Fontaine au fermier général Dupin ;
elle devint célèlire par son esprit et sa beauté ; son (Ils, Dupin de Krancueil, également
fermier général, épousa Marie-Aurore, fille naturelle du maréchal de Saxe et veuve du
comte de llorn; de ce mariage naquit Maurice Dupin, père de Mme George Sand.
(3) Voir Hmvrage de (^apellgue, ikititulé : « Mesdemoiselles de Nesles et la jeunesse
de Louis XV >», Paris, Amyot, 1864.
LE l>A3St: DAUTEUIL, DE ClIAItLOT ETDE PASSY IJ
L'époque la plus brillante du cliâteRu seigneurial de Passy fut celle du
séjour de M. de la Pouplinière (i), lermier générni, à qui le marquis de
Boutainvilliei's avait cédé à vie ce château eu 1747 ; il y recevait des dames
dignes du pinceau de Watteau, des écrivains et des artistes; pour avoir son
orchestre constamment à sa dispositiou, il logeait tous ses musiciens au chà- ■
teau. On peut citer, parmi seshcHes, Jean-Jacques Rousseau, le maréchal de
Richelieu, Marraontel, Hameau, (iossec, La Condamine.le peintre pastelliste
La Tour, Mme de Genlis.
(Cliâtcau seigneurial de l'assy.
Louis-Philippe Rameau (1683-1761) était Tils d'un organiste de Dijon et fut
lui-même organiste pendant la première partie de sa carrière ; il tint l'orgue
à Lille, puisa Clermont, et ne commença ii composer qu'à l'âge de quarante
ans. Il publia, en 1722, son Traité d' harmonie ; il fit représenter, eu 1739,
l'opéra de Z)ar</(rnus, qui établit sa réputation, à laquelle avnit également con-
tribué son drame lyrique de Castor et Pollu.v (1737). De 1748 à 1751, il fit
de fréquents et longs séjours au cbiUeau seigneurial de Passy, où il dirigeait
les concerts du fermier général La Pouplinière. 11 avait été créé par Louis XV
chevalier de Saint-Michel (i) et compositeur du cabinet du roi.
(l) Voir aux ,-inncies (p. a84} l'arliule intitulé : « Le cliAlenu seigneurial de Passy soua \o.
règne de M. de la Pouplinière 'i, pur M. Li'utioldMar; également aux annexes (p. 2871 l'article
du niénic aul«ur intilulé : - La Tour â l'assy el h Auteuil » ; p. i88, lu note sur « Jean-
Jacques à la fi'to de Pnssy •> ; ainsi i|ue lartitle (p. ii88j do M. Kdround Watil sur Mme de
Voir éftalement ri-aprfcs les détails donnés sur ce chdtcau dans la notice concernant
la rue de DoulainvillierK, p. io.1.
(3j Voir l'article de U. Emile Potin sur Hameau p. (ju du IV' vnlunie du Ballelin).
a HISTOIRE DL- X
Le dernier châtelain de Passy, Aniie-Gabriel-Henri, marquis de Boulaia-
(Colltctlnn <1.- M. Eni. Putin.)
villiers, seigneur de Saint-Saire, de Passy -lez- Paris et de Saiot-Pol-dc-
LE PASSÉ D AUTEUIL, DE CHAILLOT ET DE PASSY ^9
Gresoles, prévôt de la ville, prévôté et vicomte de Paris (1724-1793),
mourut en prison, pendant la Terreur. Après sa mort, M. Cabal, ancien
notaire de Paris, devint propriétaire du château de Passy et de ses princi-
pales dépendances; en 1826, il vendit ce domaine à des spéculateurs qui
établirent, dans le parc et le potager, un nouveau quartier occupant aujour-
d'hui une partie de la rue de Bouiainvilliers et de ses abords.
Le château de la Muette n'était, dans l'origine, qu'une maison bâtie dans
le bois de Boulogne, soit pour y garder les mues des cerfs, soit pour y mettre
des oiseaux de fauconnerie quand ils sont en mues; on peut supposer
que le château doit son nom à cette circonstance ; toutefois, d'autres étymo-
logies (1) ont été indiquées. Cette maison devint un rendez-vous de chass3
sous le règne de Charles IX ; elle fut donnée, le 27 mars 1615, au dauphin
(Louis XIII), à Toccasion de la déclaration de sa majorité, par la reine
Marguerite de Valois, première femme de Henri IV. Fleuriau d'Armenon-
ville (2), directeur des finances, donna une fête très brillante au duc et à
la duchesse de Bourgogne, le 6 septembre 1707, à ce château dont le roi
lui donna la jouissance, en érigeant pour lui une nouvelle capitainerie du
bois de Boulogne. En 1716, Fleuriau d'Armenonville céda la Muette au
Régent sur sa demande ; il fut installé au château de Madrid et reçut,
en outre, un brevet de quatre cent mille livres. Le Régent embellit le
château, qui devint la résidence favorite de sa fille, la duchesse de Berry :
elle occupait à Paris le Luxembourg. En mai 1717, le tsar Pierre le Grand
fut rhôte de la duchesse de Berry à la Muette. Après la mort de sa fille,
le Régent céda le château à son pupille Louis XV (3), alors âgé de neuf
ans, qui y vint souvent pendant sa minorité et y fit plusieurs séjours au
commencement de son règne, avec la cour. C'est à la Muette que le lieute-
tenant général, devenu plus tard le maréchal de Richelieu, organisa une
entrevu© de la comtesse de Mailly avec Louis XV, alors âgé de vingt-
deux ans. Plus tard, la marquise de Pompadour quitta sa résidence de
Bellevue pour venir séjourner à la Muette, où elle fit peindre par Oudry les
dessus des portes de la salle à manger ; le vestibule était orné de tableaux de
Van der Meulen. Après la mort de la marquise (4), survenue à Versailles le
(i) Voir aux annexes (p. 3i3j des observalions de M. Emile Potin au sujet de Téty-
moio^e du mot « Muette ».
(2) Voir aux annexes les articles suivants : (p. IV 2^) celui de M., le comte Fernand de
l'Église sur le Château de la Muette ; (p. 3oo) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : « Les
quatre gouverneurs du château royal de la Muette » ; (p. 299) de M. le comte F. de l'Eglise
•t La mort de la duchesse de Berry à la Muette »; (p. 3io) « Un extrait des Confessions de
Jean-Jacques Rousseau » ; et (p. 3o3) une note de M. Léopold Mar, indiquant les personnages
qui ont résidé à la Muette. Voir également Tarticle de M. Louis de Méric, intitulé : « Per-
sonnel des châteaux royaux sous Louis XV, pp. i5i à i55 du second volume du Bulletin.
(3) Voir aux annexes (p. 3o4) les deux notes de M. Léopold Mar, intitulées : « La Biche
du Roi », et «< Projet de reconstruction du château de la Muette ».
(4) Le maréchal duc de Soubise, qui fut gouverneur du château de la Muette pendant
dix-sept ans, était très protégé par la marquise de Pompadour, même après avoir perdu
la bataille de Rosbach contre le roi de Prusse, ce qui inspira les vers suivants :
En vain vous vous flollez, obligeante marquise.
De mettre en beaux draps blancs le «rônéral Soubise ;
Vous ne pouvez laver, ù force de crédit,
La tache qu'à son front imprima sa dis<;ràce ;
Et quoi que votre faveur fasse,
Eu tout temps ou dira ce qu*à présent Ton dit :
• yue si Pompadour le blancbit,
Le roi de Prusse le repasse. »
IIISTOIKh: t>U XVI'' AHRONIIISSKMENT
15 avril 1764, Louis XV ne vint jplus à la Muette qu'incognito, sous le titre de
comte de Gonesse, avec le maréchal de Richelieu et quelques autres confi-
dents, pour s'y livrer à ses goûts dépravi's avec plus de liberté qu'il nen
avait à Versailles. Il fit rehâtir le château et consli-uire aux ahords, pour les
gens de service, plusieurs maisons en face des(iuelles ou voyait le parterre de
l'escarpolelte ; de laulro ertté (Iurli)'<Ie;iM se trouvaicnl la lailcrieet la pompe:
LE PASSÉ d'aUTEUIL, DE CHAILLOT ET DE PASSY gj^
au nord-esl s'étendaient les autres dépendances : ferme, orangerie, faisan-
derie, etc.
(y est au château de la Muette que Marie-Antoinette passa la journée du
15 mai 1770, précédant celle de la célébration solennelle de son mariage avec
le dauphin, petit-fils de Louis XV. C*est également à la Muette qu'elle résida
généralement (1) avant de devenir reine de France, et c'est à ce château
qu'elle reçut, avec Louis XVI, le 5 juin 1774, les grands corps de TÉtat
venant présenter leurs compliments de condoléance sur la mort de Louis XV
et de félicitations sur Tavènement au trône des nouveaux souverains. Les
7, 8 et 9 juin, toutes les personnes présentées à la cour eurent Thonneur de
faire leurs révérences de deuil à Leurs Majestés et à la famille royale. J'em-
prunte à une communication de M. Ch. Chandebois (i) Tanecdote suivante
au sujet de ces révérences :
Les plus vieilles comme les plus jeunes dames accoururent à la Muette
pour ce jour de réception générale, et les révérences profondes de certaines
douairières, coiffées de petits bonnets noirs h grands papillons, prêtaient à
rire. La reine, qui avait beaucoup de respect pour les convenances, s'effor-
çait de ne pas commettre la faute grave de perdre le maintien qu'elle devait
observer ; une plaisanterie indiscrète d'une des dames du palais lui en
donna cependant le tort apparent. La marquise de Clermont- Tonnerre, fati-
guée de la longueur de la séance, et forcée par les devoirs de sa charge de se
tenir debout derrière la reine, trouva plus commode de s'asseoir à terre sur
Ict parquet, en .se cachant derrière les robes à panier de la reine et des
dames du palais ; de là, elle tirait les jupes de ces dames. Le contraste des
espiègleries de M"' de Clermont-Tonnerre avec le sérieux de la repré-
sentation qui régnait dans la chambre de la reine déconcerta Sa Majesté
plusieurs fois ; elle portait son éventail devant son visage pour cacher un
sourire involontaire ; l'aréopage sévère des douairières déclara que la reine
n'aimait que la jeunesse, qu'elle avait manqué à toutes les bienséances et, le
lendemain, on faisait une chanson dont le refrain était :
Petite reine de vingt:ans,
Vous qui traitez si mal les gens,
Vous repasserez la barrière.
Louis XVI signa au château delà Muette plusieurs édits, notamment celui
par lequel il renonçait au droit de joyeux avènement (3).
Le premier voyage d'un ballon libre et portant des voyageurs (i) a eu
pour point de départ, le 21 novembre 1783, le jardin de la Muette ; le ballon,
du système des frères Montgolfier, inventeurs de l'aérostation, était monté
par le marquis d'Arlandes et Pilâtre de Rozier ; le trajet, qui était de 8 kilo-
(i) Voir la correspondance entre Tlmpératrice Marie-Tlw^rèse et son ambassadeur, le
comte Mercy d'Argenleau (d'après Alfred Darnelle cl Geffroy Didol, 1774), qui <^tait chargé
de conseiller la jeune dauphine et de rendre compte à sa ni6re de ses conversations, de
ses relations et de toutes ses actions.
(2) Voir aux annexes (p. 3o4) Tarticle de M. Ch. Chandebois, intitulé : « Cérémonies de
révérences de deuil à la Muette »».
(3) V^oir aux annexes {p. 3o5) l'article de M. Léopold Mar, intitulé: « L'édit de la Muette
et les différents séjours de la cour de Louis XVi au château de ce nom ».
(4) Voir également aux annexes (p.3o8) l'article de M. Léo|)old Mar, intitulé ; « Le premier
voyage aérien, 21 novembre ijHZ ».
22 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
mèlres, fut fait en dix-sept minutes ; les voyageurs s'étaient élevés à la hauteur
de 950 mètres.
(Culk'rliuii ili' M. Cliantletiaia.)
Les mécaniciens anglais Miln père et fils, ayant, en 1785, oITert au gou-
vernement français de naturaliser une nouvelle manière de carder et de filer
LE PASSÉ d'aUTEUIL, DE CÏIAILLOT ET DE PASSY 23
le coton, obtinrent, pour l'encouragement de cet établissement, une subven-
tion de 60.000 francs, un traitement annuel de G.OOO francs, un local gratuit
dans le château de la Muette, alors assez délaissé (et où ils eurent à payer un
loyer à dater de i791) et enfin, une prime de 1.^00 francs par chaque assorti-
ment de machines qu'ils justifieraient avoir fourni en France à des fabricants.
Miln et ses fils furent arrêtés le 15 octobre 1793.
En 1788, Louis XVI, désirant alléger les dépenses, fit de grandes réformes
dans sa maison et ordonna la vente de plusieurs châteaux ; la Muette fut
comprise dans cette dernière disposition ; cependant elle n*î fut pas vendue à
cette époque, mais, dès lors, elle cessa d'être une résidence royale.
En 1790, c'est dans le jardin de la Muette que fut servi le grand banquet
donné par la Ville de Paris aux députés des corps de l'armée et des communes
de France; plusieurs milliers de fédérés prirent part à ce banquet.
Le château de la Muette fut mis en vente par décret du ^6 mai 1791 (1);
le conseil général de la commune de Passy, comprenant l'avantage qu'il y
avait à conserver cette belle propriété sur son territoire, arrêta, le 29 mai,
qu'il présenterait une soumission pour l'acquérir; mais le manque de fonds
ne permit pas de réaliser cette opération. La propriété fut morcelée; une
partie fut aliénée et l'autre resta propriété de l'État, puis de la Couronne
jusqu'au commencement du règne de Louis XVIII, époque à laquelle elle fut
définitivement distraite de la liste civile. Talleyrand avait loué à l'État le
château de la Petite-Muette et Ta habité sous le Directoire.
Le château et le parc de la Muette furent achetés en 1820, pour 275.000 fr.,
par Sébastien Érard, qui, né le 5 avril 1752, fonda sa fabrique de pianos en
1780, fut nommé le 27 octobre 1810 facteur de pianos et de harpes de Leurs
Majestés impériales et royales et reçut, le 29 décembre 1815, le brevet de
facteur de pianos et de harpes de la cour. Sébastien Érard olïrit au roi de
reprendre, pour le prix d'achat qu'il avait payé, cette ancienne maison
royale de plaisance ; mais Louis XVïlï ne crut pas devoir profiter de cette
offre.
C'est au château de la Muette que Sébastien Érard mourut, le 5 avril 1831 ;
il y avait réuni une magnifique collection de tableaux, qui fut vendue en
août 1832. Les docteurs Pravaz et Guérin furent autorisés, en 1835, à établira
la Muette un institut orthopédique.
Depuis la mort de Sébastien Érard, le château de la Muette n'a pas cessé
d'appartenir à sai famille, qui a tenu à conserver cette habitation, où l'accueil
bienveillant de la dernière reine de France avait contribué à décider de sa
fortune. Le légataire universel de Sébastien Érard était son neveu, Pierre Érard,
qui fut nommé officier de la Légion d'honneur en 1851, à la suite de l'Expo-
sition universelle de Londres, où il avait obtenu Tunique « Council medal »,
décernée à Tindustrie des instruments de musique. 11 mourut à Paris, le
5 août 1855, et, après sa mort, sa veuve se fixa tout à fait à la Muette ; n'ayant
pas eu d'enfant, elle fit donation de cette propriété à sa nièce, dont le mari,
M. le comte de Franqueville, membre de l'Institut, habite encore aujour-
d'hui le château.
Le parc, qui n'occupe qu'une partie de l'ancien domaine royal de la
. 1 . Voir aux annexes [p. 3oy) la noie de M. Léopolcl Mar, concernant la vente de biens
nationaux dans la région de Passy.
24 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Muette, est très vaste, quoiqu'il ait été diminué par suite de l'exécution de
divers travaux de voirie, notamment des chemins de fer de l'Ouest.
Lord Ranelagh, pair d'Irlande, était un grand amateur de musique ; il fit
construire dans son parc de Chelsea, près de Londres, une rotonde où
chaque jour un orchestre venait jouer ; la haute société anglaise fréquentait
ces concerts. Après la mort de lord Ranelagh, vers le milieu du xviii* siècle,
une compagnie acheta son parc et y continua la musique, en faisant payer
aux auditeurs un droit d'entrée de 3 shellings ; on installa des fêtes pu-
bliques et des bals dans ce jardin, qui conserva longtemps le nom de son
ancien propriétaire et a été remplacé par Cremorn-Gardens. En 1772, Morisan
et Tardé, artificiers du roi, qui avaient été donner des fêtes en Angleterre
et y avaient vu le Ranelagh anglais, conçurent l'idée de fonder un établisse-
ment semblable auprès de Paris. Ils obtinrent du maréchal prince de Soubise,
gouverneur du château de la Muette fi) et grand écuyer du bois de Boulogne
(dont Morisan était le subordonné, puisqu'il était garde de la porte de Passy),
la concession d'une grande pelouse, située dans le bois de Boulogne, où l'on
dansait quelquefois en plein air, sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui
notre Ranelagh. La première salle fut ouverte le lundi 25 juillet 1774, sous le
nom de petit Ranelagh; en 1779) on ajouta une seconde salle, plus aérée et
plus vaste, et, depuis lors, ce local servit de réunion quelquefois à la cour et
souvent au Paris qui s'amuse. En 1783, cent gentilshommes, payant chacun
une cotisation de 72 francs par an, louèrent à Morisan son jardin pour y
donner, chaque semaine, un bal champêtre où leurs invités étaient seuls
admis. La reine Marie-Antoinette et le comte d'Artois (qui régna plus tard
sous le nom de Charles X) ne dédaignèrent pas de venir danser au Ranelagh.
En 1784, Audinot installa (2), auprès de l'établissement du Ranelagh, son
théâtre des « Petits Comédiens de Bois » (3).
La Révolution interrompit ces fêtes ; le peuple envahit les salons et les
bosquets et vint y danser la carmagnole ; Morisan, qui n'encaissait plus que
de très maigres recettes, dut faire démolir, en 1793, ses légères constructions,
afin d'en vendre les matériaux. Mais il refit de bonnes affaires sous le Direc-
toire; le célèbre danseur Trénitz amena au Ranelagh, reconstruit en 1796,
ses cohortes de muscadins et de merveilleuses. Sous l'Empire, Morisan donna
avec succès des fêtes militaires et mourut au bon moment; car, peu de jours
après sa mort, les Cosaques vinrent bivouaquer sur ses pelouses, et ses bâti-
ments furent convertis en hôpital militaire. L'ennemi parti, une société de
jeunes élégants réorganisa au Ranelagh des fêtes aristocratiques, qui étaient
données le jeudi et le samedi ; la duchesse de Berry y vint fréquemment. Le
bal du Ranelagh était dirigé, sous la Restauration, par Mabille, qui créa ensuite
le bal du jardin Mabille, à l'allée des Veuves (aujourd'hui avenue Montaigne).
Le 21 août 1830, on donna au Ranelagh un grand bal dont le produit
était destiné à soulager les veuves, les blessés et les orphelins des 27, 28 et 29
juillet 1830 : la souscription était fixée à trois francs pour un cavalier et à
deux francs pour une dame. Après la révolution de 1830, le Ranelagh rede-
(i) Voir aux annexes (p. 3io) une communication de M. Ant. Giiillois à la Société histo-
rique d'Autcuil et de Passy; on y trouve un historique du bal du Ranelagh.
(2) Voir aux annexes (p. 3i4) une note concernant le théâtre d'Audinot.
(3) Voir, pour le bal du Ranelagh, un article de M. Ch. de Boigne, extrait du Comm^-^
tionnet, tome IV, pp. 94 et 95 du VI» volume du Bulletin^
LE PASSÉ d'aI'TEUIL, QE CMAILLOT ET DE PASSV 35
vint bnl public et tliéâtre forain. Le glacier llerny, gendre de j^iorlaan. flt
exécuter, en 1H31, de nouveaux bâtiments décoré» avecguùt, sous la direction
de M. l'eyre, architectfl du gouvernement ; les fêles du Hanelagli eurent de
nouveau une grande vogue, principalement en 18ii et ISiG. L'établissement
du Ranelagh a disparu en IH^K, lors de l'exécution des grandes avenues qui
ont transformé Passy (1).
Une grande partie des anciennes maisons de Paris a été bâtie avec des
pierres extraites du sous-sol de la capitale, ('e mode de procéder était très
commode à l'époque où l'imperfection des moyens de transport s'opposait à
iColleclion Je M. Clioinlebib.)
l'utilisation de carrières lointaines; maisila présenté l'inconvénient de créer,
au-dessous d'une partie de la grande ville, des vides qui peuvent occasionner
des eHondrements : c'est pour prévenir des accidents de ce genre, sous les
voies publiques, que le service de l'inspection générale des carrières (2) a été
créé en 1777. iieaucoup de pierres à bâtir ont été extraites des carrières sou-
terraines ouvertes dans le calcaire grossier, au-dessous d'une partie des quar-
tiers de Chaillot et de Passy; cette exploitation a été fort active pendant les
xvu'elxvnr siècles et pendant le couimeucemenlduxix" siècle. L'exploitation
des carrières souterraines a été interdite dans l'intérieur de Paris, parle
fil Lp3 Jemitrcfi coiiHlriiclionii imncipales devaient se trouver sur l'emplacement ilu
afinttuci de l'iivrnue Riiphaitl. appartenant Ji M. Bcrrus.
Le bal du Ranelagh eut une Rrnnde vo^ur bou!" la direction do M. Uemy; on y ren-
contrait le Tout-Paris de l'i^poiiue et beaucoup dn pcrsunnagcsi un df» li.ibituiïs de ce
bai ^Liit le prince de Syracuse, nommé vice-roi de Sicile par sun Tr^re le roi de Naplea
Ferdinand II, lora de son avènement nu trAne {H nuvvintire ilfUu).
{■y MoD arUcle intiluli! ; " Les carritres souterraines el le sous-sol du XVI' .-irrnndis-
sèment >. et insËré dans le liulMin, c^t reproduit aux annexe» (p. 3tô): on y trouvera éga.
lemeot (p. 3i4) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : .. Pa^ay et Chaillot souterraiua ■,
26 HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
décret du 22 mai 1813 ; la môme mesure a été appliquée en 1860 à la zone
annexée, comprenant le XVp arrondissement, où le nombre des rues ayant
leur sol sous-miné est de quarante et une ; la longueur des galeries souter-
raines d'inspection s'y élève à 6.419 mètres.
Uancîen mur d'enceinte de Paris, construit sur la demande des fermiers
généraux en vue de soumettre tous les consommateurs au paiement des
droits d'entrée, fut exécuté, de 1784 à 1786, sous la direction de Tarchitecte
Ledoux. Cinq barrières 4I) faisaient alors communiquer Passy avec Paris.
Après l'achèvement ^e ce mur d'enceinte, la partie de Chaillot qui se trouvait
en dedans de ce mur était définitivement réunie à Paris, et la paroisse de
Passy était limitée par la Seine, par le mur d'enceinte (chemin de ronde de
Sainte-Marie, boulevards extérieurs de Longchamp et de Passy, place de
l'Etoile), par la paroisse d'Auteuil, par la partie de la grande route de Paris à
Cherbourg qui forme actuellement l'avenue de la Grande-Armée, et enfin
par une ligne prolongeant la rue de Longchamp et par une autre ligne tra-
versant le bois de Boulogne sur l'emplacement qui est occupé aujourd'hui
parles lacs. La paroisse d'Auteuil avait toujours été, depuis 1672, séparée de
celle de Passy par le chemin des Tombereaux (aujourd'hui rue de l'Assomp-
tion) ; vers Billancourt, elle était limitée par la grande route de Paris à
Versailles et par un sentier, qui est devenu actuellement l'avenue Victor-
Hugo de Boulogne.
Les droits seigneuriaux ont été exercés jusqu'à la fin du règne de
Louis XVI par les abbés de Sainle-Cieneviève à Auteuil, par les seigneurs à
Passy et par le prévôt des dames du monastère royal de la Visitation sur
leurs domaines. A partir de 1787, Auteuil et Passy dépendirent pendant
quelque temps (2) de l'arrondissement de Bourg-la-Reine, département de
Corbeil. La loi du 22 décembre 1789 fit de Boulogne, Auteuil et Passy des
communes du département de Paris, arrondissement de Saint-Denis ; ces
trois communes formaient alors un canton dont Passy a été le chef-lieu
depuis 1790 jusqu'en l'an VIIÏ. A l'époque oii l'on créa les sous-préfectures,
en remaniant les cantons, les communes d'Auteuil et de Passy furent placées
par la loi du 13 décembre 1799 dans le canton de Neuilly (arrondissement de
Saint-Denis).
Enfin, la loi du 16 juin 1859 a annexé à la Ville de Paris (3) la partie des
territoires d'Auteuil et de Passy située à l'intérieur de l'enceinte fortifiée et
a réuni le surplus à la commune de Boulogne-sur-Seine. Le décret du l*""^ no-
vembre de la même année a constitué le XVP arrondissement, et l'annexion
a été effectivement réalisée le 1*"^ janvier 1860. L'ancien faubourg de Chaillot
(partie comprise à l'intérieur du mur d'enceinte et limitée par la voie nommée
actuellement avenue Marceau) a fait partie du I" arrondissement de Paris
jusqu'au 31 décembre 1859, date où l'ancien V^ est devenu le VHP, en même
temps qu'il perdait, à l'ouest, Chaillot rattaché au XVPet, à l'est, le quartier
des Tuileries et du Louvre, annexes au I'*^ arrondissement actuel.
(1) Voir aux annexes (p. 324) larlirle de M. Léopold Mar, inlilulé : <« Nos anciennes
barrières ».
(2) Voir l'ouvrage de M. Fernand Bournon sur rAsseml)l(^e provinciale de l'Ile-de-
France (départements de Saint-Germain et de CorbeiT, de 1787 à 1790.
(3) Voir aux annexes (p. 332), un extrait de ]a loi du lO juin isrHj et l'indication des
limites des quatre quartiers du XVl» arrondissement.
LE PASSE DAUTEUIL, DE CHAILLOT ET DE PASSY 27
Le XVI* arrondissement de Paris, dont la superficie est de 709 hectares (1),
est divisé en quatre quartiers : Auteuil-Poiat-du-Jour, la Muette, la Porte-
Dauphine et Cbaillot. Ce dernier, qui avait été d'abord nommé quartier des
Bassins, a reçu sa dénomination actuelle (i) par décret du !20 avril 1896,
pour rappeler le souvenir d'une localité importante ; en réalité, Tancien
village de Cbaillot, dont dépendait la plus grande partie du quartier actuel
de Cbaillot, comprenait, en outre, une partie du quartier des Champs-Elysées.
Les limites du XVP arrondissement sont : l'axe de l'avenue de la (irande-
Armée, qui le sépare du XVII" ; celui de l'avenue Marceau, qui le sépare du
VII !% la Seine, qui le sépare du VIP et du XV', enfin le bois de Boulogne,
dont il est séparé par les fortifications. Ses principaux monuments sont :
l'Arc de l'Etoile, le palais du Trocadéro, la Mairie, les quatre églises parois-
siales et quelques belles chapelles, les ponts sur la Seine, le lycée Janson-de-
Sailly, le musée Guimet, le musée Galliéra. Il ouvre neuf portes sur les for-
tifications : Billancourt, Point-du-Jour, Saint-Cloud, Molitor, Auteuil, Passy,
Muette, Dauphine et Maillot. Il est desservi par sept gares des chemins de
fer de l'Ouest (porte Maillot, avenue du Bois-de-Boulogne, avenue Henri-
Martin, Passy, Auteuil, Point-du-Jour et Boulainvilliers), et par huit stations
du chemin de fer métropolitain (porte Maillot, rue d'Obligado, Etoile, placedu
Trocadéro, rue Boissière, avenue Kléber, place Victor-Hugo et porte Dauphine).
La population de Passy était, en 1793, de 2.500 âmes en hiver (3.500 pendant
sept mois de la belle saison) ; en 1800, elle avait diminué et n'était plus que de
1 800 ; elle était de 2.300 en 1807, de 3.034 en 1820, de 3.528 en 1829, de 4.200
en 1831, de 5.702 en 1836,de6.704 en 1841, de 8.G57 en 1846, de 10.375 en 1848,
et enfin de 17.494 âmes en 1856, date du dernier recensement avant l'annexion.
Dans ces dernières années, la population de l'ancien Paris est restée à
peu près stationnaire, tandis que celle de la zone annexée s'est accrue de
plus de six cent mille âmes; cette progression paraît devoir continuer, car
la zone annexée renferme encore beaucoup de terrains non bâtis.
Le tableau ci-après donne, pour chacun des quatre quartiers du XVP arron-
dissement, les résultats des deux derniers recensements, pour la population
de fait :
QUARTIERS
Auteuil
La Muette . . .
Porte-Dauphine.
Chaillot
Totaux
RECENSEMENT DE
1896
22 071
26.961
21.043
31.502
101.577
1901
29.134
30.043
24 319
33.591
117.087
(i) La largeur exlréme du XVI« arrondissement est de i.45o mètres, du Trocadéro A la
porte Maillot; sa plus grande longueur, de 4-85o mètres, de la Porte du Point-du-Jour à la
Porte Maillot, et sa largeur la plus minime, de 35o mètres, de la Porte de Saint-Cloud à
la Porte de Billancourt.
(2) Voir aux annexes (p. 333) le décret du 20 avril 1896 et le rapport qui le précède.
28
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
La population du XVI'' arrondissement s'était accrue d'environ 17.000 âmes
de 1891 à 1896; on voit que de 1896 à 1901, elle s'est augmentée d'environ
15.500 âmes, ce qui correspond à un accroissement continu de trois et demi
pour cent par an. De 1896 à 1901, la population des dix premiers arrondisse-
ments, c'est-à-dire du centre de Paris, n'a augmenté que de 1.686 habitants,
tandis que, dans le même laps de temps, la population de la périphérie s'est
accrue de 124.315 habitants.
Le loyer moyen, qui n'est que de 571 francs pour l'ensemble de la ville
de Paris, en 1901, dépasse 2.000 francs pour le quartier de Chaillot, 1900 francs
pour celui de la Porte-Dauphine, 1.100 francs pour celui de la Muette, et
600 francs pour celui d'Auleuil.
^■■^•:^
îfe
/
SM^
IL — Histoire des quartiers de Chaillot, de la Muette
et de la Porte-Dmiphine
(Anciens territoires de Chaillot et de Passy).
Pour donner quelques indications historiques sur les rues qui ont été suc-
cessivement établies sur le territoire de Tancienne commune de Passy, je les
classerai, autant que possible, suivant Tordre chronologique de leur ouverture,
totale ou partielle. Je commencerai donc par énumérer celles qui ont été per-
cées avant le xix^" siècle (i); elles sont marquées sur le plan dessiné en 1731
par Roussel, dont un extrait se trouve ci-contre, ou sur le plan publié en
1800 par Picquet.
RUES QUI EXISTAIENT AU XVIIb SIÈCLE
Ces anciennes voies pourraient être divisées en deux catégories, dont la
première comprendrait les rues bâties avant le xix" siècle (telles que la rue
de Chaillot, la rue de Passy, etc.) et la seconde les routes et chemins qui
étaient dès cette époque livrés à la circulation publique, mais n'étaient bordés
en 1800 que de quelques maisons isolées, et ont été peu à peu transformés en
rues (par exemple la rue de la Tour, la rue de Longchamp, etc.). Toutefois,
je ne considère pas, dans cet ouvrage, comme rues existant au xvnp siècle,
celles qui ont remplacé d'anciens chemins plus ou moins étroits et sinueux,
mais pour lesquelles le premier classement ou le premier titre établissant leur
reconnaissance comme rues est postérieur à l'année 1800 ; elles seront énu-
mérées ci-après, suivant l'ordre chronologique de leur classement et comme
ne datant que du xix*» siècle.
La rue de Chaillot exislQ depuis plus de douze cents ans; elle dépend du
VIII et du XVI' arrondissement; je n'ai à m'occuper ici que de la partie située
sur le XVP, qui est assez courte, mais comprend Véglise Saint-Pierre de
fi] J'ai clivi»é ce travail en trois parties : i" les rues qui existaient à la fin du
xviii*' siècle ; 2* celles qui ont Hé ouvertes pendant la première raoilié du xix* siècle ;
3* cellofs qui ont été ouvertes de 1850 A 1901.
3o HISTOIBE DU XVl'' AMRONDISSEMENT
Chaillot (\), mentionnée, comme il a été rappelé ci-dessus, dans une bulle
pontificale de Tan 1097.
L'église actuelle a été rebâtie d*abord vers la fin du xvn« siècle, puis en
1740 ; elle se compose d'une nef terminée par un chœur, avec bas-côtés, mais
sans transept; la façade de l'édifice, sur la rue de Chaillot, n'olTre de remar
quable que sa vieille tour, d'ailleurs peu élevée. La grosse cloche, posée en 1777
dans le clocher, eut pour parrain et marraine Louis XVI et Marie -Antoinette ;
elle fut nommée Louise-Antoinette et fut bénie par le futur cardinal Domi-
nique de La Rochefoucauld, alors archevêque de Rouen. Une nouvelle recons-
truction de l'édifice eut lieu en 1785 et 1786.
Sous la Révolution, l'église de Saint-Pierre de Chaillot, conservée d'abord
comme paroisse (2), en vertu de la loi du 4 avril 1791, fut fermée en 1793,
mise en vente, adjugée le 24 août 1796. Rendue au culte le 29 avril 1803, elle
devint alors troisième succursale de la paroisse de la Madeleine. Le curé
racheta l'immeuble et le légua par testament à une dame, qui le vendit, à la
date du 24 septembre 1821, à la Ville de Paris, moyennant la somme princi-
pale de 38.000 francs et une rente perpétuelle sur l'État de 530 francs au nom
et au profit de la fabrique de l'église de Chaillot, pour l'acquittement de divers
services dont l'édifice se trouvait grevé.
L'église suffisait à l'ancien village de Chaillot, mais elle n'était pas appro-
priée aux besoins d'un vaste et riche quartier de Paris. Reconnaissant cette
insuffisance, l'administration municipale, sous le second empire, avait réservé,
sur l'emplacement des anciens réservoirs de la pompe à feu de Chaillot, avec
façade sur l'avenue d'Iéna,un terrain de 5.040 mètres carrés, où l'on aurait pu
ériger une construction devant remplacer Téglise actuelle. La réalisation de
ce projet fut ajournée, parce qu'on prétendit que cet emplacement, actuelle-
ment occupé par la place des États-Unis, était trop éloigné du centre de la
paroisse. Les événements de 1870-1871 firent abandonner ce projet. On s'oc-
cupa ensuite de projeter une nouvelle église sur un terrain voisin de celui où
on a construit le musée Galliéra; mais les négociations entamées pour l'ac-
quisition du terrain nécessaire ne purent aboutir. 11 fallut donc se borner
à améliorer sur place l'église de Saint-Pierre de Chaillot, dont la cure avait,
dès 1866, pris rang de première classe. L'hôtel de M. de Tubiny, contigu à
l'église, fut acheté ; sur son emplacement, on établit le presbytère, et M. l'ar-
chitecte Paul Marbeau érigea une chapelle qui est dédiée à Notre-Dame des
Victoires et qui communique avec l'église. Les extensions et améliorations
exécutées dans ces dernières années à Saint Pierre de Chaillot ont donné des
résultats très satisfaisants.
La rue de Chaillot (3) avait conservé dans toute son étendue, jusque vers
1865, son ancienne physionomie de grande rue d'un village formant faubourg
de Paris; elle avait alors une longueur de près de 900 mètres, entre les Champs-
Elysées et la rue de la Croix-Boissière ; mais, par suite des nombreux perce-
ments (avenue et place d'Iéna, rue Pierre Charron, etc.) exécutés dans ce
(i) La supcrflc-ie sous-miiiéc nu-dcssous de la chapelle annexe de Saint-Pierre de
Chaillot isisc avenue Marceau- est de i^o niMrcs carrés. La dislance du sol au ciel de
la carrière est de 12 m. 5»; la hauteur de la galerie d'exploitation est de 5 mètres. La
consolidation a été opérée par colonnes do béton, piliers niaf;onnés et remblais bourrés.
i'i) Voir aux annexes (p. 33V l'arlide intitulé : «« Une émeute A Saint-Pierre-dc-(^ihailIol ».
(3; On trouvait, en 1849, à la rue de Chaillot des institutions :Bous({uetau n» i5 et Bigot
ou n» ai) dont les élèves suivaient les cours du lycée Bonaparte.
KLE DE CHAILLOT 3[
quartier, conformément aux décrets rendus sous le second empire, elle a
perdu 300 mètres de longueur et beaucoup d'aucteimes maisons ont été recons-
truites (I).
La moindre largeur de la rue de Ctiaillot, qui avait été fixée à 1 1 mètres
e M. tlmlle Polin.)
par l'ortloniiaDce royale du 11 décembre ISi,';, a été portée à ii mètres par
les décrets du (î mars lH"iH et du 'i juin IHHt.
]l existait en 18f>7, à la jonction de la rue Morny {actuellement rue Pierre
Charron) et de la rue de Cliaillot, un espace triangulaire qui n'était pas assez
{ 1 , Vuir Annft l'hi'ftoii'c ilii i|uiirlitïr il'Autouil k'** inilii-iitiontt Juniiérs sur Siiin(e-P<-rinc,
qui se trouvait aulrcfoiR rue de Cliailtot, jtrba de l'ciiiiil.'icoNient .icluellciucnt occupi^ pnr
l'avenue Marceau, et qui, |>ar suite du percciuonl de celte avenue, a élé Iran^réréc A
Auteuil.
32 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
vaste pour qu'on pût y élever des constructions ; en i868, il a été converti en
un plateau planté, moyennant une dépense de 5. (KM) francs.
Vers la fin du xviii'' siècle, il y avait rue de Chaillot un certain nombre de
ces immeubles galants qu'on a appelés petites maisons (i).
Barras, ancien membre du Directoire, eut, sous la Restauration, son hôtel
au n** 76 ancien de la rue de Chaillot et y mourut en 1829.
Les renseignements sur l'ancienne rue des Batailles se trouvent aux alinéas
concernant l'avenue d'Iéna.
La rue de Passy est aussi ancienne que ce centre de population et en a tou-
jours été la voie principale. Elle se terminait autrefois par une grille, à la
hauteur de son intersection avec la rue de la Pompe ; elle portait le nom de
Grande-Rue ou de « rue qui conduit au bois de Boulogne ». Elle prit, en 1793,
la dénomination de « rue Marat » ; mais peu de temps après, le nom de Grande-
Rue lui fut restitué. Elle ne pouvait pas le conserver après l'annexion, parce
que la dénomination de Grande-Rue s'appliquait à la rue la plus importante
de la plupart des communes annexées ; l'arrêté préfectoral du 26 février 1867
lui a donné son nom actuel de rue de Passy.
Cette rue est très commerçante ; sa largeur minima à été fixée k
10 mètres par l'ordonnance royale du 22 décembre 1838, et cette môme ordon-
nance l'a classée comme route départementale n'*2 de Paris à Saint-Gloud (2).
Elle était, avec les rues de l'Annonciation, Bois-le-Vent et Raynouard, la seule
rue de Passy qui fût pavée il y a un siècle. Le pavage en pierre de la rue de
Passy a été converti en pavage en bois entre le boulevard Delessert et la rue
Jean-Bologne, de juillet à octobre 1897, entre les rues Jean-Bologne et de la
Pompe, de juillet à septembre 1898. Les becs à incandescence y ont été ins-
tallés en avril 190C).
Vimpasse des Carrières, dont la moindre largeur n'est que de 2 mètres, est
fort ancienne ; elle a son entrée sur la rue de Passy, entre les n°* 24 et 26.
Jusqu'à Tannée 1816, le numérotage des maisons de Passy commençait à la
première maison de droite, en venant de Paris, et se continuait sans inter-
ruption, 1, 2, 3, 4, etc. ; arrivé à la dernière maison de droite, on continuait
le numérotage en revenant sur ses pas,* par le côté gauche. Ce ne fut qu'en 1806
à Paris et en 1816 à Passy qu'on commença à appliquer le système de numé-
rotage actuellement en vigueur : numéros impairs ù gauche et numéros pairs
à droite. En indiquant, d'après les intéressantes communications faites par
M. Léopold Mar à la Société historique d'Auteuil et de Passy, les demeures
historiques (3) du XVI« arrondissement, je donne autant que possible les numé-
ros actuels des maisons.
Au n" 58 de la rue de Passy, on remarque une porte d'entrée, cintrée à
deux battants, avec applique et heurtoir de l'époque de Louis XV; Tornemen-
tation (lu haut est en fer forgé, encadré de petites boiseries sculptées.
En entrant dans la cour du n° 84, on voit la grande façade Louis XV de
l'ancien cabinet de physique du roi.
(i) V. le volume de M. GaPton Capon, pp. 119 h 194. La grande rue de Passy et la rue
Raynouard eurent aussi quelques petites maisons (pp. r.»'), ss.).— Paris, Darapon, éd., icpi.
(2) En i85i, la commune de Passy a contribué aux dépenses de reclitication de celle
roule départementale pour loo.oaj francs, doul (jo.ckjo j)ro\enant de souscriplions de
particuliers et le surplus d'inq>ositions extraordinaires.
(3) Je n'ai cru devoir mentionner ici (juc les maisons ayant été habitées par des pcr-
8onnag'»s actuellement décédé
es.
RUE rit: i>AHSY 33
Oa peut citer comme maisoas historiiiues de la rue de Passy : le n° 7, que
le général Moreau habita en I7!t7et 1798 ; le a- li, occupée partir de 1861 par
l'écrivaio socialiste Proudhon, qui y mourut eu lHG."i (il avait été élu repré-
sentant du peuple ea lKi8) ; l'ancieu ii" 38, habité sous Louis XVI par Mme de
Genlis (1), gouvernante des eafants du duc d'Orléans (Philippe-Égalité); le
n' 55, où le compositeur Oossé,dit (iossec, ancien directeur de l'Opéra, membre
'3tuatU'3tJ> 'v'avwU.W.
de l'Institut, mort en I8àit, à l'âge de quatre-vingf -quinze ans, a passé les six
ou sept dernières années de sa vie ; la maison n" ii;î, qu'a habitée, pendant les
sept dernières années de sa vie, le célèbre chansonnier (instave Nadaud \i),
{x\ Voir aux annexes (p. 288) la bitigra|ihie ilc Mme <k Genlis, i>;ic M. rCilmoml W.ihl.
(2) Voir la conférence de M. Léo (.larclie snrCuslave Nailiiml. tH»- '-i? " '^^'t ''" '"' ^"'
iunie du Bulletin; voir ^galcincnl aux annexes [|i. Vifi I" woonnii-iil el Icciivre Je
rUaflau*'-
34 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
mort le 28 avril 1893. Mme Maria Favart occupait un pavillon rue de Passy,
n<>^ 76-78, en 1881, époque à laquelle elle donna sa démission de sociétaire de
la Comédie-Française. Au n* 80 se trouve l'hôtel qui a été habité jusqu'en 1787
par la présidente de Bandeville (1) ; il a été occupé, sous le règne de Louis-
Philippe, par le chimiste Orfila, qui a lutté contre Raspail dans le procès de
Mme Lafarge. Le compositeur Piccinni habita et mourut dans une maison de
la rue de Passy; Jenny Vertpré (Mme Garmouche), actrice du Gymnasse,
habita vers 1850 la maison n"" 84, à l'angle de la rue de la Pompe, où était
installé, au x\m* siècle, le cabinet de physique du château de la Muette ;
Louis XV y venait pour assister (2) aux expériences de Tabbé Nollet. Le
cabinet de physique du roi fut réuni, en 1790, à l'Observatoire de Paris.
Sur le côté pair de la rue de Passy, on voyait autrefois deux grands hôtels
qui ont disparu. L'emplacement compris entre l'angle de la rue Gavarni et le
n** 18 était occupé par l'hôtel de la Folie, où résidait, vers 1761, Mlle de Ro-
mans (3), maîtresse de Louis XV ; cet hôtel, dont le prince Paul Demidoff
était propriétaire vers 1868-1869, a été habité par Arsène Houssaye et par Jules
Janin ; il a été démoli en 1890. A la hauteur du n^* 70 se trouvait l'hôtel de
l'amiral d'Estaing, guillotiné en 1794 ; il a été démoli pour le percement de
la rue Guichard, vers 1854; quelques détails seront donnés à ce sujet dans
l'historique du quartier de Passy qui a été construit, sous le second empire,
sur l'emplacement de l'ancien parc Guichard.
Un« école communale de garçons et de filles et une école maternelle sont
établies au n° 29 de la rue de Passy ; c'est M. François Delessert qui a donné
à la commune l'immeuble dans lequel ces écoles sont établies; cette donation
a été acceptée par délibération du conseil municipal du 10 octobre 1849. Cette
école a 303 élèves.
La rue de Passy est comprise, comme beaucoup d'autres rues du XVI* ar-
rondissement, dans la zone des anciennes carrières calcaires (4), dont plu-
sieurs sont encore utilisées aujourd'hui comme caves.
La place de Passy, qui a 30 mètres sur 34 et où se croisent actuellement
les rues de Passy, de l'Annonciation, Bois-le-Vent, Duban et Vital, ne date
que de 1836. Antérieurement, il n'existait en cet endroit qu'un passage fai-
sant communiquer la Grande-Rue (rue de Passy) avec la rue de l'Église (rue
de J'Annonciation). La maison située à l'angle de la place et de la rue de Passy,
et qui pendant longtemps a servi de mairie (rue de Passy, 67), était alors
presque isolée, ayant devant elle (5) un horizon de feuillage et de verdure;
cette maison eut pour hôtes J.-Jacques Rousseau et plus récemment Quillet,
l'auteur des Chroniques de Passy.
(i) Voir aux annexes (p. 334) l'article de M. Léopold Mar sur l'hôtel de la Présidente
de Bandeville.
{'2) Voir aux annexes (p. 335) l'article de M. Léopold Mar sur le cabinet de physique du
Roi et une lettre écrite au sujet de ce cabinet en 1784.
(3) Voir aux annexes (p. 338) l'article de M. Léopold Mar sur l'hôtel de la Folie. Ce
nom provenait du lieu dit « La Folie », situé vers l'emplacement des rues Gavarni et
Claude-Chahu.
(4) La partie sous-minée de la rue de Passy a été consolidée par le service de l'ins-
pection générale des carrières, sur une longueur de 45 mètres, entre l'oHgine et la
maison no 6, de 38 mètres sous la place de Passy, et de 67 mètres entre les n»* 3i et 68.
(5) Quand la mairie fut transférée avenue Henri-Martin, cette maison fut exhaussée et
entièrement remaniée par M. Robert, son propriétaire. Voir la note de M. A. Dauvergiief
p. 258 du 1II<) volume du Bulletin.
PLACE DE PASSV 35
Par délibération du 21 décembre 1834, le conseil municipal de Passy, con-
sidérant que le local loué par la Mairie était insuffisant et qu*il y avait lieu
d*acquérir une maison commune (1), autorisa l'acquisition à M. et à Mme Cré-
ciat de leur propriété, grande rue de Passy> 67, pour y installer la mairie,
avec toutes ses dépendances, et y créer une place publique.
M. et Mme Créciat se mirent d'accord avec le maire de Passy pour fixer
à 55.000 francs le prix d'achat des terrains (bâtiments et jardins), qui ont servi
à établir la mairie et la place, mais sous la condition que la mutation de pro-
priété serait faite à très bref délai. Comme ils ne voulaient pas attendre, pour
le paiement, l'accomplissement des formalités permettant à la commune de
faire face à la dépense, M. Possoz, maire de Passy, leur versa de ses deniers
40.000 francs ; M. Anceaume, adjoint, et M. Coade, conseiller municipal,
payèrent également de leurs deniers, mais sous la garantie personnelle de
M. Possoz, le surplus, soit 15.000 francs, le 1" mars 1835. En vertu d'une
ordonnance royale du 25 du môme mois, l'acquisition faite par M. Possoz et
consorts fut réalisée, les 4 et 10 mai suivants, au nom de la commune de
Passy, par contrat notarié. Les frais d'actes d'acquisition se sont élevés à
3.852 francs, et les frais d'appropriation de l'immeuble à 8.197 francs ; la dé-
pense totale a été couverte de la manière suivante :
Part à la charge de la commune de Passy cl acquittée par cette commune
au moyen d'une contribution extraordinaire 20.000 (r.
Subvention accordée par l'administration du département de la Seine
sur les fonds d'octroi de banlieue 20.000 »
Produit de la revente à M. Morison d'une partie de Timmeuble 15.000 »
Souscription de divers particuliers, notamment : 2.500 fr. fournis par la
famille Delessert, 2.000 Ir. par M. Possoz, 1.000 fr. par M. Fulchiron,
100 fr. chacun par M. le comte Portails, M. le comte de Las Cases et
M. Guichardde Mareil, etc , 12.049 »
Total 67.049 fr.
L'examen du registre des délibérations municipales montre que le projet
de pavage et de cailloutage de la nouvelle place publique a été approuvé le
8 août 1835, que les fonds nécessaires pour l'installation des services de mairie
ont été votés le 8 novembre de la môme année et que la mairie a été installée
le !•' janvier 1836.
La nouvelle place ayant 34 mètres de largeur, prit d'abord le nom de « place
d'Armes », et ensuite celui de « place de la Mairie », parce qu'elle bordait un
des côtés de la mairie de Passy. En 1848, on l'appela « place Béranger », en
souvenir du long séjour que l'illustre chansonnier avait fait à Passy ; mais
peu de temps après, on lui rendit le nom de « place de la Mairie », qu'elle ne
pouvait pas conserver quand il fut décidé que la mairie du XVP arrondis-
sement serait établie à l'avenue Henri-Martin. Sa dénomination actuelle lui
a été donnée par l'arrêté préfectoral du 26 février 1867.
La maison n^ 2 de la place de Passy, où se trouve actuellement une suceur*
sale du Crédit lyonnais, formait, en 1827, le café-restaurant du Midi, avec
(i) La mairie de Passy avait été installée jusqu'alors dans des locaux loués par la
commune, rue Franklin, n° 3 ; cette maison appartenait au maire et ancien notaire,
M. Auge de Fleury.
36 HISTOIRE DU XVI'' ARRONDISSEMENT
jardins et bosquets; le premier étage de cette maison était occupé, dos 1863,
par le cercle de Passy, qui n'existe plus depuis longtemps.
Le 8 août 1826, le conseil municipal de Passy accepta la proposition du sieur
Bénit, demeurant rue de TÉglise (Annonciation), n"" 15, consistant à établir
un marché sur un terrain dont il était propriétaire, rue Neuve-de-l'Église
(Jean-Bologne). Un marché forain se tint ensuite périodiquement sur la place
de Passy. Le premier acte concernant le marché couvert actuel consiste en
une délibération municipale du 5 juillet 1853, demandant rétablissement d'un
marché devant contenir 133 places et être établi auprès de la place de la
Mairie. Les travaux de première construction du marché de Passy, qui appar-
tient à la ville et est régi par elle, furent achevés le 25 novembre 1855 ; mais
ce marché fut ouvert dès le 4 avril 1854. En vue de l'agrandir, la commune de
Passy acheta à Mme Delahoussaye, le 10 août 1857, un terrain en partie
couvert de bAtiments, pour 36.057 francs, y compris 4.657 francs de frais.
Malgré cette extension, le marché était encore encaissé par des propriétés
privées et avait besoin d'être aéré. En 1873, époque à laquelle les travaux
de la nouvelle mairie de l'avenue Henri-Martin étaient poussés avec activité, il
fut décidé que les terrains sur lesquels s'élevaient les constructions affectées
aux divers services municipaux de l'arrondissement seraient aliénés, mais sous
la réserve que l'emplacement occupé par la justice de paix et par le bureau
de bienfaisance ne serait pas compris dans cette aliénation, et qu'il serait
utilisé, pour agrandir encore le marché; il a ainsi obtenu une façade sur la
petite place qui le sépare de la rue Bois-le- Vent.
La rue Beethoven se nommait autrefois rue de la Montagne, nom parfaite-
ment justifié par son excessive déclivité. Elle avait son origine à la route de
Versailles (quai de Passy), dans le voisinage de la Seine et auprès de la barrière
des Bonshommes, qui était une des entrées de Paris; cette entrée s'est appelée
aussi barrière de la Conférence (1), puis barrière de Passy. Après avoir formé
un coude très prononcé et longé le mur de clôture de l'ancien couvent des
Bonshommes, la rue de la Montagne aboutissait au carrefour de Passy où con-
vergent les rues Raynouard, de Passy, de la Tour, Vineuse, Franklin et deux
voies modernes (boulevard Delessert et rue Alboni). Ce carrefour s'est appelé
autrefois la Croix Vineuse et le carrefour de la Montagne ; il constituait l'en-
trée de Passy et on y voyait avant la Révolution la potence seigneuriale.
Quillet dit, dans ses Chroniques de Passy, qu'il y avait un second pilori,
placé au bas de la rue de la Montagne, à l'encoignure du quai.
La rue Beethoven a lait partie de la route départementale n** % de Paris à
Saint Cloud; elle n'avait que trois ou quatre maisons au milieu duxviii" siècle
et elle ne forme plus aujourd'hui qu'une impasse, aboutissant d'un côté à la
route de Versailles (quai Debilly et quai de Passy), et de l'autre à des escaliers,
parce qu'une section, comprenant tous les numéros pairs du n**12 au n<* 26,
a été supprimée pour l'alignement du boulevard Delessert, dont l'exécution a
permis de faire communiquer la rue de Passy avec le centre de Paris par des
pentes admissibles. La partie la plus élevée de la rue Beethoven a été démolie
en 1893, pour la construction du large escalier constituant la rue Alboni.
La raffinerie de sucre de MM. Delessert avait une entrée au n^ 2 de la rue
(i) La barrière de Passy iHait un reculemenl de la barrière de la ('onfércnce, située
précédemment auprès de la pompe à feu de Cbaillot.
RUE BEETHOVEN 87
Beethoven; elle a été achetée par la Ville de Paris, au prix de 1.400.000 francs
(contrat du 8 septembre J862).
La maison portant le n*» 90, qui date de la Renaissance, conserve encore
quelques restes de la censive, habitation du censier (1), où les habitants
venaient payer les impôts dus au seigneur de Passy.
En 1827, la montée rapide de la rue Beethoven causa probablement la
mort du fils du compositeur Piccinni, rival de Gluck : musicien comme son
père, il venait donner des leçons de son art, deux fois par semaine, à Passy;
un jour, au moment d'atteindre péniblement le sommet de la montagne, il
fut frappé d'une apoplexie foudroyante. Comme son père, il fut enterré à
Passy, non pas auprès de lui, à la rue Lekain, où on n'inhumait plus, mais
dans le nouveau cimetière de la rue des Réservoirs.
La rue Beethoven a reçu sa dénomination actuelle, par décret du 24 août
1864, en l'honneur du célèbre compositeur allemand Louis von Beethoven
(1770-1827), qui étonnait, dès l'âge de douze ans, ses auditeurs, par la mer-
veilleuse perfection avec laquelle il exécutait les préludes et les fugues de
Sébastien Bach. A Vienne, il se présenta, en 1790, à Mozart, qui, prenant la
plume, écrivit un sujet de fugue, hérissé de difficultés. Beethoven développa
ce thème avec tant d'originalité et d'invention que Mozart, émerveillé, s'écria :
c< Ce jeune homme sera bientôt le plus grand génie musical de l'Europe. » Son
opéra deFirfe/io, son oratorio du Christ au jardin des Oliviers et surtout ses
sonates et ses symphonies, notamment la Symphonie pastorale et la Sym-
phonie héroïque, ont réalisé la prophétie de Mozart. Beethoven fut de bonne
heure affligé d'une surdité qui le rendit morose. Des monuments lui ont été
élevés à Bonn, sa ville natale, et à Vienne, sa patrie adoptive.
La rue Raynouard est fort ancienne : elle figure comme entièrement bâtie
sur le plan de Roussel en 1731; elle a porté successivement divers noms.
Comme elle était autrefois la rue la plus importante de Passy, elle s'est appelée
originairement rue Haute, et Grande-Rue ; quand elle fut détrônée, comme
importance, par la rue de Passy, dénommée Grand-Rue (parce qu'elle était
dès lors le centre du commerce dans ce quartier), la rue Raynouard fut
nommée « ancienne Grande-Rue », ou « vieille -rue de Passy », ou « rue
Vieille » ; elle est désignée sous le nom de <» rue Haute » dans des actes de 1691
et de 1711. Le terrier de 172(5 rappelle « rue qui conduit du monastère des
Pères Minimes à la maison de la seigneurie de Passy » ; on l'appelait aussi
« rue qui conduit à la seigneuriale », parce qu'en eiïet, en la suivant jus-
qu'auprès de son intersection avec la rue des Vignes, on se trouvait devant
une des grilles du parc du château seigneurial de Passy, dont le bâtiment
principal était à mi-côte de la rue actuelle de Boulainvilliers. On lui donna
ensuite le nom de « rue des Francs-Bourgeois », dû peut-être à ce que la
grande vogue des eaux minérales, dont rétablissement se trouvait entre cette
rue et la Seine, avait décidé beaucoup de personnes aisées à venir s'y fixer.
Vers 1770, elle prit le nom de rue « Basse », qu'elle conserva très longtemps et
qui était en contradiction avec celui de « rue Haute », qu'elle portait autrefois.
En vue d'expliquer cette contradiction, je ferai observer que la rue Raynouard
est à une grande hauteur au-dessus de la Seine (2), mais qu'elle est basse si
fi) Voir aux annexes (p. 341) l'article de M. Lc^opold Mar, intitulé» Un coin du vieux Passy».
(2) Pour ce rtaincB maisons, l'entrée aur la rue Raynouard est à la hauteur du troisi^me
étage, de Tautre côté.
38 HISTOIRE DU XVl' ARRONDISSEMENT
on la compare à remplacement de l'ancîea château seigneurial et surtout aux
parties culminantes de Passy, qui se trouvent entre la rue de la Tour et l'ave-
nue Henri 'Martin.
Le nom actuel de la rue Raynouard (précédemment rue Basse), lui a été
donné par le décret du 27 février 1867, en l'honneur de François- Just-Marie
Raynouard, littérateur et philologue, né en )7.tl et mort au n' 20 ancien,
38 actuel de cette rue. Après avoir été avocat à Draguigaan et au parlement
d'Aix, il futnomméen 1791 député suppléanlàlAssemblée législative; arrêté
en 1793, il ne recouvra la liberté qu'après la chute de Robespierre. Sa tragédie
des Templiers fut représentée le :2i juillet lHl);>au théâtre du palais de Saint-
Cloud ; la première représentation avait été donnée avec un immense succès.
RUE RAYNOUARD 89
le 14 mai, sur la scène du Théâtre-Français. Il entra en 1807 à TAcadémie
française, dont il devint, en 1817, le secrétaire perpétuel. On peut citer,
parmi les ouvrages qu*il a laissés : Monuments relatifs à la condamnation
des chevaliers du Temple, Choix de poésies originales des Troubadours, His'
toire du droit municipal en France sous la domination romaine et sous les trois
dynasties,
La circulation n'était pas toujours très commode au commencement du
XIX® siècle ; un arrêté du 9 thermidor an XI, renouvelé en vertu d*une
délibération du conseil municipal de Passy du 5 mai 1819, interdisait aux
voitures attelées de plus d'un cheval de suivre la rue Basse (rue Raynouard),
parce que le passage des rouliers pourrait nuire à la solidité des maisons
établies au-dessus d'anciennes carrières (1).
Il résulte d'une délibération du conseil municipal de Passy du 5 mai 1827,
que MM. Roêhn et C*", propriétaires de l'ancien château seigneurial de Passy
(château de Boulainvilliers), ayant exposé qu'on ne pouvait sans danger
laisser plus longtemps dans son état actuel la partie de la rue située aux
abords de la rue projetée du Ranelagh, parce que la pente y était très rapide
et fort inégale, ofirirent, pour l'adoucissement de cette pente, une souscrip-
tion de 450 francs, à laquelle vinrent se joindre d'autres oflres de fonds de
concours, notamment celle de M. Fulchiron, montant à 200 francs. La com-
mune accepta ces oflres et se chargea de faire niveler la rue Basse entre la
rue des Vignes et la propriété de Mme Grével. En outre, on réalisa un accord
entre les propriétaires pour rectifier, entre le rond-point de Boulainvilliers
et la rue des Vignes, la rue Basse, qui décrivait une courbe assez prononcée
devant les dépendances du château de Boulainvilliers. Le projet de nivelle-
ment de la rue Basse aux abords de la rue du Roc (rue Berton) a été crédité
par une délibération municipale du 3 mai 1828. Celle du 19 décembre 1832 a
autorisé le maire à réaliser devant notaire l'échange de terrains convenu
avec MM. Roëhn et €'• pour redressement et élargissement de la rue Basse.
En 1834, des trottoirs ont été construits dans cette rue par la commune, les
propriétaires riverains s'étant engagés à payer les trois-septièmes de la
dépense. Enfin, la construction du chemin de grande communication de
Montrouge à Neuilly (route de transit), entraînant un surbaissement du sol
de la rue de Boulainvilliers, la commune de Passy exécuta à ses frais, en
1841, un nouveau nivellement de l'extrémité de la rue Basse, aboutissant au
rond-point de Boulainvilliers.
La moindre largeur de la rue Raynouard a été fixée à 8 mètres par l'arrêté
préfectoral du 16 février 1856 ; elle est donc assez étroite et elle est aujour-
d'hui peu passagère ; mais les maisons situées sur le côté impair ont de belles
vues sur la vallée de la Seine et sur les coteaux de Meudon ; comme elle
conduisait au château seigneurial de Passy, on y avait établi, aux xvn" et xvni^
siècles, des hôtels importants. Le duc de Lauzun, si célèbre par ses aventures
avec la grande Mademoiselle, aventures dont les suites (2) lui valurent un
(i) La partie sous-minée du solde la rue Raynouard a été consolidée sur une longueur
de 4o mètres près le carrefour de Passy et de i85 mètres entre les n»» i4 et 59, de
1810 à i8i3. Dix-neuf maisons situées entre le commencement de la rue Haynouard (au
carrefour de Passy) et la rue Sintrer accèdent, chacune par un escalier, h une ancienne
carrière servant de cave.
(2) Voir la M Notice sur le duc de lauzun » par M. Gobé, pp. t^h et a5'2 du III* volume
du Bulletin, et, aux annexes (p. 343), 1q notp sur « Ltapzun à Passy », par M* Léopold M^r.
4o HISTOIRE nu XVI* AIIOONDISSEMENT
internement de dix ans dans la forteresse de Pignerol, où il se rencontra
avec Foiiquet, l'ancien surintendant des finances, était rentré en grâce
auprès de Louis XIV, parce qu'il avait réussi, non sans péril, à ramener
d'Angleterre, en 1088, la reine et le jeune prince de Galles, que Jacques II
lui avait confiés. Deux ans après la mort de la grande Mademoiselle, c'est-à-
dire en 1695, époque à laquelle il avait soixante-trois ans, il épousa la fille
cadette du maréchal de Lorges, sœur de la duchesse de Saint-Simon, qui
avait alors un peu moins de quinze ans. Peu de temps après, il acheta ou se
fit construire, dans les jardins des propriétés portant les n"* 11 et 13, un hôtel
dont il ne reste aujourd'hui que les soubassements dans la propriété
Delessert ; il conserva cet hôtel jusqu'à sa mort, survenue en 1723, et fut
inhumé dans le couvent des Pelits-Auguslins, aujourd'hui l'École des Beaux-
Arts. Cet hùtel de Passy fit l'objet d'un acte de donation réciproque de M. et
de M"'" de Lauzun, qui porte la date du 6 novembre 1711. C'est dans cet
hôtel que s'établirent, en juillet 1719, le duc de Saint-Simon (1) et la duchesse,
qui était dame d'honneur de la duchesse de Berry, pour se rapprocher du
château de la Muette, où résidait alors le Régent, qui se tenait auprès de sa
fille mourante.
Le baron Benjamin Delessert, banquier philanthrope fondateur de la
caisse d'épargne, et ses deux frères, François I)elessert, banquier également,
et Gabriel Delessert, maire de Passy, de 1830 à 183i, puis préfet de police du
10 septembre 1830 au 24 février 1848, eurent, depuis 1800, des hôtels de plai-
sance, dont les vastes jardins dominent la Seine et qui occupent les premiers
numéros impairs de la rue Raynouard (2). Ces hôtels, depuis le n° 11, ont été
ensuite habités par les membres ou descendants de cette famille, qui a rendu
de grands services à Passy, y a répandu beaucoup de bienfaits et y a, pendant
de longues années, pourvu seule aux dépenses des écoles publiques. Une
délibération du conseil municipal du 3 novembre 1836 constate que la com-
mune continue à être affranchie des dépenses annuelles des écoles des deux
sexes, grâce à la munificence du baron Benjamin Delessert.
C'est au n" 21 (ancien 66) de la rue Raynouard que La Tour d'Auvergne (3)
a résidé de 1796 à 1800 ; il y recevait souvent ses amis, les généraux Desaix,
Lecourbe, Kléber et Moreau. Sur le rapport de Carnot, ministre de la Guerre,
le premier consul décerna à La Tour d'Auvergne (1743-1800) le titre de « pre-
mier grenadier de la République ». On sait que, de 1800 à 1809, tous les
jours, à l'appel de son nom, le plus ancien caporal de la 46^ demi-brigade
répondait : « Mort au champ d'honneur ! » La Société historique d'Auteuil et
de Passy a demandé qu'une inscription soit apposée sur la maison que La
Tour d'Auvergne a habitée.
Le chansonnier Déranger demeura, de 1833 à 1835, dans la mansarde de
la maison qui suit le presbytère (n" 22 ancien, 42 actuel). L'auteur drama-
tique Picard passa la plus grande partie de ses dernières années rue Ray-
nouard, au coin de la rue de l'Annonciation, et c'est là qu'il mourut en 1828.
(i) Voir aux annexes (p. 343) la note sur « Saint-Simon à Passy ».
(a) Voir aux annexes fp. 3^3) la biographie intitulée « Les Delessert », par M. Léopold Mar.
(3) Voir aux annexes (p. 356) l'article de M. Léopold Mar intitulé : « La Tour d'Auvergne à
Passy ». Voir également le procès-verbal d'apposition et de levée des scellés par le juge
de paix h la maison de La Tour d'Auvergne, rue Basse, 66, le i8 messidor an VIÏI
et le 4 brumaire an IX (pp. 85 et 86 du IV« volume du BuUelin).
RUE RAYNOUARD 4>
L'abbé Raynal, littérateur et philosophe, habitait, en 1791, rue Raynouard,
pK'^s de la rue de l'Annonciation; il mourut en 1796, k l'âge deSi ans, rue des
Batailles, q" 1, chez un ami qu'il était venu voir.
L'abbé Prévost, l'auteur de Manon Lescaul, a habile, lui aussi, la rue Ray-
(CulleclioQdeJM. Em. PoUn.)
nouard, près de la rue de l'Annonciation ; comme vers la fin de sa vie, il avait
été nommé, en 1735, aumânier du prince de Conti : " Monsieur l'abbé, lui
dit alors le prince, vous voulez être mon aumdnier; fort bien t mais je n'en-
teads pas de mes)!e. » — « Et moi, Monseigneur, lui réponditM'abbé, je n'en
dis pas. »
/|2 HISTOIRE DU XVI« ARRONDISSEMENT
Mlle Louise Contât, célèbre actrice de la Comédie-Française, demeura,
vers 1791-1793, au n** 27 ancien, 47 actuel, presque vis-à-vis de la rue de
TAnnonciation. C'est dans un pavillon situé au fond du jardin de cet
immeuble que Balzac (1) a séjourné, de 1844 à 1847, après avoir vendu les
Jardies et avant de s'installer à la Folie-Beaujon ; il y a composé Modeste
Mignon, Honorine, Esther, Eve et David, le cousin Pons, Vautrin.
Quatremère de Quincy, littérateur et archéologue, a habité, de 1802 à 1815,
le n^Si ancien, 51 ou 53 actuel. Le^vaudevilliste Dumersan a occupé, de 1820
à 1835, le 44 ancien, 62 actuel; le vaudevilliste Brazier demeura avec lui
jusqu'à 1825.
Benjamin Franklin, ministre plénipotentiaire des États-Unis, habita sou-
vent, de 1777 à 1785, un pavillon de l'ancien hôtel de Valentinois (2), dont
l'emplacement est actuellement occupé par la chapelle de Tinstitution des
Frères des écoles chrétiennes, n** 66 actuel de la rue Raynouard, à l'angle de
la rue Singer ; c'est au n** 62 de la rue Raynouard que Franklin lit la première
expérience de paratonnerre. Une plaque commémorative (3) a été placée, le
dimanche 8 mars 1896, par la Société historique d'Auteuil et de Passy, sur le
mur de la chapelle des Frères, pour rappeler à la fois le séjour de Franklin
à Passy et la pose du premier paratonnerre.
C'est au n" 68 de la rue Raynouard que se trouve la grande entrée du
pensionnat des Frères des écoles chrétiennes à Passy. Leur pensionnat prin-
cipal à Paris avait été ouvert d'abord en 1837, au n"* 165 de la rue du Fau-
bourg-Saint-Martin, dans des locaux bii le petit noviciat avait été établi en
1835. La communauté acheta en juin 1838, à M. Briant, les deux pavillons et
une partie des jardins d'un ancien hôtel de Passy, qui avait successivement
appartenu au duc d'Aumont, au marquis de Ségur, au comte de Valentinois,
dont il avait conservé le nom, au prince de Condé et enfin à M. Briant. Les
travaux d'appropriation furent aussitôt entrepris, et c'est le 8 avril 1839 que
le pensionnat fut définitivement transféré de Paris à Passy; il prospéra rapi-
dement dans ce local vaste et salubre, où les constructions furent successi-
vement augmentées : le nombre des élèves, qui n'était que de 28 en 1839,
s'élevait à 600 en 1855, 700 en 1864 et 850 en 1899. Il comprend non seulement
l'enseignement primaire supérieur, mais encore l'enseignement secondaire
spécial et moderne, ainsi que des classes commerciales. Beaucoup d'élèves
de cet établissement ont été reçus au baccalauréat de l'enseignement secon-
daire spécial, au baccalauréat de l'enseignement secondaire moderne et à
l'École centrale des arts et manufactures.
(i) Voir au tome III du Bulletin, pages i54 à i58, rarlicle de M. Henri de Forges de
Montagnac, intitulé : « Honoré de Balzac; notes biographiques; son séjour à Passy»; aux
annexes (p. 862;, la note intitulée : « Une visite à la maison de Balzac, rue Raynouard, 47i à
Passy »; et la note de M. L. Mar sur « les demeures de Balzac », p. 36o.
(2) Voir au second volume du Bulletin, pages 95 à io3, le compte rendu, par M. Emile
Potin, de la cérémonie de la pose et de l'inauguration de la plaque commémorative de
Franklin.
(3) D'après une note de M. de Riancey, Franklin aurait habité non le grand hôtel de
Valentinois, où résidait son propriétaire, M. Le Ray de Chaumont^et qui est actuellement
occupé par la maison des Frères, mais le petit hôtel de Valentinois, qui est habité parles
sœurs de la Charité, chargées des œuvres de la paroisse, et qui dépend de la cure de
Passy. M. de Riancey a eu pendant deux ans (1846-1847) un appartement dans cette mai-
son, qui faisait autrefois partie de Tancien enclos de Valentinois. Comme on le verra plus
loin, l'hôtel de Valentinois avait son entrée au n" 9 de la rue de l'Annonciation.
RUE FRANKLIN ^6
L'architecte BobertdeCotteet son fils, touBdeuxpremiersarchiteclesdu roi,
eurent ua hôtel important dans la rue Haynouard, à Tanglede la ruedes Vignes,
depuis 1720 environ; Robert de Cotte y mourut en 1738, et son fils en 1767.
Aux n°* 73 et 75 actuels se trouvait autrefois la maison des gardes, que le
fabuliste Florian habitait accidentellemeat, quand la princesse de Lamballe
séjournait è Pnssy, dans sa maison de plaisance de la rue Berton, ou lorsque
iRohert lie Colle.)
le duc,de Penthièvre habitait le château de M. de Boulaiovilliers, que ce der-
nier lui avait cédé à vie (1).
J'ai rappelé ci-dessus le séjour de Pranklia k Passy, rue Raynouard : c'est
pour en conserver le souvenir qu'un arrêté du coDseil général de la commune
de Passy, en date du 3 septembre 17!tl, a donné le nom de rue Franklin à une
rue du voisinage, qui s'appelait « rue Neuve des-Minimes », et occupait l'em-
placement d'un ancien chemin, marqué sur le plan de Verniquet (1789), ainsi
i) L^ famidc filachnnl, qui s'ost illui^tréc clann l'Univorsitë, n linliilé la rue Bnane,
ainni que les pcinlreo François Desportes ri NoH Hnllë.
Eugène Manuel a demeuré au n- 6 de la rue Haynouard.
44 HISTOIRE DU XYI** ARRONDISSEMENT
que sur celui de Roussel (1731), et reliant le carrefour de la Montagne (carre-
four de Passy) à la barrière Sainte Marie, nommée plus tard barrière Fran-
klin (place du Trocadéro).
Benjamin Franklin (1706 1790) était imprimeur à Philadelphie en 1729 et
publia le Bonhomme Richard en 1732; député de la Pensylvanie au Con-
grès, il s'y déclara en faveur de l'indépendance des États-Unis; chargé de
solliciter Tappui de la France, il obtînt de Louis XVI un traité d'alliance en
1778 et fut en 1783 un des signataires du traité de paix de Paris, consacrant
rindépendance de su patrie. 11 mourut président de l'État de Pensylvanie; on
prit le deuil pendant un mois aux États-Unis d'Amérique et pendant trois
jours en France (1).
En 1790, la largeur de la rue Franklin a été fixée à ll'",70 ; la commune y
a établi des trottoirs en 1844. Cette rue fut classée comme annexe de la route
départementale n* 2, de Paris à Saint-Cloud ; à son origine, le sol a été
abaissé en 1849, lorsqu'on a opéré le raccordement du débouché de la nou-
velle direction de celle route avec les diverses voies aboutissant au carrefour
de la Montagne (carrefour de Passy) ; elle a été remise en état de viabilité,
aux frais du département de la Seine, en 1853. La Ville de Paris y a installé
des becs à incandescence en 19(K) (2).
Le général Faron habitait le n« 25 de la rue Franklin et y est mort le
21 novembre 1881, à l'âge de soixante et un ans. La mairie de Passy a été
pendant plus de trente aos au n*" 3 de la rue Franklin ; une délibération du
conseil municipal du 25 avril 1828 autorise, moyennant un loyer annuel de
800 francs, la location de trois pièces de plus dans celte maison, dont M. Auge
de Fleury, maire de Passy, était propriétaire et où étaient installés les services
de la mairie. Le peintre Debucourt a demeuré rue Franklin.
Joseph-François Michaud, auteur de Vllisloire des Croisades, membre de
l'Académie française en 1813 et de celle des inscriptions et belles-lettres en
1837, né en 1767, fut un des fondateurs de la Biographie universelle et du
journal la Quolidienne. Sa santé élant devenue précaire, il vint se fixer, en 1832,
avec son jeune ami et collaborateur Poujoulat, à Passy ; il y habitait une
modeste maison avec jardin au n° 18 actuel de la rue Franklin ; il y mourut
en 1839. De nombreux amis, parmi lesquels Chateaubriand, assistèrent à ses
obsèques; la Quolidienne ouvrit une souscription pour lui élever le monu-
ment qui se trouve au cimelière de Passy.
H. de Riancey, député et publicisle, a habile, vers 1857-1858, le n'»20 de
cette rue.
Sous le second Empire, on avait projeté de remplacer la rue Franklin par
une large avenue, débouchant sur la place du Trocadéro ; mais ce projet n'a
pas été réalisé.
La rue Vineuse, qui forme un coude à la hauteur du n» 25, a été
percée, avec une largeur de 9'*,60, vers la fin du xviir siècle ; elle tire son
nom d'anciennes vignes qui appartenaient au couvent des Minimes ou
(i) Voir l'article de M. Edmond Wahl intitulé: » Beaumarchais chez F'ranklinà Passy»,
3 décembre 1777 (p. 87 du IV» volume du Bulletin).
(2) L'acquisition par expropriation de l'immeuble sis rue Franklin, n» a, à Fangle de
cette rue avec le boulevard Delessert, sera nécessaire pour l'exécution de la partie du
métropolitain comprise entre la place du Trocadéro et la gare de Lyon.
EGLISE NOTRE-DAME DE GRACE DE PASSY 4^
Bonshommes. Autrefois, Chaillot, Passy et Auteuil avaient beaucoup de
vignes (1).
Béranger vint en 1841 demeurer chez son amie, M"** Béga, au n» 19 de la
rue Vineuse; il y resta sept ou huit ans. Le regretté président de la Société
historique d'Auteuil et de Passy, M. Eugène Manuel, a fait le récit d'une
visite de Michelet au célèbre chansonnier, rue Vineuse (i).
Le maréchal de Mac-Mahon, le général F. Douay et leurs états-majors
descendirent, le 2^ mai 1871, dans la maison n*" 49 de cette rue.
La rue de r Annonciation (3) va de la rue de Passy à la rue Raynouard et
passe devant l'entrée principale de Téglise de Passy. Elle s'appela rue du
Moulin, rue des Tierrées, puis rue de la Paroisse jusqu'à la Révolution, qui
lui imposa, en 1793, le nom de « rue de la Raison ». Quand les églises furent
rendues au culte, elle devint la « rue de l'Église », nom qu'elle conserva jus-
qu'au décret du 26 février 1867, qui lui a donné sa dénomination actuelle.
Le chansonnier vaudevilliste Brazier acheta en 18i5 la maison n° 4 et y
mourut en 1835 ; cette maison a été habitée par l'éditeur Curmer vers 1856-1858.
Le duc d' Aumont, lieutenant général et célèbre amateur, eut sous Louis XV,
à l'emplacement du n^" 9, une propriété s'étendant jusqu'au delà de la rue
Singer actuelle ; il la céda au tomte de Valentinois, prince de Monaco. En 18i>l,
le prince de Condé et son fils, le duc de Bourbon, vinrent habiter cet hôtel
pendant quelque temps.
ISéglise Notre-Dame-de-Grâce de Passy a d'abord été une simple chapelle,
bâtie par Claude Chahu, conseiller du roi en ses conseils, trésorier général
des finances et seigneur de Passy; la construction de cette chapelle était fort
avancée quand fut rendu le décret de Mgr Hardouin de Péréfixe, archevêque
de Paris, en date du 28 décembre 1666, dont voici un court extrait :
« Nous étant apparu par le rapport de notre vicaire général que les habi-
tants de Passy ne peuvent aller sans beaucoup d'incommodité à leur paroisse
d'Authueîl, pour y recevoir les sacrements et assister à l'office divin, à cause
de la distance et de la difficulté des lieux, avons érigé et érigeons par ces pré-
sentes une église succursale audit Passy, dépendante et aide de la paroisse
d'Authueîl et, à cet effet, avons permis et permettons d'achever la chapelle
encommencée de bâtir et sera la dite église succursale sous l'invocation de
Notre-Dame de Grâce, de laquelle la principale fête se fera, chaque année,
le jour de l'Annonciation de la Vierge. »
Six années après, le 16 mai 1672, grâce aux démarches persistantes de la
(i; Voir page i38 du H* volume du Bulletin^ Tariicle de M. Léopold Mar, inUtulé: « Comme
quoi il en cuisait de voler le verjus à Passy, au xiv* siècle »>.
(2) Voir aux annexes (p. 497) l'article intitulé : « Michelet chez Béranger à Passy *.
Béranger quittant Paris pour venir s'établir à Passy, qui était alors un lieu de villégia-
ture, disait :
Puissé-je ici vieillir exempt d'orage,
Et de l'oubli près de Huhir le poids.
Comme l'oiseau dormir dans le feuillage,
Au bruit mourant des échos de ma voix.
(3; Sous le sol de la rue de TAnnonciation, les vides des anciennes carrières ont été
consolidés sur une longueur de 22 mètres devant le n» 8, de 12 mètres devant le
n« 30 et de 4* mètres devant les n°* 4 et 26 et entre les n'« 23 et 26. Devant le n* 3i»
la distance du sol au ciel de la carrière est de 7 mètres, et la hauteur des galeries d'ex-
ploitation est de in»,rx).
46 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
veuve (1) de Claude Chahu, cette succursale était érigée en église paroissiale;
cette concession contribua à Taugmentation de la population de Passy. En
i673, la veuve de Claude Chahu fit l'acquisition d'une maison (2) pour réta-
blissement du presbytère.
On reconnut, avant la fin du gouvernement de la Restauration, la nécessité
d'agrandir l'église de Passy. Le devis, dressé le 5 mars 1828 et montant à
47.000 francs, décrivait les travaux à faire de la manière suivante : « L'objet
des travaux est l'agrandissement de l'église, la restauration des bâtiments
actuels et la construction d'une sacristie. L'église actuelle sera prolongée en
forme de croix, de manière que la partie ancienne sera destinée entièrement
à former la nef principale et les deux nefs latérales ; la partie à construire
contiendra le transept, le chœur, le sanctuaire et les deux chapelles à droite
et à gauche du maître-autel, à l'extrémité des nefs latérales ; une de ces cha-
pelles sera consacrée à la Vierge, l'autre à la communion. »
Des subventions furent accordées par le ministère de la Justice et des
Cultes et des 'souscriptions particulières furent recueillies ; il n'en était pas
moins très difficile d'arriver à réunir les fonds nécessaires. Le conseil muni-
cipal de Passy demandait, par délibération du 15 octobre 1830, que les
20.000 francs alloués parle conseil général pour l'agrandissement de Téglise
fussent consacrés à la construction d'une mairie. 11 consentait, le 9 mai 1831,
à payer les 68 francs de frais occasionnés par l'adjudication des travaux
d'agrandissement de l'église; mais, à la date du 8 novembre 1835, il refusait
de faire concourir la commune aux dépenses d'agrandissement de Téglise et
se bornait à recommander au ministre des Cultes la demande de M. l'abbé
Gary (Curé depuis la fin de 1830 jusqu'à novembre 1835J, qui offrait de sub-
venir à une partie de la dépense. Le conseil municipal de Passy montra
ensuite des dispositions beaucoup plus favorables : il approuva le 9 mai 1845
un projet de M. l'architecte Debressenne (agrandissement et consolidation de
l'église, etc.) montant à 70.000 francs, accepta la coopération de 10.000 francs
offerte par la fabrique, vota 25.000 francs comme part contributive de la com-
mune et demanda au préfet d'accorder 35.000 francs sur les fonds d'octroi
de banlieue. Les travaux, exécutés de 1846 à 1849, sous la direction de M. De-
bressenne, doublèrent la longueur de l'église. La pose delà principale pierre
du clocher eut lieu le 3 novembre 1846; le procès-verbal transcrit sur par-
chemin, avec le sceau de la mairie, et renfermant quelques pièces de mon-
naie à Teffigie du roi Louis-Philippe, fut déposé dans une boîte de
plomb.
Le conseil municipal de Passy déclara, le 11 mars 1848, que les travaux
supplémentaires de l'église devaient être reconnus dette communale. Par
lettre en date du A octobre de la même année, le maire de Passy fit connaître
au préfet de la Seine que les travaux d'agrandissement de l'église étaient ter-
minés et lui proposa d'approuver le montant des dépenses, fixé à 82.530 francs;
cette approbation fut accordée, sur l'avis du conseil des bâtiments civils.
De 1856 à 1859, M. Tarchilecte Debressenne fut chargé de diriger de nou-
(i) Voir aux annexes (p. 280) l'article de M. Léopold Mar intitulé : « Fondation de la
paroisse de Passy » .
{2) Voir aux annexes (p. 362) l'article de M. Léopold Mar intitulé : u Pourquoi le prcdhy-
tère de Notre-Dame-de-GrAce fut acquis à bon compte ».
[
RUE JEAN-BOLOGNE 4?
veaux travaux pour Téglise de Passy; son devis montait à la somme de
77.000 francs : agrandissement des chapelles de la sainte Vierge et de saint
Augustin, réparation du chœur à poser sur bitume, stucage, peintures, calo-
rifère, etc. Une partie des dépenses d'amélioration de Téglise de Passy fut
couverte par une souscription volontaire à laquelle prit part le célèbre chan-
sonnier Déranger, qui habita Passy et qui avait spécifié que c'était pour la
salle de catéchisme des enfants qu'il souscrivait. Le conseil municipal accorda
un secours de 7.000 francs pour les vitraux et Tornementation des chapelles
agrandies.
• Vers 1872, on a réparé le portail de Téglise ; on a travaillé à la sacristie, à
la chapelle au-dessus et à celle de saint Joseph ou des mariages. De 1890 à
1892, on a installé une conduite d'eau, un poste d'incendie, transformé des
lustres au gaz, établi des tribunes devant le grand orgue et au-dessus des
deux chapelles des bas-côtés (ce qui a augmenté de 238 le nombre des places
de réglise), agrandi la chapelle de la sainte Vierge et le caveau mortuaire,
établi un chœur dans une construction édifiée sur le jardin et réalisé divers
aménagements : sacristie et cabinets pour le curé et pour les vicaires, le tout
d'après les plans et devis de M. Train, architecte de la ville.
En 1902, on a établi de nouvelles orgues et transféré le maitre-autel à la
place de l'orgue d'accompagnement (1).
On peut citer comme ayant été enterrés dans l'église de Passy : l'abbé
d'Estrades (2), fils du maréchal de ce nom, ambassadeur à Venise en 1675 et
à Turin en 1079, mort en 1715 à Passy, où il habitait depuis cinq ans ; l'abbé
Le Ragois, précepteur du duc du Maine et confesseur de Mme de Maintenon,
mort en 1730; les abbés Boucheron, mort le 22 juin 1674 ; Fleuret, mort le
9 février 1730 ; Locatelli, qui fut curé de Passy de 1852 à 1879 et mourut le
1-4 mai 1879; Guiral, qui fut curé de Passy de 1879 à 1886 et mourut en
août 1886. M. Tabbé Chauvet, qui fut le premier curé séculier de Passy et qui
administra la paroisse de 1791 à 1827, fut enterré dans le cimetière 'de Passy,
et non dans l'église.
La rue Jean-Bologne a été ouverte sur l'emplacement du premier presby-
tère de la cure de Passy, établi par la dame Chahu, et d'une partie du
jardin de ce presbytère, qui avait été déclaré propriété nationale et acquis
par la commune de Passy. On lui donna d'abord le nom de « rue Neuve-de-
r Église, parce qu'elle longe un des côtés de cet édifice.
M. Renaut, propriétaire rue Neuve de-lÉglise, fut autorisé, le 31 mars 1826,
à y exercer le commerce de marchand de bois, sous la condition de paver à
ses frais cette rue, depuis sa propriété jusqu'à la Grande-Rue de Passy, la
commune prenant à sa charge le surplus du pavage de la rue Neuvede-
rÉglise.
Une délibération municipale du 28 septembre 1827 constate que le presby-
tère est dans un tel état de dégradation qu'il est devenu inhabitable, et auto-
rise le maire a louer à Mme Schalcher, principale locataire, une maison
rue de l'Eglise (aujourd'hui rue de l'Annonciation), attenant à l'église, pour y
(i) M. Tabbé Douvain, vicaire général honoraire de Bordeaux, chanoine honoraire de
Vannes, de Dijon et de Bayeux, qui est, depuis i886, curé de Nolre-Dame-de-Grâce de
Passy, a bien voulu me documenter sur l'histoire de son église.
/2) Cette liste a été communiquée par M. Léopold Mar à la Société historique d^Auteuil
cl de Passy.
48 HISTOIRE DU X\V ARRONDISSEMENT
loger M. Tabbé Delaplanche, qui fut curé de Passy de 1827 à octobre 1830.
Une ordonnance royale du 18 septembre 1843 autorisa la commune de Passy
à acquérir une maison et dépendances, destinée à être réunie au presbytère,
pour servir de logement aux ecclésiastiques attachés à la paroisse. Cette
maison, qui fut achetée à la dame Meslier, était attenante au presbytère et en
avait fait partie autrefois : son achat donnait au terrain du presbytère sur la
rue une largeur égale à celle du jardin. Un crédit de 8.505 francs avait
d'ailleurs été voté, le 1" février 1843, pour réparer le presbytère.
La largeur de la rue Neuve-de-rÉglise a été fixée à 8 mètres par arrêté du
16 février 1856. La construction des trottoirs y a été autorisée par délibéra-
tions municipales des 4 août et 4 novembre 1817. La dénomination actuelle lui
a été donnée par décret du 24 août 1864, en l'honneur du sculpteur et archi-
tecte Jean Bologne, né à Douai en 1524 et mort à Florence en 1608. Elève de
Michel-Ange, il a fait les figures et les ornements en bronze de la place
Majeure, à Florence ; le Mercure volant, à Rome ; r Amour et Psyché, àVersailles,
il a composé le cheval de bronze supportant la statue d'Henri IV sur le
Pont-Neuf.
La rue Bois- le- Vent, qui va de la place de Passy à la rue Mozart, faisait
autrefois partie de la rue de l'Église (aujourd'hui rue de TÂnnonciation) ;
cette dernière rue se prolongeait alors (1) jusqu'à « la Chaise )> (aujourd'hui
boulevard Beauséjour) et se trouva divisée en deux tronçons quand on créa,
en 1835, la place de la Mairie ; c'est à cette époque qu'on donna le nom de
« Bois-le-Vent » au tronçon de l'ancienne rue de l'Église, se dirigeant vers
le bois de Boulogne. Ce nom est attribué à ce que la rue bordait un chantier
de bois sous le vent, ou, suivant une autre version, à ce que le vent venait
par elle du bois de Boulogne. Li délibération municipale du 1*"^ février 1844
porte que des maisons d'habitation viennent d'être construites sur le côté sud
de la rue Bois-le-Vent, où il n'y avait précédemment que des murs de jardins,
et que les propriétaires de ces nouvelles maisons s'étant conformés à l'aligne-
ment, il y a lieu d'exécuter de ce côté des caniveaux pavés, pour l'établissement
desquels le conseil vote un crédit de 1.339 francs. D'ailleurs, la rue Bois-le-
vent ne comprenait alors que la partie enclavée entre la place de Passy et la
rue de Boulainviiliers ; la section qui s'étend de la rue de Boulainvilliers à
la rue Mozart s'est appelée d'abord rue des Vignes et n'a été réunie à la rue
Bols-le-Vent qu'en 1877.
Le surbaissement de la rue de Boulainvilliers, opéré lors de l'établissement
du chemin de grande communication de Montrouge à Neuilly, par le pont de
Grenelle, imposa à la commune de Passy les frais d'un nouveau nivellement,
en 1840, pour la rue Bois-le-Vent et la rue des Vignes : le déblai atteignait
2 mètres à la rencontre de cette rue et du nouveau chemin (route de
transit).
La rue des Vignes a remplacé le chemin des Vignes, qui reliait la rue
Raynouard à l'entrée de la Muette ; ce nom rappelle l'époque où on cultivait
la vigne sur le coteau de Passy. Un décret du 10 février 1875 avait donné à
cette rue le nom de « rue Houdon »; mais comme il existait à Paris une rue
(i) C'est dans celte partie de la rue Bois-le-Vent, vis-à-vis de la Muette, que se trouvait
la maison Pastoret, où le poète André Chéuier fut arrêté le 6 janvier 1794 (voir aux
annexes (p. 362\ l'article de M. Léopold Mar sur l'arrestation d'André Ghénier à Passy).
BLE UtS VIGNES ^^
portant leiuéiue nom, l'arrêté préfecloral du i" lévrier 1H77 a rétabli l' ancien
La. princesse de LAMaULE
(Colli'cLion de M. Em. PotliM
nom de la rue des Vignes. apWis (pit! l'autre rue portant également ce nom
fut réunie, comme il a été dit ci-dessus, à la rue Boin-le-\'ent. M. Leblanc,
5o UISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
vice-président du conseil général des ponts et chaussées, a habité le n*» 65 de
la rue des Vignes. Mlle Emilia Bigottini, qui s'était fait applaudir à l'Opéra
de 1802 à 1822, vécut longtemps en son hôtel de la rue des Vignes et fit
beaucoup de bien aux pauvres de Passy.
Le passage des Eaux (1) est étroit et coudé, à pente très rapide ; un esca-
lier de 114 marches irrégulières y permet la circulation entre la rue
Raynouard et le quai de Passy. Il figure comme rue sur le plan de 1731 et
tire son nom du voisinage des eaux minérales ferrugineuses de Passy. C'est
une voie privée qui s'est nommée d'abord « la f uelle des Eaux « et ensuite
le « passage des Anciennes-Eaux ».
Un décret du 2 octobre 1865 a réuni sous la seule dénomination de rue
Berton deux rues qui figurent sur le plan de 1731, savoir : la rue de Seine
(prenant naissance au quai, devant son nom au voisinage du fleuve, et dont
la direction est perpenpiculaire à celle de la rue Raynouard) et la rue du
Roc, en équerre et débouchant sur la rue Raynouard ; cet ancien nom de
rue du Roc eât attribué à ce qu'un gros bloc de pierre se trouvait dans cette
section, ou à ce qu'elle aboutissait au point culminant de la montagne, ou
roc. La dénomination actuelle a été donnée en mémoire du compositeur
Henri-Montan Berton (1766-1844), qui entra, comme violon, à l'Opéra, à quinze
ans, fut nommé professeur d'harmonie au Conservatoire, lors de sa création
en 1795, dirigea l'Opéra italien de 1807 à 1809 et fut nommé membre de
l'Institut en 1815. Le père de Berton, qui avait été également compositeur,
fut surintendant de la musique du roi.
Le côté gauche de cette ancienne rue de Seine était occupé par une pro-
priété de Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe,
amie de Marie-Antoinette et une des plus déplorables victimes des massacres
de septembre 1792. Cette belle propriété avait d'abord appartenu à Geneviève-
Marie de Durfort de Lorges, fille du maréchal de Lorges, belle-sœur du duc
de Saint-Simon et veuve, depuis 1723, du célèbre duc de Lauzun. Après elle,
le domaine fut acquis, le 9 septembre 1734, par la marquise de Saissac, fille
de Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes. Vint ensuite la nièce par alliance
de la précédente propriétaire, lacomtess3 d'Egmont-Pignatelli, belle-sœur du
maréchal de Richelieu ; de son premier mariage elle avait eu, en 1748, Louis-
Joseph-Charles-Amable d'Albert qui, devenu duc de Luynes et de Chevreuse,
et pair de France, entra en possession de la propriété le 18 mai 1775 et la
vendit, le 1*"^ février 1783, à la princesse de Lamballe, veuve du fils du duc
de Penthièvre, avec lequel elle pouvait communiquer aisément, puisqu'il
habitait le château seigneurial de Passy, dont le parc avait une issue sur la
rue Raynouard, à peu de distance de la rue Berton.
Le lendemain de la mort de la princesse de Lamballe, c'est-à-dire le
4 septembre 1792, on apposa sur sa maison de Passy les scellés, qui ne furent
levés que le 3 avril 1793. La propriété, d'abord saisie et vendue comme bien
d'émigrés, fut, après l'accord survenu en mai 1796 entre la République
française et le roi de Sardaigne, remise le 12 janvier 1797 à Charles-Emma
nuel de Savoie-Carignan, neveu et héritier de la princesse de Lamballe. Ne
pouvant pas habiter ce domaine, il s'en défit le 8 août suivant en faveur du
citoyen Joseph Baguenault et de sa femme, dans la famille desquels il resta
;i I Voir ,'uix annexes (p. 3C/|} Tarlicle de M. l.<'»op(»ld .\far intitulé : •« Le passage des Eaux »>.
PONT d'iÉNA 5|
jusque vers 1845. La propriété avait autrefois, du côté des numéros pairs de
la rue Berton, quelques dépendances qui furent acquises par la famille
Delessert pour la régularisation de ses terrains.
Depuis cette époque, la propriété de la princesse de Lamballe (1) a été cons-
tamment occupée par une maison de santé pour aliénés. Le docteur Esprit
Blanche y transféra en 1846 la maison de santé qu'il avait sur les hauteurs de
Montmartre et en partagea la direction médicale avec son fils aine, le célèbre
docteur Emile Blanche. Il mourut dans cette maison le 5 novembre 18o2.
Son fils, le docteur Emile Blanche, conserva la direction de la maison jusqu'en
187i, époque à laquelle il la céda au docteur Meuriot, récemment décédé.
Après avoir quitté la direction de la maison de santé de la rue Berton, le doc-
leur Emile Blanche se retira en son hôtel de la rue des Fontis, n"* 19 (actuelle-
ment dénommée rue du docteur Blanche); il y resta pendant les vingt der-
nières années de sa vie (i) et y mourut le 17 août 1893.
La rue GuilioUy dont le côté droit est bordé par les jardins de la maison de
santé du docteur Blanche, est fort ancienne et porte un nom de propriétaire.
Sa largeur a été fixée à 8"*,:î0 par arrêté du 16 février 1856.
Le côté gauche de la rue Guillou est très voisin de la voie ferrée, ouverte à
Texploitation en même temps que l'Exposition universelle de 1900 (chemin
de fer de Courcelles aux Invalides). L'établissement du pont sur lequel ce
chemin de fer traverse la Seine a nécessité un abaissement du quai de Passy,
au droit des rues Guillou et du Ranelagh, qui a été réalisé d'ootobre 1899 à
novembre 1900 ; on a exécuté également (3) en 1900 la mise en état de viabi-
lité de la rue Guillou (suppression du caniveau central, établissement de
chaussée empierrée et de trottoirs).
La grande route n" 10 de Paris à Bayonne par Versailles, Tours et Bor-
deaux est dénommée quai Debilly entre le pont de l'Aima et la rue Beethoven,
et quai de Passy entre la rue Beethoven et le pont de Grenelle. C'est en 1572
qu'on a commencé la construction du quai Debilly et il prit alors le nom de
quai des Bonshommes, parce qu'il longeait, dans une partie de son étendue,
les dépendances de leur couvent ; on le désigna ensuite sous les noms de
chemin de Paris à Versailles, quai de la Savonnerie (4), quai de Chaillot.
L'article 2 du décrel du 13 janvier 1807, daté de Varsovie, est ainsi conçu :
« Le quai sur lequel le pont d'Iéna doit s'appuyer du côté de Chaillot et
qui doit être élargi et refait dans une nouvelle direction s'appellera, dans la
partie comprise entre la pompe à feu [o) et la barrière, quai Debilly, du nom
du général (6). »
Leponl (Tléna (7) réunit le quai Debilly au quai d'Orsay, dans l'axe du
(i) Les indications données sur In propriété de la princesse de Lamballe onl été com-
muniquées à la Société historique par M. Léopold Mar.
f2) Voir ci-après les renseignements donnés dans la notice concernant la rue du Doc-
leur-Blanche, qui appartient au quarUer d'Auteuil.
(31 Les travaux ont été exécutés sous la direction de M. l'inspecteur général Boreux,
de M. l'ingénieur Bret et de M. le conducteur Germain.
(4) Voir ci-dessus les indications données sur lancicnne manuracture royale de tapis
de la Savonnerie (genre perse et turc).
5* La pompe à feu sera mentionnée dans la notice concernant l'avenue du Trocadéro.
iG' Le nom du général Debilly, tué /lia bataille diéna, s'écrivait en un seul mot; cepen-
dant, on a écrit souvent le nom du quai en deux mots : « de Billy ».
'7 Mon article sur «< la Seine entre le pont d'Iéna et le viaduc d'Auteuil »» est repro-
duit à la tin de ce livre, aux annexes (p. 305).
52 HISTOIRE DU XVl' ARRONDISSEMENT
Champ (le Mars et du palais du Trocadéro ; il appartient aux VIP et XVP arron-
disseraeats. Sa constructioa vis-à-vis de l'Ecole militaire a été autorisée par le
décret du 27 mars 1806; il devait d'abord s'appeler « pout du Champ-ds-
Mars » et être couslruit en fer et fonte : la majorité du conseil général
des ponts et chaussées donna heureusement la préférence à rétablissement
d'un pont en pierre de cinq arches de ±H mètres. Par un décret daté de V^ar-
sovie, Je 13 janvier 1807, Napoléon P*' lui donna le nom de pont d'Iéna, en
mémoire de la bataille gagnée le 14 octobre 1806 par Tarmée française (maré-
chal Davoust,ducd*Auerstaëdt)sur les Prussiens ; le projet d'exécution, dressé
par l'ingénieur en chef des ponts et chaussées Lamandé, dont le nom a été
donné à une des rues de Paris, a été approuvé par décret du 27 juillet 1808;
la dépense du pont et des quais voisins, montant à environ 6 millions, a été
entièrement supportée par l'État ; les travaux, commencés en 1808, ont été
terminés en 1813. Le mur du quai Debilly avait été reporté dans le lit de la
Seine, et ce quai élargi aux dépens de la rive opposée.
On lit dans l'ouvrage publié par M. Brugère, en 1823 ;
« Le pont de l'École militaire semblait devoir être à l'abri de tout événe-
ment, d après la capitulation de Paris ; mais le nomd'Iéna qu'il portait alors,
en mémoire d'une victoire remportée par les Français, suggéra h larmée
prussienne le projet de détruire ce beau pont. En conséquence, des ouvriers
mineurs, commandés par un officier, s'occupèrent à miner la partie inférieure
des piles. Les procédés employés exigèrent heureusement un temps assez
long, dont on profita pour faire des représentations qui furent écoutées et le
pont fut sauvé. Des incrustements exécutés avec un grand soin ont fait dis-
paraître jusqu'aux moindres traces de cette tentative. »
On a attribué la conservation de ce monument à l'énergie du roi Louis XVIII
et à l'intervention de l'empereur de Russie Alexandre I" (1) ; une ordon-
nance royale de 181i lui attribua le nom de « pont des Invalides », et
Louis XVIII fit effacer les aigles sculptées sur les tympans du pont, au-dessus
des piles ; elles furent remplacées par des L adossées et surmontées de cou-
ronnes. Après la révolution de 1830, le pont reprit son nom d'Iéna ; en 1852,
Napoléon III fit disparaître les L, auxquelles furent substituées des aigles
sculptées par Barye, et, l'année suivante, on plaça sur les quatre piédestaux
des extrémités du pont les quatre statues de cavaliers tenant des chevaux
en main ; le projet de ces groupes équestres, montant à 110.000 francs, avait
été approuvé en 1849.
Chaque culée a 15 mètres d'épaisseur ; la largeur entre les parapets est de
13'", 70, chiffre qui me parait insuffisant : cette exiguïté a causé quelques
accidents les jours de grandes fêles. L'élargissement du pont d'Iéna, effectué
pour les besoins de l'Exposition universelle de 1930, n'avait qu'un caractère
essentiellement provisoire ; des considérations esthétiques s'opposaient au
maintien de cet élargissement (2).
La passerelle Debilly, construite pour les besoins de l'Exposition univer-
selle a son axe à 48) mètres de distance de celui du pont dléna. Elle
(i: Voir aux annexes ^p. 370) larticle de M. Léopold Mar intitulé : « Par qui le pont
d'Iéna fui sauvé en 1814 »>•
f2 Le pont d'Iéna figure parmi les monuments artistiques sur lesquels rafflchage est
interdit, même en temps d'élections. Les passerelles ea bois élargissantles trottoirs pour
piétons de chaque côté du pont ont été maintenues jusqu'à présent.
QUAI DEBILLY 53
a 120 mètres de lonp^ueur et est supportée par doux fermes en arcs équilibrés ;
sa largeur est de 8 mètres. Les frais de construction se sont élevés à
îiHO.OOO francs. La Ville de Paris a obtenu de l'Exposition la cession de cette
passerelle, qu'elle se propose de conserver pourTaHecter au service du public.
La moindre largeur du quai Debilly a été fixée à 17"*,70par une décision
ministérielle du 13 fructidor an VIII (signée Lucien Bonaparte) et à 27 mètres
par une ordonnance royale du 27 septembre 1826. C'est au quai Debilly,
près de la pompe à feu de Chaillot, que TAméricain Robert Fulton avait
amarré le bateau à vapeur qu1l avait inventé. Le Monileiir du 26 thermidor
an XI (14 août 1803) en donne la description suivante :
« C'est un bateau d'une apparence bizarre, puisqu'il est armé de deux
grandes roues posées sur un essieu, comme pour un chariot, et que, derrière
ces roues, est une espèce de grand poêle, avec un tuyau que Ton dit être une
petite pompe à feu destinée à mouvoir les roues, armées de volants ou rames
plates, et le bateau. »
Fulton fit avec succès, le 9 août 1803, des expériences de vitesse, sur la
Seine, entre la pompe à feu de Chaillot et la barrière des Bonshommes. Le
recueil polytechnique des Ponls et Chaussées (page 32 du VI*' cahier de
Fan XI) rend compte de ces essais dans les termes suivants : « Aidé seu-
lement de trois personnes, Fulton mit en mouvement son bateau et deux
autres attachés derrière En remontant le long du quai, sa vitesse contre
le courant de la Seine nous parut égale à celle d'un piéton pressé, c'est-à-dire
de 2.400 toises par heure; en descendant, elle fut bien plus considérable.
Il monta et descendit quatre fois, depuis les Bonshommes jusque vers la
pompe de Chaillot. 11 manœuvra à droite et à gauche avec facilité. L'un des
bateletsvint prendre au quai plusieurs savants et commissaires de l'Institut,
parmi lesquels les citoyens Bossut, Carnot, Volney, Prony, etc. Sans doute
ils feront un rapport qui donnera à cette découverte tout l'éclat qu'elle
mérite. »
Il est bien regrettable qu'on n'ait donné en France, à cette époque, aucune
suite à ces expériences. Fulton retourna aux États-Unis et y transporta la
nouvelle industrie des bateaux à vapeur qu'il venait d'expérimenter k
Chaillot (1).
On peut voir, dans le jardin d'un hôtel du quai Debilly, près de la
Manutention, un cèdre ; c'est tout ce qui reste d'une propriété qui était
connue sous le nom de maison du cèdre; elle a été occupée par Mme de Pom-
padour, lors de la construction de l'École militaire, puis quelques années
plus tard par Sophie Arnould (1740-1802), cantatrice de l'Opéra, célèbre par
son esprit frondeur et libertin. Le pavillon de cette propriété, qui était la
retraite favorite de Sophie Arnould, au temps des fêtes galantes du
xvni* siècle, a été démoli en 1865, par suite des travaux exécutés pour le per-
cement des avenues de l'Aima et du Trocadéro. Sophie Arnould eut du comte
de Lauraguais trois enfants, dont l'un, Dioville comte de Brancas, colonel du
11^ régiment de cuirassiers, fut tué au combat de l'île de Lobau. Ayant
quitté le théâtre en 1778, elle se retira à Clichy, puis à Luzarches (2), où elle
11) Les premiers essais de foncUonnement d'un bateau à vapeur, avec roues à aubes
avaient été faits, à la fln du xviii' siècle, par le marquis Claude de JoufTroy d'Abbans.
[1) V'oir aux annexes (p. 371) l'article de M. Chandebois sur Sophie Arnould.
54 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
devînt suspecte comme ayant été autrefois l'amie d'aristocrates. Des agents
du comité révolutionnaire étant venus faire une visite domiciliaire dans sa
modeste demeure : « Mes amis, leur dit-elle, j'ai toujours été une citoyenne
très active et je connais par cœur les droits de l'homme. » En continuant
leurs perquisitions, ils s'arrêtèrent devant un buste du compositeur Gluck :
« C'est Marat, le père du peuple », leur déclara Sophie, et ils furent très
satisfaits de ces réponses. Dans ses dernières années, elle obtint de François
de Neufch«1teau un logement à l'hôtel d'Angiviller, près du Louvre. Comme
le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois lui promettait le pardon : « Je suis
comme Madeleine, dit-elle, beaucoup de péchés me seront remis, parce que
j'ai beaucoup aimé. »
Georges Cadoudal a habité le n^ 10 ancien du quai Debilly, de la fin
de 1803 au commencement de février 1804, à l'époque où il cherchait d
renverser le gouvernement consulaire ; il y reçut le général Moreau et y
cacha le comte Armand de Polignac ; le général Pichegru, qui conspirait
contre Bonaparte avec Georges Cadoudal, resta avec lui dans cette maison
du 2:2 ou 23 janvier au 2 ou 3 février 180i.
La rue Gasion-de-Saini-Paul est une voie privée, qui va du quai Debilly ù
Tavenue du Trocadéro ; elle doit son nom au propriétaire qui l'a fait
ouvrir.
La Manutention (subsistances militaires), comprise entre le quai Debilly,
la rue de la Manutention, l'avenue du Trocadéro et la rue Gaston-de-Saint-
Paul, occupe une partie de l'emplacement de l'ancienne manufacture royale
de tapis de la Savonnerie. C'est en 1836 qu'on a construit la première partie
des bâtiments de la Manutention ; le maréchal Maison, alors ministre de la
Guerre, venait souvent visiter les travaux : cet établissement était alors or-
ganisé de manière à produire 140.000 quintaux de farine par an et à contenir
les approvisionnements nécessaires pour nourrir 40.000 hommes pendant
trois mois. D'autres bâtiments ont été construits en 1840(1).
Le quai de Passi/ est planté d'arbres, comme le quai Debilly. L'ordon-
nance royale du 3 juillet 1842 en a fixé la moindre largeur à 20 mètres. Par
délibération du 10 août 1844, le conseil municipal de Passy a accordé une
subvention de 33.000 francs aux travaux d'amélioration de ce quai.
L'abbé Le Ragois, dont le nom est lié à l'histoire des eaux minérales de
Passy, a habité de 4717 à 1730 une maison correspondant probablement au
n° 32 du quai de Passy ; il fut le confesseur de Mme de Maintenon et le
précepteur du duc du Maine ; il découvrit dans son jardin deux nouvelles
sources ferrugineuses, en 1719.
C'est sur le quai de Passy, au bas de la rue Beethoven, que se trouvait la
barrière de Passy (précédemment des Bonshommes), et c'est à cette barrière (2)
que Bailly, maire de Paris, et Lafayette, commandant de la milice pari-
sienne, vinrent recevoir, le 17 juillet 1789, Louis XVi venant de Versailles.
Cette barrière a été démolie en 1867.
La ruelle Saint-Pol, ou du Fief-Saint-Pol, perdit son nom sous la Révo-
lution, quand on supprima toutes les appellations qui rappelaient la féoda-
(i) Voir l'arlide do M. le commandant Dubois, intitiilc^ : «< Incendie de la Manutention
militidre du quai do Rilly, iKV5 », p. (mj A 79. du II* volume du Bulletin,
(îjj Voir aux annexes (p. 3-24) rarlicle de M. Léopold Mar, intitulé : « Nos Anciennes
Barrières >».
KUE DE LA POMPE 55
lîtë. Le fief Saint-Pol appartenait aux seigneurs de Passy, qui le men-
tionnent dans rénumération de leurs titres. Cette ruelle, qui partait du
château seigneurial, aboutissait aux « terres fortes d'Auteuil » (terres argi-
leuses). Le i*' décembre 1792, elle prit le nom de « rue des Fortes-Terres »,
puis celui de rue de la Glacière, en raison d'une grande glacière qui avait
été installée à son extrémité. En 1836, on voyait encore, à Tendroit où la rue
des Fortes-Terres débouchait sur le chemin des Tombereaux (aujourd'hui
rue de TAssomption): à gauche, le saut-de-loup qui séparait des champs le
jardin du château de la Tuilerie, et, à droite, la glacière, abritée contre le
soleil par des marronniers. Un décret du 24 août 186i a donné i\ cette rue le
nom du sculpteur Augustin Pajou (1730-1809), grand prix en 1748, membre
de l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1760 et membre de l'Ins-
titut lors de sa formation. Cette voie, dont l'aspect a été considérablement
modifiée par les nouvelles constructions, va de la rue Mozart à la rue de
l'Assomption, en croisant la rue du Ranelagh,et a pris le nom de rue Davioud,
en mémoire de l'architecte Gabriel-Jean-Antoine Davioud (1823-1881). En
1897, la rue Davioud a été mise en état de viabilité entre les n**' 17 et 21.
On a commencé en avril 1901 les travaux d'élargissement de la rue Davioud
entre la rue Mozart et le n** 13,*ainsi que le nivellement de ladite rue
Davioud ; ce nivellement était motivé par l'ouverture d'une voie nouvelle,
qui sera mentionnée dans l'alinéa suivant et qui fait communiquer la rue
Davioud avec la nouvelle voie- percée entre la rue du Ranelagh et la rue des
Bauches. La largeur de la rue Davioud, qui avait été fixée à 8 mètres par
l'arrêté du 16 février 1856, a été portée à 12 mètres par le décret du 29 mai 1867,
en raison du percement de la rue Mozart.
La rue Pajou, dénommée d'abord impasse Pajou par arrêté préfectoral du
10 novembre 1873, n'allait autrefois que de la rue des Vignes à la rue des
Bauches et se trouve prolongée par la voie nouvelle ouverte en 1901 entre la
rue des Bauches et la rue du Ranelagh. L'impasse Pajou était le restant de
l'ancien sentier du Calvaire, classé comme chemin public rural le 5 oc-
tobre 1857. Ce chemin partait de la rue de la Glacière et arrivait au lieu dit
« la Chaise » (boulevard Beauséjour); une grande partie de son étendue a été
supprimée : 1"" par le prolongement de la rue du Ranelagh, au delà de la rue
Davioud; 2*" par le percement de la rue Mozart.
La rue de l'Assomption (autrefois chemin des Tombereaux) sépare le
territoire de Passy de celui d'Auteuil ; la notice sur cette rue est donnée
dans la partie de cet ouvrage qui est consacrée à l'histoire des rues d'Au-
teuil.
La rue de la Pompe \i) doit son nom à la pompe qui alimentait le château
de la Muette. Elle a d'abord consisté en une ruelle qu'on avait pratiquée le
long des murs de ce château ; elle aboutissait à une porte du bois de Bou-
logne, située alors auprès du point actuel d'intersection de la rue de Passy
et de la chaussée de la Muette. Cette ruelle, que l'on appela d'abord « le nou-
(i} La hauteur des galeries d'exploitation des anciennes carrières situées sous le sol
de la rue de la Pompe est de 2«»,43 devant le n» 24, de 2",3o à l'angle de la rue de la
Tour et de 5 mètres à Tangle de la villa Herran. La distance du sol au ciel de la carrière
est de 5«>,26 au puits de service, devant le n* 24, de 3™ ,95 à Tangle de la rue de la Tour
et de 8>°,S> près de la villa llcrran,
56
HISTOlDi: T
veau chemin «, fut Iransforméc en rue (1) dans les dernières années du
XVIII" KÏi'cle, et, comme la pompe qui fuiiraissait de l'eau au chAteau se trou-
vait prôs <le rem|)laceinent de la nouvelle voie, on lui donna le nom de rue
de la Pompe. Kn fK(IU, cette rue ne donnait acci'S à des maisons que dans la
.5, >•■
; -a
partie comprise entre son origine et son pointactuel d'intersection avec la rue
de la Tour ; k partir de ce point, la rue de la l'ompe était continuée par un
chemin tortueux, qui traversait la plaine de P;iss]- dans toute son étendue et
venait déboucher près de la porte Maillot, sur l'avenue de Neuilly {aujourd'hui
RUE DE LA POMPE ÔJ
avenue de la Grande-Armée). Vers 18:25, la société qui avait entrepris la
transformation de la plaine de Passy en un nouveau quartier, élargit et
redressa ce chemin, qui prit, lui aussi, la dénomination de rue de la
Pompe.
La route de Montrouge à Neuilly, comprenant, dans le XVP arrondisse-
ment, le pont de Grenelle, la rue Boulainvilliers et la rue de la Pompe, a été
classée comme chemin vicinal de grande communication le A septembre 1839,
et comme route départementale n^ 10 le :25 juillet 1851.
La rue de la Pompe s'arrête actuellement à l'avenue du Bois-de Boulogne,
le décret du 10 août 1868 ayant donné à la partie de cette rue qui s'étendait
entre l'avenue du Bois-de- Boulogne et l'avenue de la Grande-Armée le nom
de rue Duret, en mémoire du statuaire Francisque-Joseph Duret (1804-1865),
élève de Bosio, qui a concouru à l'achèvement du palais du Louvre et fut
nommé, en 1843, membre de l'Académie des Beaux-Arts.
Au n" 20 de la rue Duret se trouve la cité Félix^ voie privée, qui n'a
que 'S'^Jù de largeur et a été ainsi nommée, parce que Félix est le prénom
de M. Guépin, qui a fait construire cette cité.
L'arrêté préfectoral du 8 novembre 1840, qui incorporait la rue de la Pompe
au chemin de Montrouge à Neuilly, avait fixé pour cette rue une moindre
largeur de 12 mètres, maintenue par le décret du 12 mai 1882, sauf en ce qui
concerne la section comprise entre l'avenue du Trocadéro (Henri-Marlin)
et la rue de Longchamp, section pour laquelle le décret fixe la largeur à
15 mètres; ce décret porte, en outre, que les parties de Timmeuble n" 2 com-
prises dans le tracé de la voie publique ne pourront être occupées par la
Ville qu*après acquisition amiable ou expropriation, et non par application
de la servitude de reculement.
On remarque d'élégantes loggias à la façade de la maison de rapport qui
porte le n" 7 sur la rue de la Pompe et qui a été construite récemment par
M. Tarcbilecte G. Debrie (\),
L'auteur dramatique F. Ponsard (1814-1867), qui fut élu académicien en
1855 et à qui on doit: Lucrèce (1843), Agnès de Méranie (1846), Horace et
Lydie ^ Charlotte Corday [V^TA))^ T Honneur et V Argent (1853), le Lion amou-
reux (1866), a passé les dernières années de sa vie à Passy (2) ; il y mourut,
à l'hôtel portant le n*" 9 de la rue de la Pompe, assisté des bons soins du
critique Jules Janin (3), qui avait un pied-à-terreàPassy dès 1843 et demeura
dans son chalet, portant le n" 11, depuis 1856 jusqu'à sa mort, surveaue
en 1874.
« Cher petit bas-bleu à talons rouges, écrivait un jour Jules Janin à la
i) Cet architecte a été primé, au concours de façadeP, pour sa maifion de la rue du
Roi-<le-SiciIe,
'^2; Ponsard fut toujours malheureux au jeu : il perdait aux dominos avec Jules Janin,
an lansquenet chez Augier. Etant allé retrouver à Spa, en 1853, M et Mme J. Janin, il
voulut voir si sa mauvaise chance l'avait abandonné et y perdit tous les droits d'auteur
qu'il avait gagnés A l'Odéon. Pour le séjour de Ponsard à Passy, voir dans le Bulletin Tar-
Ucle de M. Léopold Mar, intitulé: « Ponsard à Passy », p. 6i A 63 du IV« volume.
3; Voir aux annexes (p. 373) la Conférence faite par M. Antoine Guillois sur Jules Janin
à une soirée littéraire donnée, à la mairie du XV1« arrondissement, par la Société
historique d'Autcuil et de Passy. — Voir également la communication de M. Ch.
Chamiebois : « Vers écrits par Jules Janin au bas d'une photographie du chalet »>, p. i5o
cl i5i, et rarticlc de M. Louis Aigoin, intitulé : «« Jules Janin et Félix Arvers », p. i5i et
i53 du III^' volume du Bulletin.
58 HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
comtesse de Mouzay, je fixe désormais ma lente à Passy; car, de cette colline
charmante, il me semble qu'on peut mieux ouvrir ses ailes vers Tinfini. »>
Jules Janin avait fait inscrire au nord de la façade de sa demeure ces deux
vers de Clément Marot, l'un de ses poètes favoris :
tt Que le ciel nous préserve en ce bas monde, icy,
De faim, d'un imporlun, de froid et de soucy. »
Cette propriété, qui avait 1.100 mitres de superficie, était placée au milieu
des arbres de la Petite-Muette ; Jules Janin raflectionnait beaucoup et y avait
réuni un p^rand nombre de livres rares, que sa veuve donna à l'Institut, à la
condition que la salle qui contiendrait cette bibliothèque porterait le nom de
son mari.
Le chemin de fer de Courcellesau Champ de Mars a été construit en souter-
rain près de cette propriété ; le chalet de Jules Janin, habité après lui par le
colonel Mannheim, a été démoli en 1898; on vient d'exécuter une nouvelle
rue, établie au-dessus du souterrain du chemin de fer; elle va de la rue
Gustave-Nadaud à la chaussée de la Muette, coupe la propriété habitée autre-
fois par Jules Janin et sera probablement dénommée rue Ponsard,
Le compositeur Rossini a habité, vers 1857, Tancien n^ 24 de la rue de la
Pompe. Don Carlos, prétendant à la couronne d'Espagne, et sa première
femme, la duchesse de Madrid, occupèrent, de 1877 à 1881, un hôtel sur l'em-
placement duquel la rue de Siam a été percée. Cet hôtel avait été habité, à
partir de 1825, par le comte de Las Cases, auteur du Mémorial de Sainle-
Hélène, qui y mourut en 1842, àTâge de soixante quatorze ans, après avoir eu
la satisfaction de voir rendre à la France les cendres de Napoléon P% à qui il
avait donné tant de preuves de dévouement. Son fils, le marquis de Las Cases,
né en 1800, qui avait eu, pendant quelque temps, l'honneur de servir de jeune
secrétaire à l'empereur à Sainte-Hélène et qui y avait ensuite accompagné
le prince de Joinville, quand il vint y prendre les cendres de Napoléon, fut
conseiller d'État, député et sénateur du second Empire; il habitait également
rue de la Pompe, vers Je n** 47, une maison attenante au jardin de l'hôtel de
son père ; il y mourut en 1854.
Le graveur Bertinot, membre de l'Institut, habitait au n" 35, en 1856-1859.
Une chapelle ayant son entrée sur la rue de la Pompe a été reconstruite,
en 1898-1899, par les Carmes, dans l'îlot compris entre la rue de Siam et la
rue de la Tour. Ces religieux, n'ayant pas cru devoir demander au gouverne-
ment d'autoriser leur congrégation, ont quitté la France en 1901, et leur
chapelle est actuellement fermée. Adolphe Crémieux, avocat et homme poli-
tique, vint habiter en 1873 au n° 75, à l'angle de l'avenue Henri-Martin, et y
mourut en 1880. La mairie du XVI* arrondissement, qui s'élève à l'autre
angle de l'avenue Henri Martin, fut inaugurée officiellement le 21 avril
1877 ; mais les bureaux y étaient déjà installés depuis quelques années.
C'est sur la rue de la Pompe que le lycée Janson-de-Sailly (1) a son entrée
principale. Sa création a été décidée par décret du 30 décembre 1876; la
première pierre a été posée, le 15 octobre 1881, par le ministre Jules Ferry ;
Victor Hugo assistait à cette cérémonie. La construction a été dirigée par
(i) Voir aux annexes (p.38o) larticle de M. Antoine Guillois, intitulé ; « Ouelques Mots
sur le lycée Janson-de-Sailly ».
r.YCÉE JANfiON-DE-SAII-LY Sg
l'architecte Laisné, et les cours ont comniencé dans les bAtiments. encore
(Cotlcclion de U. Ém. Polin.}
inachevés, le 10 octobre I8Ki ; les travaux, ont été terminés en avril 1885.
Ce lycée, qui est très bien agencé, conformêuieul à toutes les règles de
6o HISTOIRE Dr XVl" ARRONDISSEMENT
l'hygiène, est le plus vasle de Frayée : il occupe une surface de 33.774 mètres
carrés, dont ll.OUO mf'tres Mlis, el le reste consacré à des cours pluntées el
à des jardins. Le lerrain a été aciielé au prix de trois millions, grâce à
UQ legs tait h l'Université par Janson de SaiUy, beau-fn-re de l'urateui
A. Berryer. L'Ktat a fait élever à ses frais les constructions, quiontcoOté envi-
ron neuf millions.
Jules Janin.
(Colleclion tic M. Cliiindel»ls.)
Les élèves forment, d'après leur âge, quatre divisions qui ont chacune leur
cour de récrftation,' leurs salles d'études et de classes, leur réfectoire et leurs
dortoirs particuliers. L'infirmerie se trouve dans un bâtiment isolé et elle a,
dans ses dépendances, un petit jardin pour les convalescents.
M. Kortz a été proviseur du lycée depuis sa fondation jusqu'au 15 septem-
bre IHfll, époque à laquelle il fut remplacé par M. Tourteau. Cet établis-
STATION DE PASSY 6l
sèment n'a besoin de recourir à aucune subvention : son budget de dépenses
comprend environ 1.400.000 francs, équilibré par des recettes dont le mon-
tant s'élève à la même somme.
Beaucoup de belles habitations ont été construites à Passy, depuis que le
lycée Janson y a été fondé ; le voisinage du bois de Boulogne attire et retient
les familles ; la population aisée s'accroît très rapidement, ce qui favorise la
prospérité du lycée, où le nombre des élèves augmente chaque année. Il
n'était que de 458, en 1884, année de la fondation et est, en 1001, de 1853, dont
800 pour l'enseignement classique, 400 pour l'enseignement moderne, et le
surplus réparti entre les classes élémentaires et primaires. L'augmentation
porte principalement sur le nombre des élèves externes, qui était de 233 en 1884
et s'élève, en 1001, à 1.377. Pour être en mesure de satisfaire aux demandes
de nouvelles admissions, il faudrait créer un lycée d'externes à Auteuil.
Le nombre des élèves reçus chaque année au baccalauréat est en moyenne
de 200. Depuis dix ans, 800 élèves ont été reçus aux écoles du gouvernement
(polytechnique, normale, Saint-Cyr, navale, centrale, institut agronomique
et écoles supérieures du commerce). En douze ans, le lycée Janson a obtenu
huit fois le prix du Lendit de Paris, fondé en 1880 par le président (^arnot.
La Chausiée de la Muette prolonge la rue de Passy jusqu'aux pelouses du
Ranelagh, en passant devant l'entrée principale du château (1) dont elle porte
le nom. C'était autrefois un chemin compris dans l'enceinte du bois de Bou-
logne: une partie avec grille, située à l'extrémité de la grande rue de Passy (2)
et à la naissance de la rue de la Pompo, donnait entrée au bois; plus tard,
cette porte fut tranférée à l'endroit où S3 trouve aujourd'hui la station de
Passy ; enfin, elle fut supprimée lors de l'annexion, en 1800.
Le décret du 11 décembre 1811 classa la chaussée de la Muette comme route
départementale n^ 2, de Paris à Saint-Cloud, et fixa sa moindre largeur à
14 m. 50 ; elle s'étendait alors jusqu'à la porte de la Muette. La partie retran-
chée de l'avenue de la Muette a reçu, en 1805, les noms d'avenue Prudhonet
avenue Raphaël.
Ce n'est qu'en 1860 qu'on a achové la chaussée de la Muette, qui est plantée
d'arbres; elle n'est bordée de maisons que dans les parties comprises
entre la rue Mozart et la rue Largillière d'un cùlé, entre la rue de la Pompe
et le château de la Muette de l'autre côté, le surplus étant occupé par les
pelouses du Ranelagh. Jenny Vertpré (Mme Carmauchei, actrice du Gymnase,
habita longtemps le n"^ 8 de la chaussée de la Muette, avant 1857.
La station de Passy (chemin de fer de Paris à Auteuil) a son entrée sur la
chaussée de la Muette. Le 30 septembre 1890, la compagnie du chemin de
fer '3) fit abattre, sur une longueur de lOi) mètres, la palissade séparant la pro-
menade du Ranelagh du trottoir de la station de Puosy, afin d'établir le pavil-
lon de réception où le tsar Nicolas II et la tsarine débarquèrent le 0 oc-
tobre 1896, pour faire leur entrée triomphale à Paris par le Ranelagh, les
(i) Voir ci-dessuf:, et aux annexes, p. 2(j5, les indications données sur Thistoire du
château de la Muette.
''2) ("est sans doute pour ce motif que la rue de Passy se termine encore aujour-
d'hui au point où commence la rue de la Pompe.
3 Voir pages 176 A 180 du IP' volume du hulletin, l'article de M. Emile Polin, intitulé :
* Le Tsar Nicolas II et la Tsarine à Paris »», et, aux annexes p. 38ij,un extrait du Journal
le Gaulois, du i3 septembre iç)0i.
ba HlïSTOlBI-: UV XVI" AimONmHSbMKNT
avenues Prudhon et Rapliaël, le bois de Boulogne et l'aveoue des Champs-
Elysées.
Comme c'est par Passy que celte entrée a eu lieu, la Société historique
d'Auteuil et de Passy, qui veille à la coDservation des souvenirs historiques
du \VI" arrondissemeat, a formé le projet d'ériger au Ranelagh un monu-
ment comraéraoratif de l'arrivée de l'empereur et de l'impératrice de Russie
â Paris. Le projet de ce monument a été établi par l'éminent statuaire
M. Gustave >iichel, qui est vice-président de cette Société et lui prête son
concours avec le plus grand désintéressemenl.
Ce monument ne peut être élevé que sur des terrains appartenant à la
ville; l'autorisation du conseil municipal de Paris est donc nécessaire. Dans
la séance du conseil du 21 avril I8!IH, M, Le Breton, rapporteur de la 3' com-
mission, a proposé d'émettre un avis favorable à la demande de la Société,
étant entendu qu'on adopterait l'emplaa'meiit admis par le service d'archi-
tecture de la ville (I) et que la V commission serait appelée il statuer sur
l'esthétique du monument, avant son exécution. Ces conclusions furent
adoptées ; mais le conseil décida, le iU avril 1808, qu'il n'y avait pas Heu de
concéder un terrain et qu'il apposcraitlui-méme une plaque coramémoralîve.
Néanmoins, la Société n'a pas abandonné son projet; elle ne l'a jamais
perdu de vue ; elle continue ses démarches et elle espère que le conseil muni-
cipal lui accordera bientôt un emplacement p^ur l'érection du monument
projeté.
(Collection lie M. Cliandcbolp,.)
Les renseignements concernant l'avenue de la Petite-Muette seront donnés
ci-après, en parlant de la rue Ciustave-?s'adaud, qui l'a remplacée.
La partie de la rue de la Tour qui est comprise entre la rue de Passy et la
vc uu cruiseriieiil li^' la chuui^M-e Je la Muette ul
RUE DE l,A TOUR
rue de la Pompe était autrefois un simple cliciiiia qui était tracé à travers
champs, s'étendait depuis le clos des p(>r<;s Minimes (vulgairement itons-
bommes) jusque vis-à-vis du mur du cliùteiu royal de la Muette, et s'appelait
Pavillon où le Isor Nicolas II et la tsarine ont déban|U^ le Ci octobre i&jC.
(Archives de la SociitÉ)
le " chemin des Moines ■>, probablement parre que c'était celui que prenaient
les Minimes pour aller à la plaine de l'assy ou :)u bois de lloulogne. A la fin
du xviir sircle, le chemin des Moines tut élargi à trente pieds (!l m. 75), en
vue de former une rue q»e l'on désigna d'abord sims le nom de ■■ rue du
Moulin-de-la-Tour>>,jt cause d'un moulin banal ([u'onavaitétablisurrancienne
loHF qu'on voit encore aujourd'hui dans le jardin de la maison portant le
64 HISTOIRE DU XVi' AHHONDISSFMENT
n° 86. Cette tour, qui a servi autrefois de prison, a été restaurée en 1897 (1) ;
il n'est nullement certain qu'elle soit un vestige du château que Philippe le
Bel (2) a occupé ù Passy. Ce moulin ayant été démoli, on donna à la voie qui
nous occupe le nom de « rue de la Tour », qui était plus simple et présentait
l'avantage d'éviter une demi-similitude avec la rue voisine (aujourd'hui rue
SchelTer), qui s'appelait alors rue des Moulins.
Les délibérations du conseil municipal de Passy montrent que la viabilité
de la rue de la Tour laissait beaucoup à désirer pendant les quarante pre-
mières années du mx** siècle. C'est en 1819 que ce conseil vota un premier
crédit pour l'exécution d'un empierrement à la rue de la Tour. Le puisard qui
avait été établi au point bas, c'est-à-dire à la jonction de la rue de la Tour
et de la rue de la Pompe, ne pouvait pas absorber toutes les eaux, lors des
grandes pluies ; elles inondaient les caves et les rez-de-chaussée du quartier
et interceptaient la circulation. Il est dit, dans la délibération municipale du
31 mars 1826, que le conseil, considérant que la rue du Moulin-de-la-Tour a
acquis de l'importance par les constructions qu'on y a faites récemment,
qu'elle n'est praticable pour aucune espèce de voitures, surtout à la fin de
l'automne et pendant l'hiver, que l'écoulement des eaux ménagères des
maisons y est une cause perpétuelle de dégradations, mais que la com-
mune n'est pas en état de supporter les frais d'ua pavage, alloue un crédit
de mille francs par an pour réparation et entretien. Cependant les dégra-
dations occasionnées par les transports que nécessitait l'exploitation des
carrières souterraines obligèrent le conseil à voter des crédits spéciaux :
il approuva, le 2 mai 1828, un projet de cailloutage de la rue de la
Tour (3) et, le 10 août 1844, il autorisa la construction de trottoirs et de cani-
veaux pavés sur une partie de cette rue, savoir: du coté des numéros pairs,
depuis la rue des Tournelles (rue Louis-David) jusqu'à la rue de la Pompe,
et, du côté des numéros impairs, depuis l'extrémité de la propriété Guichard
(dans le voisinage de l'angle de la rue Desbordes-Valmore) jusqu'à la rue de
la Pompe.
Vers 1840, la rue de la Tour, qui, jusqu'alors, n'allait pas au delà de la rue
de la Pompe, fut prolongée jusqu'à l'avenue de Saint-Cloud (extrémité de
l'avenue Victor-Hugo, aujourd'hui englobée dans l'avenue Henri-Martin). Le
cadastre de 18i0 n'indique que trois maisons construites sur ce prolonge-
ment. Enfin, vers 1858, la ville de Paris continua la rue de la Tour sur des
terrains retranchés du bois de Boulogne, jusqu'à la rue Militaire (boulevard
Lannes). Sur cette partie, qui n'a élé classée que par le décret du 14 mai 1883,
une zone de servitude non œdifîcandi, ne permettant de construire qu'à
10 mètres de l'alignement des clôtures, a élé établie du cùté des numéros
impairs, sur 45 mètres de longueur au delà de l'avenue Henri-Martin.
(i) Voir aux annexes (p.SSj».) l'article intitulé : «< La Tour de la rue de la Tour, n® 86 », par
M. Léopold Mar. Un édit si^jné par Philippe-lc-Bel en i3i2 est daté de Passy.
{'}) dette tour avait déjA subi, sous le premier Empire, une restauration complète, qui
lui a fait perdre son cachet primitif; du haut de la plate-forme, on a une très belle
vue. Un dessin de cette tour a cHé donné dans llllustration (numéro du 2 septembre
i3i On doit supposer que les dénominations inscrites dans les délibérations municipales
sont exactes ; on pourrait donc conclure de celles qui viennent d'être citées que l'appel-
lation de « rue de la Tour » a élé adoptée entre i82() et i8'28.
ntiK DE i.A Toun 65
Jusqu'en IHtMi, la rue de la Tiuir (I) sélendail du carrefour de l'assy au
(i) La lonf; u eu r tic u parties soUii-inini^cs ilu roI Uc la rue de la Tuur i|i
M^H de [806 A 180g et ea iHSG, enlru \c carrefour île Pnssy H le
(4t mèlrea. La distance ilu sol nu ciel de la nnrrièrc cet de 3" ,05 rt li
66 HISTOIBE DU XVI* ARRONDISSEMENT
boulevard Lannes ; la partie de cette rue comprise entre l'avenue Henri-
Martin et le boulevard Lannes a reçu, en 1896, le nom de rue Adolpke-Yvon,
en mémoire du peintre Adolphe Yvon (1817-1893), qui y a eu son atelier pen-
dant les vingt-cinq dernières années de sa vie. Il était élève de Paul Dela-
roche, a fait des tableaux d'histoire, quelques belles toiles religieuses et des
portraits. Il fut le seul artiste attaché officiellement à l'expédition de Crimée;
il exposa, au salon de 1857, la Prise de Afalakoff^ tableau qui avait été com-
mandé pour les galeries de Versailles et qui valut à son auteur la médaille
d'honneur. La maison d'Adolphe Yvon, qui porte le n<» 16, est décorée au
sommet, au-dessus du second étage, d'un médaillon qui représente Michel-
Ange et au-dessus duquel est un bas-relief composé d'une palette, avec appuie-
main^ entourée de palmes et de lauriers. Deux grandes frises émaillées,
surmontées d'un cartouche sculpté, accompagnent le médaillon, à droite et à
gauche, et deux bustes à l'antique, placés aux angles du bâtiment, en
complètent la décoration.
Le théâtre Rossini avait été établi au coin de la rue de la Tour et de la
rue des Sablons (aujourd'hui rue Cortambert); il fut inauguré le 26 mars 1867;
on y jouait des drames, des comédies et des vaudevilles ; il a cessé d'exister
en 1876.
Le comte Portails, homme d'État et ancien ministre, mourut, en 1858, dans
sa propriété du n^ 62 ancien de la rue de la Tour (78 actuel), qu'il habi-
tait depuis longtemps. La rue des Sablons (rue Cortambert) a été ouverte
sur le milieu du parc de cette propriété. Le docteur Ed. Bamberger,
député de Metz, puis de la Seine après 1870, habite encore la maison
n«78.
Mme Montigny, dite Rosé Chéri (!), célèbre actrice et femme du direc-
teur du théâtre du Gymnase, mourut, en 1861, au n'' 75, dans l'hôtel qu'elle
habitait depuis plusieurs années avec son mari, qui y mourut également
en 1880. Le général Jomini demeurait rue de la Tour en 1864 (2).
Villemain, homme de lettres et ancien ministre de l'Instruction publique,
mort en 1870, avait habité, pendant bien des étés, l'hôtel du n** 86, où se
trouve la tour; cet immeuble est occupé par une institution de jeunes filles.
Le célèbre chanteur Duprez (1806-1896) s'est éteint dans la maison n^ 119
de la rue de la Tour, qu'il habitait depuis cinq ans.
Mme Claude Vignon (Mme Rouvier), romancier et sculpteur, fit construire
en 1866 un hôtel, aun'' 152 de la rue de la Tour, qu'elle habitajusqu'àsamort,
en 1888. Cet hôtel se trouve dans la partie qui est actuellement nommée « rue
Adolphe-Yvon » et porte le n**6 de cette dernière rue ; il avait été endommagé
pendant le siège de Paris (3). On voit sur la façade de cet hôtel un grand et
l'angle de la rue de Passy, iira,C5 à l'angle de la rue Corlaniberl, 8",45 au puits de ser-
vice près delà rue Desbordes- Valinore, 8°>,i5 A l'angle de la rue Eugène-Delacroix. La
hauteur des galeries d'exploitation est de i™,()5 près de la rue de Passy, 4 mètres près de
la rue Cortambert, 2™,95 près de la rue Desbordes-Valmore, 4 mètres près de la rue
Eugène-Delacroix.
(i) Voir aux annexes (p. 383) rarticle de M. Léopold Mar, intitulé : « Rose Chéri, M. Mon-
tigny n.
(2) La Société historique d'Auteuil et de Passy a demandé que le nom du poète Eugène
Manuel, son ancien président, soit donné à la partie de la rue de la Tour comprise entre
la rue de la Pompe et l'avenue Henri-Martin.
(3) Voir aux annexes (p. 385) Tarticle intitulé : u Les Ruines de 1870-1871 au Point-du-
Jour, à Auteuil, à Passy et au Trocadéro ».
RUE DECAMPS 67
beau bas relief , qui a été exécuté entre les deux fenêtres du premier étage,
par Mme Claude Vignon ; c'est une imitation du bas-relief qui orne l'attique
de la fontaine Saint-Michel.
Le comte Xavier de Montépin, né en 18^4, fut d'abord journaliste ; il fonda
en 1848 le Canard, qui fut supprimé, puis le Lampion, où Villemessant, le
futur directeur du Figaro, écrivait des nouvelles à la main. Les Filles déplaire
commencèrent sa célébrité en 1855; il a tiré de son roman la Porteuse de pain,
un mélodrame qui eut un succès colossal. Jamais homme n'a écrit autant de
volumes : il en a publié plus de cinq cents; ses romans-feuilletons eurent un
grand succès. Un incendie détruisit en 1881 son hôtel et ses précieuses col-
lections; il avait fait reconstruire, rue Adolphe-Yvon n° 12, son hôtel et y
mourut en 1902.
La villa Guibert, récemment établie, a son entrée au n" 83 de la rue de la
Tour. (Pour M. Guibert, voir p. 124.)
La rue Eugène-Delacroix et la partie de la rue Decamps comprise entre
Tavenue Henri-Martin et le rond-point de Longclramp occupent remplace-
ment d'un chemin qui figure sur les plans de 1731, sous le nom de chemin de
Versailles. Ce chemin, qui traversait la plaine de Passy, prit le non? de chemin
ou rue de la Croix, parce qu'une croix avait été plantée à l'angle de la rue de
Longchamp. -Le 14 mars 1825, le conseil municipal de Passy, délibérant, en
exécution de la loi sur les chemins vicinaux, sur la reconnaissance et la fixa-
tion de la largeur des rues destinées à remplacer d anciens chemins, demanda
que la rue de la Croix fût classée comme chemin vicinal. Le tableau joint à
cette délibération porte qu'une largeur légale de 10 mètres est proposée pour
la rue projetée; qu'elle ira de la rue de Longchamp à la rue du Moulin-de-
la-Tour (rue de la Tour), qu'elle remplacera le chemin de la Croix, ayant
7 mètres de largeur, et que ce chemin tire sou nom d'une croix qui existait
autrefois à sa jonction avec la rue du Moulin-de-la Tour et qui a été détruite
pendant la Révolution. La rue de la Croix fut, en effet, classée comme chemin
vicinal par l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1825.
L'élargissement de la rue de la Croix à 10 mètres ne fut réalisé qu'en 1848 ;
on exécuta à la même époque une rectification de cette rue, pour la faire
aboutir au point d'intersection de la rue de la Pompe et de la rue de la Tour
(section comprise actuellement entre cette rue et l'avenue Henri Martin).
C'est en 1853 et 1854 qu'on régularisa l'échange entre la commune de Passy
et la Société Malézieux, pour la substitution de la rue de la Croix et de plu-
sieurs autres rues à d'anciens, chemins.
Le décret du 24 août 1864 a donné le nom de rue Decamps à cette rue de la
Croix, en mémoire du peintre Alexaodre Gabriel Decamps (1803-1868), dont
la veuve habita longtemps cette rue et mourut, en 1888, dans la maison n"" 2 de la
rue Largillière. Decamps a emprunté les sujets de plusieurs de ses tableaux aux
mœurs orientales {Paysages d'Anaiolie, Anes d'Orient, Café turc. Grand Bazar,
Halte de cavaliers arabes); il a peint aussi des tableaux d'histoire (Moïse
sauvé des eaux. Défaite des Cimbres) et des scènes où figurent des animaux
de toutes sortes : Singes experts (satire du jury de l'Académie de peinture), le
Singe au miroir. Singes boulangers, etc. Il a obtenu une première médaille
en 1834. Il est mort à Fontainebleau d'une chute de cheval.
Bressant, excellent acteur du Théâtre-Français, habitait la rue Decamps, au
n*» 11 ancien, vers 1857-1860.
: IIU XV!' AimONDlSSUMI
Les trottoirs réglementaires ont été construits, en 189!), à la rue Decanips ( I )
des n'^là 5 etdesQ'"6fi 10. I^coQvertissementen pavage en bois a été opéré, éga-
lement en IK!K), pour lit partie de cette rue comprise entre le rond-poiutde Long-
Ci] il s'est produit autrefois de nombreux Tontis (éboulemenU occasionnés par les
excavations îles anciennes ciirri^rcsi dans la partie de la rue Décampe située entre le
RUE SCIIEFFER 69
charap et le n* 6. Uécole communale de garçons de la rue Decamps a 348 élèves.
Avant 1868, la rue Eugène-Delacroix (1), qui a son origine actuelle à la rue
Decamps (autrefois, rue de la Croix), se nommait « rue du Chemin-de-la-
Croix », puis « rue de la Croix ». On peut donc accuser Tadministration
d'avoir fait un jeu de mots, quand elle a donné à cette rue le nom du peintre
Ferdinand Victor-Eugène Delacroix (1790 1863), qui était un grand artiste,
mais qu'aucun lien ne rattachait à Passy. 11 est vrai que des noms de peintres,
de sculpteurs et d'écrivains ont été donnés ainsi à beaucoup de rues du
XVI* arrondissement, sans qu'ils y aient jamais séjourné. Eugène Delacroix
entra à dix-huit ans dans l'atelier de Pierre Guérin, qui avait déjà pour
élèves Géricault et Ary Schefler. M. Thiers disait, dans le Conslilulionnel, de
son premier tableau {Dante et Virgile, salon de 182^): « Je ne sais quel sou-
venir de grands artistes me saisit à l'aspect de ce tableau ; j'y retrouve cette
puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son propre
entraînement. » Eugène Delacroix peut être considéré comme le chef de
l'École romantique en peinture ; il a obtenu la médaille d'honneur en 1855 et
fut élu, en 1857, membre de l'Institut. On peut citer parmi ses œuvres : la Mort
du doge Marino Faliero^ le Combat du giaour et du pacha, Justinien au Conseil
d'État, les Massacres de Scio, la Mort de Vévêque de Liège, Fausl^ Médée^ la
Liberté sur les barricades, V Entrée des Croisés à Constant inople, Orphée, le
Plafond de la galerie d'Apollon, diverses salles de la Chambre des députés.
Beauvallet, acteur du Théâtre -Français et auteur dramatique, s'était retiré
au n** 5 de la rue Eugène-Delacroix; il y mourut en 1873, dans les bras de son
ami Souchier (2).
La villa Souchier, dont l'entrée se trouve au n° 5 de la rue Eugène-Dela-
croix, doit son nom à son fondateur et a été établie à la même époque que la
villa de la Tour, mentionnée ci-après ; elle ne peut être habitée que bourgeoi-
sement; on ne peut y exercer aucun commerce, ni aucune industrie.
La rue Se heffer figure au plan de 1731, comme chemin prenant naissance,
à la rue Vineuse et s'arrêtant au chemin des Bornes (devenu depuis rue des
Sablons, puis rue Cortambert) ; il desservait un premier moulin, situé près
de la rue Vineuse, et conduisait à deux autres moulins, dont l'un (le moulin
Leclerc) était situé en face de la rue Bellini, qui n'existait même pas à l'état
de chemin à cette époque. Par suite d'élargissements successifs, ce chemin
fut transformé en rue, sous la dénomination de « rue des Moulins », qui a
été conservée jusqu'après l'annexion; ces moulins à vent, qui n'existent plus,
étaient bien placés, puisqu'ils se trouvaient sur la partie culminante de
Passy. La rue des Moulins, pour laquelle des travaux d'assainissement avaient
été approuvés par le conseil municipal le 8 août 18i0, fut classée comme
chemin vicinal par arrêté préfectoral du 26 décembre 1846. La Société Malé-
zieux, qui avait succédé à celle dite de la plaine de Passy, entreprit, en 1848,
de prolonger, sur des terrains qui lui appartenaient, la rue Scheffer depuis la
n" 48 et la rue de la Tour; la voie sous-minée y a tHé consolidée sur 75 mètres de ton-
deur. Vis-à-vis du n* 48, la distance du sol au ciel de la carrière est de 8», 10 et la hauteur
de la galerie d'exploitation est de 4 mètres.
(1) Le sol de la rue Eugène-Delacroix a été consolidé, sur 28 mètres de longueur, entre
les n«* la et 16.
(2) La largeur de la rue Eugène-Delacroix a été fixée à 8 mètres par l'arrêté préfec-
toral du ]6 février i856.
70 HISTOIRE DU XYI" ARRONDISSEMENT
rue des Bornes (rue Corlambert) jusque vers la rue de la Pompe. Ce prolon-
gement a été remis à la commune de Passy le 6 mars 1853; d'ailleurs, l'extré-
mité de ce prolongement s'est trouvée supprimée par suite du percement de
l'avenue Henri-Martin et a été incorporée dans le sol de cette avenue ou dans
le périmètre de plusieurs propriétés riveraines.
La largeur de la rue des Moulins a été fixée à 8 mètres par arrêté du
16 février 1856. Le décret du 2i août 1864 a donné à cette rue le nom de
rue Scheffer, en l'honneur du peintre Ary Schefïer (1793 1853), qui a com-
mencé à exposer au salon de 1812 et a composé en 1819 le Dévouement des six
bourgeois de Calais (salle des Conférences de la Chambre des députés). On lui
doit beaucoup de belles toiles empruntées aux sujets religieux ou aux créations
des grands poètes; il a fait les portraits de La Fayette, Talleyrand, Lamartine,
Béranger et de la reine Amélie; il a été professeur des enfants de Louis-Phi-
lippe, particulièrement de la princesse Marie, qui lui a légué ses œuvres d'art.
Le chansonnier Béranger habita pendant quelque temps le n"^ A de la rue
Schelîer, à l'angle de la rue Vineuse; il quitta celle maison en 1830. La mai-
son n<* 61, à l'angle de l'avenue Henri-Martin, a été occupée par le général
Borgnis-Desbordes, quia commandé en chef auTonkin.
M. Prévost de Longpérier, conservateur des médailles au musée du
Louvre, membre de l'Institut, est mort à l'âge de 05 ans, le 15 janvier 1882,
en son hôtel de la rue SchefTer, n"* 47.
Au n° 51 de la rue Schefïer se trouve la villa Scheffer, qui a été fondée par
MM. Dorimieux et Collongettes et ouverte le 14 mai 1888. Elle ne peut être
habitée que bourgeoisement, à l'exclusion de tout commerce, atelier, magasin,
fabrique, industrie, dépôt de marchandises ou hôtel meublé. Les ateliers
d'artistes ne sont pas compris dans l'exclusion qui précède, non plus que les
écuries et remises pour l'usage personnel des propriétaires et locataires
d'immeubles faisant partie delà villa. Aucune enseigne ou annonce commer
cialeou industrielle ne peut être mise sur aucune des constructions.
Il est question de prolonger la rue Schefïer jusqu'à la rue Franklin.
La rue Louis-David va de la rue Schelîer à la rue de la Tour ; elle a été
percée autrefois sur les « champtiers des hautes et des basses Tournelles »,
ainsi nommé parce qu'il avait été établi au lieu dit canton des Tournelles,
mentionné dans le bail d'une maison de Passy (1) passé le 12 avril 1570
(minutes d'Ancelot Fanin). Elle se nommait jusqu'après l'annexion « rue des
Tournelles ». Le 14 mars 1825, le conseil municipal de Passy demanda que
la largeur légale de cette rue (2) fût portée de 5 à 10 mètres. Elle a d'abord
été nommée « rue David », en l'honneur du peintre Louis David (1748-1825),
surnommé le Corneille de la peinture. Son parrain était Sedaine, secrétaire
de l'Académie d'architecture. David alla à Rome comme grand prix et eut
logement au Louvre de 1781 à 1805. Député de Paris à la Convention, il avait
voté la mort du roi Louis XVI, fut exilé en 1815 et mourut à Bruxelles. 11 fit
renaître le goût des beautés antiques et des sujets classiques et eut pour
élèves Gérard, (iirodet et Gros. Il a peint les Horaces (1786), le Serment du
(i) Voir l'article de M. l'abbé Beurlier, inliUilé : « Noies relatives à rhistoire d'Auleuil,
de Passy, de Chaillot et de Boulogne >», pp. 3io A 3.i>. du ÏII* volume du Bulletin.
(2) A Tangle de la rue de la Tour et de la rue Louis-David, la disUnce du sol «tu ciel
de la carrière est de ii™,85; la hauteur de la galerie d'exploitation est de a™,85.
CIMETIERE DE PASSY 7I
Jeu de Paume (1792), la Mort de Sacrale (1787), Brulus, rEnlèvemenl des
Sabines^ le Couronnement de l'empereur Napoléon Z"*", la Distribution des
aigles^ Léonidas aux Thermopyles^ un portrait de Mme Récamier^ etc.
Un arrêté du 3 mars 1881 a remplacé le nom de « rue David » par celui de
« rue Louis-David », en vue d'éviter des confusions avec la rue Félicien-
David, qui se trouve à Auteuil.
Henry de Riancey, avocat, membre de l'Assemblée législative de 1849 et
publiciste, qui resta toujours fidèle à sa foi religieuse et à sa foi monar-
chique (1), eut son hôtel au n** 6 de la rue Louis-David et y mourut le
9 mars 1870. Il avait demeuré précédemment rue de Passy (à la hauteur de
la rue Guichard), rue des Artistes (aujourd'hui rue Gavarni) et rue Franklin.
La rue Pétrarque^ où était autrefois le moulin Leclère, forme un double
retour d^équerre et se compose de deux parties : la première, qui est ancienne,
constituait l'impasse des Moulins, aboutissant à la rue des Moulins (rue
Schefïer) ; l'autre partie, communiquant avec la rue des Réservoirs, n'a été
classée qu'en 1863. La dénomination actuelle a été donnée par décret <du
^ août 1864, en l'honneur du poète italien Pétrarque (1304-1374), qui passa
une partie de sa vie à la cour des papes d'Avignon ; ses odes et sonnets,
inspirés en grande partie par sa passion pour Laure de Noves, sont remar-
quables par leur délicatesse de sentiments ; il donna de la pureté, de l'élé-
gance et de la fixité à la langue italienne.
La rue des Réservoirs tire son nom des petits réservoirs de Passy auxquels
elle donne accès et qui alimentent (2) en eau de Seine, pour le service public,
une partie du XVI'' arrondissement. Elle se continuait autrefois, sous la
même dénomination de rue des Réservoirs, jusqu'à la rue des Moulins (au-
jourd'hui rue Schefler); cette section porte actuellement le nom de rue
Pétrarque. C'est au n** 2 de la rue des Réservoirs que se trouve l'entrée du
cimetière de Passy, séparé de la place du Trocadéro et de l'avenue Henri-
Martin par des murs de soutènement.
En 18^6, en travaillant aux fondations de la maison de Passy qui est
située à l'angle des rues Raynouard et Berton, on mit à jour quelques cer-
cueils en pierre et plâtre contenant des ossements desséchés, ce qui semble
établir qu'il y a eu là autrefois un lieu d'inhumation pour Passy. L'usage des
cercueils en pierre et plâtre n'ayant guère dépassé le xiv** siècle, il est permis de
supposer que cette partie du territoire était déjà habitée avant cette époque.
Vers le xvi" siècle, le cimetière de Passy fut établi sur un emplacement
situé à Tangle de la rue de l'Annonciation et de la rue Lekain, côté des
numéros impairs; ce qui reste de cet ancien cimetière paroissial, où fut
enterré le compositeur Nicolo Piccinni, ainsi que plusieurs membres de la
famille Delessert, se trouve aux n"* 3 et 5 de la rue Lekain, entre cette rue et
la rue de T Annonciation. Quand ce cimetière fut désaffecté, au commence •
ment du xix*' siècle, les terrains qu'il occupait furent vendus et ensuite recou-
verts de constructions ou traversés par des rues ; toutefois un terrain de
50 mètres carrés, où se trouvait la tombe d'Etienne Delessert, banquier et phi-
(i) Voir aux annexes (p. 390) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : « Ex libris et fers à
dorer des bibliophiles de noire région ».
(2) Mon article intitulé : « Le Service des eaux dans le XV!" arrondissement » est
reproduit aux annexes (p. 395). La désaffectation des petits réservoirs de Passy a été
prononcée par arrêté préfectoral du 16 mai 1900.
7*2 HISTOIRE DU XVI* AHRONDIS^EMKNT
lanthrope, fut rncheté par la famille Delessert et constitue un ancien cime-
tière qui est situé, comme il a été dit ci-<)essus, entre la rue de TAnnoncia-
tion et la rue Lekain et où ne peuvent entrer que les membres de la famille
Delessert. La plaque funéraire de Piccinni, en marbre noir, est encastrée
près de la porte d'entrée, dans le mur de la maison qui fait Tangle de la rue
de TAnnonciation et de la rue Lekain. Nicolas Piccinni, né à Bari (Italie), en
1728, est mort à Passy le 17 floréal an VHI (17 mai 1800) ; la ville de Bari a
réclamé ses cendres en 1888 ; mais il n'a pas été possible de donner satisfac-
tion à cette demande, parce que ces cendres se trouvent au-dessous de
maisons bâties.
Le cimetière actuel de Passy date du commencement du xvn** siècle. Par
délibération du 25 pluviôse an X (4 février 1802), le conseil municipal de
Passy, considérant que le cimetière de la rue Lekain est environné d'habita-
tions et que, dans un intérêt de salubrité, il y a lieu de le déplacer, accepta
la donation offerte, le 11 messidor an IX, par le citoyen Claude Bonneau, d'un
terrain de 8 ares et 57 centiares, au bord du nouveau boulevard de Passy,
demanda que le citoyen Uussault, maire de Passy, fût autorisé par les consuls
à y établir un nouveau cimetière et autorisa la mise en adjudication des tra-
vaux de murs de clôture et de pose d'une porte d'entrée.
Les crédits nécessaires pour des agrandissements successifs de ce cime-
tière ont été accordés par de nombreuses délibérations municipales, parmi
lesquelles on peut citer celles du 3 mai 1810, du 27 mars 1828, des 2 mai et
13 juin 1833, des 10 août 1844, 2 août 1845 et 4 août 1847.
Le prix d'une concession perpétuelle de 2 mètres carrés avait été fixé à
220 francs en 1806. La délibération municipale du 27 octobre 1834 a augmenté
les tarifs d'un quart pour le droit des pauvres; elle a, en conséquence, fixé à
275 francs le prix d'une concession de 2 mètres carrés et elle a établi, pour les
concessions dépassant 2 mètres carrés, des tarifs croissant progressivement,
savoir : 275 francs pour les deux premiers mètres carrés, 250 francs (200 pour la
commune et 50 pour les pauvres) pour le troisième mètre, 375 francs pour le
quatrième mètre, 500 pour le cinquième, 625 pour le sixième, et ainsi de
suite en augmentant chaque mètre en sus de 100 francs pour la commune et
d'un quart pour les pauvres. En outre, les concessionnaires faisaient généra-
lement un don à la commune. Pour le cimetière de Passy, comme pour les
autres cimetières compris dans l'enceinte de Paris, on n'accorde plus de
nouvelles concessions de terrains.
Parmi les personnages enterrés au cimetière de Passy, on peut citer
Raynouard en 1836, Michaud en 1839, le comte de Las Cases (1) en 1842, le
docteur Esprit Blanche en 1852 et son fils Antoine-Emile Blanche en 1893,
Beauvallet en 1873 (tous ces noms ont été mentionnés plus haut). Jolin, dit
Gil-Pérès (acteur du théâtre du Palais Royal) en 1882, Eugène Cortambert en
1881 et son fils Richard Cortambert en 1884 (tous deux géographes distingués),
le peintre réaliste Edouard Manet en 1883, le jurisconsulte Faustin Hélie
(dont le nom a été donné à une rue de Passy), en 1884, le célèbre collection-
neur Frédéric Spitzer, la veuve de Carnot (2), président de la République,
(i) Son fils, le marquis de Las Cases, a été <^galement inhumé au cimetière de Passy
en 1854.
(2) Voir aux annexes (p. fo^) un extrait du discours prononcé à TAcadémie des sciences
morales et politiques, consacré à la mémoire de Mme Carnot.
RUE BOISSIÈRE 78
en 1897, qui a tenu à avoir une tombe très simple, Sophie Croizetle
(Mme Slern), l'astronome Hervé Paye, le conseiller d'État Deraagny.
Un des plus beaux monuments du cimetière de Passy est le tombeau, de
style russe, élevé pour une illustre jeune fille, Marie Bashkirtsefl (1), qui est
morte à vingt-trois ans et s'était déjà fait apprécier comme écrivain et comme
peintre; elle n'avait vécu que pour l'art et les lettres et elle avait formulé ses
volontés dernières en ces termes : « Je veux dormir mon dernier sommeil
dans le cimetière de Passy. »
Le corps de Mlle Jane Henriot, pensionnaire de la Comédie-Française,
morte dans l'incendie de ce théâtre, a été transféré, le 27 juin 1900, au cime-
tière de Passy.
La rue Boissière^ qui va actuellement de la place d'Iéna à la place Victor-
Hugo, doit être divisée, au point de vue de son histoire, en deux parties tout
à fait distinctes : 1** celle comprise entre la place d'Iéna et l'avenue Kléber, et qui
faisait partie de l'ancien Paris (quartier de Chaillot); 2** celle comprise entre
l'avenue Kléber et l'avenue Victor-Hugo, laquelle, à la fin du xvni* siècle et
pendant les 59 premières années du xix*, se trouvait sur le territoire de la
commune de Passy.
Première partie (ancienne rue de laCroix-Boissière). — Un arrêté préfectoral
du 2 avril 1868 a réuni la rue Boissière et la rue de la Croix- Boissière sous le
nom de rue Boissière. On appelait boissières les croix auquelles il était
d'usage d'attacher du buis, le jour des Rameaux; on voit encore figurer la
croix-boissière sur des plans de Paris datant du xviii® siècle. La rue de la
Croix-Boissière, inscrite comme simple chemin sur le plan de Roussel (1731),
fut tracée vers 1780 ; elle commençait alors au chemin de Longchamp et
aboutissait à la campagne. Sa moindre largeur fut fixée à 7 mètres, le 17 août
1818, pour la partie comprise entre les rues de Longchamp et de Lubeck;
elle fut portée à 12 mètres, pour toute l'étendue de la rue de la Croix-
Boissière, le 17 août 1840. Le décret du 17 septembre 1864 déclara d'utilité
publique l'élargissement à 16 mètres de la rue de la Croix Boissière et le
redressement de cette voie entre la rue de Lubeck et le carrefour formé
par la rencontre de l'avenue de l'Empereur (aujourd'hui du Trocadéro) avec
l'avenue d'Iéna ; ce déccet, qui a été immédiatement exécuté, comportait la
suppression de la partie de la rue de la Croix Boissière comprise entre les
rues de Lubeck et de Longchamp.
Deuxième partie (rue Boissière extra muros). — Par délibération du 14 mars
1825, le conseil municipal de Passy demanda que le chemin de la Boissière,
ayant une largeur de 6 mètres et bordé de quelques constructions, entre le
boulevard extérieur de Longchamp (2) (avenue Kléber) et la rue du Bel Air
(rue Lauriston), fût prolongé jusqu'au grand rond point de la plaine (place
Victor-Hugo), avec moindre largeur de 10 mètres, (^e projet fut réalisé promp-
(i) Voir la biographie de Marie BashkirtscfT, par Mme la comtesse de Mouzay, pp. 223
à 225 du II I^' volume du Bulletin.
(2) Avant l'annexion, le mur d'enceinte de Paris était, du côté de Passy, bordé exté-
rieurement par le boulevard de Longchamp entre le rond-point (place du Trocadéro) et
la rue de Longchamp, ensuite par le boulevard de Passy, qui s'étendait de la rue de
Longchamp à la place de l'Etoile. Le boulevard de Longchamp est remplacé par l'avenue
Kléber ; le boulevard de Passy a été supprimé pour la formation d'une partie de cette
avenue et des rues La Pérouse et Dumont-d'Urville.
74 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
tement^ et la nouvelle rue prit le nom de rue Bolssiëre, diminutif de celui de
la voie (rue de la Croix-Boissière), qui était située à Tintérieur du mur d*en-
ceinte de Paris et dont elle formait le prolongement sur le territoire de Passy.
Lors de l'ouverture de l'avenue du Roi-de-Rome (aujourd'hui Kléber),
le raccordement de la rue Boissière avec cette avenue a été opéré au moyen
d'une pente de 6 centimètres par mètre, sans donner lieu à aucune indem-
nité en faveur des riverains, parce qu'alors aucune construction n'existait
encore sur la partie de la rue Boissière abaissée en vue de ce raccordement.
En 1897, le pavage en pierre de la rue Boissière a été converti en pavage
en bois, (^ette rue est desservie par une station du chemin de fer métropo-
litain (1) établie, en 1899, sous l'avenue Kléber.
L'avenue de Béuiainvilliers, qui existait au xviii'' siècle, est mentionnée
ci-après dans l'histoire de la rue de Boulainvilliers. *
Le territoire du XVP arrondissement est limité par deux lignes droites
qui se croisent au centre de l'arc de triomphe de l'Étoile, savoir : Taxe de
l'avenue Marceau et celui de la grande route n** 13 de Paris à Cherbourg
(avenue de la Grande-Armée) ; il comprend ainsi plus du tiers de la superficie
m
de la place de V Etoile.
Cette magnifique place, dont le sol est plus élevé que tous les terrains
environnants, a été d'abord un simple rond-point, où divers chemins venaient
aboutir à la grande route de la haute Normandie. Au commencement du
second Empire, elle se trouvait encore en dehors de l'enceinte de Paris, sur
les territoires de Passy et de Neuilly.
L'avenue des Champs-Elysées, plantée en 1670, s'arrêtait alors à la grande
rue de Chaillot (2). En 1729, la place de l'Étoile, nommée autrefois « l'Étoile
de Chaillot », formait un octogone inscrit dans un cercle de 50 toises
de rayon. Le public parisien et les étrangers avaient déjà adopté la promenade
des Champs-Elysées. En 1762, le marquis de Marigny (3) et de Ménars, frère
de la marquise de Pompadour, surintendant des beaux arts et des bâtiments
du roi, prolongea l'avenue des Champs-Elysées jusqu'à la porte Maillot à
travers la butte de l'Étoile, qui fut aplanie. En 1774, Louis XVI fit abaisser
de 16 pieds la butte de l'Étoile, et élargir l'avenue droite allant du jardin
des Tuileries au pont que l'ingénieur des ponts et chaussées Perronnet venait
de construire à Neuilly ; les terres provenant de l'abaissement de la butte
de l'Étoile servirent à surélever la partie des Champs-Elysées où se trouvait
la grille de Chaillot et à régulariser la pente ; ces travaux furent dirigés par
Perronnet; en outre, il continua l'avenue jusqu'à Courbevoie, ce qui compléta
l'entrée triomphale de Paris ; la place de l'Étoile, vers laquelle convergeaient
alors quatre avenues, fut agrandie ; on en changea la forme octogonale : elle
devint circulaire avec un diamètre de 120 toises (arrêt du Conseil du Roi
du 21 août 1777) et on l'entoura d'amphithéâtres gazonnés, formant le pro-
menoir de Chaillot, qui a été concédé à la ville de Paris par les lois du
i9 juillet 1852 et du 22 juin 1854.
(i) Voir ci-après les indications données au sujet du chemin de fer métropolitain de Paris.
(2) La barrière de l'Étoile était un reculement de la barrière des Champs-Elysées, qui
limitait autrefois Paris à la hauteur des rues de Chaillot et de Rerri.
(3) Louis XV avait érigé la terre de Marigny en marquisat pour le frère de Mme de
Pompadour et lui avait donné la direction générale des jardins du roi.
ARC DE TRIOMPHE DE l'ÉTOILE 76
L'arc de triomphe de V Étoile a été projeté par les architectes Chalgrin et
Raymond, membres de Tlnstitut; Raymond ayant donné sa démission,
Clialgrin resta seul chargé de Texécution de ce monument, élevé à la gloire
des armées françaises ; les travaux en furent commencés en mai 1806, et la
première pierre fut posée solennellement le 15 août de la même année.
Quand Napoléon P"" et Marie-Louise se rendirent de Saint-Cloud aux
Tuileries (1), pour la célébration de leur mariage, l'arc de triomphe ne s*éle-
vait encore qu'à la hauteur de la corniche du piédestal ; mais Chalgrin avait
fait exécuter, au moyen d'une charpente recouverte de toiles, le simulacre
de l'ensemble de l'édifice sous lequel le cortège impérial passa, le 1'^'^ avril 1810.
Un journal du 26 mars disait: « Dès ce jour, il n'y a pas une fenêtre,
depuis la porte Maillot jusqu'à la place de la Concorde, qui ne soit retenue
ou louée cinq ou six louis au moins, pour assister à l'entrée dans Paris de
l'empereur et de l'impératrice Marie-Louise. La plus petite chambre chez les
restaurateurs ayant vue sur la route que doit suivre le cortège ne s'obtient
pas à moins de 5 ou 600 francs. >> — Les choses n'ont pas changé.
Chalgrin étant mort en 1823, les travaux furent continués par son élève
Goust et par Huyot ; ils furent achevés, de 1832 à 1836, par l'architecte
Blouet, membre de l'Institut, qui était né à Passy en 1795 et mourut
en 1853. — (V. aux Annexes^ p. 404.)
Le 29 juillet 1836, on inaugura solennellement l'arc de triomphe et on a
compté que le l*'*" août de la même année, 58.000 personnes étaient venues
contempler ce monument, dont la construction a coûté 9.631.115 francs. Sa
hauteur est de 49"*, 48, sa largeur de 44'",82 et son épaisseur de 22™,21; le
grand arc a 14",62 de largeur. Ce monument appartient à trois arrondis-
sements : le VI 11% le WV et le XVI P.
Le diamètre de la place de l'Étoile est de 240'",86; cette place a été le
théâtre de toutes les grandes solennités nationales. J'ai assisté, le
13 décembre 1840, au retour des cendres de l'empereur; Taffluence était
énorme, bien que le froid fût très rigoureux.
Le 31 mai 1885, le cercueil de Victor Hugo, qui était mort le 22 mai, fut
exposé sous l'arc de triomphe de l'Etoile. Un gigantesque cénotaphe, qui se
dressait sous la voûte de cet arc et avait 22 mètres, était du plus grandiose
effet: un immense voile de crêpe partait du sommet du monument. Pendant
toute la journée, une foule immense défila devant le cénotaphe. La nuit, une
double haie de cuirassiers portait des torches dont la lueur se mêlait à celle
de 36 lampadaires à flammes vertes. La cérémonie des obsèques, qui eut lieu
le !•' juin (2), attira un tel concours d'admirateurs du grand poète que Flo-
quet s'écria : a Ce ne sont pas des funérailles, c'est une apothéose. »
A la cérémonie du centenaire de Victor Hugo, qui a été célébré au Pan-
théon, dans la matinée du 26 février 1902, avec une grande pompe officielle,
M. Gabriel Hanotaux, directeur de l'Académie Française, a terminé son dis-
cours par les paroles suivantes :
« Il mouru-t. Un frisson, une rumeur immense coururent de proche en
(i) Voir aux annexe<% (p. 324) rarlicle de M. Léopold Mar, intitulé : « Nos Anciennes
Barrières ».
(a;. Victor Hugo avait voulu lecorhiUard des pauvres; mais le Parlement vota en son
honneur des funérailles nationales.
76 HIHTOIRe DU XVt* ARRONHISSEMENT
proche dans la ville, dans le pays et dans le monde tout entier. L'univers se
leva, tendant vers lui des palmeB. L'arc de triomphe se revêtit d'un voile noir.
Les poètes veillèrent son corps couché sous le portique. Les cuirassiers
tenaient des torchati allumées. Et quand le Jour des funérailles se leva, quand
les torches se furent éteintes, quand, derrière le corbillard des pauvres (1),
une foule telle qu'il l'eût aimée 'se fut rangée et que la ville entière se fut
VICTOR HUGO
Par Gustave Michel.
(ArcbWea de la Sociélè.)
78 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
remplie d*un tumulte où le deuil de la mort se confondait avec la joie de
l'Immortalité, alors lui, tumultueux encore et déjà légendaire, il traversa
Paris à la tête du cortège prodigieux qui rejoignait la colline de Napoléon à
la colline de Clovis et il fit rouvrir devant lui les portes du Panthéon, pour y
ramener la gloire. «
La place de l'Étoile n'était encore bordée, en 1854, que de chétives construc-
tions, principalement occupées, comme sur les autres boulevards extérieurs,
en dehors des barrières, par des débits de vins. La transformation de cette
place est due au décret du 13 août 18oi, qui en a fixé la belle ordonnance et
les alignements, avec constructions symétriques, grilles en fer et fonte, suivant
un type obligatoire, séparées des constructions par des jardins d'agrément. Ces
grilles reposent sur un socle bas en pierres de taille et les bâtiments ne
peuvent être élevés qu'à 16 mètres en arrière. Les splendides hôtels qui bordent
ainsi la place ont été construits en 1868 et 1869 ; ils ne peuvent avoir d'entrée
que sur les avenues rayonnant vers la place et sur la rue circulaire, nommée
rue de Tilsit d'un côté de la place, et rue de Presbourg de l'autre (1).
En avril 1900, la place de l'Étoile a été munie de candélabres électriques.
Le chemin de fer métropoliiain de Paris dessert souterrainement la place
dé rÉtoile : cinq branches, dont quatre en exploitation et une actuellement
ouverte jusqu'à la place d'Anvers (ÏX'^ arrondissement), ont cette station pour
point de départ.
L'insuffisance des moyens de transport dans Paris commandait l'exécu-
tion de ce métropolitain ; les omnibus et tramways circulant à fleur de sol et
forcément limités par cela môme dans leur capacité de transport et dans
leur vitesse, parce qu'ils ont à croiser dans les rues beaucoup d'autres véhi-
cules, ne permettent ni d'effectuer des trajets un peu longs avec la rapidité
désirable, ni de transporter à la fois de très grandes masses de voyageurs.
Il est donc logique de recourir pour les longs trajets et pour les directions
importantes à un moyen de locomotion plus puissant, c'est-à-dire à un chemin
de fer métropolitain, établi sur des lignes entièrement isolées de la voie
publique et se prêtant à la réalisation, entre deux stations consécutives, d'une
grande vitesse. Les progrès récents de l'industrie électrique appliquée aux
transports fournissent la solution la plus satisfaisante de ce problème. La
transmission de l'énergie électrique à distance autorise, en effet, la substi-
tution aux pesantes locomotives d'un matériel beaucoup moins lourd, capable
de circuler sur des courbes de très petits rayons, tels que ceux qu'on est
obligé d'admettre sur le métropolitain d'une capitale. En outre, ce système
se prête bien à l'organisation de trains extrêmement fréquents.
Les lignes du métropolitain de Paris exploitées entièrement en 1901 sont
celles de la porte de Vincennes à la porte Maillot, de l'Étoile au Trocadéro
et à la porte Dauphine. Cette section du métropolitain, qui n'est que la hui-
tième partie du réseau actuellement concédé, représente une longueur d'en-
viron li kilomètres. Elle est totalement souterraine, mais éclairée à la
lumière électrique ; elle ne présente donc pas, pour les voyageurs, les mêmes
(1) Voir aux annexes (p. 4o6) des extraits des mémoires du baron Haussmann, commu-
niqués par M. Emile Potin ; voir, également, aux annexes (p.4i3}, la loi du 22 juin i854 et
le décret du i3 août de la même année, concernant la place de TEtoile et l'avenue
du Bois-de-Boulogne.
LE CHEMIN DE FER METROPOLITAIN 79
inconvénients que les tunnels de chemins de fer, qui sont fréquemment
obstrués par la vapeur et surtout par la fumée des locomotives, ce qui em-
pêche de les éclairer d'une manière efficace. Les voitures sont munies de
portes à coulisses. Les murs des stations, où la durée de chaque arrêt ne doit
pas dépasser trente secondes, sont revêtus de carreaux en grès cérames
blancs. Le souterrain est relativement chaud en hiver et frais en été ; les
trottoirs des stations sont à peu près de plain-pied avec le plancher des wagons.
C'est pendant l'Exposition universelle, le 19 juillet 1900, qu'on a ouvert à
la circulation publique la première section du métropolitain, c'est-à-dire
celle qui va de la porte de Vincennes à la porte Maillot, ainsi que les stations
intermédiaires de TAlma, Marbeuf, Champs-Elysées, Concorde, Tuileries,
Palais-Royal, Louvre, Châtelet, Hôtel- de-ville, Saint-Paul, Bastille, gare de
Lyon, Reuilly et place de la Nation. Peu de temps après, on a ouvert les
stations d'Obligado et de TÉtoile. L'embranchement de la place de TÉtoile
au Trocadéro (avec les deux stations de l'avenue Kléberetde la rue Bois-
sière) a été inauguré le 2 octobre 1900, et celui de la place de l'Étoile à la
porte Dauphine (avec une slation à la place Victor-Hugo) a commencé le
service public le 13 décembre de la même année. La construction a coûté
environ trois millions par kilomètre. Les entrées des gares du métropolitain
ont été construites et décorées par M. l'architecte (3uimard.
La traction électrique assure un mouvement doux, et les trains, composés
chacun d'une voiture motrice et de voilures d'attelage, se suivent de très
près. La voiture motrice prend, au moyen de flotteurs flexibles, le courant
sur un rail latéral à la voie et le transmet aux machines dynamos placées sous
les essieux ; toutes les voitures renferment des lampes électriques.
Le régime du métropolitain consiste en une association entre la Ville de
Paris, qui construit le réseau à ses frais, et la compagnie concessionnaire, qui
arme ce réseau et l'exploite. Le tarif des voyageurs pour un trajet quelconque
sur les diverses lignes du métropolitain est fixé à "13 centimes en première
classe et à 15 en seconde. La part de la ville consiste dans le prélèvement
de 5 centimes par billet de ^ classe et de 10 centimes par billet de 1™ classe.
Avant Touverture de ce chemin de fer, on prétendait que la clientèle pari-
sienne ne se résignerait pas à descendre dans des souterrains pour faire une
course en ville. Mais le public a accueilli, au contraire, avec une grande
faveur, ce nouveau mode de transport, grâce à la vitesse et à la multiplicité
des trains et au prix peu élevé qu'on lui demande ; le métropolitain, dont la
création fait honneur à MM. E. Ëmpain, A. Berthelot et Bienvenue, permet
d'aller en quelques minutes d'une extrémité de Paris au Louvre ou au Palais-
Royal. Le nombre des voyageurs transportés a dépassé 4. 400.000 en avril 1901.
Les intéressés demandent que de nouvelles lignes soient concédées, pour
desservir leurs quartiers. Le conseil municipal a approuvé, le 13 juillet 1900,
le projet de construction du métropolitain entre l'Étoile et la place de la
Nation, par les boulevards extérieurs de la ligne droite. L'exécution de cette
ligne sera en souterrain et, pour partie, en viaduc ; la dépense de cons-
truction est évaluée à environ 2.700.000 francs par kilomètre. Parmi les
autres lignes concédées, il y en a deux qui emprunteront le sol du XVP ar-
rondissement, savoir :
!• La ligne des boulevards extérieurs de la rive gauche, qui part de la place
du Trocadéro, passe sous la rue Franklin, entraînera l'expropriation de la
8o HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
maison sise rue Franklin n*" 2 et boulevard Delessert, débouche dans la rue
Alboni, vers le milieu de laquelle elle se trouvera à ciel ouvert, pour traverser
la Seine sur l'emplacement de la passerelle de Passy ; elle aura, rue Alboni,
une station nommée « quai de Passy » ; les travaux ont été commencés
en 1902;
2** la ligne Auteuil-Opéra, partant de la porte Molitor, récemment ouverte
entre Auteuil (boulevard Exelmans) et Boulogne, passera sous la rue Molitor,
traversant une première fois la Seiue en aval du pont Mirabeau, desservant
Grenelle et Tesplanade des Invalides, traversant une seconde fois la Seine et
passant sous la place de la Concorde, la rue Royale et le boulevard de la
Madeleine, pour aboutir à TOpéra. Cette ligne aura daus le XVl» arrondisse-
ment trois stations (boulevard Exelmans, rue Chardon-Lagache, et avenue de
Versailles, près du pont Mirabeau). 11 faudrait obtenir la concession d'une
autre ligne, pour relier Auteuil aux quartiers du centre, par la rive droite de
la Seine.
Vavenue de la Grande- Armée, dont Taxe séparait, avant l'annexion, le terri-
toire de Passy de celui de Neuilly, a reçu, sous le règne de Louis XVI, comme
il a été dit ci-dessus, sa largeur actuelle, qui est de 70 mètres. Elle s'est
nommée d'abord « avenue de Neuilly » ; on l'a appelée ensuite avenue de la
Porte-Maillot, parce qu'elle est suivie par les nombreux promeneurs se ren-
dant au bois de Boulogne, dont cette porte était l'entrée la plus fréquentée
avant le percement de l'avenue du Bois-de-Boulogne. On a exécuté, en 1840,
d'importants travaux d'embellissement à l'avenue des Champs-Elysées, entre
le rond-point et la barrière de l'Étoile, ainsi qu'à l'avenue de Neuilly (avenue
de la Grande-Armée), entre la barrière de l'Étoile et la porte Maillot. Le décret
du 2 mars 1864 a assigné à l'avenue de la Grande-Armée sa dénomination
actuelle, parce qu'elle prend naissance à Tare de triomphe élevé à la gloire de
la grande armée du premier Empire. C'est en i8i0 qu'on a effectué la réfec-
tion des trottoirs et des chaussées de cette avenue, qui a été munie de candé-
labres à gaz en 1844.
Jacquemart, graveur à l'eau forte, a habité la maison n" 23, depuis 1873
jusqu'à sa mort, survenue en 1880. L'hôtel du ministre de la république de
Salvador se trouve au n" 27 de l'avenue de la Grande-Armée, dont le côté
droit (numéros pairs) dépend du XVIl'' arrondissement.
Rues ouvertes pendant les cinquante premières années
du XIX^ siècle, dans les quartiers
de Chaillot, de la Muette et de la Porte-Dauphine.
Au xviu'' siècle, aucun nom de rue n était indiqué sur les murs de Passy, et
ce n*est qu*en 1816 qu*on se décida à y poser des plaques indicatrices à l'en-
coignure de chaque rue. Quant à Téclairage de nuit, il fut complètement
inconnu jusqu*à la fin de Tannée 1791 ; alors seulement, un premier réver-
bère à rhuile fut suspendu devant le corps de garde de la milice nationale.
L'éclairage général de la commune ne fut installé qu'en 1825, toujours au
moyen de réverbères à réflecteurs. Ces réverbères, qui, en 18i5, étaient au
nombre de vingt, n'étaient pas allumés pendant la période de la pleine lune.
11 y eut peu d'opérations de voirie à Chaillot, Passy et Auteuil pendant les
guerres de la Révolution et du premier Empire. On ne relève à ce sujet dans
les délibérations du conseil municipal de Passy, en ce qui concerne le quar-
tier de la Muette, que la demande de prolongement de l'ancienne rue des
Carrières ; ce prolongement, qui parait avoir été terminé vers 1808, constitue
actuellement la partie de la rue Vital comprise entre la rue de la Tour et la
rue Nicolo (1). Du reste, le budget de la commune de Passy était modeste à
cette époque : en 1806, les recettes de la commune s'élevèrent à 2.047 fr. 80
et les dépenses à 2.045 fr. 52. Il n'y avait alors qu'un seul réverbère h Passy.
La rue Bizel doit être divisée, au point de vue de son histoire, en deux
parties, dont la première forme la section comprise actuellement entre
Ta venue Marceau et la rue de Chaillot, la seconde, la section comprise entre
la rue de Chaillot et Tavenue d'iéna (2).
Première partie. — Elle remplace un ancien chemin qui figure au plan de
Jouvin de Rochef ort (dressé en 1672), allant du quai de Seine à la rue de Chaillot
et portant le nom de u ruelle des Tourniquets ». Elle a été classée comme
« rue des Blanchisseuses » par une décision ministérielle du 13 fructidor
aa VIII, fixant sa moindre largeur à 10 mètres ; cependant, elle n'a constitué
jusqu'en 1826 qu'une ruelle tortueuse et assez étroite, ayant une largeur
(i) Voir ci-après les indications données au sujet do l'ancienne rue des Carrières.
{'?.'■ La longueur de voie sous-minée est de 15 mètres devant le n° 19 de la rue Bizet
cl de 81 mètres entre le n"* 2.3 et l'avenne d'iéna. La distance du sol au ciel de la carrière
csl de 8 ni. 3o ; la hauteur de la galerie d'exploitation est de 3 m. Tjo, devant le n' 0.
6
82 liîSTOIRE DU XVI*^ ARRONDISSEMENt
moyenne de 4 mètres. A cette époque, M. Bizet, propriétaire des terrains
environnants, proposa d*en rectifier la direction, ôe qui lui fut accordé par
une ordonnance royale du 9 août 1826. Lors du. percement de Tavenue
Joséphine (avenue Marceau), la partie de la rue Bizet qui commençait au
quai Debilly se trouva supprimée.
Deuxième partie, — Elle a été ouverte, en prolongement de la première,
en vertu d'un traité passé, le 2 juillet 1866, entre la Ville et la Société Thome
et C •'. Elle a été classée par le décret du 12 février 1883, fixant à 12 mètres la
moindre largeur de cette partie.
L'arrêté du 26 février 1867 a donné aux deux parties de cette rue le nom
de Bizet, c'est-à-dire celui du propriétaire à qui était due la rectification de
la première partie.
L'église grecque qui se trouve aux n"* 7 et 9 de la rue Bizet a été construite,
sous la direction de M. l'architecte Vaudremer, membre de l'Institut, aux frais
de feu M. Demetrius Stefanovich Schilizzi, qui en a fait don au gouvernement
hellénique, sous la condition qu'elle serait consacrée au culte de la religion
orthodoxe grecque et mise à la disposition de la colonie hellénique de Paris.
Ce bel édifice a coûté environ 1.650.000 francs (achat de terrain et construc-
tion). Les peintures des icônes et les décorations du plafond sont dues au
peintre Charles Lameire. L'église a été inaugurée en décembre 1895 ; elle
appartient au gouvernement hellénique ; mais les frais d'entretien sont sup-
portés par la colonie hellénique de Paris.
L'hôtel du ministre du royaume de Roumanie se trouve actuellement au
n** 25 de la rue Bizet.
La rue de Longchamp (1) occupe l'emplacement rectifié d'un ancien chemin
que les Parisiens prenaient pour aller en pèlerinage, puis en promenade, pour
suivre la mode, à l'abbaye de Longchamp, particulièrement du mercredi au
vendredi saint (l); c'est sur les terrains qui dépendaient autrefois de cette
abbaye qu'ont lieu les courses de Longchamp et la revue du li juillet.
La partie de cette rue comprise entre la place d'Iéna et l'avenue Kléber
avait autrefois dépendu de Chaillot (fief de Longchamp) et fut renfermée
dans Paris, lors de la construction du mur d'enceinte, sous le règne de
Louis XVI ; cette première partie fut classée par la décision ministérielle du
3 vendémiaire an X, qui lui assigna une moindre largeur de ll'",70.
La seconde partie, comprise entre l'avenue Kléber et la rue Spontini, a
été jusqu'en 1884 séparée de la partie de la rue de Longchamp située au delà
de la rue de la Faisanderie par un îlot de maisons qui s'étendait entre les rues
Spontini et de la Faisanderie. Par délibération du 16 octobre 1829. le conseil
municipal de Passy, considérant que cette seclion est dégradée par les
charrois (2) des exploitants de carrières, que la situation est surtout intolé-
(i) Voir aux annexes (p. 4i4), pour l'origine el TiHymologic du mol « Longchamp », l'ar-
Ucle sur Longchamp de M. le comte Feniand de l'Eglise.
(a) En i8S'i, 1889 et 1890, la partie sous-minée du sol de la rue de Longchamp a été
consolidée sur 97 mètres de longueur entre les n«* i5 el 35, sur 187 mètres entre Tavcnue
Kléber el la rue Laurislon el sur 60 mètres entre les rues Spontini el de la Faisanderie.
La distance du sol au ciel de la carrière est de 6 mètres A la place d'Iéna, de i2™,3o à
l'angle de la rue de liUberk, de i9'",r>4 à l'angle de l'avenue MalakofT el de 9™,5<> entre les
rues Spontini el de la Faisanderie. La hauteur des galériens d'e\j)loitâtion est de a™,5o au
premier point, de i™,8'| au second, de i»",75 au troisième, de i™,r»5 au quatrième el de
4"Sîio au cinquième.
RUE DE LA MANUTENTION 83
rable au point de jonction avec l'avenue de Saint-Denis (avenue Malakofl),
que la profondeur des ornières s'élève à 1 mètre et qu*elles sont continuelle-
meût remplies par les eaux pluviales, demande que le préfet de la Seine
mette les carriers en demeure de fournir immédiatement les matériaux
nécessaires à la réparation, la Société des terrains de Passy ayant offert de se.
charger delà main-d*œuvre. Cette Société redressa, en 1834, et élargit à 11™,70
la partie de la rue de Longchamp comprise entre Tavenue Kléber et la rue
Spontini.
La section comprise entre les rues Spontini et de la Faisanderie a été
ouverte, en 1884, en vertu d*un contrat entre la Ville de Paris et les proprié-
taires intéressés. Enfin, la partie comprise entre la rue de la Faisanderie et
le boulevard Lannes avait été ouverte par la Ville de Paris, sur 12 mètres de
largeur et 150 mètres de longueur, et d'abord comme voie privée sur des.
terrains retranchés du bois de Boulogne.
Un arrêté préfectoral du 10 novembre 1873 a maintenu le nom de rue de
Longchamp pour les parties comprises entre l'avenue d'Iéna et la rue Spon-
tini, ainsi qu'entre la rue de la Faisanderie et le boulevard Lannes. L'exécu-
tion, en 1884, de la section comprise entre les rues Spontini et delà Faisanderie
a établi la continuité de la rue de Longchamp depuis la place d'Iéna jusqu'à
ce boulevard,
Le pavage en pierre a été converti en pavage en bois de mars à juin 1900,
dans la përtie dé la rue de Longchamp comprise entre la place d'Iéna et la
rue du Bouquet-de-Longchamp. Au n^ 154 de la rue de Longchamp, près de
Fangle de la rue de la Faisanderie, on voit un hôtel de style Renaissance,
qui a été élevé en 1881 par M. l'architecte Brière ; il se compose d'un rez-de-
chaussée à trois fenêtres, avec porte cintrée à deux vantaux ; d'un premier
étage à trois croisées, celle du milieu à meneaux; et d'un second étage
à balustrade de pierre formant balcon devant, trois fenêtres à frontons se
détachant eu relief sur un haut toit à lucarnes. Rue de Longchamp, n^ 137,
rue de Lota, n** % se trouve un hôtel du style Louis XIÏI, avec avance en
encorbellement au premier étage (MM. P. Dureau et Orième, architectes,
1894). L'hôtel contigu (M. F. Delmas, architecte, 1894) possède un haut'
pignon, étage à la mode flamande.
La rue de la Manuiention occupe une partie de la rue « Basse-Saint-
Pierre », qui portait ce nom à raison de sa proximité de l'église et qui allait
du quai Uebilly à la rue de Chaillot. Sa largeur avait été fixée à 7 mètres par
une décision ministérielle du 15 vendémiaire an IX et à 14 mètres par une
décision de fructidor an XII; le décret du 23 novembre 1849 prescrit une
moindre largeur de 12 mètres. En 1864, la rue Basse-Saint-Pierre, qui se
terminait encore alors à la rue de Chaillot, en formant un coude, avait
3HD mètres de longueur; mais le décret du il septembre 1804 supprima la
partie comprise entre lavenue du Trocadéro et la rue de Chaillot ; quant à
la section comprise entre le quai Debilly et l'avenue du Trocadéro, elle fut
régularisée à la suite d'une convention entre TÉtat et la Ville et forme la rue
de la Manutention, ainsi dénommée par l'arrêté préfectoral du 26 février 18(57,
parce qu elle longe le bâtiment des subsistances militaires ; son accès à
lavenue du Trocadéro a lieu par un escalier de soixante-quatorze marches.
La rue Basse-Saint-Pierre a vu la demeure de Mlle Dumesnil (tragé-
dienne morte en 1803), de A.-L. de Gontaut Biron, duc de Lauzun (mort en
84 HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
1793) et, en 4796-1797, de Tallien (président de la Convention, puis du conseil
des Cinq-Cents), et de Mme Tallien, née Cabarrus.
La rue de Magdebourg (1) peut être divisée, au point de vue de son histoire,
en trois parties comprises : la première, entre le quai Debilly et l'avenue
d'Iéna,la seconde, entre l'avenue d'Iénaet celle du Trocadéro, et la troisième
entre l'avenue du Trocadéro et l'avenue Kléber.
La première partie allait du quai à la rue des Batailles (aujourd'hui
avenue d'iéna); le plan de Verniquet (1789) l'indique sous le nom de a ruelle
d'Hérivault » (Etienne Hérivault était procureur fiscal en la prévôté de
Passy). Elle a été classée comme rue par une décision ministérielle du 7 fruc-
tidor an XII. En 1806, elle a reçu le nom de rue de Magdebourg, en mémoire
de la prise de cette ville par les Français, le 8 novembre de la môme année.
Sa largeur, qui avait été fixée à 7 mètres par la décision ministérielle du
7 fructidor an XII, a été portée à H"',r30 par le décret du 23 novembre 1849.
La seconde partie a été d'abord un chemin qui figure sur le plan de Ver-
niquet (1791) sans dénomination ; on lui donna le nom de « rue Sainte-
Marie », parce que le chemin que remplaçait cette rue longeait le mur du
jardin du monastère de la Visitation-Sainte-Marie. La largeur de cette sec-
tion avait été fixée à 10 mètres par la décision ministérielle du 23 frimaire
an VIII ; le décret du 17 septembre 1864 a déclaré d'utilité publique l'élar-
gissement à 12 mètres et, pour réaliser cette disposition, un autre décret du
2i du même mois a sanctionné le traité passé entre la Ville et la Société
Thome et 0'\ L'arrêté préfectoral du 2 avril 1868 a réuni la rue Sainte-
Marie, qui prolongeait en ligne droite la rue de Magdebourg, à cette der-
nière rue, sous la même dénomination.
Le décret du 17 septembre 1864 a ordonné le prolongement, avec 12 mètres
de largeur, de la rue Sainte-Marie (aujourd'hui rue de Magdebourg) jusqu'à
l'avenue du Roi-de-Rome (avenue Kléber); ce prolongement, exécuté au
moyen du traité passé par la Ville avec la Société Thome et C'**, et ci-dessus
visé, a reçu, par arrêté du 20 juillet 1868, le nom de rue de Magdebourg.
En 1789, la partie de la rue de Lubeck comprise entre la rue Boissiëre et
la rue de Longchamp existait à l'état de sentier. En 1864, la rue de Lubeck
commençait à la rue de la Croîx-Boissière (rue Boissière) et se terminait à
l'ancien boulevard de Longchamp (avenue Kléber), près de la place du Tro-
cadéro ; elle avait alors 592 mètres de longueur et se composait de deux par-
ties. La première, comprise entre la rue de la Croix-Boissière (rue Boissière)
et la rue de Longchamp, avait remplacé un chemin étroit et sinueux,
indiqué sans dénomination sur le plan de Verniquet (1791). La seconde partie
était comprise entre la rue de Longchamp et l'ancien boulevard de Long-
champ, au point où se trouvait la barrière Sainte-Marie (la section comprise
entre cette barrière et la rue de Magdebourg s'est trouvée ultérieurement
supprimée) ; en vertu d'une décision ministérielle du 19 juillet 1806, cette
seconde partie fut ouverte, vers 1807, sur des terrains qui avaient dépendu
autrefois du monastère de la Visitation Sainte-Marie, et sa largeur fixée à
(i) Le sol (Je cette rue a été consolidé, en 1887 et 1888, sur une longueur de 110 mètres
entre les avenues d'iéna cl du Trocadéro. La dislance du sol au ciel de la carrière est
de 5'n,Co près l'avenue d'iéna, de S^soS à l'anj^'lo de l'avenue du Trocadéro, et de i5™,5i à
l'anffle do l'avenue Kléber. La hautcMir des galeries d'exploitation est de 2 mètres au
premier point, de 3 mètres au second et de 2 mètres au troisième.
RUE KEPPLER 85
ia"',^!. On lui donna, ainsi qu'à la première partie, dont elle formait un
prolongement, le nom de rue de Lubeck, pour rappeler la victoire remportée,
les 6 et 7 septembre 1806, par les Français sur les Prussiens, commandés par
Blûcher.
Par suite du percement de Tavenue Kléber et de l'avenue d'Iéna, la frac-
tion de la rue de Lubeck comprise entre la rue de Magdebourg et Tancien bou-
levard de Longchamp a été supprimée et son emplacement se trouve confondu
dans la place du Trocadéro et dans la partie de l'avenue qui s'étend de cette
place à la rue de Magdebourg ; il ne restait donc plus de la rue de Lubeck
que le tronçon compris entre la rue de Magdebourg et la rue Boissière.
Le décret du 17 septembre 1864 a prescrit le redressement et l'élargisse-
ment à 13 mètres de la rue de Lubeck, ainsi que son prolongement jusqu'à
l'avenue des Champs Élysées ; un autre décret du ^4du môme mois (1) a sanc-
tionné le traité passé entre la Ville et la Société Thome pour l'exécution de
ces dispositions. En vertu d'un décret du 2 mars 1867, la partie de ce prolon-
gement comprise entre la rue Boissière et la place d'iéna a reçu le nom de
rue de Lubeck, et la section comprise entre la place d'iéna et l'avenue des
Champs-Elysées a été dénommée rue de Bassano. Par suite de ces diverses
transformations, la rue de Lubeck n*a plus aujourd'hui que 49() mètres de
longueur. L'hôtel du ministre du royaume du Portugal est situé au n° 38 de
cette rue, où se trouve, au n" 4, l'institution des dames de l'Assomption,
édifiée par MM. Revoit et Moret, avec façade romane à trois étages, garnie de
fenêtres géminées.
La rue Keppler, qui n'a que 108 mètres de longueur, est la partie restante
d'une ruelle de 240 mètres de longueur, qui fut tracée en 1792 de la rue de
Chaillot à la rue du Chemin-de-Versailles (aujourd'hui rue Galilée) et porta
d*abord le nom d'« Hébert », ensuite celui de « Sainte-Périne » (en raison du
voisinage de l'abbaye du même nom, établie alors rue de Chaillot) qui fut dé-
nommée « Sainte-Geneviève » en 1806, parce que les bâtiments de ladite abbaye
avaient été précédemment occupés par les chanoinesses Augustines, dites de
Sainte-Geneviève. La rue Sainte-Geneviève a été classée par une décision
ministérielle du 2 août 1816, qui lui a assigné une largeur de 8 mètres, portée
à 10 mètres par un arrêté du président du conseil des ministres, chef du pou-
voir exécutif, en date du 17 août 1848.
La partie de la rue Sainte-Geneviève comprise entre la rue de Chaillot et
l'impasse des Jardins (aujourd'hui rue de Bassano) a été supprimée vers 1864,
et son emplacement est entré dans celui de l'avenue Joséphine (aujourd'hui
avenue Marceau) et de la rue de Bassano. Le nom de rue Keppler a été donné
à la partie restante, par le décret du 24 août 1864, en l'honneur de Tiliustre
astronome Jean Keppler (1571-1630), à qui on doit les lois du mouvement des
astres. Il alla, en 1600, se fixer auprès de Tycho-Brahé à Uranienbourg, pour
faire des observations astronomiques, le remplaça ensuite à Prague comme
astronome de la cour, obtint de Rodolphe le titre de mathématicien de l'em-
pereur d'Allemagne avec un traitement, fut professeur à Lintz et mourut à
Ratisbonne. Il établit le système de Copernic sur des bases solides et décou-
vrit en 1618, après de longues recherches, les trois lois qui portent son nom
(i; La Société Thome et C'« était rémunc^réc de ses travaux par une subvention muni-
cipale de 375 francs par mètre superficiel de terrain livré à la voie publique.
86 HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
et qui déflnissent les mouvements des corps célestes. Il ne laissa que vingt
deux écus, deux habits etiune seule chemise.
La rue (lu Bouquet-de-Longchamp doit son nom à un ancien bouquet
d'arbres qui existait au village de Longchamp, territoire de Longchamp.
Le plan de Verniquet (1789) l'indique sans dénomination. Sa largeur a été fixée
à 8 mètres par une décision ministérielle du 18 juin 1817, et à 10 mètres
par un décret du 17 août 1848.
Le sol de la rue Bellini a été abandonné à la commune de Passy par M. Joyeux,
son propriétaire, suivant acte du 11 juin 1823. Elle a été tracée, au canton de
la Planchette, sur remplacement d'un chantier dit de la Planchette ou de la
Marbrière. Elle avait en 18:2-> une largeur de 5", 66 et a porté longtemps le
nom de « rue de la Planchette ». Sa largeur a été fixée à 7 mètres par arrêté
du 16 février 1856. Le décret du 24 août 1864 a donné le nom de Bellini à la
rue de la Planchette, en mémoire du compositeur Vincent Bellini, né à Catane
le 1*^' novembre 1802 et mort prématurément, le 23 septembre 1835, à Puteaux,
après avoir fait représenter à Paris les opéras de Norma, la Somnambula^
J, Puritani.
Par délibération du 14 mars 1825, le conseil municipal de Passy demanda
que le chemin de la Pelouse, ayant précédemment de 6 à 10 mètres de largeur
fût classé avec moindre largeur de 10 mètres, La rue fut, en effet, percée, avec
10 mètres de largeur, en 1825, sur une partie [du promenoir de Chaillot, ou
pelouse de TÉtoile, et fut nommée « rue Neuve-de-la-Pelouse ». Cette rue,
qui va de la rue Chalgrin à Tavenue de la Grande-Armée, n'a été achevée
qu'en 1860; elle est desservie par une station du chemin de fer métropolitain.
Le décret du 10 août 1868 l'a dénommée rue d'Obligado, en mémoire de la
victoire remportée, le 20 novembre 1845, par la flotte anglo-française, sur les
Argentins. L'ordonnance royale du 15 février 1846, qui a élevé le capitaine
de vaisseau Tréhouart au grade de contre-amiral, sur le rapport de l'amiral
commandant la station navale du Brésil et de la Plata, signale les actions
d'éclat accomplies par le capitaine de vaisseau Tréhouart dans l'attaque du
barrage et des batteries d'Obligado (Parana).
(Quoique la rue Chalgrin ne soit pas très longue, son histoire est fort com-
pliquée; elle se compose actuellement de deux parties formant équerre; celle
qui va du coude à la rue Le Sueur s'est appelée « rue des Bouchers », et celle
qui va du coude à l'avenue de la Grande Armée se nommait précédemment
« rue de Belle vue ».
La première partie, aboutissant à la rue Le Sueur, est le restant de l'ancien
chemin des Bouchers, qui allait autrefois jusqu'à la rue de Villejust et dont
une partie assez étendue a été supprimée par suite du percement de l'avenue
du Bois-de-Boulogne; celle que l'on a conservée avait été classée, comme
« rue des Bouchers », avec moindre largeur de 8 mètres, par l'arrêté préfec-
toral du 16 février 1856. Un décret du 9 septembre 1861 a approuvé le redres-
sement de cette rue des Bouchers et a autorisé la Ville à accepter la pro
position qui lui avait été faite par le comte de Clermont-Tonnerre et M. Bigé
de supporter tous les frais d'expropriation et de leur concéder, en retour, la
partie supprimée de la rue des Bouchers, qu'ils ont réunie à leurs propriétés,
en avançant leurs clôtures jusqu'à l'alignement du prolongement de la rue
Saint-Ange (aujourd'hui rue Le Sueur).
h^ seconde partie de la rue Chalgrin, prenant aujourd'hui naissaiice à
DUE DE SAIGON 87
l'avenue du Boîs-de-Boulogne et formant un coude avec la première partie,
est ce qui reste dune rue qui commençait à la rue du Bel-Air (rue Lauriston),
traversait l'avenue Victor-Hugo et avait été ouverte en 1825, avec une largeur
de 8 mètres, sur les terrains de la plaine de Passy; sa situation lui avait fait
donner le nom de « rue de Bellevue »; des travaux d'assainissement et d'amé*
lioration y ont été exécutés conformément aux délibérations du conseil muni-
cipal de Passy en date du 1" août 1839 et du 10 novembre 1845. Elle fut coupée
parle percement de l'avenue du Bois-de-Boulogne, et, à la suite de ces tra-
vaux, la partie de la rue du Bel -Air comprise entre la rue Lauriston et l'avenue
Victor-Hugo reçut la dénomination de « rue de Traktir ».
La dénomination actuelle de la rue Chalgrin lui a été donnée par le
décret du 2 octobre 18()o, en l'honneur de Jean-François-Thérèse Chalgrin
(1739-1811). qui obtint le grand prix d'architecture en 1758, acheva l'église
Saint Sulpice, fît construire celle de Saint-Philippe-du-Roule. fut nommé
membre de l'Institut en 1799 et chargé de l'érection de Tare de triomphe
de rÉtoile.
C'est à la hauteur de la rue Chalgrin que la Ville a fait construire, avenue
du Bois-de-Boulogne, le monument de l'inspecteur général des ponts et
chaussées Alphand, qui a tant contribué à Tembellissement de Paris et à la
transformation du XVl'' arrondissement ; sa statue (!) est entourée de celles
de quatre collaborateurs : M. Huet, inspecteur général des ponts et chaus-
sées en retraite; M. Bouvard, directeur des services d'architecture de la
ville; M. Roll, peintre, et M. Dalou, sculpteur. Ce monument, élevé en l'hon-
neur de l'organisateur des Expositions universelles de 1867, 1878 et 1889, a
été inauguré avant l'ouverture de l'Exposition liniverselle de 1900, le 14 dé-
cembre 1899.
ha rue de Traklir faisait autrefois partie de la rue de Bellevue, ouverte en
i8i5, comme il a été dit ci-dessus. Le décret du S octobre 18(>5 a donné le
nom de Traktir à la partie de la rue de Bellevue comprise entre la rue de
Lauriston et l'avenue du Bois-de Boulogne ; l'autre partie de la rue de Belle-
vue porte actuellement le nom de rue Chalgrin ; enfin, un décret du 13 juin
1875 a déclassé et supprimé la partie de la rue de Traktir comprise entre la
rue Lauriston et l'avenue Victor-Hugo; remplacement que cette partie occu-
pait a été vendu à un propriétaire riverain.
Traktir est le nom d'un pont sur la Tchernaïa (rivière qui se jette dans
la baie de Sébastopol), auprès duquel l'armée franco-sarde remporta une
victoire sur les Russes le 16 août 1855. *
La rue de Saigon a été percée, en 1824 ou 1845, sur une partie du prome-
noir de Chaillot, ou pelouse de l'Étoile, avec une largeur de 10 mètres, et prit
d'abord le nom de « rue de la Pelouse ». Le nivellement général de cette rue fut
autorisé par une délibération du conseil municipal de Passy du 10 avril 1851.
Sa dénomination actuelle lui a été donnée par le décret du 10 août 18G8, en
mémoire de la prise de Saigon, capitale de la Cochinchiue, le 17 février 1859.
La rue de Saigon a été munie, en 1899, de trottoirs réglementaires.
Le plan extrait de l'atlas des environs de Paris, dressé par l'ex- bénédictin
(1/ Voir aux annexes (p. 4i6) l'article de M. le coint'» Fernand de l'Kglise, sur Tinaugu-
ration du monument Alphand. — L'aftichage est inlerdit, mCmc en temps d'<ilccUoqs, sur
ce monument,
88 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Coutous, revu et publié eu 1800 par Ch. Picquet, montre que toute la plaine
de Passy, entre la rue de la Tour, la rue Lauriston, la lisière du bois de
Boulogne, Tavenue de la Grande-Armée et le mur d'enceinte de Paris, ne
formait, à la fin du xviii® siècle, qu'une vaste étendue de cultures et de
vignes, coupée par des excavations provenant de carrières et de trous à
sable. Cette situation ne s*est pas modifiée pendant les premières années du
XIX*' siècle, parce que les capitaux étaient peu abondants ou timides ; d^autre
part, la spéculation ne s*était pas encore emparée de cette question. Mais
Taccroissement de Passy fut considérable, à partir de 1824, par suite des
percements de rues et des constructions qui eurent lieu dans cette plaine.
La création du nouveau quartier, qui fut nommé d'abord « Èlysée-
Charles X », est due principalement à la Société des terrains de la plaine de
Passy, qui était devenue propriétaire d'une grande partie des terrains com-
pris entre l'avenue de Neuilly (avenue de la Grande-Armée), le boulevard
extérieur (avenue Kléber), la rue du Petit-Parc (rue Spontini) et le village
de Passy. Cette Société entreprit, à partir de 1825, la transformation d'an-
ciens chemins, généralement étroits et sinueux, en rues suffisamment larges.
Elle dressa un plan général d'alignement des rues projetées, et ce plan fut
approuvé en principe par le conseil municipal de Passy, en 1825.
11 fut convenu que la commune de Passy abandonnerait des terrains à la
Société, en échange du sol des nouvelles rues que cette Société devait remettre
à la commune. Ce contrat d'échange de terrains fut approuvé par une ordon-
nance royale du l""* mai 1832, mais suscita entre la commune et la Société de
nombreuses difficultés, notamment au sujet des conditions dans lesquelles
les nouvelles chaussées devaient être entretenues. Ces difficultés ne furent
définitivement réglées qu'en 185G, après une nouvelle enquête. Le plus im-
portant de ces contrats d'échange est celui par lequel la Société des terrains
de la plaine de Passy a remis à la commune les voies suivantes, après leur
achèvement : avenue Dauphine (avenue Bugeaud), rue des Bassins (rue Co-
pernic), rue Boissière, rue Saint-André (rue Cimarosa), rue du Bel-Air (rue
Lauriston), rue et rond-point de Longchamp, rue du Petit-Parc (rue Spon-
tini), rue Perier (rue Pergolèse), rue des Sablons, rue Mesnil et rue de la
Pelouse (rue de Saigon), en tout 3 hectares 83 ares et 3 centiares.
La Société (1) était devenue propriétaire de beaucoup de terrains dans la
plaine de Passy, et c'est surtout à elle qu'est due la transformation de cette
plaine en un quartier élégant.
La partie de la rue Le Sueur qui est comprise entre l'avenue de la
Grande- Armée et le croisement avec la rue Chalgrin, a été ouverte en 1825,
avec une largeur de 10 mètres. Cette section, qui prenait naissance à la rue
des Bouchers (rue Chalgrin), dut son premier nom de « rue Saint-Ange » au
banquier Boscheron Saint-Ange, l'un des principaux actionnaires de la
Société des terrains de la plaine de Passy. L'ouverture de la partie de la rue
Le Sueur, qui, sur une faible longueur, se trouve comprise entre la rue Chal-
grin et l'avenue du Bois-de-Boulogne, a été autorisée par le décret du 9 sep-
tembre 1861 et promptement réalisée, après l'achat des terrains nécessaires
(i) La Société des terrains de la plaine de Passy était composée, en i83i, de MM. Capron,
Constantin, Bigé, Brack, Dosne (beau-père de M. Thiers), Picot, Minguet (banquier),
Cominet (syndic des courtiers de commerce}, Didier et Cosnard (ancien notaire à Passy).
SOCIÉTÉ DES TERRAINS DE LA PLAINE DE PASSY 89
à Mme Brossard dlnval. La rue Saint-Ange a été dénommée rue Le Sueur
par le décret du 24 août 18G4, en l'honneur du compositeur de musique Jean-
François Le Sueur (17(>0-18!$7), qui obtint au concours, en 1786, la maîtrise
de Notre Dame de Paris et fit représenter à l'Opéra, en 1804, la tragédie
lyrique intitulée Ossian ou les Bardes ; Napoléon lui fit remettre, par le géné-
ral Duroc, la croix de chevalier de la Légion d'honneur et une tabatière d'or
avec cette inscription : « L'Empereur des Français à Fauteur des Bardes (1). »
La maison n** 6 de la rue Le Sueur a été habitée, en 1871-1873, par le
général Chanzy ; c'est de là qu'il partit, en juin 1873, pour aller occuper le
poste de gouverneur général de l'Algérie. La maison n° 7 a été occupée par
Tarchitecte Léon Vaudoyer, en 1864-1874.
Le rond-point de Lcngchamp a d'abord été un carrefour irrégulier, formé
par le croisement des chemins de Longchamp, des Sablons, des Belles-
Feuilles et de la Croix (rue Decamps) ; sa forme actuelle, avec rayon de
25 mètres, lui a été donnée en iH^o parla Société des terrains de la plaine de
Passy ; il tire son nom de la rue qui le traverse ; ses alignements ont été
maintenus par l'arrêté préfectoral du 16 février 1856. Le pavage en bois y a
été établi en 1898.
Le développement des constructions a été favorisé par rétablissement de
trois routes, dont la construction a été commencée à la même époque, vers
1825 ou 1826, et qu'on appelle aujourd'hui l'avenue Victor-Hugo, l'avenue
Malakofl et l'avenue Bugeaud.
L'arrêté préfectoral du 9 mars 1826 autorisa la Société des terrains de la
plaine de Passy à ouvrir une nouvelle communication entre Paris et Saint-
Cloud, reliant, par une ligne droite, la place de l'Étoile aux abords de la
porte de la Muette. La Société fit ouvrir, avec une largeur de 23",30, cette
route, qui est devenue l'avenue Victor-Hugo, et qui s'appela d'abord « avenue
Charles-X », du nom du roi régnant. Quand Charles X suivit, pour la pre-
mière fois, cette route, le 22 mai 1826, en se rendant de Paris à Saint-Cloud,
ii adressa une allocution (2) aux conseillers municipaux et habitants de
Passy. Après la Révolution de 1830, on appela cette voie « avenue de Saint-
Cloud », parce qu'elle permet d'aller de Paris à Saint-Cloud en traversant le
bois de Boulogne. Le raccordement de cette avenue avec la grande route
n* 13 de Paris à Cherbourg (avenue de la Grande-Armée) fut terminé
en 1829.
Après avoir achevé le cailloutis des trois avenues : celle de Saint-Cloud
(Victor-Hugo), celle de Saint-Denis (Malakoff) et l'avenue Dauphine (Bu-
geaud), la Société des terrains de la plaine de Passy demanda que la com-
mune fût chargée de l'entretien de ces chaussées. Mais le conseil municipal
de Passy déclara, par délibération du 27 août 1833, que l'échange relatif aux
routes et chemins de la plaine de Passy ne devrait être approuvé qu'après
que la Société, propriétaire de ce quartier, se serait engagée à continuer
l'entretien de ces routes et chemins, savoir : 1° des avenues de Saint-Cloud
et de Saint-Denis, tant qu'elles ne seraient pas reconnues roules départe-
(i) Le nom de Le Sueur avait <^té précédemment illustré par le peintre Eu^^tache
Le Sueur (i6i6-i655), qui a peint la vie de saintBruno, en 22 tableaux, pour le couvent des
Chartreux, la vie de saint Martin et celle de saint Benoit.
(2) Voir aux annexes (p. 416) une citation des Chroniques de Passy, par QmUcU donnant
un extrait d'un discours de Charles X.
Ç)0 HISTOIRE DU XVI*' ARRONDISSEMENT
mentales; 4" et des autres routes et chemins, jusqu'à ce que la commune
puisse trouver, dans Taccroissement de population de ce quartier, des avan-
tages qui en balancent les charges.
En raison de ces litiges, l'entretien de Tavenue de Saint-Cloud était fort
négligé ; à son croisement avec la rue de Longchamp, cette avenue était sou-
vent sillonnée de profondes ornières, provenant de la circulation des voi-
tures de cawiers. L'ordonnance royale du o septembre 1839 remédia à cette
situation en classant l'avenue de Saint-Cloud comme route départementale
n** 04 de Paris à Saint-Cloud par la plaine de Passy. Ce classement, qui était
sollicité depuis 182(> par la commune, mettait l'entretien de la chaussée à la
charge du département de la Seine. Cependant, il laissait encore à désirer,
car, dans sa délibération du 1**^ février 1844, le conseil municipal de Passy
demande qu'on répare le cailloutis, dont il signale le mauvais état, qu'on
rétablisse la circulation, alors interrompue depuis le chemin de grande
communication (rue de la Pompe) jusqu'à la porte du bois de Boulogne,
qu'un trottoir soit construit au rond point et que la circulation des voitures
non suspendues soit interdite sur la route départementale.
Le décret du 2 mars 1804 a donné à l'avenue de Saint-Cloud le nom
d' « avenue d'Eylau » (1), en mémoire de la victoire remportée le 7 février
1807 sur les armées russes et prussiennes. Lors du percement de l'avenue de
l'Empereur, Textrémité de l'avenue d'Eylau (Victor-Hugo), qui se terminait
précédemment à la porte de la Muette, a été incorporée dans l'avenue de
l'Empereur (avenue Henri Martin).
La dénomination actuelle de l'avenue Victor-Hugo lui a été donnée par
arrêté du 2 mai 1881 pour la partie de l'avenue d'Eylau comprise entre le
rond-point et l'avenue Henri-Martin, et par arrêté du 9 décembre 1885 pour
la partie comprise entre le rond-point et la place de l'Étoile, en Thonoeur de
l'illustre poète Victor Hugo (1802-1885), dont l'hôtel, qu'il a habité depuis 1878
jusqu'à sa mort, porte actuellement le n" 124. Son acte de décès, dressé par
M. Marmottan, maire du XVP arrondissement, sur la déclaration de Léopold-
Armand comte Hugo, son neveu, et du député Lockroy, son ami, porte que
Viclor-Marie Hugo, membre de l'Académie frauçaise, sénateur de la Seine,
né à Besançon, fils du général Joseph-Léopold-SigisbertHugo, veuf de Adèle-
Julie Foucher, est mort en son domicile, avenue Viclor-Hugo, 50, le
22 mai 1885, à Tàge de quatre-vingt-trois ans.
Le Supplément du Petit Journal {{'-'^ mars 1885) contient un article sur
Victor Hugo (2).
Le dimanche 27 février 1881, eut lieu, devant la maison de Viclor Hugo, à
l'occasion de son entrée dans sa quatre-viugtième année (on sait qu'il était né
en 1802) une manifestation de nombreuses délégations, qui ont défilé devant
l'hôtel habité par le grand poète, pour lui offrir des fleurs et des couronnes (3).
(i) Ce nom d'Kylau a tHé maintenu pour la viUa cTEylaUy voie privée de 65 mètres de
longueur, située avenue Victor-llup^o, l^'i.
(2) Voir Bulletin de la Sociélé historique d'Auleuil et de Passy, t. IV, pp. io4 et suiv.
(3; La première délégation introduite dans la maison du poète était une députation de
petits garçons et de petites filles, précédée d'une bannière bleue et rose sur laquelle on
lisait : « L'art d'être gr.ind-père. »
La famille Lockroy a dans son hôtel, qui porte actuellement le n" i^o de l'avenue
Victor-Hugo, reconstitué la salle à manger et le salon, tels qu'ils existaient dans la maison
habitée par Victor-Hugo au n" i2ij (ancien 5o) et avec les ménaes ni^ubles,
AVENUE VICTOR-HUGO 9I
On remarquera que le nom de Victor Hugo a été donné, de son vivant, à
l'avenue qu'il habitait, ce qui constitue une distinction tout à fait excep-
lionuelle.
Sur la partie de Tavenue comprise entre la place de l'Étoile et le rond-
point, se trouvait une butte formant une montée et une descente très préju-
diciables à la circulation. Pour faire disparaître cette butte, la Ville a
commencé par opérer rabaissement partiel de l'avenue du côté des numéros
pairs, où les habitations étaient alors psu nombreuses; le règlement des
indemnités dues aux propriétaires de ces maisons, qui devaient se mettre au
niveau de la nouvelle chaussée, s'opéra aisément. Mais on laissa, au contraire,
subsister provisoirement, à l'ancien niveau, une rue haute de l'autre côté de
Tavenue, qui présentait une suite presque continue de maisons relativement
anciennes et généralement assez médiocres. Cette rue parallèle, d*une largeur
d'environ 8 mètres, atteignait, en son point culminant, 7 à 8 mètres de suré-
lévation au-dessus du sol de l'avenue rectifiée (avec laquelle elle communi-
quait par plusieurs escaliers) et se prolongeait vers Passy, jusqu'au point où
son niveau se confondait avec celui de Tavenue rectifiée.
Les maisons des numéros impairs se trouvaient ainsi dans une situation
piécaire et fâcheuse, à laquelle il a été remédié de la manière suivante: la Ville
a repris, en 1873, le long des numéros impairs, les travaux d'abaissement des
chaussées hautes, qui avaient été commencés (1) en 1865 ; elle les a presque
achevés de 1888 à 1892 ; ils ont été faits par tronçons successifs, au fur et à
mesure de l'avancement des constructions, et ont donné lieu à une dépense
de 1.468.121 francs. Ils ont été terminés (2) en 1899; l'avenue est aujourd'hui
bordée de maisons neuves,'des deux côtés, la régularisation de la pente de
l'avenue Victor-Hugo y facilite le passage des voitures, qui sont fort nom-
breuses, suitout les jours de courses d'Auteuil, et permet d'apercevoir de
l'avenue Henri-Martin l'arc de triomphe, placé à 1.800 mètres de distance.
En 1898 et 1899, le pavage en pierre do l'avenue a été converti en pavage
en bois, entre la place Victor-Hugo et la rue de Longchamp.
Le n"" 6 de l'avenue était habité pendant l'été par Augustine Brohan,
sociétaire du Théâtre-Français, en 1855-1860; et le n° 28 par le docteur Andral,
en 1856-1858. L'hôtel du ministre de Venezuela se trouve au n** 15 de Tavenue
Victor-Hugo.
Le philosophe Strada, poète et peintre, auteur de r Epopée humaine^ est
mort en 1902, en l'hôtel qu'il occupait entre l'avenue Victor-Hugo et l'avenue
Henri-Martin et où il avait installé un musée ; il a légué ses œuvres à la
France.
Le rond-point ou place Victor-Hugo^ dont les alignements ont été fixés
par ordonnance royale du 7 mai 18i0, occupe un cercle de 100 mètres de
diamètre. Cette place a été créée en 1825 ou 1826 par la Société des terrains de la
plaine de Passy ; elle s'est appelée d'abord « rond-point Charles-X », en 1830
» rond-point de Saint-Cloud », puis « rond-point des Bassins », » rond-
(i) A Ta venue Victor-Hugo, les travaux de i865 ont élé dirigi'^s par M. l'ingénieur Dar-
cel et M. le conducteur Selheimer; ceux de 1878, par M. l'ingc^nieur Rousseau et M. le
conducteur Léon ; ceux de 1888 à 1892, par M. l'ingénieur Babinet et M. le conducteur
Lepellier.
(2) Sous la direction de M. l'inspecteur général Boreux, de M. l'ing^énieur Prêt el de
M. le conducteur C|ievallier.
92 HISTOIRE DU XVl' ARRONDISSEMENT
point de la Plaine »,et ensuite place de l'Hippodrome ». Elle a reçu le nom de
« place d'Eylau « par arrêté du 19 août 1864, et celui de « place Victor-Hugo »
par arrêté du 9 décembre 1885. Elle a été plantée et remise en bon état, en
1865, moyennant une dépense de 32.000 francs.
Le conseil d'administration de la Société des terrains de Passy décida, en
1837, la construction d'un bassin-fontaine pour décorer la partie centrale de
cette place, qui portait alors le nom de « rond point de la Plaine >>. Un
contrat fut passé, à cet effet, avec la compagnie des eaux d'Auteuil, et l'archi-
tecte Heudebert fut chargé de diriger les travaux, qui furent immédiatement
entrepris et bientôt terminés. Le bassin était en pierre, avait âO mètres de
diamètre et renfermait un second bassin concentrique, également en pierre,
au milieu duquel s'élevait un socle octogone en fonte, supportant deux
vasques superposées de même métal (1); Teau s'échappait du sommet de
l'édicule et retombait en cascade dans le bassin (V. p. 93).
La fontaine fut ensuite supprimée, les deux bassinç ayant été remplis de
terre et garnis d'arbustes et de fleurs.
On a inauguré le 26 février 1902, pour le centenaire de Victor Hugo, le
monument (2) élevé au grand poète par le sculpteur Barrias. La cérémonie
était présidée par M. Loubet, président de la République, ayant à sa droite
M. Dausset, président du conseil municipal, et, à sa gauche, M. de Selves, pré-
fet de la Seine. Les membres de la famille de Victor Hugo avaient été placés
dans une tribune spéciale. Des discours ont été prononcés par M. Paul Meu-
rice, président du comité du monument, par M. Dausset et par M. de Selves (3).
Une station du chemin de fer métropolitain (ligne de l'Étoile à la porte
Dauphine)est établie sous la place Victor Hugo, au débouché de l'avenue
Malakofl.
Un hôtel bâti à la place Victor-Hugo, entre la rue Boissière et l'avenue
Malakofl, a été occupé pendant plusieurs années par l'ambassade de Chine (4).
Le premier hippodrome fut ouvert, le 4 juillet 1845, au rond-point
de l'Étoile; les travaux exécutés pendant les premières années du second
Empire, pour l'embellissement de celte place et de ses abords, obli-
gèrent M. Arnaud, directeur de cet hippodrome, à le déplacer; il le trans-
porta sur un terrain domanial, avec entrée sur la place aujourd'hui nommée
place Victor-Hugo, près l'aboutissement de l'avenue Bugeaud; on dépensa
plus de 250.000 francs pour l'installation de ce théâtre (5), qui a peu duré.
(i) Ces indications ont été communiquées A la Société historique d'Auteuil et de Passy
par M. de Forges de Montagnac.
(2) Victor Hugo y est représenté assis sur un rocher. Quatre figures sont disposées au-
dessous de lui : à sa droite, la Poésie dramatique; h sa gauche, Ja Poésie lyrique, figure
ailée qui lui ofi're une lyre ; derrière, l'Epopée, sonnant de la trompette, plane au-dessus
d'un trophée d'armes et de drapeaux, ayant assise à côté d'elle la Poésie satirique, qui
tient un fouet et montre du geste le Poète justicier. Les quatre faces du piédestal sont
décorées de bas-reliefs en bronze, rappelant quelques-unes des grandes œuvres de
Victor Hugo. — V. Bull, delà Soc. /i/«/., numéro consacré à Victor Hugo.
(3) L'œuvre de Barrias a coûté i5o 000 francs. Le président du comité du monument
était Paul Meurice, le vice-président Emile Augier, les membres Donnât, Anatole de la
Forge et Auguste Vitu.
(4) Cet hôtel avait un mur de clôture à créneaux, avec tourelles aux angles (V. p. 93).
(5) Le conseil municipal de Passy avait consenti A remplacer pour cet hippodrome, en
1846, la taxe des pauvres par une annuité fixe de 6.000 francs ; elle fut réduite à 3.ooo francs
en 1848 et fixée, en 1849, à 3 p. 100 de la recette brute pour les deux cents premiers mille
francs de recelte, et â 5 p. 100 sur l'excédent.
EGLISE SAINT-HONORÉ-DKYI^U ç/S
Uéglise Sainl-Honoré-d'Eylau, qui n'était d'abord qu'uue chapelle suc-
cursale de la paroisse de Passy^a sapriacipale entrée sur la place Victor-
Hugo; elle est établie entre la rue Mesuîl et l'avenue Victor-Hugo. La délibé-
ratioD du conseil municipal de Passy du 10 novembre 1H.'U porte que le déve-
loppement acquis récemment par le quartier de la Plaine a fait reconnaître la
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nécessité d'y élever une chapelle; elle autorisa l'achat, ù raison de l'i fr. 131e
mèlre carré, du terrain nécessaire à l'établissement d'une chapelle au ruud-
poÎDt de la Plaine. Le conseil de fabrique s'était engagé, le H août 1832, à
payer le mobilier de la chnpelle (la dépense initiale pour es mobilier a éle de
5.i(M) francs). Par acte du 10 décembre IS">^, le maire de Pa^sy acheta, au
94 HISTOIRE DU XVI'' ARRONDISSEMENT
prix de 17.947 francs, les terrains nécessaires pour permettre Térection, au
rond-point, d*une chapelle de secours et d'écoles. Le décret du 31 mai 1854
autorisa la commune de Passy à contracter, pour faire face aux frais de cons-
truction de ces bâtiments, un emprunt de 100.000 francs, remboursable
en cinq ans, et à s'imposer, pendant cinq ans, âO centimes additionnels. En
outre, rÉtat fournissait une subvention de 2.000 francs et le département des
fonds de concours s'élevant à 1.000 francs. La dépense de première construc-
tion, pour la chapelle et les écoles, s'est élevée à 1 19.304 francs, y compris
rachat des terrains, mais non compris les intérêts de lemprunt. Les travaux
furent exécutés de 1K53 à 1856, sous la direction de M. Tarchitecte Debres-
senne.
La chapelle fut consacrée, le 25 mars 1857, sous le vocable de chapelle du
Sacré-Cœur, par M. Tabbé Locatelli, alors curé de Passy, qui y installa
M. Tabbé Dorveau comme vicaire.
Par décret du 15 août 1862 et par ordonnance archiépiscopale du 27 du
même mois, la chapelle fut érigée en église sous le vocable de Saint-Honoré
et avec la délimitation de paroisse qui existe encore aujourd'hui. Elle fut
inaugurée, le l*"^ septembre 1862, par Mgr le cardinal Morlot, archevêque
de Paris. L'édifice était devenu la propriété de la Ville de Paris, en vertu de
l'article 9 de la loi d'annexion du 16 juin 1859.
Cette église fut pillée le 15 avril 1871, par un détachement du 42*" bataillon
des fédérés de la Commune, et le presbytère fut alors transformé, pendant
quelques jours, en caserne.
En 1883 et 1884, des travaux d'amélioration, consistant en agrandissement
de la nef et adjonction d'annexés, ont été exécutés sous la direction de
MM. les architectes Rousseau et Train; l'église, dont le curé était alors Monsi-
gnor Slsson,fut bénie par Mgr Guibert, archevêque de Paris, le 10 février 1884,
en présence du duc de Nemours.
Malgré ces agrandissements, l'église Saint-Honoré-d'Eylau (1) était insuffi-
sante pour les besoins d'une population de plus de 30.000 âmes. Aussi
M. l'abbé Marbeau, curé de cette paroisse, fit-il construire dans le voisinage de
l'église, au n" 66 de l'avenue Malakofl, une vaste chapelle dont les bâtiments
ont été exécutés de 1896 à 1897, par M. Paul Marbeau, et qui est connue sous
le titre de Notre-Dame de la Cité paroissiale. Elle est, en effet, comme le centre
d'une cité comprenant, avec la crypte et les annexes, sur divers points de la
paroisse, chapelle des catéchismes, salle pour les œuvres, écoles libres, patro-
nages, ouvroir, crèche, école maternelle, asile de vieillards, fourneau popu-
laire, etc. Cette chapelle, qui a 60 mètres de longueur sur 27 mètres de largeur,
est surtout remarquable par les dispositions pratiques et utilitaires de sa cons-
truction et de son agencement : à l'intérieur, l'emploi du fer a permis de
diminuer l'épaisseur des colonnes, de sorte que les fidèles peuvent de tous
les points voir les cérémonies liturgiques ; les cinq nefs peuvent, selon les
besoins, constituer des centres séparés ou n'en former qu'un seul.
L'avenue Malako/f se nommait précédemment « avenue de Saint-Denis »; la
plus grande partie de cette avenue a été ouverte en 1826, avec une largeur de
23"', 30, par la Société des terrains de la plaine de Passy ; le surplus, du côté
(i) dette (église ira qu'une nef terminée ]>ai* un chœur et doux chapelles latérales for-
mant transept.
AVENUE BUGEAUD qS
de la porte de Neuilly, fut exécuté peu de temps après. Elle établissait une
communication entre Passy et Saint-Denis, par la roule de la Révolte ; elle
fut classée comme route départementale n"" 9 par l'ordonnance royale du
28 août 184().
Elle a reçu, par décret du 24 août 1861, son nom actuel, qu'elle doit à
la prise du bastion Malakofî par larméa française placée sous les ordres
du maréchal Pélissier; ce fait d'armes décida de la prise de Sébastopol, le ,
8 septembre 1855. Aimable-Jean-Jacques Pélissier, né en 179i, capitaine dans
la garde royale en 1827, chef d'escadrons à la prise d'Alger en 1830, colonel en
1843, commandait Taile gauche à la bataille dlsly, fut nommé maréchal de
camp en 1846, général de division et gouverneur général de TAlgérie en 1850
et commandant en chef de l'armée d'Orient en 1855. La prise de Sébastopol
lui valut le bâton de maréchal de France, le titre de duc de Malakoil et une
dotation de 100.000 fraocs.
Les travaux d'abaissement et d'achèvement (1) de cette avenue ont été
exécutés, pour la partie voisine du Trocadéro, en 1877-1878, et pour le sur*
plus en 1888 et 1889.
L'avenue Malakofl a été pourvue, en 1897, de trottoirs réglementaires
entre la place Victor-Hugo et l'avenue du Bois-de-Boulogne; des becs à incan-
descence y ont été installés en janvier 1900.
Le baron de Pontaiba, qui avait été page de Napoléon I" et aide de camp du
maréchal Ney, a demeuré au n** 38 de l'avenue de Saint-Denis. La maison
construite au n** 81 de l'avenue par M. l'architecte Le Voisvenel a été primée
par la Ville de Paris au concours de façades de 1900.
La partie de Yaveniie Bugeaud comprise entre la place Victor-Hugo et la rue
Spontini a été ouverte en 1826, avec une largeur de 15 mètres; la seconde
partie, qui s'étendait autrefois jusqu'au bois de Boulogne, fut percée peu de
temps après, sur les terrains du parc de la Faisanderie. La nouvelle voie reçut
le nom d' « avenue Dauphine », en l'honneur de la duchesse d'Angoulême,
dauphine de France. La seconde partie de cette avenue a été remaniée lors du
percement de l'avenue du Bois-de-Boulogne.
Le décret du 24 août 1864 a donné à l'avenue Dauphine sa dénomination
actuelle, en l'honneur de Thomas-Robert Bugeaud de la Piconnerie, duc
d'Isly (1784-1849), qui s'engagea dans les vélites en 1804, au camp de Boulogne,
fit les campagnes du premier Empire, se retira dans son pays (Dordogne), à
Exideuil, pendant la Restauration, fut nommé maréchal de camp et élu député i
réprima à Paris, en 1832 et 1834, les insurrections républicaines, gagna sur les
Marocains la bataille d'Isly, ce qui lui valut le titre de duc, et eut un r<^le
prépondérant dans la conquête et la colonisation de l'Algérie, dont il fut
gouverneur général. Il était très aimé des soldats et favorisait l'agriculture;
sa devise : Ense et arairo^ explique les efforts de toute sa vie.
Le pavage en bois a été établi, en 1899, sur la partie de l'avenue Bugeaud
(i) Les travaux de 1877-1878 ont Hé exécutés, à l'avenue MalakofT, sous la direction de
M. l'insçénieur Barlet el de M. le conducteur Léon; ceux de 1888-1889, sous ladireclion de
M. l'ingénieur Babinet et de M. \v conducteur Lepeltier.
La voie sous-niinée a été consolidée sur une longueur de 33a mètres, entre la place
du Trocadéro et la rue Saint-Didier. La distance du sol au ciel de la carrière est de
i6«,2.5 devant le no 5, de 19™ ,54 au puits de service à Tangle de la rue de Longchamp, el
de 2i™,5o à langle de la rue Saint-Didier. La hauteur des galeries d'exploitation est de
i"»,go au premier point, de in»,55 au second et de i"*,75 au troisième.
<)(> HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
comprise entre les rues Sponlinl et de la Faisanderie. Le chemin de fer mé-
tropolitain passe sous Tavenue Bugeaud, où se trouve une de ses stations
terminus, celle de la porte bauphine.
La rue Laiirision (1) a été établie, en iH±{\, par la Société des terrains de la
plaine de Passy, sur l'emplacement du chemin du Bel-Air (ancien chemin de
Versailles, allant du chemin de Longchamp à la barrière de rÉtoile),qui avait
en 1825 une largeur moyenne de 7 mètres. Celte nouvelle rue, ouverte avec
une largeur de 9*", 75, s'appela « rueNeuve-duBel-Air », puis « rue du Bel-Air»
et « rue des Peupliers ». Le décret du 24 août 1864 a donné à cette rue sa
dénomination actuelle, en l'honneur de lacques Alexandre-Bernard Law,
marquis de Lauriston (1768-1828), petit-fils du financier Law (2). Il entra,
en 17.84, à l'École militaire, où il se lia avec Bonaparte; nommé lieutenant
en 1785 et capitaine en 1791, il refusa d'émigrer et fut chef de brigade dans
l'artillerie à cheval en 1795; aide de camp du premier consul, il fut nommé
général en 18(X) et porta à Londres la ratification du traité d'Amiens. Général
de division en 1804, commandant de l'artillerie de la garde à la bataille de
Wagram, il dirigea l'arrière-garde de l'armée française pendant la retraite de
Russie, fut fait prisonnier à la bataille de Leipsick et rentra en France à la
paix. Il fut nommé parle roi Louis XVIII pair de France et capitaine des
mousquetaires gris en 1815, ministre de la maison du roi en 182(), maréchal
de France en 1823. Le maréchal de Lauriston était un des principaux action-
naires de la Société des terrains de la plaine de Passy.
En 1848, on exécuta des travaux de remise en état de viabilité de la rue du
Bel-Air (Lauriston), entre la rue de Longchamp et la rue Boissière, pour
occuper les ouvriers sans travail.
La rue du Dôme, qui a une largeur d'environ 9'",85, a été ouverte en 1823,
coir.me voie privée, sur les terrains delà Pelouse; elle a été classée comme
voie publique par l'arrêté préfectoral du 3 octobre 1855 et elle communique
par un escalier avec l'avenue Victor-Hugo. Son nom parait dû à ce qu'elle se
trouve dans une situation culminante d'où on peut voirie dôme des Invalides.
La rue Cimarosa a été ouverte à 8 mètres de largeur, en 1825, et fut
nommée, à cette époque, « rue Saint-André », prénom d'un des actionnaires
de la Société des terrains de la plaine de Passy. La délibération municipale
du 24 août 185f> a crédité les travaux nécessaires pour remettre en bon état
de viabilité cette rue, dont la largeur a été portée à 12 mètres, par arrêté
préfectoral du 18 juin 1866. Sa dénomination actuelle lui a été donnée par
le décret du 24 août 1864, en l'honneur de Dominique Cimarosa (1754-1801),
qui a composé plus de 120 opéras italiens, sérieux ou bouflons, parmi les-
quels on peut citer : le Directeur dans rembarras (Imprésario in anguslie)
et le Mariage secret {Il Malrimonio segreto). Un médaillon, qui repro-
duit les traits de ('.imarosa et qui rappelle les dates de sa naissance et
de sa mort, a été placé dans la façade de la maison située à l'angle de la rue
de ce nom et de l'avenue Kléber.
La rue Copernic, qui va de l'avenue Kléber à la place Victor-Hugo, a été
ouverte, en 1825, avec une largeur de 12 mètres ; elle prit le nom de « rue
fi) Dr 1887 à 1S89, le sol a <H(^ consolide^ sur une longueur de 117 mètres, entre les
n«* 117 et r27: devant le n" 116, la dislance du sol au ciel de la carrière csl de ii",K> et
la hauteur de la j^alerie de r)»",rK).
(•2) Voir aux annexes (p. /|i7. l'article inlilulé : «. La fille de Law au rond-point de rÉloilc ».
RUE PAUQL'ET 97
des Bassins », parce que les bassins et réservoirs, qui servent à ralimentation
d*eau de la ville, sont établis le long de cette rue. Celle qui avait reçu égale-
ment, dans le XVI° arrondissement, le nom de rue des Bassins et qui porte,
depuis le 8 août 1895, le nom de « rue Auguste Vncquerie », se trouve dans
le voisinage, mais sur un autre emplacement : entre la rue Newton et la rue
Dumont-d'Urville.
La dénomination de rue Copernic a été donnée par le décret du 24 août
1864, en Thonneur de Copernic (1473-1543), mathématicien et astronome,
auteur de la théorie du système planétaire; il publia son ouvrage sur ce
système à Nuremberg, en 1543.
Le pavillon de Tingénieur en chef du service technique des eaux et de
lassainissement de la ville de Paris a été établi en 1901 au n*" 34 de la rue
Copernic, dans les dépendances du nouveau bassin des grands réservoirs
de Passy.
La rue de Villejust a été ouverte, en 1825, sur des terrains dont la plus
grande partie avait été cédée à la Société des terrains de la plaine de Passy,
par M. l'avocat Pauquet de Villejust (mort à Paris en 1839). Elle s'étendait
d'abord de la rue du Bel-Air (Lauriston) à l'avenue de Saint- Denis (Malakofl) ;
le percement de la section de la rue de Villejust située entre Tavenue Kléber
et la rue Lauriston a été déclaré d'utilité publique, par décret du 20 juil-
let 1877.
Cette rue a été coupée en deux parties par le percement de Tavenue du
Bois-de-Boulogne, et le décret du 10 août 1868 a donné le nom de rue Pic-
cinni à la partie comprise entre cette avenue du Bois-de-Boulogne et l'avenue
MalakoQ, en Thonneur du compositeur italien Nicolas-Marcellin-Antoine-
Jacques Piccinni (1728-1800), qui habita Passy, et dont la pierre tombale se
trouvait à Tancien cimetière de Passy, rue Lekain. II fut appelé en France,
en 1776, par Marie- Antoinette, pour lui donner des leçons de musique ; il fit
représenter plus de cent opéras dont Marmontel était souvent le parolier;
il fut le rival de Gluck : la querelle des piccinnistes et des glûckistes fit beau-
coup de bruit au xviii' siècle.
A répoque où la rue Piccinni faisait partie de la rue de Villejust, les ali-
gnements y furent réglés' par l'arrêté préfectoral du 3 octobre 1855, qui
maintint une moindre largeur de 10 mètres.
La rue Pauquet se divise, au point de vue de son histoire, en deux par-
ties : la plus ancienne est celle qui est comprise entre la rue Dumont-d'Ur-
ville et l'avenue Kléber; elle fut ouverte en 1825, avec une largeur de
12 mètres, et doit son nom à M. Tavocat Pauquet de Villejust, qui avait coo-
péré à la création de celte rue Pauquet et de la rue de Villejust. La première
rue Pauquet s'étendait originairement jusqu'à la rue de Lauriston ; mais,
lorsque le boulevard de Passy fut rectiHé et devint Tavenue Kléber, la sec-
lion comprise entre l'avenue Kléber et la rue Lauriston fut supprimée, et le
surplus de la rue Pauquet fut élargi.
La partie de la rue Pauquet comprise entre les rues de Chaillot et Du-
mont-d'Urville fut ouverte à 12 mètres de largeur, suivant l'ordonnance 1
royale du 18 mars 1836, sur des terrains appartenant à MM. Dumouslier,
Laurent et Grassal (1) ; elle prit le nom de « rue Pauquet-de-Villejust ».
(1) Voir aux annexes (p. 417) les règlements de voirie limitant à 12 mètres la liauteur
(Jei> mai^ions (rues Pauquet, Newton et de^ Bassins).
gS illSTOIBE bu XVI° AI«ll(«niSSEMIî\t
■ L'arrêté préfectoral du 2 avril 1808 a réuni la rue Pauquel-de-Villejust
et la rue Pauquet sous celte dernière déQomiDation.
Emile de Giràrdin, publiciste, habita la maisou a" 38, ea I8tii-I870. Ra-
navalo, ex-reine de Madagascar, fut logée rue Pauquet par le gouvernement
français, en juta 19)11.
La rue des lîelles-FeiiiUes va du rond-point de Longchamp à l'avenue
Bugeaud ; ce nom ne s'est appliqué d'abord qu'à la partie comprise entre le
rond-point de Longchamp et l'avenue Victor-Hugo: la section comprise
RUE SAINT- DIDIER Çfij
entre l'avenue Victor-Hugo et Tavenue Bugeaud a porté, pendant longtemps,
le nom de « rue des Biches ». L'arrêté préfectoral du 2 avril 1868 a réuni,
sous le nom de rue des Belles-Feuilles, ces deux rues, qui ont été ouvertes
vers 1825, avec une largeur de 10 mètres, sur des terrains de la plaine de
Passy, à travers les lieux dits « les Belles-Feuilles » et « les Biches ». Le
pavage en bois a été établi en 1899, entre l'avenue Victor-Hugo et les
n«' 17, 19.
La fondaiion Thiersy destinée à faciliter les études, à Paris, de quelques
jeunes gens possédant une instruction supérieure, se trouve à Tangle de la
rue des Belles-Feuilles et de l'avenue Bugeaud. Dans les derniers jours de
sa douloureuse maladie, Mme Thiers appela auprès d'elle sa sœur,
Mlle Dosne, et M. Mignet. Elle leur exprima le désir que sa fortune,
dont elle laissait la jouissance à sa sœur, fût, après celle-ci, employée à la
fondation d'une école qui serait destinée à rappeler le souvenir des grands
travaux de M. Thiers et où des jeunes gens, déjà distingués par leur savoir
et leur esprit, seraient admis pour compléter leur instruction et se perfec-
tionner dans rétude des hautes sciences, de la philosophie et de l'histoire.
La date fixée par iVlme Thiers pour l'accomplissement de son désir a été
devancée par Mlle Dosne, qui a tenu à réaliser elle-même la pensée de
sa sœur. Par un acte passé le 17 décembre 1892, elle donnait à la « fonda-
tion Thiers » l'hôtel qu'elle faisait construire depuis 1890, sur les plans de
M. AldroQ, au rond-point Bugeaud, et elle y joignait des valeurs dont le
revenu était calculé pour subvenir largement aux besoins de la maison. 11
fut décidé que quinze jeunes gens (docteurs, licenciés ou lauréats de Tins-
titut) y seraient entretenus, chacun, pendant trois années consécutives ;
chacun d'eux peut se consacrer librement à telle étude qui le séduit; les
candidats sont présentés par les directeurs des établissements scientifiques.
Cette fondation, reconnue comme établissement d'utilité publique le 29 avril
1893, s'est ouverte à ses premiers pensionnaires le r*^ mai de la même année.
Elle a été dirigée d'abord par M. Hauréau et ensuite par M. Jules Girard (1) ;
en 1899, les membres du conseil d'administration étaient MM. Gréard, Aucoc,
Picot, Croiset et le directeur ; MM. Barthélemy-Saint-Hilaire, Léon Say et
Bardoux, tous les trois anciens ministres, avaient précédemment été mem-
bres de ce conseil.
La partie de la rue Saint-Didier comprise entre l'avenue Malakofl et
l'avenue Victor-Hugo a été construite en 1825, avec une largeur de 10 mètres,
par la Société des terrains de la plaine de Passy, dont M. de Saint-Didier
était un des principaux actionnaires ; cette largeur légale de 10 mètres a été
confirmée par l'arrêté d'alignements du 3 octobre 1855.
La section de la rue Saint-Didier, qui se trouve comprise entre les ave-
nues Kléber et Malakoff, a été également construite, vers 1825, par la même
Société, mais avec une largeur de 9™, 75 (maintenue par le décret du 12 juin
1883). Cette section porta d'abord le nom de « rue du Télégraphe », parce
qu'elle traversait un emplacement sur lequel un télégraphe aérien avait été
établi. I/arrêlé préfectoral du 2 avril i8(i8 a réuni la rue du Télégraphe à la
rue Saint-Didier, sous cette dernière dénomination, afin d'éviter une confu-
,1 M. Jules Girard, directeur de Itt fondolion Thiois^ Q9^i mort le 3i mars ujirii
lOO HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
sion avec une autre rue du Télégraphe existant dans le XX** arrondissement,
près de Tancien télégraphe aérien de BellevîUe.
Au n" 60 de la rue Saint-Didier, se trouve la salle Humbert de Romans,
qui a été construite sur les plans de M. l'architecte Hector Guimard, n*a pas
moins de douze cents mètres carrés et possède une très bonne acoustique ;
elle est garnie en bois d'acajou et contient un orgue monumental ; elle est
utilisée pour des auditions musicales et pour des réunions (1).
C'est rue Saint-Didier que le Père Didon a fait construire les écoles Saint
Dominique et Lacordaire (2).
Le marché Saint-Didier est établi à l'angle de la rue Saint- Didier et de la
rue Mesnil ; il a été construit en exécution d un traité conclu, le iâ décembre
1805, entre la ville de Paris et MM. Ferrere et C'*, banquiers, pour la con-
cession de seize marchés qui devaient être installés dans un délai de dix-huit
mois et parmi lesquels figurait le marché Saint- Didier, prévu pour 105 places,
sur une superficie de 1.015 mètres carrés. Le marché a été ouvert le
1-' août 1867. Son rendement a été de 23.500 francs en 1901.
Léon Gambetta, membre du gouvernement de la Défense nationale et
ancien président du conseil des ministres, a habité, pendant les dernières
années de sa vie, la maison n« 57 de la rue Saint-Didier.
En 1825, un simple chemin longeait, d'un côté, le mur de la Faisanderie,
appelée aussi « le Petit-Parc » (propriété qui dépendait autrefois du château
de la Muette et a appartenu ensuite au ministre Casimir-Perier), et, de Tautre
côté, les terrains de la plaine de Passy. A cette époque, la Société des terrains
de la plaine de Passy transforma ce chemin en une rue de 10 mètres de largeur,
qui prit le nom de « rue du Petit-Parc ». Jusqu'après l'annexion, elle s'éten-
dait, sous ce nom, de l'avenue de la Grande-Armée à la rue de la Tour. Le
décret du 2 octobre 1865 a substitué, au nom de la rue du Petit Parc : 1° celui
de rue Pergoièse, pour la partie comprise entre l'avenue de la Grande-Armée
et l'avenue de l'Impératrice (avenue du Bois-de-Boulogne) ; 2" celui de rue
Spontini{3), au surplus de la rue du Petit Parc.
Gaspard-Luigi-Pacifico, comte Spontini de San Andréa (1774-1851), vint
en France en 1803, donna des leçons de chant à l'impératrice Joséphine et fit
représenter les opéras de ia Vestale, en 1807, et de Fernand Cortez, en 1809.
En 1811, il épousa la nièce de Sébastien Érard et habita souvent, depuis 1820,
le château de la Muette, où sa veuve mourut le l**' octobre 1878, dans sa
quatre-vingt troisième année.
La villa Spontini a son entrée au n" 37 de la rue Spontini, vis à-vis l'abou-
tissement de la rue du Général-Appert.
Le compositeur napDlitain Pergolèse (1710-1736) fit faire de grands progrès
à l'art musical; il a comp3sé l'opéra bouile Serra padrona, et est connu
(i) La salle Humbert de Romans, dont la fondation est due à riniliative du P. Lavy, a
été inaugurée en novembre iç)()i.
(2) La voie sous-minée a cli'' consolidée, de i88i à 18S7, sur 3i8 mètres de longueur,
depuis l'avenue Klébcr jusqu'à 80 mètres au delà de l'avenue MalakofT. Près de cette
dernière avenue, la dislance du sol au ciel de la carrière est de 23«,3o, et la hauteur de
la galerie d'exploitation est do 2 mètres.
(3) La rue Spontini ne va plus jus(ju'à la rue de la Tour; la section comprise entre la
rue de la Tour et l'avenue Henri-Martin se nomme » rue Mignard », et celle comprise
entre l'avenue Henri-Martin et l'avenue Victor-Hugo a Hé incorporée au square Lamartine.
Voir ci-après les indications (p. i44) données au sujet de la rue Mignard.
RUE DE BOULAINVILLIERS lOl
surtout pour son Siabai; il mourut à Pouzzol d^une phtisie pulmonaire.
Le ministre Casimir Périer, propriétaire du parc de la Faisanderie, fit
rectifier le tracé de la rue du Petit Parc (aujourd'hui rue Pergolèse) entre
Favenue de la Porte Maillot (Grande-Armée) et l'avenue Dauphine (Bugeaud).
C'est sans doute pour ce motif que cette section porta, pendant un certain
nombre d'années, le nom de « rue Périer » ; mais le nom de rue du Petit-
Parc finit par prévaloir jusqu*au décret précité de 1865. Après avoir été offi-
cier du génie, banquier et président de la Chambre des députés, Casimir
Périer (1777 1834) a été un chef de cabinet très énergique; c'est sous son
ministère que les Français prirent Anvers et Ancône.
Jacquemart, graveur à Teau-forte, a demeuré rue Pergolèse, au n' 56, en
1866, et au n» 1, en 1867 1872(1).
La rue du Petit-Parc était en si mauvais état en 1848 que la circulation y
était interceptée ; elle fut réparée à cette époque, ainsi qu'en 1856. En 1881,
la partie de la rue Spontini située entre Tavenue Henri-Martin et la rue de
la Tour a reçu le nom de « rue Mignard ». Le pavage en pierre de la rue
Pergolèse a été converti en pavage en bois en 1899 entre Tavenue du Bois-de-
Boulogne et la rue Weber ; en 190(), entre l'avenue MalakoR et l'avenue de la
Grande-Armée.
La fue Dosne est une voie privée qui date de 1827 et doit son nom à la
famille Dosne, propriétaire de cette rue, qui forme équerre et a une largeur
de 10 mètres. M. Dosne a été agent de change, puis receveur général des
finances du Nord ; il était le beau-père de M. Thiers et est mort en 1849.
La rue Picot prolonge la rue Dosne et va de l'avenue Bugeaud à l'avenue du
Bois-de-Boulogne ; elle fut ouverte vers 1827, avec une largeur de 10 mètres,
sur des terrains appartenant à M. Picot, avoué à Paris (1768-1859), un
des actionnaires de la Société des terrains de la plaine de Passy. Cette rue
débouchait autrefois dans la « rue Andréine », qui a été supprimée pour livrer
passage à l'avenue du Bois-de-Boulogne.
Une ordonnance royale du 27 septembre 1825 a autorisé rétablissement du
pont de Grenelle (2), qui est divisé en deux parties par l'île des Cygnes (3),
séparant la gare de Grenelle du bras droit de la Seine ; cette tle appartient au
XV' arrondissement. Autrefois, ce bras droit de la Seine, suivi aujourd'hui
par la navigation et servant de port à Passy, était si peu profond qu'il était
traversé à gué par les animaux qu'on menait paître dans l'ancienne île. Les
travées métalliques qui ont remplacé, en 1875, l'ancien pont en charpente,
ont été exécutées dans les ateliers de la maison Cail. Le passage spécial
conduisant aux pontons des bateaux à vapeur (station du pont de Grenelle) a
été élargi en 1898(4).
La rue de Boulainvilliers tire son nom du marquis de Boulainvilliers,
prévAt de Paris sous Louis XV et Louis XVI et dernier seigneur de Passy. Il
était petit-fils du célèbre financier Samuel Bernard et mourut en prison, en
(i) Pendant la durée de l'Exposition Universelle de 1889, on a donné rue Pergolèse des
représentations à la Plaza de Toros, salle construite par M. rarchitecle Pierre Botrel.
(2) Mon article intitulé : « La Seine entre le pont d'iéna et le viaduc du Point-du-Jour »
est reproduit aux annexes (p. 3Ck>).
(3) Voir aux annexes (p. 41^)» l'article de M. Léopold Mar, intitulé : « Comment de Paris
on venait jadis A Passy ».
.4) La voie qui mène au pont est aujourd'hui une rue bordée de hautes maisons, et
dénommée chaussée du pont de Grenelle ; un escalier descend au bas quai et aux pontons.
102 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
1793, pendant la Terreur. Après sa mort, M. Cabal-Castel, ancien notaire de
Paris, devint propriétaire de l'ancien château seigneurial de Passy et le
vendit, en 1826, à des spéculateurs, qui établirent, dans le potager et le parc,
un nouveau quartier.
La partie de la rue de Boulainvilliers qui se trouve entre le quai de Passy
(près du pont de Grenelle) et le carrefour où aboutissent les rues de Boulain-
villiers, La Fontaine et Raynouard, existait au xvui® siècle et était dénom-
mée, avant l'annexion, « avenue de Boulainvilliers » ; cette partie forme limite
entre le quartier de la Muette (Passy) et celui d'Auteuil. La plus grande
partie du restant de cette rue (c'est-à-dire la section comprise entre le carre-
four précité et la partie supérieure, qui est voisine de la rue de Passy) a été
percée, vers 1828, sur les dépendances de l'ancien château seigneurial de
Passy (château de Boulainvilliers). Le surplus, c'est-à-dire la partie supé-
rieure de la rue de Boulainvilliers, jusqu'à la rue de Passy, a été ouvert par
voie d'expropriation, sur des terrains appartenant à M. Singer, pour l'exé-
cution du chemin vicinal de grande communication de Montrouge à Passy,
reliant, par le pont de Grenelle, la rive gauche de la Seine (Montrouge, Vau-
girard et Grenelle) à la rive droite (Auteuil, Passy et Neuilly) ; ce^ chemin a
ensuite été classé comme route départementale n** 10.
Le chemin de fer de Paris à Auleuil, exploité par la Compagnie deTOuest,
est très utile pour Passy et Auteuil, puisqu'il les met en communication avec
la gare Saint-Lazare, c'est-à-dire avec le centre des affaires. L'importance de
ce chemin de fer a été considérablement augmentée par l'exécution du dou-
blement des voies entre la station de Courcelles et celle de l'avenue Henri-
Martin (permettant d'avoir des trains assez fréquents pour transporter, au
besoin, plus de 15.00() voyageurs en une heure), ainsi que par la construction
de la ligne reliant la station de l'avenue Henri-Martin à celles du Champ de
Mars et des Invalides ; cette nouvelle ligne n'a qu'une station intermédiaire,
celle de la rue de Boulainvilliers.
Ces travaux (1), qui ont été exécutés sans entraver un seul jour la circu-
lation de la ligne d'Auteuil et sans occasionner aucun accident, présentaient
de graves difficultés, car on ne disposait que d'un temps très court pour les
achever avant l'ouverture de l'Exposition universelle de 1900. Il a fallu
percer dans des bancs d'argile pour les souterrains de la ligne aboutissant
au Champ de Mars, qui traverse le bras navigable de la Seine au moyen d'une
travée métallique de 85 mètres de portée ; enfin, les trains sont si fréquents
sur la ligne d'Auteuil que les changements de voie ne pouvaient y être posés
qu'entre une heure et trois heures du matin. La ligne a été mise en exploi-
tation, le 12 avril 1900, entre le chemin de fer d'Auteuil (avenue Henri-Martin)
et la station du Champ de Mars, et, le 15 du même mois, entre le Champ de
Mars et les Invalides. La station de Boulainvilliers a été ouverte le
5 juin 1900 (2).
(i) Ces travaux ont été exécutés sous la direction de MM. les ingénieurs en chef des
ponts et chaussées Ed. Widmer, ingénieur en chef de la construction de la Compagnie,
dos chemins de fer de l'Ouest; Bonnet, adjoint au directeur de cette Compagnie, etRabut,
ingénieur principal de la première circonscription.
i'i) Le chemin de fer reliant directement la gare des Invalides h Versailles, ouvert
d'abord entre les Invalides et le Val-Fleury, a été livré, dans toute son étendue, à
l'exploitation, après que les difficultés du percement du tunnel sous le bois de Meudon
ont été vaincues, le i*"" juin 1902.
CITÉ DE BOULAINVILUERS 103
C'est à l*angle de la rue de Boulainvilliers et de la rue de La F'ontaiae que
se trouvait la maison d'arrêt de la garde nationale, au n*" 15 de la rue de
Boulainvilliers. L'Institution Saint-André, pour jeunes demoiselles, s'y est
installée en 1874 et n'y est restée que pendant quinze mois. L'emplacement
de l'ancienne maison d*arrét de la garde nationale fait actuellement partie du
magasin d'éclairage de la ville de Paris.
On peut citer, parmi les hùtes du château de Boulainvilliers :
M. et Mme Claude Chahu, fondateurs de la paroisse de Passy;
Bernard de Rieux, second fils du banquier Samuel Bernard et président de
la seconde chambre des enquêtes au Parlement de Paris, qui eut le château
seigneurial depuis 1739 et mourut le 13 décembre 1745 ;
Bernard de Boulainvilliers, fils du précédent, prévôt de Paris, qui eut le
château de son père depuis la fin de 1745 et le céda à vie d'abord à M. de la
Pouplinière et plus tard au duc de Penthièvre;
Le Riche de la Pouplinière, fermier général, qui eut la jouissance du châ-
teau depuis 1747 jusqu'à sa mort, survenue en 1762 ;
Le compositeur Rameau, qui demeura pendant quelques années chez M. de
la Pouplinière, vers 1748-1753 ;
Marmontel, qui demeura chez M. de la Pouplinière, de mai 1749 à
février 1753;
Le compositeur Gossec, qui demeura depuis 1751 chez M. de la Poupli-
nière, comme directeur de son orchestre ;
Mme de Genlis et sa mère, qui demeurèrent en 1759, pendant six mois, chez
M. de la Pouplinière ;
La comtesse de Laraothe, aventurière compromise dans Va/faire du Collier,
née en 1756, et recueillie enfant, vers 1763, par la marquise de Boulainvilliers,
en son château de Passy, où elle fut élevée ;
Le duc de Penthièvre, à qui M. de Boulainvilliers avait cédé à vie son
château ; il fut l'unique descendant du comte de Toulouse, l'un des fils légi-
timés de Louis XIV et de Mme de Montespan ; son fils épousa la princesse de
Lamballe ; la fille du duc de Penthièvre était la mère du roi Louis-Philippe,
Tout en cédant à vie le château de Passy, le marquis de Boulainvilliers gardait
pour lui les droits seigneuriaux;
Enfin, Jean-Pierre-Claris de Florian, qui s'est illustré comme fabuliste. 11
était entré comme page, en 1758, chez le duc de Penthièvre, fut lieutenant-
colonel de dragons dans le régiment de Royal-Penthièvre et membre de
l'Académie française ; il suivait partout le duc comme secrétaire de ses com-
mandements, fut arrêté en 1793 et mourut dans une petite maison de Sceaux
le 13 septembre 1794. Son tombeau est visité chaque année par la Société
littéraire des Bosati, qui vient rendre un poétique hommage à sa mémoire.
Pendant son séjour à Passy, Florian a habité fréquemment la maison des
Gardes, comme cela a été dit ci-dessus, à propos de la rue Raynouard.
Lepeintre, acteur des Variétés, se retira à la rue de Boulainvilliers de
1833 ou 1834 à 1844 ou 1845.
Le hameau ou cité de Boulainvilliers a entrée sur la rue de Boulainvilliers
et sur la rue du Ranelagh. Cette cité fut créée par la Société Roëhn et C®,
vers 1838, sur une partie des dépendances de l'ancien château de Boulain-
villiers; elle se compose de maisons d'agrément entourées de jardins ombra-
gés. Le chanteur Cbollet l'a habitée vers 1850-1855 ; Boufié, acteur du Gym-
lo4 HISTOIRE DU XVl" ARRONDISSEMENT
nase, se retira, en 1851, au n« 9 et y était encore en 1858. Edmond Got ("1822-
1901), qui y occupait, depuis 1872, le n° 11, se plaisait à y recevoir ses anciens
élèves et ses amis. Il y est mort le 20 mars 1901. 11 était entré en 1844 à la
Comédie-Française, où il resta pendant plus de cinquante ans ; il avait été
admis au sociétariat dès 1850 et devint, en 1873, après le départ de Régnier,
le doyen de la maison de Molière, où il avait acquis une grande autorité. Il
lut nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1881, comme professeur au
(Conservatoire, et avec cette particularité qu'il était le premier comédien décoré
dans l'exercice de son art : jusqu'alors, un sociétaire du Théâtre-Français, bien
qu'il fût, en outre, professeur au Conservatoire, n'avait été décoré qu'en pre-
nant sa retraite. C'est Edmond Got qui eut l'initiative de la comédie moderne,
telle qu'elle est jouée aujourd'hui, c'est-à-dire en s'attachant à l'interpréter
avec naturel et simplicité ; il s'adonnait entièrement au personnage qu'il
avait à représenter.
La partie de la rue du fianelagh (1) comprise entre le quai de Passy et la
rue de Boulainvilliers a été percée vers 1824, avec une largeur de 11™, 70. Elle
fut ainsi nommée parce qu'elle devait conduire au Ranelagh ; quelques
années après 1824, elle fut continuée, avec la même largeur, jusqu'au chemin
de la Briquetterie (aujourd'hui supprimé), sur des terrains appartenant à la
Société Roëhn et C'*'. Par délibération du 24 mai 1831, le conseil municipal
de Passy approuva le tracé présenté par cette Société pour la rue du Rane-
lagh, devant établir une communication directe entre le pont de Grenelle et
le bois de Boulogne; cependant, ce ne fut qu'en 1854 que la rue du Ranelagh,
absorbant la sente de la Chenille, fut prolongée jusqu'à la rue de la Glacière
(rue Davioud), au delà de laquelle la sente du Calvaire se trouvait maintenue.
L'ouverture du surplus de la rue du Ranelagh a été autorisée par les décrets
d'utilité publique du 29 mai 1867 pour le prolongement entre la rue Davioud
et la rue Mozart (section remplaçant la sente du Calvaire), et du 14 juillet
1877 pour la partie comprise entre la rue Mozart et le boulevard Beauséjour (2).
Marguerite-Joséphine-Georges Weimer, actrice qui s'est rendue célèbre
sous le nom de Mademoiselle Georges, est morte à soixante-dix-huit ans, le
12 janvier 1867, dans la maison qu'elle habitait, rue du Ranelagh, 31.
Henri Martin, auteur de VHistoire de France, a habité, de 1865 à 1878,
l'ancien n<* 74 deïa rue du Ranelagh.
On remarque, au n** 101 de la rue du Ranelagh, à l'entrée de l'avenue des
Chalets, un hôtel Renaissance, construit par M. Sauvan ; au n° 109, un autre
hôtel, édifié en 1881 par M. A. de Chièvres, surmonté ultérieurement par des
ateliers; au n" 94, un hôtel ogival en pierres et briques, avec tourelle octo-
gonale en saillie et gargouilles originales; il est précédé d'une porte d'entrée
à peintures ornementées, placée au milieu d'un mur à créneaux.
La partie de la rue Galilée comprise entre l'avenue des Champs-Elysées
et l'avenue Marceau, dépend du VIll* arrondissement; le surplus de cette rue,
c'est-à-dire la plus grande partiede sa longueur, appartient au XVP arrondisse-
ment. La section comprise entre la rue de Juigné (place des États-Unis) et la rue
Vernet (VIII" arrondissement) remplace un chemin tortueux, qui était marqué
(i) Voir ci-après (p. 201), dans riiistorique de la rue de rAssomption, des indications
sur le lycée Molière, dont les entrées se trouvent au 38 de la rue de TAssomption et
au 71 de la rue du Ranelagh.
(2) L'école communale de garçons de la rue du Ranelagh avait 281 élèves en 1901.
RUE DES SABLONS 105
sur le plan de 1731 comme chemin de Versailles, et sur le plan de A^erniquet
(1791) sans dénomination ; il dépendait de la terre et seigneurie de Chaillot.
Cette rue s'est d'abord appelée « rue du Chemin-de Versailles »; une ordon-
nance royale du 6 avril 183â lui a assigaé une moindre largeur de 13 mètres.
Elle prit, en 1849, le nom de u rue du Banquet », pour rappeler le souvenir du
fameux banquet de la Réforme, qui servit de prélude à la révolution de
février 1848. En 185i, on lui rendit son nom de rue du Chemin-de-Versailles.
Le décret du 16 novembre 1853 prescrivit le prolongement de la rue du
Chemin-de- Versailles, à travers le promenoir de Chaillot, depuis la rue Vernet
jusqu*à Tavenue des Champs-Elysées. Le décret d'utilité publique du 17 sep-
tembre 1864 prescrivit le prolongement de la rue Galilée depuis la rue de Juigné
(place des États-Unis) jusqu'à l'avenue Kléber, et le décret du 24 du môme
mois sanctionna le traité passé entre la Ville et la Société Thome etC* pour
Texécution de ce prolongement.
Le décret du 24 août 1864 a donné à la rue Galilée sa dénomination
actuelle, enl'honneurde Galileo Galilei, ou Galilée (1564-1642), que les Médicis
nommèrent, quand il n'avait que vingt-quatre ans, professeur de mathéma-
tiques à l'Université de Pise. La hardiesse de ses idées en physique l'obligea
à quitter cette ville en 1592; il alla à Padoue, où il professa pendant vingt
ans. 11 fut persécuté, à la fin de sa vie, pour avoir publié en Italie un ouvrage
où il exposait, d'après Copernic, le mouvement de la terre et l'immobilité du
soleil. On lui doit la découverte des lois de la pesanteur et l'invention ou
le perfectionnement du télescope, du thermomètre, du pendule et de la
balance hydrostatique (1).
L'intrépide aéronaute brésilien Auguste Severo, qui, en 1902, a perdu
la vie en faisant une ascension dans son ballon dirigeable Pax, habitait
la rue Galilée.
La rue Mesnil a été ouverte en 1834, avec une largeur de 10 mètres, sur
des terrains de la plaine de Passy, appartenant à M. Mesnil.
La rue des Sablons n'allait primitivement que du rond-point de Long-
champ à la rue Saint-Didier; elle paraît avoir été ainsi dénommée en souve-
nir d'une carrière à sable, à Tépoque où la plaine de Passy commença d'être
mise en valeur. Cette rue peut se diviser, au point de vue de son histoire, en
quatre parties:
1** Celle comprise entre la rue Saint-Didier et le rond-point de Long-
champ, qui conserve encore aujourd'hui le nom de rue des Sablons, a été
percée vers 1834, avec une largeur de 10 mètres ;
2** La section allant du rond-point de Longchamp à la rue Schefïer cor-
respond à l'ancienne « rue des Bornes » , remplaçant le chemin des
Bornes, dont le nom était dû aux bornes qui, sur ce point, indiquaient les
limites des dépendances du couvent des Bonshommes. Il résulte de la déli-
bération du conseil municipal de Passy, en date du 14 mars 1825, qu'à cette
époque, le chemin des Bornes n'avait que 2 mètres de largeur, qu'il avait
son origine è la rue des Moulins (rue Schefïer) et se terminait à l'embranche-
ment des chemins de la Croix (rue Decamps) et de Longchamp. Ce chemin
fut classé vicinal pararrêtédu6 juillet 1825; vers 1848, il fut élargi à 11 mètres
et transformé ainsi en une rue qui prit le nom de rue des Bornes. La remise
[i) On a donné, dans cette région, des noms d'astronomes à plusieurs rues (Galilée,
Newton, Copernic, Keppler, Euler).
106 HISTOIRE DU XV!** ARRONDISSEMENT
du sol de la rue des Bornes à la commune de Passy par la Société Malézieux,
qui avait succédé à la Société des terrains de la plainede Passy, a été approuvée
par les délibérations municipales des 6 mars 1853 et 5 février i85i. L'arrêté
du 2 avril 18G8 a réuni la rue des Bornes à la rue des Sablons ;
3** La partie comprise entre la rue de la Tour et la place Possoz, qui fut
ouverte avec une largeur de 10 mètres, par suite du lotissement du parc
Guichard, et fut nommée « rue Saint-Hippolyte », en l'honneur du curé de
Passy, l'abbé Hippolyte Locatelli. L'arrêté du 3 septembre 1869 a réuni la
rue Saint-Hippolyte à la rue des Sablons;
4" La section s'étendant de la rue Schefler à la rue de la Tour, ouverte en
vertu du décret du 2 mars 1863, qui porte : « La Ville est autorisée à accepter
l'offre faite par les sieurs Harold, Ernest, et Jules Portails, qui s'engagent à
ouvrir, à travers les terrains dont ils sont propriétaires, entre la rue des
Moulins (Scheffer) et la rue de la Tour, une rue de 12 mètres, destinée à
former le prolongement de la rue Saint-Hippolyte et de la rue des Bornes, à
la charge par la Ville de leur payer 40.000 francs. » Ce prolongement fut immé-
diatement exécuté et prit d'abord le nom de rue Saint-Hippolyte.
Pendant vingt-deux ans, à partir de 1869, la rue des Sablons s'est étendue du
rond-point de Longchamp à la place Possoz; mais le décret du 24 avril 1891 a
donné le nom de rue Cortamberi à la partie de la rue des Sablons qui était com-
prise entre l'avenue Henri-Martin et la place Possoz (1), en l'honneur d'Eugène
Cortambert (1805-188i), qui habitait Passy et y mourut; il s'est rendu célèbre
comme géographe et a publié beaucoup d'ouvrages classiques; il a professé
au lycée Charlemagne (2) et a, le premier, tracé sur le tableau noir le dessin
des diverses contrées du globe, à mesure qu'il les décrivait à ses auditeurs ;
il a été président de la Société de géographie de Paris et de la Société de
géographie commerciale ; il a su rendre attrayante l'étude de la géographie.
Mme Cortambert a écrit sur le langage des fleurs, sous le pseudonyme de
Charlotte de Latour, un livre qui a eu beaucoup de succès et dont la 6*" édi-
tion a paru en 1814. Richard Cortambert, fils d'Eugène, a publié, lui aussi, deo
ouvrages intéressants sur la géographie.
Le XVP arrondissement constitue une des huit paroisses qui forment la cir-
conscription consistoriale de l'église protestante réformée de Paris, telle
qu'elle a été organisée par le décret du 25 mars 1882. La paroisse protestante
de Passy (3) est desservie par un pasteur titulaire et deux pasteurs auxiliaires.
Le temple est situé rue Cortambert, n° 19, sur un terrain appartenant au
conseil presbytéral. Le culte réformé est célébré en cet endroit depuis 1880;
mais, pendant une dizaine d'années, le temple n'était qu'une modeste cons-
truction en bois et fer. Comme elle était devenue insuffisante par suite du
développement de la population, elle a été remplacée, en 1890-1891, par un
édifice en pierre, qui contient 500 places environ. Le nouveau bâtiment a été
construit, sur les plans de feu M. l'architecte Aubert, au moyen de fonds
(i) La voie sous-minée a été consolidée sur ya mètres de longueur, près de langle de
la rue de la Tour et de la rue (lortambert.
(*^.) Voir la biographie des géographes Kugène et Richard Corlainhert par leur flls et
pelit-lils, p. '21 et ^3 du IVo volume du Bulletin.
(3) Celle paroisse est administrée par un conseil presbytéral, «pii comprend, outre le
pasteur titulaire, cinq membres laïques ; les deux pasteurs auxiliaires y siègent avec
voix consultative.
BUE GAVARNI I07
provenant exclusivement 'de souscriptions volontaires ; il a été inauguré le
dimanche 15 novembre 1891.
Au n*' 20 de la rue Corlambert se trouve la chapelle de Notre-Darae-du-Très-
Saint-Sacrement, achevée en 1900, dans le style gothique, par MM. les archi-
tectes Coulomb et Chauvet. Elle est desservie par la congrégation des ser-
vantes du Très-Saint- Sacrement (i).
On voit au n° 43 de la rue Cortambert un hôtel du style semi-gothique
fleuri, en pierres et briques, édifié par M. Sauvan. Le général du Barail, avant
d'être ministre de la Guerre, avait habité la maison qui a été remplacée par
cet hôtel.
Ponsard, poète et auteur dramatique, habita de 1866 à 1867 le a** 60 de la
rue Cortambert.
L'illustre astronome Faye, doyen de l'Académie des Sciences, ancien
ministre, membre du bureau des Longitudes, inspecteur général honoraire
de renseignement supérieur, habitait le n"" 39 de la rue Cortambert et y est
mort en 1902.
La rue Gavarni, qui est coudée, va de la rue de Passy à la rue de la Tour; elle
fut percée en 1835, avec une largeur de 9 mètres, sur des terrains appartenant
à M. Deyeux, et prit le nom de « rue des Artistes ». Le décret du 10 février 1875
lui a donné sa dénomination actuelle, en Thonneur de Sulpice-Guillaume
Chevalier, dit Paul Gavarni (1801-1866), qui passa plusieurs années à Tarbes,
au cadastre, fit ses premiers dessins dans les Pyrénées et emprunta son nom
de guerre à la cascade de Gavarnie (2). 11 fut le collaborateur d'Emile de
(iirardin au journal la Mode et alimenta te Charivari pendant plusieurs
années. Sainte-Beuve a fait de lui le portrait suivant : « Tout ce qui a passé ou
défilé sous nos yeux depuis trente-cinq ans en fait de mœurs, de costumes, de
figures élégantes, de plaisirs et de repentirs, tous les masques et les dessous
de masques, les carnavals et leurs lendemains, les théâtres et leurs coulisses,
les*aihours et leurs revers, les malices d'enfants petits ou grands, les dia-
bleries féminines ou parisiennes, il a tout dit, tout montré et d'une façon si
légère, si piquante, si parlante que ceux même qui ne sont d'aucun métier
ni d'aucun art, qui n'ont que la curiosité du passant, rien que pour s'être
arrêtés à regarder aux vitrines, ou sur le marbre d'une table de café, quelques-
unes de ces milliers d'images qu'il laissait s'envoler chaque jour, en ont
emporté en eux le trait et retenu à jamais la spirituelle et mordante
légende. »
Le gouvernement du roi Louis-Philippe, qui s'attacha à donner une vive
impulsion à tous les travaux publics, voulut doter la banlieue de Paris de
moyens de communication ne forçant pas à traverser la ville pour aller d'une
commune à l'autre. Les routes départementales ainsi créées (indépendam-
ment de la route départementale n° 2, qui empruntait la rue de Passy, et
dont le classement date du premier Empire) sont les suivantes :
La route départementale n^ 9, qui suivait l'avenue de Saint-Denis ^avenue
Malakofl);
.i) Cette congrégation a pour objet Tadoration perpétuelle du 1res saint sacrement
exposé, et les œuvres euchaiistiques ; elle a été fondée en i856 par le père Eymard ; sa
maison mère est au n* 23 de Tavenue Friedland.
-2: Voir aux annexes (p. 419) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : «^ Gavarni, garde
oalional ».
RUE SINGER IO9
La roule départementale n° 10, à laquelle étaient incorporés le pont de
Grenelle, la rue de Boulainvilliers et la rue de la Pompe;
Et la route départementale n" 64 (avenue Victor-Hugo).
Le classement de ces voies exonérait la commune des frais qu'impose leur
entretien, et il dispensait le public d'avoir affaire à Toctroi de Paris (ce qui
avait lait donner à ces routes le nom de routes de transit). Ces avantages
n'existent plus depuis l'annexion; mais ces mesures n'en ont pas moins pro-
curé des améliorations durables, car l'ouverture, la régularisation ou l'élar-
gissement de ces routes facilitèrent la circulation, permirent une augmentation
notable des constructions de maisons particulières en bordure de ces voies
et déterminèrent, dans leur voisinage, le percement de plusieurs rues nou-
velles.
La rue Singer a été ouverte en 183fi, avec une largeur de O^jToïSurdes ter-
rains provenant des dépendances de Tancien château de Boulainvilliers et de
l'ancien hôtel de Valentinois; ils appartenaient à M. David Singer (1778-1846),
qui avait acquis dans l'industrie du coton une certaine fortune et en légua une
grande partie à des établissements charitables. Parmi les nombreuses dispo-
sitions testamentaires de ce philanthrope, on peut citer deux legs de 300 francs
de rente chacun aux ministres de la Guerre et de la Marine, « pour un prix
annuel et perpétuel qui sera attribué au simple soldat et au simple matelot
qui Taura le mieux mérité par sa bonne conduite et l'ancienneté de ses
services ».
Les travaux d'assainissement de la rue Singer ont été autorisés, le ^ mars
1848, par le conseil municipal de Passy.
Benjamin Franklin habita souvent, de 1777 à 1785, un pavillon dépendant
de l'ancien hôtel de Valentinois, dont l'emplacement est actuellement occupé
par la chapelle de l'Institution des frères de la doctrine chrétienne (n"" 1 de
la rue Singer). Le duc d'Aumont a habité Passy à l'emplacement de la rue
Singer, n*" 2. Le jurisconsulte Faustin-Hélie, dont le nom a été donné à une
des rues de Passy, a habité, de 1871 à 1879, le n" 13; il avait occupé précé-
demment, de 1859 à 1871, le n" 3 bis de l'avenue Saint-Philibert, qui va de la
rue Singer à la rue des Vignes. Eugène Scribe demeura pendant quelques
mois, vers 1849, au n" 40 de la rue Singer.
Des règles spéciales ont été édictées par l'ordonnance royale (i) du 18 mars
1836 pour la rue Newlon, la rue Pauquet et la rue des Bassins (aujourd'hui
rue Auffusle-Vacquerie). En vertu de cette ordonnance, MM. Dumoustier,
Laurent et Grassal obtinrent l'autorisation d'ouvrir sur leurs terrains ces
trois rues, chacune de 1^ mètres de largeur, à la charge par eux de livrer
sans indemnité, à la Ville de Paris, le sol occupé par les nouvelles voies
publiques, de supporter les frais de pavage et d'éclairage desdites rues, d'y
établir des trottoirs en pierre dure, de la forme et de la largeur déterminées
par l'autorité municipale, de pourvoir à l'écoulement souterrain ou à ciel
ouvert des eaux pluviales et ménagères, et de ne pouvoir élever les construc-
tions riveraines au delà de la hauteur de ii mètres. Le décret du 8 août 1895
a donné à la rue des Bassins le nom de rue Augu^te-Vacquerie.
Carnot, président delà République, habitait le n"29de la rue des Bassins,
avant le â décembre 1887, jour de son installation au palais de TËlysée.
;i; Voir «aux annexes ip. 417) une copie de celte ordonnance.
IlO HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
La partie de la rue Nicolo qui est comprise entre la rue de Passy et la rue
Vital figure sur le plan de Passy, publié en 1860 par M. Th. Lefèvre, sous le
nom de « rue des Carrières », qu'elle a conservé jusqu'au décret du 2 octobre
1865. Le surplus de la rue Nicolo, c'est-à-dire la partie comprise entre la rue
Vital et la rue de la Pompe, a été ouvert, en 1854, avec une largeur de
10 mètres, et a reçu le nom de « rue Saint-Pierre ». La section mentionnée
ci-dessus, de la rue des Carrières, a été réunie par le décret du 2 octobre 1865
à la rue Saint-Pierre, sous l'unique dénomination de rue Nicolo, en l'honneur
de Nicolas Isouard, dit Nicolo (1775-1818), qui a composé, pour l'Opéra-
Comique, vingt-neuf pièces, entre autres Joconde,
Cette première section de la rue des Carrières (comprise entre les rues de
Passy et Vital, actuellement incorporée à la rue Nicolo) avait remplacé le
chemin du même nom qui conduisait, de la grande rue de Passy aux massifs
des carrières. Il est dit, dans une délibération municipale du 25 pluviôse
an XIII (14 février 1805), qu'antérieurement à 1776, cette ruelle n'avait qu'une
largeur de 5 pieds 10 pouces ; que, sur le rapport des voyers de l'ancienne
justice de Passy (canton de la Folie), le marquis de Boulainvilliers, der-
nier seigneur de Passy, fit rendre par son prévôt, en 1777, une ordonnance
portant la largeur à 24 pieds (7", 76) ; et que c'est à cette époque que cette voie
reçut le nom de « rue Boulainvilliers ». Ce nom fut supprimé par un arrêté
du conseil général de la commune de Passy, en date du 3 septembre 1791,
qui remplaça le nom de rue Boulainvilliers par celui de rue des Carrières.
Sous le premier Empire, le conseil municipal de Passy insista, à diverses
reprises, en faveur de l'achèvement du prolongement de la rue des Carrières
et arriva à le réaliser. Ce qu'on appelait le prolongement de la rue des ("ar-
rières, c'était une voie formant un angle presque droit avec la première partie
de ladite rue, aboutissant à la rue du Moulin-de-la-Tour (rue de la Tour) et
constituant actuellement la partie de la rue Vital comprise entre la rue de la
Tour et la rue Nicolo. La rue des Carrières formait ainsi un coude très pro-
noncé et occupait, au commencement du xix* siècle, des emplacements appar-
tenant aujourd'hui à la rue Nicolo et à la rue Vital, à l'époque où ces deux
rues n'existaient pas encore ; d'ailleurs, la rue des Carrières a conservé son
nom pendant plus de soixante-dix ans, et n'a été réunie aux rues Nicolo et
Vital que longtemps après leur percement.
La comtesse de Castiglione, célèbre par sa beauté sous le second Empire,
a habité le n** 51 de la rue Nicolo de 1859 environ à 1870 ; elle est morte à
Paris, le 10 avril 1901 (1).
L'hôtel portant le n'' 38 sur la rue Nicolo a été reconstruit par Mme de
Monchicourt à la suite du succès obtenu en Belgique par niérodiade^ de
Massenet, dont son fils, M. Milliet Monchicourt, avait fait le livret.
La première partie de larwe Vital, comprise entre la rue de la Tour et la
rue Nicolo, a été longtemps, comme il est dit ci-dessus, une partie de la rue
des Carrières, dont la plus grande fraction avait pris, en 1865, le nom de rue
Nicolo. Cette partie de la rue des Carrières, ayant une largeur de 8 mètres, a
été réunie à la rue Vital par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1868.
La seconde partie de la rue Vital, comprise entre la rue Nicolo et la rue
i) Voir, p. 'x-]^ et '-^77 du III« volume du liullelin^ l'article de M. Léopold Mnr sur la
comtesiso de Castiglione.
RUE DE LA FAISANDERIE 111
de Passy, a été ouverte, en 1839, avec 10 mètres de largeur, sur des terrains
appartenant à M. Vital et à ses frais. Cette voie, qui mettait en communication
le centre de la rue de Passy avec le quartier des Tournelles (rue Louis-David),
la rue de la Tour et les rues nouvelles de la plaine de Passy, reçut, confor-
mément à la demande formulée parle conseil municipal dans sa délibération
du 2 mai IHiâ, le nom de M. Vital, qui fut adjoint au maire de Passy de 1837
à 1848, fut réintégré en 1852 et nommé, lors de Tannexion, vice-président du
bureau de bienfaisance ; il mourut le 15 juillet 1881, à Tâge de quatre-vingt-
quatre ans, dans la maison n*" 43 de la rue Vital.
La maison n"* 38 de la rue Vital porte cette inscription : « L'historien
Henri Martin, né à Saint -Quentin le 21 février 1810, est mort dans cette
maison le 24 mars 1884. » Il Thabitait depuis 1878. Levasseur, chanteur de
rOpéra, a demeuré au n<» 8 ancien (33 actuel), de 185G à 1857, et Ponchard,
chanteur de TOpéra-Gomique, au n"* 44, où il mourut en 1860.
Jenny Vertpré, actrice du Gymnase et femme du vaudevilliste Garmouche,
vint demeurer, vers 1857, au n"* 15 de la rue Nicole, et y mourut en 1806.
Eugène Gortambert demeurait au 20, et son fils, Richard Gortambert, au 25
de cette rue.
La rue Lekain fut ouverte, en 1830, avec une largeur de 8 mètres, sur un
terrain appartenant à M. Singer. Elle prit d'abord le nom de « rue de la
Fontaine », à raison d'une fontaine établie à l'angle de la rue Singer. Le
décret du 24 août 1864 lui donna sa dénomination actuelle, en Thonneur du
tragédien Henri-Louis Gain, dit Lekain (1729-1778), à qui on doit plusieurs
réformes importantes pour la mise en scène, notamment en ce qui concerne
le costume : avant lui, on jouait les personnages antiques avec des habits du
jour. Il commença par monter, avec d'autres jeunes gens, une association
pour jouer la comédie dans des maisons bourgeoises; il fut remarqué par
Voltaire, qui le flt jouer sur un théâtre qu'il avait établi dans la rue Traver-
sière-Saint-Honoré {rue Molière), pour la représentation de ses pièces. Grâce
à sa protection, il débuta à la Gomédie-Française en 1750 et joua, devant la
Cour, le rôle d'Orosmane ; à la fin de cette représentation, Louis XV dit aux
courtisans qui l'entouraient : « Lekain m'a fait pleurer, moi qui ne pleure
guère. » Il fut ensuite admis au nombre des comédiens du roi et on composa
pour lui cette épitaphe : « (^i-git Lekain, Melpomène avec lui. »
Le n^ 3 de la rue Lekain contient la tombe du compositeur Piccinni ; ce
terrain faisait partie de l'ancien cimetière paroissial (Ij de Passy.
La rue Talma a été ouverte en 183Î), avec une largeur de 8 mètres, sur des
terrains provenant des dépen<}ances de l'ancien château seigneurial de Bou-
lainvilliers. Elle reçut d'abord le nom de « rue Neuve-Bois-le-Vent », parce
qu'elle débouche sur la rue Bois-le-Vent. Le décret du 21 août 1864 lui a
donné sa dénomination actuelle, en l'honneur du tragédien François-Joseph
Talma (1763-1826); élève de Mole, de Dugazon et de Fleury, il débuta en 1787
à la Gomédie-Française et atteignit la perfection dans son art ; Napoléon I*'
l'aimait beaucoup.
La rue de la Faisanderie (2) tire son nom de l'ancienne faisanderie du
(i; Voir ci-dcrtsilfl, p. 73, les indications <lonn<^es au sujet des cimetières de Passy.
f2 I^ voie sous-minée a iHé consolidée en i88<), sur mj nièlres de longueur A partir
tie Tanglc de la rue de Longchamp, vers la rue Bénouville ; la disUnce du sol au ciel de
la carrière est de 8 métrés^ et la hauteur de la galerie d'exploitation est de 4'"»'^'
112 HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
château royal de la Muette, qui s*étendait entre le bois de Boulogne et la rue
Spontini et avait été vendue comme bien national; les trois quarts de cette
propriété, dénommée aussi « le Petit-Parc », furent achetés au domaine de
l'État, en Tan VI, par M. de Saint-Simon, et, l'autre quart, par M. Béhague.
En 1818, ces acquéreurs vendirent la propriété au roi Louis XVlll, qui céda
le Petit-Parc et des terrains dans la plaine de Passy à M. Casimir Périer
(qui fut ministre sous le gouvernement de Juillet) pour 6().00() francs; ces
terrains valent aujourd'hui des millions.
La rue de la Faisanderie a remplacé la principale avenue du Petit-Parc,
qui fut transformée en une rue de 12 mètres de largeur, vers 1840, c'est-à-dire
environ quinze ans après la création de la rue du Petit-Parc (aujourd'hui rues
Spontini et Pergolèse). Elle ne s'étendait primitivement qu'entre l'avenue
Bugeaud et la rue de Longchamp ; elle s'appelait alors « rue de la Vieille-
Faisanderie ». Elle a été ensuite prolongée d'abord jusqu'à la rue du Puits-
Artésien (rue Dufrénoy) et vers i8ri8 jusqu'à l'avenue d'Eylau (avenue Victor-
Hugo). M. de Chabrol avait fait réparer, en 1856, la rue de la Faisanderie,
dont la mise en état de bonne viabilité fut achevée en 1860. Des becs à incan-
descence y ont été installés en 1899.
Le général lung habitait le 23 bis de la rue de la Faisanderie. L'hôtel du
ministre de la principauté de Monaco se trouve au n^ 27 de cette rue, qui
renferme beaucoup de beaux hôtels. Au n^ 23, à la maison de santé du docteur
Lochard, on voit une grande grille ajourée, en fer forgé, du style Louis XV.
Au n« 42 est un petit hôtel gothique, construit en 1881 par M. Brière. Au u? 64
se trouve un hôtel monumental, élevé par M. Dumoulin pour M. Làuerre ; il
est du style Louis XIV et à trois étages, garnis chacun de trois fenêtres. Celles
du milieu sont couronnées par un fronton triangulaire, reposant sur deux
pilastres qui encadrent ces fenêtres superposées et accompagnées de balus-
trades, de cartouches et de deux statues d'enfants. L'hôtel portant le n° 68 his
est du style gothique fleuri; il a, au premier étage, une balustrade sculptée à
jour, bordant une terrasse ; une autre balustrade, semblable à la première,
forme couronnement au-dessus des fenêtres du premier étage, qui se trouve
en retraite de la terrasse.
L'enceinte fortifiée de Paris a été construite en 1841 et 1842 ; elle était
bordée intérieurement par la rue Militaire, qui a fait l'objet d'une remise
conditionnelle à la Ville de Paris par le génie, approuvée par la décision
ministérielle du 28 juillet 1859.
La rue Militaire est remplacée par le boulevard Lannes, entre la porte
Maillot et la porte de la Muette, et par le boulevard Suchet, entre la porte de
la Muette et la porte d'Auteuil. Le boulevard Lannes a été dévié, en 1899,
entre les avenues de la Grande-Armée et du Bois-de- Boulogne, en vue de
permettre l'exécution des travaux de doublement des voies sur le chemin de
fer de Courcelles aux Invalides (Compagnie de l'Ouest).
Une zone de servitude non œdificandi, sur une largeur de 5 mètres en
arrière de l'alignement des clôtures, a été imposée (1) pour les boulevards
Lannes et Suchet, aux propriétaires acquéreurs de terrains provenant du
bois de Boulogne ; ils sont, en outre, tenus d'établir des clôtures suivant le
{i} Voir aux annexes (p. 4*î<>) un extrait du conlral de vente des terrains pour les bou-
levards Lannes et Suchet.
AVENUE SAINT-PHILIBERT 1 l3
type réglementaire, avec interdiction d'exercer aucun genre de commerce ou
d'industrie.
La largeur du boulevard Lannes a été fixée à 12 mètres par le décret du
0 septembre 1801; celui du 2 mars 18GI lui a donné sa dénomination, en
l'honneur de Jean Lannes, duc de Monlebello (1700-1800) ; général de brigade
en 1707, il se couvrit de gloire à la bataille d'Arcole, accompagna le général
Bonaparte en Egypte, commanda la garde consulaire, gagna la bataille de
Montebello en 1800, fut nommé maréchal de France et duc à la proclamation
de l'Empire, se distingua aux batailles d'Austerlitz, léna, Eylau et Friedland
et fut blessé mortellement à la bataille d'Kssling.
Le boulevard Suchet a 14 mètres de largeur; sa dénomination lui a été
donnée par le décret du 4 mars 18Gi, en l'honneur de Louis-Gabriel Suchet,
maréchal et duc d'Albuféra (1772-18:2()); volontaire en 1701, capitaine en 1708,
général de division en 1805, il commanda l'armée française en Flspagne, de
1808 à 1812; il fut nommé maréchal en 1810 et duc en 1812, après la conquête
du royaume de Valence. Il se fit remarquer par sa modération et son équité ;
Napoléon disait de lui : « Si j'avais eu, en Espagne, deux maréchaux comme
Suchet, non seulement j'aurais conquis la Péninsule, mais je l'aurais
conservée. » Suchet lut créé pair de France par le roi Louis XVllI.
L amiral Jauréguiberry a habité le n° 45 du boulevard Suchet.
La suppression de l'enceinte fortifiée de Paris entre la Seine et la porte
de Pantin est, depuis longtemps, décidée en principe; mais la question finan-
cière n'a pas reçu encore de solution. L'exécution est subordonnée à une
entente à établir sur la fixation de l'indemnité à payer à l'État, pour la
cession des terrains qui dépendent de cette partie des fortifications et qui
seraient occupés par des boulevards, des rues et des constructions parti-
culières. Pour la partie comprise entre la Seine (Point-du-Jour) et Paulin,
l'estimation des terrains, faite par l'administration des domaines, montait à
130 millions, chiffre qui sera probablement réduit. La Ville de Paris aurait
à dépenser une cinquantaine de millions pour travaux de voirie. La réali-
sation de ce programme entraînera la création de nouveaux quartiers, ce
qui favorisera l'accroissement de la population dans la région de l'ouest;
mais cette opération demandera probablement beaucoup de temps, car le
prix des terrains serait avili, si on voulait les vendre tous en môme temps.
La cité des Belles-Feuilles, dont l'entrée se trouve près de l'intersection de la
rue des Belles-Feuilles avec la rue Mérimée, a été fondée en 18iO, par
M. Tamise t, propriétaire.
La rue des Marronniers a été ouverte en 18i2 sur l'emplacement d'une
allée de marronniers, qui ornait le parc de l'ancien château de Boulainvilliers;
pendant plusieurs années après sa création, ce n'était qu'une impasse abou-
tissant à la rue du Hanelagh. Pour remédier à cette situation, le conseil
municipal de Passy a décidé, par délibération en date du 1:3 juillet 1817, que
la rue des Marronniers serait prolongée jusqu'à la rue de Boulainvilliers, sous
la condition que les propriétaires intéressés verseraient les subventions
offertes par eux pour ce travail; la délibération du 10 février 18i0 autorisa le
maire à acheter à M. Morel et à M. et Mme Heurtant le terrain nécessaire
pour réaliser ce prolongement.
Vnrenue Sainl-Philihcrl est une voie privée, qui est fermée, pendant la
8
Il4 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
nuit, par des grilles à ses deux extrémités et qui prolonge la rue Lekain
(autrefois rue de la Fontaine); c'est sans doute pour ce motif qu'elle est dési-
gnée sous le nom de rue de la Fontaine sur le plan cadastral de 1859. Cette
avenue a été ouverte en 1846 sur des terrains appartenant à MM. Messier et
Amovet et provenant des dépendances de l'ancien château de Boulainvilliers.
Elle porte le prénom du propriétaire, M. Boullée, ancien magistrat, qui Ta
achevée.
L'impasse ou passage Colhenel, qui a 5",60 de largeur, est une voie privée,
allant de la rue de la Faisanderie au boulevard Flandrin ; elle a été créée
en 1846 par M. Cothenet, propriétaire.
La rue Benjamin-Delessert, qui a été ouverte en 1847, est incorporée au
boulevard Delessert; les indications concernant cette rue seront données
ci-après, en parlant dudit boulevard (voir page 157).
Par délibération du 14 mars 1825, le conseil municipal de Passy avait
demandé que le sentier, ayant alors 2 mètres de largeur et allant de la bar-
rière Sainte-Marie (place du Trocadéro) au chemin de la Croix (rue Decamps),
fût remplacé par une rue de 10 mètres de largeur et que cette rue fût dénom-
mée « rue Blanche », comme traversant l'ancien canton dit c l'Arpent-
Blanc ». Ce vœu n'a été réalisé qu'en 1848, époque à laquelle la « rue Blanche »
fut ouverte, avec une largeur de 10 mètres, entre les abords du boulevard de
Longchamp et la rue Decamps. Par délibération du 18 juillet 1847, le conseil
municipal de Passy avait approuvé le projet d'ouverture de la rue Blanche,
la faisant déboucher sur le boulevard extérieur de Longchamp, en face de la
barrière Sainte-Marie, par le passage déjà ouvert alors au public sous le nom
d'impasse Triboulet. La partie de la rue Blanche la plus voisine du boulevard
de Longchamp a été supprimée pour la formation de la place du Trocadéro.
La remise de la rue Blanche, par la Société Malézieux, à la commune de
Passy a été approuvée en 1854. En 1862, M. Herran prolongea la rue Blanche,
comme voie privée de 12 mètres de largeur, entre la rue Decamps et la rue
Herran.
Le décret du 24 août 1864 a donné le nom de rue Greuze (1) à la rue
Blanche, en l'honneur du peintre Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), qui se
forma presque seul, se plaisait à peindre des scènes intimes et sut se former
un genre très brillant par la naïve simplicité et la grâce infinie qu'il prétait
à ses personnages. Il a laissé beaucoup de tableaux célèbres : r Accordée de
village, la Cruche cassée, le Père de famille expliquant la Bible à ses enfants^
la Jeune Fille qui pleure son oiseau-mort. Comme son ami Vernet lui reprochait
de ne solliciter ni récompense ni distinction, il lui répondit : « Que veux-tu,
j'ai le talent facile, mais le jarret trop raide ; je suis un homme d'autrefois :
je ne m'incline que devant Dieu et devant les femmes. »
La rue Leroux a été ouverte en 1848 sur des terrains de la plaine de Passy,
appartenant aux héritiers de M. Leroux, ancien agent de change, qui avait
été un des principaux actionnaires de la Société des terrains de la plaine de
Passy et qui mourut en 1843. Elle a porté précédemment le nom de « rue
Debelleyme » et fut ainsi classée par le décret du 31 octobre 1863* Elle a été
(i) La consolidation du sol soiis-miné a été executive sur 7 mètres de longueur en
1890 et 1893 ; la distance du sol au ciel de la carrière est de a2™j6o< vers la cité Oreuzej
et la hauteur de ta galerie d'exploitation est de 1*^,90.
RUE PIERRE-CHARRON llO
coupée en deux parties par le percement de l'avenue du Bois-de Boulogne.
La section comprise entre Tavenue Victor-Hugo et l'avenue du Bois de-Bou-
logne a conservé le nom de rue Leroux, et le décret du 11 septembre 1888 a
donné le nom de me Laurenl-Pichat à la partie comprise entre l'avenue du
Bois-de-Boulogne et la rue Pergolèse, en l'honneur de l'écrivain Laurent
Pichat (1823-1886).
La rue Duban a été ouverte en 18i8 sur des terrains appartenant à Mme de
la Houssaye et provenant des dépendances de l'ancien château seigneurial de
Passy. Elle reçut d'abord la dénomination de « rue du Marché », parce que le
marché de Passy borde un de ses côtés. Le décret du 10 février iHlt\ lui avait
donné le nom de « rue de Bouille », en l'honneur de M. de Bouille (17G8-1800),
l'ancien gouverneur de la Martinique, qui se signala, dans la guerre de l'indé-
pendance américaine, par la prise de la Dominique et de Saint-Christophe,
fut nommé lieutenant-général en 1784 et général en chef de l'armée de la
Meuse en 1791). L'arrêté préfectoral du 1(> août 1879 a donné à cette rue sa
dénomination actuelle en l'honneur de Félix Louis-Jacques Duban (1797-1870),
premier grand prix d'architecture en 1823, membre de l'Institut et président
du conseil général des bâtiments civils, auteur de divers ouvrages d'archéo-
logie, ainsi que de la restauration du Palais de l'École des Beaux-Arts (1832-
1838), du château de Dampierre, appartenant au duc de Luynes, de l'hôtel
Mole, qui est devenu le ministère des Travaux publics, delà Sainte-Chapelle,
du château de Blois et d'une partie des travaux du Louvre, c'est-à-dire de
ceux qui furent exécutés de 18i9 à 1851: galerie d'Apollon, façades regardant
la Seine et le jardin de l'Infante. On lui doit les figures adossées aux pi-
lastres qui supportent la balustrade circulaire du tombeau de Napoléon P''aux
Invalides, le tombeau de Paul Delaroche, le monument funéraire de François
Arago et le monument érigé à l'Kcole des Beaux-Arts en l'honneur du pein-
tre Ingres. Duban a passé les dernières années de sa vie à Passy, dans l'hôtel
qu'il avait fait construire rue Desbordes-Valmore, n** 11 bis (1).
Gouzay, directeur du personnel au ministère des Travaux publics, demeu-
rait au n"* 2 de la rue Duban et y est mort.
La partie de la rue Léonard-de-Vinci comprise entre la rue Leroux et la
rue de Villejust fut ouverte, en 1848, comme voie privée et avec une largeur
de 10 mètres, sur des terrains appartenant aux héritiers de M. Leroux, ancien
agent de change. On l'appela « rue Christine », prénom d'une petite-fille de
M. Leroux. Elle a été classée comme voie publique par le décret du 27 jan-
vier 1866, qui en a fixé les alignements. Le décret du 10 août 1868 lui a donné
le nom de Léonard de Vinci, né au château de Vinci, près Florence, en 1452.
Ludovic Sforce le logea dans son palais et le nomma directeur de l'Académie
de peinture et d'architecture de Milan. 11 habita ensuite Florence et Bome et
vint enfin se fixer en France, où François P** le combla de bienfaits. Il mourut
près d'Amboise en 1589, et on prétend que ce fut entre les bras du roi. Il a
peint à fresque /a 5a//i/e Cé/ie, dans le réfectoire du couvent des dominicains,
à Milan. Le musée du Louvre a de lui neuf tableaux, entre autres les por-
traits de Charles VIII et de Lésa del Giocondo (la Joconde),
La rue Pierre-Charron n'appartient au XVI" arrondissement que sur une
^i) Voir la biographie de Duban par M. Ducrcu/.el cl l'arliclc tlo Mme Chocliod*
Lavergne, pp. rjt3 à 126 du III<: volume du Bulleiin»
1 l6 HISTOIRE DU XVi'' ARRONDISSEMENT
faible partie de sa longueur, entre Tavenue Marceau et la place d'Iéna. Elle
se nommait, en 1849, « rue de TUnion », et formait le prolongement de la
« rue d'Angoulôme-Saint-Honoré » (aujourd'hui rue de la Boëtie), qui avait
été concédée par lettres patentes au comte d'Artois et dont les alignements
avaient été fixés, le ^i novembre 1778, par le bureau de la Ville. Le décret du
17 septembre 1861 prescrivit l'élargissement de cette rue à 20 mètres et
d'autres travaux d'amélioration du quartier de (^haillot (rue de Lubeck, rue
de Magdebourg, etc.). Le traité passé entre la Ville et la Société Thome et G'®,
pour l'exécution de ces travaux, fut approuvé le 17 mai 1864. Le décret du
"1 octobre 1865 donna à la voie élargie le nom de « rue Morny ». Enfin, le
décret du 25 janvier 1879 lui assigna sa dénomination actuelle, en l'honneur
de Pierre Charron (1.j41-16()3), fils d'un libraire de Paris qui eut vingt-cinq
enfants; il fut d'abord avocat, puis entra dans les ordres ; ce moraliste a repro-
duit, dans son Traité de la Sagesse, les idées de Montaigne, dont il était
l'ami (1).
En 1898, le pavage en pierre de la partie de la rue Pierre-Charron com-
prise entre la place d'iéna et la rue Brignole a été converti en pavage
en bois.
L'hôtel du ministre de la république du Chili se trouve aux n"* 18 et 20,
celui du ministre du royaume de Danemark au n° 27 de la rue Pierre-
Charron.
La mlla Aimée est une voie privée qui a été fondée, en 1850, par M. Bar,
au n" 29 de la rue de la Tour; sa moindre largeur est de 5 mètres.
Le propriétaire d'une voie privée peut lui donner un nom de fantaisie :
l'administration ne prescrit de changer ce nom que dans le cas où il serait
de nature à créer des confusions et à faciliter des erreurs.
(i) On a adopté, pour une partie de ce ((uartier, des noms de moralisteR : rue de la
Boëtie, avenue Montaigne, rue Pierre-Charron.
La longueur de la voie sous-minée, rue Pierre-Charron, entre la place d'ïéna et le
n* 12, est de 169 mètres ; il s'est produit de nombreux fontis. A l'angle de la rue de
Lubeck la distance du sol au ciel de la carrière est de 4™>^; la hauteur de la galerie
d'exploil/ition est de 2»,()o.
Rues ouvertes de 1851 à 1901,
dans les quartiers de Chaillot, de la Muette
et de la Porte-Dauphine.
L'élablissement de nombreuses lignes de chemins de fer aboutissant à Paris
devait donner aux travaux de percement de rues nouvelles une impulsion
très vive, par suite de l'accroissement de la population, de la circulation pu-
blique et du mouvement des affaires. Mais, comme les événements de l8iS
apportèrent un arrêt brusque au développement des travaux, ce n'est
qu'en i8:i!2 que commence l'ère de la transformation radicale de Passy et
d'Auteuil, due principalement à la direction du baron Haussmann, préfet de
lu Seine, et de l'inspecteur général des ponts et chaussées Alphand, qui a
Iracé d'une manière magistrale les grandes avenues du XVI" arrondis-
sement (I).
Dès le commencement de cette période, la situation de cet arrondissement
s'est trouvée heureusement modifiée par l'ouverture du chemin de fer d'Au-
teuil et par les embellissements du bois de Boulogne.
Le boulevard Deauséjoiir, qu'on avait proposé de dénommer « boulevard
Alphand »>, parce qu'Alphand l'a habité pendant plus de trente ans, longe le
chemin de fer d'Auteuil depuis la chaussée de la Muette (station de Passy)
jusqu'à la rue de l'Assomption (limite de Passy et d'Auteuil). Ce boulevard a
remplacé un chemin de ronde du bois de Boulogne, que le plan cadastral
de 1847 indiquait encore sous le nom de « route de ronde à Auteuil »>. Autrefois,
quand on entrait dans le bois de Boulogne par la grille de Passy, on voyj?it à
gauche le parc de Beauséjour renfermant, au milieu de beaux arbres séculaires
et de vastes pelouses, des chalets, cottages et pavillons isolés, construits sur
remplacement d'anciennes écuries du roi [1), Le Père Lachaise, célèbre jésuite,
avant dernier confesseur de Louis XIV, y eut un pied-à-terre. On y avait
établi ensuite une hôtellerie. Mme Récamier habita, sous le premier Empire,
(i) Voir aux pp. ^06 ei s. des annexes les extraits des Mémoires du baron Haussmnnn,
communiqués par M. Emile l^otin. Le Supplémenl du Petit Journal (i3 juillet 1884; contient
un article Fur M. Alphand.
(2) Laurent de Jussicu y planta un arbre de Judée, Chateaubriand y travailla h ses
mémoires; J.-J. Ampère y résidait en même temps que la princesse de Liéven • Rossini
y donna ses premières soirées musicales ; Téditeur Heujj^el aimait A y réunir les célé-
brités artistiques.
I l8 lUSTOlHE DL" XVI" AURONDISSF.MENT
un pavillon dépendant du château de la Muette et situé dans le parc de Beau-
séjour ; elle y recevait (Chateaubriand. Rossini eut, vers 1829, une habitation
de plaisance au roQil-poiot du parc de Beauséjour; c'est à Passy qu'il a
composé en partie Guillaume Tell. La princesse de Talleyrand, la priDcesse
de Liéven, la marquise d'Agiiesseau ont occupé des pavillons de ce parc, qui
avait une superricie de 2 hectares 59 ares et 19 centiares, et qui était limité
par le chemin de ronde dénommé aciuellement boulevard Beauséjour, par
le sentier du Calvaire et diverses propriétés. Il a été coupé par le percement
de la rue Mozart.
Far délibération du '■2H janvier IKia, le conseil municipal de Paris demanda
que la mise en état de viabilité du boulevard lîeauséjour fût à la charge
de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-Germain (aujourd'hui
Compagnie des chemins de fer de l'Ouest), concessionnaire delà //^ne de Paris
LK BOIS DK BOrLOGNE II9
à Auieuil, en vertu du décret du 18 août 1852. Cette délibération fut approuvée
par une décision du ministre des Travaux publics du 18 mars de la même
année. En 1856, la Ville a vendu aux riverains du boulevard Beauséjour une
zone de terrains situés au-devant de leurs immeubles, avec obligation de se
clore au moyen de grilles d'un modèle déterminé et de cultiver cette zone en
jardins d'agrément.
Alphand, directeur général des travaux de Paris, habita depuis 1854 le
premier chalet à gauche de la villa Beauséjour, qui a son entrée au n"" 7 du
boulevard portant le même nom; il mourut, le 6 décembre 1891, dans cette
propriété, qui est occupée encore aujourd'hui par sa famille.
Pendant plusieurs siècles, le bois de Boulogne (1) a été aménagé, de même
que les autres forêts de la couronne, avec de larges avenues et ronds-points
ou étoiles, comme on en rencontre dans tous les bois ayant également dé-
pendu des chasses du roi. La loi du 8 juillet 1852 céda à la Ville de Paris le
bois de Boulogne, sous la condition de consacrer au moins deux millions à
rerabellir, le Gouvernement désirant y remplacer les allées poudreuses de
l'ancienne forêt par des jardins anglais. Les dépenses d'aménagement du bois
se sont élevées à 16.206.252 francs ; mais la Ville a vendu pour 10.401.484 francs
(i) Voir dans le Bulletin de la Société historique les articles suivants, de M. Léopold
Mar : « Trois Rencontres au bois de Boulogne », p. 177 du I«» volume; —au III» volume :
« Un Souper du Régent à Bagatelle», pp. 68 et 69; — « Les Emaux du château de Madrid »,
pp. 71 et 72 ; — et « Une Grande Chasse au bois de Boulogne », p. 168;
ft Le Château de Madrid », par M. le comte Fernand de l'Eglise, pp. 129 à i33 du
II • volume ;
1 Les Souvenirs anglais sur le bois de Boulogne », par M. Edmond Wahl, pp. 64 à 66
du Ifl« volume;
« Les Fôles de nuit au bois de Boulogne », par M. Charles Alphand, petit-fils du direc-
teur des travaux de Paris, p. 164 du II !• volume;
« Le Troubadour Catelan », par M. Antoine Guillois, pp. 200 et 201 du I»' volume ;
Anciennes inscriptions de la pyramide Catelan, p. 20 du III* volume;
Poésie de Mistral sur le troubadour, p. 21 du III» volume;
Observations sur la sécurité au bois de Boulogne, pp. 187 et 206 du III» volume ;
«( Les trois Chênes du bois de Boulogne », par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 112
du II» volume ;
« La Forêt de Rouvray », par M. Gaston Duchesne, pp. 170 du II» et 8 du III» volume;
u Le Bois de Boulogne pendant la Révolution », par Mme Chochod-Lavergne,pp. 21 à
23; — « La Comédie â Bagatelle », par M. le D' Chassagne, avec une note de MmeChochod-
Lavergne, pp. 226 et 227; — « Tué par les fauves », de M. Gaston Duchesne, p. 199; —et
« Anecdote sur Bagatelle », par M. Lena, p. 227 du IIP volume.
Voir également l'article publié par M. Brau de Saint-Pol Lias dans le Monde moderne
de juillet 1899, et un article du Petit Journal du 17 juillet 1895.
La monographie du bois de Boulogne pourra faire l'objet d'un ouvrage spécial ; je me
bornerai donc ici à ajouter aux indications données ci-dessus la liste suivante de livres
publiés au sujet du bois de Boulogne :
Lettre de saint Vincent de Paul au cardinal de Larochefoucauld, sur l'état de dépra-
vation de l'abbaye de Longchamp. En latin, avec la traduction française et des notes par
Tabbé Jean de Labourderie, Paris, Montardier, 1827;
Vie de Mme Isabelie, sœur de saint Louis^ fondatrice de l'abbaye de Longchamp, par
Danielo, Paris, 1840;
Le bois de Boulogne, précis historique et littéraire, par Mme Emilia Telsatme, Paris,
imp. A. Delcambre, i854;
Notice pittoresque et historique sur le bois de Boulogne et ses environs, par G. I)., chef
de bureau à la préfecture de la Seine, Paris, A. FonUine, iKx>;
Le liois de Boulogne architectural, awec dessins, par Th. Nequer, Paris, Coudri-
lier, 1860;
Paris-guide, par les principaux écrivains et artistes de la France, Paris, Librairie
Internationale, 1867 (voir l'article d'Amédée Achard sur les Champs-Elysées, le bois de
Boulogne, Auteuil et Passy), t. II, pp. 1228 à i25o.
t20 HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
(le terrains et a reçu de l'État une subvention de 4.110.313 francs, ce qui a
réduit la dépense à sa charge au chiffre de 3.(>04.i55 francs.
Les travaux de transformation du bois de lioulogne ont été commencés par
rarchitecte Mittorf, membre de l'Inslitut, avec le concours du jardinier Varé.
Ils ont été repris et achevés par Alphand, qui est l'auteur du plan de transfor-
mation effectivement réalisé et qui a été heureusement secondé par le jar-
dinier paysagiste Barillet-Deschamps (1).
Le projet dressé, à la lin du xix*' siècle, pour l'éclairage électrique du bois
de Boulogne, supposait qu'il serait exécuté successivement en trois lots :
1" allée des fortifications entre les portes Maillot et Dauphine et parcours de
la porte Dauphine à Suresnes ; i" allées du tour du lac ; routes de Saint Cloud,
de la Muette à Neuilly, des lacs à Passy ; 3° avenue de l'Hippodrome et partie
de l'avenue de la Reine-Marguerite.
Il est bien regrettable que la situation des crédits n'ait pas encore permis
de réaliser ce projet.
La rénovation des principaux quartiers de Paris, notamment du
XVl»* arrondissement, par Alphand, est basée sur ce qu'au lieu de procéder à
des percements de rues isolément, comme on l'avait fait jusqu'alors, il a
arrêté, d'après des vues d'ensemble, le tracé de larges avenues et de nouveaux
boulevards.
La première avenue ainsi créée fut celle du Bois de Boulogne, Le décret du
2 mars 1864 lui avait donné officiellement le nom d'« avenue de l'Impéra-
trice », qu'elle avait déjà reçu en fait, depuis sa création. Un arrêté du maire
de Paris, du 12 septembre 1870, la dénomma « avenue Uhrich » (nom du
général qui commandait Strasbourg pendant le siège de cette ville). Elle a
reçu, par décret du 10 février 1875, sa dénomination actuelle.
En vue de faciliter les relations entre le centre de Paris et le bois de Bou-
logne, le gouvernement décida, par décret du 31 mars 1854, la rectification et
l'élargissement de la route départementale n° 4 entre les abords de la place
de l'Étoile (2) et la porte Dauphine, ainsi que, par décret du 13 août de la
même année, l'ouverture de la nouvelle voie (3) sur une longueur de 90 mètres
(i) I/ouvrage qui a été pul)lic sur la généralité de Paris (divisée en ses vingt-
deux élections), le 4 septembre 1708, et dont un résumé a été communiqué à la
Société historique par son secrétaire général, M. Emile Potin, indique pour le bois de
Boulogne une superficie, « tant en bois planté que places vuides ou remplies de bAti-
ments », qui équivaut à 678 hectares. Il est dit dans cet ouvrage que le bois cstu renfermé
de murailles », que les religieuses de Longchamp y possédaient anciennement 80 hec-
tares, qui ont été réunis au corps du bois par arrêt du conseil du 18 mai 1679 et qu'un
arrêt du même conseil du ay avril i68y a ordonné que, pour indemniser les religieuses
de cette réunion et pour leur racheter leurs droits d'usage et de pAlurage, il leur serait
fait fonds annuellement de 2.400 livres.
La superficie du bois de Boulogne est actuellement de 848 hectares, dont 876 en forêt,
19.3 en gazons, jardins et maisons, 129 en routes et sentiers, 121 en concessions diverses
et 29 en eaux. La longueur des routes, allées et sentiers est de iCo kilomètres, et celle
des ruisseaux de 12 kilomètres. L'alimentation des lacs et des cascades consomme envi-
ron 8(X) mètres cubes d'eau par jour.
Les locations, concessions et recettes diverses procurent un revenu annuel d'environ
6oo.o(X) francs, un [>eu supérieur aux dépenses annuelles d'entretien.
Voir à la page 9 du IIP volume du liullefin une note de M. Tabariès de Grandsaignes
sur d'anciens plans du bois de Boulogne.
(2) Pour la place de l'Etoile, voir page 76.
(3) Les travaux d'ouverture de l'avenue du Bois-de-Boulogne ont été commencés par
le service des routes départementales de la Seine ; ils ont été continués et terminés par
AVENUE DU BOIS-DE-BOULOGNE J21
à partir de la place de l'Étoile, qui se trouvait alors en dehors de l'enceinte
de Paris. On a créé ainsi une grande voie dont la largeur est de iO mètres au
débouché de la place de TKtoile, sur une longueur de 90 mètres ; au-delà et
jusqu'à la porte Dauphine, la largeur est de 140 mètres (1). Une zone de servi
tude non œdi/icandi est réservée sur 10 mètres de largeur, de chaque côté de
Tavenue, sur les terrains qui avaient été expropriés par la Ville ; aucun genre
de commerce ou d'industrie ne peut y être exercé (2). L'ouverture de l'avenue
du Bois-de-Boulogne était comprise dans les travaux à faire suivant le traité
conclu le 18 mai 1858 entre l'État et la Ville de Paris, en vue de la réalisation
d'une série d'opérations de voirie. Les dépenses d'établissement de cette
avenue se sont élevées à 54:2.991 francs, dont moitié à la charge du départe-
ment de la Seine, attendu que l'avenue se trouvait alors en dehors du mur
d'enceinte de Paris et faisait partie de la route départementale n'' 4; en outre,
la Ville de Paris a dépensé une somme de 105.0(X) francs pour l'élargissement
du pont du chemin de fer d'Auteuil, les semis et plantations de l'avenue et le
drainage de l'allée des cavaliers.
Le percement de l'fivenue du Bois-de Boulogne a supprimé la rue An-
dréine, la rue des Vernis et une partie de la rue de la Pelouse. 11 a coupé
les rues de Bellevue (rues Chalgrin et de Traktir), des Bouchers (Chalgrin), de
Villejust, Leroux, l'avenue de Saint Denis (avenue Malakofï), les rues du
Petit-Parc (Spontini et Pergolèse), de la Pompe, Picot, de la Faisanderie et
l'avenue Bugeaud.
Le n'' "11 de l'avenue du Bois-de-Boulogne a été habité par l'économiste
Michel Chevalier, de 1862 à 1879, et le n« 64, près la villa Saïd, par Jean-Hip-
polyle-Auguste Delaunay de Villemessnnt (ce dernier nom était celui de sa
mère), qui a fondé le Figaro et plusieurs autres journaux, est né en 1812 et
mourut en 1879, à sa villa de Monte-Carlo ; il avait habité, en 1853, une villa
de la rue Boileau et conserva sa maison de l'avenue du Bois-de-Boulogne
depuis 1872 jusqu'à sa mort ; il a été inhumé au cimetière d'Auteuil (3).
C'est à lavenue du Bois de-Boulogne que se trouve l'hùtel qui a été légué
par le I)*^ Evans à la ville de Philadelphie et qui a été loué et aménagé par
rÉtat pour y loger des souverains pendant l'Exposition universelle de 1900 ;
c'est en sortant en voiture de cet hôtel que le shah de Perse a failli être
victime d'un attentat.
Le public sera bientôt admis à visiter, au n° 59 de l'avenue du Bois de-
Boulogne, les magnifiques collections de l'hôtel où le célèbre auteur drama-
tique Dennery est mort à l'âge de quatre-vingt sept ans et où Mme Dennery
avait rassemblé un très grand nombre d'objets d'art japonais ; ce musée, dont
M. Deshayes est l'érudit et aimable conservateur, permettra d'apprécier non
seulement les arts, mais encore Thistoire du Japon.
le fservice des promenades et plantations de Paris, sous la direction d Alphand, de
MM. Fontaine et Darcel, ingénieurs des ponts et chaussc^es, et de M. Lalo, conducteur
chef de section.
(1) Cette largeur de 120 mètres comprend une chaussée centrale de 16 mètres, deux
allées latérales de 12 mètres chacune, deux larges zones gazonnées et plantées d'arbustes,
eniln deux chaussées ayant chacune 9 mètres de largeur et longeant les grilles des
propriétés riveraines.
i'2) Voir aux annexes (pp. 4i3 et s.) la loi du 22 juin iSr>4 et le décret du i3 août de la
même année concernant la place de l'Etoile et Tavenue du Bois-de-Boulogne.
1,3) Voir les pages 93_et ^ du tome IV du Bulletin.
122 HISTOIltE DU XVl" ARRONDISSEMENT
A Tangle de l'avenue du Bois-de- Boulogne, de la rue Duret et de l'avenue
Malakofi, n"" 124, rarchitecte Sanson a élevé un palais pour le comte Boni de
Castellane (1). lise compose d'un grand corps de logis principal à un étage
sur rez-de chaussée et de deux ailes semblables, en retour d'équerre, le tout
garni de hautes fenêtres cintrées, reliées entre elles par des pilastres de
marbre rose. Une balustrade court tout au long de l'entablement du bâtiment.
On voit au n"" 30, à Tangle des rues Lesueur et Chalgrin, un hôtel d'un
bel aspect ; au n"" 32, un hôtel Renaissance, édifié en i884 et riche d'ornemen-
tations ; et, au n"* 54, un grand hôtel, avec large' perron tournant et riche
balustrade en pierre ; un fronton cintré couronne le milieu du bâtiment.
L'hôtel du ministre de la république de Saint-Marin se trouve au n"" 44 de
l'avenue du Bois-de-Boulogne.
La rue de Presbourg constitue une partie de la rue circulaire, créée pour
donner des accès aux hôtels de la place de l'Étoile, conformément au décret
du 13 août 1854, qui a réglé la belle ordonnance de cette place et de ses abords;
ce décret a assigné à cette rue une largeur de 21 mètres; elle a été tracée
avec des rayons de 160'",43 et de 172"\42. Le décret du 2 mars 1864 lui a
donné sa dénomination actuelle, en mémoire de Presbourg, ancienne capi-
tale de la Hongrie, où fut signé, le 26 décembre 1805, le traité cédant Venise
et une partie du Tyrol à la France et érigeant la Bavière et le Wurtemberg
en royaumes.
Georges V, dernier roi de Hanovre, né en 1819, à qui son infortune (con-
quête de son royaume par la Prusse) noblement supportée et son infirmité
(il était devenu aveugle) avaient concilié Testime et FaiTection de l'Europe,
est mort le 12 juin 1878 dans l'hôtel n'' 7 de la rue de Presbourg. L'ambassade
de Turquie se trouve dans cette rue, au n*" 10. Coquelin aîné, l'acteur célèbre,
demeure au n** 6.
Parmi les grands percements qui ont été exécutés dans le XVl** arrondis-
sement, sous le second Empire, celui de l'avenue du Bois-de-BouIogne est le
seul qui ait été terminé avant Tannexion des communes suburbaines, pro-
noncée par la loi du 16 juin 1859. Les avenues portant actuellement les noms
de Marceau, Trocadéro, Henri-Martin, léna et Kléber ont été décrétées en
1858. Pour suivre l'ordre chronologique, je ne parlerai de ces avenues qu'après
avoir mentionné les rues ouvertes de 1854 à 1838.
La villa Saïd, impasse ayant son entrée n** 56 de l'avenue du Boîs-de-Bou-
logne, et barrée, à l'autre extrémité, par le chemin de fer d'Auteuil, a été fon-
dée en 1854, avec une largeur de 7^,50, par M. Hardon, un des entrepreneurs
des travaux de construction du canal de Suez. Le nom de cette villa, qui est
plantée d'arbres, rappelle celui de Port-Saïd, par lequel le canal de Suez
débouche sur la Méditerranée, ou celui de Saïd Pacha (1822 1863), khédive
d'Egypte (Saïd est le nom que les Arabes donnent à la Haute-Egypte). Paul
Dalloz, directeur du Moniteur universel, du Monde illustré, etc., mourut en
1887, dans son hôtel de la villa Saïd, n** 1. Anatole Fran;:e, de l'Académie
française, demeure au n"" 6.
La villa Dupont, ainsi dénommée par l'arrêté du l '^ février 1877, est une
voie privée, en impasse, qui aboutit à la rue Pergolèso et a été créée en 1854,
(i) Mme la comtesse Boni de Castellane a donné un million pour rôdiflcation de Thôtel
de la Charité, rue Pierre-Charron (VIII« arrondissement).
PARC GUICHARD 123
SOUS le nom de cité Dupont, avec une largeur de 4 mètres, par M. Dupont,
propriétaire des terrains.
La rue Marbeau, qui est voisine de la villa Dupont et aboutit également à
la rue Pergolèse, a été ouverte, en 1854, par M. Dupont, sur des terrains ayant
appartenu à M. Marbeau, trésorier général honoraire des Invalides et père
du fondateur des crèches.
La villa du Redan, qui débouche sur l'avenue Malakof!, près des fortifi-
cations, est une voie privée, de G^jSO de largeur, fondée en 1854 par M. Cessard,
propriétaire des terrains, qui, à l'occasion du mariage de l'impératrice, lui
donna le nom de « villa Eugénie ». L'arrêté préfectoral du 1*"^ février 1877 lui
a donné sa dénomination actuelle, en raison du voisinage du redan de la porte
Maillot.
Le 6oa/et;ardi?mi7e-i4 Méfier doit son nom au membre de l'Académie fran-
çaise (1820-1889), auteur de tant de pièces de théâtre qui ont eu le plus grand
succès. Comme il était très modeste, il disait : « Je suis né en 18i0 et, depuis,
il ne m'est rien arrivé. » La partie de ce boulevard qui se trouve auprès du
château de la Muette a été exécutée en 1854 et est restée fort longtemps à
l'état d'amorce, n'ayant que 250 mètres de longueur. L'achèvement de ce
boulevard a coïncidé avec celui de la ligne de chemin de fer qu'il suit parallè-
lement. On avait d'ailleurs réuni, en 1890, au boulevard Émile-Augier, le
<* boulevard Flandrin prolongé », qui formait impasse sur une longueur de
50 mètres, à partir de l'avenue Henri-Martin, à gauche du chemin de fer. Ces
deux tronçons ont été réunis grâce aux travaux (1) exécutés de décembre 1898
à juillet 1900; maintenant, le boulevard Émile-Augier constitue une voie con-
tinue, longeant le chemin de fer d'Auteuil depuis la chaussée de la Muette
jusqu'à l'avenue Henri-Martin.
La rue Rude a été ouverte en 1854, lors du percement de l'avenue du Bois-
de-Boulogne, sur des terrains appartenant à la Ville et provenant de lancien
promenoir ou pelouse de l'Étoile. On Ta d'abord appelée « rue Neuve ». Le
décret du 2 mars' 1807 lui a donné sa dénomination actuelle en l'honneur du
sculpteur François Rude (1784-1855), grand prix de Rome en 1808. 11 avait
commencé par être poôlier-fumiste ; on lui doit le Jeune Pêcheur napolitain,
la statue en bronze de Gode^froi Cavaignac au cimetière Montmartre et le
fameux bas-relief de l'arc de l'Étoile, intitulé le Dépari, ou la Marseillaise
conduisant les soldats français au combat. Un autographe de Rude porte :
o Je crois cette fois avoir réussi, car il y a là dedans quelque chose qui me
fait passer à moi-môme chaud et froid dans Tûme : nos guerriers courent
à la défense de la patrie et non à la gloire. »
Le vice -amiral comte d'Estaing (2), né en 1729, avait rue de Passy un hôtel,
qui était surtout remarquable par l'étendue et la beauté de son parc. Il
slllustra par ses campagnes de 1778 et 1780, battit la flotte anglaise près Sainte-
Lucie et prit la Grenade; il fut exécuté sous la Terreur, le 28 avril 1794.
Le parc de l'hôtel d'Estaing (3), qui^a été nommé ensuite parc Guichard,
[i) Ces travaux de voirie ont Hé dirigés par M. l'inspecteur général Boreux et par
MM. les ingénieurs Babinet et Bret.
(>} Voir aux annexes (p. 4ao) l'article do M.Antoine Guillois, intitulé : « L'Amiral d'Estaing
è Passy et à Sainte-Pélagie ».
(3} M. de Riancey a occupé le premier étage de l'hôtel d'Estaing, depuis i848 jusqu'à
Aa démolition.
124 HISTOIRE nu XVI' ARRONDISSEMENT
avRii une superficie de ±t arpents et s'étendait depuis la rue Desbordes-
Valmure jusqu'à la rue île Pcissy ; il possédiiit de lieaux mouvements de ter-
rain et un délicieux pavillon Louis XV. (lette vasic propriété passa entre les
mains de M. Uuicliard, ancien avocat à la Cour de cassation et aux conseils
du roi, avocat de la liste civile sous la Hestauration et auteur de plusieurs
ouvrages très estimés.
On avait établi, vers la fin du gouvernemeni du roi Louis-Pbilipe, les plans
des rues à percer dans le parc (ïuichard, pour vendre avantageusement les
terrains; mais M. Ouicbard tenait à ce que, de son vivant, sa propriété, qu'il
babitait, fût conservée. 11 mourut à lilgu de quatre-vingt-cinq ans. et son iils
céda, en 185i, le parc fiuicbard k une compagnie qui était représenlée par
M. (luibert, propriétaire, demeurant rue de la Tour, n" (13, alors membre
du conseil municipal de Passy; il fit percer ù travers le parc Ouicbard,
indépendamment de la place Possoz, six rues de 10 mètres de largeur, savoir :
la rue Guichard. la rue SaiQt-lli|ipolyte (aujourd'hui Cortambert), la rue
Sainte-Claire (rue Faustin-llélie), la rue Saint-Georges (rue Uelaroche), la rue
Saint-Pierre (rue Nicolo) et la rue Notre-Dame (rue Desbordes-Valmore). La
réception de ces nouvelles voies, d'abord ajournée par suite d'un vote du 17 fé-
vrier 18oti, fut prononcée par une délibération du conseil municipal de Passy
PLACE POSSOZ 125
en date du 5 décembre 1858. Il résulte de cette délibération, pour laquelle
M. Guibert s était abstenu de voter, que les rues du parc Guichard avaient
été dès 1854 assainies par des égouts, qu'elles étaient nivelées avec les rues
adjacentes, garnies de caniveaux pavés, trottoirs et appareils d'éclairage. En
conséquence, ces rues, établies par la Société civile formée entre MM. Gui-
chard, Guibert et Lesar, ont été remises à la commune de Passy, pour être
entretenues par elle, et classées comme voies publiques.
La « rue Sainte-Claire » avait été ainsi nommée parce que Mme Ohnet,
dont le mari était l'architecte de la compagnie du parc Guichard, portait le
prénom de Claire. Le décret du 3 décembre 1885 a donné à cette rue le nom
du jurisconsulte Fausiin Ilëlie (1701)-188i), qui a habité la rue Singer de 185Î)
à 1879, et ensuite l'hôtel n° 18 de la rue Desbordes-Valmore jusqu'à sa mort,
survenue en 1884. Faustin Hélie a été président de la Cour de cassation; sa
théorie du Code pénal et son traité d'Instruction criminelle font autorité.
La rue Delaroche (nommée précédemment « rue Saint-(ieorges », en raison
du prénom d'un des cointéressés de M. Guibert) a reçu son nom, le 21 août
1864, en l'honneur du peintre Hippolyte, dit Paul Delaroche (1797-1856),
membre de l'Institut, qui a décoré l'hémicycle du palais des Beaux Arts.
La rue Desbordes-Valmore (i), nommée précédemment rue Notre Dame,
parce que l'église de Passy a été consacrée sous le vocable de Notre-Dame-de-
(irâce, a été ouverte, comme les rues précédentes, en 1851, sur les terrains de
Tancien parc Guichard. Elle a reçu son nom actuel, par décret du 24 août 1864,
en l'honneur de Marceline Desbordes, dame Valmore (1786-1859), qui a publié
des romances, contes en vers; élégies et autres poésies, A celles qui pleurent, la
Veillée, etc. — Il résulte de conventions acceptées par les propriétaires
qu'une servitude non allias lollendi limite, sauf pour les maisons d'angle, la
hauteur des constructions sur le côté droit de la rue Desbordes-Valmore,
entre les rues de la Tour et Nicolo, ce qui conservera aux numéros pairs de
cette section leur caractère d'élégants petits hùtels.
hà place Possoz, qui a 45 mètres sur 35, doit son nom à Jean-Frédéric
Possoz (1797-1875), qui a été maire de Passy sous la monarchie de Juillet (2),
ainsi que pendant les premières années de l'empire jusqu'à l'annexion. 11
résulte d'une lettre de M. Guibert, administrateur de la Société des terrains
de l'ancien parc Guichard, que cette Société avait résolu de donner à cette
place le nom du maire Possoz, sans l'en prévenir. M. Possoz, dernier maire
de Passy, s'y était fixé en 1827; il fut maire de 183i à 1848 et membre du
conseil général de la Seine pendant le même temps; réintégré comme
conseiller général en 1849 et comme maire de Passy en 1852, il fut,- jusqu'en
1870, le doyen du conseil général de la Seine.
On voit, sur deux côtés de la place Possoz (d'une part, entre les rues Cor-
tambert et Delaroche; d'autre part, entre les rues Faustin-Hélie et Guichard),
des parties non bâties qui constituent des amorces de la voie projetée pour
relier directement la place du Trocadéro à la rue Mozart et à la chaussée de
la Muette ; cette voie, projetée dès le second Empire, n'a pas été exécutée.
1/ La voie sous-minéc a été consolidée en i&'iG, sur 50 mètres de longueur; devant le
n» 6, la distance du sol au ciel de la carrière est de 8™,3o et la hauteur de la fçalerie
4'exploitaUon est de 3",5o.
12 Voir aux annexes (pp. 421 et V^.3 ) les biographies de MM. Possoz et Dauvergne»
mairef» de Passy.
126 HISTOIRE DU XVl" ARRONDISSEMENT
Le boulevard Flandrin, dans l'axe duquel passe le chemin de fer, s'est
d'abord nommé « boulevard latéral au chemin de fer d'Auleuil « ; il se
compose, en eflet, depuis la station de l'avenue Henri-Martin jusqu'à la rue
Dufrénoy, de deux voies séparées l'une de l'autre par la voie ferrée ; la largeur
entre les constructions et la clôture du chemin de fer est de 12 mètres. La
partie comprise entre la rue de la Tour et la rue du Puits-Artésien (rue Dufré-
noy) a été ouverte par la Ville de Paris, en 1856, sur des terrains désaffectés
du bois de Boulogne. Le côté pair a été ensuite continué depuis la rue du
Puits-Artésien jusqu'à la rue de Longchamp prolongée, sur un terrain appar-
tenant à M, Théry, au moyen d'un échange fait entre ce propriétaire et la
Ville, en 1857. Le prolongement entre la rue de Longchamp et la rue du
Général-Appert (1) a été exécuté, par les propriétaires riverains, comme voie
privée. Du côté de la porte Dauphine, le boulevard Flandrin avait été ouvert
dès la création de la station du chemin de fer, dénommée station du Bois-de-
Boulogne ; mais le boulevard est resté fort longtemps en lacune, aux abords
de l'impasse Cothenet, ce qui réduisait également ces deux sections du côté
pair du boulevard Flandrin à l'état d'impasses. 11 sera bientôt achevé, puisque
le co])seil municipal de Paris a, par délibération du il avril 1900, autorisé le
préfet de la Seine à acquérir, moyennant 100.000 francs, la partie de l'im-
meuble sis impasse Cothenet, n° 12 bis, d'une superficie de 486 mètres
carrés, nécessaire pour compléter, sur ce point, l'ouverture du boulevard
Flandrin.
Le nom actuel de ce boulevard lui a été donné par décret du 2 octobre 1865,
en l'honneur d'Hippolyte Flandrin (1809-1864), peintre d'histoire, élève
d*Ingres, grand prix de Rome en 1832. On lui doit la vaste frise de Saint-
Vincent-de-Paul, les peintures murales du château du duc de Luynes, à
Dampierre, et de l'église Saint-Germain-des-Prés. Un monument lui a été
élevé dans cette église : « A Hippolyte Flandrin, ses amis, ses élèves, ses
admirateurs ; — enlevé prématurément aux arts qu'il honorait par son
caractère et son talent. »
Les glacières du bois de Boulogne sont établies sur le côté impair du
boulevard Flandrin, près de l'angle de la rue Dufrénoy. Barthélémy Saint-
Hilaire (1805-1895), philosophe et helléniste (2), traducteur d'Aristote et de
VUiade, secrétaire général de la. présidence de M. Thiers, sénateur, que la
Société historique d'Auleuil et de Passy s'honorait de compter parmi ses
membres, habitait, au boulevard Flandrin, Thôtel portant le n" 14.
Un décret du 3 novembre 1856 autorisa la Ville de Paris à acquérir de
MM. Théry et Duval la propriété d'une partie du chemin ouvert par eux sur
leurs terrains pour établir une communication entre l'avenue d'Eylau (avenue
Victor-Hugo) et le boulevard latéral au chemin de fer d'Auteuil. Cette acqui-
sition fut faite en 1857, par contrat notarié des 10 et 20 mars; la nou-
velle voie, ayant 12 mètres de largeur, fut nommée « rue du Puils-Arlésien »>,
à cause du voisinage du puits artésien, foré de 1855 à 1863, au square Lamar-
tine. Vers 1860, cette rue fut prolongée par la Ville jusqu'au boulevard Lannes.
(i) La partie du boulevard Flandrin située aux abords de la rue du Gémirai -Appert a
été mise en état de viabilité en 1897. La longueur de la voie sous-minée estde i4 nièlres.
Près l'avenue du bois de Boulogne, la distance du sol au ciel de la carrière est de ii"',rx>;
la bauleur de la galerie d'exploitation est de 4 mètres.
['ïj Voir aux annexes une notice historique sur Barthélémy Saint-Ililaire, p. 4*4.
PONT DE LALMA I27
Le décret du 27 février 1867 a donné à la rue du Puîts-Artésîen sa dénomi-
nation actuelle de rue Dufrénoy, en l'honneur de Pierre-Armand Dufrénoy
(1792-1857), inspecteur général des mines, qui a fait avec Élie de Beaumont,
de 1823 à 1841, la carte géologique de la France. Le doublement des voies du
chemin de fer a exigé la reconstruction du pont Dufrénoy, achevée de février
à août 1900.
La rue des Bauches était autrefois un sentier qui traversait le lieu dit « les
Bauches » ; il résulte des délibérations du conseil municipal de Passy, en
date des 10 novembre 1845 et 11 décembre 1846, que ce sentier avait alors
2*,75 de largeur, que c'était une voie privée fournie par les propriétaires rive-
rains dans rintérôt de l'exploitation de leurs terres qui, encore à cette
époque, n*étaient pas bâties; le conseil municipal estimait que ce sentier
n avait aucun caractère d'utilité communale. 11 a été successivement élargi,
au moyen d'abandons de terrains consentis par les propriétaires riverains.
L'arrêté du 16 février 1856 a fixé pour cette rue une largeur légale de 8 mètres.
L'avenue Montespan, qui va de l'avenue Victor-Hugo à la rue de la Pompe,
a été formée, en 1856, par Arsène Houssaye ; c'est une voie privée de 7",50 de
largeur, fermée pendant la nuit à ses deux extrémités par des grilles. Le nom
de cette avenue rappelle celui de Françoise-Athénaïs de Rochechouart, qui
épousa, en 1663, Henri-Louis de Pardaillan, marquis de Montespan. Arsène
Houssaye, à qui sa galerie de portraits du xvni« siècle a valu la décoration, en
1846, a été administrateur de la Comédie-Française de 1849 à 1856. 11 a publié
beaucoup d'ouvrages, dont plusieurs se ressentent de sa prédilection pour
répoque de Louis XIV et de Louis XV, pour ses arts, ses mœurs et sa littéra-
ture, et rappellent, avec beaucoup d'esprit, d'ailleurs, les grâces raffinées de
ce temps.
La rue Bénouville^ qui s'est d'abord appelée « rue Chabrol », a été ouverte
en 1856, avec une largeur de 10 mètres, sur des terrains appartenant à M. Cha-
brol, architecte du Palais-Royal, mort en 1875, et à M. Marbeau, fondateur et
président jusqu'à sa mort de la Société des crèches (1). Les alignements de
cette rue ont été fixés par arrêté du 16 décembre 1856. Elle a reçu sa dénomi-
nation actuelle, par décret du 10 février 1875, en l'honneur du peintre Fran-
çois Léon Bénouville (1823-1859), qui obtint le grand prix à l'École des Beaux-
Arts, sur ce sujet : Jésus dans le Prétoire^ et exposa, en 1853, une grande toile :
Saint François-d* Assise mourant;^ qui a été achetée par le musée du Luxem-
bourg. Rue de Bénouville se trouve, depuis 23 ans, un cirque où M. Molier,
UD maître en dressage et en haute école, donne tous les ans, sur invitations,
une représentation d'amateurs du grand monde.
Sur la rive droite, la moitié du pont de l'Aima appartient, du côté d'amont,
au VIII«, et l'autre moitié, du côté d'aval, au XV1« arrondissement. Le décret
du 6 décembre 1854 a décidé, en mémoire de la victoire remportée le 20 sep-
tembre de la même année (2) par l'armée d'Orient, en Grimée, la construction
(i) M. Marbeau avait acheté^ en i844f son immeuble, qui tenait d'un côté à la rue de la
Faisanderie (i63«»,56), de l'autre à la rue du Petit-Parc, actuellement Spontini (i52 mètres)
à gauche, à remplacement de la rue Chabrol, actuellement Bénouville (io4",6o), et, à
droite, à l'emplacement de la rue de Longchamp prolongée.
(2) LAlma est un fleuve de Crimée qui se jette dans la mer Noire, entre Sébastopol
el Eupatoria ; la victoire fut remportée, près de ce fleUve, par le maréchal de Saint-
Arnaud et lord Raglan, à la tête des armées française el anglaise, sur une armée russe,
commandée par le prince MentschikofTé
12^ HISTOIRE DU XVI' ARRO^Dl.SSEHE^T
avRit une superficie de -ii arpents et s'étendHit depuis la rue Desbordes-
Valniore jusqu'à la rue de Passy; il possédait de beaux mouvements de ter-
rain et un délicieux pavillon Louis XV. ('ette vasie propriété passa entre tes
mains de M. (iuicliard, ancien avocat à !a Cour de cassation et aux conseils
du roi, avocat de la liste civile sous la ItestauratioQ et auteur de plusieurs
ouvrages tn'^s estimés.
On avait établi, vers la lin du gouvernemeni du roi Louis-Pbilipe, les plans
des rues à percer dans le parc Guichard, pour vendre avantageusement les
terrains; mais M, Ciuicliard tenait à ce que, de son vivant, sa propriété, qu'il
habitait, fût conservée. Il mourut à l'iigc de quatre-vingt-cinq ans, et son fils
céda, en IHT,\, le parc (luichard à une compagnie qui était représentée par
M. (Juibert, propriétaire, demeurant rue de la Tour, n° ti3, alors membre
du conseil municipal de l'assy; il lit percer à travers le parc Guichard,
indépendamment de lu place Possoz, six rues de 10 mètres de largeur, savoir ;
la rue Guichard, la rue Saint-lii|ipolyte (aujourd'hui (^ortanibert), la rue
Sainte-Claire (rue Faustiu-1 lêlie), la rue Saint-Georges (rue Delaroche), la rue
Saint-Pierre (rue INicoIo) et la rue Notre-lJame (rue Desbordes-Valmore), La
réception de ces nouvelles voies, d'abord ajournée par suite d'un vote du 17 fé-
vrier I8âti, lut prononcée par une délibération du conseil municipal de Passy
PLACE DE LALMA I29
leur exceptionnelle des eaux pendant Thiver de 185 i à 1855 fit obstacle à
rachèvement du pont de l'Aima dans le délai fixé. La circulation y fut établie
provisoirement le 15 août 1855 ; mais des mouvements survenus au décintre-
ment retardèrent Touverture définitive du pont jusqu'au 2 avril 1856, jour où
il livra passage au cortège impérial, qui se rendait au Champ de Mars pour la
remise des drapeaux aux régiments revenus de la campagne de Crimée.
Toutefois, le pont de TAlma ne lut entièrement achevé qu'en 1857.
H se compose de trois arches elliptiques ; celles de rive ont 38'",50 et celle
du milieu 45 mètres d'ouverture. La longueur est de 153 mètres et la largeur
de ^ mètres : la chaussée est de 14 mètres et les deux trottoirs font 4 mètres
chacun. La dépense du pont proprement dit, qui a été partagée par moitié
entre l'État et la Ville de Paris, s'est élevée à 1.(^20.000 francs.
Les quatre statues qui décorent les avant-becs et arrière-becs du pont sont
en pierre dure de Chérences et ont coûté 110.(X)0 francs. (Chacune d'elles
représente un militaire des corps de l'armée de ligne ayant pris part à la
campagne de Crimée. Les statues des avant becs (un zouave et un soldat de
l'infanterie de ligue) sont dues à Diéboldt ; les deux autres (un artilleur et un
chasseur à pied) sont d'Arnaud.
Le décret du 6 mars 1858 a déclaré d'utilité publique Touverture des voies
suivantes :
i^ Un boulevard de 40 mètres de largeur, devant partir du quai Debilly,
dans Taxe du pont de l'Aima, pour aboutir à l'avenue des Champs-Elysées
(ce boulevard est l'avenue de l'Aima) ;
i" Un boulevard de 40 mètres de largeur, devant commencer audit quai,
presque en face ledit pont, et devant aboutir à la place de TÉtoile (c'est l'ave-
nue Marceau) ;
3** Un boulevard de 40 mètres de largeur, partant du même point et se
dirigeant sur la barrière Sainte-Marie (c'est l'avenue du Trocadéro) ;
4** Un boulevard de 40 mètres de largeur, partant de la place de l'Étoile,
pour aboutir au quinconce placé vis à-vis du pont d'Iéna (c'est l'avenue
d'Iéna);
3** Et des amorces des voies secondaires, traversant ces boulevards ou y
aboutissant, ces amorces devant être ouvertes sur toute l'étendue des pro-
priétés situées à l'intersection des voies principales et des voies secon-
daires.
Le même décret a autorisé l'ouverture, dans la commune de Passy, d'un
boulevard de 40 mètres de largeur, devant prolonger le boulevard ci-dessus
décrit sous le n" 3 jusqu'à la porte de la Muette (c'est l'avenue Henri-Martin),
et d'un boulevard formant rectification de celui de Passy et se prolongeant
jusqu'à la rencontre du boulevard de Longchamp (c'est l'avenue Kléber).
L'ouverture de l'avenue de l'Aima a coûté 14.489.484 francs, d'où il faut
déduire 1.103.504 francs de recettes provenant de revente de terrains et vente
de matériaux, ce qui fait ressortir une dépense nette de 11.385.780 francs.
Je ne donnerai pas d'autres indications sur l'avenue de l'Aima, parce qu'elle
se trouve entièrement sur le V1II« arrondissement ; mais la place de lAlma
appartient en partie au XV1«. Elle a été déclarée d'utilité publique par le
décret précité du 14 mars 1858, comme coaséquence des alignements indiqués
sur les plans joints à ce décret ; elle a été terminée en 1801, c'est-à-dire avant
rachèvement de l'avenue de l'Aima ; cependant, les plaques indiquant le nom
9
l3o HiSTOtnE DU XVI'^ ARRONDISSEMENt
de cette place n'ont été posées qu'en 1871 ; elle dessert des courants multiples
de circulation.
Les avenues du Trocadéro et Henri-Marlin, qui sont séparées par la place
du Trocadéro, n'en formaient autrefois qu*une seule, dénommée « avenue de
l'Empereur •>; elles ont été exécutées (l) de 1862 à 1868, sous la direction
d'Alphand ; les travaux ont été terminés d'abord entre la porte de la Muette
et la place du Trocadéro, ensuite entre cette place et le quai Debilly.
Le décret du 6 mars 1858 n'avait pas tardé à être exécuté sur le territoire
de Passy (avenue Henri-Martin); mais six ans après la promulgation de ce
décret, les travaux considérables qu'exigeait l'ouverture du boulevard entre
la place du Trocadéro et le quai Debilly étaient encore peu avancés. Le décret
du 2 mars 1854 donna au nouveau boulevard le nom d' « avenue de l'Empe-
reur », et deux décrets des 17 février et 24 septembre 1864 approuvèrent les
traités passés entre la Ville de Paris et la Société Thome et C®. La dépense
totale pour les opérations de voirie auxquelles s'appliquait ce traité, et parmt
lesquelles figurait l'achèvement de l'avenue du Trocadéro, s'est élevée à
19.810.149 francs ; mais la revente des terrains et matériaux avait produit, au
1"' janvier 1870, une recette de 2.647.572 francs, et il restait encore à cette
époque des terrains à aliéner.
lîln 1866, les déblais de l'avenue du Trocadéro, à qui ce nom a été donné
par un arrêté préfectoral du l''' février 1877, que le décret du 10 novembre
suivant a confirmé, étaient poussés avec la plus grande activité; on ne les
interrompait même pas pendant la nuit : c'était le moment qu'on choisissait,
par mesure de précaution, pour faire jouer la mine. Aux abords du quai
Debillv, il a fallu exécuter un remblai dont la hauteur maxima estde 11 mètres.
Dans cette partie du tracé, qui domine la Manutention des vivres militaires,
construite sur remplacement de l'ancienne manufacture royale de tapis de la
Savonnerie (2), il n'existe de maisons que sur le côté nord ; le côté le plus
voisin de- la Seine n'(^st pas bàli et forme une terrasse laissant la vue s'étendre
au dessus des immeubles situés au pied et n'ayant pas d'accès sur l'avenue ; il
a donc fallu la maintenir par un grand mur de soutènement de 360 mètres de
longueur, fondé sur un banc d'argile.
L'avenue Henri-Martin, qui s'est nommée d'abord « avenue de l'Empe-
reur », puis, de 1877 à 1883, « avenue du Trocadéro », a reçu, par décret du
3 décembre 1885, sa dénomination actuelle en l'honneur d'Henri Martin
(1810-1883), qui a été maire du XVP arrondissement et a publié VHistoire de
France depuis les lemps les plus reculés jusque 178g, ouvrage couronné par
l'Académie française. Cette avenue a été exécutée en déblai du côté de la place
du Trocadéro et en remblai du C4)té du bois de Boulogne. La hauteur du mur
de soutènement du cimetière de Passy montre que les déblais ont été consi-.
dérables; leur hauteur a atteint 10 mètres. On les a utilisés pour remblayer
(1 Les travaux d'ouverture des avenues du Trocadéro, Henri-Martin, d'Iéda et Mar-
ceau ont été exécutés sous les ordres de M. l'ingénieur Darcel, avec le concours de
MM. les conducteurs des ponts el chaussées Lalo, pour l'avenue Henri-Martin, et Selhci-
mer, pour les trois autres avenues.
Le sol sous-miné de l'avenue du Trocadéro a été consolidé, en 1887, sur 5570 mètres
de longueur, entre les n"» a-.^ el 44 ; «^ l'angle de la rue de Magdebourg, la dislance dil
sol au ciel de la carrière est de 8™ ,08, el la hauleur de la galerie d'exploitation esl de
3 mètres.
;t>)Voirci-dessusfpp.53 et8.3) pourlamanufacturede la Savonnerie etpourlaManutenlioni.
AVENUES DU TROCAD^IIO ET II EN RI- M ART IN l3l
les terraios de la Muette, situés entre le square Lamartine et le bois de Bou-
logne, qui appartenaient à la Ville de Paris; on les a vendus, avec la condi-
tion de bâtir dans un délai déterminé. La rue de tu Pompe a été traversée à
niveau et on n'a établi sur l'avenue Henri-Martin que trois pentes, dont l'une
Portrait d'Henri Martin.
«Colkelion de M. Emile Polin.)
règne depuis la place du Trocadéro jusqu'à la rue de la Pompe, l'autre
depuis la rue de la Pompe jusqu'au square Lamartine et la troisième entre ce
square el la porte de la Muette.
La station de l'avenue Henri -Martin (t) (bilureation delalit;iie d',\uteuil el
de celle des Invalides) et la mairie du XVf arrondissement(i) ont leur entrée
sur l'avenue Henri-Martin, au long de laquelle une servitude non œdifuandi a
été réservée de chaque côté, conformément aux conclusions prises au nom de
!i) Cette slntiun ae nommnil iiréc^dnninient ■■ slatiim de l'iivt^nuc du Ti-otadfro " ; ce
nom ^tnit liicn jdstitl^, h l'époque où l'avenue du Trocadéro attendait jusqu'auprès de In
porte de la Muette; mais, ensuite, l'avenue du Ti'oradéro a été dénommée, dans la partie
voisine de la sLilion. nvcnue Henri-Martin, n'aillciint il ronvenait d'éviler une conrusion
avec la elation du mélropuliljiin éinblii- ti la place du Troradéro, On n donc donné h In
«talion du Trocndém, en iguo, 1c nom d'IIenri-Martin.
l/i.) Voir pa({e 187, note 3, le» indications données sur [a constrtiction el l'inauguration
lie la mairie du XVl'arrondittsement.
l32 HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
la Ville de Paris (1) devant le jury d'expropriation, dont la décision a été
rendue le 14 juillet 1860 : aucune construction ne peut être élevée dans une
zone de 10 mètres en arrière de Talignement des clôtures; cette zone devra
toujours être cultivée en parterres d'agrément, de niveau avec lavenue;
toutes les grilles de clôture sont du modèle réglementaire ; la façade princi-
pale des maisons est parallèle à Taxe de l'avenue ; elles doivent être habitées
bourgeoisement et, en conséquence, aucun genre de commerce ou d'industrie
ne peut y être exercé.
La largeur de l'avenue Henri-Martin est de iO mètres, savoir : deux trot-
toirs de 6 mètres chacun, deux voies carrossables ayant chacune 9 mètres et,
dans la partie centrale, une allée cavalière de 10 mètres ; la distance entre les
façades des maisons de cette avenue est de 60 mètres.
La construction de Tavenue de TEmpereur (avenues du Trocadéro et Henri-
Martin) a entraîné la suppression d'une partie du passage de la Pompe-à-Feu,des
rues Basse-Saint-liierre, Gasté, de Longcharap,de Lubeck,Greuze,SchefIer,de
la totalité de la rue Virgile. L'extrémité de l'avenue d'Eylau (avenue Victor-
Hugo) a été absorbée par l'avenue Henri-Martin depuis la rue de la Tour, d'un
côté, et le boulevard Flandrin,derautre, jusqu'aux boulevards LannesetSuchet.
Il a fallu élargir le pont qui faisait passer le chemin de fer d'Auteuil sous
l'avenue d'Eylau (avenue Victor-Hugo); cet élargissement a été exécuté en 1860
par la Compagnie du chemin de fer, à qui la Ville a remboursé la dépense de
ce travail, montant à 21.000 francs.
Les travaux de viabilité de l'avenue Henri-Martin, aux abords de la station
du chemin de fer, nécessités par l'établissement de la ligne de Gourcelles aux
Invalides, ont été exécutés de juin 1898 à septembre 19(K). Les becs à incan-
descence ont été installés en mai 1900 sur l'avenue du Trocadéro, entre la
place du Trocadéro et la place d'Iéna.
La pompe à feu (2; de Chaillot se trouve entre la place d'Iéna, le quai
Debilly et l'origine de l'avenue du Trocadéro. Le service devant être transféré
à Auteuil, la rue Viilehois-Mareuii sera établie sur une partie de l'emplace-
ment des bêUiments de la pompe à feu de Chaillot, qui a été désaffectée par
arrêté du 16 mai 1900; les travaux à faire pour la nouvelle usine élévatoire
d'Auteuil (avenue de Versailles, 77) ont été adjugés le 26 mai 1900.
En l'an IX, on avait établi dans l'enceinte de la pompe à feu (n*** 6 et 7 du
quai de Chaillot) des ateliers où étaient employés plus de quatre vingts
ouvriers forgerons, fondeurs, etc., pour y fabriquer de l'artillerie de terre et
de mer de tout calibre.
Le dépôt des phares et le laboratoire d'essais de l'École des ponts et chaus-
sées occupent actuellement l'espace compris entre l'avenue du Trocadéro,
l'avenue d'Iéna et la rue de Magdebourg; l'entrée principale est sur l'avenue
du Trocadéro. Après avoir occupé, de 1834 à 18i8, un immeuble situé rue
Nolre-Darae-des-C'hamps et loué par l'État, le dépôt des phares fut établi,
en 1849, conjointement avec le laboratoire d'essais de l'École des ponts et
(i; Voir aux annexes (p. /l'iG' les règlements spéciaux applicables à l'avenue Henri-
Mnrtin.
::» Voir aux annexes (p. ^iC) et s.) InrUdo de M. Lropold Mar, intitulé: « L'Ancienne Pompe
A feu (le Chaillol »». — Mon article sur le service des eaux dans le XVI« arrondissement, qui
«lonne aussi des indications sur l'histoire de la pompeà feu, est également reproduit aux
annexes (p. 3<p >
PALAIS DU TROCADÉRO l33
chaussées, sur des terrains appartenant à l'Ktat et situés au coin du quai
Debilly et de la rue de Magdebourg (1).
Lorsqu'à l'occasion de l'Exposition universelle de 1867, la Ville de Paris
entreprit d'anaénager les pentes du Trocadéro. elle entra en pourparlers avec
rÉtat, qui, suivant traité du 6 décembre 1866, consentit à abandonner les
terrains du quai Debilly; il fut décidé que le dépôt des phares et le labora-
toire de rÉcole des ponts et chaussées seraient installés dans le terrain
triangulaire compris entre la rue de Magdebourg, l'avenue du Trocadéro et
l'avenue d'Iéna. La portion de ce terrain joignant la rue de Magdebourg, et
mesurant i.765 mètres carrés, fut affectée au dépôt des phares ; celle située
près de l'angle de l'avenue d'Iéna et de l'avenue du Trocadéro fut affectée au
laboratoire d'essais de l'École des ponts et chaussées. Pendant la construc-
tion des bâtiments actuels du dépôt des phares, de 1867 à 1869, ce dépôt fut
installé provisoirement dans un immeuble, aujourd'hui disparu, qui était
situé rue des Batailles, laquelle n'existe plus et a été remplacée par l'avenue
d'Iéna. On voit que c'est depuis 1869 que le dépôt des phares est installé à son
emplacement actuel.
La façade sur la rue de Magdebourg est surmontée d'une tour carrée, avec
plate-forme permettant l'installation d'un feu qui, les jours de fête publique,
projette des rayons lumineux jusqu'à Montmartre et au square des Buttes-
Chaumont, d'une part, et de l'autre jusque sur les coteaux de Meudon et de
Bellevue.
Un projet de loi a été déposé en 1901 par le ministre des Finances, en vue
d'aliéner les terrains occupés par le laboratoire de l'École des ponts et
chaussées, ainsi qu'une bande des terrains du dépôt des phares en bordure
sur l'avenue d'Iéna; mais les bâtiments de ce dépôt en façade sur l'avenue
du Trocadéro et sur la rue de Magdebourg ne seraient pas touchés.
En 1811, Napoléon P' voulut établir au Trocadéro un palais (2) pour son
héritier, le roi de Rome. Les plans furent dressés par les architectes Fontaine
et Percier et les fouilles commencées; mais la chute de l'Empire fit aban-
donner l'entreprise, et cette région, qui avait été occupée autrefois parles dé-
pendances du couvent des Bonshommes et du monastère royal de la Visitation,
redevint un désert escarpé et servit, sur divers points, de réceptacle aux
immondices de Paris. En 1825, le conseil municipal de Passy avait proposé
d'améliorer la demi-lune existant en face de la barrière Sainte Marie (au point
où se trouve actuellement la place du Trocadéro) en y créant une place de
50 mètres de rayon.
Le gouvernement de la Restauration avait décidé que l'emplacement du
palais du roi de Rome serait affecté à la construction d'une caserne, dont la
première pierre fut posée par le dauphin et la dauphine le 31 août 1826;
(i) La superflcic sous-minéc est de 4-7fX) mètres carrés sous le dépôl des phares et de
88o mètres carrés sous le dépi^t de l'Ecole des ponts et chaussées. A l'angle de l'avenue
du Trocadéro et de la rue de Magdebourg, la distance du sol nu ciel de la carrière est
de 8",8, et la hauteur de la galerie d'exploitation de i™,7o. A l'avenue d'Iéna, devant le
dépôt, la distance du sol au ciel de la carrière est de 4*°/'24, el la hauteur de la galerie
d'exploitation de i™,28.
î2: Voir aux annexes (p. 43o) l'article do M. Antoine Cluillois. inUtulé : « Le Palais du roi
de Rome ». — Voir également l'extrait du discours de M. Lanier: « A travers le Trocadéro >»»
pp. 217 à 222 du !«»• volume du Bulletin, Les archives de la Société possèdent des vues du
palais projeté, ainsi que les portraits de Fontaine et de Percier.
l34 HISTOIRE DU XVl" ARRONDISSEMENT
troisième anniversaire de la prise, par le duc d'Angoulême, d'un fort de Cadix
appelé Trocadéro, dont la reddition avait terminé heureusement la guerre
d'Espagne. La caserne n'était pas encore bâtie en 1830; mais le nom de Tro-
cadéro, qui avait été donné à ce coteau de Chaillot,à la suite du fait d'armes
du 31 août 18^3, fut maintenu par les gouvernements suivants.
Pendant bien des années on ne vit sur cet emplacement que des ruines (1)
(fondations du palais du roi de Rome et bâtiments inachevés d'une caserne).
Mais comme ce plateau domine le Champ de Mars et a une très belle vue sur
les coteaux de Meudon et de Sèvres, il importait de comprendre la mise en
état de viabilité de cette partie de Chaillot et de Passy dans le plan d^amélio-
ration des quartiers de l'ouest de Paris, et cet embellissement a été réalisé à
l'occasion de l'Exposition universelle de 1867. Le projet primitif consistait à
créer une vaste place, descendant en pente douce vers la Seine, et dont la
partie culminante aurait été terminée par un demi-cercle sur lequel auraient
débouché neuf avenues ou boulevards desservant Chaillot et Passy. Ce projet
fut modifié en cours d'exécution et les pentes disposées de manière à consti-
tuer un vaste amphithéâtre où la population pourrait se grouper pourvoir
les illuminations du Champ de Mars ; des pelouses entourées de parterres
furent établies pour dégager la vue; la dépense s'éleva à 3.228.240 francs,
dont environ 2 millions et demi pour les terrassements.
L'aspect a été complètement modifié en 1878 par la construction du palais
du Trocadéro, à l'occasion de la troisième Exposition universelle de Paris.
A cette époque, l'escalier monumental qui donnait accès à la place dut être
supprimé et la place elle-même a reçu des modiPications importantes. En vue
d'assurer le dégagement des abords de l'Exposition, un square fut établi,
moyennant une dépense de 714.000 francs, auprès de la rue Franklin.
Le projet du palais du Trocadéro, dressé par MM. les architecles Davioud
et Bourdais, fut approuvé le 15 juin 187G. La période effective des travaux de
construction, exécutés sous la direction de ces deux architectes, n'a duré que
pendant dix-huit mois, ce qui porte à une moyenne de plus de 500.000 francs
la dépense mensuelle, soit à près de 20.(XX) francs la dépense de chaque
journée de travail pour l'érection de ce monument : il a donc été exécuté
avec une vitesse vraiment remarquable ; il fut inauguré le 1" mai 1878.
Les galeries du palais du Trocadéro sont surtout consacrées à l'art déco-
ratif du passé. La salle des Fêtes, qui peut contenir cinq mille spectateurs,
est fréquemment utilisée pour des concerts et des réunions; on y a célébré,
en 1894, le centenaire de l'École polytechnique. Le tableau suivant montre
que le palais du Trocadéro est, de tous les monuments de Paris (bâtiments de
l'État ou églises paroissiales), celui dont le sommet au-dessus du niveau de
la mer est le plus élevé.
(i) Ce quartier fut môme peu sur durant un cerUiin nombre d'années.
PLACE DU TROCAOÉRO
l35
NOMS DES ÉDIFICES
Colonne Vendôme
Opéra
Tour Saint-Jacques
Saint-Vincent-de-Paul
Notre- Dame-de- Paris (tours).
Saint-Sulpice (tours)
Arc de TEtoile
Val-de-Gràce
Sainte-Clotilde
Notre-Dame-de-Paris (flèche)
Panthéon
Dôme des Invalides
Trocadéro
ALTITUDE
da sol de la Toic
publia ue
au pica de
rédince
(au-dessus du
niveau de la mer)
mètres
34 »
36 04
36 »
52 30
3,n 40
36 »
58 »
52 »
34 19
35 40
58 23
38 59
61 50
UAl'TEUH Di; SOMMET OR L'ÉDIFU'.t:
au-dessus du
sol de la Toie
publique
mètres
44 »
47 »
54 »
46 >
66 >
70 »
49 48
64 »
96 »
100 »
78 >
100 70
82 50
niveau de la mer
mètres
78 »
83 04
90 >
98 30
101 10
106 »
407 48
416 »
430 49
435 40
436 Ï3
439 29
444 »
Après la remise par l'État des terrains qui avaient été occupés par TExposi-
tion de 1878 au Trocadéro, la Ville de Paris fit exécuter sur cet emplacement
une promenade publique en 1879-1880; la dépense nécessitée par ces travaux,
comprenant la création d'un parc de 20 hectares, a été de 601. (KK) francs.
La place du Trocadéro (1), occupant un cercle de 125 mètres de rayon, est
établie au-dessus d'anciennes carrières (2), dont les vides souterrains ont
rendu les fondations du palais très coûteuses. La dénomination actuelle de
cette place, où se trouve une station du chemin de fer métropolitain (3), a
été donnée, par arrêté du l*''" février 1877, en mémoire de la prise du fort du
Trocadéro sur les Espagnols le 31 août 1823; elle s'était appelée d'abord
« place du Roi-de-Rome ».
Pendant la durée de l'Exposition universelle de 1900, le parc du Troca-
déro a été occupé par l'exposition coloniale, où l'on a vu beaucoup de cons-
tructions originales, mais établies très légèrement et, par conséquent, éphé-
mères. Il est néanmoins question d'y conserver le bouddha de la pagode cam-
bodgienne, renfermant des moulages très curieux de la civilisation Khmer.
Le bassin central de la place a été occupé par le pavillon de Madagascar. Ce
bassin était précédemment orné d'un jet d'eau, qui jouait rarement, parce
que son fonctionnement consommait une quantité d'eau énorme. L'aquarium
du Trojcadéro est dirigé par M. Juillard.
On a élevé, au long de l'avenue Henri-Martin et auprès du cimetière de
Passy, plusieurs maisons de rapport, dont la construction, dirigée par
M. l'architecte Vaudremer, a exigé l'établissement de divers grands murs
11) Voir «aux annexes (pp. 433 et 430) les règlements spéciaux applicables à la place du
Trocadéro, ainsi que l'article de M. Léopold Mar, intitule : « Au Trocadéro, 3i août i8-^0».
{;!'. La superficie sous-minée s'élève à environ 2.'»oo mètres carrés ; h l'angle de
l'avenue MalakofT, la distance du sol au ciel de la carrière est de ir)n>,rx), et la hauteur de
la galerie d'exploitation est de i">,8o.
Mon article sur « Les Carrières et le Sous-Sol du XVI* arrondissement », renfermant
un plan de la partie centrale des fondations du Trocadéro, est reproduit aux annexes
'p. 3i5\
(3; Pour le métropolitain de Paris, voir pp. 78 el ss. el ,220,
XVl' ARRONDISSEMENT
de soutènement. Parmi ces maisons, celle qui est le plus rapprochée du cime-
tière doit être mentionnée comme ayaat une Jacado originale : elle est en
brique, avec bow-windows et pans de bois apparents; elle est surmontée de
six fenêtres à pignons en bois, faisant saillie sur ta toiture.
Au n° 43 de l'aveaue Henri-Marlin se trouve un bel Ii6tel faisant l'angle
de la rue C-ortambert. On peut citer, en outre, l'hûtel gothique situé à l'angle
de l'avenue Henri-Marlin et de la rue (ïreuze.
L'aménagement du bois de Itoulogne et des autres promenades de Pari»)
fil reconnaître la nécessil»', pour le service municipal, de disposer d'un éla-
Lc clialet de Lamarlinc.
(Colkction de M. Chandcbois.)
blissement horticole, devant fournir par mulliplication toutes les plantes
destinées aux garnitures du bois de Boulogne, des jardins publics et des
.squares de Paris; ces plantes ont besoin d'être conservées à l'abri pendant
l'hiver. Il fui donc décidé, en iaS4, d'installer une pépinière, dite le Fleuriste
de la Ville, dans les terrains du clos Georges, délaclié du bois Je Boulogne
et remis à la Ville en même temps que ce bois, r/est dans ce but que le
Fleurisie de la Muetle fut installé près du n" 10!) de l'avenue Henri-Martin.
Alphand présenta, en 18.'J8, un projet montant ci ^ItO.OOO francs pour travaux
complémentaires de premier établissement (serres, orangerie, bureaux, etc.)
etàlt/.IHKI francs pour dépenses annuelles; ce projet, qui (ut réalisé vers
18(>3, procura de notables agrandissements au Fleuriste, dont la superficie
fut portée à i. i(Kl mètres carrés. En mai i8Ha, l'exposition des azalées fut
visitée par plus de seize mille personnes. Le Fleuriste de la Muette et ses
serres ont élé transportés en 1808 au Parc des Princes, sur le territoire de
SQUARE LAMARTINE iSj
Boulogne, près de la porte d'Auteuil, et on a établi, sur l'emplacement du
Fleuriste, plusieurs rues qui seront mentionnées ci-après.
Le décret du 27 août 1859 avait autorisé la Ville de Paris à concéder viagè-
rement, à titre gratuit et honoriflque, à M. et à Mme de Lamartine, ainsi
qu'à leur nièce, Mlle Valentine, chanoinesse de Cessiat (i), pour leur habita-
tion personnelle, un chalet avec un beau jardin, situé dans les dépendances
du bois de Boulogne, et occupant Tespace compris entre les numéros actuels
107 et 113 de Tavenue Henri-Martin. L'entrée était au n" 135 de Tavenue de
l'Empereur (vers le n** 143 de l'ancienne avenue du Trocadéro et le n** 111 de
l'avenue Henri-Martin), près du parc du château de la Muette. La chanoinesse
de Cessiat céda à la Ville, en août 1879, le droit de jouissance qu'elle possé-
dait en vertu de ce décret, moyennant le paiement d'une rente viagère
annuelle de 12.000 francs. Il résulte d'un procès-verbal d'adjudication dressé
le 21 octobre 1879 par M'' Delapalme, notaire, que la propriété connue sous le
nom de villa Lamartine (2) a été vendue par la Ville à M. Beaure pour
478.000 francs ; on y a bâti trois somptueux hôtels.
L'acte de décès de Marie-Louis-Alphonse de Lamartine , signé par le
vicomte de la Guéronnière et par le baron de Chamboran, porte qu'il est mort
à l'âge de soixante-dix-huit ans, le 28 février 1869, au n*» 135 de l'avenue de
l'Empereur (aujourd'hui avenue Henri-Martin).
Presque vis-à-vis de l'emplacement du chalet où l'illustre poète a passé les
dix dernières années de sa vie, se trouve le square Lamartine^ où sa statue en
bronze a été érigée (3) ; elle fut inaugurée le 7 juillet 1886. Ce square, qui a
40 mètres de largeur sur 105 de longueur, a été établi en 1863. L'arrêté du
8 juillet 1881 lui avait attribué le nom de « place Victor-Hugo » ; celui du
8 juillet 1886 lui a donné sa dénomination actuelle en l'honneur de Lamar-
tine (1790-1869).
Mme Flobert, vice-présidente de la 2'* section de la Société historique d'Au-
teuil et de Passy, a proposé, le 12 mai 1899, la suppression des ifs qui
donnaient au square Lamartine un aspect un peu funèbre et leur remplace-
ment par des parterres de fleurs. Cette demande a été transmise à la muni-
cipalité par le secrétaire général de la Société historique d'Auteuil et de Passy
et favorablement accueillie ; on a remplacé les massifs d'ifs par des parterres
de fleurs, en ne laissant subsister qu'un if à chaque extrémité de ces
parterres.
C'est au centre du square Lamartine que se trouve l'oriflce du puits arié-
sien (4), masqué par des massifs d'arbustes. Ce puits a été creusé de 1855 à
(i) Mlle de Cessiat, qu'on appelait aussi Mlle Valenline de Lamartine, était (llle d'une
sceur du poète; elle renonça au mariage pourôlre Tappui et la consolation de la vieillesse
de Lamartine, qui la fit nommer chanoinesse d'un chapitre noble de Bavière. Son corps re-
pose dans le caveau de famille de Saint-Point,
{2: Voir p. 116 à 118 du II» volume du BuUetin l'article intitulé: « Le Chalet de Lamar-
tine à Passy » et un extrait de Tétude consacrée à Mlle Valentine de Lamartine par
Mme Emile Ollivier, dans les numéros du Correspondant des 25 novembre et 20 décem-
bre 1895.
3) Voir aux annexes (p. 437) les vers prononcés par M. Clovis Hugues à l'inauguration
de la £»tatue de Lamartine.
(4; Voir aux annexes (p. 438) l'article de M. Léopold Mar, intitulé : « Le Puits artésien de
Paf^sy ». On trouvera aussi aux annexes (p. 395) des indications sur ce puits, dans mon article
sur « le Service des eaux à Passy », ainsi que dans l'extrait des mémoires du baron
Haussmann communiqué par M. Emile Potin (p. 406).
AVENUE MARCEAU iSg
1861 ; ses eaux concourent à l'alimentation des rivières et lacs du bois de
Boulogne.
Le côté impair de V avenue Marceau, nommée précédemment « avenue José-
phine », appartient au XVI*' et le côté pair au VIII* arrondissement. Le
territoire de Tancienne commune de Passy comprenait le côté pair au delà de
la rue de Presbourg, jusqu'à la place de l'Étoile. Le percement de cette
avenue, autorisé par le décret du 13 août 1854 pour la section comprise entre
la place de TÉtoile et la rue de Presbourg, et par le décret du 6 mars 1858,
pour la partie comprise entre la rue de Presbourg et la place de l'Aima, fut
immédiatement commencé, mais n'était pas encore terminé en 1864 (1).
Le décret du ±1 janvier 1864 approuva le traité conclu entre la Ville de
Paris et la Société Thome et C**, par lequel cette Société s'engageait à exé-
cuter : 1** l'ouverture de l'avenue n** 1 (Aima) ; 2** l'achèvement de l'avenue José-
phine (Marceau) entre la rue de Chaillot et le carrefour de l'avenue de
l'Empereur (Trocadéro); 3** l'amorce de cette dernière avenue, depuis son
point de départ au quai Debilly jusqu'au pan coupé sur le passage de la
pompe à feu.
Sur l'emplacement de l'Institution Sainte-Périne-de-Chaillot, qui a été
transférée à Auteuil (2), on a percé, en 1865, une partie de l'avenue Joséphine
(Marceau) et de la rue Bassano, ainsi que les rues Christophe-Colomb, Euler
et Magellan. En outre, l'expropriation des terrains occupés par cette Institu-
tion a permis d'élargir la rue de Chaillot.
La construction de l'avenue Marceau'a supprimé : 1" une partie de la rue
Bizet;2'* l'impasse des Blanchisseuses; 3" une partie de la ruelle Sainte-
Geneviève (me Keppler) ; 4** une partie de la rue Newton (3).
Le nom d'avenue Joséphine avait été donné à celte voie, par décret du
2 mars 1867, en l'honneur de l'impératrice Joséphine. Sa dénomination
actuelle lui a été attribuée, par décret du 16 août 1879, en l'honneur de Fran
çois-Séverin des Graviers Marceau (1769-1796), fils d'un procureur au bailliage
de Chartres. Élu, en 1791, commandant du second bataillon des volontaires
d'Eure et Loir, il était général à vingt-quatre ans, commanda l'aile droite de l'ai -
raée française à Heurus, reçut en 1796 le commandementde la premièredivision
de l'armée de Sarabre-et-Meuse et fut tué, à Al tenkirchen, à vingt-six ans et demi .
La ville de Chartres lui a élevé, en 1851, une statue en bronze, qui est de
Préault ; le musée de cette ville possède le beau tableau de Bouchot : Les
Funérailles de Marceau,
La rue des Balailles, qui est remplacée par l'avenue d'Iéna, existait depuis
fort longtemps à Chaillot; Henri IV et Gabrielle d'Estrées y demeurèrent
en 1393, avant l'entrée du roi à Paris. William Pitt, premier comte de Chatam,
et Mme d'Épinay y ont logé. Le comte Treilhard, ministre sous le premier
Empire, y a séjourné sous le Directoire ; le comte Regnaud de Saint-Jean-
fi) Le niveUement de l'avenue Marceau a été fixé par arrêté du 12 décembre 1860 pour
la partie comprise entre la place de TEloile et la rue de Chaillot, par arrêté du
29 juin i865 pour la partie comprise entre la rue de Chaillot et la place de TAlma.
.2) Voir page 216 les indications données sur l'institution de Sainte Périnc.
;3/ La longueur sous-minée de l'avenue Marceau, entre la rue Pierre-Charron et la rue
de Chaillot, est de 65 mètres; devant le n"* 33, la distance du sol au ciel de la carrière
est de i2™,65; la hauteur de la galerie d'exploitation est de i">,8o. La consolidation a été
opérée au moyen de piliers maçonnés et de remblais bourrés,
l40 HISTOIRE Di: XVr ARRONDISSEMENT
d'Angély, vers 1812-1815; Honoré de Balzac, vers 1832-1835 (sur remplace-
ment du n" 12 de l'avenue d'Iéna), (ancien 13 de la rue des Betailles); Jules
Sandeau, avant 1844.
Au n^ iode cette avenue se trouve l'hùtel de style Louis XIV que le prince
Roland Bonaparte a fait construire par M. Genty.
Le ministre du Royaume-Uni de Suède et de Norvège demeure au n° 58,
et le ministre de Tempire du Japon, au n" 75 de l'avenue Marceau.
Le 12 novembre 1848, on a livré à la circulation une nouvelle barrière,
dite des Batailles, pour relier directement Chaillot à Passy. Les omnibus
circulant entre Passy et la place du Carrousel pouvaient économiser huit à
dix minutes pour leur trajet en prenant la nouvelle route, qui suivait la rue
des Batailles et, après avoir franchi le mur d'enceinte, aboutissait au carre-
four de Passy.
Le décret du 6 mars 1858, qui a déclaré d'utilité publique l'ouverture de
Y avenue dléna^ nommée d'abord « boulevard n^ 4 de Chaillot », avait assigné
à cette avenue une largeur de 40 mètres; mais le plan d'alignements joint au
décret n'indiquait qu'une largeur de 36 mètres, dimension qui a été efTecti-
vement suivie en exécution (1).
Les travaux furent commencés dès 1858, et leur exécution exigea plusieurs
années. Le décret du 2 mars 1864 donna à cette voie, quand elle n'était pas
encore terminée, le nom d'avenue d'Iéna, en mémoire de la victoire rem-
portée par l'armée française sur les Prussiens le 14 octobre 1806. Un décret
du 24 septembre 1864 approuva le traité passé entre la Ville de Paris et la
Société Thome et C" pour l'achèvement de l'avenue d'Iéna, dont le perce-
ment a coûté 13.466.281 francs ; la revente des terrains et des matériaux
ayant procuré une recette de 993.610 francs, la dépense nette ressort à
12.472.671 francs.
L'avenue d'Iéna a remplacé Tancienne rue des Batailles entre le boulevard
Delessert et la place d'Iéna ; elle a absorbé Vimpasse de la Croix-Boissière et
une partie delà rue Newton. Le duc de Vivonne, frère de M. de Montespan,
mourut en sa maison de Chaillot le 15 septembre 1688.
Bailly habitait pendant l'été une maison de campagne qu'il avait achetée
vers 1758, quand il n'avait encore que vingt-deux ans. Le 15 juillet 1789, au
lendemain de la prise de la Bastille, il avait été nommé maire de Paris et était
rentré fort tard à sa maison de Chaillot. Le curé de Saint-Pierre, escorté de ses
marguilliers, se rendit chez Bailly, qu'il connaissait depuis longtemps, pour
le féliciter et pour lui annoncer qu'il venait d'être nommé marguillier d'hon-
neur de la paroisse : « Je suis touché de votre démarche, lui répondit Bailly;
mais je ne puis accepter ce titre, n'en ayant jamais rempli les fonctions effec-
tives; d'ailleurs, la Constitution proscrit toutes ces places d'honneur,
incompatibles avec l'égalité. »
Jules Grévy, ancien président de la République, habita son hôtel de l'ave-
nue d'Iéna depuis le 2 décembre 1887 jusqu'à sa mort, survenue en 1891.
(i) Pour Taveniie d'Iéna, la longueur de la voie sous-minée est de 178 mètres entre la
place des K!tats-Unis et la place d'Iéna et de 169 mètres entre cette dernière place et la
rue de Magdebourg. Quelques fontis, dont un venu à jour en 1797. La consolidation a été
opérée au moyen de piliers maçonnés et de remblais bourrés. Près la place des Etats-
Unis, la distance du sol au ciel de la carrière est de i6«,5o; la hauteur de la galerie d'ex-
ploitation est de 4 mètres.
MUSÉE GUIM£T l4l
L^hôtel du ministre de la République de TËquateur esl au a^iide Tavenue
dléna.
Lai place d'Iéna, qui a 70 mètres de largeur, comprend deux grandes faces
rectilignes ; elle a été formée en même temps que Tavenue d'Iéna et en vertu
du même décret du 6 mars 1858 ; elle est restée longtemps âans dénomina-
tion ; son nom lui a été donné par un décret du 10 décembre 1878. Le 3 juil-
let 1900 a eu lieu, sur la place d'Iéna, la cérémonie d'inauguration de la statue
en bronze de Washington (1), offerte à la France par un comité de dames des
Etats-Unis ; elle est Tœuvre de deux artistes américains : David Frencli et
Edward Potter. Des candélabres ont été installés sur cette place en février
1900. Michel Perret (1813-1900) occupait Thôtel n*» 7 de la place d'Iéna (2).
L'hôtel du ministre du royaume de Perse se trouve au n" 1 de cette
place.
Le musée Guimet^ qui constitue un établissement unique en Europe au
point de vue de l'histoire comparée des religions, particulièrement de celles
de TAsie, occupe un espace compris entre la rue Boissière, l'avenue et la
place d'Iéna. A la suite de ses voyages et missions scientifiques, M. Guimet
'A rassemblé à grands frais, dans ce musée, qui a d'abord été établi à Lyon,
baaucoup d'antiquités et de curiosités hindoues, thibétaines, chinoises, japo-
naises, égyptiennes, alexandrines, grecques, romaines, gauloises, etc., d'objets
de céramique japonaise et 13.000 volumes, tant imprimés que manuscrits.
Cet établissement était connu, à Lyon, sous le nom de Musée Guimet
dès 1879.
C'est en 1882 que M. Guimet prit la résolution de transférer son musée à
Paris. Ce projet a été réalisé grâce à sa tenace persévérance, à ses libéralités,
à son désintéressement, ainsi qu'au zèle et au dévouement infatigable de
M. Xavier (^.harmes, alors directeur du secrétariat au ministère de l'Instruc-
tion publique. La première idée de M. Guimet avait été d'offrir son musée à
la Ville de Paris; mais ses amis et M. Xavier Charmes lui représentèrent que,
par son but même, ce musée devait plutôt relever du ministère de l'Instruc-
tion publique, d'autant plus que c'était ce ministère qui avait confié à
M. (iuimet les missions scientifiques au cours desquelles il avait commencé
à réunir, en Asie, les images de divinités, les livres et manuscrits religieux,
les objets sacrés de l'Inde védique, de l'Inde brahmanique, du bouddhisme
chinois et japonais, en ayant soin de s'en faire expliquer le sens par des
indigènes.
Le 9 janvier 1883, M. Guimet offrit de céder à l'Etat, sous certaines condi-
tions, toutes ses collections, vitrines, etc. M. René Goblet^ ministre de l'Ins-
truction publique déposa, le 1^' juillet 1885, sur le bureau de la Chambre des
députés, un projet de loi approuvant une convention aux termes de laquelle
M. Guimet s'engageait à céder à l'État toutes ses collections et à faire cons-
truire à ses frais et risques, sur un terrain à céder par la Ville, un palais dont
la dépense était évaluée à 1.590.000 francs, moyennant le paiement en trois
annuités d une subvention de 780.000 francs, sous la condition qu'un crédit
'ij Sur le piédestal de cette f^latue équestre est gravée l'inscriplion suivante : u Offert
p,ir les* femmes des Etats-Unis en souvenir de l'ami tic et de l'aide fraternelle prêtées
por la France lors des guerres de l'Indépendance. »
;2) Voir h la p. 207 du III« volume un article nécrologique sur Michel Perret.
il^2 HISTOIRE DU XV!" ARRONDISSEMENT
annuel de 45.000 francs serait ouvert par THltat pour Tentrelien du musée, que
M. Guimet en serait le directeur à vie et, qu'après lui, le directeur serait choisi
par le ministre de Tlnstruction publique, sur une proposition des corps
savants ressortissant à son ministère. Ces dispositions furent approuvées par
une loi du 8 août 1885.
M. Guimet avait exprimé le désir que remplacement du palais fût choisi
de manière à avoir les dégagements nécessaires sur une grande voie et à se
trouver à proximité des musées modernes (Trocadéro, musée Galliéra,
grandes collections des ponts et chaussées). On pouvait satisfaire à ces condi-
tions en achetant un terrain d'environ 4.000 mètres carrés, k l'angle de
l'avenue d'Iéna et de la rue Boissière ; mais les ventes faites auprès de cet
emplacement en 1884 et 1885 faisaient ressortir un prix, par mètre carré, de
400 francs, impliquant une dépense de 1.600.000 francs, que la Ville trouvait
trop élevée. Cette difficulté fut aplanie à la suite de négociations avec les
propriétaires, MM. Grienenger et d'Erlanger, qui oflrirent de céder le terrain
pour 1 million ; ce prix fut accepté, le 15 décembre 1885, par le conseil muni-
cipal de Paris.
Le palais a été construit sous la direction de M. 1 architecte Terrier, et
les collections y ont été installées en 1888; M. Guimet est encore actuel-
lement le directeur du musée, qui a pour conservateur M. de Milloué et
pour conservateur adjoint M. Deshayes. Les ^\nnal€s et la Bévue de rhis-
toire des religions donnent un exposé très complet de toutes les religions
orientales.
Lors de la construction du mur d'enceinte de Paris, sous Louis XVI, ce
mur fut bordé à l'extérieur par de larges boulevards qu'on appelait « boule-
vards extérieurs ». La commune de Passy payait des participations pour
l'entretien des boulevards extérieurs de Passy et de Longchamp, qui était
fait par les soins de la Ville de Paris : ces deux boulevards ont été supprimés
par suite de la construction de l'avenue Kléber.
L'utilisation de ces boulevards extérieurs était tout indiquée dans le pro-
gramme des travaux d'embellissement de l'ouest du nouveau Paris. En effet, en
prolongeant la ligne qui passait par la barrière Sainte-Marie (place du Troca-
déro) et par la barrière du Roule, on obtient l'alignement droit qui forme
l'axe des deux avenues actuelles Kléber et Wagram, s'étend sur plus de
2.800 mètres de longueur et croise perpendiculairement, sous l'arc de
triomphe de l'Étoile, Taxe des magistrales avenues des Champs-Elysées et de
la Grande-Armée.
L'ouverture de la partie de Yavemie Kléber comprise entre la place de
l'Etoile et la rue Pauquet a été autorisée par le décret du 13 août 18.j4, qui a
réglé tout ce qui concerne cette place et ses abords. Le surplus de l'avenue
occupe l'emplacement de Tancien boulevard extérieur de Passy, entre la rue
Pauquet et la rue de Longchamp et celui de l'ancien boulevard extérieur de
Longchamp, entre la rue de Longchamp et la place du Trocadéro. L'ancien
boulevard extérieur de Passi/y qui s'étendait de la barrière de Neuilly (place
de l'Étoile) à la barrière de Longchamp, n'était pas en ligne droite dans toute
son étendue : à 400 mètres environ de distance de l'Étoile, il sïnfléchissait
suivant une courbe qui raccordait les deux alignements du boulevard. Cette
courbe ne pouvait pas être maintenue dans le plan d'embellissement des
abords de la place de l'Étoile ; on forma donc l'avenue Kléber en rectifiant
AVENUE KLÉBEB l43
rancien boulevard de Passy, suivant le tracé approuvé par le décret du
6 mars 1858. Elle fut complètement terminée en 1805 ; le décret du 2 mars 1804
la dénomma u avenue du Roi- de-Rome », parce qu'elle va de la place de
rÉtoile à la place du Trocadéro et que c'est sur cette dernière place que le
palais du roi de Rome avait été projeté sous le premier Empire. La dépense
totale pour la construction de cette avenue s'est élevée à 10.935.22^ francs, et
la revente de terrains et de matériaux a produit 1.318.732 francs ; la dépense
nette a donc été de 9.010.490 francs.
Dans son parcours, cette avenue a supprimé : r la rue Guerlain; 2'' une
partie du chemin de ronde de Longchamp, entre la rue de Longchamp et la
place du Trocadéro ; S*" une partie du chemin de ronde de l'Étoile, entre les
rues de Longchamp et du Belloy. Sur la partie supprimée du boulevard exté-
rieur, on a construit la rue de Lapérouse et une partie de la rue Dumonl--
d'Urville.
Le décret du 10 août 1879 a donné à cette voie le nom d'avenue Kléber (1),
en Thonneurde Jean-Baptiste Kléber (1754 18(K)) qui, après avoir servi huit
ans dans l'armée autrichienne comme ofQcier, fut élu, en 1790, chef d'un
bataillon de volontaires de l'Alsace, sa patrie; il se distingua au siège de
Mayence, servit ensuite un an en Vendée, acquit la réputation d*un général
habile à l'armée de Sambre-et-Meuse, dans les campagnes de 1794 à 1790, fut
mis ensuite en demi-solde et habita Chaillot en 1790 et 1797. Le général Bona-
parte lui confia le commandement de l'armée d'Egypte, quand il revint en
France. Il fut poignardé par un fanatique, Suleyman-el-Halebi, jeune homme
de vingt-quatre ans, et inhumé, avec toute la pompe militaire, dans un des bas-
tions d'Ibrahim-Bey. La ville de Strasbourg a élevé à Kléber une statue de
bronze en 1840.
La reine d'Espagne Ysabelle II, grand'mère du roi Alphonse XIII, habite
depuis 1808, quand elle est à Paris, l'hôtel monumental qui avait appartenu
d'abord au comte Basilewski et qui est actuellement nommé le palais de
Castille ; il est situé au n" 19 de l'avenue Kléber, à l'angle de la rue Pauquet.
La reine Ysabelle a fait apposer, sur les deux principales grilles d'entrée, un
Y sur fond d'azur, dans un écusson accolé à celui des armes de France, le
tout dans un petit cartouche timbré d'une couronne royale.
L^ambassade des États-Unis d'Amérique se trouve au n" 18, la légation du
Guatemala aux n"^ 55 et 57, celle de la République Argentine au n"" 87, et celle
de la principauté rte Bulgarie au n* 94 de l'avenue Kléber. Le n" 92 de cette
avenue est occupé par un hôtel de style Renaissance, avec tourelle à deux
étages, en saillie sur la rue Saint- Didier, n»* 2, où se trouve l'entrée.
Cette avenue est desservie par quatre stations du métropolitain (Étoile,
avenue Kléber, rue Boissière et place du Trocadéro). Les becs à incandescence
installés sur la partie de l'avenue Kléber comprise entre la rue Galilée et la
place du Trocadéro, ne datent que de 1900. Sur le trottoir, à la hauteur du
n** 79, se trouve un kiosque en fer pour la descente dans les carrières de Passy ;
i' Les travaux de Tavcnue Kléber ont été exécutt^s, sous la direction d'Alphand, par
M. Oarcel, ingénieur des ponts et chaussées, avec le concours de M. le conducteur
Selheimer.
I-a voie sous-minée a été consolidée sur 3o4 mètres de longueur entre la place du
Trocadéro et la rue Saint-Didier. La distance du sol au ciel de la carrière est de i5™,20,
et la hauteur de la galerie d'exploitation de i*,7r>, au puits de service placé au n® io6.
l44 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
on y accède par un escalier de quatre-vingt quatre marches, construit en 1786
dans les dépendances de Tancienne barrière de Longchamp.
Les deux faisceaux d'avenues, rayonnant les unes de la place de TÉtoile
et les autres de la place du Trocadéro, ont coupé les quartiers de Chaillot et
de Passy de manière à modifier notablement le relief assez tourmenté de ces
deux quartiers. Pour les nouvelles avenues qui pouvaient être tracées en ligne
droite et sans franchir des crêtes trop élevées (comme les avenues Kléber,
Victor-Hugo, Henri-Martin), on a suivi le principe du point visuel, afin
d'avoir de longues perspectives; c'est ainsi qu'on est arrivé à faire voir Tare
de l'Étoile de l'avenue Henri-Martin. Mais le percement de l'avenue Kléber
et de l'avenue Henri-Martin et l'abaissement de l'avenue Victor-Hugo iso-
laient, comme par des fossés, tout l'tlot qui se trouve compris entre ces trois
avenues et qui est plus élevé que les grandes voies qui l'environnent. Pour
remédier à cet inconvénient, M. l'ingénieur Darcel a étudié, dès 1801, pour
le raccordement des rues avec les nouvelles avenues, un projet de nivel-
lement général, qu'il importait d'exécuter promptement : car plus on aurait
retardé l'exécution de ce travail et plus il serait devenu onéreux, en raison
des constructions nouvelles à acquérir et par suite de l'élévation progressive
du prix des terrains. On a admis une pente rapide (7 centimètres par mètre)
pour la rue Lauriston, en vue d'en assurer la communication avec la rue
circulaire et la place de l'Étoile. Il a fallu également admettre des pentes
fortes pour raccorder la rue des Sablons et la rue Cortamberl avec l'avenue
Henri-Martin. L'ouverture de l'avenue du Roi de-Rome (Kléber) avait exigé
un déblai de 1"»,70 au débouché de la rue du Télégraphe (Sainl- Didier), et
cette dilïérence de niveau avait été rachetée provisoirement par un escalier
qui supprimait l'accès des voitures ; en 1863, le raccordement fut établi au
moyen d'une pente de 4 centimètres et demi par mètre, sur environ 65 mètres
de longueur, les constructions préexistantes s'opposant à l'établissement
d'une pente uniforme, qui n'aurait été que de ^ centimètres par mètre. Comme
la profondeur des déblais dépassait 9 mètres à Tintersection de la rue de
Viiiejusi avec l'avenue Kléber, il a fallu admettre une pente de 7 centimètres
et demi par mètre pour le raccordement de cette rue.
La rue Mignard (1) formait autrefois l'extrémité de la rue Spontini ; cette
extrémité, voisine de la rue de la Tour, avait été ouverte en 1858, avec une
largeur de 10 mètres, par la Ville de Paris; elle avait d'abord porté le nom de
« rue Neuve-du-Puils-Artésien ». L'arrêté du 6 mai 1881 a donné le nom de
rue Mignard à la partie comprise entre l'avenue du Trocadéro et la rue de la
Tour. La rue de Siam ayant été ouverte en 1884, le décret du 25 février 1886
a complété la rue Mignard, en classant la partie comprise entre la rue de la
Tour et la rue de Siam.
Pierre Mignard (1612-1695), auteur des fresques de la coupole du Val-de-
(Irâce, a peint des tableaux d'histoire et plus de cent trente portraits, entre
autres ceux de Mlle de la Vallière, de Mme de Montespan, de Mme de Sé-
vigné, de La Bruyère, de Mme de Maintenon. Ses tableaux étaient si soignés
qu'on a depuis nommé mignardise le défaut des ouvrages dans lesquels le
(i) î.«i rue Mignard renforme, devant le n» G, une ancienne» carrière; la distance du Bol
au ciel de cette carrière est de 4 mètres, et la hauteur de la galerie d'exploitation est de
2™,6o; la voie sous-minée a été consolidée sur une longueur de 3o mètres.
RUE LAPÉROUSE l45
soin est poussé à l'excès et qui paraissent peu naturels. Après avoir fait neuf
fois le portrait de Louis XIV, il avait Tlionneur de le voir encore poser devant
lui, pour une dixième toile. Louis XIV lui dit : « Mignard, vous me trouvez
vieilli. » — « Sire, répondit l'artiste, je vois quelques lauriers de plus sur le
front de Votre Majesté », et, le jour même, il était nommé directeur de TAca-
démie de peinture.
C4'est rue Mignard, n*» il, à Tangle de la rue de la Tour, qu'habitait le poète
Eugène Manuel, inspecteur général de TUniversité. Pour honorer sa mémoire^
la Société historique d'Auteuil et de Passy, dont il avait été le président pen-
dant huit ans, a fait apposer sur sa maison une plaque qui a été inaugurée le
dimanche 27 octobre 19()l. De nombreux et beaux discours ont été prononcés,
par ses amis et ses admirateurs, le 4 juin 1901, jour de ses obsèques, et le
±1 octobre 1901, jour où la plaque commémorative a été posée sur sa maison*
sous la présidence de M. l'inspecteur général Adrien Dupuy, délégué par le
ministre de Tlnstruclion publique et des Beaux-Arts, pour présider cette
cérémonie. On pourra lire ces discours aux pages 42 à 52 du IV** volume du
Bulletin^ avec le compte rendu des obsèques de M. Eugène Manuel, à qui sont
dus le développement et la prospérité de la Société historique d'Auteuil et de
Passy. Elle a demandé que son nom soit donné à une des rues du XVI* arron-
dissement (1).
L'impasse de Malakoff, qui a son entrée au n® 161 de l'avenue Malakofl,
a une largeur de 5 mètres. Elle a été créée, en 1858, par la Compagnie du
chemin de fer sur des terrains ayant appartenu à M. Cassard. Elle a reçu sa
dénomination en 18IV4.
La rue Dumoni-iTUruille a été ouverte en 1800 sur l'emplacement de deux
anciennes voies, créées à l'époque de l'établissement du mur d'enceinte de
Paris sous Louis XVI (chemin de ronde de l'Étoile et une partie du boulevard
de Passy). La largeur légale, qui avait été fixée à 11"\69 par arrêté du 17 août
1848, a été portée à 12 mètres lors de l'ouverture de l'avenue Kléber, l'aligne-
ment étant maintenu du côté des numéros pairs. Le décret du. 2 mars 1864 a
donné à cette rue sa dénomination actuelle, en l'honneur du célèbre naviga-
teur Jules-Sébaslien-César Dumonl-d'Urville (1790-1842), qui a publié ses
voyages autour du monde et ses études sur la Polynésie ; il a découvert
plusieurs terres dans l'océan glacial antarctique; il fut chargé en 1830 de
conduire Charles X en Angleterre, fut nommé contre-amiral en 1841 et périt
dans la catastrophe du 8 mai 1842 (chemin de fer de Versailles, rive gauche).
Le général Boulanger, qui fut ministre de la Guerre, a habité le n** 11 bis de
la rue Dumont-d'Urville en 1888-1889.
Rue Dumont-d'Urville n** 1 et rue de Belloy n* 2 on voit un hôtel du style
Renaissance, qui a été construit en 1883 ; au second étage et faisant face à la
place des États-Unis, s'avance une tourelle en encorbellement. A l'encoignure
de la rue Dumont-d'Urville et de l'avenue d'Iéna se trouve un hôtel qui a élé
construit en 1867 et où demeurait le maréchal Bazaine lorsqu'il fut arrêté.
La rue Lapérouse a été ouverte en 18(50, avec 12 mètres de largeur, par la
Ville de Paris, sur l'emplacement d'une partie de l'ancien boulevard de Passy;
elle n'existait antérieurement que du côté des numéros impairs, dont les
'I : Voir aux annexes (p. 499) le discours par M. Dupuy (le 27 octobre 1901). On trouvera
également aux annexes (p. 440) celui que j'ai prononci^ aux ohst^'quos du regretté M.Manuel.
10
l46 HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
alignements ont été fixés par une ordonnance du bureau des finances du
16 janvier 1789. Sa dénomination lui a été donnée par le décret du 2 mars 1864,
en l'honneur de Jean-François de Galaup de Lapérouse (1741-1788), enseigne
en 1764, lieutenant de vaisseau en 177o, capitaine de vaisseau en 1780; il s'il-
lustra en Amérique dans la guerre contre les Anglais, sous les ordres de
l'amiral d'Estaing ; il partit de Brest en i785, avec la Boussole et r Astrolabe,
pour un voyage de circumnavigation, découvrit au Kamtschatka le détroit
qui porte son nom et arriva à Botany-Bay en 1788 ; on n'eut plus ensuite de
ses nouvelles. En 1827, le capitaine anglais Dillon découvrit les débris de
son navire et. Tannée suivante, Dumont-d*Urville trouva des indices certains
de son dernier séjour à l'île de Vanikoro (Océanie), où il avait perdu la vie,
et y fit élever un monument funéraire. Emile de Girardiu, publiciste, a
habité le n*» 27 de la rue Lapérouse de 1877 à 1881, date de sa mort.
La rue Herran, qui longe le lycée Janson-de-Sailly et a 12 mètres de lar-
geur, est une voie privée, ouverte en 1862 par M. Herran, qui a été successi-
vement en Espagne, en Angleterre et en France, ministre des républiques
américaines de Honduras, Salvador et Costa-Rica.
La rue du Général-Apperl est une voie privée ; elle fut ouverte en 1864,
avec une largeur de 12 mètres, sur des terrains appartenant à M. l'ingénieur
Philipps, qui, à l'époque où elle était encore à l'état d'impasse, la nomma
« rue Appert »>, parce que la première maison y fut construite par le général
Appert{1817-189l). Ce général servit longtemps en Afrique, futnommé général
de brigade le 14 juillet 1870, commanda la place de Versailles en 1871 et une
division d'infanterie, à Orléans, en 1875. 11 fut ensuite envoyé à Saint-Péters-
bourg, où il était très apprécié par le tsar, ce qui lui permit de rendre de
grands services à la France. C'est sur la demande des habitants que la déno-
mination de « rue Appert » a été remplacée, le 10 avril 1893, par celle de « rue
du Général-Appert ». Le prolongement de cette rue a été ouvert d'août 1897
à avril 1898, entre les rues de la Faisanderie et Spontini ; tous les frais de
cette ouverture (viabilité complète et éclairage) ont été payés par M. de
Rothschild.
La Ville de Paiîs décida de ne pas aliéner les pelouses du lianelagh et de
les aménager pour en faire une promenade publique. Par délibération du
6 décembre 1857, le conseil municipal de Passy accorda à la Ville de Paris
une subvention de 1.000 francs, pour établissement de bancs sur ces pelouses.
Elles sont actuellement desservies par les avenues Ingres, Prud/îon, du liane-
lagh et Raphaëlyàojxi les riverains sont astreints, dans l'intérêt de Tembellis-
sement du quartier, à certaines servitudes (l), en vertu du cahier des charges
régissant la vente aux enchères du 4 décembre 1858. Cette adjudication
comprenait 44.756 mètres carrés, qui ont été vendus pour 1.351.000 francs.
A répoque où elle a eu lieu, la situation des pelouses du Ranelagh laissait
encore beaucoup à désirer ; elles étaient envahies par des haies et des brous-
Bailles ; des chemins de piétons y étaient tracés dans tous les sens. Les ingé-
nieurs de la Ville dressèrent, en 1859, un projet montant à 155.000 francs
pour niveler le sol, le semer à nouveau, y tracer les chemins longeant le parc
de la Muette et le chemin de fer d'Auteuil, terminer les nouvelles avenues
(i) Voir aux annexes (pafçe 440 les règlements spéciaux qui régissent les abot*ds du
lianelagh (contrat de vente des terrains bordant les avenues Ingres, Prudhon et Raphaël}.
PELOUSES DU RANEI.ACn 1^7
et les raccorder avec le boulevard Sucliel et la chaussée de la Muette. Tous
si
il
II
ces terrains avaient été relraiicliés du bois de Itoulogne lors de rétablisse-
ment des fortifications de Paris et cédés alors à la Ville (I).
RaphaC). Prudhon et Ingres ont été ouvertes en 18G0, sous la direction
les ordre» Uc M. l'ingénieur Uarcel et de M. le conducteur Seilhoinicr.
t48 HISTOIRE DU XVl" ARRONDISSEMENT
Dans ce joli coin de verdure se trouve le monument élevé à La Fontaine,
grAce à une souscription qui avait été ouverte sous les auspices de M. Mar-
raottan, maire du XV1« arrondissement; la moitié des fonds a été fournie
par Passy et Auteuil. Le groupe est dû au statuaire Dumilâtre et a été fondu
par M. M. Thiébaul; M. larchitecte Franlz Jourdain est l'auteurdu piédestal.
Dllertinn de M. Cm. l'alin )
M. SuUy Prudhomme, qui occupe, à l'Académie française, le fauteuil de La
Fonlaine.aproDoncéun discours très applaudie l'inauguration du monument,
qui a eu lieu le m juillet IKill . On peut le trouver aux archives de la Société.
L'avenue Raphaël, précL'ddmraent c. boulevard du Banelagh ■>, doit son
nom à l'illustre peintre italien Raphaël Sanzio (i483-lî>20) ; élève du Pérugin,
ilcomposa, il dix-huit ans, leMariagedela Vierge, peignit ensuite à Florence /n
Belle Jardinière, puis fut iippelé k Kome par Bramante, archilecte du pape
AVKNUE INGRES i^Q
Jules II, qui le chargea de peindre les salles du Vatican (fresques de VÉcole
d'Athènes, de la Dispute des Docteurs, de la Bataille d'Ostie, de r Incendie de
BorgO'Vecchio). Les ouvrages de Raphaël sont si connus qu'il paraît inutile
de les énumérer ici.
Cuvillier-Fleury, ancien précepteur du duc d'Aumale, mourut en 1887 à
rbùtel n** 4 de l'avenue Raphaël, qu'il habitait depuis plus de vingt ans (1).
L'avenue Raphaël renferme beaucoup de jolis hôtels et de coquettes villas
s*épanouissant au milieu de la verdure. On peut citer : au n** 10, un hôtel
gothique à pignon central, et, au n** 8, une villa qui est une des premières
construites dans l'avenue Raphaël et dont la façade est formée de briques de
différents tonss avec application de faïences émaillées de couleurs variées; en
avant et à gauche, accolée à la façade principale, s'avance une véranda penta-
gonale surmontée d'une terrasse et, sur le côté, toujours à gauche du bâti-
ment principal, s'élève une tour octogonale également en briques et faïences
polychromes (2), couronnée par une autre terrasse en saillie.
Vauenue Prudfion, qui constituait précédemment une partie de la chaussée
de la Muette, a reçu sa dénomination actuelle par décret du 2 octobre 1865,
en mémoire du peintre Prudhon (1760-1823), à qui on doit : le Crime poursuivi
par la Justice et la Vengeance célestes, le Christ mourant sur la croix.
Le célèbre compositeur Gioacchino-Antonio Rossini, qui avait demeuré
pendant quelque temps à la rue de la Pompe, habita, à partir de 1857, une
villa qu'il avait fait construire sur un terrain qui lui avait été gracieusement
concédé par la Ville de Paris, près de la porte de Passy, entre le chemin de fer
d'Âuteuil et le boulevard Suchet (n"" 5 de Vauenue Ingres) ; il mourut dans
cette villa, le 13 novembre 1868, à l'âge de soixante-seize ans.
Au n"" 4 de l'avenue Ingres, vis-à-vis de l'ancienne maison de Rossini, se
trouve un hôtel qui a été construit par M. AUouard, et dont une reproduction
a été donnée par M. César Daly, dans son ouvrage intitulé : De rarchitecture
privée au xix* siècle.
On voit, au n** 1 de Y avenue Ingres, un hôtel de style Renaissance, présen-
tant deux riches façades : l'une, sur l'avenue, est masquée par les arbres ;
pour bien juger l'autre, qui domine la voie ferrée, il convient de la regarder
du boulevard Beauséjour. Des mosaïques sur fond d'or sont incrustées dans
les tympans des hauts pignons qui surmontent les fenêtres.
L'avenue Ingres, qui s'est nommée d'abord « boulevard Rossini », a reçu
sa dénomination actuelle, par décret du 2i août 1864, en mémoire du peintre
Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), élève de David, grand prix de
Rome en 1801. 11 peut être considéré comme un maître classique et comme
le représentant du dessin correct et de la peinture sobre, toujours empreinte
d'un idéalisme élevé. A l'Exposition universelle de 1855, un salon fut exclu-
sivement réservé à ses œuvres. Il fut nommé sénateur en 1862 et ensuite direc-
teur de la villa Médicis. Plusieurs hôtels de l'avenue Ingres avaient été
endommagés par les obus en 1871.
(i) Cuvillier-Fleury, avant de devenir le principal rédacteur du Journal des Débals et
un des grands électeurs de l'Académie française, avait été précepteur du duc d'Orlt'ans,
flis aîné du roi Louis-Philippe.
(2) Diverses indications sur les hôtels et villas ont été extraites d'une communication
faite par M. Léopold Mar à la Société historique d'Auteuil et de Passy, sur les belles
façades du XVI* arrondissement.
|5o HISTOIRE DU XVI*
Les avenues Ingres. Prudhoa et Raphaël ont été munies du becs à incan-
desceoce en mai 190U.
L'ouverture de la partie de la rue de Freycinel comprise entre Tavenue de
l'Empereur (Trocadéro) et la rue Morny (Pierre-Charron) a été déclarée
(l'utilité publique par le décret du 17 septembre It^tii, fixant à li mètres la
largeur de cette rue; elle remplaçait le passage de la Pompe-àFeu, qui avait
été lormé à la fin du xvm" siècle, était coudé, commençait au quai Debilly el
finissait à la rue de Chaillot. Un autre décret du 24 du même mois sanctionna
le traité passé entre la Ville et la Société Thome et C' pour l'exécution de la
nouvelle voie.
RUE HAMELIN l5l
La déclaration d'utilité publique pour Touverture de la partie de la rue de
Freycinet comprise entre la rue Pierre-Charron et Tavenue d'iéna a été pro-
noncée parle décret du 2 mars 1867. La Ville a utilisé des terrains provenant
des anciens réservoirs de Chaillot, pour l'ouverture de cette section, qui a
également une largeur de 12 mètres et dont les travaux ont été exécutés par
la Société Thome et C'*, suivant un traité passé le 2 juillet 1866 entre la Ville
et cette Société. Vimpasse des Réservoirs s est trouvée confondue dans le
tracé de cette seconde section.
Le décret du 2 mars 1867 a donné à la rue de Freycinet (1), dans tout son
parcours, cette dénomination, en Thonneur du navigateur Louis-Claude
De Saulcesde Freycinet (1779- 1842), qui a découvert des terres australes; il fut
nommé capitaine de vaisseau en 1820 et entra à TAcadéraie des sciences
en 1825. La légation du royaume de Serbie se trouve au n" 9 de la rue de
Freycinet.
La rue de Bassano appartient au XVl» arrondissement entre l'avenue d'Iéna
et l'avenue Marceau, au VIII», entre l'avenue Marceau et l'avenue des Champs-
Elysées. Cette rue peut être considérée comme faisant suite à la rue de
Lubeck, dont elle est séparée par la place d'Iéna. Le décret du 17 sep-
tembre 1864 avait autorisé le prolongement de la rue de Lubeck depuis la rue
Boissière jusqu'à l'avenue des Champs-Elysées ; les travaux furent exécutés
par la Société Thome et C, et le décret du 2 mars 1867 a donné à ce prolon-
gement, entre la place d'Iéna et l'avenue des Champs-Elysées, le nom de rue
de Bassano. Ce percement, pour lequel on a adopté la largeur de 13 mètres, a
englobé (2) la ruelle des Jardins, qui existait en 1730 et allait de la rue Kep-
pler à Vimpasse des Réservoirs, supprimée, comme il a été dit ci-dessus, par
suite de la création de la rue de Freycinet (3). On remarque, au n° 48 de la
rue de Bassano, un bel hôtel qu'habite l'illustre peintre Honnat, membre de
•l'Institut et professeur à l'Ecole des Beaux-Arts.
Hugues-Bernard Maret, duc de Bassano (1763-1834), fut un des fondateurs
du Club des Feuillanls; il a été ministre des relations extérieures en 1811,
pair de France en 1831 et ministre de l'Intérieur en 1834.
La rue Hamelin (4), qui va de la rue de Lubeck à l'avenue Kléber, se trouve
à la hauteur de l'ancienne barrière des Bassins, point où le mur d'enceinte
décrivait un arc de cercle ayant pour efiet de faire abandonner au boulevard
(i) Sous le trottoir de la rue de Freycinet se trouve un escalier circulaire de i4'"t55
de profondeur (63 marches), construit en 1784, dans l'enceinte des réservoirs de la
pompe à feu de Chaillot, pour desservir les réseaux de l'inspection générale des
carrières. La longueur de la voie sous-minée, rue de Freycinet est de 99 mètres, outre
la venue d*Iéna et la rue de Chaillot; il s'y est produit quelques fontis, dont 3 venus à
jour en 1807 et 1812. La hauteur du sol au ciel de la carrière est de ii«»,07; la hauteur de
la galerie d'exploitation est de 3™4^-
(2) Sur le VIII« arrondissement, le percement de la rue de Bassano a supprimé, entre la
rue Vernet et Tavenue des Champs-Elysées, la rue du Château-des-Fleurs, qui avait été
créée en vertu d'un arrêté du conseil du roi du 21 août 1777 et qui servait de limite
orientale au promenoir de Chaillot.
(3) La longueur des voies sous-minées est de 42 mètres, devant les n*"*6, 8, 10 et 12 de
la rue de Bassano ; une carrière isolée s'y étend sous les propriétés des n«« pairs seulement.
Entre les rues Pauquet et Bizet, la distance du sol au ciel de la carrière est de i9™,95 : la
hauteur de la galerie d'exploitation est de 6™,5o.
(4) La longueur de la voie sous-minée est de 4^ mètres sous la rue Hamelin, à l'ori-
gine de la rue de Lubeck. La consolidation a été faite par remblais bourrés sur 20 mètres de
longueur. La distance du sol au ciel de la carrière est de i3"',70, et la hauteur de la galerie
d'exploitation est de 4™/^-
lb2 HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
de Passy (ancien boulevard extérieur) la direction de Tavenue Kléber et de
lui faire suivre celle de la rue Dumont-d'Urville. Elle a été ouverte avec une
largeur de 12 mètres, en vertu du décret du 17 septembre 1864; un autre
décret, du 24 du même mois, a sanctionné le traité passé entre la Ville et la
Société Thome et C*«, pour l'exécution du percement de cette rue, qui a reçu
son nom, par décret du 2 mars 1867, en l'honneur de Tamiral Ferdinand-
Alphonse Hamelin 11796-1864), neveu du contre-amiral Hamelin, mort en
1839. Il fut embarqué à onze ans sur la frégate la Vénus, commandée par son
oncle ; il prit part, à quatorze ans, enqualité d'aspirant, à la bataille du Grand-
Port, que Duperré livra à la flotte anglaise et qui nous rendit TIle-de-France;
il fut nommé enseigne en 1812, lieutenant de vaisseau en 1821, capitaine de
vaisseau en 1836, contre-amiral en 1842, vice-amiral en 1848. Pendant la
guerre de Crimée, il commanda la flotte française dans la mer Noire ; il fut
nommé amiral en 1854, ministre de la Marine en 1855 et grand chancelier de
la Légion d'honneur en 1860.
En septembre 1897, le pavage en pierre de la rue Hamelin a été converti
en pavage en bois (1).
La rue de Belloy a été ouverte à 12 mètres de largeur, en 1866, tant sur
l'emplacement des anciens réservoirs de Chaillot que de divers immeubles
acquis par la Ville (traité passé le 2 juillet 1866 avec la Société Thome et C^*).
Le nivellement a été fixé par l'arrêté du 7 novembre 1866; mais le classement
de cette rue comme voie publique n'a été prononcé que par le décret du
25 juin 1883, modifiant les alignements.
Le décret du 10 août 1868 a donné à cette rue sa dénomination en Thonneur
de Jean-Baptiste de Belloy (1709-1808), qui remplaça l'illustre évoque Belzunce,
à Marseille, en 1756, fut nommé archevêque de Paris en 1802 et cardinal en 1803.
La rue de Juigné^ longeant le terrain qui avait d'abord été réservé en vue
de la construction d'une nouvelle église à Chaillot et qui forme aujourd'hui*
la place des États-Unis, a été ouverte en 1866 par la Ville, sur l'emplacement
tant des anciens réservoirs de Chaillot que de divers immeubles acquis
conformément à un traité passé entre la Ville et la Société Thome et C'«. Le
décret du 10 août 1868 avait donné à cette rue sa dénomination en l'honneur
d'Antoine-Éléonore-Léon Leclerc de Juigné ;1728-1811), évoque de Châlons
en 1764, archevêque de Paris en 1781, qui fut député aux États généraux,
s'expatria et ne revint qu'en 1802 en France, où il passa ses dernières années
dans la retraite. La rue de Juigné ne porte plus ce nom actuellement, parce
qu'elle fait partie de la place des États-Unis, qui a été créée également en 1866
par la Ville, s'était d'abord appelée « place Galilée », avait reçu, par décret
du 10 février 1875, le nom de « place de Bitche », en mémoire de l'héroïque
défense de cette place pendant la guerre de 1870-1871, a été classée et alignée
par le décret du 25 juin 1883, et a reçu sa dénomination actuelle, par décret du
16 août 1881, en l'honneur de la grande république américaine. La place des
États-Unis, qui a 60 mètres sur 55, est ornée d'une statue de Washington
et La Fayette et renferme un jardin anglais. En 1897, le pavage en pierres de
la place des États-Unis a été converti en pavage en bois.
Le décret du 2 mars 1867 a donné le nom de Mozart à l'avenue devant être
ouverte entre la chaussée de la Muette et la rue de la Fontaine. Le décret du
(i) En 1902, recelé municipale de garçons de la rue Hamelin avait 242 élèves.
RUE MOZART l53
29 mai suivaut a déclaré d'utilité publique l'ouverture de cette voie, en spéci-
fiant qu'elle aurait 20 mètres de largeur ; qu'elle partirait du carrefour formé
à Auteuil par la rencontre des rues Poussin, des Vignes (Pierre-Ouérin), de la
Fontaine (La Fontaine) et de Magenta (Pierre-Guérin) ; enfin qu'elle aboutirait
au point de jonction des rues de la Pompe et de Boulainvilliers, avec forma-
lion d'un carrefour de dégagement à Tintersection de ces deux dernières rues
avec la rue de Passy.
Le percement de cette rue Mozart a été immédiatement commencé; mais
on n'a exécuté, sous le second Kmpire, que la partie comprise entre la rue
Bois-le-Vent et la rue de l'Assomption (1). On a ouvert, en 1876 et 1877, la
section qui s'étend de la rue de l'Assomption à la rue Ribéra, ainsi qu'une
amorce près de la rue La Fontaine ; on a fait, en 1881 , la partie qui s'étend entre
la rue Ribéra et la rue La Fontaine ; enfin on a mis en état de viabilité, de
juin 1895 h février 1897, la section comprise entre la chaussée de la Muette et
la rue Boîs-le-Vent.
On a donc mis près de trente ans à percer la rue Mozart (qui dessert
Auteuil et Passy), ce qui tient à ce que les travaux ont été interrompus fré-
quemment, et Ton peut dire que les prévisions n'ont pas encore été complète-
ment réalisées, car les ingénieurs de la Ville avaient projeté primitivement
de prolonger la rue Mozart jusqu'à la place du Trocadéro, afin de relier direc-
tement cette place avec Auteuil. On n'a pas exécuté jusqu'ici ce prolongement,
qui devait avoir 20 mètres de largeur, comme la rue Mozart ; plus on atten-
dra, et plus la dépense s'accroîtra, en raison des constructions qui s'élèvent
sur le tracé. On peut diviser ce prolongement en deux sections : la première
aboutirait à la place Possoz, où l'emplacement de la voie projetée est indiqué
par deux amorces; la seconde section couperait la rue Vital près de son inter-
section avec la rue Nicolo, la rue de la Tour entre la rue Bellini et la rue
Louis-David, la rue SchefTer à son intersection avec la rue Bellini; elle tra-
verserait la rue Pétrarque et, ce qui constitue une grave difficulté, le cime-
tière de Passy, pour rejoindre la place du Trocadéro, entre l'avenue Henri-
Martin et la rue Franklin, au point où le mur du cimetière de Passy a été
reconstruit, en lîKK), avec une forme à arcades, qui diffère de celle adoptée
pour les autres parties de ce mur de soutènement.
La dépense totale faite de 1807 à 1897, pour l'ouverture de la rue Mozart,
s'est élevée à ±47'2.655 francs ; la revente des terrains et des matériaux de
démolition ayant procuré une recette d'environ 7oO.O(K) francs, le sacrifice de la
Ville de Paris pour la création de cette voie peut être évalué à 1.700.000 francs-
Le compositeur Jean-Chrysostome-Wolfgaug-Amédée Mozart (1756-1791)
fut présenté à l'empereur d'Allemagne François 1" à l'âge de six ans ; il com-
posait déjà alors des pièces de clavecin et jouait à livre ouvert; il n'avait pas
encore huit ans quand il touchait l'orgue à Versailles ; il fut présenté l'année
suivante à la cour d'Angleterre. Il composait de mémoire, sans le secours du
piano, et jetait rapidement ses idées sur le papier ; il est l'auteur de DonJuan,
des Noces de Figaro, de la Flûte enchantée, d'une célèbre messe de requiem et
de beaucoup de symphonies.
(i) Les travaux de la rue Mozarlonlclé dirifçés de i806i\ i8G8 par M. l'ingénieur Ernest
Rousseau et M. le conducteur Maliieu; on 187G et 1878, par M. l'ingénieur Harlet ol M. le
conducteur Lomprez; en 1881, par M. l'ingénieur CluKiuet et M. le conducteur Holy; en
i8g6, par M. ringénieur Babinet et M. le conducteur Chevallier.
l54 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Le décret du 21 novembre 1901 a modifié les alignements à Tangle de la
rue Mozart et de la chaussée de la Muette.
Vimpasse Mozart, qui a son entrée au n** 36 de la rue Mozart, à peu de dis-
tance de la rue du Ranelagh, n'a qu'une largeur de l"',^^ sur une longueur
de 28 mètres et était précédemment nommée « impasse de la Chaise ». C'est le
restant d'une ancienne sente, dite de la Chaise, qui avait été classée comme
chemin public rural par arrélé du 5 octobre 1857 ; elle commençait à la rue
de la Glacière (ensuite rue Davioud) et arrivait au lieu dit La Chaise (Beau-
séjour). Une grande partie de son étendue s'est trouvée supprimée par suite
du percement de la rue Mozart. Le nom d'impasse Mozart a été substitué à
celui d'impasse de la Chaise par l'arrêté du 3 septembre 1869.
Le décret du 2 mars 1867 a donné le nom de rue Largiiiière à la voie à
ouvrir entre la rue Mozart et le boulevard Beauséjour ; un autre décret du
29 mai de la môme année a déclaré d'utilité publique l'ouverture de cette rue,
qui a été immédiatement exécutée : 1° sur un emplacement appartenant à la
Ville et précédemment occupé par le service municipal des promenades et
plantations ; 2** sur des terrains appartenant à la Société Ileugel et G**.
Nicolas Largiiiière (1656-1746) fut d'abord attaché, en Angleterre, à la per-
sonne du roi Charles II ; la protection de Van der Meulen, peintre historio-
graphe de Louis XIV, lui procura des commandes de portraits en France ;
Charles Le Brun le prit en amitié. La vérité du coloris, la fraîcheur du ton
et la légèreté de touche de Largiiiière le firent surnommer le Van Dyck
français. Il entra, en 1686, à l'Académie de peinture, dont il devint ensuite
chancelier. On lui doit un ex-voto qui décore l'église Saint-Étienne-du-Mont,
le Repos, donné à Louis XIV par la Ville de Paris, en 1687, et le Mariage du
duc de Bourgogne en 1697 ; il a fait 1.500 portraits.
Au n*" 4 de la rue Largiiiière, à l'angle de la chaussée de la Muette, se
trouve l'habitation que s'était fait construire M. l'architecte Lheureux, mort
récemment ; il a dirigé l'agrandissement de l'École de droit, avec nouvelle
façade sur la rue Saint-Jacques. Si on entre dans cette maison, on voit du
jardin une construction originale : trois corps de bâtiment reliés à gauche
par une tour à deux étages, qui sert d'escalier et à laquelle s'adosse une
rotonde. La description de cette habitation se trouve à la page 821 de Y Ency-
clopédie d'architecture, publiée par Mme veuve Morel et C''.
La villa Herran, qui a son entrée rue de la Pompe, au n* 85, a été formée
en 1867 par M. Herran (1).
La villa de Longchamp a son entrée sur la rue de Longchamp, entre le
n* 36 et le n" 38, près de l'avenue Kléber ; c'est une voie privée qui n'a que 2'',50
de largeur et qui constitue une rectification d*un ancien chemin de Chaillot,
qui était dénommé « ruelle du Bouquet-des-Champs », était coudé et avait
une largeur variant entre 1 mètre et 3"', 50. Cette rectification avait été dénom-
mée rue Rigaud (2) par le décret du 27 février 1867. Les propriétaires lui ont
donné, en 1887, le nom de villa de Longchamp.
(i) Voir p. itfi pour la rue Herran. La longueur de la voie >*ous-nunée est de 20 mètres
à partir de la rue de la Pompe ; la distance du sol au ciel de la carrière est de 8™,55, et la
hauteur de la galerie d'exploitation est de 5 mètres. Quelques fontis s'étaient manifestés;
la villa Herran a été consolidée par les propriétaires de cette voie privée.
(2) Hyacinthc-F'rançois-Honoré Rigaud (iGTkj-ij^S) a été directeur de rAcadémie de
peinture en 1735 ; le Louvre a de lui le Martyre de saint André, les portraits de Lebrun et
de Mignard.
HUE FOUCAULT l55
La rue Niiot a été ouverte sur une propriété de la famille Nitot. Le terrain
de 75.000 mètres carrés, clos de murs, compris entre la rue de Cbaillot et
Tancien mur d'enceinte, avait été acheté en 1810 par M. Nitot, un des bijou-
tiers fournisseurs de Napoléon I*' (1) et était connu sous le nom de clos
Nitot. Un banquet réformiste y fut donné en 1848. Le décret du 13 mars 1869
a autorisé le colonel Nitot, le comte Treilhard, conseiller d*État, le sénateur
Boittelle et le baron d'Erlanger, alors propriétaires du clos Nitot, à ouvrir
sur leurs terrains et suivant les alignements fixés par ledit décret, une rue
de là mètres, destinée à faire communiquer la rue de Lubeck avec la place
Galilée (place des États-Unis), à charge par eux d'abandonner gratuitement
à la Ville de Paris le sol de la rue projetée et de se soumettre aux autres
conditions énoncées dans leurs soumissions de fin 1866 et du 8 novembre 1868.
L'arrêté du 20 juillet 1868 avait donné à cette nouvelle voie le nom de rue
Nitot.
Le percement de la rue Le Nôtre, avec une largeur de IS mètres, est indi-
qué sur le plan annexé à la loi du 28 avril 1869, approuvant la convention
passée entre l'État et la Ville de Paris pour la place du Roi-de-Rome (place
du Trocadéro) et ses abords. Cette rue a une pente très rapide ; le décret du
10 novembre 1877 lui a donné sa dénomination en l'honneur d'André Le
Nôtre, architecte et dessinateur de jardins (1613 1700), fils d un surintendant
des Tuileries. Ayant succédé à son père, il fit planter la grande allée des
Tuileries, dessina pour Fouquet le parc du château de Vaux, créa l'immense
parc de Versailles et les jardins de Trianon, ceux de Chantilly, Saint-Cloud,
Meudon et Sceaux, ainsi que la terrasse de Saint-Germain, les canaux du
parc de Fontainebleau et la promenade d'Amiens. Louis XIV lui conféra le
cordon de Saint-Michel et voulut lui donner des armoiries : « Des armoiries,
répondit Le Nôtre, j'ai déjà les miennes : trois limaçons couronnés d'une
feuille de chou. »
La rue Théry est une voie privée, ouverte en 1869, avec une largeur de
12 mètres, sur des terrains appartenant à M. Théry, fabricant de chocolat.
La rue Détrousse a été ouverte, comme voie privée, en 1869, avec une lar-
geur de 12 mètres, par la Société Latessieur de Launay, dont un des princi-
paux actionnaires était M. François-Hubert Debrousse (1817-1878), qui a
construit plusieurs chemins de fer (ligne de Picardie et Flandres, Compagnie
franco-algérienne). Le décret du 29 novembre 1901 a classé la rue Debrousse
au nombre des voies publiques et en a fixé les alignements.
La rue Foucault a été ouverte, vers 1874, par la Ville de Paris, avec
12 mètres de largeur ; le nivellement y a été fixé par l'arrêté du 13 octobre 1874
et elle a été classée au nombre des voies publiques par le décret du 7 juil-
let 1884, qui en a fixé les alignements. Sa dénomination lui a été donnée par
le décret du 10 novembre 1877, en mémoire de Jean-Bernard-Léon Fou-
cault (1819-1868), physicien et membre de l'Académie des Sciences. La hau-
teur des maisons de la rue Foucault est limitée à 14™,30.
Foucault a fait, de 1850 à 1852, des expériences qui ont été fort remar-
quées et qui rendaient visible le mouvement de rotation de la terre. Si on fait
osciller un pendule, il se déplace dans un même plan vertical ; il se meut
donc dans un plan invariable, pendant que la terre tourne. Pour l'observateur
(i) Voir p. 442 rarticle de M. Emile Potin intitulé : « Une Rue de Chaillot ».
l56 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
placé sur la terre, c*est le plan d'oscillation du pendule qui paraît se déplacer
d'orient en occident, c'est-à-dire en sens inverse du mouvement de la terre.
Comme le disait Foucault, dans son feuilleton scientifique du Journal des
Débais, « le mouvement apparent du pendule révèle au spectateur le mouve-
ment réel du globe qu'il habite». Le pendule de Foucault était constitué par
un fil d'acier d'environ 70 mètres de longueur, fixé par un bout au sommet
de la voûte intérieure de la coupole du Panthéon et portant, à l'autre extré-
mité, une boule de plomb d'environ 30 kilogrammes, traversée par une tige
de cuivre et munie d'un style d'acier. En raison de sa grande longueur, le
pendule mettait IG secondes à revenir au point d'où il était parti ; la terre
continuant pendant ce temps à tourner, le pendule répondait à une autre
division du cercle, de 8 mètres de circonférence, au-dessus duquel il oscillait,
et chaque oscillation double du pendule correspondait à un déplacement
d'environ 2 millimètres et demi. Pour manifester ce déplacement, on avait
garni le pourtour du cercle d'une couronne de sable, posée sur le dallage du
monument, à l'intérieur d'une balustrade circulaire qui en séparait le public ;
une brèche était pratiquée dans cette couronne de sable par une pointe fixée
à la boule du pendule. Les expériences du pendule de Foucault seront refaites
au Panthéon en 1902, sous la direction de M. Camille Flammarion, secrétaire
général de la Société astronomique de France, directeur de l'observatoire de
Juvisy, auteur de la Pluralité des mondes habiles, et de M. Berçet, directeur
du laboratoire de M. Lippmann à la Sorbonne. L'appareil sera installé sous
la coupole par les soins de M. Nénot, architecte de la Sorbonne. Le fil d'acier,
qui aura un diamètre de 72 centièmes de millimètre, sera retenu au repos
par un fil de chanvre qu'on enflammera pour le rompre et mettre l'appareil
en mouvement.
La villa de la Tour a été formée, à partir de 1874, par M. Souchier, pro-
priétaire des terrains qui appartenaient depuis longtemps à sa famille ; il
était maire de Chantilly à l'époque de son décès, survenu en 1891. Pendant
la nuit, cette villa est fermée par des grilles ; elle appartient actuellement
aux propriétaires des neuf maisons qui y ont été construites. Elle forme un
coude et n'avait primitivement d'entrée que sur la rue de la Tour, au n*» 96 bis;
mais M. Souchier lui a donné ensuite une seconde entrée sur la rue Eugène-
Delacroix, en autorisant la construction de deux maisons en façade sur cette
rue, sous la condition de laisser un passage libre d'une largeur de 4 mètres ;
cette largeur est celle qui existe entre les clôtures des diverses maisons de la
villa ; mais les actes de propriété interdisent d'élever des constructions sur
les jardinets, de sorte que la distance minima entre les façades des maisons
(excepté les deux qui donnent sur la rue Eugène-Delacroix) est de 9",67 sur
la partie perpendiculaire à cette rue Eugène- Delacroix, et de 10 mètres sur la
partie perpendiculaire à la rue de la Tour. 11 résulte des actes de propriété
que la villa doit être habitée bourgeoisement ou par des personnes y établis-
sant seulement leurs bureaux ; — que les murs sont mitoyens jusqu'à la hau-
teur des constructions pour les parties construites, et jusqu'à la hauteur d'hé-
bergé pour les parties non construites ; — que les propriétaires ont à leur
charge les gages du concierge de la villa, l'entretien du pavillon qui lui sert
de logement, celui des grilles, de l'égout commun, des trottoirs et des pavages.
Il était stipulé, en outre, qu'en cas de décès de M. Souchier, comme dans le
cas où il ne serait plus propriétaire d'un seul terrain de la villa, l'adminls-
BOULEVARD DELESSERT ibj
tralion de ladite villa passerait entre les mains d*un syndicat des proprié-
taires. Cette éventualité s'étant réalisée, un acte constitutif de syndicat a été
enregistré le l'*^ octobre 1895 ; les propriétaires syndiqués ont établi entre eux,
par un acte que Tauteur a rédigé en 1899, des servitudes réciproques, ayant
pour but de limiter les saillies permises sur les façades et, pour mieux assurer
Taérage, d'adopter pour la hauteur des bâtiments des maxima un peu infé-
rieurs à ceux qui résultent des règlements de voirie en vigueur à Paris.
La rue Fresnel a été ouverte en 187G par la Ville de Paris, avec une largeur
de 12 mètres ; le décret du 10 novembre 1877 en a fixé les alignements et lui
a donné le nom d*Augustin-Jean Fresnel (1788-1827), qui entra, à seize ans et
demi, à TÉcole polytechnique et fut nommé ingénieur des ponts et chaus-
sées. Il commença en 1816 ses études sur la lumière, qu'il n'a plus interrom-
pues jusqu'à sa mort; il fut élu, à Tunanimité, membre de TAcadémie des
Sciences en 1823. Il est Tinventeur des phares lenticulaires et a fondé ainsi,
avec Topticien Soleil, une industrie nouvelle, demeurée depuis essentielle-
ment française; ces appareils lenticulaires ont été successivement adoptés
pour réclairage des côtes du monde entier.
Le coude et surtout les déclivités excessives de la rue Beethoven rendaient
extrêmement difficiles les communications entre Passy et le quai de la Seine.
Le conseil municipal de Passy émit, le 7 août 1842, un vœu en faveur de
l'adoption du projet qui avait été présenté, le 13 mars de la même année, par
M. le baron Benjamin Delessert, en vue de diminuer les pentes et de per-
mettre un meilleur accès de la montagne de Passy. ('e projet fut modifié par
les ingénieurs des ponts et chaussées et présenté par eux sous le titre de
« rectification de la route départementale n** 2 de Paris à Saint-Cloud » ; on
sait que cette route empruntait la rue Beethoven et la rue de Passy. Le projet
ainsi modifié fut approuvé par une délibération, en date du 30 juin 1844, du
conseil municipal de Passy, qui accorda, le 2 août 1845, une subvention de
40.000 francs, à laquelle M. le baron Benjamin Delessert (1) ajouta un don de
50.000 francs. Cette rectification fut autorisée par l'ordonnance royale du
4 juin 18-46 et exécutée, en 1847, sur des terrains qui avaient dépendu origi-
nairement du couvent des Bonshommes. Elle forma la rue Benjamin-Deiesseri,
qui constituait un prolongement de la rue des Batailles (actuellement avenue
dléna).
L*aménagement du parc du Trocadéro entraînait Touverture d'une large
voie pour relier directement la rue de Passy au centre de Paris ; il suffisait
pour cela de prolonger le débouché offert par l'avenue d'iéna. Un décret du
17 mai 1876 prescrivit donc l'ouverture d'un boulevard de 30 mètres de lar-
geur, pour remplacer la rue Benjamin-Delessert et une partie de la rue
Beethoven. Ce boulevard (2), qui supprimait la rue Benjamin-Delessert, en
rélargissant et en la transformant, devait d'abord se nommer « boulevard
Benjamin-Delessert » ; mais on décida ensuite qu'il porterait simplement le
nom de « boulevard Delessert », afin de rappeler les services rendus non
seulement par Benjamin Delessert, mais encore par (labriel Delessert et par
(0 Voir aux annexes (p. 343) la biographie de Delessert, par M. Léopold Mar.
(a) Voir dans la Revue bleue du 3o avril 1892, page 555, un article de M. Léo Claretie
mentionnant les relations de Jean-Jacques Rousseau avec la famille de Lcsscrt (ancienne
orthographe du nom des Delessert).
l58 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
tous les autres membres de cette famille qui, originaire de Lyon, s'était fixée,
dès le xviii" siècle, ^ Passy.
Les travaux du boulevard Deiessert (1), qui ont été terminés au commen-
cement de 1877, ont donné lieu à une dépense de L691.479 francs.
La plantation du boulevard Uelessert a présenté des difficultés parti
culières : du côté des numéros pairs, elle est faite dans un banc de roche
calcaire et y a exigé l'ouverture d'une tranchée de 3 mètres de largeur sur
1 mètre de profondeur, destinée à être remplie de terre végétale; du côté des
numéros impairs, les arbres ont été plantés dans le remblai du boulevard,
mais également dans une fouille continue de 3 mètres de largeur, parce que
les déblais, plus ou moins rocheux ou calcaires, qui formaient ce remblai,
étaient peu favorables à la végétation (2). Le boulevard Deiessert a été muni,
en 1901), de becs à incandescence.
Une avenue devant relier la place du Trocadéro à la porte Dauphine et
porter le nom d' « avenue du Prince-Impérial » avait été projetée sous le
second Empire (décret du ^9 mai 1866). C'est seulement en 1877 qu'une amorce
de cette voie a été exécutée sur une longueur de 97 mètres à partir de la place
du Trocadéro, et avec une largeur de 36 mètres. La partie comprise entre
l'extrémité de cette amorce et le rond point de Longchamp a été construite
en 1887 et 1888 avec une largeur (3) de 16 mètres et moyennant une dépense
de 339.193 francs. L'arrêté du 9 déceinbre 1883 a donné à cette voie le nom
d'avenue d'Eylau (qui avait été précédemment attribué à l'avenue Victor-
Hugo), en mémoire de la victoire remportée le 7 février 1807 par la Grande
Armée sur les Russes et les Prussiens, qui perdirent iO.OOO hommes, 18 dra-
peaux et 16 canons.
L'ambassade de Siara a quitté, en mai 1900, le n** i\ de la rue Pierre-
Charron et a été transférée avenue d'Eylau, n" 14, dans un hôtel construit
exprès pour elle.
U impasse des Prêtres est une voie privée, située avenue d'Eylau, 37.
La rue Chardin a été construite, en 1876, par la Ville de Paris, avec une
largeur de 12 mètres. Elle a reçu ce nom, par arrêté du 10 novembre 1877, en
l'honneur de Jean Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779), membre de l'Aca-
démie de peinture à 28 ans, qui passe pour un modèle de grâce simple,
d'observation naïve et de fine bonhomie; il est l'auteur du Benediciie, que
possède le Louvre, et de divers tableaux représentant des scènes d'intérieur,
curieuses pour l'histoire du costume de la classe moyenne au xviii'- siècle.
La passerelle de Passy, ou « pont de Passy », se trouve dans le prolonge-
ment de l'axe du boulevard de Grenelle et franchit les deux bras de la Seine,
séparés par l'île des Cygnes. Elle eut, tout d'abord, pour objet de remplacer,
dans l'intérêt des piétons, le pont d'Iéna, affecté exclusivement à l'usage des
personnes qui visitaient l'Exposition universelle de 1878 et elle a été conser-
vée, après la clôture de celte Exposition, parce que l'expérience avait démon-
tré qu'elle était fort utile pour la circulation du public (i). La faible altitude
(i) Ces travaux ont été dirigés par M. Tingt^nieur Barlct et M. le conducteur Lomprez
(a) Les travaux ont été dirigés par M. Rousseau, alors ingénieur et depuis inspecteur
général des ponts et chaussées.
(3) Les travaux ont été dirigés par M. Tingénieur Babinet et M. le conducteur Lepel-
tier.
(4) Mon article sur « la Seine entre le pont d'Iéna et le viadilc dVVuleuil », donnant des
indications sur la passerelle de Passy, est reproduit aux annexes, p. 365.
MUSÉE GALLIÉRA iBg
des quais, aux abords de cet ouvrage, n'a pas permis de le rendre accessible
aux voitures ; il ne constitue donc qu'un simple passage pour piétons, ayant
6"»,50 de largeur entre les garde-corps et une longueur totale de 249 mètres.
Cette passerelle, à laquelle on accède par des escaliers de treize marches, a
été livrée (1) à la circulation le li avril 1878 et a coûté 420.000 francs. Cet
ouvrage sera remanié prochainement, en vue de livrer passage aux trains de
la ligne circulaire du chemin de fer métropolitain de Paris, sur un pont mo-
numental, pour la travée métallique duquel un concours a été ouvert entre
les constructeurs, conformément à une délibération du conseil municipal en
date du 26 janvier 1902.
La rue Galliéra et la rue de Brignole, ayant 12 mètres de largeur, ont été
ouvertes, en 1878 et 1879, par Mme la duchesse de Galliéra et classées par le
décret du 30 août 1879, portant que tous les frais de mise en état de viabilité
seront acquittés par la dame Marie Brignole-Salle, duchesse de Galliéra,
veuve de Raphaël de Ferrari, duc de (ialliéra, conformément aux clauses et
conditions d'un acte notarié, reçu par M** Delapalme, notaire à Paris, le 31 oc-
tobre 1878. Suivant cet acte, la duchesse cédait gratuitement à la Ville partie
d'un terrain de 17.t)00 mètres carrés, situé entre l'avenue du Trocadéro, la
rue de Morny (actuellement Pierre-Cliarron) et la rue de Freycinet, pour
l'ouverture de deux rues nouvelles (Brignole et Galliéra), l'établissement d'un
square et la construction d'un musée public, à édifier aux frais de la duchesse,
qui y placerait des statues, des tableaux et autres objets d'art qu'elle avait
alors l'intention de léguer à la Ville.
Le musée Galliéra est compris entre les rues Pierre Charron (où se trouve
l'entrée principale), Brignole, Galliéra et l'avenue du Trocadéro, qui donne
accès au square dont le frais décor encadre si bien ce monument princier (2) ;
la superficie du musée et du square est d'environ 9.800 mètres carrés. Le
musée est devenu propriété municipale à la date du 1*"^ juillet 1894; l'ouver-
ture a eu lieu en avril 1895.
De son vivant, la duchesse de Galliéra, qui a attaché son nom à tant
d'œuvres artistiques ou charitables, avait formé le projet de léguer à la Ville
de Paris sa galerie de tableaux. Mais au cours des travaux, la Ville ayant
laïcisé ses écoles, cette décision fit revenir la duchesse sur sa détermination
et, ne pouvant retirer la donation en tant que monument, elle conserva du
moins la propriété de ses tableaux, dont la collection est restée dans son
palais de Gênes. La Ville se trouvant, dès lors, dans l'obligation de garnir le
musée, dut en changer la destination. Elle y fit placer des tapisseries anciennes
qui proviennent de Beauvais, Aubusson, Lille, Bruxelles et Turin, et dont la
valeur est estimée à 2 millions et demi. C'est au musée Galliéra que le prési-
dent de la République Félix Faure inaugura l'exposition de portraits de
femmes et de dentelles organisée par la crèche du XVl*' arrondissement.
L'exposition des œuvres de Corot, faite à l'occasion de son centenaire, s'y
tint également. On y a installé des statues achetées aux différents salons, des
émaux, des grès, des porcelaines, etc.
(i) C<ît ouvrage a été dirigé par M. l'inspccleur général Huet et M. l'ingénieur Bartct;
la partie métallique a été exécutée par la maison Caii.
(2) Voir à la page ^ du i'' volume du Bulletin un exlrait du journal C Éclair ^ du ii jan-
vier 18981 sur le musée Galliéra. Divers détails rapportés ici sur ce musée sont extraits
d*une description qui en a été donnée dans k Magasin piltoresquet
iiisToiiiE nv xvr
Par délibération du 30 novembre lOiiO, le conseil municipal de Paris a
décidé, sur la proposition de M. le consL'ilIcr Ouentin-Raucluirt, président
de la commission du Musée, que •■ de^exposi lions périodiques d'art industriel
RUE BERLIOZ t()l
auront lieu au musée Galliéra; elles comprendront les travaux des meilleurs
élèves des écoles professionnelles de la Ville de Paris et aussi les œuvres d'art
produites dans les sections du meuble, du métal et autres, par les ouvriers
de nos faubourgs ». 11 se fabrique, en effet, à Paris, notamment au faubourg
Saint-Antoine et au Marais, des œuvres de premier ordre qu'il est utile de faire
connaître. La transformation officielle du musée Galliéra en un musée d*art
industriel moderne (1) a eu lieu le 22 juin 1901. Les premiers objets exposés
comprenaient des bronzes, des étains, des céramiques, etc. On n'admet que
les œuvres seules des ouvriers mômes, et non les produits mis en vente par
les maisons de commerce. Le conseil municipal de Paris a voulu ainsi réha-
biliter Tart industriel et démontrer la parfaite compatibilité du beau et de
l'utile, de la valeur économique d'un objet et de son intérêt esthétique. Ou
créera chaque année, au musée Galliéra, des expositions se rattachant cha
cune à une branche plus particulière de l'art industriel : on y a fait en 1902
une exposition de reliures d'art modernes, qui a eu le plus grand succès.
Les recherches sont facilitées avec beaucoup de compétence et d'amabilité
par M. Formentin, nommé conservateur du musée sur la demande expresse
de M. Philippe Ferrari, fils de la duchesse de Galliéra. 11 était tout désigné
pour ces délicates fonctions.
Le palais a été élevé sous la direction de M. Léon Ginain, de l'Institut,
architecte de la Ville, qui s'est inspiré des styles italien, grec et arabe, ainsi
que du palais de Gènes. Les constructions, commencées le 28 mai 1879, ont
été terminées le 27 février 1894. La duchesse de Galliéra est décédée le
6 décembre 1888 ; elle n'a donc pas vu l'achèvement du monument, qui lui a
coûté 6 millions 500.000 francs. Les fondations ont 20 mètres de profondeur.
De la porte monumentale, qui donne accès à la rue Pierre-Charron, deux
larges portiques soutenus par vingt-six colonnes forment une enceinte demi-
circulaire ; des balustrades à l'italienne couronnent la ligne de faite. La façade
méridionale qui regarde la Seine est percée de trois larges fenêtres cintrées
occupant tout l'édifice principal, dans lequel se trouve la galerie. En péné-
trant par le square, on voit trois statues représentant l'architecture au centre,
la sculpture à droite et la peinture à gauche ; ces trois statues, dues à
MM. Chapu, Thomas et Cavelier, sont séparées par six colonnes corin-
thiennes. La porte en acajou qui sépare le vestibule de la grande salle cen-
trale est sculptée d'une manière très remarquable et a coûté 9.000 francs.
La rue Berlioz est une voie privée, qui va de la rue Pergolèse à la cité du
Redan, et se trouve à peu de distance de l'avenue Malakofï ; cette rue a été
ouverte en 1879, avec une largeur de 10 mètres, par MM. Romain, Boulanger,
Morel, Philippon et Durst-Wild, qui lui donnèrent le nom de Louis-Hector
Berlioz (1803-1869), critique musical et compositeur, membre de l'Institut.
Dans sa jeunesse, Berlioz avait abandonné la médecine pour s'adonner à la
musique. Ce fut la cause d'une lutte avec sa famille, et il se vit obligé, pour se
créer des ressources, de donner des leçons de flûte et de guitare, instruments
auxquels il est resté constamment fidèle et dont il s'est uniquement servi
en composant. Il est l'auteur de la Damnation de Faust, des Troyens et de
beaucoup d'autres œuvres originales.
(i) Voir le BuUelin municipal officiel du 2G juin 1901.
11
I2 IIISTOinii: DU XVI" \RHONr»ISSF.MKNT
Les bâtiments de la Pelite-Muetle (i) ont éié séparés du château et du
(Colleclion (le «. Éni. Polin.)
grand parc par suite delà cunstruction du chemin deferd'Auleuil ; I' « avenue
(1) Voir aux nniicxos (p. 4{») une nule sur lu ili-iiioliliiHi <lo In PctilcMuolIc.
RUE OCTAVE-FEUILLET l63
de la Petite Muette « était une voie privée, formée, lors de rétablissement de
ce chemin de fer, pour desservir les propriétés résultant du morcellement de
la Petite-Muette, et pour leur donner un débouché sur. la rue de la Pompe.
Ce qui restait des bAtiments de la Petite-Muette fut démoli en 1891. La rue
Gusiave-Nadaud, qui va de la rue de la Pompe au boulevard Émile-Augier,
a absorbé la plus grande partie de Tancienne avenue de la Petite-Muette; le
surplus a été annexé au boulevard Émile-Augier par Tarrôté préfectoral du
i8 décembre 1894. Le décret du 8 janvier 1895 a donné à la nouvelle rue,
conformément à la demande présentée par la Société historique d'Auteuil et
de Passy, le nom du célèbre chansonnier Gustave Nadaud (1840-1893), qui
habitait, dans le voisinage, le n*" 63 de la rue de Passy; Roubaix, sa ville
natale, lui a élevé un monument (1). La rue Gustave-Nadaud est traversée
soulerrainement par le chemin de fer de (llourcelles aux Invalides.
A droite du chemin de fer d'Aitleuil et parallèlement au boulevard Émile-
Augier, on avait amorcé, auprès de l'avenue Henri-Martin, sur une longueur
de 53 mètres, un boulevard, qui a été achevé de décembre 1898 à juillet 19()0,
en môme temps qu'on élargissait la plate forme du chemin de fer, pour y
porter le nombre des voies de deux à quatre. Cette voie a été dénommée,
en 1893, boulevard Jides-Sandeaii, en l'honneur de Jules Sandeau (1811-1883),
membre de l'Académie française, ('et auteur a donné au Théâtre-Français,
en 1851, Mademoiselle de la Seiylière, et, en 185i, avec Emile Augier, le Gendre
de Monsieur Poirier: plus tard, Jean de Thommeray,
C'est aussi de décembre 1898 à juillet 1904) qu'on a percé et mis en état de
viabilité les rues deslinées à desservir le nouveau quartier devant être bâti
sur l'emplacement de l'ancien Fleurisle de la Muette, savoir :
La rue Guy-de-Maupassanl, prolongeant la rue de Siam jusqu'au boulevard
Éraile-Augier ; \arue Edmond Abouti prolongeant la rue Mignard, également
jusqu'au boulevard Émile-Augier ; la rue Oclave-Feuillel (2), longeant le parc
de la Muette depuis l'avenue Henri-Martin jusqu'au pont par-dessus le che-
min de fer ; elle établit une communication avec le boulevard Émile-Augier;
la rue Eugène-Labiche et la rue de Franqueville, qui vont de la rue Octave-
Feuillet au boulevard Jules-Sandeau (3).
Les noms de ces dernières rues ont été donnés en l'honneur de M. le comte
de Franqueville, propriétaire du château de la Muette; d'Edmond About
(1828-1885), qui a été directeur du journal le AVA" Siècle jusqu'à sa mort,
survenue peu de temps après son élection et avant sa réception à l'Académie
française ; de l'auteur dramatique Eugène Labiche (1815-1888), à qui on doit
tant de pièces spirituelles ; du célèbre romancier Octave Feuillet (1821-1890),
(i) Voir aux annoxos ;p. /,4^,) l'article sur le monument de Gustave Nadaud, ainsi que
Tarlicle intitulé : « L'Œuvre de Nadaud «, par M. Emile Potin. Voir également la confé-
rence de M. Léo (Maretie sur Gustave Nadaud, pp. 227 ù 234 du 1®' volume du Bulletin^ et
les articles publiés le 29 avril 1898 dans le Petit Journal et, le lendemain, dans lEsta-
fette.
{'?.) L'hôtel construit h la rue Octave-Feuillet par M. l'architecte Arnoud a été primé
par la Ville au concours de façades de igcx). 11 est dit, dans le rapport du jury, que cet
hôtel est très harmonieux dans l'ensemble de ses proportions, la silhouette de sa toiture
et la forme de ses baies; que sa t^rande lucarne centrale, très puissante, cmironne bien
tout le motif du milieu, (jui est légèrement en encorbellement; enfin, que l'ensemble forme
une excellente façade d'hôtel particulier, d'un aspect noble et confortable.
(3) Ces travaux de voirie ont été exécutés sous la direction de M. l'inspecteur général
Boreux et de MM. les ingénieurs Dabinet et Bret.
l64 HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
membre de l'Académie française ; et, enfin, du romancier Henri-René-Albert-
Guy de Maupassant (1850-1893).
On peut encore citer les rues suivantes comme ayant été percées pendant
la seconde moitié du xix*' siècle à Passy:
La rue Crevaiix, ouverte entre l'avenue du Bois-de-Boulogne et l'avenue
Bugeaud, et classée par le décret du 16 janvier 1882, portant que la dépense
des travaux de viabilité, d'éclairage et de conduite d'eau pour cette voie sera
supportée par la Société foncière lyonnaise, conformément à l'engagement
souscrit en son nom le22 janvier 1881. La dénomination de cette rue lui été
donnée par arrêté du28août 1882, en l'honneur du docteur Crevaux (1858-1881),
explorateur massacré, sur un affluent du Paraguay, par les Indiens Tobas;
le récit de ses quatre voyages a paru dans ie Tour du Monde, La municipalité
de Buenos-Ayres a voté une allocation de i.OOO francs pour élever à Crevaux
un monument dans le cimetière du Nord. La rue Guslave-Courhet, de 12 mètres
de largeur, a été ainsi dénommée par décret du 3 décembre 1885, en Thon-
neur du peintre (justave Courbet (1819-1877), chef de l'École de peinture
réaliste. Elle a été classée et alignée par le décret du 25 octobre 1887; elle a
été ouverte en 1882 par la Compagnie foncière de France. La rue de r Amiral-
Courhet, voie privée de 12 mètres de largeur, allant de l'avenue Victor-Hugo,
n° 1(K), à la rue de la Pompe, n° 150; elle a été ainsi nommée en Thonneur du
vice-amiral Ainédée-Anatole-Prosper Courbet (1827-1888), qui s'est illustré
par ses campagnes en Extrême Orient. La rue Bugeaud est une voie privée,
qui va de la rue de l'Amiral-Courbet à l'avenue Bugeaud. La rue Lëonce-JRei,-
naud, ouverte en 1884, a été classée et alignée, avec moindre largeur de 12
mètres, par le décret du 31 octobre 1893. Son nom lui a été attribué, par le
décret du 3 décembre 1885, en l'honneur de Léonce Reynaud (1803-1886),
inspecteur général des ponts et chaussées et professeur d'architecture, qui a
construit un grand nombre de phares sur les côtes de France et dirigé pendant
32 ans le service des phares, dont le dépôt est placé dans le voisinage et a
son entrée principale sur l'avenue du Trocadéro. La rue de Sfax, qui porte
un nom tunisien, s'était appelée, pendant quelque temps, urue Vaudoyer »;
elle a reçu sa dénomination actuelle par arrêté préfectoral du 27 février 1886 ;
elle a été classée, alignée et nivelée par arrêté du 10 janvier 1891 ; elle a reçu
le nom d'une ville de Tunisie, pi'ise par les troupes françaises le 16 dé-
cembre 1883.
La villa Sponlini, située rue Spontini, 37, est une voie privée qui a été
ouverte en 1884. La rue du Bois de Boulogne, voie privée, a été ouverte, en
1888, par M. Gâteau; lorsque cette rue sera classée, son sol devra être cédé
gratuitement à la Ville. Le square du Bois-de-Boulogne, voie privée, a été
fondé par MM. Bechet, Delhomas et (]'% Courbée et Godard ; il a été ouvert,
le 6 mars 1863; suivant le décret du 13 août 185i, il ne peut y être exercé
aucun commerce ni aucune industrie, si ce n'est en vertu d'une autorisation
du préfet de la Seine, qui en détermine les conditions, et ces autorisations sont
toujours révocables. La villa Michon, voie privée, a été ouverte en 1890 par
M. Michon; l'hôtel du ministre du royaume des Pays-Bas se trouve au n** 6 de
la villa Michon (entrée par la rue Boissière, 29). La rue LéoDelibes a été
construite en 1891 par la Société civile des terrains de l'avenue Kléber, qui
a cédé gratuitement le sol de cette rue à la Ville. Elle a été classée comme
voie publique par le décret du 10 juin 1893. Elle a été ainsi nommée en Thon-
RUE MÉRIMÉE l65
neur de Cléraent-Philibert-Léo Delibes (1831-1891), membre de l'InsUtut; ce
compositeur a donné à l'Opéra divers ouvrages, notamment le ballet de Sylvia
et celui de Coppélia. La rue de Sonlay s'appelait précédemment « rue Lefuel »;
Tarrôté du 20 février 1886 lui a donné le nom d'une ville du Tonkin, prise par
Jes troupes françaises le 10 décembre 1883. La rue Weber, précédemment
« rue Niison », a reçu par décret du 11 mars 1886 sa dénomination actuelle en
rhonncur du célèbre compositeur Charles-Marie-Weber (1786-1826), auteur
du Freyschùlz eid'Obéron, La rue Yvon deVUlarceau porte le nom de TaK-
tronome (1813-1883). La rue de Siuniy construite en 1884 par une Compagnie
d'assurances, a rer/u ce nom parce que Tambassade du royaume de Siam y
était autrefois établie; elle a été bâtie sur remplacement d'un hôtel qui a
appartenu au comte de Las Cases, auteur du Mémorial de Sainle-Helcne, et
qui a été ensuite occupé, après Ja dernière guerre carliste, par Don Carlos,
duc de Madrid, prétendant au trône d*Espagne.
La rue de Lola, qui commence rue de Longchamp, 137, et finit en impasse^
est une voie privée, ouverte en 1894 par MM. Dehaynin etOubbay. La maison
construite au n** 8 de la rue de Lota, sous la direction de M. Tarchitecte
Bouweuz van den Goyen, a été primée par la Ville de Paris au concours de
façades de 1899.
La rueAlboni a été exécutée en 1893 et 1894, par la Ville de Paris, sur les
terrains de M. Hottinguer; le sol a été cédé gratuitement. Elle offre de
larges escaliers qui permettent de se rendre du carrefour de Passy au quai et
ont été bordés de plantations d'arbustes en 1898. Les décrets des 8 mai et
10 août 1896 ont donné à cette rue sa dénomination en l'honneur de Marietta
Alboni (1824-1894), devenue ensuite comtesse Pépoli, puis Mme Ritzer. Elle
fut élève de Kossini ; sa voix de contralto a eu le plus grand succès à Paris
et à Londres à partir de 1847. Elle a fait des legs importants à l'Assistiince
publique. Une société a élevé, en 1899-19(X), sur les collines qui s'étendent de
chaque côté de la rue Alboni, entre Passy et le quai, de grandes constructions
entourées de jardins. D'abord affectées à l'établissement de vastes hôtels,
à prix fixe par semaine, pendant la durée de l'Exposition universelle
de 190(), elles sont actuellement converties en maisons de rapport. La rue
Alboni, dont la largeur est de 15 mètres, a été munie, en 19()0, de becs à
incandescence. On construit actuellement la ligne circulaire du métropoli-
tain, partant de la place du Trocadéro, pour desservir des boulevards de la
rive gauche; cette ligne sera en souterrain sous la rue Franklin et sous
la partie supérieure de la rue Alboni ; elle sera ensuite à ciel ouvert pour
franchir la Seine sur le pont de Passy; une station dénommée « Quai de
Passy » sera établie vers le milieu des escaliers de la rue Alboni ; le préfet de
la Seine a approuvé en 1902 le projet de ce pont qui comportera une partie
centrale pour le métropolitain et deux parties latérales, dont une pour les
piétons et l'autre pour les voitures.
Vavenue Julea-Janin, qui a ses accès sur la rue de la Pompe, est une
voie privée de 7 mètres de largeur, ouverte vers 1884 (l) ; un décret du 8 jan-
vier 1897 a classé le débouché de cette avenue sur la rue de la Pompe. L'avenue
des Chalels est une voie privée de 6 mètres de largeur, établie entre la rue
du Ranelagh et la rue de l'Assomption. La rue Mérimée est une voie privée,
(i^ Voir ci-dp}*surt le?^ indication^ (Ionm»Cf* sur le criliriuc Jllll»^* .lanin f 1804-1874).
l66 HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENT
de 8 mèires de largeur, qui doit son nom à Prosper Mérimée ("1803-1870),
membre de l'Académie française et auteur d'œuvres charmantes. Elle va du
n® 61 de la rue des Belles-Feuilles au n°22 de la rue dePomereu, voie privée qui a
été ouverte vers 1884, avec une largeur de 12 mètres, sur les terrains appar-
tenant à M. de Pomereu. La rue de Pomereu, qui part du n"* 134 de la rue de
Longchamp, s'est arrêtée longtemps à la rue Mérimée; de juin 1899 à janvier
1900, elle a été prolongée sur les terrains de M. Ménier, jusqu'à la rue des
Belles-Feuilles. La raeLa/o, qui doit son nom au compositeur français Lalo
(1830-1892), auteur de nombreuses symphonies et du délicat opéra-comique le
Roi d Ys, est une voie privée de 12 mètres de largeur, qui va de la rue Pergolèse
au boulevard Lannes. Elle a élé ouverte sur l'emplacement de la granplazade
Toros, théâtre construit par M. l'architecte Botrel, où des représentations de
combats de taureaux avaient été organisées pendant l'Exposition universelle
de 1889. Le pont Lalo, construit en môme temps que le chemin de fer de
Courcelles aux Invalides, a remplacé une passerelle en bois, qui ne servait
qu'au passage des piétons.
Le nom de Claude Chahu, trésorier général des finances, seigneur de Passy
et fondateur de l'église Notre-Dame-de-Grâce, a été donné par décret du
8 janvier 1895, sur la demande de la Société historique d'Auteuil et de Passy,
à la rue qui va de la rue de Passy à la rue Gavarni. Elle avait été ouverte,
comme voie privée, en 1891, par MM. Talamon et Guillemard ; elle a été
classée au nombre des voies publiques par le décret du 20 décembre 1901.
De mars à juin 1900, on a ouvert sur les terrains de M. Meyer, entre la
rue delà Touret larue Claude-Chahu, une voie nouvelle dont la largeur est
de 12 mètres; elle a été classée au nombre des voies publiques par le décret du
20 décembre 1901 et sera probablement dénommée rue « Fraucisque-Sarcey ».
On a commencé en 1900 et terminée en 1901 les travaux de percement :
1° au compte de M. Fouquiau. d'une rue nouvelle de 12 mètres de largeur,
entre la rue des Bauches et la rue du Ranelagh; 2"* au compte de M. Blanc,
d'une voie de 14 mètres de largeur à établir entre cette rue nouvelle et la rue
Davioud. G'est celle-ci qui recevra probablement le nom d'Eugène Manuel,
le regretté président de la Société historique d'Auteuil et de Passy.
Comme rues percées ou admises en 1901, on peut citer : 1"* la rue de Ville-
hois-Mareuil, qui est projetée sur l'emplacement de la pompe à feu de ('haillot,
et qui doit son nom au vaillant colonel, mort en combattant pour les Boars;
elle ira de l'avenue du Trocadéro au quai de Billy et aura 15 mètres de largeur;
2*» la voie nouvelle, ouverte sur les terrains de M. Georges Ville, entre l'avenue
Victor Hugo et la rue de Villejust ; 3** la rue projetée par la Compagnie des
chemins de fer de l'Ouest (1), entre la rue Gustave-Nadaud et la chaussée de la
Muette, au-dessus du souterrain construit, entre les stations de l'avenue
Henri-Martin et de Boulainvilliers, pour l'établissement du chemin de fer de
Courcelles aux Invalides.
De nouvelles rues, dues à l'initiative privée, seront prochainement ouvertes.
(i) M. Caplnin, conseiller municipal,a demand»^ que le nom de Ponsard soit donné à celle
nouvelle rue, parce qu'elle coupe le jardin de la maison où le poMc Ponnard est mort.
t
III. — Histoire des rues, boulevards
et avenues d'Auteuil.
Pendant plusieurs siècles, Auteuil n*a été qu'un village, composé de quel-
ques maisons groupées autour de Téglise et de la maison seigneuriale des
abbés de Sainte (Geneviève, ou au Point-du-Jour ; mais, dès le règne de
Louis XIV, sa situation sur un coteau dont le pied est baigné par la Seine et
le sommet couronné par les ombrages du bois de Houlogne, près de la
route de Paris à Versailles, qui était alors constamment sillonnée par les
carrosses se rendant à la Cour, y attirait les amateurs de villégiature et
beaucoup de personnages célèbres. Ce n'est cependant que dans ces dernières
années que la population d'Auteuil est devenue très importante. En 107^, en
efiet, on ne comptait sur son territoire que 70 feux, comprenant 20 veuves et
15 ménages qui vivaient des charités de la paroisse. La population de la com-
mune d'Auteuil, y compris le hameau du Point-du Jour, était de 1.077 habi-
tants en 18(K), 1.103 en 1817, 2.759 en 1831 et 0.270 (J'après le recensement
de 18^)0, c'est à-dire peu de temps avant l'annexion, tandis qu'en 1901 le
quartier d'Auteuil, dont le territoire est beaucoup moins vaste que celui de
l'ancienne commune, renfermait 29.134 habitants. C'est pendant la seconde
moitié du xix* siècle qu'on a exécuté la plus grande partie des travaux de
voirie d'Auteuil (1).
Pour donner une monographie sommaire des voies publiques et privées
d'Auteuil, je les diviserai en trois catégories : 1" celles qui existaient, à l'état
de rues, dès le xvni*' siècle ; — 2" celles qui ont été établies depuis 18(X)
ju.squ'à l'annexion ; — 3" celles (|ui ne datent que des quarante dernières
années du xix*' siècle.
RUES D'AUTEIIL QUI EXISTAIENT EN 18(H)
Ces rues ne sont qu'au nombre de onze, savoir : la (irande-Hue (actuel-
lement rue d'Auteuil et rue Hémusat), la rue La Fontaine (dont l'ancienne
(i) La superliric île la commune d'Aiileuil était «le 'fSy hectares, et sa populaliou do
3.236 liabilanls en i83t), S.Oocj en 1841^3.559 en 1S4O, 4.i«5 en i85ijj!i.V.)j en i8</). U longueur
totale des cent rues existant) en lyooj à Auteuil) est d'environ 3o kilomètres.
]68 HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
extrémité, c est-à-dire la partie la plus voisine de la Seioe, forme aujourd'hui
la rue Gros), la rue de Seine (actuellement rue Wilhem), la rue des Garennes
(actuellement rue Boileau), la rue et la place des Percharaps, la rue Verderet,
une partie de Tancienne rue de la Municipalité (actuellement rue Chardon-
Lagache), la rue du Buis, une partie de la rue Ribéra et Favenue de Versailles.
Je n*ai pas compris dans celte énumération la rue de TAssomptiou, qui
forme, avec la partie basse de la rue de Boulainvilliers, la limite entre Auteuil
et Passy. On voit, sur les anciens plans, outre ces rues, plusieurs chemins
publics, qui ont été ensuite convertis en rues.
La rue (TAideuil occupe la plus grande partie de lancienne Grande Rue,
qui était au xvi'' siècle la seule rue d'Auteuil, commençait à la route de
Versailles et se terminait à la porte du bois de Boulogne. L'arrêté préfec-
toral du 20 juillet 186H a réuni, sous le nom de rue d'Auteuil, la section com-
prise entre le bois et la rue Boileau a la partie de Tancienne rue Molière, qui
s'étendait de la rue Boileau à la place de TÉglise (i). En 1898, on a établi un
pavage en boisa la rue d'Auteuil, entre le boulevard Montmorency et la rue
Désaugiers, en même temps que les rails étaient posés pour le petit tramway
remplaçant Tomnibus jaune d'Auteuil à Saint-Sulpice.
L'extrémité de la Grande-Rue, du côté gauche en allant vers le bois de
Boulogne (aux environs des n*** (>3 ù 73 de la rue d'Auteuil), était bordée autre-
fois par le château du Coq, construit par le cardinal de Richelieu et légué
par lui au domaine de la Couronne en même temps que le palais Cardinal.
Ce château, dont les fenêtres avaient vue sur la plaine du Point-du-Jour,
composée alors de champs cultivés et de quelques vigues, a été habité par
Louis XV pendant son enfance ; il y est revenu à diverses reprises. Cette pro-
priété a été ensuite occupée par Mme Elisabeth, sœur de Louis XVI, par le
chancelier Pasquier, président de la Chambre des Pairs sous Louis-Philippe,
et par le ministre Guizot. Le parc, qui avait une grande profondeur, a été
coupé lors du percement de la rue d'Erlanger.
Outre le château du Coq, il y avait à AuteuiL au xyiii*" siècle, deux grandes
propriétés : le parc et le château des Boufflers, qui se trouvaient vis à-vis du
château du («oq, sur le côté droit et à l'extrémité de la Grande Rue (comme i^
sera dit ci après, au sujet de la villa Montmorency, qui occupe une partie de
l'emplacement de l'ancien parc des Boufllers) — et la propriété des abbés de
Sainte-Geneviève, seigneurs d'Auteuil (2).
Cette propriété des (iénovéfains s'étendait, au sud de l'église, jusqu'à la
route de Versailles, sur l'emplacement occupé actuellement par la maison de
retraite Chardon-Lagache, l'institution de Sainte Périne et leurs abords. Elle
fut vendue sous la Révolution, lors de la suppression des maisons religieuses,
comme bien national, pour 27.00() livres. La maison élevée sur l'emplacement
de l'hôtel seigneurial des abbés de Sainte-Geneviève fut achetée, sous le
premier Empire, par Cretet (3), ministre de l'Intérieur. Le baron François
(i) La ninindre largiMir do la nie d'Aulcuil a été flxéc à vi mètres par l'ordonnance
royale du 12 mai i83o [xuir la section qui s'étend du bois de Boulogne à la rue La Fon-
taine, et par l'arrôté préfecloral du 16 juillet iSfiypour la partie comprise entre la rue Boi-
leau et la place de l'Epliso. Les alignements ont «''té modifiés par un décret du 12 juin i883.
(•2) Voir aux annexes (p. f^\\y) l'article de M Antoine (uiillois, intitulé : Auteuil au xvm» siècle.
(3) Emmanuel Cretet, ministre de l'Intérieur, qui fui inhumé solennellement au Panthéon»
est mort. ^ Auteuil, le aS novemhre i8<kj, dans l'ancienne maison seigneuriale des abbés de
Sainte-Geneviève .
BUE D AUTEUIL lOg
iiérard {!) l'acheta vers 1812 aux héritiers Crelet et la posséda jusqu'à sa mort,
eu 1837 ; la propriété fut conservée par sa veuve, qui y mourut en 1848 et qui
en avait loué une partie au ministre t^uizot. Ce vaste domaine appartint
«nsuite à la famille d'Aubussoo de la Feuillade, qui le céda en IK5K; on y a
transféré l'institution de Sainte-Périne.
La maison n" :>^) de la rue d'Auteuil, qui est située sur le côté gauche de
cette rue. entre les rues Michel-Ange et d'Erlanger, et qui avait été construite
au commencement du règne de Louis XV sur des terrains dépendant de la
seigneurie d'Auteuil, était au xviii^ siècle coutiguë au chûteau royal du Coq.
E a 1772, cette maison et son parc furent achetés pour ;il>.UIH) livres au peintre
pnstelliste On^ntin de la Tour p;ir une femme généreuse et charmante, qui
l'illustra en y faisant un très long séjour, Mme Helvétius, dite Notre-Dame
d'Auteuil, dont notre collègue M. Antoine (iuillois a (ait connaître le Salon,
dans un ouvrage couronné par l'Académie française (I). Toute l'aristocratie
d« l'intelligence, toute la société philosophique du xvni< siècle et toute la
(Il Voirouvnniic\.--i ((.p. ../,5 cl jJ'.N) l.s nilirlcs .i,-M. [..i<ij.i.iil Mon: le* abbés de Sainte-
Geneviève, teigiieurg iTAuleuil: l-'ranfoU Gérard.
(a) Le Salon de Mme IMvfUat, \tssr Aniuinc Ciuillois, lil)r<-iirii' r.;iliiiiinn-L<Hy, iSijf. Ot
nuvrOKP CAt inenlitinni'^ lUins !■■ iTipjioi-t qui a élé irn^rrô ;i l.i iiiiko ai3 ilii I" volume du
BulMin et doni un exlrnil c^t ii-tiroduil a
lyo HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
phalange des idéologues s'y réunissaient. On peut citer parmi les hôtes de
Mme Ilélvétius (1) : son fils adoptif, le sénateur Cabanis (1757-1H08), littérateur
et philosophe, Franklin (170(3-1790), Diderot (1713-1784), le ministre Turgot
(1727-1781), l'abbé Morellet (1727-1819), Charafort (1711-1794), le baron d'Hol-
bach (1723-1789), le poète Boucher (1745-1794), le marquis de Condorcet (2)
(1743-1794), l'idéologue Destutt de Tracy (1754-1836).
Le général Bonaparte vint à Auteuil visiter Mme Helvétius quelque temps
avant le 18 brumaire ; en se promenant dans son jardin avec lui, elle lui
dit : « Général, si l'on savait tout ce qu'il peut tenir de bonheur dans un
arpent de terre, on songerait moins h conquérir le monde. »
La maison de Mme Helvétius fut occupée de 1808 à 1814 par Bumford (3),
qui avait épousé, en 1805, la veuve de l'illustre Lavoisier et, dans les dernières
années du second Empire, par le prince Pierre Bonaparte; c'est là qu'eut
lieu, le 12 janvier 1870, une altercation entre le prince et deux publicistes :
M. Ulrich de Fonvielle et Victor Noir ; ce dernier fut tué d'un coup de pis-
tolet tiré par le prince.
En 1871, les lédérés de la commune avaient établi leur état-major dans
cette maison, qui fut incendiée (4). Elle a été reconstruite et est occupée
actuellement par une école normale Israélite, où l'on reçoit les meilleurs élèves
d'écoles d'Orient et d'Afrique (5) ; ils y passent quatre ans pour perfectionner
leur instruction.
La propriété qui porte les n**' 43 à 47 de la rue d'Auteuil est un des derniers
vestiges complets de rarchilecture du xvm*^ siècle dans ce quartier : au milieu
du bâtiment principal à deux étages, un large porche d'entrée, en avant-corps,
à quatre pilastres, supporte une terrasse à balustrade ; une autre balustrade
en pierre, également en avant-corps, règne tout au long du rez-de-chaussée.
Deux grands pendentifs sculptés d'instruments de musique accompagnent à
droite et à gauche un bas-relief placé au milieu du bâtiment et représentant
trois amours. Le dessous des fenêtres du second étage est orné de guirlandes
de fleurs. Les pavillons latéraux en équerre sont du même style que le corps
de logis principal, mais ont été rajoutés après coup, dette maison a été habitée
par Mlle Antier, actrice qui s'était rendue célèbre par ses bons mots ; elle a
été occupée ensuite, de 1740 à 17(37, par les demoiselles de Verrières, amies
du maréchal de Saxe et du poète Colardeau ; elles y recevaient la Ville et la
(^our et y donnaient des fêtes qui avaient beaucoup d'éclat.
(llondorcet a habité la rue d'Auteuil. Le docteur Chardon-Lagache et Sam-
son, célèbre acteur de la Comédie française, ont habité le n° 10 de la rue d'Au-
(i) Voir aux annoxos (pp. 4^)i ot s.) lartirle do M. Antoine Guillois sur le monument de
Mmellelvi'tius; son article intitulé : Madame de Co/î(/orcc/ à /l «/cm//, son article sur Volney,
et son article intitulé: Turijol à Auteuil.
Voir éî?alement Tarlide de M. René Acollas sur le Salon de Mme Helvétius, p. i'j\ du
I" volume du Bulletin.
(2) Voir à la paj^e 83 du IV" volume du Bulletin l'acte de notoriété dressé par le juge
de paix, le 'n pluviôse an lil, à la recpiéle de la veuve de Condorcet, pour reclilier son
acte de décès.
i3) Le physicien et philanthrope américain Rumford est mort à Auteuil, le 22 août i8i4,
dans l'ancienne maison de Mme Helvétius.
(4) Voir aux annexes (p. 385) l'article de M. Kmile Potin sur les ruines de 1870-1S71.
(5) Voir aux annexes (pp. //|r» et ^r^S) l'article déjà mentionné de M. Antoine Gu illois sur
Auteuil au xviu" siècle^ et l'article du même auteur sur la promenade historique de la Société
d'Auteuil et de Passv.
RVE t>AUTEUIt 171
teuil, de 1867 à 1871; celle maisoD,occupéeacluellemeDt parle' pensionnat de
Mlles lîouré, se trouve presque vis-à-vis de l'entrée de l'école Jean-Baptisle-
Say. Samson est le premier comédien qui ait reçu la croix de la Légion
d'bonneur : Napoléon 1" n'avait pas accordé cette distinction à Talma, qu'il
honorait cependant de son amitié, et qui avait joué souvent devant uu par-
Cutido l'épi.
iCoUccUon de M. Ém. l'oi
terre de rois : c'est, d'ailleurs, comme professeur au Conservatoire, et non
comme artiste du Théâtre-Français, que Samson a été décoré eo MU.
Le château et le parc du grand manufacturier Ternaux-Rousseau, sur
lesquels des indications plus détaillées seront données ci-après, au sujet de
l'historique de la rue Molitur, ont été utilisés, de 1852 à 1870, pour l'insti-
tution Notre-Dame d'Auleuil, fondée par l'abbé Léviîque. Kn 1871, M. (Iréard,
vice-recleur de l'Académie de Paris et alors directeur de ren!sei)j:nenieul
primaire au ministère de rinstriiclion publique, fut visiter celte propriété et
reconnut qu'elle réunissait toutes les conditions favorables pour un groupe
172 HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
scolaire. Elle est actuellement occupée par plusieurs établissements, notam-
ment par Vëcole Jean-Baptiste-Say (1), nommée d'abord : « École municipale
supérieure ».
Cette école a son entrée principale au n° 11 bis de la rue d'Auteuil, dans un
renfoncement formant une petite place ; elle a, sur la rue Chardon Lagache, au
n° 8, une façade et une seconde entrée, qui ont été inaugurées, le 30 mars 1900,
par M. Leygues, ministre de l'Instruction publique, M. de Selves, préfet de
la Seine et le conseil municipal de Paris. Le principal pavillon, à peine mo-
difié, de l'ancien château Ternaux, forme aujourd'hui la partie centrale de
récole Jean Baptiste-Say, qui était originairement réunie à l'école normale,
le tout constituant un groupe unique,qui fut inauguré le 28 octobre 1872 par
Jules Simon, alors ministre de l'Instruction publique, et était d'abord placé
sous une seule direction. En 1875, l'école municipale supérieure a été séparée
de l'école normale (2) et rattachée au système des autres écoles du même
degré; elle a pris, le 10 juin 1876, le nom d'école Jean Baptiste-Say et a,
depuis 1882, une existence tout à fait indépendante. Elle a reçu, de 1882 à
1897, plusieurs agrandissements qui ont porté sa superficie à 16.895 mètres
carrés; de nouveaux bâtiments ont été élevés, sous la direction de M. l'ar-
chitecte Salard (3). On peut citer parmi ces acquisitions celle de la mai-
son sise à l'angle des rues Chardon-Lagache et du Buis, habitée jadis par
feu M. Hauréau, premier directeur de la Fondation Thiers; une partie sert
d'infirmerie et l'autre partiede logement à l'économe. L'école Jean-Baptiste-Say
donne une instruction intermédiaire entre celle de l'enseignement primaire
et celle des lycées ou collèges. Les jeunes gens s'y préparent.(2) aux carrières
du commerce et de l'industrie, ou aux examens du baccalauréat moderne,
des écoles d'arts et métiers et d'autres écoles du Gouvernement.
La maison n" 2 de la rue d'Auteuil, située à l'angle de cette rue et de la
rue Théophile-Gautier, porte l'inscription suivante : « Ici s'élevait une
maison de campagne liabitée par Molière vers 1667. » Malgré le caractère
officiel de cette plaque, on n'est pas fixé d'une manière parfaitement cer-
taine sur l'emplacement qu'occupait la maison habitée de 1667 à 1673 par
Molière (5) à Auteuil. Certains prétendent qu'il correspond à celui du n** 29
de la rue Bémusat (qui était le n° 1 de l'ancienne rue Molière) et que la
maison située presque en face (et habitée ensuite par Mme Bécamier,
puis par l'abbé de Genoude, publiciste) aurait été occupée, comme maison
(1) Voir l'arliclc de M. Emile Potin sur l'école Jean-Boptislc-Soy, qui est reproduit
aux annexes (p. 4^*^.).
(2) L'école normale d'Auteuil, qui s'étend de la rue Bôileau à la rue Molitor, sera men-
tionnée ci-après dans l'historique de la rue Boileau.
(3) Le nombre des élèves de l'école Jean-Baptisle-Say n'était encore que de 2^0 en
janvier 1879. Il est actuellement de «luinze cents.
(4) Pendant la période décennale de 1888 à 1898, 333 élèves de l'école J.-B.-Say ont
réussi dans le concours d'admission aux écoles et 623 dans les examens ; 96 sont entrés
dans les administrations publiques, 362 dans les administrations privées et 688 dans le
commerce.
(5) Voir pour le séjour à Auteuil des poètes du xvir siècle les articles de M. Antoine
Guillois sur la Ghampmesié à Auteuil et sur la maison de Boileau, reproduits (pp. 463 et 8.,
468, 471) aux annexes; l'article de M. Mareuse sur la maison de Molière f'i Auteuil (p. 88 du
r»" volume;; les communications de M. Emile Saint-Lanne (pp. 8ç) à 91 du le»- volume) et
aux annexes fpp. 467, 4^> 472) 'es notes sur le pavillon de Molière, ainsi que les articles
de M. Emile Potin sur Boileau ; les documents inédits sur Jean Racine (p. 24 du I"' vo-
lume) et le tableau généalogique de la famille Bacine, page 4^H)'
de plaisance, par le grand poêle tragique (I) Jean Racine (1639-1699), et
serait celle où il a composé les Plaideurs. Il est assez difficile de préciser
aujourd'iiiii les demeures de Molière et de Racine à Auteuil, parce qu'ils y
Molière, par Coypel.
(Colleclion d« U. Ém. Potin,
furent locataires et non propriétaires : on D*a donc pas retrouvé, comme pour
Boileau, leurs noms dans les actes de vente fi);urant aux archives des notaires.
Un extrait du bail de location signé par Molii;re se trouve cependant à la
(i) L'sclc (le ninriapie ile Jt-nn-Baplistn Rnclne, cnn9e[llcr ilu Rny, Ir^norior de Fronce
«•n la (généralité ilc Moulins, n élé inscrit sur les refflMlri'H de SainUSi-vorin le i" juin 1677.
1^4 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
page 1G4 de Paris- Atlas (1). Molière était à sa maison d'Auteuil, le 26 juillet
1672, quand il signa son bail pour la maison de la rue de Richelieu, où il
devait mourir quelques mois après.
Autrefois, la (Iraude Rue d'Auteuil traversait tout le village, depuis son
entrée jusqu'au bois de Boulogne. Sous la première République, M. Benoit,
second rnairo d'Auteuil, qui avait donné le nom de d'Aguesseau à la place
substituée à l'ancien cimetière, attenant à l'église, proposa de ne laisser le
nom de Grande-Rue qu'à la partie la plus large de celte voie, c'est à dire à la
section comprise entre le bois de Boulogne et la rue Boileau; afin d'honorer
la mémoire de Molière, il demanda que son nom fût attribué à la partie alors
sinueuse de la Grande Rue, située entre la route de Versailles et la rue Boileau.
Ces dispositions, qui entraînaient un changement de numérotage pour les
maisons, furent approuvées le 18 prairial an IX par le sous préfet de Fran
ciade (nom que portait alors la ville de Saint-Denis) et, le 17 fructidor de la
môme année, par un arrêté du préfet de la Seiue, Frochot, portajit ([ue la
Grande-Rue d'Auteuil serait divisée en deux parties ; que la première com-
mencerait à l'entrée du village, finirait à la rue Boileau et porterait le nom
de rue Molière ; enfin, que la seconde partie continuerait à porter le nom de
Grande-Rue, depuis la rue Boileau jusqu'à la porte du bois de Boulogne.
La rue Molière (aujourd'hui remplacée par une partie de la rue d'Auteuil
et par la rue Rémusat) occupait l'emplacement d'un chemin qui paraît avoir
été établi de temps immémorial; mais la partie voisine de la route de Ver-
sailles n'était pas encore bAlie en 18(K) : toute la région voisine de la Seine
était alors occupée par la saussaie d'Auteuil. Ce chemin avait été amélioré
en 170i; mais son élargissement ne fut terminé qu'en 1805, à la suite d'iui
traité passé entre la commune d'Auteuil et le sénateur Antoine César de
Chotseul, comte de Praslin.
Un décret du 27 février 1867 donna le nom de rue Molière à une rue de
l'ancien Paris, qui avait été précédemment dénommée rue Traversière-Saint-
Honoré, et ensuite rue de la FontaineMolière, fontaine érigée non loin de la
maison où Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est mort à 51 ans. Comme il
est de principe, pour éviter des confusions, que deux rues de Paris ne portent
pas le même nom, un décret du 20 juillet 1868 fit disparaître dans notre
arrondissement le nom de Molière, en décidant que la Grande-Rue et notre
rue Molière seraient réunies sous le nom de rue d'Auteuil.
La place située devant l'église a conservé le nom de place d'Aguesseau
depuis le commencement du xix^ siècle jusqu'au décret du 26 février 1867,
qui l'a dénommée /^/«ce d'Auteuil. Elle a été habitée, de 1727 à 17.^1, parle
chancelier d'Aguesseau, chez qui Louis Racine faisait de fréquents séjours ;
avant 1781, par le poète tragique Ducis (1738-1816), qui remplaça Voltaire à
TAcadémie française, en 1778, et qui a popularisé en France l'œuvre de
Shakespeare ; ensuite par Victor de Tracy, fils de l'idéologue Destutt de Tracy ;
par le colonel Coutelle, premier aérostier de l'armée, qui rendit à Fleurus,
avec son ballon, de grands services à l'armée française et qui légua une partie
de ses biens aux pauvres d'Auteuil.
En 1753, Louis XV ordonna l'érection, en face de la porte de l'église d'Au-
(i) Ouvrage de M. Bournon, publié en ujoo par la librairie Larousse, 58, rue des
Écolcîi.
l'iACE d'autkuil lyî»
teuil, d'une pyramide destinée i) abriter les cor|is du cliancelier Henri-FraQ-
çnis d'Aguesseau (I), né en UMH et mort en février IT.'il, et de son épuuse,
Anne Leff-vrc d'*^>niipssf)n, di'rédée en 17l(;>, [)'Agupsseiiu avait d'abord été
JEAN FRAINÇOIS DUCIS,
N; iVcrsailU» !<■ 21 Août 1755.
(Collurtlon du M. Éin. Poliii.)
(i; Voir aui annexes (|i. 461J' la nnlifo sur d'Aguesscau, par M. ilo Kwg''^ ilc
lagnao.
Annp LofÈvre d'Orincsson, fpoUBc du rlianct'lier d'Aifuc-^scati, csl mirli." 11 AuIcl
(•r décembre 1735, à r>lgi> de [17 ans.
1^6 HISTOIRE DU XVI*' ARRONDISSEMENT
inhumé, suivant son désir, auprès de sa femme, dans l'église mèmed'Auteuil.
Le monument de 1753 consistait en une pyramide à base de marbre, couron*
née par un globe d'or, surmonté d'une croix. La sépulture de d'Aguesseau
fut violée en 1793 ; mais les ossements furent recueillis par M. Benoit, maire
d'Auteuil, et le tombeau fut restauré le 30 frimaire an IX. Après Tachèvement
des travaux de réfection de la pyramide, qui avait été renversée en 1793, une
cérémonie publique eut lieu en présence du maire d'Auteuil et du petit-fi!s
du chancelier d'Agucsseau. Dans son discours, le maire déclara que cette
place prendrait désormais le nom de place d'Aguesseau. La pyramide, qui
avait été entourée d'une grille aux frais de la commune, en mai 1848, est
actuellement remplacée par une colonne surmontée d'une croix et dédiée au
Christ sauveur. L'affichage est interdit mémo en temps d'éleclions, sur le
monument d'Aguesseau.
La mairie d'Auteuil fut établie originairement sur cette place; une déli-
bération du conseil municipal d'Auteuil, en date du 17 thermidor an XII,
approuva un projet de reconstruction de la maison commune à la place
d'Aguesseau. Celte mairie fut transférée, en 18ii, h la rue Roileau.
L'ancienne église d'Auteuil (1), dont le portail et la tour octogonale étaient
du xi\^ siècle, fut profmée le 16 novembre 1793, transformée en club, puis en
grange et ensuite en fabrique de salpêtre. Klle fut rendue au culte en
mai 1795. Comme cette église, dont la première pierre fut posée par le roi
Philippe-b-Long, en 1319, était devenue absolument insuffisante pour les
besoins de la population toujours croissante d'Auteuil, et que, d'ailleurs, elle
menaçait ruine, M. l'abbé Lamazou (4), curé d'Auteuil, entreprit de la rem-
placer par un nouvel édifice. La reconstruction put être réalisée grûce à une
transaction passée entre le conseil municipal de la commune et le curé de la
paroisse. La première pierre delà nouvelle église fut posée le 1*"'' juillet 1877 ;
les travaux, entrepris immédiatement, sous Ja direction de M. l'architecte
Vaudremer, furent terminés le 40 octobre 1804, jour où Mgr Richard, cardi-
nal-archevêque de Paris, consacMa la nouvelle église.
L'église Notre Dame d'Auteuil alTecte la forme dune croix latine; au tru
meau de la pjrtc d'entrée, la Vierge^ statue en pierre (Maniglier, 1884); au
tympan de cette porte, un bas-relief en pierre (Maniglier, 1880), représente
le Christ entouré des symboles des quatre évangélistes. Au dessus du portail
se dresse le clocher, dont la forme rappelle le dessin de la tiare pontificale.
La nef et le chœur sont entourés d'un bas-cùté, avec chapelles aux transepts
et à l'abside ; le transept est à la hauteur du chœur. Cet édifice appartient au
style roman byzantin ; il unit l'élégance à la simplicité et imite les anciennes
basiliques chrétiennes. Quoique les dimensions en soient peu considérables,
il présente les caractères d'un monument religieux complet, avec chapelle
des catéchismes, crypte» sacristie et dépendances (3).
L*ancienne Grande-Rue était étroite et sinueuse auprès de la place d*Au-
(i) Voir aux annexes (p. 237) rariicle de M. Antoine (jiiillois sur la vieille égline d'Auteuil;
à la page 211 du I" volume du Bulletin^ une communication de M. Tabbé Oepontaillier,
et, à la page i92 du III* volume du Bulletin, les notes de M. Tabbé Beurlier sur la
paroisse d'Auteuil.
(2) M. l'abbé Lamazou fut nommé évéque de Limoges avant l'achèvement de l'église
d'Auteuil ; il mourut en i883, évéque d'Amiens.
(3) La longueur de la nouvelle église d'Auteuil est de 04 mètres du porche à Tabside ;
la largeur du transept est de 24 mètres.
Htil.lSE NOTRE-DAME D AUTEUIL
teuil; mais, lors de la reconstruction de l'église, on en a amélioré les abords
et on a remplacé la courbe de l'ancienne Orande-Rue par deux voies larges et
rectilignes : la première constitue l'extrémité de la me Théophile (iautier;
Û
il
II
Si
^1
la seconde forme la partie de la rue Rémusal comprise entre la rue
Théophile-Gautier et la rue François (iérard. Cette rue Rémusat, qui rem-
place une partie de l'ancienne Grande-Rue (partie dénommée rue Molière
depuis l'an IX jusqu'en 1808), a reçu son nom actuel par décret du 10 no-
178 HISTOIRE I>\J XVT* ARRONDISSEMKNT
vembre 1877, en mémoire de Charles-François-Marie, comte de Rémusat
(1797-1875), homme politique et littérateur, fils d'un chambellan de Napo-
léon l'S qui fut préfet de la Haute-Garonne, et de Jeanne de Vergennes^
amie intime de Timpératrice Joséphine. M. de Rémusat, parent de La Fayette
et de Casimir Périer, représenta presque constamment, depuis octobre 1830,
le département de la Haute Garonne ; il fut ministre de Tlntérieur le
l'^'mars 18i0, ministre des Affaires étrangères le â août 1871 et membre de
rinstitut. Il a publié de nombreux ouvrages. A la suite d'un traité passé avec
M. Barraud, propriétaire riverain, un arrêté du 9 mars 1878 autorisa la recti-
fication et l'élargissement à 20 mètres de la rue Rémusat ; cette opération de
voirie a coûté 43.500 francs.
L'ancien senlier des Arches a porté ensuite le nom de rue Sainie-Gene-
viève, parce qu'il conduisait à la maison seigneuriale de l'abbaye de ce nom.
Dans sa séance du 29 pluviôse an II, le conseil de la commune d'Auteuil
décida que celte voie serait appelée rue de la Montagne. Quelques années
plus tard, on lui donna le nom de rue de Seine (1), à raison de sa proximité
du fleuve. Cette voie publique^ dont le tracé figure sur le plan de Roussel,
pnblié.en 1730, et qui forme aujourd'hui la rue Wilhem, partait de la place de
l'église d'Auteuil, laissait sur sa gauche cette église et, sur sa droite, la vaste
propriété des Génovéfains (dont la plus grande partie est occupée aujourd'hui
par l'institution de Sainte-Périne), rencontrait la route de Versailles à environ
270 mètres à l'aval de la Grande-Rue et se prolongeait jusqu'au chemin de
halage longeant la rive droite de la Seine. La dénomination actuelle de cette
rue lui a été donnée par le décret du 24 août 1864, en mémoire de Guillaume-
Louis Bocquillon, dit Wilhem (1781-1842), fondateur des écoles populaires
de chant en France, qui fut chargé, en 1819, de créer l'enseignement de la
musique et du chant dans les écoles mutuelles de la Ville de Paris et organisa,
en 1833, les réunions périodiques des élèves de toutes les écoles, instruits sépa-
rément, en un seul chœur, qu'il désigna sous le nom dorphéon, et où ils chan-
taient sans aucun accompagnement instrumental. La méthode d'enseignement
de Wilhem ne tarda pas à se populariser en France et à l'étranger.
Un décret du 27 janvier 1876 déclara d'utilité publique l'élargissement à
12 mètres de la partie de la rue Wilhem (2) qui se trouve comprise entre les
rues Mirabeau et Chardon- Lagache : ce travail a coûté 28.900 francs. Jus-
qu'à ces dernières années, la rue Wilhem suivait, entre l'avenue de Ver-
sailles et la rue Mirabeau, un tracé sinueux qui est occupé actuellement
par la rue Narcisse-Diaz ; un décret du 22 décembre 1890 a déclassé cet
ancien tracé et l'a remplacé par un tronçon en ligne droite, prolongeant
la partie de la rue Wilhem comprise entre la Seine et l'avenue de Ver-
sailles; la Ville de Paris arriva, en 1892, à terminer les acquisitions de
terrains nécessaires pour réaliser cette opération de voirie ; les terrasse-
ments et la mise en état de viabilité de cette section donnèrent lieu à une
dépense de 70.650 francs. Enfin, par suite d'arrangements avec les proprié-
taires riverains, la partie de la rue Wilhem comprise entre le chemin de halage
et l'avenue de Versailles a pu être établie à son niveau définitif et mise en état
(1) En i838, il fallut dépenser 838 francs pour mettre en état de viabUité la rue de
Seine.
(•2) La largeur de la rue Wilhem avait été fixée à 6 mètres par l'arrêté du i3 fé-
vrier i838.
RUE LA FONTAINE I79
de viabilité ; ces derniers travaux, autorisés par arrêté préfectoral du 9 fé-
vrier 1895, oat entratoé une dépense de 33.100 francs. La mise en état de
viabilité de la rue Wilhem, entre le quai d'Auteuil et l'avenue de Versailles, a
été achevée en septembre 1898.
La dénomination de la rue Narcisse-Diaz, qui remplace, comme cela vient
d'être exposé dans l'alitiéa précédent, une partie de l'ancienne rue\Viihem,lui a
été donnée par le décret du 8 janvier 1895, en mémoire de Narcisse- Virgile Diaz
de la Pena (1809-1876), né à Bordeaux, qui fut décoré en 1851, et envoya, à
TExposition universelle de 1855^ des tableaux très remarqués.
La rue La Fontaine peut être divisée, au point de vue de son histoire, en
deux sections distinctes, savoir : la partie comprise entre la rue de Boulainvil-
liers et la rue Gros, qui se nommait autrefois rue de la Tuilerie, et la partie
qui s'étend de la rue Gros à la rue d'Auteuil et qui faisait autrefois partie du
chemin, puis de la rue de la Fontaine.
Ce chemin figure sur le plan de Roussel, et était aussi dénommé,
en 1731, « chemin conduisant à Passy ». Il doit son nom de « chemin
de la Fontaine » à une source, dont les eaux coulaient autrefois dans toute
la longueur de cette voie publique. En 1766, le prévôt d'Auteuil ordonna
aux propriétaires riverains de creuser à leurs frais un fossé de 3 pieds de
largeur et 3 pieds de profondeur pour recueillir les eaux de la source, qui, en
se répandant sur le chemin, le rendaient impraticable. En 1800, ce chemin
n'était bâti qu'aux abords de la Grande-Rue ; le surplus constituait une voie
publique qui n'avait qu'une faible largeur, n'était pas bordée de maisons,
longeait le parc de Boufflers et se dirigeait yers la Seine en aboutissant
à l'avenue de Versailles. 11 est mentionné, dans un arrêté préfectoral du
8 mars 1825, sous le nom de rue des Deux-Fontaines et a fait ensuite partie
de la route départementale n"" 29.
L'ordonnance royale du 12 mai 1830 a fixé à 10 mètres la moindre largeur
de la rue de la Fontaine ; une délibération municipale du 10 décembre de la
même année constate que les propriétaires riverains avaient pris l'engage-
ment de céder gratuitement les terrains nécessaires pour réaliser cette lar-
geur de 10 mètres entre la rue des Perchamps et la prairie d'Auteuil ; cette
cession n'avait d'ailleurs été consentie que sous la condition que l'adminis-
tration ferait combler le fossé creusé en 1766, que le déversement des eaux
ménagères rendait infect. L'arrêté du 16 avril 1857 a fixé une moindre lar-
geur de 12 mètres, applicable à la partie comprise entre la rue de Boulain-
villiers et la rue Gros. On a élargi successivement la rue de la Fontaine par
voie d'alignements, et le conseil municipal d'Auteuil y a fait exécuter de
nombreux travaux d'assainissement, de pavage et autres améliorations.
Un concours a été ouvert, à partir du 1'" janvier 1898, par la Ville de Paris,
entre architectes et propriétaires des maisons élevées pendant l'année. Le
casiel Déranger^ construction fort originale qui a été élevée au n** 16 de la
rue La Fontaine par M. l'architecte Hector Guimard, a été primé par le
conseil municipal au concours de façades de 1898.
Le décret du 2 octobre i865 a donné le nom de rue La Fontaine : 1® à la
rue de la Tuilerie; 2^ à la partie de la rue de la Fontaine faisant suite à la pré-
cédente ; en vertu du même décret, la partie de l'ancienne rue de la Fontaine
comprise entre l'avenue de Versailles et la rue de la Tuilerie a été nommée
rue Gros.
iflu histoire: du xvi' arrondissement
La dénomination de « rue La Fontaine » a été ainsi substituée à celle de
« rue de la Fontaine », en mémoire de l'illustre fabuliste Jean de La Fontaine
{1G21-1603), qui fut souvent, à Auteuil, le-commensal de Boileau et de qui
Chamfnrt, qui, lui aussi, fréquentait beaucoup Auteuil, a dit : « Il offrit le
singulier contraste d'un conteur trop libre et d'un excellent moraliste, reçut
en partage l'esprit le plus fin qui (ut jamais et devint en tout le modèle de la
simplicité ; il posséda le génie de l'observation, même de la satire, et passa
pour un bonhomme. Dérobant sous l'air d'une négligence quelquefois réelle
les artifices de la composition la plus savante, il fit ressembler l'art au naturel.
(CollecUon de H. t'.handebois.)
souvent même à l'instinct, et, cachant son génie par son génie même, il fut,
dans le siècle des grands écrivains, sinon le premier, du moins le plus
étonnant. »
Le décret du 30 novembre 1862, s'applîquant à tout un ensemble de tra-
vaux, avait déclaré d'utilité publique l'ouverture d'une rue E, d'une largeur
de 20 mètres, formant la rectification du débouché de la rue de la Fontaine,
du cAté de la rue Molière, aujourd'hui rue d'Auteuil ; ce travail, qui n'a été
réalisé qu'en 1872, a donné à la rue La Fontaine une largeur de 20 mètres
entre la rue Pierre-Guériu et la rue d'Auteuil. On a construit en 1873,
moyennant une dépense de 39.000 francs, les trottoirs réglementaires en
bitume dans la partie de la rue La Fontaine comprise entre la rue Pierre-
Guérin et la rue Gros. En 1809, on a fait le pavage en bois entre la rue Poussin
et la rue d'Auteuil, ainsi que l'installation de becs à incandescence.
L'ancienne rue de la Tuilerie, qui passait entre le parc du château de la
Tuilerie cl son potager, avait d'abord lait partie de la rue Basse, aujourd'hui
LE CHATEAU DE LA TUILERIE l8l
rue Raynouard ; mais le décret du 2 octobre 1865 a réuni cette section à la
rue La Fontaine, qui est devenue ainsi le prolongement, sur Auteuil, de la
rue Raynouard ; actuellement, cette dernière rue se trouve, sous ce nom et
dans toute son étendue, sur le territoire du quartier de Passy.
Le domaine de la Tuilerie remontait à une époque très reculée ; en effet,
on voit figurer dans le compte des prévôts et baillis de France, en 1248, une
recette de 50 sols provenant de la terre des Tuileries de Pacy (sic). En 1655,
ce domaine était grevé d'un cens de 3 sols parisis envers Tabbaye de Sainte-
Geneviève. Dans un document de 1719, on le désigne ainsi : « Maison et jar-
din entre Passy et Auteuil, appelé vulgairement les tuilleries de Passy,
paroisse d'Auteuil. » Ce nom provenait, sans doute, de ce qu'une fabrique de
tuiles était établie dans le voisinage.
Le château de la Tuilerie, rebâti, sous Louis XVI, par le marquis Latourdu
Pin-Gouvemet, avait été nommé d'abord le château invisiblcy parce qu'étant
entouré d'arbres épais, il n'était aperçu d'aucun côté, bien qu'il joutt lui-même
d'une vue fort étendue. Il devint ensuite la résidence de la comtesse de Brienne,
qui s'était intéressée à Napoléon lorsqu'il était élève à l'École militaire ; le gé-
néral Bonaparte s'y reposa à son retour d'Egypte ; il fut la demeure de Talley-
rand, sous le Consulat, du général du génie Michaud d'Arçon, collaborateur de
Carnot, et, en 1840, de Thiers, qui était président du conseil des ministres.
Comme il n'était pas toujours d'accord avec le roi Louis-Philippe, les jour-
naux de l'époque avaient imaginé ce jeu de mots : u La Tuilerie dit oui, mais
les Tuileries disent non. « Le château de la Tuilerie, qui avait son entrée prin-
cipale sur la rue du même nom, fut ensuite habité par la tragédienne Rachel,
par le docteur Véron, auteur des Mémoires d'un bourgeois de Paris (1), et
par Mme la comtesse de Montijo, mère de l'impératrice Eugénie, qui y fit
construire une salle de spectacle, transformée ensuite en chapelle. Une partie
de ce domaine fut aliénée en 1850 ; le château et la partie conservée du parc,
ayant une superficie d*environ 45.000 mètres carrés, ont été acquis en 1855 de
M. le comte Migeon, moyennant 430.000 francs, par la communauté religieuse
de l'Assomption, qui vint s'y établir, après avoir quitté le n° 75 de la rue de
Chaillot, sur l'emplacement de laquelle devaient être exécutés divers tra-
vaux de voirie. Cest donc du domaine de la Tuilerie que provient le beau
parc des dames de TAssomption (â).
Par acte daté du 15 prairial an XII, Mme de Vaudey, fille du général
Michaud d'Arçon et propriétaire du château de la Tuilerie, céda gratuitement
à la commune d'Auteuil 7 ares et 26 centiares pour élargir la sente de la
Tuilerie, la prolonger jusqu'à la montagne de Boulainvilliers et convertir
cette sente en chemin vicinal, pour faciliter les communications entre Auteuil
et Passy. Un arrêté du 9 germinal an XII assigna à ce chemin une largeur
de 8 mètres et 80 centimètres. Cette largeur fut portée à 10 mètres par l'or-
donnance royale du 12 mai 1830. La commune d'Auteuil dut recourir à l'ex-
propriation en 1838, pour acquérir les terrains nécessaires à l'achèvement de
cette rue de la Tuilerie, dont la largeur a été portée à 12 mètres par l'arrêté
(i) Voir aux annexes (page 471) une note concernant la rue de la Tuilerie et, page 108
du second volume du Bullelin^ un article de Mme Chochod-Lavorgnc sur le général
d'Arçon.
(9.). Voir ci-après, page 201, les indications données avi sujet de la rue de l'Assomption.
l82 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
du IG avril 1857, et à 20 mètres (au moyen de nouveaux alignements du côté
des numéros impairs) par le décret du 10 juillet 1882. Celte rue avait été
munie de trottoirs exécutés de 1857 à 1859.
La partie de la rue La Fontaine qui formait autrefois la rue de la Tuilerie
donne entrée au hameau La Fontaine, ainsi qu'au hameau Béranger, dont le
chalet n^ 3, d'abord transformé, puis actuellement entièrement démoli, a été
habité (1) par le célèbre comédien Bouilé (1800-1888), qui eut beaucoup de
succès au théâtre du Gymnase.
Au n^ 40 de la rue La Fontaine se trouve Vorphelinat de Vabbé Roussel,
fondé le 19 mars 1866 pour recueillir des enfants vagabonds, abandonnés ou
maltraités et chercher à en faire d'honnêtes gens. Il comprend deux sections,
dont la première est l'œuvre de la première communion, qui est destinée
aux enfants de treize ans et au-dessus, n'ayant pas encore reçu l'instruction
religieuse ; ils restent dans la maison pendant trois mois, pour y recevoir
cette instruction. La seconde section est l'œuvre des apprentis et est composée
d'orphelins auxquels on apprend différents métiers, tels que ceux de menui-
sier, de serrurier, de tailleur, de mouleur, de cordonnier, de relieur et surtout
de typographe. Les frères de Saint-Vincent-de-Paul prirent possession de
cette œuvre le l*'' mai 1895. M. l'abbé Fontaine succéda, en 1896, à M. l'abbé
Roussel (qui est mort le 11 janvier 1897) dans la direction de cette maison ;
il y a fait construire des bâtiments pour dortoirs et ateliers (2). Une école
professionnelle y a été inaugurée le 2 mai 1898. Le nombre des pupilles
s'élevait à 800, au commencement du xx" siècle. M. le sénateur Roussel,
membre de l'Institut, est vice-président de l'œuvre.
On a vu ci-dessus que la rue Gros a fait partie, jusqu'en 1865, de la rue
La Fontaine (section comprise entre la rue de Boulainvilliers et la rue de la
Tuilerie). Un élargissement à 20 mètres, au droit d'immeubles appartenant
à la Ville, a été prescrit par le décret du 10 juillet 1882 pour cette rue, dont
la mise en état de viabilité n'a été terminée qu'en 1899, époque à laquelle la
largeur réglementaire de 20 mètres a été réalisée entre le n» 10 et la rue La
Fontaine. La dénomination actuelle de cette rue lui a été donnée parle décret
précité du 2 octobre 1865, en mémoire du baron Antoine-Jean Gros (1771-1835),
peintre d'histoire, qui fut présenté au général Bonaparte, dès son entrée à
Milan, par Mme Joséphine Bonaparte, s'illustra par le tableau du général au
pont d'Arcole et fit la campagne d'Italie avec le grade d'inspecteur aux revues.
Il peignit, en 1804, les Pestiférés de Jaffa, puis Bonaparte aux Pyramides, le
Lendemain d'Eylau, François I^^ et Charles-Quint visitant la basilique de Saint-
Denis, 11 fut nommé membre de l'Institut en 181 ?> et professeur à l'École des
Beaux-Arts en 1816. On lui doit la décoration de la coupole de Sainte-(iene-
viève (Panthéon). Le prix de ce travail avait été fixé à riO.OlX) francs ; quand il
fut terminé, Charles X dit à l'artiste : « Les rois doivent donner plus qu'on
ne promçj: en leur nom, surtout quand ils ont à récompenser des hommes de
votre mérite : voici 100.000 francs et le titre de baron. »
(i) Voir l'article de M. le cominandnnt Dubois sur la maison de HoulT6, page 23i du
II" volume, ainsi que la page io6 du 111* volume du Bulletin,
i'i) M. l'abbé Beurlier, cur^^ d'Auleuil, docteur ès-leltres et membre de la Société des
Antiquaires de France, a bien voulu me communiquer des indications sur divers établis-
sements religieux de sa paroisse.
RUE BOILEAU l83
La rue Boileau (1), ancien chemin puis rue des Garennes, a son origine
à la rue d'Auteuil, au point où se trouvait autrefois, devant une maison
dénommée de l Image Notre-Dame^ la jonction de la Grande-Rue et de
la rue Molière ( rues actuellement dénommées l'une et Tautre : rue
d'Auteuil). Elle aboutit à lavenue de Versailles. Le tracé de cette rue n'a
donc pas été modifié; au xvui® siècle, elle n'était bordée de maisons que sur
le côté droit et aux abords de la Grande-Rue ; sur le côté gauche, c'est-à-dire
le plus voisin de la Seine, elle servait de limite à la grande propriété des
Génovéfains et, vers le Point-du-Jour, elle traversait des champs cultivés. Le
plan fixant les alignements de la nie Boileau et lui assignant 8 mètres comme
moindre largeur a été approuvé par arrêté du 27 septembre 1837. Des trot-
toirs, ayant coûté 8.942 francs, ont été construits en 1843 à la rue Boileau ; en
outre, des caniveaux y avaient été établis, moyennant une dépense de
2.648 francs, pour faciliter l'écoulement des eaux ; cependant, la chaussée
était si dégradée en 1855 que le maire d'Auteuil dut prendre un arrêté pour y
interdire le passage des voitures non suspendues et attelées de plus d'un che-
val ; une somme de 10.000 francs fut consacrée, en 1856, à l'amélioration de
la rue Boileau, où les constructions se développaient dès cette époque aux
abords de l'avenuede Versailles. De nouveaux trottoirs ont été établis en 1858;
l'égout de la rue Boileau, qui date de 1859, a coûté 60.882 francs. D'autres
trottoirs réglementaires ont été établis rue Boileau, en 1899, entre les rues
d'Auteuil et Molitor; en 1900, entre la rue Molitor et les n**» 54-59. En avril
1899, la rue Boileau a été munie de candélabres avec becs à incandescence.
Vers le milieu du xix* siècle, on a créé un ensemble de voies privées désigné
sous le nom de hameau Boileau (2) et composé d'une vingtaine de petits hôtels
entourés de jardins, pour la plupart habités par des bijoutiers de Paris, à
Torigine.
La dénomination de rue des Garennes était due à ce qu'elle conduisait au
lieu dit « les Garennes », dont le nom se trouve déjà mentionné dans des
actes du xv" siècle (3). Un arrêté de la municipalité d'Auteuil, en date du
26 octobre 1792, porte : « Le nom de Boilot {sic) sera donné à la rue des
Garennes, en mémoire du citoyen dont Thabitation était dans cette rue. »
Cette dénomination, qui a été confirmée par le décret du 2i août 1864, rap-
pelle le souvenir du séjour de plus de vingt ans que fit, pendant la belle
saison, dans une maison située sur remplacement du n° 26 de cette rue (4),
Boileau-Despréaux (1636-1711), auteur des Satires, de i'Arl poétique et du
Lutrin. Il avait acheté, en 1685, douze ans après la mort de Molière, cette raai-
(i) L'aclc de décès de « Nicolas Boileau, escuyer, sieur Despréaux, l'un des quarante
de l'Académie française », a été rédigé le i5 mars 1711, par M. de la Janire, curé de Saint-
Jean-le-Rond, en présence de son ïrhe Jacques Boileau, chanoine de la Sainte-Chapelle,
et de son petil-neveu par alliance, Gilbert de Voisin, président de la ileuxième Chambre
des enquêtes du Parlement.
{2) Ce hameau comprend l'avenue Despréaux, dont l'entrée est au n" 38 de la rue Boi-
leau et qui donne accès à Vavenue Molièrty ainsi qu'aux impasses Corneille, Racine et Vol-
taire.
(3) Voir les notes historiques de M. l'abbé Beurlier (p. 3ii du III* volume du Dallelin).
(4^ Voir, pour le séjour de Boileau à Auteuil, Tarticle de M. Léopold Mar intitulé :
Fragment et correspondance de Boileau se raltachant à la maison dWuleuil (pp 87 à 90 du
IV» volume du Bulletin, l'article de Mme Chochod-Lavergne intitulé : Réception de Boileau:
à V Académie française (p. 92 du IV" volume), les articles de M. Emile Saint-Lanne sur la
maison de Boileau (p. 3o du I®"^ volume); et aux annexes : (p. 47O l'article de M. Antoine
l84 HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENT
son au prix de 8.000 livres ; mais il y fit des embellissements et l'agrandit [tar
des acquisitions de terrains. 11 aimait à y recevoir Racine, M. et Mme Dacier,
Chapelle, La Bruyère, le père Bourdaloue, l'abbé Loyseau, curé d'Auteuil et
aumônier de Louis XIV, ainsi que ses autres amis. 11 y reçut aussi des per-
sonnages, parmi lesquels on peut citer : d'.\guesseau, le duc de Bourbon, le
prince de Conti, La moignon, de Pontchartrain. Pendant son séjour à Auteuil,
JBOIlLEAIl IDlBSFMIBATliX ,
Boileau était constamment entouré de son fidèle jardinier Antoine, à qui il a
dédié son épltre XI ; il recevait souvent les enfants de Bacine, qu'il prome-
nait au bois de Boulogne et dans les sentes d'Auteuil. C'est de sa maison
de campagne qu'il a daté beaucoup de lettres, pendant treize ans. A
partir de 17(KI, le mauvais état de sa santé l'obligea à espacer d'abord ses
Guillni)! sur Boilcnu A Aiilcuil (p. ijt) \es notes de M. E. Potin sur Biiilcau; l'artiHc
ili^jà cit^ lie M. E. l'iilin intihilt : la Maison de Boileau appréciée par Voltaire (\i 4G7) ', l'nr-
tii'[e de M. Li>o|iuI<l Mar ttur le jnrdlnier ilc Boileau (p. {7:^! ; celui de M. Ruf^ne Manuel
intitulé: Bossuel chez Boilrau (p. 473); l'aïUclc déjà cité, de M. Antoine Guillots sur la
maison de Boileau (|). Iti^i ainsi que les paf(cs 78, K> et 170 du L'' volume du Bul'.elin el la
page 66 du IV* volume.
RUE BOILEAU l85
visites à Auteuil, et ensuite à ne presque plus venir à la campagne ; c est sans
doute le motif qui le détermina à vendre sa maison d'Auteuil, en 1709, à son
ami Leverrier, qui avait fait graver, en 1704, le portrait du poète par Drevet
et avait fait mettre, au bas, les vers suivants :
Au joug de la rnison asscrvissant la rime,
El môme en imitant, toujours original,
J'ai su dans mes écrits, docte, enjoué, sublime,
Rassembler en moi Perse, ttorace et Junéval.
Boileau (i) sentant qu'il y avait de la vanité dans ce quatrain, répondit à
Leverrier :
Oui, Le Verrier, c'est là mon fldèle portrait.
Et le graveur en chaque trait
A su très finement tracer sur mon visage
De tout faux bel esprit l'ennemi redouté;
Mais dans les vers pompeux qu'au bas de cet ouvrage
Tu me fais prononcer avec tant de fierté.
D'un ami de la Vérité
Qui peut reconnaître l'image?
Louis XIV montrant des vers de sa composition à Boileau, lui demanda ce
qu*il en pensait : « Sire, répondit-il, rien n'est impossible à Votre Majesté ;
elle a voulu faire de mauvais vers et... elle a réussi. »
Boileau s'étant présenté au Trésor royal pour toucher sa pension, remit
son ordonnance à un commis qui, y lisant ces mots : « La pension que nous
avons accordée à Boileau, h cause de la satisfaction que ses ouvrages nous
ont donnée, etc.. », lui demanda de quelle nature étaient ses ouvrages : « De
maçonnerie, répondit le poète, je suis architecte. »
De toutes les épigrammes, celle que Boileau estimait le plus était
oelle-ci :
t'.i-gist ma femme ; ah! «juelle est bien,
Pour son repos et pour le mien.
Introduit dans la salle de l'Opéra, a Versailles, Boileau dit à l'officier qui
assignait les places : « Monsieur, mettez-moi dans un endroit où je n'entende
que la musique ».
Après Leverrier, la maison de Boileau à Auteuil fut habitée par Gendron,
médecin du Régent, par la femme du chancelier d'Aguesseau, par Chamfort
en 1779, et ultérieurement par ('aulaincourt, duc de Vicence.
Il y a quelques années, on pouvait voir encore, dans un jardin de la
uiila Boileau (rue Molitor, 18), un superbe marronnier, contemporain de
Boileau; il a été détruit par un coup de tonnerre; il ne reste plus de cette
époque qu'un orme gigantesque qui se trouve dans la propriété portant le
n® 20 de la rue Molitor.
L'école municipale de la rue Boileau était fréquentée, au commencement
(i) Ces détails sur Boileau sont extraits d'une communicntion faite par M. Léopold
Mar h la Sociétt^ historique d'Auteuil et de Passy, et intitulée : « wl/îrtsroncornanl quehpies
célébrités du XVI* arrondissement. »
HISTOIRE DU XVr
du XX' siècle, par deux cent quaire-vingl-six garçans. Elle a pour directeur
M. Emile Langlois.
HUBERT ROBERT, PEINTRE.
iCollcrIinn di' M Ein. l'ol
La mairie d'Auleuil, qui fui d'abord établie sur la place d'Aguesseau
l^ujourd'hui place d'Auteuilj, avait été Irausférée, en IHil, dans la partie de
II) D'aprË? l'original, |icinl pnr InRrcïi.
ÉCOLE NORMALE d'aUTEUIL 187
la rue Boileau comprise entre le hameau Boileau et la rue Molitor (1); la
maison utilisée pour cette destination était voisine de celle qui avait été habitée
par Hubert Robert (2). Elle fut achetée par la commune d^Auteuil, en 1843,
pour y installer la mairie, moyennant un prix principal de 36.000 francs (3).
Les parents d'Alfred de Musset, M. et Mme de Musset-Pathay, ont habité
pendant quelques années,avec leurs trois enfants, une maison située rue Boi-
leau et à peu de distance de la rue de Musset, entre un vaste jardin et une
cour close par une grille ; le poète s'y trouvait en 1828, à l'âge de dix-huit
ans, après avoir obtenu le prix de philosophie au concours général, et c*est
dans les bois (4) d'Auteuil qu'il a fait ses premiers vers.
Uimpasse Boileau, dont la formation remonte au commencement du
XIX® siècle et dont rentrée se trouve au n** 98 de la rue Boileau, a été ainsi
dénommée par arrêté préfectoral du 1'*'" février 1877.; on l'appelait précédem-
ment u impasse des Pauvres » ; sa moindre largeur est fixée à 5*", 50.
A Tangle du boulevard Exelmans, n* 25, et de la rue Boileau, se trouvait
la maison du célèbre statuaire Carpeaux (5) ; elle a été démolie en 1898.
Au n^ 78 de la rue Boileau se trouvait la villa Bamboul, située entre
cette rue et le boulevard Exelmans ; elle avait été formée en 1863, sous le
nom de villa Saint-Allais ; le nom de fantaisie de « Bamboul » lui avait été
donné par MmePlanteau, devenue propriétaire, en 1877, de cette voie privée,
qui a été ensuite dénommée « villa Exelmans » et est actuellement remplacée
par la rue Blanchon (rue Boileau, 76, et boulevard Exelmans, 35) ; ce nom est
celui d'un directeur d'établissement médical, situé dans cette rue.
Au n* 34 de la rue Boileau, M. l'architecte H. Guimard a construit,
en 1891, un hôtel orné de motifs en terre cuite et de faïences émaillées à
riches dessins polychromes.
Les écoles normales du département de la Seine sont établies à Auteuil et
à Batignolles ; celle d'Auteuil, qui forme les instituteurs primaires, occupe un
espace compris entre la rue Boileau, la rue Molitor et la rue Chardon-Lagache ;
elle est contiguë à l'école Jean Baptiste-Say et elle a son école annexe rue Boi-
leau n^ 23. Ainsi que cela a été dit ci-dessus, page 172, les deux écoles étaient
(i) Voir larticle de M. Gabillot sur la maison d'Hubert Robert h Auteuil (p. 8o du
n« volume du BuUelin),
(2) Voir aux annexes (p. 47^) l'article de M. Antoine Guillois, rendant compte de
l'ouvrage de M. Gabillot : Hubert Hobert el son temps.
(3) Les travaux d'appropriation de la nouvelle mairie d'Auteuil furent adjugés le
3 octobre 1843 ; l'hôtel où elle avait été installée fut payé en plusieurs termes, dont le der-
nier a été soldé par la commune en juillet 1847.
Les mairies d'Auteuil et de Passy ont été supprimées par suite de l'annexion et rem-
placées par la mairie du XVI* arrondissement, qui est en façade sur l'avenue Henri-Martin
et sur la rue de la Pompe. Le projet de cette nouvelle mairie, dressé par M. l'architecte
Godbeuf et montant à 2.346.762 francs, a été approuvé le 28 décembre 1866. Elle a été
construite : i» sur un terrain de 3.490 mètres carrés, acquis de M. de Las Cases, moyen-
nant 261.783 francs, suivant acte passé par M<> Delapalme, notaire ; 2<> sur un terrain de
48 mètres carrés, cédé par M. Cail, aux termes d'un acte d'échange passé par M® Ancy,
notaire ; 3* sur des terrains provenant des expropriations faites, suivant jugement du
22 mai 1860, pour le percement de l'avenue. Les travaux ont été commencés en 1867,
interrompus par la guerre et repris en 1875; ils ont coûté 2.340.000 francs.
(4) Voir (p. 474) 1 article de M. Emile Potin intitulé « Cn Ami d'Alfred de Musset » et
(p. 476) la communication faite par M. Antoine Guillois sur le même sujet. Voir également
l'article de M. de Bussy intitulé : Im Muse au bois d Auteuil^ page 172 du IIP volume du Bul-
letin.
(5) Voir (p. 476) l'article de M. Emile Potin intitulé : Auteuil qui s'en va. Cet article est
reproduit aux annexes.
l88 HISTOIRE DU XVI'' ARRONDISSEMENT
d'abord réunies, ou plutôt juxtaposées dans les mêmes locaux et ont été inau-
gurées par Jules Simon, ministre de l'Instruction publique, le 28 octobre 187â,
en présence de Léon Say, préfet de la Seine, et de M. Gréard, directeur de
l'enseignement primaire. L'entrée des deux écoles était alors rue d'Auteuil,
Il bis, ou rue du Buis, 5. Elles occupaient une partie de l'ancienne propriété
qui servit de résidence, au xviii® siècle, à plusieurs opulents fermiers généraux,
fut possédée par Ternaux, le célèbre manufacturier qui introduisit en France
la fabrication des châles cachemires, et fut ensuite occupée par l'ancienne
institution Notre-Dame-d'Auteuil, fondée en 1852 par l'abbé Lévéque. Au i*" oc-
tobre 1876, l'école Jean-Baptiste-Say obtint son autonomie administrative,
mais en gardant d'abord en commun avec l'école normale plusieurs bâtiments,
notamment le gymnase. C'est le 8 octobre 1882 qu'on a ouvert la nouvelle
école normale d'Auteuil, avec entrée rue Molitor; 10: la construction des nou-
veaux bâtiments a été dirigée par M. l'architecte Salleron.
De l'ancien parc Ternaux, jadis fort vaste, puisqu'il s'étendait jusqu'à
la vieille rue Jouvenet, il ne reste plus qu'un lambeau, avec un beau cèdre,
contigu aux constructions nouvelles de l'école normale, dont il forme le
jardin botanique.
La rue des Perchamps^ établissant une communication entre la grande rue
(aujourd'hui rue d'Auteuil) et la rue La Fontaine, existe à l'état de chemin
sur les plus anciens plans d'Auteuil. Le nom que porte cette rue est celui
du lieu dit ou territoire dont elle fait partie; ce nom s*est écrit successi-
vement de diverses façons : les Parchants, les Perchants -à- la -Croix en
1492, le Grand-Perchant, la place du Grand-Perchamp en 1773. Sur un plan
du xvii'' siècle, on voit: « Petit-Perchamp ou vidange de la ville », ce qui
paraît indiquer que ce chemin était utilisé à cette époque pour la vidange des
déchets, déblais et immondices. Les philologues ne se sont pas encore mis
d'accord sur l'étymologie de ce nom de Perchamp : on a supposé qu'il signi-
fiait champ d'un bleu vert, ou champ de l'égalité (1), en raison du voisinage
de l'ancien cimetière attenant à l'église, ou champs égaux (2j, provenant de
coupes successives faites par les habitants dans les bois qui s'étendaient
autrefois sur l'espace compris entre la rue La Fontaine et la rue Théophile-
Gautier. En 1818, année où fut ordonné le numérotage de toutes les maisons
d'Auteuil, on a dépensé 1.050 francs pour réparer le pavage de la rue des
Percharaps. Une délibération du conseil municipal d'Auteuil en date du
14 décembre 1825 a approuvé un plan d'alignements, comportant l'élargisse-
ment delà rue à 6 mètres ; cette largeur a été, en effet, approuvée par arrêté
préfectoral du 4 février 1820, mais elle a été portée à 8 mètres, par arrêté
du 27 septembre 1837. Le tracé sinueux de la rue des Perchamps a été rem-
placé, auprès delà rue d'Auteuil, par un tronçon en ligne droite, avec une
largeur de 12 mètres en prolongement de la direction générale de la rue des
Perchamps; ce travail, commencé en 1884, définitivement autorisé par le
décret du 19 juillet 1890 et terminé en 1892, a coûté 28.270 francs. On a pour-
suivi l'amélioration de cette partie de la rue des Perchamps, en octobre 1893,
en reconstruisant à l'alignement, à son débouché sur la rue d'Auteuil, une
(i) Voir aux annexes {p. 287) rarllcle, déjà cité, de M. Antoine (iiiilloiP, sur la vieille
église d'Auteuil.
(2) Voir, iv la page 152 du I*' volume du Bulletin^ l'article de M. Kmile Saint-Lanne fin-
ies Perchamps.
RUE RIBÉRA 189
maison qui continue à la diviser en deux branches, dont Tune fort étroite,
très mal pavée et sans trottoirs. C'est un reste du xviii* siècle, époque à
laquelle la rue des Perchamps était bordée de petites constructions, occupées
par des vignerons et des blanchisseuses; on les a remplacées, sur la place
des Perchamps et pour les numéros impairs de la partie comprise entre cette
place et larue d*Auteuil, par de grandes maisons modernes de rapport. Le
surplus de la rue des Perchamps, resté sinueux, est un des rares, mais peu
propres, vestiges du vieil Auteuil.
La largeur de la place des Perchamps a été fixée à 12 mètres par l'arrêté
préfectoral du 27 septembre 1837.
La rue Verderet^ qui n'a que 50 mètres de longueur, est fort ancienne ;
elle s'est appelée successivement Mérodée, Merderée en 1736, Merderet, enfin,
d^une manière plus convenable, rue Yerderet. Sa largeur avait été fixée à
8 mètres par arrêté du 27 septembre 1837 ; mais les maisons du côté gauche
ont été démolies lors de la construction de la grande voie qui porte actuelle-
ment le nom de rue Chardon-Lagache ; les alignements du côté pair ont été
fixés par le décret du 20 septembre 1896.
La sente dite des Tas-de-Cailloux a été remplacée en 1779 par une rue
appelée ensuite rue de la Municipalité et dont remplacement est aujourd'hui
occupé par la rue Chardon-Lagache ; la partie de cette dernière rue qui se
trouve comprise entre la rue Claude-Lorrain et la rue Jouvenet existait à
l'état de rue dès 1779. Des renseignements au sujet de Tancienne rue de la
Municipalité sont donnés ci-après dans Thistorique de la rue Chardon-
Lagache.
La rue du Buis est également fort ancienne ; elle occupe l'emplacement
d'un ancien chemin qui existait dès 1755 au lieu dit « le Bouys » ; elle finis-
sait originairement à la rue Yerderet ot a été prolongée jusqu'à la rue de la
Municipalité, lors de la construction de cette dernière rue entre la rue Jou-
venet et la place de l'Église.
La partie de la rue Ribéra qui est comprise entre la rue La Fontaine et la
rue Dangeau se nommait, au xvni^ siècle, rue de la Croix, en raison d'une
croix de pierre qui y avait été posée, fut brisée en 1793 et remplacée plus
tard par une croix de bois. La largeur a été fixée à 8 mètres par arrêté du
28 janvier 1828 ; le prolongement entre la rue Dangeau et la rue Mozart a été
autorisé par décret du 29 mai 1867. La mise en état de viabilité de la rue
Ribéra a été terminée en 1882 et a coûté 17.100 francs; la dénomination
actuelle de cette rue lui a été donnée par décret du il septembre 1869, en
mémoire du peintre espagnol Joseph Ribéra (1588-1656), surnommé l'Espa-
gnolet, qui vint tout jeune à Rome, y étudia d'abord à l'atelier du Caravage
et se rendit ensuite à Parme auprès du Corrège ; son génie sombre et hautain
se plaisait surtout à représenter les supplices des martyrs.
Trois maisons, d'un style original, ont été construites en 1894 par M. Tar-
chitecte J. Boussard, aux n°» 41, 42 et 45 de la rue Ribéra. C^elle qui
porte le n^ 41 a quatre étages de loggias, supportées par des cariatides de
femmes ou par des colonnes.
La route n° 10 de Paris à Rayonne par Versailles, Chartres et Bordeaux,
était très fréquentée, dès le w\V siècle, par les carrosses circulant entre
Paris et Versailles ; elle s'est nommée d'abord route de Versailles, puis sur
notre territoire « chaussée d'Auteuil » ; un arrêté du 1"*^ février 1877 lui a
190 IltflTOIRE DU XyV" ARRONDISSEMENT
donné son nom actuel d'avenue de Versailles; elle est plantée d'arbres. Les
fourches patibulaires d'Auleuil étaient autrefois situées sur la route de Ver-
sailles (i). Le service des ponts et chaussées y a exécuté, en 1846, radoucisse-
ment de la côte du Point-du-Jour. On a réuni à cette avenue une petite fraction
de la route de la Reine (conduisant à Boulogne) qui avait été coupée par
les fortifications. Le décret du 10 octobre 1883 a fixé la moindre lar-
geur à 25", 60.
Au n"^ 7 de l'avenue de Versailles se trouve l'atelier de l'Union d'assis-
tance par le travail du XVI"" arrondissement de Paris, ouvert en juillet 1896;
cette union donne chaque année de Touvrage à quelques milliers d'indigents
des deux sexes qui, sans cette ressource, seraient réduits à la mendicité. Elle
a été présidée d'abord par Léon Say, ancien ministre des finances, et après
sa mort par M. Jean-Casimir Périer, ancien président de la République; elle
l'est actuellement par M. Coulon, vice-président du Conseil d'État, membre
de la Société historique d'Auteuil et de Passy.
Hippolyte-Guillaume*Suipice Chevallier, dit Gavarni (1801-1866), célèbre
dessinateur, aquarelliste et lithographe, a habité l'avenue de Versailles à partir
de 1845 et s'était fixé en 1865 à la villa (2) de la Réunion. Son buste en bronze,
par Puech, sera prochainement érigé place Saint-Georges.
Entre l'avenue de Versailles et la Seine, à l'aval du pont Mirabeau, se
trouve la pompe à feu d'Auteuil (3). La loi du 10 avril 1901 y a autorisé la
translation des services de l'ancienne pompe à feu de Chaillot, chargés de
remonter les eaux de la Seine au réservoir d'où elles repartent pour être
distribuées dans le XV!"" arrondissement.
L'éclairage électrique a été installé à l'avenue de Versailles, suivant
Tautorisalion donnée par l'arrêté préfectoral du 5 avril 1900.
L'école municipale de l'avenue de Versailles était fréquentée, au com-
mencement du xx^ siècle, par deux cent trente-six jeunes filles.
L'œuvre de l'hospitalité du travail se trouve au n'' 52 de l'avenue de Ver-
sailles. Son but est de fournir aux personnes sans ouvrage un travail provi-
soire qui leur permet de vivre, sans avoir recours à l'aumône, en attendant
le moment où elles pourront trouver un emploi. L'établissement ne les reçoit
que pendant une période d'au plus 20 jours; on y prend note de leurs apti-
tudes et on s'efforce de les placer.
(1) Voir une note de M. Antoine Guiliois sur remplacement de la jusîice des G6nové-
fains à Auteuil; elle se trouve dans un article déjà cité du même auteur.
(a) Voir aux annexes (pp. fyjS et ss.) la note sur les demeures de Gavarni cl TarUcle
de M. Em. Potin : Auteuil quiê*€n va^ auquel il a été déjà renvoyé.
(3) Voir mon article sur le service des eaux dans le XVI» arrondissement, ainsi que
Tarlicle de M. L. Mar sur Tancienne pompe à feu de Chaillot; ces deux articles, déjà
cités, sont reproduits aux annexes (pp. 3(/) et 4^0).
Histoire des rues établies à Auteuil depuis 1800
jusqu^à l'annexion.
Auteuil resta à peu pr6s stationnaire pendant la Révolution et fit peu de
progrès sous le premier Empire ; mais, après les guerres, les rues déjà bor-
dées de propriétés se peuplèrent peu à peu, les champs disparurent sur divers
points, et plusieurs voies publiques à l'état de chemins se transformèrent en
rues.
En Tan X, le chemin du Point-du-Jour à Billancourt fut élargi, débar-
rassé des eaux stagnantes et forma la rue de Billancourl, classée sous ce
nom par arrêté préfectoral du 25 prairial an X. Les alignements de cette rue
ont été fixés par les arrêtés du 13 février 1838 et du 16 juillet 1855, portant la
largeur légale de 8 à 10 mètres. En 1848, la commune d'Auteuil a fait exécuter
des remblais sur la rue de Billancourt, pour donner de Touvrage aux ouvriers
nécessiteux (1). En raison de Taugmentation de la population aux abords de
l'avenue de Versailles, les trottoirs de la rue de Billancourt furent mis en
état de viabilité, suivant un arrêté du 17 août 1880, autorisant une dépense
de 4^.200 francs.
A partir de 1808, le conseil municipal, à raison du développement des
constructions, s'occupa très activement des mesures à prendre pour amé-
liorer et assainir les voies publiques, ainsi que pour élargir ou régulariser,
par voie d'alignement, celles où habitait la partie la plus dense de la
population.
La rue Jouvenet occupe Templacemeat d'un chemin très ancien et sinueux;
elle s'appelait précédemment rue de la Réunion et figure sous ce nom au
cadastre de 1823 ; mais elle existait dès le commencement du xix* siècle, car
l'arrêté du l®*" avril 1808, prescrivant l'ouverture d'une rue nouvelle, qui s'est
appelée sous le premier Empire rue d'Iéna, porte qu'elle ira de la rue de la
Municipalité à la rue de la Réunion (2). Dans sa séance du 5 août 1859, le
conseil municipal proposa de lui donner le nom de M. Jehannot, ancien
(i) Sur la rue de Billancourt, la commune d'Auteuil a dépensé CAVj francs en i833 pour
établissement de caniveaux, 7.160 francs en 1889 pour pavage de cette rue et de celle de
la Demi-Lune, et 5.8o3 francs à la même époque pour travaux de nivellement et d'assai-
nissement.
(2) Voir ci-après l'historique de la rue de Musset. Les alignements de la rue de la
Réunion ont été fixés par l'arrêté préfectoral du i3 février i838.
192 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
maire; cette proposition n'a reçu aucune suite, et la dénomination actuelle de
la rue Jouvenet lui a été donnée, par décret du ^i août 1864, en mémoire du
peintre Jean Jouvenet (1644-1717), qui se fît connaître dès Tàge de dix-
neuf ans par un tableau appelé « la Guérison du Paralytique », autrefois à la
basilique de Notre-Dame de Paris. 11 entra en 1675 à l'Académie de peinture,
sur la présentation de Lebrun. On lui doit plusieurs tableaux qui ornent le
musée du Louvre, ainsi que des peintures de la chapelle du château de Ver-
sailles. Devenu paralytique du côté droit, il s'exerça à peindre de la main
gauche, et c'est de cette main gauche qu'il fit, pour le chœur de l'église
de la Visitation, le tableau appelé Magnificat.
L'école municipale de la rue Jouvenet était fréquentée, au commencement
du XX* siècle, par 274 jeunes filles.
L'impasse Jouvenet, qui débouche dans la rue Jouvenet à la hauteur de la
rue Lancret et qui est aussi ancienne que ces deux rues, se nommait précé-
demment impasse de la Réunion et a reçu sa dénomination actuelle par
arrêté du 27 mai 1881. Sa largeur a été fixée à 8 mètres par arrêté du
13 février 1838. Elle a à peine 30 mètres de longueur.
La rue Lancret, autrefois impasse ou passage des Miracles, est également
fort ancienne (1) et a reçu sa dénominatic; i actuelle, par décret du 24 août 1864,
en mémoire du peintre Nicolas. Lancret (1691-1743), qui fut condisciple et
ami de Watteau dont il suivit les conseils et fut reçu en 1719 à TAcadémie de
peinture, sous le titre de « peintre des fêtes galantes ». On connaît de lui au
moins 80 tableaux, reproduits fréquemment par la gravure ; beaucoup d'ori-
ginaux sont au Louvre, à Dresde et dans les palais du roi de Prusse ; on a pu
voir ces derniers à l'Exposition universelle de 1900 (pavillon allemand).
La rue de Musset s'est appelée d'abord rue d'Iéna, puis rue Benoit. Un
arrêté préfectoral du l®*" avril 1808 ordonna l'ouverture de la partie de cette
rue comprise entre les voies qui portent actuellement les noms de rue
Chardon-Lagache et de rue Jouvenet ; cette section a porté d'abord le nom de
rue d'Iéna. Le docteur Lacroisade, qui avait succédé à M. Benoit comme
maire d'Auteuil, demanda qu'il fût interdit de bâtir des maisons sur le tracé
du prolongement de la rue d'Iéna, projeté vers la rue Boileau ; l'administra-
tion déclara, le 25 novembre 1814, qu'elle ne pouvait pas empêcher les pro-
priétaires de bâtir, tant que ce prolongement n'aurait pas été régulièrement
et définitivement autorisé. En 1816, après la mort de M. Benoit, qui fut maire
d'Auteuil de 1793 à 1813, remplit ses fonctions avec beaucoup de zèle et fit
exécuter divers travaux d'intérêt général, le nom de rue d'Iéna fut changé
en celui de rue Benoit. La partie de la rue de Musset comprise entre les rues
Chardon-Lagache et Jouvenet (ancienne rue d'Iéna) figure seule, sous le nom
de rue Benoit, au plan cadastral de 1823. Le prolongement, entre la rue Jou-
venet et la rue Boileau, qui avait été projeté avant la fin du premier Empire
et fréquemment sollicité par la municipalité d'Auteuil, notamment par une
délibération du 3 mai 1825, n'a été autorisé que par l'ordonnance royale
du 23 décembre 1839, maintenant pour l'ensemble de la rue Benoit une
largeur légale de 8 mètres. Ce n'est qu'en avril 1841 que M. Molin, alors
maire d'Auteuil, a acheté les terrains nécessaires pour réaliser ce prolonge-
(1) Les alignements de la rue Lancret ont été fixés par arrôlô du 27 septembre 1887, et
ceux de la rue Jouvenet par arrêté du i3 février i838.
RUE PIERRE-GUÉRIN igS
ment ; une indemnité de 975 francs a été payée en 1842 pour ces terrains par
la commune aux hoirs Reculé. Une somme de 19.100 francs a été dépensée}
en 1889 pour achever la mise en état de viabilité de la rue de Musset, ancienne
rue Benoit, qui a reçu sa dénomination actuelle, par décret <iu 24 août 1864,
en mémoire du poète Louis-Charles-Alfred de Musset (1810-1857), élu aca-
démicien en 1852 (1).
L'école municipale de la rue de Musset était fréquentée, au commencement
du XX® siècle, par 359 garçons.
La rue Pierre-Guérin (2) a remplacé la sente des Vignes, qui est devenue
ensuite la rue des Vignes. Cette sente réunissait, de même que la rue des
Perchamps, la grande rue à la rue de la Fontaine, en longeant à gauche les
murs du parc de Boufflers et à droite les nombreuses vignes qui recouvraient
alors le coteau montant vers Passy : jusqu'en 1870, on voyait encore des
vestiges de ce vignoble, ou tout au moins de nombreuses tonnelles dans de
petits jardins, séparés par des treillages, sur les terrains situés entre les
emplacements occupés actuellement par la rue Chardon-Lagache et la rue
du Docteur-Blanche; de nombreux sentiers bordés de haies serpentaient
dans cette région.
La rue Pierre-Guérin se prolonge en impasse, sur une longueur de
90 mètres à partir de la rue de la Source ; le surplus de la longueur de cette
rue peut être divisé, au point de vue historique, en deux sections distinctes,
dont la première va de la place des Perchamps à la rue de la Source, et la
seconde (qui constitue une sorte de prolongement de la rue Boileau) va de la
rue d'Auteuil à la place des Perchamps.
La première section, qui remplace Tancienne sente des Vignes, est de
beaucoup la plus ancienne ; il résulte d'un alignement, délivré en 1810, que
cette sente n'avait alors qu'une largeur de 2 mètres ; un arrêté de 1822 a fixé
la largeur légale de ladite sente à 12 pieds. La municipalité d'Auteuil vou-
lait délivrer les alignements de manière à donner à cette voie une largeur
de 8 mètres, ce qui motiva des contestations avec les propriétaires rive
rains. Le préfet de la Seine fit observer que la conversion d'une sente en rue
ne pouvait être légalement acquise que par l'approbation d'un plan général
d'alignement. Il déclara que, par application de la loi du 28 février 1805, le
classement de la sente en chemin vicinal ne permettrait pas de lui donner
une largeur supérieure à 6 mètres ; enfin, que la largeur de 8 mètres, demandée
par le conseil municipal d'Auteuil, ne pourrait être réalisée que si une ordon-
nance royale convertissait plus tard le chemin en rue. Conformément à une
délibération prise le 23 août 1823 par le conseil municipal d'Auteuil, l'arrêté
préfectoral du 8 mars 1825 classa et aligna le chemin vicinal, dit sentier des
Vignes, avec une largeur de 6 mètres. L'arrêté du 27 septembre 1837 a donné
au sentier des Vignes le nom de rue des Vignes, en lui assignant une largeur
minimum de 8 mètres ; enfin, le nom de rue Magenta a été, comme on va le
voir, donné à cette section, ainsi qu'à la seconde, pendant quelques années.
(i) Pour le. sôjoiir de Miissol U Aul<^uil, voir ce qui a ùlê dit ci-dessus, à la lin de
l'historique de la rue Boileau, pafçe I87.
(2) Les alignements ont été réglés par l'arrêté du 8 mars 1825, pour la partie comprise
entre la place des Perchamps et la rue de la Source, à 10 mètres de largeur par l'arrêté
du 3o juin iS-'iô pour la partie comprise entre la place des Perchamps et la rue de la
Source; ces alignements ont été modifiés par le (lécrel du 15 juin iSH7>.
i3
194 HISTOIRE DU XVl* ARRONDISSEMENT
L'ouverture de la secoade section, sous le nom de rue Neuve-Boileau, a
été réalisée en 1856, à la suite de l'approbation donnée par délibération muni-
cipale en date du 1*'^ février de la même année, à un projet d'échange de
terrains entre la commune d'Auteuil et M. Boudon, cédant 1.200 mètres
carrés pour ouvrir cette nouvelle rue, avec une largeur de 10 mètres. En vertu
d'une délibération prise le 8 juin 1859 par le conseil municipal d'Auteuil, le
nom de rue de Magenta a été donné non seulement à la rue Neuve-Boileau,
mais encore à une partie de la rue des Vignes (1), en souvenir de la victoire
remportée le 4 mai 1859 par les Français sur Tarmée autrichienne. Le décret
du il septembre 1869 a supprimé, à Auteuil, le nom de la rue des Vignes et
celui de la rue de Magenta et a donné à cette voie sa dénomination actuelle,
en mémoire du baron Pierre- Narcisse Guérin (1774 1833), peintre d'histoire,
professeur à l'École des Beaux-Arts, qui fut nommé membre de l'Institut
en 1815 et a été directeur de l'Académie de Rome de 1822 à 1829. — Des can-
délabres et becs à incandescence ont été installés, en décembre 1899, à la
rue Pierre-Guérin.
Une ordonnance royale du 27 septembre 1825 a autorisé l'établissement
du pont de Grenelle (2), qui est divisé en deux parties par l'Ile des Cygnes,
séparant la gare de Grenelle du bras droit de la Seine, et qui donnait passage
à la route départementale n** 10, reliant la rive gauche de la Seine (Montrouge,
Vaugirard et Grenielle) à la rive droite (Auteuil, Passy et Neuilly). Les travées
métalliques qui ont remplacé, en 1875, l'ancien pont en charpente, ont été
exécutées dans les ateliers de la maison Cail. Le passage conduisant aux
pontons des bateaux parisiens (station du pont de Grenelle) a été élargi
en 1898. La Chaussée du ponl de Grenelle, voie qui conduit au pont et accède
à Tavenue de Versailles, est bordée de maisons de rapport.
La partie gauche de la section de la rue de Boulainvilliers, qui se trouve
comprise entre les abords du pont de Grenelle et le carrefour où aboutissent
les rues La Fontaine, de l'Assomption et Raynouard, dépend d'Auteuil ; le
surplus de cette rue appartient à Passy. Elle doit son nom au château sei-
gneurial de Boulainvilliers. La section de la rue de Boulainvilliers qui, dans
le voisinage du pont de Grenelle, forme limite entre Passy et Auteuil, s'ap-
pelait autrefois avenue de Boulainvilliers et était empruntée par la route
départementale n° 10 de Montrouge à Neuilly.
On peut citer, parmi les voies datant du premier tiers du xix'^ siècle, les
rues Désaugiers, de la Source, Jasmin, Téniers, Van-Loo et le quai
d'Auteuil.
La rue Désaugiers (3) est une voie minuscule qui va de la rue d'Auteuil à
la rue du Buis ; elle s'est appelée d'abord rue des Bons Enfants et a reçu sa
dénomination actuelle par décret du 24 août 1864, en mémoire du chansonnier
Marc Antoine Madeleine Augier, dit des Augiers (1773 1827), dont la verve
souple et féconde s'exhalait en joyeuses et bouffonnes chansons, parmi les-
quelles on peut citer Cadet Buteux^ Monsieur et Madame Denis, Il a com-
(1) Le 10 novembre i85(>, le conseil municipal d'Auteuil a autorisé rétablissement
d'une chaussée empierrée avec caniveaux et bordures de trottoirs dans la rue des Vignes.
(2) Voir ma note intitulée : « la Seine entre le pont d'Iéna et le viaduc d'Auteuil »; elle
est insérée aux annexes .p. 3fô).
(3) Les alignements ont été lîxés pour la rue Désaugiers comme pour les rues Verde-
ret et du DuiS| dont elle est voisinci par l'arrêté du a; septembre i837«
RUE DE LA SOURCE 196
posé beaucoup de pièces de théâtre, entre autres : les Petites Danaïdes,
la Chatte merveilleuse, M, Vautour, Il dirigea le Caveau moderne et
devint, en 1815, directeur du théâtre du Vaudeville. Nodier a dit de Désau-
giers : « Malin sans méchanceté, il a fait rire aux dépens de tout et ne s'est
jamais permis de faire rire aux dépens de personne. On ne saurait ni
compter ses épigrammes, ni lui en reprocher une seule. Il a exercé la critique
sans blesser et le pouvoir sans nuire. » Un buste lui a été élevé à Fréjus, sa
ville natale.
La rue de la Source et la rue Jasmin, précédemment nommée rue de la
Cure, sontà peu près parallèles et ont succédé à d'anciens chemins publics qui
existaient au nord de la rue La Fontaine ; ces chemins étaient fort étroits. Le
nom de rue de la Cure est attribué en raison de la vertu curative que possédaient
les sources d'eaux minérales, découvertes daîis les vignes d'Auteuil. Au-dessus
des glaises, chargées de pyrites et de cristaux de gypse, qui constituent une
partie du sous sol d'Auteuil et de Passy (1), il existe une nappe d'eau chargée
de sulfate de chaux et de sels de fer ; c'est de cette nappe que provenaient les
sources, traversant les sables ocreux qui surmontent l'argile. Une d'elles
existait dans le parc de la villa Montmorency; une autre portait le nom^ de
source de la Vigne ou source Joseph et alimentait une fontaine dans la grande
rue ; la source Quicherat, découverte en 1842, a été exploitée jusque vers 1894, au
n* 4 de la rue de la Cure. Les tranchées exécutées pour la construction d'égouts
et de maisons particulières ont à peu près complètement tari ces sources.
La rue de la Source a remplacé une sente dite des Vignes, pour laquelle
le conseil municipal avait proposé, le 23 septembre 1822, d'approuver un
plan d'alignements, avec 6 mètres de largeur ; cette voie est indiquée sur le
cadastre de 1823. Le 10 octobre 1827, M. Evrard, alors maire d'Auteuil,
demanda au préfet qu'elle fût convertie en une rue de 8 mètres de largeur,
portant le nom de rue de la Source, afin que les constructions projetées par
les riverains fussent bien alignées ; il a été donné satisfaction à cette demande
par l'arrêté du 28 janvier 1828, classant la rue de la Source avec une moindre
largeur de 8 mètres.
La mise en état de viabilité des parties de la rue de la Source comprises
entre la rue Pierre-(iuérin et la rue Rafïet, ainsi qu'entre les rues Mozart et
Ribéra, date de 1878 et 1879 et a coûté 33.000 francs (2). On a complété ce
travail, en 1889, par la mise en état de viabilité de la partie de la rue de la
Source située entre les rues Raffet et Mozart, moyennant une dépense de
23.250 francs.
Le prieuré des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, établi depuis
1893 rue Garancière, puis rue Vaneau, a été transféré, en 1895, au n° 3 de la
rue de la Source, dans l'ancienne propriété de feu M. Perrichet. Les Bénédic-
tins, n'ayant pas cru devoir demander au gouvernement d'autoriser leur
congrégation, ont quitté, en 1901, la maison qu'ils occupaient à Auteuil.
L'ancienne rue de la Cure, dont l'assiette a été profondément modifiée par
suite du percement de la rue Mozart, avait remplacé une partie de la seate de
(i| Voir, pour les eaux d'Auteuil, à In pngc Oa du !•' volume du Bulletin, rarticle
de M. le docteur Raymond sur les origines de« eaux de Passy et d'Auteuil, et une note
sur le service des eaux dans le XV!" arrondissement, insért'îe aux annexes (p. 3ç)5).
(2) Ces travaux ont ôté cxccutt^s sous la direction de M. de Fontange, ingénieur en
chef, de M. Bartet, ingénieur, et de M. Loraprez, conducteur des ponts et chaussées.
Saitpar luLmijm.inijSi Inu-aUbnt au fin^lroit >^cjcu Mn ^rt.
Jean. Se^tlàU- '^'an/ûO. Santrc iu. S<j>i.. S'héla- en. la mmc 'i'Z^^U^ ■
Çra«t\êr\. 17^ far Xmm Ë/wla ^.M^tf ^j-air i'u.\A.i^ ^-^
(Collection (te M. tm. Potin.)
RUE TENIERS I97
la Glacière, qui allait jusqu^à la rue Pajou. Cette ancienne rue de la Cure
commençait à la rue de T Assomption ; mais, en 1877, la partie comprise entre
cette dernière rue et la rue Mozart a été supprimée et son emplacement vendu
à un propriétaire. Un décret du 2 mai 1881 a fixé les dimensions, avec
moindre largeur de 6 mètres, de la partie qui est située entre la rue Mozart
et la rue de TYvette et qui, actuellement, porte seule le nom (1) de rue de la
Cure; les travaux autorisés par ce décret du 2 mai 1881 lurent terminés en 1885
et ont coûté 119.000 francs. Une autre partie de l'ancienne rue de la Cure,
comprise entre la rue de la Cure actuelle et la rue Jasmin actu?!le, a été
supprimée par décret du 8 novembre 1883, fixant une moindre largeur de
12 mètres pour la section de Tancienne rue de la Cure comprise entre la rue
Rafietetla rue de l'Yvette. Enfin, le décret du 3 décembre 1885 a donné à
cette dernière section le nom de rue Jasmin, en mémoire du poète languedo-
cien Jaquon Jasmin (1798-1864), qui a ressuscité la langue des troubadours et
est resté toujours fidèle, malgré ses grands succès poétiques, à son état de
perruquier, à Agen.
Par délibération en date du 7 mai 1809, le conseil municipal d'Auteuil
demanda que le chemin du Bac, conduisant à la Seine, presque en face de la rue
d'Iéna (récemment ouverte et actuellement nommée rue de Musset), fût rendu
praticable aux voitures et que le passeur fût obligé de tenir constamment son
bateau, à l'usage des passagers, devant ce chemin du Bac. II figure au plan
cadastral de 1823, sous le nom de rue du Bac (2). Le décret du 11 septembre
1869 donna à la rue du Bac, une des plus déclives de Paris, le nom de rue
VanLoo, en Thonneur d'une famille de peintres hollandais qui se fixèrent en
France et dont le plus célèbre est Charles-André, dit Carie Vanloo (1705-
1765) ; il fut chargé par le duc de Savoie de faire le portrait du prince de
Carignan, qui devint son protecteur et lui paya son voyage et un long séjour
en Italie. Il se fixa ensuite en France, où il obtint un fauteuil à l'Académie en
1731, le titre de premier peintre du roi et la direction de l'École de peinture.
II a fait les portraits de Louis XV, de Marie Leczinska, de Mme de Prie ; on
cite parmi ses tableaux : Diane et Endymion^ Saint Pierre délivré de prison^
Henri III recevant les chevaliers du Saint-Esprit y Henri III sur son lit de mort
(collection du marquis de Biencourt), Charles IX (château de Chambord).
Les Van-Loo ont donné trois générations de peintres.
La rue Téniers, qui va, comme la rue Van-Loo, de l'avenue de Versailles
au quai d'Auteuil, n'a qu'une largeur de 1™,95 ; c'est une voie non classée,
appartenant à la Ville de Paris ; elle s'est nommée d'abord sente, puis rue de
1 Égout, parce qu'elle prolonge un égout. Elle ne peut servir qu'aux piétons et
on y descend par un escalier de l'avenue de Versailles. Elle a porté ensuite le
nom de rue Callot et a reçu sa dénomination actuelle par décret du 11 sep-
tembre 1869, en mémoire de peintres célèbres : David Téniers, dit le vieux
(1582-1649), qui a peint surtout des scènes villageoises, et son fils, David
Téniers, dit le jeune (1610-1685), qui fut élève de Rubens, professeur de Don
(i) Il existe, en outre, rue Raffet, i3-i5, une ruelle de la Cure^ en prolongement de la
rue Jasmin, qui était autrefois une partie de la rue de la Cure ; cotte ruelle n'a que
i"»,5o de largeur et 3o mètres de longueur.
(a) Le conseil municipal d'Auteuil a voté, le 8 février iS^fi, un crédit de i.3oo francs
pour la construction d'un mur de soutènement. Les alignements de la rue Van-Loo ont
été fixés par le décret du 4 février i884» avec largeur de 8 mètres.
190 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Juan d'Autriche, et a laissé un nombre énorme de tableaux, d'après lesquels
on a fait beaucoup d'estampes. Téniers le jeune a porté jusqu'à la perfec-
tion le genre de son père : il peignait avec beaucoup de finesse et de vérité
les mœurs rustiques, les scènes de cabaret et les kermesses flamandes. —
Un unique et étroit trottoir a été établi à la rue Téniers en 1858.
Carie Van-Loo,
(CoUecUon de M. Ém. PotlD )
Le quai d'AuUuil ne consistait originairement qu'en une servitude de pas-
sage, au long de la Seine, pour le halage des bateaux. Un décret spécial du
!â2 juillet 1H63 a classé l'élablissement du quai d'Auteuil entre le pont de
Grenelle et les fortifications d'aval, sous la réserve que les expropriations
seraient terminées dans un délai de trois ans ; mais cette condition n'a pas
été remplie. Le Conseil d'État ayant décidé, par arrêt du 1" août 1890, qu'il
résultait de l'inobservation de ce délai que le classement de 1863 n'était plus
ItU6 FÉLICIEN-DAVID I99
valable, divers propriétaires, entre les rues Wilhem et Van-Loo, réunirent à
leurs immeubles le sol de Tancien chemin longeant la Seine, et le service de
la navigation dut construire, sur le domaine public fluvial, un nouveau chemin
de halage. En 1895, la situation a été améliorée à la suite de contrats passés
entre Tadministration et MM. Brionne et Magniez, propriétaires riverains. Un
décret du 3 juin 1899 a classé, ou plutôt reclassé, sous le nom de quai d'An-
teuil, la voie publique comprise entre les boulevards Exelmans et Murât, et
déclaré d'utilité publique les travaux d'élargissement de cette voie, travaux
estimés à 210.000 francs. L'éclairage a été installé, sur ce quai, en juin 1900.
L'avenue de Versailles a été mise en communication avec le quai d'An-
teuil au moyen d'une voie de 12 mètres de largeur, ouverte aux abords du
pont de Grenelle : ces travaux, autorisés par arrêté du 21 octobre 1897, ont
coûté 12.000 francs. Une rampe d'accès au quai d' Au teuil, autorisée par arrêté
du 18 juillet 1899, a été établie en aval du pont Mirabeau.
Enfin, on a construit récemment une rampe d'accès pour les voitures du
quai aux abords du pont-viaducd'Auteuil.Du cùté amont de ce viaduc, on des-
cend encore par un escalier au quai, près de la rue Van-Loo.
Sous le gouvernement de Juillet, plusieurs chemins qui existaient à Au teuil*
dès le XVIII'' siècle et traversaient des champs cultivés ou des vignes, furent
bordés de constructions et devinrent peu à peu de véritables rues.
La rue Félicien-David a été nommée successivement chemin et rue des
Pâtures, chemin et rue de la Prairie, ensuite rue Cuissard, puis rue Hérold.
Cet ancien chemin, qui n*était d'abord destiné qu'à la circulation des piétons,
avait, en 1817, une largeur de neuf pieds (2'",92) et était bordé, de chaque
côté, par une belle plantation de peupliers ; il traversait d'anciennes prairies
communales d'Auteuil, qui ont été vendues successivement à divers particu-
liers, et il figure au cadastre de 1823 sous le nom de rue des Pâtures (1). La
municipalité d'Auteuil ayant demandé que la largeur légale de ce chemin fût
augmentée, M. de Rambuteau, préfet de la Seine, déclara, le 10 février 1834,
que la commune n'avait droit qu'à une largeur de 2"',92 et qu'elle ne pourrait
porter cette largeur à 6 mètres qu'en achetant aux propriétaires riverains les
terrains nécessaires. Le tableau de classement des chemins vicinaux de la
commune d'Auteuil, approuvé le 2 août 1837, comprend, sous le n*» 3, un
chemin dit « des Pâtures ou de la Prairie », avec une largeur légale de
6 mètres. Les alignements de cette voie publique ont été fixés par un arrêté
du 13 février 1838, qui est encore aujourd'hui en vigueur, avec une moindre
largeur de 8 mètres. Comme cette rue de la Prairie était fréquemment inon-
dée, au point de devenir impraticable pour les voitures, on y fit exécuter des
remblais en 1848, pour occuper les ouvriers sans travail ; la voie fut exhaus-
sée et améliorée de 1849 à 1852, moyennant une dépense de 27.121 francs.
Un arrêté du 6 avril 1857 donna à la rue de la Prairie, sur la demande de
la municipalité d'Auteuil, le nom de rue Cuissard ; cette demande était fondée
sur ce que M. Cuissard, ancien militaire décoré, membre du conseil muni-
cipal et propriétaire des terrains bordant les deux côtés de la rue, sur plus
de la moitié de sa longueur, s'était mis volontairement à Talignement, sans
demander aucune indemnité à la commune, et avait ainsi porté de 2°',92 à
(i) Le nom de rue des Pâtures est acluellemont donné à une rue faisant communiquer
)a rue Félicien-David avec l'avenue de Versailles.
200 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
8 mètres la largeur de la voie publique. — Unégouta été construit, en 1859,
sous la rue Cuissard ; ce travail a coûté 20.426 francs.
Le chemin vicinal des Pâtures ou de la Prairie, qui avait son origine à la
rue de Boulainvilliers, avait 600 mètres de longueur, tandis que la rue Féli-
cien-David, qui commence à la rue Gros, n'en a que 450 : cela tient à ce que
la partie comprise entre la rue Gros (alors rue de la Fontaine) et la rue de
Boulainvilliers a été supprimée en 1861, époque à laquelle la Ville de Paris a
établi sur cet emplacement, qui est riverain de la rue de Boulainvilliers, un
dépôt de pavés et des magasins ; en vue de cette installation, elle avait acheté
8 ares et 63 centiares de terrains, pour 316.000 francs, à MM. Moity et Massot,
par acte notarié du 3 juillet 1861.
Le décret du 24 août 1864 a remplacé le nom de rue Guissard par celui de
rue Hérold, en mémoire du célèbre compositeur Louis-Joseph-Ferdinand
Hérold (1791-1833), élève de Méhul, qui a donné Zampa, en 1831, et le Pré-
aux-Clercs^ en 1832. Son nom a été attribué, par décret du 21 février 1881, à
la rue d'Argout (précédemment rue des Vieux-Augustins), parce qu'il est né
dans la maison portant le n^ 10 de cette rue. Comme il est de principe que
*deux rues de Paris ne doivent pas porter le même nom, ce décret de 1881 a
remplacé, à Auteuil, le nom d'Hérold par celui du compositeur Félicien César
David (1810-1876), qui alla avec les saint-simoniens en Orient. On lui offrit,
au Caire, la place de professeur des beautés du harem, mais sous la condition
qu'il se servirait des eunuques comme intermédiaires, c'est-à-dire que le
professeur devait enseigner la musique aux eunuques, qui se chargeraient de
transmettre ses sages et utiles conseils aux épouses du vice-roi. Félicien David
refusa de donner ainsi des leçons par procuration ; à son retour à Paris, il
écrivit la Symphonie du Déseri, qui eut un grand succès et le mit hors de
pair ; on lui doit, entre autres œuvres, les opéras de Chrislophe-Colomb et de
la Perle du Brésil, ainsi que Topéra-comique Lalla-Rouck.
Des becs à incandescence ont été installés, à la rue Félicien-David, en
juillet 1900.
La rue François-Gérard se nommait précédemment rue des Planchettes ;
elle a remplacé un chemin dont le tracé figure sur le plan de Roussel. Des
trottoirs y ont été construits, en 1858 et 1859. L'arrêté du 27 septembre 1837
avait fixé la largeur légale de cette rue à 8 mètres; mais le décret du 27 jan-
vier 1876 a établi les alignements avec une moindre largeur de 12 mètres
pour la partie comprise entre la rue d'Auteuil (aujourd'hui rue de Hémusat)
et la rue de la Municipalité (aujourd'hui rue Chardon-Lagache). Par dé-
libération du 17 décembre 1852, le conseil municipal d'Auteuil a demandé
à l'unanimité que le nom de rue des Planchettes fût remplacé par celui
de rue François-Gérard, comme témoignage de gratitude publique pour la
mémoire du peintre d'histoire (1) qui avait résidé pendant plus de vingt-
cinq ans à Auteuil ; cette nouvelle dénomination a été prescrite par le décret
du 2 juin 1853. Le baron François-Pascal-Simon Gérard (1771-1837) fut élève
de David, au milieu d'émulés tels que Girodet et Gros ; il a fait les portraits
des célébrités du commencement du xix'^ siècle : le général Hoche, le maré-
chal Soult, Mme Récamier, Louis XVIII, le général Foy, Canova, Ducis,
(i) Voir, pour le séjour du baron François Géranl à Auteuil, rarliclc déjà cité de M. L.
Mar sur François Gérard, qui est reproduit aux annexes (p. 44^).
RUE ni-: L ASSOMPTION 201
Mme de Staël, Mlle Mars, Talma ; aussi avait-il été surnommé le peintre des
rois et le roi des peintres. On lui doit beaucoup de tableaux, notamment
BélisairCj Psyché, la Bataille d'Aiislerlitz, VEnlrée d'Henri IV à Paris, Sa
maison de plaisance, à Auteuil, était située sur remplacement de Thôtel
seigneurial des Abbés de Sainte-Geneviève.
Samson, sociétaire de la Comédie-Française, a demeuré au n** 2 de la rue
François-Gérard; il eut le prix de comédie en 181!2 et compta, parmi ses
élèves, Mlle Rachel et les deux Brohan.
La rue de V Assomption, précédemment chemin et rue des Tombereaux,
sépare le territoire d*Auteui1 de celui de Passy(i). Le nom du chemin des
Tombereaux provient de ce qu'il servait de passage aux charrettes que l'on
déchargeait aux fortes terres d'Auteuil. Il figure sur le plan de Roussel,
auquel il est bien antérieur, puisqu'il a servi de limite à la paroisse de
Passy, dès sa fondation, en 1672. Avant le xix" siècle, il était renfermé
entre deux murs, celui du parc de Boulainvilliers et celui des jardins
du château de la Tuilerie, et, comme il était étroit, il se trouvait com-
plètement ombragé par les branches des arbres de ces deux vastes pro-
priétés. Il fut porté en tableau de classement des chemins vicinaux d'Au-
teuil, approuvé le 2 août 1837 comme chemin vicinal n" 1, de 850 mètres de
longueur et 7 mètres de largeur légale, entre la demi-lune de Boulainvilliers
et les murs du bois de Boulogne. Par délibération du 15 février 1854, le
conseil municipal d'Auteuil a approuvé une offre des propriétaires riverains,
consistant à fournir une souscription de 2.780 francs et à céder gratuitement
les terrains nécessaires, sous la condition que la largeur serait fixée à 10 mè-
tres ; l'arrêté du 6 juillet 1855 a effectivement porté la largeur légale de 7 à
10 mètres. Des travaux, adjugés en 1855 et terminés en 1857, rendirent la rue
immédiatement praticable sur une largeur de 8 mètres, étant entendu qu'elle
serait portée à 10 mètres par voie d'alignement, au fur et à mesure de l'érection
de constructions par les riverains. Ces travaux ont coûté 9.600 francs ; une
subvention départementale de 4.000 francs était venue s'ajouter aux fonds de
concours donnés par les propriétaires riverains et le surplus de la dépense a
été partagé également entre la commune d'Auteuil et celle de Passy.
Il a été dit ci dessus, dans l'historique de la rue La Fontaine et du château
de la Tuilerie, que ce dernier a été acheté, en 1855, par la communauté reli-
gieuse de l'Assomption. Cette belle propriété se trouve sur le côté gauche de la
rue et, par conséquent, sur le territoire d'Auteuil ; elle renferme un très grand
parc et sa superficie s'élève à 49.079 mètres carrés. C'est vers 1846 que Mlle Eu-
génie Meilleret de Brou a créé, avec Monseigneur Affre, archevêque de Paris,
l'abbé Combalot et le Père d'Alzon, la congrégation des Augustines de l'As-
somption, dont le nom a été donné, vers 1856, à la rue qui nous occupe. Cet
ordre, dont la maison mère est au couvent d'Auteuil, a de nombreux établis-
sements dans le monde entier ; la reine Mercedes, première femme du roi
d'Espagne Alphonse XII, était une ancienne élève du couvent d'Auteuil.
Le monastère des dames de l'Assomption a été construit en 1856 et 1857,
sous la direction de M. Tarchitecte Verdier. Le domaine de ce couvent a été
mis en vente, à la requête du fisc, en 1901, pour refus par la congrégation
(i)Voir les indications données ci-dessus, dans l'historique de la rue La Fontaine,
au sujet du château de la Tuilerie, page i8i.
202 HISTOIRE DU XTl* ARRONDISSEMENT
d*acquitter les droits d'accroissement. A la suite d'une première adjudica-
tion, il avait été adjugé pour i.060.000 francs à M** Charveau, avoué; mais
une surenchère s'étant produite dans les délais légaux, le domaine a été remis
en vente sur une mise à prix de 1.213.314 francs adjugé définitivement à
M* Charveau pour 1. 400.000 francs; la congrégation continue à occuper
rimmeuble.
Au 38 de la rue de TAssomption se trouve l'entrée des élèves du lycée
Molière, lycée de jeunes filles, qui n'admet que des externes et des demi-
pensionnaires. Ce lycée, qui a son entrée principale rue du Ranelagh, n"^ 71,
a été créé par décret du 6 août 1888 et inauguré le 8 octobre de la même année.
Il est administré par l'État et s'étend sur une superficie de plus de 9.000 mètres
carrés. Cet établissement renferme une classe enfantine pour les jeunes filles
de six à sept ans, une classe élémentaire^ trois classes préparatoires pour les
jeunes filles de sept à douze ans et cinq classes d'enseignement secondaire.
Le diplôme de fin d'études secondaires délivré par ce lycée permet aux jeunes
filles qui en sont munies, soit de se présenter aux concours d'admission aux
écoles normales de Sèvres et de Fontenay-aux-Roses, soit de se mettre en
instance pour obtenir un emploi d'institutrice primaire ou de maîtresse répé-
titrice dans les lycées et collèges de jeunes filles.
La rue Le Marois est une partie de l'ancien chemin du vieux pont de
Sèvres, converti ensuite en route départementale. Le décret du 24 août 1865
a donné à cette rue son nom en l'honneur de Jean-Léonor-François, comte
Le Marois (1776-1836), qui fut élève de l'école de Mars en 1794, se distingua
comme aide de camp du général Bonaparte à Lodi et à Roveredo et fut chaîné
de porter au Directoire les drapeaux conquis sur les Autrichiens à Arcole.
Colonel à Marengo, général de brigade en 1802, il fut nommé général de divi-
sion après la bataille d'Austerlitz ; il fit la compagne de Russie et défendit
glorieusement Magdebourg.
La rue Le Marois a été munie, en 1899, de trottoirs réglementaires.
La rue Claude-Lorrain, précédemment allée du Cimetière, puis rue et
avenue des Clos, figure au cadastre de 1823, pour la partie comprise entre la
rue de la Municipalité (aujourd'hui rue Chardon-Lagache) et la rue Boileau
partie dont la largeur légale a été fixée à 8 mètres par l'arrêté du 27 sep-
tembre 1837. Le conseil municipal d'Auteuil avait autorisé, le 27 octobre 1834,
l'achat à M. Bernard de 4 ares et lly centiares pour élargissement de la rue
conduisant au cimetière. Le prolongement de la rue Claude-Lorrain, entre la
rue Boileau et la rue Michel-Ange, a été autorisé par arrêté du 4 novembre
1869, et le classement de cette section, avec largeur légale de 12 mètres, a été
prononcé par décret du 14 juillet 1877. Cette voie (1) a reçu sa dénomination
actuelle par décret du 24 août 1864, en mémoire de Claude Gelée, surnommé
le Lorrain (1600-1678), qui excella surtout dans les paysages et fit admirer la
beauté de son coloris et la richesse de son style ; il passa la plus grande partie
de sa vie à Rome, où il dirigea pendant plus de vingt ans une école d'où sont
sortis des peintres distingués.
Le cimetière d'Auteuil, qui a été ouvert en 1800, fut agrandi en 1807,
grâce à la générosité du sénateur Le Couteulx de Canteleu ; de nouveaux agran-
(i) La cité ouvrièro de la rue Claude-Lorrain a été visiléc, en 1898, par M. Carnol,
président de la République.
BOULKYAliO MURAT ao3
dissements ont été réalisés entre 1 843 et 1847. Il s*étend à peu près parallèlement
à la rue Michel-Ange et occupe Tangle compris entrecelte rue et la rue Claude-
Lorrain; il a été ravagé par le bombardement de 1871. L'ordonnance royale du
10 mai 1845 a autorisé pour ce cimetière un agrandissement qui a été réalisé
en 1846, moyennant une dépense de 16.000 francs. Depuis longtemps ce cime-
tière ne s*ouvre plus que pour les propriétaires de concessions perpétuelles.
Je me bornerai à signaler, parmi les tombes du cimetière d'Auteuil, celles
de la comtesse Amélie de Boufflers^ de Mme Helvétius, de la famille de Ca-
banis, de Rumford, de Tarchéologue Barthélémy, auteur du Voyage du jeune
Anacharsis en Grèce, du peintre Hubert Robert, de Tabbé LacroUe, curé d'Au-
teuil, victime de son dévouement pendant l'épidémie cholérique de 1832, du
manufacturier Ternaux-Rousseau, du géomètre Legendre (1834) (1), du chef
d'orchestre Musard, qui a été en 18-18 maire d'Auteuil (1859), de Gavarni (1866),
de Villemessant, fondateur du Figaro (1879), de Paul Dalloz, directeur du Mo-
niieur universel (1887), du peintre Adolphe Yvon et du compositeur Gounod
(1893) et de son beau frère Zimmermann. On lit, sur les dalles tumulaires,
d'autres noms illustres : Palikao, Goupil, Alphand, Benoit, maire, et Lego-
nidec, curé d'Auteuil, Tarbé des Sablons, etc.
La rue Gudin se nommait autrefois rue de la Demi-Lune, parce qu'elle abou-
tissait à une demi-lune où débouchait également la rue de Billancourt; elle
faisait partie de la route départementale n"" 1. Sa dénomination actuelle lui a
été donnée par décret du 27 février 1867, en mémoire de Charles-Etienne-
César, comte Gudin (1768-1812), condisciple de Napoléon I*"* à l'école militaire
de Brienne, sous-lieutenant au régiment d'Artois en 1784, chef de bataillon en
1793, chef d'état-major de Gouvion-Saint-Cyr, général de brigade en 1799, tué
au début de la campagne de Russie.
C'est en 1899 qu'on a établi les trottoirs réglementaires entre le n** 12 de
la rue Gudin et l'avenue de Versailles.
L'ordonnance royale pour l'établissement de l'enceinte fortifiée de Paris
fut signée le 10 septembre 1840; le 8 novembre de la même année, le Conseil
municipal d'Auteuil présenta diverses objections contre ce projet, dont la
réalisation devait rendre plus difficiles les communications avec le bois de
Boulogne. La loi du 3 avril 1841 ouvrit pour cette opération un crédit de
140 millions, dont 35 à dépenser en 1841 et 20 en 1842. Les fortifications furent
établies, vers le Point-du-Jour, sur des vignes ou des champs cultivés et, pour
le surplus du territoire d'Auteuil, sur des terrains boisés. La remise condi-
tionnelle de la rue Militaire, longeant intérieurement les fortifications, a été
autorisée par la décision ministérielle du 28 juillet 1859; cette rue Militaire a
été classée comme voie publique, avec moindre largeur de 14 mètres, par le
décret du 9 septembre 1861. Celui du 2 mars 1864 a donné le nom de boule-
vard Murai à une partie de la rue Militaire jusqu'à la porte d'Auteuil et le nom
de boulevard Sachet au surplus delà route Militaire, depuis la porte d'Auteuil
jusqu'à la porte de Passy. Joachim Murât (1771-1815), beau-frère de Napo-
léon I*', dont il fut l'aide de camp en Italie et en Egypte, commanda la cavalerie
de 1805 à 1808 et fut proclamé roi de Naples le 1«' août 1808. Sa biographie
est assez connue pour qu'il paraisse inutile de la résumer ici.
(i) Voir les communications de M. Léo Glaretie à la page 8 du I" volume et la note
sur la tombe du mathématicien Legendre, page 88 du II* volume du Bulletin,
204 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Le décret du 23 septembre 1880 a autorisé le prolongement du boulevard
Murât au delà de l'avenue de Versailles.
C'est par la porte du bord de Teau et sur une indication donnée par
M. Ducatel, piqueur des ponts et chaussées/que Tarmée entra dans Paris, le
21 mai 1871 .
Le passage Murai, qui va de la rue de Billancourt au boulevard Murât, est
une voie privée, qui a été ouverte en 1881.
Les constructions furent interrompues à la suite des événements d'^ 1848;
mais elles prirent un grand essor à Auteuil, à la suite de la loi du 8 juillet
1852, qui a cédé à la ville de Paris le bois de Boulogne (1), et en a permis la
transformation, et du décret du 18 août de la même année, qui a autorisé la
création du chemin de fer de Paris à Auteuil, inauguré en septembre 1853.
La Compagnie concessionnaire de cette ligne (Compagnie du chemin de
fer de Paris à Saint-Germain, remplacée ensuite par la Compagnie des che-
mins de fer de TOuest) acheta pour 400.000 francs Tancienne propriété de
Montmorency- Boufflers, par actes notariés (étude Fould) de novembre et dé-
cembre 1852. Sur ces terrains, dont la superficie était de 13 hectares 67 ares
et 47 centiares, la Compagnie du chemin de fer a établi la gare d'Auteuil et
ses abords, la villa Montmorency, le boulevard de Montmorency et les trois
rues du Débarcadère, des Arts et Montmorency ; ces divers travaux, com-
mencés en 1853, furent terminés en 1856. La Compagnie avait proposé à la
commune d'Auteuil de recevoir au nombre de ses voies publiques la rue du
Débarcadère (aujourd'hui rue Poussin), la rue des Arts (aujourd'hui rue Gé-
ricault) et la rue Montmorency (aujourd'hui rue Donizetti); mais l'accord
n'ayant pas pu s'établir à ce sujet entre la Compagnie et la commune, ces trois
rues n'ont été rangées parmi les voies publiques de Paris que par le décret
du 23 mai 1863, approuvant le tableau des voies publiques du quartier d'Au-
teuil, comme suite à la délibération prise le 6 février de la même année et
après l'annexion, par le conseil municipal de Paris.
Au commencement du xviii* siècle, on voyait à l'extrémité de la Grande-
Rue, tirant vers le bois de Boulogne, l'Ostel du Parc, qui était occupé en 1728
par l'abbé Rouillé ; ce domaine a ensuite appartenu aux familles de Boufflers
et de Montmorency ; il occupait l'espace compris entre le bois de Boulogne,
la Grande-Rue d'Auteuil, le chemin de la Fontaine et le chemin des Vignes.
Il a été habité longtemps par la marquise de Boufflers, dont le salon était fort
célèbre; elle est morte en 1787. Le 22 pluviôse an Ylll, le domaine fut vendu
parla citoyenne veuve Boufflers pour la somme de 65.185 francs; il appartint
sous la Restauration à la duchesse de Montmorency (2).
La villa Montmorency, qui occupe une grande partie de l'ancien parc des
Boufflers et renferme des maisons avec jardins, appartenant à divers proprié-
taires, est comprise entre le boulevard Montmorency, la rue Poussin et la rue
Pierre-Guérin, avec entrée sur chacune de ces trois voies. Elle avait pour
concierge en 1867 la fille du fameux ciseleur Gouthière. Elle renferme cinq
voies privées, qui y ont été construites en 1854 par la Compagnie du chemin
(i) Voir, à la page 69 du premier volume du Bulletin, les documents communiqués par
M. Emile Saint-Lanne.
(2) Voir (p. 4^) larliclc do M. Antoine Guillois intitulé : leg Boufflers à Auleuil; il est
reproduit aux annexes ainsi que le texte d'une lettre de la comtesse de Boufflers au poète
Roucher, et une note sur la vente de la propriété de Bourflers.
RUE DONIZETTI 2o5
de fer et qui portent les noms d'avenue de Monlmorency, avenue des Syco-
moresy avenue des Peupliers, avenue des Tilleuls (1) et avenue de Boufflers. Ce
dernier nom rappelle le souvenir du chevalier Stanislas-Jean de Boufflers
(1738-1815), fils de la célèbre marquise, qui fut d'abord abbé, puis chevalier
de Malte, se fit nommer gouverneur du Sénégal en 1785, membre de T Acadé-
mie française en 1788 et est surtout connu par ses poésies légères.
L'hôtel des frères Jules et Edmond de Concourt, surnommé par eux le
grenier d'Auleuil, était entre l'avenue des Sycomores et le boulevard de
Montmorency, où il avait entrée au n** 67. Edmond de Concourt est mort le
16 juillet 1896. Le prix de vente de cet hôtel, qui a été aliéné, en août 1901,
doit être versé à l'Académie de Concourt, qui fonctionnera dès que le décret
de reconnaissance d'utilité publique, dont le projet est soumis à l'examen du
Conseil d'Etat, aura été promulgué et aura accordé la personnalité civile à
cette académie.
Le boulevard de Monlmorency (2) doit son nom à la maréchale de Luxem-
bourg-Montmorency, auparavant, marquise de Boufflers (1707-1787), men-
tionnée ci-dessus comme ayant été longtemps propriétaire du domaine. Les
conditions d'exécution, avec largeur de 12 mètres et plantations d'arbres, ont
été fixées par la décision du ministre des Travaux publics du 18 mars 1853,
approuvant rétablissement de plusieurs voies latérales au chemin de fer d'An*
teuil. La construction de ce boulevard a été faite sous la direction d'Eugène
Flachat, ingénieur en chef de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-
Cermain et sous la surveillance du service des promenades, à la tête duquel
était Alphand.
Le décret du 24 août 1864 a donné à la rue des Arts le nom de rue Géri-
caull, en mémoire du peintre Jean-Louis-André-Théodore Géricault (1794-
1824), qui exposa en 1812 son Chasseur de la garde impériale en 1814 son
Cuirassier blessé et en 1819 le Radeau de la Méduse. Il est mort prématuré-
ment d'une chute de cheval.
Le même décret à donné le nom de rue Poussin à la rue du Débarcadère
(précédemment rue Neuve), également ouverte par la Compagnie du chemin
de fer en 1853 et ayant 15 mètres de largeur. Nicolas Poussin (1594-1665) s'est
distingué surtout dans le paysage historique ; il commença à Rome, en 1628,
une suite de chefs-d'œuvre qui lui donnèrent une grande réputation ; il fut
appelé à Paris vers 1640 par le cardinal de Richelieu et reçut, avec une pen-
sion de 3.000 francs, et un logement dans un pavillon, situé au milieu du jar-
din des Tuileries, le titre de premier peintre du roi avec la direction de tous
les ouvrages de peinture et d'ornement des maisons royales. Il fut chargé de
la décoration de la grande galerie du Louvre. 11 retourna en septembre 1642
à Rome, où il mourut; il y fut enterré dans l'église Sainte-Marie in Lucina,
La rue Poussin avait été détruite jusqu'au marché par le bombardement
de 1871 (3).
La partie de la rue Donizelli, comprise entre la rue La Fontaine et la rue
Poussin, a été ouverte en 1853 parla Compagnie du chemin de fer et à reçu
(i| La veuve du peintre Alphonse de Neuville s'est éteinte le 9 février i(joi,au n® iode
l'avenue des Tilleuls.
(a) Voir aux annexes (p. 490) le procès- verbal d'adjudication du 2G juillet li^, imposant
des règlements spéciaux pour le boulevard de Montmorency.
(3) Voir aux annexes (p. 385) l'article déjà cité sur les ruines de 1870-1871.
206 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
alors le nom de rue de Montmorency ; mais comme ce nom appartient à une
rue du III" arrondissement de Paris, le décret du 24 août 1864 Ta dénommée
rue Donizetti, en mémoire du compositeur de Bergame, Gaëtano Donizetti
(1798 1848), qui fut professeur de contrepoint au conservatoire de Naples et
maître de chapelle à la cour de Vienne; il a composé plus de soixante opéras,
parmi lesquels on distingue Anna Bolena, YElisir d'Amor, Lucia de Lam-
mermoor, ainsi que Topera comique si populaire « la Fille du Régiment ».
En 1872, la rue Donizetti a été prolongée jusqu'à la rue d'Auteuil ; elle
a englobé la rue du Tour -de -la -Fontaine, dont Télargissement à coûté
5.019 francs.
La rue Chanez occupe, avec la rue de Civry, à peu près l'emplacement d'un
ancien chemin qui était voisin de la lisière du bois de Boulogne et qui allait,
au sud de la commune de Boulogne, se raccorder avec la route de la Reine.
Cet ancien chemin a été remplacé, un peu avant l'annexion, par une voie non
classée et dénommée avenue de l'Aima, dont l'établissement près de la gare
d'Auteuil avait été imposé par le domaine de l'État aux acquéreurs de terrains
provenant du bois de Boulogne. La mise en état de viabilité de cette avenue
a été terminée en 1869 ; le décret du 10 août 1868, l'avait dénommée rue
Chanez, en mémoire du baron Jean-Baptiste- Victor Chanez, général de bri-
gade (1746-i82:>).
La maison de Casimir Périer, qui se trouvait au n° 7 de la rue Chanez, au
milieu d'un superbe jardin, a été détruite avec tout son mobilier par le bom-
bardement de 1871.
La rue des Pâtures^ qui va de l'avenue de Versailles à la rue Félicien-David,
fut ouverte en vertu d'un arrêté préfectoral du 13 février 1854, qui a fixé les
alignements de cette rue.
Le, chemin de la Caliote n'était d'abord qu'un passage de 7 mètres de lar-
geur et 18 mètres de longueur, qui faisait communiquer l'avenue de Versailles
avec le chemin de halage. Son nom était parfaitement justifié, puisque les ga-
liotes qui assuraient alors le transport par eau y avaient un débarcadère pour
desservir Auteuil. La circulation sur ce chemin prit de l'importance à cause
des chantiers de bois, charbons et autres matériaux qui s'établirent peu à
peu entre le fleuve et l'avenue de Versailles. Sur la proposition présentée le
14 août 1855 par le conseil municipal d'Auteuil, un arrêté du sous-préfet de
Saint-Denis, en date du 23 février 1856, fixa les alignements de la rue de la
Galiote, avec moindre largeur de 12 mètres. Une délibération municipale
du 13 novembre 1858 alloua une somme de 3.150 francs pour le pavage de
cette rue. Lors de la construction du pont Mirabeau (1) en 1897, la Ville de
Paris vendit à M. Briens le sol de l'ancienne rue de la (ialiote, qui fut rem-
placée, en vertu du décret du 21 avril 1897, par une rue parallèle de 30 mètres
de largeur et 40 mètres de longueur, située en prolongement du pont, c'est-
à-dire un peu à l'amont de l'ancienne rue de la Galiote. Conformément à la
demande de Mlle Madeleine Godard et au vœu précédemment émis par la
Société historique d'Auteuil et de Passy, le décret du 29 juin 1897 a donné à
cette nouvelle voie le nom de rue Benjamin-Godard^ en mémoire du composi-
teur Paul-Louis-Benjamin Godard (1849-1895), d'abord violouiste du plus
(i) Voir ma note sur la Seine» onire le pont d'Ic^na ol le viaduc dAulcuil; elle est
reproduite aux annexes, page 366.
RUE GEORGE-SAND 207
haut talent, puis auteur de symphonies et de concertos, enfin de Jocelyn et
de la Vivandière, à rOpéra-Comique.
Dans les premières années du second Empire, plusieurs grandes propriétés
situées dans le voisinage de la rue La Fontaine et de la rue des Perchamps
furent morcelées, ce qui permit à des particuliers d'aménager l'avenue Bou-
don et l'avenue Heymès.
Par une délibération du 6 novembre 1852, le conseil municipal d'Auteuil,
sur la demande de MM. Sipière et Boudon, autorisa Touverture, entre la rue
La Fontaine et la rue Rémusat, de deux nouvelles voies qui ne furent d abord
exécutées qu'incomplètement et formaient une équerre à laquelle on adonné
le nom A* avenue Boudon ; la partie située entre la rue La Fontaine et la rue
George-Sand existe encore aujourd'hui, sous le nom d'avenue Boudon ; c'est
une voie privée de 9 mètres de largeur. La partie de l'avenue Boudon qui
autrefois formait un coude et débouchait rue La Fontaine est actuellement
incorporée dans la rue George-Sand.
L'avenue Heyroës était une ancienne sente, qui n'avait dans l'origine que
1 mètre de largeur et figure sans dénomination sur le plan cadastral de 1842.
Elle a été élargie à 4 mètres, vers 1850, par la veuve du général Heymès, qui
avait fait les campagnes du premier Empire, est cité dans l'histoire de
Thiers, fut nommé maréchal de camp en 1831, était aide de camp du roi
Louis-Philippe et a été enterré au cimetière d'Auteuil. La propriété Heymès
était située vis-à-vis de l'avenue du même nom, à la rue de la Source. Elle con-
sistait en un parc très ombreux, avec de vieux arbres et un pavillon qui ne
comprenait qu'un rez-de-chaussée et un étage. C'était une de ces fraîches et
mystérieuses habitations cachées derrière les haies vertes de ce qu'on
appelait alors le quartier des Vignes, où l'on se perdait dans des sentes étroites
et sinueuses, bordées de grands arbres, de prairies et de quelques vestiges
de vignobles.
L'avenue Heymès, qui était alors fermée par des barrières en bois, et où
deux riverains seulement avaient des droits de passage, débouchait par le
haut dans la rue de la Source jusqu'à l'exécution de la rue Mozart. La pro-
priété Heymès a été acquise à l'amiable par la Ville de Paris en 1882. (Voir le
Bulletin municipal officiel du 22 novembre 1883.)
La rue George-Sand (précédemment avenue Boudon entre cette rue et la
rue La Fontaine, avenue Heymès entre les rues La Fontaine et Mozart) a
été classée par le décret du 31 décembre 1880, qui en a autorisé l'ouverture
entre la rue Chardon-Lagache et le coude formé alors par les deux sections
de l'avenue Boudon. Le décret du 5 novembre 1883 a prescrit l'élargissement
de l'avenue Heymès (qui a coûté 93.0(K) francs), l'a incorporée à la rue George-
Sand et a classé celte dernière rue entre les rues La Fontaine et Mozart.
Enfin, le décret du 11 mars 1886 lui a donné son nom en mémoire d'Aman-
tine-Lucie-Aurore Dupin, dame Dudevant, arrière-petîte-fille de Marie de
Verrières, ci-dessus mentionnée comme ayant habité la rue d'Auteuil; elle
est née en 1804, a vécu jusqu'en 1876 et s'est illustrée comme écrivain sous le
pseudonyme de George Sand. Son père avait habité Auteuil pendant la
Révolution.
Antérieurement à l'annexion, Auteuil était surtout une réunion de mai-
sons de plaisance fréquentées pendant la belle saison par la population pari-
sienne ; le principal revenu de ces propriétés consistait dans le produit de
2o8 HISTOIBE DU XVl' ARRONDISSEMENT
leur localiiin cuiiime maisons de campagne. Aussi, dès que fut posé le prin-
cipe de l'acoexion d'Auteuil ii la Ville de Paris, 'divers propriétaires et négo-
ciants s'émurent-ils du dommage que pouvait leur causer la réalisation de cette
mesure : pour les uns, c'était la menace de perdre les locations d'été; pour
d'autres, c'était l'obligation de se déplacer ou de payer les droits d'octroi.
Gcoi'gi' Siind.
(Oillrctian de M. Éni. l'olin.)
La loi du lli juin l«.">d a porté les limites de l'aris jusqu'au pied de l'enceinte
fortifiée ; elle a réuni à Boulogne les parties du territoire d'Auleuil qui se
trouvaient au delà des lortifica lions. De toutes les communes annexées k la
Ville de Paris, Auleuil était ta seule qui ne fut pas contiguë à l'ancien mur
d'enceinte, dqjit elle était séparée par le territoire de l*assy.
La délibération du conseil municipal de Paris du (i février I8G3, qui a
servi de base au décrel de classement du i;i mai de la même année, énumcre
toutes les voies publiques d'Auleuil qui existaientàcelle époque, et le tableau A
RUES ÉTABLIES A AUTEUIL DEPUIS 180O JUSQU'a L* ANNEXION 209
indique les voies à mainteDir et dont le classement a été ainsi conflrmé.
Ce tableau A renferme toutes les rues d'Auteuil qui ont été mentionnées ci-
dessus et, en outre, trois chemins : la sente de la Fontaine, le chemin des
Fontis et la sente du Four, dont il sera parlé ci-après, leur sol ayant été
ultérieurement incorporé aux rues Dangeau, Railet, du Docteur-Blanche et
de l'Yvetle.
i4
Rues, boulevards et avenues classés à Auteuil pendant
les quarante dernières années du XIX^ siècle.
Les parties bâties à Auteuil avant rannexion se trouvaient principalement
entre la rue d* Auteuil et la rue de TAssomption, ou au Point-du-Jour. C'est
surtout dans les quarante dernières années du xix" siècle que la construction
des maisons a pris une grande extension dans toute retendue comprise entre
l'enceinte fortifiée, la Seine et Passy. Ce mouvement a été favorisé par la
réalisation de grandes opérations de voirie, dont la plus importante a été
autorisée par le décret du 30 novembre 1862, à la suite duquel ont été percées
les rues Chardon-Lagache, Mirabeau, Molitor, Michel-Ange et d'Erlanger.
On a ainsi entamé, immédiatement après l'annexion de la commune d'Au-
teuil, un programme d'ensemble dont la réalisation par le service des ponts
et chaussées, sous la direction du baron Haussmann et d'Alphand, a provoqué
l'exécution à Auteuil de nouvelles rues, de20mètres de largeur,ayant ensemble
une longueur de plus de \ kilomètres.
Le baron Emile d'Erlanger, né à Francfort-sur-le-Mein en 1832, banquier
et consul de Grèce à Paris, avait acheté de l'État de vastes terrains prove-
nant de la réunion à Paris d'une partie du bois de Boulogne. Il constitua
une société pour mettre en valeur ces terrains, qui étaient alors déserts, en
friche et sillonnés d'ornières, et pour y fonder un nouveau quartier, en y
établissant diverses rues, ainsi qu'une exposition universelle et permanente.
11 offrait de céder gratuitement à la Ville 27.000 mètres carrés pour percer
ou élargir les nouvelles voies, de les mettre à ses frais en état de via-
bilité et de céder les terrains nécessaires pour prolonger le passage des
Clos jusqu'à la rue, alors projetée, qui porte actuellement le nom de Michel-
Ange. Les projets présentés par le baron d'Erlanger furent modifiés par la
Ville de Paris et, pour que ces modifications pussent être effectuées, il acheta,
au prix de 974.600 francs, les propriétés Ozeuae, Renneville et Prince Pierre
Bonaparte ; il dépensa, en outre, 711.000 francs pour divers travaux de viabi-
lité et de nivellement en faveur desquels une subvention municipale de
600.000 francs était accordée.
A la suite des traités passés les 7 février et 22 mai 1862 entre la Ville de
Paris et M. d'Erlanger, le décret précité du 30 novembre de la même année
autorisa l'ouverture des quatre voies suivantes :
Rue A, parlant de l'avenue de Versailles au point où la rue Rémusat (alors
HUË MICHËt-ANGË 211
rue Molière) vient y aboutir, longeant la nouvelle maison de retraite de Sainte-
Périne, puis coupant la rue Boileau à la hauteur de l'ancienne Mairie d'Auteuil,
et rejoignant le boulevard Murât, après avoir passé sous le chemin de fer
d'Auteuil ; cette rue A, qui s'est d'abord nommée nouvelle route d'Auteuil,
puis boulevard d'Auteuil, porte actuellement le nom de rue Mirabeau entre
l'avenue de Versailles et la rue Chardon-Lagache, le nom de rue Molitor entre
la rue Chardon-Lagache et le boulevard Murât;
Rue B, prolongeant l'ancienne rue de la Municipalité jusqu à la place
d'Auteuil et formant actuellement une partie de la rue Chardon-Lagache;
Rue C, reliant le centre d'Auteuil à la porte de Saint-Cloud et actuelle-
ment nommée rue Michel-Ange ;
Rue D, correspondant à la partie de la rue d'Erlanger qui se trouve com-
prise entre la rue d'Auteuil et le boulevard Exelmans.
On n'exécuta d'abord que les travaux des rues C et D; ces travaux (1),
qui furent terminés en 1863, donnèrent lieu à une dépense de 780.824 francs.
Le décret du 2 mars 1864 a donné à la rue C le nom de Michel-Ange, en
mémoire de Michel-Ange Buonarotti (1475-1564), qui annonça dès l'enfance
des dispositions extraordinaires pour les arts, fut d'abord protégé par Lau-
rent de Médicis, qui le traita comme son fils, se fixa ensuite à Rome sous les
papes Jules II et Léon X et jouit également de la faveur des papes Paul III et
Jules III. On lui doit la statue de Moïse dans le mausolée de Jules II, le
tableau du Jugement dernier dans la chapelle Sixtine et beaucoup d'autres
œuvres grandioses, parmi lesquelles les statues de plusieurs Médicis, notam-
ment // Pensieroso (le Penseur), et les Deux Gladialeurs du Louvre. Il s est
imposé à l'admiration du monde comme sculpteur, comme peintre et comme
architecte ; ce n'est qu'à l'âge de soixante-douze ans qu'il commença la
construction de Saint-Pierre de Rome et il consacra dix-sept ans à ce
travail. — La rue Michel-Ange a été plantée en 1877.
On remarque aux n*»' 25 et 27 de la rue Michel-Ange deux hôtels primiti-
vement semblables, de style renaissance, construits en 1880 par M. Eugène
Le Maire et tous deux précédés d'un perron à balustrades. Celui du 25 appar-
tient à M. et Mme Emile Potin, et celui ^u 27, agrandi, à M. le docteur Salathé.
La partie de la rue d'Erlanger comiprise entre la rue d'Auteuil et le boule-
vard Exelmans a été terminée en 1863. Le décret du 19 août 1864 porte :
« La voie nouvelle ouverte parallèlement à la rue Michel-Ange sur les ter-
rains de M. d'Erlanger conservera le nom de ce propriétaire, nom sous lequel
elle est déjà connue. >>
La maison de Ponson du Terrail (2), rue d'Erlanger n** 11, avait été endom-
magée par le bombardement de 1871.
L'arrêté du 4 novembre 1869 autorisa M. d'Erlanger à ouvrir la partie de
la rue portant son nom, qui s'étend du boulevard Exelmans au boulevard
Murât ; il fit promptement exécuter ce percement.
Le même arrêté autorisa M. d'Erlanger à faire ouvrir, sur des terrains dont
il était propriétaire, la rue de Varize, divisée en deux branches, et la rue de
Civry. Elles furent ainsi dénommées, par décret du 10 février 1875, en l'hon-
(1) Ces travaux ont élô dirigés par rlrigénieilr en chef de La Galisserie, Tingénieur
îîernard et le conducteur des ponts et chaussées Duperron.
(•2) Voir aux annexes (p. 385) l'article de M» Ei Polirt sur les ruines de 1870-18714
212 IIISTOIRI^ DC XVI'' ARRONDISSEMENT
neur de deux villages situés près deja ville de Châteaudun, illustrée par la
défense héroïque du 18 octobre 1870. Les travaux (1 1 faits en exécution dudit
arrêté du i novembre IHGl), ainsi que pour l'achèvement de la rue Chanez,
ont coûté 153.500 francs.
Au n*" i.*) de la rue de Varize, se trouve Tasile Schilizzi, tenu par les petites
sœurs des pauvres ; il a été fondé par MM. Paul Stefanowich et Jean Schilizzi,
au nom de leur frère, M. Demetri Schilizzi, banquier à Paris. Le terrain a
été acheté en janvier 1896 et la construction commencée en février de la
même année, sous la direction de Tarchitecte Vaudremer ; elle a été terminée
le 'H mars 1897 ; les donateurs ont fourni tout le mobilier. S. E. le cardinal
Richard, archevêque de Paris, a béni, le 3 juillet 1897, cet établissement, qui
contient ^0 vieillards : li5 hommes et 1^5 femmes. Il est uniquement entre-
tenu par les quêtes que font chaque jour les petites sœurs des pauvres.
Un traité fut passé, le 13 août 1867, entre la Ville de Paris et M. Perri-
chont, qui fut conseiller municipal d*Auteuil de 1886 à 1896, pour l'exécution
des travaux d'achèvement de la rue Molitor, de la rue Mirabeau et de la partie
de la rue Chardon-Lagache située entre la place d'Auteuil et la rue Jou-
venet.
Les travaux de la rue Molitor furent terminés, en 1869, entre les rues
Chardon-Lagache et Michel-Ange, ainsi qu'entre la rue d'Erlanger et le bou-
levard Murât.
L'Institution Notre-Dame-d'Auteuil, établie vers le milieu du xix* siècle
pour l'éducation des jeunes gens et dirigée, avant 1860, par les abbés Lévêque
et Poiloux, avait un vaste parc, ombragé de beaux arbres, qui s'étendait
encore, en 1867, de la rue d'Auteuil à la rue Jouvenet, le long des propriétés
bordant la rue Boileau, au sud est. Ce parc occupait l'emplacement de l'an-
cien château de M. Ternaux (â), qui fut d'abord transformé en une grande
teinturerie, rattachée à l'industrie des châles Ternaux (cachemires français).
M. Laivessière, l'un des derniers propriétaires, morcela le parc ; les lots abou-
tissant sur la rue Boileau furent promptement vendus et bâtis. En 185â,
M. Laveissière fils vendit la propriété à M. Lévêque, préfet des études de
l'Institution Poiloux, de Vaugîrard, qui y fonda l'Institution Notre-Dame-
d'Auteuil, contenant alors près de 6 hectares. L'abbé Lévêque mourut en 1864
et, après lui, la prospérité de l'Institution déclina : la distribution des prix
de 1870 fut la dernière. En 1868, ce beau parc ne contenait plus que A hec-
tares, parce qu'il avait été coupé pour l'ouverture de la rue Molitor et séparé
(i) Ces travaux ont tHi^ dirigés par Tingénicur Rousseau cl {Kir le conducteur des ponts
cl chaussées Loiiiprcz.
(2) Celle prupriélé Ternaux tMail, au xvii" siècle, aliénante au jardin de la maison
seigneuriale des abbés de Sainte-Cicneviève; elle avait son entrée rue du Buis, près de
la place de l'Kglise, cl renfermait deux maiscms conliguës. Elle appartint, de il^5à iG5tj,
k Slichel de VerllKUinm, marquis de ManoMivre, conseiller d'Klat, et à sa femme, fille
d'Etienne d'Aligre, surintendant des finances, puis chancelier de France. Elle fut possédée,
de 1609 à iri77, par Edouard Gayot, et achetée le '29 avril 1677 par Louis Prévôt de Maze,
gentilhomme de la maison du Roi, qui fit reccmslruire le château et le céda à la mar-
quise de Rénel.qiii mourut en 1719. Son fils, l'abbé de Rénel, hérita de celle propriété;
M. Parent de Rosan croit qu'elle fut habitée par d'Aguesseau. Ouatre ans après la mort
de d'Aguesseau, en i75.\ elle fui acquise moyennant 20.0(k> livres par la veuve du cheva-
lier de Marign> : elle la revemlil en 177^ à HenoisI Decon, ancien substitut du procureur
général au grand conseil, qui s'en délit en 1777, moyennant 20.U00 livres, en faveur d'IIéberl,
trésorier de l'argenterie du Roi, et de Bai lieux, marchand de musique.
RUE NOLITOR 2,3
des maisons hospitalières voisines (Institution de Sainte-Périne et maison dB
2 »:
a. B
retraite Chardon-Lagache) par le prolongement de la rue de la Municipalilé, -
actuellement nommée rue Chardon-Lagache.
2l4 HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
En 1872, la Ville de Paris acheta le reste de ce parc, soit 32.339 mètres
carrés, au prix de 833.000 francs et paya en plus les charges, pour y établir
récole Jean-Baptiste-Say (1) et l'école normale d'instituteurs. Des indications
ont été données pages 172 et 187 au sujet de ces deux établissements : l'école
normale a son entrée rue Molitor, n"" 10.
Au n° 1 bis de la rue Molitor se trouve Thôtel Delfaut, construit par
M. l'architecte Hector Guimard; la partie saillante en est terminée par un
pignon garni de deux petites fenêtres jumelles cintrées, surmontant un arc
surbaissé, qui encadre un bas-reliefjen faïence vernissée, dont le sujet prin-
cipal est un coq gaulois ; au-dessous du bas relief , la fenêtre rectangulaire du
premier étage s'ouvre sur un balcon en fer d'un dessin original.
La dénomination de la rue Molitor lui a été donnée par le décret du
2 mars 1867, en mémoire de Gabriel -Jean- Joseph comte Molitor (1770-1849),
général de brigade en 1799, gouverneur de Dalmatie en 1806 et de Poméranie
en 1808, maréchal de France après la campagne d'Espagne en 1823, gouver-
neur général des Invalides en 1847 et grand chancelier de la Légion d'hon-
neur en 1848.
La villa Molitor a été ouverte en 1873, par M. Paul Verhoeven, sur des
terrains dont il était propriétaire, entre les n** 7 et 9, et aboutit au croisement
des rues Chardon-Lagache et Jouvenet.
Le pavage en pierre a été converti en pavage en bois, rue Molitor, entre
les rues Boileau et Chardon-Lagache en mars 1900. Puis le pavage en bois
a été poursuivi jusqu'à la rue Michel-Ange, là où s'infléchit le tracé du
tramway électrique à plots qui sort par la porte de Saint-Cloud, pour passer
devant le cimetière de Billancourt et aboutir au pont de Billancourt. Des can-
délabres à incandescence ont été installés dans cette rue au mois de mai de la
même année. En 1901, on a percé une porte dans les fortications, en prolon-
gement de la rue Molitor, pour la faire communiquer avec Boulogne et per-
mettre l'établissement du tramway de Boulogne à Montreuil, dont le tracé
primitif a été détourné dans la rue Michel-Ange. La création d'un nouveau
bureau d'octroi à la porte Molitor a été autorisée le 28 novembre 1901.
La rue Mirabeau, séparant l'institution de Sainte-Périne de la maison de
retraite Chardon-Lagache, a été terminée en 1869 dans toute sa longueur.
Elle a été ainsi nommée, par décret du 2 mars 1867, en mémoire d'Henri-
Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau (1749-1791), orateur et homme politique,
qui a exercé une influence prédominante sur les résolutions des États géné-
raux de 1789, où il représentait le Tiers-État de la ville d'Aix.
On a commencé en 1894 et terminé en 1897 le ponl Mirabeau (2), qui
relie à Auteuil la grande artère qui fait communiquer le quai de Javel avec
les entrepôts de Bercy et traverse les XV, XIV'^ et XIIP arrondissements
de Paris, sous les noms de rues de la Convention, d'Alésia et de Tolbiac.
La partie de la rue Chardon-Lagache qui s'étend de la rue Claude-Lorrain
à la rue Jouvenet, remplace l'ancienne rue de la Municipalité, qui date du
xvm® siècle et figure au cadastre de 1823, mais était beaucoup moins large; la
(i) Voir «1UX annexes (p. 462) larticle dt^jà cité de M. Emile Potin sur l'école J.-B.-Say,
(ti) Voir aux annexes (p. 365) ma note sur la Seine entre le pont d'Iéna et le Point-du-Jour;
voir 'également aux annexes (p. 49») l'article de M. L. Mar intitulé : Auteuil il y a deux
cents ans, et, p. 491 également, un article sur le pont Mirabeau,
RUE CHARDON-LAGACIIE 21 5
rue Chardon -Lagache, en eflfet, a une largeur de 20 mètres, tandis que rarrétô
préfectoral du 27 septembre 1837 avait fixé une largeur de 8 mètres pour la
ruç de la Municipalité qui, jusqu'à Tannexion, se terminait en impasse, sans
atteindre Tavenue de Versailles.
Dès que Tadministration de l'assistance publique eut loué à la Ville de
Paris les vastes terrains sur lesquels est établie Tinstitution de Sainte-Périne,
-elle proposa d'ouvrir un lai^e boulevard entre l'extrémité de la rue de la
Municipalité et la place de l'Ëglise d'Auteuil et de donner à ce boulevard une
largeur de ^ mètres ; par délibération du il septembre 1858, le conseil muni-
cipal d'Auteuil refusa de concourir à la dépense. Mais ce projet fut repris
aussitôt après l'annexion, et le décret précité du 30 novembre 1862 prescrivit
le percement d'une rue B, prolongeant la rue de la Municipalité, entre la rue
Jouvenet et la place d'Auteuil ; toutefois ce prolongement, auquel l'arrêté du
26 février avait donné également le nom de rue de la Municipalité, ne fut
réalisé qu'en 1869 ; ce travail, qui a été exécuté par M. Perrichont, a coûté
160.000 francs.
L'arrêté préfectoral du l'*" août 1879 a donné à la rue de la Municipalité le
nom de rue du Point-du-Jour. L'utilité publique du percement de cette rue
a été déclarée par le décret du 5 février 1889 pour la partie comprise entre la
rue Jouvenet et le boulevard Exelmans, par le décret du 9 avril de la même
année pour celle qui s'étend du boulevard Exelmans à l'avenue de Versailles.
Le prolongement de la rue Cbardon-Lagache jusqu'à l'avenue de Versailles,
aux abords du chemin de fer, a été exécuté en 1892, moyennant une dépense
de 11.000 francs.
La partie de la rue Chardon-Lagache comprise entre le boulevard Exel-
mans et la rue de Musset a été élargie et améliorée en 1896; cette opération
a coûté 10.000 francs.
Des candélabres et becs à incandescence ont été installés à la rue Char-
don-Lagache, en novembre 1899, entre la rue Jouvenet et le boulevard Exel-
mans, en juin 1900 entre les rues Jouvenet et d'Auteuil. C'est de 1900 que
datent la mise en état de viabilité des terrains cédés à la voie publique par les
héritiers Deschandeliers (n"' 81-83, à l'angle du boulevard Exelmans), et le
convertissement en bois du pavage en pierre devant l'École Jean-Baptiste-
Say, concurremment avec le passage du tramway Boulogne-Montreuil.
Le nom de rue du Point-du-Jour, attribué en 1879 à cette belle voie, pou-
vait créer une confusion avec la rue du m(^me nom, existant à Billancourt:
aussi le décret du 8 janvier 1895 et l'arrêté préfectoral du 10 mars 1896 ont-ils
donné à la rue qui nous occupe sa dénomination actuelle, en mémoire du
philanthrope Chardon-Lagache (1806-1879), dont le père (1) avait exercé la
médecine pendant plus de cinquante ans à Auteuil, où il était surnommé le
médecin des pauvres. Il avait fait une grande fortune dans le commerce,
s'occupait sans relâche d'œuvres philanthropiques et était membre du conseil
général de l'assistance publique. 11 passait la plus grande partie de l'année
dans sa propriété, rue d'Auteuil, 16 (2), autrefois rue Molière, 26; son parc, qui
aboutissait à la rue d'Auteuil, s'étendait jusqu'aux rues Théophile-Gautier et
(i) Voir aux annexes (p. 495) l'article de M. E. Potin sur Chardon-Lagache. Les archi-
ves de la Société historique possèdent une Vie de cet homme de bien.
(2) Ce n' i6 est aujourd'hui le pensionnat de MUcs Douré^
2.1 6 HISTOIRE nu xvi« arrondissement
George-Saûd ; après la mort du fils de Chardon-Lagache, survenue en 1893,
cette propriété, qui a été morcelée par des opérations de voirie, avait été
achetée par le marquis de Casa-Riéra, qui avait reçu, dans son hùtel de la rue
de Berri, 29, la reine Isabelle, au moment où elle quitta TEspagne. C^est
M. de Casa-Riéra qui a cédé ces terrains pour la viabilité des rues Mignet et
Leçon te-de- Lille; c'est dans son parc que furent trouvées des pierres de Tan-
cienne église, réédifiées avec goût par M. Guimard dans la cour du presbytère.
La maison de retraite Chardon-Lagache, dont la grille se profile en pan
coupé sur la place d'Auteuil, occupe tout Tîlot compris entre les rues Char-
don-Lagache, Wilhem et Mirabeau. Elle a été créée, entre 1863 et 1865, par
Chardon-Lagache, de concert avec sa femme et son fils, pour abriter des vieil
lards des deux sexes, ayant au moins 60 ans, qui, en dépit d'un long travail,
n'ont pas pu réunir des ressources suffisantes pour vivre chez eux ; cette maison
est aujourd'hui complètement administrée par l'Assistance publique.
L'Institution de Sainte-Périne occupe, avec la maison de retraite Char-
don-Lagache, une grande partie du parc de l'ancienne propriété seigneuriale
qui servait de maison de plaisance (1) aux abbés de Sainte-Geneviève. L'ab-
baye de Sainte-Périne, à laquelle cette Institution doit son nom, était d'abord
à Compiègne ; elle fut transférée, sous Louis XIV, à la Villette. En 1746, cette
abbaye, à laquelle s'était réunie la communauté des religieuses chanoinesses
de l'ordre de Saint-Augustin (établie en 1638 à Nanterre), fut installée sur le
côté droit de la rue de Chaillot; elle portait aussi le nom de Notre-Dame-
de-la-Paix. La maison de Sainte-Périne fut fermée sous la Révolution ;
M. Duchayla y fonda, en 1806, avec la devise : Otium cum dignitale^ un
asile pour la vieillesse, qui avait pour présidente d'honneur l'impératrice
Joséphine, et où les personnes des deux sexes, âgées ou infirmes, étaient
admises moyennant une pension annuelle ou te versement d'un capital
une fois payé. Un décret du i" avril 1808 autorisa cet établissement, dont
l'ordonnance royale du 8 février 1815 confia la direction à l'administration
des hospices. L'ouverture de l'avenue Marceau entraîna l'expropriation des
terrains occupés par cet asile : c'est alors que l'administration de l'Assis-
tance publique installa cet établissement sur le vaste domaine d'Auteuil, qui
fut agrandi, le 30 janvier 1850, par Tacquisition de terrains situés entre la
rue de la Municipalité (aujourd'hui rue Chardon-Lagache) et l'avenue de
Versailles. Le millésime de 1860 est inscrit sur la façade du bâtiment prin-
cipal. Les pensionnaires de l'Institution de Sainte-Périne paient 1.400 fr.par an.
Mlle Scriwaneck, qui a eu autrefois de grands succès au théâtre du
Palais-Royal, habite actuellement l'asile de Sainte-Périne, dont les pension-
naires ayant conservé des relations dans le monde des théâtres organisent,
chaque année, cinq ou six fêtes intimes, avec le concours de leurs jeunes
camarades, les artistes en activité de service.
L'Institution de Sainte-Périne a été ravagée (2), lors du siège de Paris, par
les obus des armées allemandes.
(i) Voir aux annexes (p. 287^ l'article de M. Antoine Guillois sur Tanciennc église
d'Auteuil.
Les noms des différents propriétaires du domaine que les abbés de Sainte-Geneviève
possédaient à Auteuil ont été indiqués ci-dessus dans l'histoire de la rue d'Auteuil.
(2) Voir h la page 280 du UV volume du Bulletin l'article de M. le docteur Raymond
sur le bombardement de Saint-Périne.
BOULEVARD EXELMANS 217
L*expiration du bail, en 1905, pourra donner lieu à un lotissement du
parc de Sainte-Périne; si cette évenlualit^> devait se réaliser, il serait à dési-
rer que des conditions fussent imposées aux acquéreurs, dans un intérêt
esthétique, pour que le gracieux aspect de ce quartier ne soit pas
compromis (1).
La fondation Rossini, établie en vertu du testament de ce grand compo-
siteur, pour les chanteurs et musiciens français et italiens, vieux et sans for-
tune, se trouve auprès de la rue Wilhem, dans Tenclos de l'Institution de
Sainte-Périne, avec entrée sur la rue Mirabeau. M"* Monrose, de TOpéra-
Comique, fille de Tex-sociétaire du Théàtre<Français, est parmi les plus
notables pensionnaires. Les artistes sont reçus gratuitement à la fondation
Rossini.
On construira prochainement de nouveaux bâtiments annexes de la fonda-
tion Rossini sur un terrain de 500 mètres carrés, sis rue Wilhem, touchant
rinstitution de Sainte-Périne et acheté par TAssistance publique.
Le nombre des pensionnaires était, en 1901, de 239 à Sainte-Périne, 135 à
la maison de retraite Chardon-Lagache et M à Tasile Rossini.
Au n^ 41 de la rue Chardon-Lagache et à l'entrée de la villa de la Réu-
nion, on voit une villa originale, construite en 1893 par M. Tarchitecte Hec-
tor Guimard, en pierres meulières et briques, avec faïences décoratives et
toitures en grosses tuiles rondes vernissées ; le cintre de la porte d'entrée est
abrité par un large auvent angulaire à consoles obliques.
Gavarni est mort dans la maison qui occupait le n"" 29 de la rue Chardon-
Lagache, là où l'on voit actuellement trois hôtels modernes.
L'avenue de la villa de la Béunion, qui joint la rue Chardon-Lagache à
l'avenue de Versailles, a été établie en 1856. Elle donne, au n"" 18, accès à
Vavenue de VErmilagey nom donné par le propriétaire, parce qu'elle condui-
sait à un kiosque dit TErmitage.
Le décret du 14 juin 1861 a déclaré d'utilité publique le prolongement du
chemin de fer de ceinture depuis la gare d'Auteuil jusqu'à la ligne d'Orléans ;
le chemin de fer d'Auteuil au Point-du-Jour a été ouvert à Texploitation le
25 février 1867. Le principal ouvrage d'art de ce chemin de fer est le long
viaduc du Point-du-Jour (2), dont les 152 arches, de 5 mètres d'ouverture
chacune, constituent une sorte de passage couvert. D'après le plan joint au
décret du 14 juin 1861, deux voies de 16*^,50 chacune de largeur étaient pro-
jetées de chaque côté du chemin de fer, entre la rue d'Auteuil et le quai de
la Seine. En effet, une décision du ministre des Travaux publics, du
30 avril 1862, autorisa la création de deux voies latérales au chemin de fer,
entre la rue d'Auteuil et l'avenue de Versailles ; une décision semblable, du
24 juin 1863, décida le prolongement de ces deux voies entre l'avenue de
Versailles et le quai d'Auteuil. Les travaux ont été dirigés par M. l'ingénieur
en chef dés ponts et chaussées Darcel et ont coûté 482.100 francs. La déno-
mination de boulevard Exelmans a été donnée à la voie de chaque côté du
viaduc par* décret du 2 mars 1867, en mémoire de Rémi-Joseph-Isidore,
(i) Voir dans les Causeries de Bianchon^ par le docteur Maurice de Fleury, un joli cha-
pitre sur Sainte-Périne.
(a) Voir aux annexes (p. 366) mon article sur « la Seine entre le pont d'Iéna et le
viaduc d'Auteuil •.
^t8 HISTOIRE DU XVl** ARRONDISSEMENT
comte Exelmans (1775-185^), qui fut aide de camp de Murât, colonel à Aus*
terlitz, général de division en 1812, commanda la cavalerie à Waterloo, fut
nommé pair de France en 1830, grand chancelier de la Légion d*honneur en
1850 et maréchal de France en 1851. Le statuaire Carpeaux (1) avait son
atelier au n"" 25 du boulevard Exelmans; le général vicomte de Montfort,
beau-père de Carpeaux, demeurait au n* 2 du boulevard Exelmans et y mou-
rut, le !20 mars 1883, à l'âge de soixante -seize ans.
Par actes des 18 septembre et 27 octobre 1860 (étude Delapalme), la Ville
de Paris acheta pour 277.140 francs, à la Compagûie des chemins de fer de
rOuest, 5.364 mètres carrés de terrains, provenant originairement du parc
de Montmorency-Boufflers ; ces terrains ont servi à élargir la rue d'Auteuil,
à rectifier le débouché de la rue La Fontaine sur la rue d'Auteuil, à établir
le marché (2) d'Auteuil, ainsi que les deux rues longeant les côtés latéraux
de ce marché et servant à l'isoler. Ces deux rues ont été dénommées, par
le décret du 2 mars 1867, rue Girodet et rue Isabey ; après avoir été longtemps
des voies privées appartenant à la Ville, elles ont été classées par le décret
du 12 juin 1883 (3). La Compagnie des chemins de fer de l'Ouest a payé la moitié
des frais de mise en état de viabilité de la rue Girodet, qui est la plus voisine
de la gare. Le marché d'Auteuil a été construit en 1866 et 1867 par la Com-
pagnie générale des marchés, à qui la Ville de Paris avait, par traité du
12 décembre 1865, accordé une concession de cinquante ans, à dater de l'ou-
verture, pour sept marchés, parmi lesquels figurait celui d'Auteuil, compre-
nant 111 places; il avait été ouvert le 16 octobre 1867. Le terrain sur lequel
il existait a été vendu, loti, bâti. Un marché forain l'a remplacé, qui se tient
sur le terre-plein des rues Donizetti, La Fontaine et d'Auteuil.
Le peintre Anne-Louis Girodet (1767-1824) avait été adopté parle médecin
Trioson, dont il joignit le nom au sien. Parmi les tableaux qu'on lui doit, on
peut citer : Joseph reconnu par ses frères^ qui lui valut le grand prix de Rome
en 1789; le Sommeil cTEndymion, en 1791 ; Hippocraie refusant les présents
dWrtaxerxès, toile magnifique faite en 1792 pour son tuteur, le docteur Trio-
son, qui en fit hommage à l'Académie de médecine de Paris ; Antiochus et
Stratonice, en 1793; Fingalavec ses guerriers^ dans leur séjour aérien, en 1802;
la Scène du Déluge, qui obtint le grand prix décennal en 1806. 11 était, en
outre, poète et a traduit Anacréon et Lucain,
Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), peintre des cérémonies et du cabinet sous
Napoléon I", qui lui donna un appartement aux Tuileries, dessina le Sacre,
fit tous les portraits de la famille impériale, notamment celui du général
Bonaparte à la Malmaison. Sa collection de miniatures est un des monuments
historiques de l'époque ; on y voyait les portraits de la reine Marie-Antoi-
(i) Le décret du 17 juillet 188-2 a fixé une largeur de fx) mètres pour le boulevard
Exelmans, qui est planté d'arbres; les alignements et nivellement ont été établis, pour
la partie comprise entre l'avenue de Versailles et la rue Chardon-La gache^ par le décret
du 26 avril 1897.
(2) Le 18 août 1826, le conseil municipal avait émis un avis favorable à rétablissement
d'un marché h Auleuil pour y vendre tous les jours des comestibles. Ce marché est
actuellement démoli. Sur son emplacement une rue a été ouverte et des immeubles cons-
truits.
(3) Nous nous souvenons encore du joli chalet en briques et du grand jardin, avec un
très beau rideau de peupliers, que la Compagnie de l'Ouest louait à des particuliers e(
que les modiflcations dont il est question ici ont fait disparaitrct
RUE THÉOPHILE-GAUTIER SIQ
nette et des ducs d'Angoulême et de Berry. Sous la Restauration, il devint
directeur des décorations de l'Opéra, peintre du roi et administrateur des
fêtes et spectacles de la Cour. Son fils, né en 1801, a envoyé des tableaux
remarquables aux Expositions de 1824 à 1855.
Dès 1876, le service des ponts et chaussées étudia, en vue de la reconstruc-
tion de réglise d'Auteuil, tout un'programme de travaux d'amélioration aux
abords de cette église. Ce programme, qui a été sanctionné par le décret du
27 janvier 1876, comprenait l'élargissement de la rue Williem ci-dessus men-
tionnée, le percement de la rue Corot etTouverture ou achèvement, à 20 mè-
tres de largeur, d'un prolongement de la rue de la Municipalité, entre la rue
d'Auteuil et la rue François-Gérard ; cette dernière section s'est nommée
d abord rue de la Municipalité prolongée ; elle a fait ensuite partie de la rue
du Point-du-Jour et se nomme, aujourd'hui, rue Théophile-Gautier. Ces der-
niers travaux (1), exécutés en 1876 et 1877, ont coûté 122.847 francs.
La rue Corot, qui est latérale à l'église, et renferme le presbytère, a été
mise en état de viabilité en 1877, moyennant une dépense de 10.300 francs.
Son nom lui a été donné par arrêté préfectoral du 4 février 1879, en mémoire
du célèbre peintre paysagiste Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), qui
avait obtenu, en 1855, la médaille de 1*^® classe ; Corot, homme excellent, a
été surtout le peintre de Ville-d'Avray et des environs de Paris.
L'ouverture de la partie de la rue Théophile -Gautier qui est comprise entre
la rue François-Gérard et la rue Gros', ainsi que l'élargissement de cette
dernière rue au droit d'immeubles appartenant à la Ville, a été autorisée par
le décret du 10 juillet 1882. Mais les démarches à faire pour l'acquisition des
terrains ayant été très laborieuses, ces travaux ne purent être commencés
qu'en 1885, année pendant laquelle on exécuta la première partie (2), comprise
entre la rue François-Ciérard et l'avenue Perrichont. Le dernier tronçon de
la rue Théophile-Gautier, entre cette avenue et la rue Gros, donna lieu éga-
lement à de très longues négociations avec les propriétaires de terrains,
de sorte que la percée jusqu'à la rue Gros ne put être réalisée qu'en 1890.
La dépense s'éleva (3), pour ce dernier tronçon, à 165.950 francs.
Le nom actuel de cette rue, dont la plus grande partie appartenait autre-
fois à la rue du Point-du-Jour, lui a été donné par le décret du 23 jan-
vier 1892, en mémoire de Théophile Gautier (1811-1873), poète, publiciste,
critique et littérateur, grand ami de Victor Hugo et de Gérard de Nerval.
Il a passé quelques années de son enfance près du pont de Grenelle et a
demeuré, dans sa jeunesse, rue Gros. Il s'est signalé par le culte de l'art, de
la beauté et du romantisme ; son style original peut être considéré comme
une ciselure littéraire.
Au n® 57 de la rue Théophile-Gautier se trouve un établissement d'in-
struction, dirigé parles Dominicaines du Saint-Rosaire: le corps principal
du bâtiment est l'ancien château des Choiseul-Praslin. C'est dans le salon
durez-de-chaussée de ce château que périt dans les flammes la princesse de
(i) Ces travaux ont tHé exécutés, sous la direction d'Alphand et de l'ingénieur en chef
de Fonlanges, par l'ingénieur Bartet et le conducleur des ponts et chaussées Lomprez.
(2) La direction de ces travaux a été contlée à l'ingénieur en chef Barabanl, l'ingénieur
Habinet et le conducteur des ponts et chaussées Navez.
(3| Ces travaux ont été faits sous la direction de l'ingénieur en chef de Tavernier, de
l'ingénieur Babinet et du conducteur des ponts et chaussées Navez,
220 HISTOIRE DU XYl* ARRONDISSEMENT
Carignan, dont la robe prit feu au moment où elle allait se rendre au bal.
La maison fut ensuite occupée par une école ecclésiastique, dirigée parTabbé
Millot, puis par une Institution déjeunes filles dirigée par Mlles Suleauet
Moittié, qui la cédèrent aux Dominicaines le 8 septembre 1890. Dans le
jardin, on remarque un portique d'ordre ionique sur le fronton duquel on
lit cette inscription : « Ici fut la maison de Molière. »
Le maire d*Auteuil écrivait, le 9 mars 1857, au sous-préfet de Saint-Denis
que les 200.(KK) mètres carrés faisant suite au plateau de Passy et se trouvant
placés entre le bois de Boulogne, le chemin de fer, la villa Montmorency et
la rue de TAssomption, qui ne renfermaient autrefois que des vignes, étaient
occupés par des jardins enclos de haies et par des maisons de campagne,
dont le seul inconvénient consistait dans la difficulté des communications,
cette région n'étant desservie que par quatre sentiers ayant 2°S50 de largeur
et dénommés : les Fontis, la Cure, le Four et la Petite-Fontaine. Le maire
ajoutait que la valeur des terrains s*était élevée à 10 francs, qu'elle tendait à
augmenter, qu'il était impossible délaisser ce quartier plein d avenir dans la
situation où il se trouvait et qu'il avait nommé une commission pour étudier
le tracé de nouvelles rues, mais que cette opération rencontrait des difficultés
sérieuses, parce que le plateau comprenait 677 parcelles, appartenant à plus
de cent propriétaires. En vue de réaliser ce programme, le conseil muni-
cipal d'Auteuil projeta, le 2^ août 1857, des alignements pour la sente du
Four (aujourd'hui rue de l'Yvette), la sente de la Fontaine (aujourd'hui rue
Raiïet), la sente de la Petite-Fontaine (aujourd'hui rue Chamfort) et la
sente des Fontis (aujourd'hui rue du Docteur-Blanche) ; mais ce n'est que
bien des années après que ces sentes ont été effectivement transformées en
rues.
L'ancienne sente du Four devait son nom à un four banal, dont il est
fait mention dans des titres de 12-25, 1450 et 1257. L'arrêté du 1*' fé-
vrier 1877 a donné à cette voie le nom de rue de /' Vveile; elle a été élargie ( 1 )
de 1883 à 1885, près de son débouché sur la rue Mozart, moyennant une dépense
de 52.250 francs.
La partie de la rue Raffet qui va de la rue de la Source à la rue du Docteur-
Blanche remplace l'ancien sentier de la Fontaine. On commença en 1877 par
améliorer les pentes et la viabilité de cette rue, entre celle des Fontis*
(aujourd'hui rue du Docteur- Blanche) et celle de la Cure (aujourd'hui rue
Jasmin), moyennant une dépense de 37.400 francs; ensuite on exécuta le
prolongement de la rue Raflet entre celle des Fontis et le boulevard de Mont-
morency, opération qui a coûté 19.000 francs. Le nom de cette voie lui a été
donné par le décret du 24 août 1864, en mémoire de Denis-Auguste-Marie
Raffet (1804-1800), qui entra en 1827 dans l'atelier de Gros et plus tard dans
celui de Charlet. C'était un dessinateu^ habile et charmant, un aquarelliste
remarquable. On distingue parmi ses œuvres V Album du voyage du prince
Demidoff en Crimée et en Asie-Mineure, et la Bévue nocturne^ espèce de
résurrection des soldats des armées de Napoléon P', se pressant devant
l'ombre du grand capitaine.
(i) Cet élargissement a H6 exéculé sous la direction de l'ingénieur en chef Barabant,
des ingénieurs Chabert et Dabinet, et du conducteur des ponts et chaussées Navez.
RUE CHAMPORT 221
La ruelle de la Cure (voie privée) a son entrée entre les n**» 13 et 15 de la
rue RaSet.
La rue du Docleur-Blanche s*est nommée d*abord sente, puis rue des
Fontis et occupe la partie haute du coteau d'Auteuil. Ce nom de Fontis
(fondrières), qui a été appliqué souvent aux affaissements du sol provenant
de l'exploitation de carrières souterraines, provenait ici des mouvements de
terrain occasionnés par 1 extraction d'argiles pour la fabrication des briques.
Pour opérer un raccordement avec la riie Raffet, on amorça en 1877 la mise
en état de viabilité de la rue des Fontis ; moyennant une dépense de 37.400 francs.
En vue de poursuivre rœuvre ainsi commencée, un décret du 31 janvier 1881
autorisa Télargissement de la rue des Fontis, la mise en état de viabilité fut
complétée au prix d'une dépense de 10.400 francs pour la partie comprise
entre les rues de l'Assomption et de l'Yvette, et d'une dépense de 29.000 francs
pour la partie restante, c'est-à-dire pour celle comprise entre la rue de
l'Assomption et le petit tronçon qui avait été déjà exécuté en 1877, en même
temps que la rue Rafiet.
La dénomination actuelle de cette rue lui a été donnée, par décret
du 16 janvier 1894, en mémoire du médecin aliéniste Esprit Blanche (1796-
1852), qui avait établi à Montmartre (1) une maison de fous et la dirigeait
avec son fils le docteur Antoine-Emile Blanche, qui vint prendre en 1847 la
direction de la maison de fous de la rue Berton à Passy et eut deux fils : l'aîné
mourut jeune ; le second est le peintre Jacques Blanche, qui habite l'hôtel
n* 19 de la rue du Docteur-Blanche, où son père était venu se retirer et où il
mourut le 17 août 1893. Le docteur Meuriot succéda au docteur Blanche
comme directeur de la maison de santé de la rue Berton ; il avait été reçu
docteur en 1868 et est mort en mai 1901.
La rue Dangeau occupe une partie de l'emplacement d'une ancienne sente
étroite et sinueuse, dite de la Petite-Fontaine, qui est marquée au cadastre
de 1823. Son nom lui a été donné par le décret du 24 août 1864 en mémoire
de Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (1636-1720), favori de
Louis XIV, qu'il accompagna dans toutes ses campagnes, en qualité de
colonel aide-de-camp ; il était académicien et ami de Boileau, qui lui dédia
sa Satire sur la noblesse; il se servit de son crédit pour favoriser les gens de
lettres. Dans son journal historique il a inscrit, jour par jour, de 1684 à 1720,
tout ce qui se passait à la cour et dans la famille royale ; il dit en mourant :
« J'ai la conscience de n'avoir jamais écrit dans mou journal un seul men-
songe. » C'est une des plus courtes, des plus étroites et des moins droites
rues de Paris.
La rue Chamfort a remplacé une partie de l'ancienne sente de la Petite-
Fontaine; le nom de rue Dangeau ayant été attribué à la voie qui va de la rue
Ribéra à la rue Mozart, la rue très courte qui va de la rue Mozart à la rue de la
Source se trouvait sans nom ; sur la demande de notre collègue M. Antoine
(juillois et la proposition de la Société historique (2) , sa dénomination
actuelle lui a été donnée par le décret du 8 janvier 1895 en mémoire du poète
(i) Voir les pages 199 du !•' volume, 89 du II* cl 288 du III" du Bullelin de la Société
historique (VAuteuil et de Passy.
Voir ci-dessus les indications donm^es au sujet de la maison de sanlt^ du docteur
Blanche dans riiistorique de la rue Berton.
(2) Voir les pages 44 <?! ^^> du I" volume du Buttetin.
224 HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
peintre Franco w M/ W (1815-1883), Sixxieur de T Angélus, des Glaneuses, etc.
C'est également en 1889 qu'on a ouvert Vimpasse Exelmans, voie privée
dont rentrée se trouve au n* 5 du boulevard Exelmans.
La rue Chapu a été ouverte comme voie privée, entre l'avenue de Versailles
et le boulevard Exelmans, en 1893, par M. Tassu, architecte et propriétaire,
moyennant une dépense de !25.806 francs. Elle a été classée par décret du
^ juin 1897 et avait été nommée d'abord rue Nouvelle, puis rue Maxime; le
décret précité lui a donné sa dénomination actuelle en mémoire du sculpteur
Henri Michel-Antoine Chapu (1833-1892), membre de l'Institut, auteur, entre
autres œuvres, de cette immortelle statue, la Jeunesse, au tombeau d'Henri
Regnault.
En 1894 et 1895, deux voies nouvelles. Tune de 12 et l'autre de i\ mètres
de largeur, ont été ouvertes par M. le marquis de Casa-Riéra, moyennant une
dépense de 93.106 francs, entre les rues Théophile-Gautier, George-Sand et
des Perchamps. Des décrets de 1896 ont donné à ces rues les noms de Leconie-
de-Lisle et de Mignel, Le célèbre poète Charles-Marie-René Leconte de Lisle
(1818-1894) était membre de l'Académie française. L'historien François-
Auguste-Marie Mignet (1796-1884), ami de Thiers, remplaça, à la fin de
1836, Raynouard à l'Académie française et devint, l'année suivante, secrétaire
perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques.
M. Huet a ouvert en 1894 la voie privée dite rue des Grandes-Papeleries.
et M. Sénécal a établi en 1895, moyennant une dépense de 4.322 francs la voie
privée dite rue Pierre-Ducreux. C'est également en 1895 qu'on a percé,
moyennant une dépense de 19.941 francs une voie privée dite villa-Mozart,
qui se trouve au n"" 73 de la rue Mozart et se termine actuellement en impasse,
mais doit aller jusqu'à la rue La Fontaine. Cette voie, qui a été établie par la
Société des Immeubles de la rue La Fontaine, n'a actuellement que 58 et aura
plus tard 354 mètres de longueur.
Une voie nouvelle, autorisée par arrêté préfectoral du 5 juillet 1898, a
été ouverte en 1899, entre le boulevard Exelmans et la rue Daumier, au
compte de M. Fournier, propriétaire; le décret du 23 avril 1900 a donné le
nom de rue Auguste- Maquet à cette voie, qui est peu éloignée lie la porte de
Billancourt. Elle a été ouverte sur des remblais accumulés depuis quelques
années et sous lesquels avait achevé de disparaître un très beau jardin, dont
l'hôtel a été récemment démoli. Ce parc, qui avait le défaut détre en contre-
bas du boulevard Exelmans et exposé aux infiltrations de la Seine, lors des
hautes eaux, avait été admirablement dessiné, vallonné et planté, avec grotte,
rivière, ponts rustiques. 11 appartenait à M"*° Cuvelîer.
Une rue nouvelle va être percée également par M. Fournier entre la rue
Auguste Maquet et le quai d'Auteuil.
On a décidé, en 1901, l'ouverture d'une nouvelle voie devant prolonger la
rue Bosio, sous le nom de rue de la Mission-Marchand, et se trouver comprise
entre la rue Pierre-Guérin et la rue de la Source. Le décret du 21 novembre
1901, qui a classé ce prolongement de la rue Bosio, lui a assigné une lar-
geur de 12 mètres et en a fixé les alignements et le nivellement. Cette rue
est ouverte sur partie du jardin ayant dépendu de l'hôtel de M. l'architecte
Foulquier.
IX. — Observations sur la situation et Tavenir
du seizième arrondissement.
La population du XVI« arrondissement, qui était de 43.33:2 habitants en
1872, s'est élevée en 1901 à 117.087 âmes: elle a donc presque triplé pen-
dant les trente dernières années, ce qui est d'autant plus remarquable que
Taugmentation est principalement due à l'immigration d*une population fort
aisée. Il y a tout lieu de croire qu'il ne s'agit pas ici d'une vogue passagère et
que cette progression continuera ; car on a observé dans les grandes villes de
l'Europe occidentale et de l'Europe centrale que la population jouissant de
revenus d'une certaine importance, se porte de préférence vers les quartiers
de Touest.
Cette tendance générale me paraît pouvoir être en partie attribuée à la
prédominance, dans nos régions, des vents de l'ouest, qui apportent les éma-
nations de la campagne sur les quartiers occidentaux et celles de la ville sur
les parties situées dans la direction opposée. D'ailleurs, les vents du nord et
de l'est étant beaucoup plus frais et moins fréquents que ceux qui viennent
de l'Océan, c'est à l'est et surtout au nord des grandes villes qu'il est d'usage
de cantonner les industries incommodes et insalubres qui ne peuvent être
établies qu'après une autorisation administrative, et dont le voisinage est peu
agréable, surtout pendant l'été.
Non seulement le XVI" arrondissement occupe l'extrémité occidentale de
Paris rive droite, mais encore il se trouve dans une boucle de la Seine qui
est voisine de très belles campagnes. On y a percé, à grands frais, des avenues
larges et bien aérées ; le voisinage immédiat du bois de Boulogne y attirera
toujours les amateurs de verdure et de promenade ; il est très salutaire pour
les enfants. A ces avantages généraux, le quartier de Passy joint celui de repo-
ser sur un sol perméable, par conséquent facile à assécher, et plus élevé que
la presque totalité de celui de notre grande capitale. Les jardins d'Auteuil,
c*est maintenant Paris et c'est en même temps la campagne ; on n'y a pas,
comme aux environs, dans la banlieue, le brouhaha de la circulation et l'en-
combrement des promeneurs du dimanche. Aussi, beaucoup de personnes dé-
sertent, quand elles le peuvent, les anciennes constructions des rues étroites du
centre de la Ville, pour venir s'installer dans les maisons neuves qui ont été
récemment bâties en grand nombre sur le solduXVb' arrondissementetoûelles
trouvent des ascenseurs, des monte-charges, l'eau froide et l'eau chaude à tous
i5
226 HISTOIRE DU XIV* ARRONDISSEMENT
les étages, des bow-windows, salles de baias et galeries, de vastes salons, le
chauffage à Teau chaude, le téléphone, Féclairage électrique, des vérandas,
une distribution intelligente des appartements et toutes les installations du
confortable moderne.
Les spéculations auxquelles donne lieu, depuis près de quatre-vingts ans,
la mise en valeur des terrains du XVI* arrondissement y ont beaucoup réduit
rétendue des parcs et jardins. Il est regrettable et fâcheux, à ce point
de vue, que le nombre des hautes maisons de rapport s'accroisse constam-
ment; mais il serait bien impossible d'arrêter ce courant. On devra, du moins,
s'attacher à ce que les façades soient moins uniformes et à ce qu'elles présen-
tent de réiégance, une certaine originalité et des silhouettes artistiques.
D'ailleurs, on conservera toujours l'avantage de la proximité du bois de
Boulogne et, même dans les rues entièrement bâties, les vastes îlots qui les
séparent ont généralement encore beaucoup d'arbres, ne fût-ce que ceux des
larges et nombreuses avenues et d'un grand nombre d'établissements publics.
Enfin, Auteuil et Passy sont mis en relations avec la gare Saint-Lazare
par des trains extrêmement fréquents ; l'extension et l'accélération des
moyens de transport diminuent considérablement Tinconvénient résultant
de ce que le XVP arrondissement est éloigné du centre de Paris ; l'adoption
de la traction mécanique pour les tramways a déjà réduit très sensiblement
la durée des trajets. Une amélioration encore plus importante a été récem-
ment obtenue pour les quartiers desservis par les premières lignes du chemin
de fer métropolitain, qui facilite beaucoup les relations, grâce à la vitesse et à
la multiplicité des trains. Quand les lignes métropolitaines auront reçu
tous les développements dont elles sont susceptibles, les négociants et les
hommes d'affaires prendront de plus en plus Thabitude d'imiter leurs collè-
gues de Londres, en établissant leur domicile de famille en bon air et dans une
demi campagne, tout en conservant leurs bureaux dans la partie centrale de
la ville. Le perfectionnement des moyens de transport (développement des
voies ferrées, augmentation du nombre et de la rapidité des trains, abaisse-
ment des tarifs) abrège les distances et constitue un des principaux facteurs
de la prospérité toujours croissante du XVI* arrondissement.
Parmi les lignes métropolitaines actuellement concédées, la seule qui
intéresse le territoire du quartier d*Auteuil est celle qui partira de la porte
Molitor, pour traverser la Seine à Taval du pont Mirabeau; mais elle est
insuffisante pour bien desservir Auteuil, qu'elle ne fera communiquer qu'avec
la rive gauche plus directement.
11 est indispensable qu'on facilite davantage les relations de Passy et
d'Auteuil avec le centre de Paris en concédant une nouvelle ligne pour relier
le quartier d'Auteuil au réseau métropolitain actuellement exploité dans le
XVP arrondissement. La création de cette nouvelle ligne a été admise par
une délibération du conseil municipal de Paris en date du 13 juillet 1901. Le
tracé aurait son origine à la place du Trocadéro, en prolongement du tronçon
qui s'y arrête actuellement ; il passerait sous l'avenue Henri-Marlin, depuis
celte place jusqu'auprès de la Mairie, ensuite sous la rue de la Pompe et la
rue Mozart et aboutirait à la porte de Saint-Cloud. Entre la rue Mozart et
cette porte, deux tracés sont proposés : on pourrait suivre soit la rue La Fon-
taine et la rue Michel-Ange, soit la rue Pierre-Guérin, la rue Boileau et
l'avenue de Versailles. Ce dernier tracé, empruntant des rues plus étroites.
OBSERVATIONS SUR LA SITUATION ET l' AVENIR DU XVI* ARRONDISSEMENT
227
serait, sans doute, d'une réalisation moins aisée et plus coûteuse (expropria-
tioDs, déplacements d'égoûts, etc.). Quoi qu'il en soit, cette ligne augmente-
rait le nombre des stations métropolitaines, non seulement à Âuteuil, mai3
encore à Passy, etelle aurait une clientèle nombreuse» La population de ce
quartier augmente, en eflet, chaque année et a beaucoup de relations avec
le centre de Paris ; Taffluence est énorme aux courses d*Auteuil, surtout
pendant le printemps et Tété.
On voit déjà Télectricité briller à Paris dans divers quartiers, même
excentriques, tandis qu*elle n'éclaire pas encore les grandes avenues de
Passy. Il serait assurément désirable que l'éclairage électrique fût prochai-
nement installé, non seulement dans le jardin des Tuileries, les Champs-
Elysées et l'avenue de la Grande-Armée, mais encore sur les pelouses du Ra-
nelagh, ainsi que sur toutes les grandes voies du XV!*" arrondissement et du
bois de Boulogne. Si ce bois était éclairé, au moins en partie, la sécurité y
serait mieux assurée et l'on pourrait plus aisément y donner de belles fêtes;
la clientèle devenant plus nombreuse, la Ville verrait s'augmenter les rede-
vances provenant des loyers des concessions qui lui donnent déjà de très belles
recettes. Les propriétés privées augmentant de valeur^ les revenus provenant
des impositions en recevraient une certaine impulsion pour la Ville et pour
l'État. Il conviendrait, en outre, d'augmenter au bois de Boulogne le nombre,
trop restreint, des abris pour protéger les personnes en cas de pluie, et
d'allouer des crédits annuels plus élevés de manière à permettre un entre-
tien plus soigné des avenues et des pelouses, ainsi qu'un curage plus fré-
quent des lacs et des petites rivières. L'embellissement du bois de Boulogne
n'intéresse pas seulement les habitants du XVI'^ arrondissement, puisque le
chemin de fer de ceinture et les autres moyens de transport y amènent de
nombreux promeneurs qui y viennent le dimanche de tous les quartiers de
Paris, pendant la belle saison.
Il est à désirer que les parcs qui ornent encore aujourd'hui le XVP arron-
dissement, notamment celui de la Muette, ne soient pas vendus à des sociétés
qui y feraient construire des maisons de rapport. Si cette éventualité
devait malheureusement se réaliser pour la Muette, il faudrait au moins que
le projet de lotissement fût établi de manière à réserver de larges espaces
où l'on conserverait les vieux arbres du parc. Cela serait même Tîntérêt
bien entendu de la spéculation, parce que ce serait de nature à attirer des
locataires en état de payer des loyers élevés. Il conviendrait, en outre, d'im-
poser aux acquéreurs, par les contrats de vente, des servitudes analogues,
pour les façades, à celles qui régissent l'avenue Henri-Martin, le boulevard
Suchet et d'autres voies du XVI^ arrondissement. Il importe, en effet, de
ne pas dénaturer l'aspect du Ranelagh et de l'entrée du bois de Boulogne.
On devra étendre le plus possible l'établissement des pavages en bois et en
asphalte. Le carrefour de Passy, situé à l'intersection des rues de Passy,
Franklin, Vineuse, Raynouard et du boulevard Delessert, est trop étroit; cet
inconvénient s'est encore aggravé depuis que les tramways à air comprimé
empruntent la rue Franklin et stationnent à la rencontre de cette rue avec Je
carrefour; il serait urgent de l'élargir, et cette opération serait actuellement
assez facile, puisque les maisons à rescinder n'ont qu'un seul étage.
Le lycée Janson-de-Sailly, où le nombre des élèves a atteint le chiffre de
1.853 en 1901, ne peut pas en recevoir un plus grand nombre; pour être en
228 HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
mesure de satisfaire aux nouvelles demandes d'admission, il serait utile d'éta-
blir à Auteuil un établissement d'enseignement secondaire organisé suivant
les idées modernes. Danslecas où Tlnstitution de Sainte-Périne serait désaf
fectée, une partie de remplacement de cette Institution pourrait être consa-
crée à cette fondation. 11 serait, d'ailleurs, utile d'assurer, dans de bonnes
conditions, le transport des élèves entre le domicile de leur famille et le
lycée.
Les travaux de la ligne de Courcelles aux Invalides et de son souterrain
étant entièrement terminés, on reprendra prochainement les constructions
au-dessus de ce souterrain, notamment auprès de la rue Gustave-Nadaud
et du carrefour formé par la rencontre des rues de Passy, de la Pompe,
Boulainvilliers, Mozart et de la chaussée delà Muette. Ce travail sera facilité
par le percement de la rue que la Compagnie des chemins de fer de
l*Ouest a ouverte entre la chaussée de la Muette et la rue Gustave-
Nadaud.
Le prolongement de la rue Mozart, qui devait être dénommé « avenue de
la Muette », est projeté depuis le second Empire ; pour le faciliter, on a
ménagé des amorces à la place Possoz ; le point où il devait aboutir, sur la
place du Trocadéro, est marqué par des arcades accolées au mur de soutè-
nement du cimetière de Passy ; mais ce prolongement n'a pas encore été
exécuté. Si l'opération de voirie qui consisterait à le réaliser jusqu'à la place
du Trocadéro parait trop coûteuse, on pourrait, du moins, prolonger la rue
Mozart depuis la chaussée de la Muette jusqu'à la place Possoz, ce qui don-
nerait un débouché par la rue Cortambert et ferait disparaître le rétrécisse-
ment fâcheux que présente la rue delà Pompe pi es de sa jonction avec la rue
de Passy ; malheureusement, ce travail entraînerait la démolition de la mai-
son remarquable, dans laquelle le cabinet de physique du roi avait été
établi au xviii*' siècle.
C'est à la station de l'avenue Henri-Martin que se trouve la bifurcation
de l'ancienne ligne (desservant Auteuil, le Point-du-Jour et la ceinture
rive gauche) et de la ligne de Courcelles aux Invalides, qui a été inaugurée
en 1900 ; elle établit une communication directe entre Passy et le Champ de
Mars et permet, grâce au nouveau chemin de fer reliant la station des Inva-
lides à celle de Viroflay, d'aller directement de l'avenue Henri-Martin à Ver-
sailles et sur les lignes du réseau de l'Ouest, sans avoir à faire, comme
aujourd'hui, un détour par la gare Saint-Lazare. La station de l'avenue
Henri-Martin ne pourra pas être concurrencée, dans notre région, pour le
transport des voyageurs allant, par les véhicules des grands réseaux, de la
rive droite au quai d'Orsay, attendu que des considérations d'esthétique,
ainsi que l'énormité des dépenses qu'il faudrait faire, s'opposent à ce que la
construction d'un pont de chemin de fer, pour le passage du matériel des
grandes Compagnies, soit autorisé au-dessus de la Seine, entre la halle aux
vins et le pont d'iéna. Mais la station de l'avenue Henri-Martin ne prendra
toute l'Importance qu'on peut en attendre que si on réalise, ce qui est pro-
bable, la jonction des gares desservant à Paris les grands réseaux, notam-
ment celle de la gare des Invalides (réseau de l'Ouest) avec la gare du quai
d'Orsay (réseau d'Orléans).
Le déclassement des fronts ouest et nord de l'enceinte fortifiée de PariAf
entraînant la suppression de cette enceinte entre la Seine et la porte de
OBSERVATIONS SUR LA SITUATION ET L*AVENIR DU XVI* ARRONDISSEMENT 229
Pantin, a été admis en principe par la loi du 17 février 1898 (1). Mais une
opération aussi importante soulevait de grosses difficultés financières : la Ville
de Paris aurait à dépenser une cinquantaine de millions pour Texécution des
travaux de voirie sur cette vaste zone ; Tadministration des Domaines, qui
offrait de céder à la Ville les terrains dépendant des fortifications, entre
le Point-du-Jour et Pantin, estimait à 130 millions la valeur de ces terrains.
La municipalité de Paris estimait cette évaluation beaucoup trop élevée.
On peut, d'ailleurs, observer que le prix des terrains serait avili si on
voulait les vendre tous en même temps aux spéculateurs disposés à y élever
des constructions.
A la suite de longues négociations entre le ministre des Finances et la
Ville de Paris, il a été reconnu d*un commun accord que la vente de l'inté-
gralité des fronts ouest et nord de Paris, entre la Seine et Pantin, n'était pas
opportune ; que la masse totale des terrains qui deviendraient ainsi dispo-
nibles, jointe à celle des zones de servitude militaire, serait trop considérable
pour ne pas influer désavantageusement sur les prix ; qu'en outre, beaucoup
de terrains situés dans des quartiers peu peuplés encore, n'ont aujourd'hui
qu'une valeur insignifiante auprès de celle qu'ils sont appelés à prendre plus
tard ; enfin qu'il convenait de limiter, quant à présent, Topération à la seule
fraction susceptible de prendre immédiatement une grande plus-value,
c'est-à-dire à celle qui longe le bois de Boulogne, entre la porte d'Auteuil et
la porte Maillot, et qui borde le XVP arrondissement.
Il a paru préférable de ne projeter actuellement le remplacement de l'en-
ceinte fortifiée par de nouveaux quartiers qu'entre la porte d'Auteuil et la
porte Maillot, parce que c'est la section sur laquelle la vente des terrains sera
le plus avantageuse et parce que les difficultés soulevées par un déplacement
de l'octroi ne se présenteront point pour la partie qui longe le bois de Bou-
logne, puisque ce bois se trouve déjà compris à Tintérieur des barrières.
La Société des Amis des monuments parisiens, présidée par M. Normand,
a émis le vœu que, lors de la création d'un Paris nouveau sur l'emplacement
des remparts détruits, les pouvoirs publics veuillent bien témoigner de leur
sollicitude pour la beauté de Paris. « 11 importe, disait cette Société, qu'une
ceinture de villas, et non de bâtisses de commerce ou de spéculation, borde
les rues nouvelles et le bois de Boulogne ; qu'un fragment de l'enceinte soit
conservé comme souvenir de Paris qui s'en va et comme élément pitto-
resque ; que suivant les vœux du congrès de l'art public, les rues soient cou-
pées de jardins, de bancs artistiques, de refuges ayant un caractère déco-
ratif ; enfin, que les intérêts de la spéculation ne soient pas seuls consultés et
que les nouveaux quartiers à naître soient, pour Paris, une parure nou-
velle. »
Satisfaction est donnée à ce vœu par le projet que M. Bouvard, directeur
technique des services d'architecture, des promenades et des plantations, a
dressé, avec l'assentiment de la commission du vieux Paris, pour l'établis-
sement de nouveaux quartiers de luxe, sur l'emplacement des fortifica-
tions à démolir, entre la porte d'Auteuil et la porte Maillot. Cet éminent
architecte s'est attaché à créer de larges avenues, des parcs et squares tout
remplis d'arbres et de verdure, des voies spacieuses souvent obliques pour
(i) Voir les indications données à ce sujet page ii3.
l ... t
23o HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
ê
éviter runiformilé et la banale symétrie. De belles perspectives seraient
ménagées sur le bois de Boulogne, notamment en conservant toute la largeur
(ie la porte Dauphine, de celle de Passy et de celle qui donne le point de
vue de la porte de la Muette ; enfin, on n'admettrait que des façades élégantes
et variées, les acquéreurs des terrains devant être soumis à des servitudes qui
sont définies de la manière suivante dans la convention signée, le 14 février
190^, par M. Caillaux, ministre des Finances, et par M. de Selves, préfet de
là Seinç :
a) Il ne pourra être établi aucune construction sur les zones teintées en rouge clair
au plan annexé ; elles seront plantées et maintenues en parterres d*agrénient.
- 6) Ces terrains seront clos en façades par des grilles en fer d'un modèle et hauteur
déterminés par l'administration municipale, sur socles en pierres de taille. La même
grille devra être établie tant sur Taligncment de la voie publique que sur les lignes
séparativoR des propriétés dans la largeur de la zone cultivée en jardin. Ces grilles ne
pourront être obstruées par aucun volet ou persienne ; elles devront être constamment
entretenues en bon état de propreté. Les acquéreurs des terrains seront tenus d'établir
lesdites grilles de clôture sur la voie publique dans un délai maximum d'un an, à l'excep-
tion du premier acquéreur de l'ensemble desdits terrains, tant qu'il ne les aura pas uti-
lisés.
c) Il ne pourra être élevé en façade sur la zone non œdificandi que des maisons d'habi-
tation bourgeoise ; en conséquence, aucun genre de commerce ou d'industrie ne pourra
y être exercé à moins d'autorisation spéciale de la Ville de Paris.
d) Les façades principales des constructions seront établies parallèlement à la voie
publique ; les parties latérales des bâtiments qui ne se relieraient pas entre eux devront
recevoir une décoration analogue à celle de l'ensemble, mais sans obligation d'ouver-
tures, chaque propriétaire devant faire son aflTaire personnelle des dispositions à prendre
avec ses voisins pour que la présente condition reçoive son exécution. Aucune des faces
de CCS constructions ne pourra présenter de mur nu, dit pignon séparatif, ni recevoir
d'enseignes, réclames ou afflches. Pour garantir l'exécution des clauses qui précèdent,
les propriétaires des terrains seront tenus (i) de soumettre à l'approbation de l'adminis-
tration municipale, avant tout commencement d'exécution, les plans des constructions
projetées.
Ces servitudes remplaceraient, pour les boulevards Lannes et Suchet,
celles qui leur sont actuellement imposées ; la largeur de ces boulevards
serait portée à 20 mètres. Un pont serait construit en prolongement de la rue
Ràfïet.
La Ville de Paris deviendrait propriétaire de toutes les voies publiques à
créer (dont la superficie est évaluée à environ 190.000 mètres carrés), ainsi
que du sol des boulevards Lannes et Suchet. Le montant des dépense^ de
démolition, de nivellement et viabilité pour travaux à faire par la Ville, lui
serait avancé par TÉtat jusqu'à concurrence de 8 millions ; ces avances, qui
seraient remboursées ultérieurement, produiraient un intérêt de 3,25 p. 100,
qui ne commencerait à courir que deux ans après la ratification de la conven-
tion. La Ville devrait achever les travaux dans un délai de dix-huit mois à
dater de cette ratification.
Un projet de loi approuvant la convention passée entre l'État et la Ville
de Paris, le 14 février 1902, a été déposé le 17 du même mois à la Chambre
des députés par les ministres des Finances, de la Guerre et de l'Intérieur.
(i) La Société des Amis des monuments parisiens 'avait demandé qu'une servitude de
hauteur (correspondant à trois étages au plus) fût imposée par la ville pour les maisons
du nouveau quartier, afin qu'on ne pût pas y remplacer des hôtels élégants par de hautes
maisons de rapport. Cette restriction n*a pas été admise.
ANNEXES
REPRODUISANT DIVERS ARTICLES
INSÉRÉS DANS LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE D'AUTEUIL ET DE PASSY
AINSI QUE
LA COPIE D'ACTES CONCERNANT LE XVI* ARRONDISSEMENT
ANNEXES
REPRODUISANT DIVERS ARTICLES
INSÉRÉS DANS LE DULLETIS DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE D'AUTEUIL ET DE PASST
AINSI QUE
LA COPIE D ACTES CONCERNANT LE XVI* ARRONDISSEMENT
UNE COUTUME DE L'ANCIEN VILLAGE
DE CHAILLOT
P. Lazare, dans son Dictionnaire administra-
tif et historique des rues de Paris, p. 246,
cite une cootume de l'ancien village de thaillot
^ui nous semble pea connue.
€ Ce hameau, dit-il, faisait autrefois partie du
« domaine du roi. Avant l'origine des affranchis-
« sements, c'est-à-dire au xn^ siècle, il y régnait
«une coutume, nommée Be'fert ou Béfeht, qui
« mérite d'être rapportée. La femme et les enfants,
« contre l'usage ordinaire, suivaient le sort du
« mari quant à la servitude ; par exemple, une
€ femme de Chaillot, serve du roi par naissance,
« qui épousait un homme serf de Sainte-Gene-
« viève à Auteuil, devenait serve de l'abbaye de
« Sainte-Geneviève, ainsi que tons les enfants
< qu'elle mettait au monde ; et réciproquement, si
« une femme d' Auteuil épousait un homme^serf
« du village de Chaillot, la femme et les enfants
* devenaient esclaves du roi. »
DEUX CENTS ANS DE QUERELLES
SUR LE NOM D'AUTEUIL
Les mystères de la linguistique m'ont toujours
inspiré une respectueuse surprise. Cette science
donne, paratt-il, la clef de toutes les difficultés
sur l'origine des noms d'hommes et des noms de
lieux ; l'humanité est replacée au bel ûge qui
f précéda la tour de Babel ; plus de confusion des
angues ; toutes celles-ci, grâce aux travaux accu-
mulés d'érudits philologues, sont ramenées à trois
grandes classes : celle des langues à flexion, qui
BOUS intéresse particulièrement, se divise en deux
familles, dont l'une, la famille des langues arvennes
ou indo-européennes, plus siMkiale à l'Europe,
engendre des groupes bien définis, se subdivisant
en branches, en rameaux sur lesquels s'alignent
les lances antiques et modernes, comme le latin
et l'ancien gaulois, comme le français, le breton,
l'anglais, l'allemand, etc. La signification des
noms de Chandernagor (la < ville du bois de santal »
on la € ville de la lune », au choix) ; de Tom-
bouctou (la « ville d'entre les dunes »), de Papetee
(la « Petile-Eau », la < ville des ruisselets », notre
chef-lien de Tahiti, cette perle de l'Océanie), n'a
plus de secrets pour nos savants et même pour
nos étudiants : tout cela est admirable, surtout
pour les profanes.
« Mais, me suis-je dit à moi-même, si, pour
aborder ces belles et savantes études, je commen-
çais par le nom du lieu que j'habite ? Si je me
rendais un compte exact de la signification du nom
d'Auteuil, sur lequel il me semble avoir aperçu,
de c^té et d'autre, quelques indications un peu
vagues et, autant qu'u m en souvient, un peu con-
tradictoires ? »
Hélas ! pour mon début dans la linguistique, je
tombais sur une des questions les plus inextri-
cables, auprès de laauelle les jungles de l'Inde,
les marais du Bhar-el-Ghazal, les maquis même
de la procédure pouvaient passer pour être d'une
pénétration facile. N'importe; aiguillonné par la
difficulté, me débattant au milieu des broussîdlles,
recourant à l'assistance des savants de profession,
j'espère m'ètre frayé on chemin à travers cette
forêt vierge et je crois de mon devoir d'offrir à
notre Société historique la primeur et le résumé
de l'indigeste travail que je vais avoir la hardiesse
de mettre prochainement au jour, en l'allégeant ici
de presque tout le fatras de citations latines, cel-
tiques et autres dont je me suis trouvé dans la
nécessité de le charger.
Il y a déjà quelane deux cents ans que la discus-
sion est ouverte ; ta difficulté de la clore tient aux
causes suivantes :
23^
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
D'abord, le nom d^Aateoil, malgré sa simplicité,
sa bonhomie apparente, est d*iiiie décomposition
difficile : la première partie da mot, oti, le préfixe,
change notablement de forme, soivant qu'il est
écrit en français on en lalin, et ces diverses formes
paraissent rentrer tantôt dans le groupe ita-
lique, tantôt dans le groape celtique, tantôt dans
le groupe germanique ; la dernière partie du mot,
euil, le suffixe, est une forme très répandue tant
en français que dans les textes latins, mais géné-
ralement banale, non caractéristique et à cause
de cela négligée. Puis, les études déjà faites
péchaient un peu en ce que chacun des auteurs ne
s'attachait guère qu'à une localité, celle de sa
région, sans étudier à fond les autres localités du
même nom.
Cependant les lieux portant le nom d*Auteuil,
ou de son diminutif Antooillet, doivent avoir — on
s*accorde à le reconnaître — une même origine
linguistique. Voyons leur nombre et leur réparti-
tion en France.
Nous en rencontrons dix, tous dans le bassin
de la Seine, sauf un seul, qui en est, d'ailleurs,
très rapproché. Ce sont : Auteuil (Seine), Auteuil
et AntouiUet (Seine-et-Oise), Auteuil (Seine-et-
Marne), Auteuil et Autheuil-en- Valois (Oise), Au-
theuil et Authouillet (Eure), Autheuil (Eure-et-
liOir), Autheuil (Orne). Que le nom s'écrive sans
h ou avec un h après le t, cela n'est d'aucune
importance, comme le montre Littré à propos, par
exemple, du mot français Haut et de ses formes
berrichonne, latine, provençale, catalane, espa-
gnole, italienne, etc.
Afin de me constituer une base d'opérations,
j'ai commencé par récolter le plus grand nombre
possible des formes les plus anciennes du nom
qu*il s*agit d'étudier. Pour les communications de
ce genre qui m'ont été faites, je dois des remer-
ciements particuliers à M. l'abbé Porée en ce qui
concerne l'Eure, à M. le comte de Dion pour ce
qui se rapporte au département de Seine-et-Oise,
à H. le vicomte de Caix de Saint- Aymour, très
documenté sur le département de l'Oise, à H. H.
Lecesne pour le département d'Eure-et-I^ir, à
M. Louis Duval, pour le département de l'Orne.
Ce que nous trouvons de plus ancien remonte
an commencement du ix*^ siècle et se rencontre
dans le polyptique, ou livre censier, de Saint-
Germain-des-Près, écrit par Irminon, qui fut à la
tête de cette riche abbaye de l'an 800 à l'an 830
environ, et mis an jour, avec addition de très
savants commentaires, par M. Benjamin Guérard
et par M. Longnon. Parmi les dépendances de
l'abbaye figurent des terres, des vignes, des mai-
sons, des serfs, des fermiers vivant sur le territoire
d'Auteuil (Seine-et-Oise , canton de Montfort-
l'Amaury). I^ nom de cette localité est toujours
écrit Altôgilum (ou Altogilus, au nominatif, sui-
vant certaines personnes). Les formes du x^ siècle
manquent. Celles du xi« sont Altolium, Alioilum,
Altuillium pour Autheuil (Eure) et Auteuil (Oise).
An XII* siècle apparaît d'abord, en ii09, le nom
de notre Auteuil parisien, dans la charte d'échange
entre l'abbaye du Bec et le chaoitre de Sainte-
Geneviève; le nom y est écrit Altôgilum d'après
Tabbè Lebeuf et Adrien Le Valois, Altoilum
d'après M. de Lasteyrie. En ii77, ce même nom
s'écrit Auteohun; pus il devint Altolliun, Alton-
linm, Altolium, Aatolium, Autheuil, Auteuil.
Je vous fais grâce de nombreuses mentions, des
XII* et XIII* sièdes, concernant des localités homo-
nymes de l'Oise, de SeineetOise, de l'Eure, d'Eure-
et-Loir, et je résume le tout de la manière sui-
vante :
La forme Alt (ogilom, oilam, olinm) tsi bien la
plus ancienne de tontes; exclusive, du ix* au
XI* siècle, elle se montre encore au xii*, concur-
remment avec les formes françaisec, Alt (nil, eil,
el), plus fréquente que les notations Aut (oilum,
olium), Aut (ol, uil), et elle persisté an xiii*8iède.
Il parait dès lors rationnel de coi^jectnrer que le nom
de nos localités situées dans des pays de langues d*od
devait se prononcer originairement Altoil, Altol on
Alteil.
Cest le savant abbé Lebeuf qui, le premier,
dans son Histoire frumutnentaU du diocèse de
Paris écrite ily a deux cents ans, a émis uneopinion
sur l'étymologie de notre Auteuil. S'attachant
uniquement au préfixe au de la forme française et
relativement moderne, il estimait qu'il signifiait
prairie en langue celtique et que ce sens se jus-
tifiait par les prairies qui existaient ou qui avaient
dû exister sur le territoire d'Auteuil, au long de
la Seine. Les critiques ne manquèrent pas à cette
interprétation. Si FAuteuil ancien pouvait se faire
remarquer par sa ceinture forestière, par ses
vignes, par son coteau, il n*apparatt nullement,
ni d'après les documents anciens, ni d'après les
apparences actudles, qu'il ait jamais été un pays
de prairies. Les savants se sont fait un plaisir
d'ajouter, pour faire un peu échec à l'abbé Lebeuf,
que le mot auquel celui-ci donnait le sens de prairie
était germanique et non celtique, et qu'il s ortho-
graphuiit aue ou awe, et non au. Ce qui est plus
sérieux, c'est que ce malheureux préfixe n'est pas
du tout celui que l'on rencontre dans les docu-
ments les plus anciens, ou le nom commence par
les lettres AU,
L'intelligente imagination de plusieurs étymo-
légistes s'est donné carrière sur cette dernière
racine. Quelques-uns ont voulu y voir une rémi-
niscence du mot latin altare (autel). « On prétend,
dit H. de Feoardent dans son Histoire d'Auteuil,
que les premiers habitants de ce village ayant
groupé leurs maisons autour d'une chapelle ou
collège que les Druides avaient autrefois fait cons-
truire dans la forêt de Rouvret et sur la partie la
plus élevée, ce lieu fut appelé en latin Altare
(autel). » Notre collée, M. Guillois, dont la
sagace érudition a éclairci tant de points de notre
histoire locale, a écrit aussi dans noire Bulletin :
« Auteuil, dont l'étymologie est due au collège
des Druides qui, suivant la tradition,- s'étaient
établis dans cette partie de la forêt de Rouvray. »
Il a rappelé ensute l'étymologie (prêtée ail-
leurs) tirée du mot Altus (locus) qui, dit-il, « ne
détruirait même pas la première interprétation,
l'idée exprimée par altus s'appliquant aussi bien
à ce qui est sacré qu'à ce qui est élevé : altuSt
altar. Les autels, dans le principe, étaient tou-
jours sur les lieux élevés ».
Cette interprétation a malheureusement contre
elle la linguistique, aussi bien que les notions
les plus sérieuses de l'archéologie. Les Druides,
ANNEXEE
235
cTomme on le sait, ne connaissaient pas les temples.
Ottant aux monuments mégalithiques (dolmens,
menhirs, etc.), appelés à tort pierres druidiaues,
ils sont presque partout antérieurs au culte arui-
dique ; leur origine non celtique est, d'ailleurs,
prouvée par ce fait qu'on les rencontre sur bien
des points du globe où la race celte n*a pas habité.
Au surplus, je ne connais aucun texte qui per-
mette d*affirmer que, dans le Toisina^e immédiat
de notre Anteuil, on ait constaté Texistence d*un
monument mégalithique, de pierres druidiques.
D'autre part, si une circonstance de cette nature
avait donné naissance au nom d*Auteuil, ce nom
serait fréquent en France, tandis que les Auteuils
sbnt rares et circonscrits dans deux provinces.
Enfin, les lieux qui tirent véritablement leur éty-
mologie du mot autel {altar, altare^ aliarium)
ne sont pas rares en France ; mais ils se rattachent
à une origine peu ancienne et au culte chrétien,
comme Ta montré M. Cocheris dans son ouvrage
sur VOrigine et la formation des noms des
lieux.
Plusieurs écrivains, familiers avec la langue
latine, ont fait dériver du mot latin Altus le prénxe
Alt et, par suite, le nom d*Autenil. Notre savant
collègue, M. Femand Bournon, a écrit dans ses
Additions et Corrections à Vabbé Lebeuf: € Le
centre de ce village a été de tout temps sur une
hauteur, peu élevée, il est vrai, mais suflSsante
peut-être à justifier une étymologie formée avec
le mot altus, »
Nombre de personnes ont protesté contre cette
interprétation. « Si, disent-elles, on aborde notre
Autenil en venant du Bois de Boulofçne, on marche
sur un plateau dépourvu de saillies ; si Ton s*y
dirige en descendant la Seine, on remarque bien
les hauteurs de Chaillot et de Passy, mais on dis-
tingue à peine celle d* Anteuil. L*église, qui a tou-
jours été le point central de Tagglomération, ne
prend naissance qu'à une quinzaine de mètres au-
dessus du niveau de la Seine, dont Tétiage lui-
même se place à une bien faible altitude. »
Ces considérations ne permettent ffuère, en effet,
de s'arrêter, comme étymologie, à l'idée de hau-
teur, à moins d*v joindre quelque correctif.
Le préfixe Ait se rencontrant aussi bien dans
le groupe celtique que dans le groupe italique,
{plusieurs archéologues ont proposé le radical gau*
ois de préférence au radical latin ; de ce nombre
est M. Fernand Bournon qui a bien voulu, à ce
sujet, me confirmer ce qu'il a inséré dans son
article sur Anteuil, paru dans la Grande Encyclo-
-pédie, M. le baron de Coston, dans un livre
Vttymologie des noms de lieux, indique indif-
féremment Tune ou l'autre racine comme devant
s'appliquer à Anteuil.
Mais on voit toujours se dresser l'objection
tirée de la modeste élévation de notre Auteuil.
En somme, les partisans de la montagne et ceux
de la prairie, ceux du haut et ceux du bas, paraî-
traient un peu devoir être renvoyés dos à dos, à
considérer spécialement notre Auteuil qui
n'ovnit mérité
Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.
Hais dans la querelle est intervenu un champion,
muni d'armes toutes nouvelles et possesseur d'une
grande autorité : ce n'était rien moins que. le très
érndft celtisant, professeur et académicien, M. d'Ar-
bois de Jubain ville, qui, dans ses Recherches sur
l'origine de la propriêU* et des noms de lieux
habités en France, consacrant une étude toute
spéciale au nom d' Auteuil, est venu déclarer ce
qui suit :
« Auteuil vient d'Audu^, qui veut dire, en latin,
€ acheté aux enchères » ; c'est le nom latin con-
servé à certains esclaves ; on trouve six ou huit
exemples de ce nom et de dérivés dans des ins-
criptions du midi de la France et de l'Italie et
dans quelques autres documents; on rencontre
aussi son application à un ou deux autres noms de
lieux ; il faut admettre que la lettre c à*Auctus
est tombée dans le nom Autoilum, Autolium,
Auteuil.
Malgré toute la déférence due à l'autorité de
M. d'Arbois de Jubainville, un examen attentif ne
permet vraiment pas de retenir cette solution.
D'une part, la qualification de Auctus, donnée
ou plutêt laissée à un esclave, est rare ; il conve-
nait que chaque esclave romain reçût on nom ou
un surnom spécial, comme en témoignent, d'ail-
leurs, à chaque pas, les écrits des prosateurs et
des poètes latins; la récolte de M. d'Arbois de
Jubainville en France et en Italie est bien maigre.
Les localités pouvant dériver du nom d'homme
Auctus devraient donc être fort rares: néanmoins,
rien que dans le bassin de la Seine, nous trouvons
une dizaine d' Auteuil ou Autbeuil, que Ton vou-
drait rattacher à ce nom. De plus, on n'aurait pas
de motif pour refuser d'appliquer ce nom d'homme
à la plupart des 130 autres localités de France
dont le nom commence également par les trois
lettres Aut, Où cela conduirait-il?
D'antre part, la domination romaine s'étant sur-
tout exercée dans le midi de la France (région
dans laquelle M. d'Arbois de Jubainville a, d ail-
leurs, relevé les inscriptions d'Aiœtus qu'il cite),
c'est là principalement que devraient se trouver
les noms de lieux dérivant de ce nom d'homme.
Au contraire, on peut constater que sur les 140 lo-
calités de la France dont le nom commence par
Aut, 40 seulement se trouvent au sud de la Loire,
tandis que 1 00 se rencontrent au nord de ce fleuve ;
30 seulement apparaissent au-dessous de la lati-
tude Lyon, alors que 120 se placent au-dessus.
Enfin, ainsi que je crois l'avoir démontré d'abord,
la base du raisonnement de l'éminent linguiste
manque de solidité, puisque c'est la racine ait et
non le radical aut qui se rencontrait primitive-
ment dans Altogilnm, Altol.
Voilà donc les partisans du nom servile aussi
découragés que ceux de la prairie, de la hauteur
et de l'autel.
Mais, au milieu de tout cela, que devient la
finale euil, ogilum ? On est bien d'accord sur ce
point que la désinence latine ogilum, oilum,
olium correspond à la désinence française oil,
euil, lie; mais c'est tout. Pour les uns, cette
désinence n'a aucune signification ; les autres lui
en découvrent beaucoup trop. Ceux-là y voient
les sens divers suivants, présentant un des plus
merveilleux gâchis que l'on puisse rencontrer en
philologie : cachette, lieu désert, caveau, demeure
quelconque (l'abbé Garnier) ; montagne (Laroque) ;
236
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
tente de ber|^ (Lancelot) ; forêt, maison (Ade-
Inne) ; — ruisseau, idée de propriété (Mone).
Un savant, M. Houzé, non pas plus erndit, sans
doute, que plusieurs de ses confrères, mais peut-
être plus heureux que tous, a émis à ce sujet Tin-
génieuse opinion que Toici dans son Étude sur la
signification des noms de lieux de France.
La désinence latine ogilum, olum, olium (qui
correspond, on le reconnaît, à la désinence fran-
çaise oil, euil, eil) a, dans beaucoup de cas, un
sens diminutif; capreolus^ filiolus^ gladiolus,
linteolum, sont des diminutifs qui ont été tra-
duits car cheyreuil, filleul, glaïeul, linceul, et
cette signification se rencontre pour les mêmes
mots dans toutes les langues indo-latines : italien,
espagnol, portugais, provençal, lan|[uedocien, etc.
De nombreuses citations, de multiples exemples
sont apportés par Tauteur à Tappui de sa thèse.
U ajoute que le radical ait est cité plusieurs fois
sous forme substantive et avec la signification très
nette de colline par un auteur de la plus haute
et de la plus universeUe autorité en ce qui con-
cerne la langue celtique : Zeuss, dans sa Granit-
matica Celtica,
Conséquence : Auteuil veut dire coltine, avec le
sens dimmutif, petite colline, collinette.
J'avoue que cette explication me satisfait ; elle
me parait rationnelle et simple. Au point de vue
de la linguistique, on ne peut méconnaître que,
dans un certain nombre de cas, la désinence fran-
çaise euil a un sens diminutif.
Je vous prie de vouloir bien vous reporter, dans
notre Bulletin, aonée i898, paf;e 48, à la gra-
vure que notre excellent vice-président M. Mar a
présentée, avec une note intéressante (comme
tout ce qu*il publie) et qui est Tagrandissement,
an quart environ, d*une vue perspective d'Au-
teuil (Seine), vers Tannée 1700, tirée de la Géo-
métrie pratique de Manesson Mallet. Elle con-
firme d'une manière sensible Tappréciation qui
f>récède. La vue est prise de la rive de Grenelle;
a Seine coule ensuite et montre son bord opposé ;
au delà apparaissent, successivement étages, un
chemin de halage, la route de Versailles, sillonnée
1)ar les carrosses, une voie pour piétons; plus
oin la montée s'accentue, couverte de clos de
vignes et d'arbres fruitiers, pour aboutir au pla-
teau sur lequel se dressent Téglise, la maison sei-
gneuriale et un certain nombre d'autres habita-
tions. Bien que la butte soutenant le vieil Auteuil
ne s'élevftt que d'une cinquantaine de pieds ou
d*un quinzaine de mètres au-dessus du niveau de
la Seine, cette saillie était fort sensible pour qui
la regardait soit de la rive opposée, soit du lit du
fleuve, soit même du bas de la rive droite, par
contraste avec ce qui l'environnait, c'est-à-dire
avec la dépression d'entre Auteuil et Passy, la
plaine du Point-du-Jour et de Billancourt, et la
vaste et plate étendue de Grenelle.
D'autre part, si le nom d'Auteuil ou d'Autheuil
doit représenter une même origine (petite colline,
petite hauteur), contrôlons cette idée d'après la
topographie de chaque lieu. Auteuil (Seine-et-Oise)
se montre sur un coteau dominant un sous-affluent
de la Maulde; Autheuil (Eure-et-Loir) s'étend
sur un plateau peu élevé au bas duquel coule le
Loir ; Autheuil (Orne) apparaît sur le penchant
d*an coteaa qui descend vers un affluent de THuisne ;
Autheuil-en-Valois (Oise) se dresse sur une col-
line d'oti sort un ruisseau qui se jette dans l'Oise;
Auteuil (Oise) se place au pied et sur le penchant
d'une colline ; Autheuil (Eure) s'allonge au bas
d'une colline voisine de l'Eure.
Mais allons au-devant d'une objection. Corn*
ment se fait-il que tons les Auteuil ou Autheuil se
trouvent localisés dans l'Ile-de-France et la Nor-
mandie? Gomment le radical ait et la désinence
euil ne se montrent-ils pas réunis ailleurs ?
Non seulement parmi les cent trente autres
localités dont le nom commence par ouf, mais
encore parmi les ({uinze ou vingt autres qui ont
pour préfixe ait, disséminées dans toute la France,
un certain nombre peuvent être considérées comme
ayant, avec une ciésinence un peu différente, la
même signification que celle attribuée par M. Houzé
au nom d'Auteuil. Si, dans l'Ile-de-France et la
Normandie, le préfixe ait s'est adouci en aut et
si le sutfixe eutl s'y rencontre plus fréquemment
qu'ailleurs, c'est par suite d'une tendance géné-
rale des dialectes de ces provinces à supprimer
les consonnes on à les amollir en multipliant les
voyelles.
Mais je m'aperçois qu'il est grand temps de
terminer cette étude, bien peu récréative; ma
seule justification serait d'avoir amené notre So-
ciété historique à partager ma manière de voir et
à clore ainsi le temple de Janus en ce qui con-
cerne cette tonte petite, mais vieille, querelle
entre savants, en attendant qu'au point de vue de
toutes les controverses plus graves, de toutes les
discussions plus irritantes, nous puissions aussi
parvenir à le fermer (i).
Tabariès de Grandsaignes.
(i) M. Mnr avail dessiné, pour son article « Au-
leuil il y a deux cents ans », partie d'une vue ex-
traite de la Géométrie pratique (V. ici même, p 49?),
dédiée auroy par Allain Manes:'on Mallet, n Paris,
chez Anisson (1702), et M. Tabariès de Grand-
sni^nes, dans une brochure tirée à part du présent
article, a reproduit celle vue in extenso. L'ouvrage
duquel elle a été tirée se compose de quatre
volumes. Il e.st recherché pour ses dessins. Noua
signalerons les suivants concernant notre région :
Tome I. — Flan du Cours de la Reyne.
Tome II. — Hauteuil (agrandi par M. Mar) ; les
Bons Hommes de Passy ; Chaillot (vue prise en
amont).
Tome III. — Passy ; Moulin de Javelle ; Chaillot
(vue prise en avnl).
Tome IV. —Deux vues de Sainl-Cloud prises
du pont.
Dans le texte, peu de choses nous intéressent :
la longueur du Cours la Reyne, de la porte du côté
des Tuileries à celle du côté de Chaillot, était de
C74 luises ^i.3j3 mètres). Le rond ou cercle qui s'y
rencontrait n'était pas au milieu, mais plus rap-
f)roché de Chaillot. Devant Auteuil, la largeur de
n Seine avait iSo toises («ja mètres), celle du petit
bras de la Seine entre la rive gauche et l'extré-
milé orientale de l'Ile des Cygnes, 144 pieds (46
mètres). Enfin In fnltière de la chapelle des Bons
Hommes mesurait a6 toises (5o mètres).
(Note de M. Chandebois).
ANNEXES
287
LA VIEILLE ÉGLISE D'AUTEUIL
Aajoord'hai encore, dans quelques villages
égirés de Bretagne, à la célébration des mariages
chrétiens, les étrangers sont tout étonnés d*aperce-
Toir, dans Téclat brillant des toilettes rustiques
et dans Tappareil joyeux des noces les plus mo-
destes, au milieu même du chœur de 1 église, un
catafalque qui est là pour rappeler à tout le ha-
meau là mémoire de ceux qui ont disparu ; de
même ce matin, en écoutant la vieille cloche de
Téglise de Notre-Dame d'Âutenil qui célébrait la
consécration définitive du temple nouveau qui
doit remplacer Tancien (1), ma pensée s'aban-
donnait au souvenir des sept ou huit siècles pen-
dant lesquels l'antique clocher abrita nos aïeux.
Âuteuil, dont Fétymologie est due au collège
des Druides (2) qui, suivant la tradition, s'étaient
établis dans cette partie de la forêt de Rouvrav,
fut érigé en paroisse, en 1492, oar Maurice de
Sully (3), premier fondateur de la métropole de
Notre-Dame de Paris.
Le chapitre de la collégiale de Saint-Germain-
FAuxerrois exerçait sa juridiction ecclésiastique
prest^e jusqu'à Saint-Cloud; ce fut donc lui qui
constitua la nouvelle paroisse. Celle-ci était fort
étendue puisqu'elle tenait sous sa domination
spirituelle tout le nays compris entre la Seine au
sud et à l'ouest, les limites de la forêt de Rou-
vray au nord et la paroisse de Chaillot (4) à
l'est. C'est ainsi que l'abbaye de Longchamp, qui
sera fondée un siècle plus tard, dépendra d 'Au-
teuil.
Le curé primitif était le chapitre de Saint*
Germain-l'Auxerrois, qui désignait et déléguait
pour remplir les fonctions curiales un vicaire per-
pétuel. Aussi, la collégiale exigeait-elle, en retour,
comme marque de vassalité, une dlme de vin qui
lui était payée par les habitants d'Auteuil.
Cet état de choses dura jusqu'en 1745 ; à cette
date, sous l'épiscopat de Mgr de Vintimille, le
chapitre de Saint-Germain-rAuxerrois fut réuni
à celui de l'église métropolitaine. Dès lors la
(i)N'esl-ce pas le coh de répclor rinscripUon
jiO^véc sur l'une des pierres du collège de Nn-
varre :
Sixle^ domus^ donec flaclax formica marinas
Ebibat el lotum lesludo perambulat orbem !
(Reste debout, ronison, tant que la fourrai n'aura
peshu les flots de la mer, tant que la tortue n'aura
pas Tait le tour du monde !)
(a) Altare. Aliariam^ AUoiiam, Aullheail, Tne
autre êlymoloffie voudrait faire venir Auteuil d'Al-
tuê loctt» (lieu liaut) mais je la crois contredite par
notre position topojBrraphique. Elle ne détruirait
même pas la première interprétation, Tidéc ex-
primée par Altu9 s'appliquani aussi bien à ce qui
est sacre qu'à ce qui est élevé : AUua^ Allar, Les
autels dans le principe étaient toujours sur les
lieux élevés , on en verra l'application plus loin
pour Auteuil même.
(3) Maurice de Sully, évoque de Paris, de 1160 à
1196. L'évéché de Paris resta sufTraKant de l'évê-
clic mctropolilain de Sons jiis(|u'au 22 octobre
1622, époque où Paris devint le siè^c d'un arche-
vêché. Ce ne fut d'ailleurs qu'au viii* siècle que
les évêchés métropolitains devinrent archevê-
chés.
(4) Nigoon, à celle époque*
nomination du curé d'Auteuil appartint à l'arche-
vêque de Paris.
Pendant ce temps-là, les Génovéfains, conces-
sionnaires par échange des droits des moines de
l'abbaye du Bec, en Normandie, devenaient sei-
gneurs séculiers du territoire d'Auteuil. Ils n'y
possédaient, au point de vue religieux qu'un sim-
ple prieuré; mais ils étaient et ils restèrent
jusqu'à la Révolution les maîtres du pays, y exer-
çant sans conteste les droits de haute, de moyenne
et de basse justice. A ce titre, en i247, ils affran-
chirent les serfs, et cette manumission fut confir-
mée par saint Louis, sous la condition que les affran-
chis défendraient les droits et les biens de l'ab-
baye quand ils seraient menacés (1). C'est ainsi
quils se chargèrent d'élever quelques-uns des
enfants d'Auteuil; ainsi qu'ils prirent leur part
des calamités publiques en donnant volontairement,
en 1272, cent livres jiour les frais de la faem
de Philippe le Hardi contre le comte de Foix (2).'
L'histoire de cette première période de la pa-
roisse d'Auteuil est l'histoire de tout le moyen
âge. Le curé est, pour ainsi dire, le mandataire
de ses fidèles; c'est lui qui achète, vend, échange
au nom de la communauté et l'on retrouve le nom
du curé Simon, qui vivait vers i250, dans de
nombreux actes, aujourd'hui déposés aux archives
nationales.
Bientôt, ce sont les guerres continuelles, l'in-
vasion des grandes compagnies et la Jacquerie ;
Auteuil, par sa proximité de Paris, a le triste
honneur d'attirer sur lui les premiers coups (3).
En i358, Charles le Mauvais, roi de Navarre,
dans sa lutte contre le Dauphin (plus tard
Charles V), incendie notre village et tue une partie
de ses habitants (4).
(1) Les serfs d'Auteuil furent, ici, particulière-
ment heureux ; car, suivant un usa^e presque
constant, les serfs devaient verser une certaine
somme pour prix de leur liberlé (V. de Ménor>'al,
H'tsloire de Pari», I, 275). L'historien de l'abbaye
de Saint- Denis, Dom Félibien, gui n'est pos sùs-
ftecU dit (L i43) : • Jamais un seigneur ne donnait
a liberlé à ces jt^ens-là ni ne leur faisait la moin-
dre ^ràce sans la faire bien acheter ; et les exeni-
t)lt>s de ceux qui l'ontfait par motif déchanté sont
>ien rares. »
(2) En i3i3, il y eut « ayde >, payée par les Pa-
risiens, pour la « Chevalerie ■ du llls atné de
Philippe le Bel, celui qui, un an plus tard, fut le
roi LouisX le Hutin. La paroisse de Saint-Jacques-
laBoucherie donna, à cette occasion, 2.7^0 livres
(c'est le maximum) ; puis venaient Sainl-dermain-
l'Auxerrois avec 2.!»! livres et Salnl-Euslache
avec i.5uo. Une quinzaine de paroisses dépassè-
rent le chiffre de 100 livres : seize n'alteig^nirfiil
Cas cette somme. Aulouil, d'après ce critérium et
ien que dans la banlieue, aurait donc été à celle
époque une paroisse d'importance moyenne, mar-
ciiant à côté de Saint-Benoit, de SaintGermain-
le-Viel et de Saint-Josse ; dépassant les Saints-
Innocents, qui n'arrivaient qu à H:i livre«.
(3) En i3/;6, lorsque Edouard HI d'Angleterre
vint établir son quartier ^énérol à Poissy; les
habitants des environs se réfugièrent à I*aris. Du
haut des tours de Notre Dame, on distinguait
pendant la nuit la pince des bour^^s et des
châteaux aux tourbillons de flanmics qui svn
élevaient : Saint-C'iond. Boiilo«{iie. Vauj^irard
(V. (U» Ménorval, Histoire de Paris^ I, '36-a). —
Auteuil fut. (les celle première attaque, incendié.
(4) Les relijîienses (le Longchamp furent, en
cette année i358, tellement menacées et maltrai-
tées qu'elles durent rentrer dans Paris, abandon-
nant leur couvent au pillage et a 1 incendie.
2.>
ueâTouii: dc
;*r ABRO>DI.-4EME?IT
Pm. *frâ le UMe de trrâ^f. ^aami b
(■wn ht ni^MC, le captLuMe u^bÉ» ftokert
hiMibs TÎU rmt^ et Mettre .Utnd à I» et 1
saf . < pMfct les iMi et ««fiM les ««Ir» >.
^ B^e le«fa qae les Aillais, le* Iiii[mh et
ka brigïAds nMafeûeal le psii. Les baktaais
ibaaéoMèreBt b urre et wm (ammt «rwlle ^
bieatAt le coable la ailhe^ de sas jiètie».
Aprâ In Twtoirts de da taoclni. U nltvc et
In i^mhemtats mammemcrrtat ; mm les hei-
giBdi étùeat étiUk dans la l^rit fom jb m de- éUh de
UM Lmô XI, et d (■ r^- cm de :
aifié ^ h dMtfTt MWit i
d à b BnTwMe ; il «
aMi rt fe iav d> b Dêdi
nlta pour Aiieail i
son lerrîlmre.
Boait^m (I) fat d«tacb« de l'^gloi
paroi») 1 le (â).
iiH<|a'i ta KérolDlioD. nn double usage sobsuta
dans les relations des deux communes, comme
poar affirmer l'aDdeiioe prédomioance de la pa-
miue-tnrrt. Toas les mardis de llqars. le curé
d'Aoleuil. ancito (nëlropoIJUio. allait célébrer la
messe à Boulogne ; il j tronTut vingt éms sur
l'antel. De leur c'iié, nos Toisins venaietit eniendre
i Aoieuil b messe de minuit, et on leur préparait
sur la place nue feoillette de TÎn el cent boites de
paille pour éclaira' leur retour.
Eo iSli, Pasxy fol, à son loor, séparé d'Ao-
teail.
Depois le mois de décembre 4666, il y arait
du cAié de la Moctle une chapelle ; mais le décret
Les babitaols de I*assy.
montrés jakiox de leur ai
pas nos marmorer celte intérionté. Ih Great si
bien. Nme Chaha à leur IHt, qa'ils obtiutat
à la fin lear érection eo paroissa détincle. Le
chapitre de Saint-Gcnain-rABxemis et le rare
d' AulFoil avaient résisté le pins loo{temps pos-
sible; ils dorent céder à la fin elle t8maitO>2,
Mgr de Uariay de ChampTalloa, arcbeTèiiae de
Paris, prutoofa la séparation.
Il arait fallu désinléresief Anlenil;la traasac-
tioo fut passée deranl M* tirêsoire, aotaii« nijil,
le i:H mai 167 J. Le corê d'Antenil conserrait, du
reste, le droit eiclasif.qnll eiMtaJnsqa'l la Réro-
lolioD. de rclèbrer. chaque année, t P»ss\. l'office
de l'Annonciation, fêle palrooale de la DOOTetle
paroisse.
I la iiii'Iuirïe Ac Meni--uti'i ,.i«
É Je DiMiloKne i>'np|H:lnîl Pivrr
La Tieilleègtiscd'Anleuil, le monument le plus
ancien de tous les enriroQS da bois de Boulogne,
s'élevait i l'c\tréniité de la rue do rilUge, près
de la Seine, l'ne estampe ooos la montre, an
milieu des tombes, pbntee, devant sa fa(*de, de
quelques oo^ers qoe des enfants do p»yv sont en
train de gauler. l)e nos joan, on t arriTail par
nne place qne deni rangées de fani acacias om-
^^NEXES 23()
brageiicnt no peu. Dans l'axe dn porche, l« mo- Un portail du xi[' siècl« (4) anit éU cacbé
PORTE DENTME
Ech«1[(d*llo:51.pMïlrc
nnnent da chancelier d'Agnesseao rappelait seul
le cimeiière d'autrefois (1).
A droite de l'église et faisant pour ainsi dire
eorpstTec etie te dressait Ispresbytèreeti gauche
l'andenne mtirie (2).
Sur nu fond de rerdure se détachait le chxber
roman, i couronne pyramidale, qui était l'oi^pieil
de notre vieille ^liae (3).
Il) Ce uionument, dont le plan nvait «lé ap-
prouvii par le roi, ïpii donna le marbre (V. Du'
re»Us de Mme d'A|(<i>'»9oau (qiii mourut A Aiileiiil
en ip& et uul demnndu A y Aire inhumée), etceux
du chancelier, mort le g février 1751. rlemnndnnt
lui auKsi A reposer donii noire clmElitre. La oj-
ramide fut ërfK^ en 17^. En lynS, rcs tombes
ouverts. Les ossements, relrouvrs par les soliia
du maire Bonolt. furent reml» dons un cercueil de
bai» sous k monument que k Kourerncmenl con-
sulaire lit rt'parer en l'an IX. l^s dciu Insrrip-
lions de iia3y furent rêtablleH. On y ajouta celle-
ci qui a bien le cachet de son époque : La nature
NK rArt IIUR PR^IH LEH ORAMIM UnHHES A LA TKHBK :
pellatlon de rue <
aujourd'hui par u
âTégliae. Le chen
■ iléiaf,.
tnmpê (l'EIynef Campi); sinHi, dons plusieurs villes,
le Champ de repos ou mt>me simplement le Champ;
■Insl. ABouloKue-sur-ijeine, la place de l'èKlIse
s'appelint. Il y u un siècle, ptscc du l'archnmp ou
(1) En 1877, l'ancien presbytËrc était devenu la
innjw>n dri iianureu où étaient io^és K^alultemunt
quelques indigents ; et la mairie, Ironsférve rue
Boileau jusqucn iHBo. avait été trsnsfuriiiée en
Compiers. Mai», en iBoo. la plare
i grande place d'un véritable vll-
cloche-
. Talr de ta grande plac
13) Lors de la démolition, en 1K77, li
' — s, le baptistère et la slat-* •■- '-
-._lt dans la ta^de. Furent .
propriété Chardon- Lagache.
Hi Le clocher était un p.-u pi"
doute n celle époque it
qui suivit l'an mille et <
Raoul Glaber
2^0 HISTOIBE DU XVl' ARRONDtSSEMEMT
porche d'abord pen élevA, ainsi qu'on pont En 1565, la grosse cloche ftait montée dans
l'esUmpe de 4675, puis par un nrï- le clocher. Elle portait cette inacripiion (4) :
K , ,-- - ,
table biliment qui le masqnait en enlevant ï la < L'as 4565.nonsiusmes faicte par lonales
façade tonte espèce de caractère. tants d'Anteail et fus nommée Marie, alors m
An iv° siècle, i droite de l'entrée, on constmi- {pilliers Pierre Attra; (9) et Estienne de '
sit nne cbapelle seigneuriale qui était, de nos hers. *
jours, dédiée i la Vierge. ]l y aTail là un beau Au xvit* siècle, l'église fut agrandie ; on plafa
litrail d« Beaniais qui représentait une Annon- dans le cbœarqaelques stalles eu bois sculpté d'un
ciatùm, tandis qu't la clé de la voûte étaient
ilplées des armùries qu'entonr '
irlande gothique taillée i jour.
sculptées des armùries qu'entonrait une gracieuse ,,„ . ., , , , .
lirlande gothique taillée à jour. k-I'I^p".™,!!^,;?',',,* ",n;:;m,''Z!n*';il'vi" îf '
Je coupent un rriicilli. uiio vicrtie et
villu de l'aris.Çtlluclucliu n été rlescendi
icce dnna le clocher Je léglise nouvelle
, -.- obre i8«',.
iDliquité pour revêtir une blanche robe d'û(;li- [i] El non Athar, comnie disent cerUilns diKU-
fcHt -. • On eM dit que le monde enlicr, d'un cl placée dnna le clocher do li-glise nouvelle le
accord, evait secoué les haillons de son -' — ■■■'-— -i"'
joli trivail. Les GéDOTé^ios coiivrireiit les mon
de lableaai dool quelçines-nDs, qai nppelaientla
rie de saint Je an -Baptiste, étaient dus aa pioceau
de ces moines artistes ;pea à peu l'église se meu-
bla et s'embellît; deuicbapelles furent construites,
l'une dédiée ï saint Jean-ltaptiste et l'antre à
sainte GeueTière. Cette dernière avait été fondée
en <656 par Nicolas FitloD, bour|eoi9 de Paris,
arec adjoactioa d'un chapelain attitré tenant école
pour les garçons d'Auteuil et de Passv qui, chaque
soir, après ta classe, allaient cbanler i l'église le
salut de ta Sainte Vie^^e.
Pais, ce fut ta création d'une maîtrise dirigée
lEB 2^1
■ consacré Tingt lignes de latin à la mémoire dn
docteur de la Faculté de Montpellier, an mèdecia
ordinaire do régent, etc., etc. Il lui aurait suffi
de dire que Gendron était l'ami des pauvres, qu'il
tes soignait eraluitement et que, sonrent même,
il les aidait de sa bourse ; c'est Hl une tradition
généreuse qui s'est conservée, presque sans inter-
ruption, chez quelques-uns des médecins d'Auteuil.
Dans ce siècle, on bas-relief en marbre blanc
fut mis i l'entrée de la nef pour rappeler la perle
{rèmaiurée et irréparable de Mme Rousseaa-
emaoi, bienfaitrice des pauvres. Ce monument,
le seul qui ait été replacé dans ta nouTell* église.
par un prêtre auxiliaire qui touchait 300 livres
Gr an ; c'était la générosité on peu forcée i
loclle on avait taxé Uaude Chahu et sa femme,
Christine de Heurtes, les deux fondateurs de la
paroisse de Passy.
Auleuil comptait alors environ cinq cents '
Hais les siècles marchent et la mort fait se
Tre. Les murs et le sol de l'église en témoignent.
Dans le chœur, voici la tombe du comte de Sa'
serai, maître de camp de cavalerie, ci-devant gi
dien des gendarmes, écossais, etc., décède le
3U août 166t ; dans ta nef, c'est la pierre d'An-
toine-Nicolas de Nicolai, premier président de la
Chambre des comptes de Paris, mort 6 Auleuil le
13 juin 1731 ; cette longue épitaphe est celle de
Claude Dtshais-Gendron, l'acquéreur de la maison
de Itoileau, l'hdle de Voltaire quand celui-ci viea-
dra en pèlerinage ï la demeure du grand critique.
Lebeau, secrétaire de l'Académie des inscriptions.
est relégué, loin des regards et de ta lumière,
dans une dépendance de la crypte, en face d'une
œuvre admirable du grand Carpeaux, la Mater
Datorosa (1).
Le IBnovembre 1793, lecuré, M.LeVachalde,
fut insulté et outragé en conduisant on enterre-
ment. Le lendemain, l'église fut profanée et pil-
lée ; les tableaux, les ornements, les statues et les
livres, qui composaient la bibliolhèque des OéDO-
véfains, furent Lrùlés sur la place même. De 17^3
1 17U5, le temple catholique devint un club, puis
rliitccliire du monument de Mme Roua-
lUi n'a pas permis île pincer ce Ikniu
is JÏ'IElisn nouvelle ellu-nitme, il im
tl'Aiileiill, qui e'iDtOTea.-<c avec tant de
242
HISTOIRE DU XVl® ARRONDISSEMENT
ube fabrique de salpêtre et enfin un grenier à
fourrage.
Quant aux travaux entrepris depuis le commen-
cement de ce siècle, ils n*ont eu qu*un caractère
d*utilité pratique et ils ont été tellement éphé-
mères qu*il est inutile d*en parler.
fje i"' juillet 4877, la première pierre de la
nouvelle église était posée (1).
On trouva dans les fouilles, jusque sous les fon-
dations de Tancien clocher, des squelettes super-
posés qui prouvaient qu'avant le xi" siècle il y
avait eu déjà un cimetière et par conséquent une
chapelle en cet endroit.
Notre illustre confrère, M. Vaudremer, qui a
construit la nouvelle église, me disait ce matin
qu'il avait songé à conserver hors œuvre notre
vieux clocher. Des différences de niveau et le
mauvais état des constructions Tobligèrent à
renoncer à ce projet ; mais il voulut, du moins,
en garder comme un souvenir, et c'est ainsi que
la nouvelle flèche, dans quelques-uns des détails
de sa partie inférieure, rappelle notre vieille tour
d'autrefois.
Au XVII* siècle, le voisin le plus rapproché de
l'église, c'est Molière. Son passage à Auteuil est
resté légendaire parmi nous.
Quand il mourut, le 17 février 4673, à dix
heures du soir, le curé de Saint- Eustache, sa
paroisse de Paris, refusa à ses restes mortels la
sépulture ecclésiastique. Le 20 février, la veuve
du grand comique adressait une requête inutile à
l'archevêque de Paris. C'est alors qu'accompagnée
du curé d'Auteuil, M. Loyseau, qui comptait
peut-être sur son titre d'aumênier du roi, elle
courut à Versailles se jeter aux pieds de Louis XIV.
Malheureusement, le bon curé saisit l'occasion
pour se justiâer lui-même du soupçon de jansé-
nisme. Le roi le 6t taire, puis il congédia brus-
quement les deux solliciteurs ; il écrivit toutefois
à l'archevêqae, Mgr deUarlay de Champvallon,
pour le prier de trouver un moyen terme. On se
décida à accorder aux restes de Molière un pea
de terre, mais le corps ne put passer par l'église.
Le 24 février, au soir, le cercueil, accompagné de
deux ecclésiastiques, fut porto au cimetière Saint-
Joseph, rue Montmartre, où deux cents personnes
le suivirent, chacun tenant à la main un flam-
beau. 11 n'y eut aucun chant.
(i) Il vient (le paraître une peiile notice fort
inlércssanlt; sur lu nouvelle éj^lise d'Aulcull, sur
la marche des travaux, leur prix, les particula-
ril«*s de la coiislruclion, etc. Bien que cflUî bro-
chure ne porte pas de nom d'auleur, on peut, je
crois, l'allribuer à notre distingué conrrcrc,
M. Barthélémy Rnynaud. C'est ainsi que; celle
solennité du ào octobre 189a aura inspiré deux
études difTérenles sur l'église d'Auteuil. La Con-
sécration d'une église est une cérémonie mys-
tique, fort rare de nos jours, qui rappelle les fêles
aui avaient lieu aux premiers temps de l'Eglise,
ans les catacombes de la Rome ancienne, où
l'on cons «crail pour le sacrillce de la messe les
tombeaux des Martyrs. — A j)ropos de la nouvelle
église d'Auteuil, je signiilerai une modification que
l'on y a fait subir pour la première fois, jr croi'*,
aux ormes de In ville de Paris, en remplfi«;ant les
fleurs de lys par des èloilrs.
Le jour même, un attroupement, animé d'in-
tentions hoitiles, s'était formé sous les fenêtres de
Molière et, pour le dissiper, il fallut jeter à la
foule des pièces de monnaie.
Boileau, dans son épitre à Racine, a rendu
immortelle l'intervention du curé d'Auteuil :
Avant qu'un peu de terre obtenue par orière
Pour jamais sous la tombe eAl enfermé Molière...
Le curé Loyseau, tout janséniste qu'il pouvait
être, n'en était pas moins adoré de la population
et lorsque, en 4698, la Champmesié, qui était
venue prendre l'air à Auteuil, dans la maison
d'un maître à danser, s'y trouva subitement et
gravement malade, ce fut encore lui, bien vieux,
qui l'assista à ses derniers moments. Longtemps,
elle avait refusé sa visite; enfin, elle renonça à la
comédie et se montra très repentante de sa vie
passée. Tous ces détails, Boileau les tenait du curé
d'Auteuil et il les transmettait k Racine qui, tout
entier alors aux doctrines de Port-Royal, ne s'en
montrait pas autrement touché, ni aOecté.
Un autre voisin de l'église, le chancelier d'Agues-
seau, se signalait à peu près à la même époque par
son attitude dans la lutte religieuse qui menaçait
de diviser la France. En 1713, ce fut d'Auteuil
qu'il partit pour aller s'opposer, à Versailles, à
l'enregistrement de la bulle UnigenUus. Mme d'A-
gueàseau lui avait dit: Mon ami, allez: oubliez
devant le roi femme et enfants; perdez tout,
hors l'honneur. » Et comme, en arrivant à la
cour, le nonce Quiriui lui disait: € C'est ainsi
qu'on forge des armes contre Rome. — Non,
Monsieur, répondait d'Aguesseau ; ce ne sont pas
des armes, mais des boucliers. »
C'était l'époque aussi où le P. Bourdaloue venait
souvent à Auteuil, chez Boileau, avec lequel, mal-
gré une vieille amitié, il était souvent en désac-
cord (l).
Dans la seconde moitié du siècle dernier,
l'église d'Auteuil se ressentit de Tinfluence irréli-
gieuse des temps. Sans parler de Louis XV, qui,
enfant, avait assisté plusieurs fuis aux oflBces de
la paroisse et qui, presque vieillard, y était revenu
passer une partie de l'été de 1 764 , un souvenir
plus profane encore se rattache aux mors de la
vieille église : le poète Colardeau, hôte habituel
des demoiselles de Verrières, a raconté quelles
étaient ses distractions quand il les accompagnait
à l'office:
Je sais très à proj^os porter une bougie.
Présenter une main ou bien donner un bras;
J'accompagne à la messe et j'y rime tout bas
Du i^aint du jour le roman ou la vie.
Ces vers, faits à rêglise, existent encore et se
(i) Auteuil parait avoir été un centre janséniste :
Boileau, Hacine, Loyseau, d'Aguesseau. les Gé-
novofains. Mais il râcbèle son jansénisme par
labri quil a offert à loulrs nos gloires lilléraires.
Puisuue nous parlons d'églises, qu'il me soit per-
mis de rappeler qu'à l'entrée delà crvpte de Sainl-
Sernin, iie Toulouse, où reposent de nombreux
marlyrs, on peut lyre :
Snllnst in loto orbe, sanriior hic locus.
En cbangeant un seul mot on aurait la devise
d'Auteuil ;
y allas in lolo orbe lillernrior hic locux.
ANNEXES
-543
troaveot anjourd*hoi dans la collection d*an lettré
délicat (i); ils sont impossibles à reproduire à
cause de leur impiété et de leur crudité.
Il y avait encore autour de Téglise et tout près
les maisons de Legendre, de Destutt de Tracy et,
de nos jours, celle du peintre François Gérard.
Thomas et Ducis demeurèrent dans Tancien pres-
bytère, qui touchait à Téglise et <}ui, vendu en
1793 comme bien national, fut habité depuis par
le colonel Cou telle qui, le premier, en 1794,
s*éleva dans un aérostat militaire aux plaines de
Fleurus.
La nouvelle maison curiale, rétablie en 1876,
fut construite sur l'emplacement ancien des parcs
de MM. de Praslin, Destutt de Tracy et Le-
gendre.
Qnant à Tantiqne château sei^eurial (2), il
servait aux abbés de Sainte-Geneviève de maison
de plaisance et recevait tous les mercredis la visite
des novices qni y venaient en promenade.
Les vignes d*Auteuil, qui avaient alors une
réputation eurofiéenne, appartenaient pour moitié
à la paroisse et pour moitié aux Génovéfains.
Le vin de la paroisse était attribué aux cha-
noines de Notre-Dame de Paris, qni en gratifiaient
leur église afin au*il fût fait, le jour de leur anni-
versaire, après leur mort, un repas à quatre ser-
vices. Celui des Génovéfains était vendu à des
évèques, et, parfois, transporté jusqu'en Dane-
mark.
La fête paroissiale, qui avait lieu le 15 août et
les dimanches suivants, se tenait sur la place de
réglise et k rentrée du bois de Boulogne. C'est
dans cette dernière partie seulement <|u*on dansait
puisqa'autour de l'église s'élevait le cimetière.
J'en aurai fini avec ces usages particuliers quand
j'aurai dit que quelques habitants étaient tenus de
fournir chaque année une certaine quantité de
{vaille pour mettre sons les pieds des femmes, à
'église, à la messe de minuit (1).
Quelques coutumes bizarres ont longtemps sub-
sisté dans l'ancienne paroisse d'Autenil. L'est là
que fut conservé le plus longtemps l'usage de
prendre, sous forme de droit, le chaperon du
marié et le voile de l'épouse.
Tous les ans, le premier vendredi de mai, on
faisait sur le territoire de la commune une pro-
cession pour les biens de la terre, qu'il ne faut pas
confondre avec la procession des Rogations et qui
s'appelait procession des petites bêtes, parce
çiu'cile avait pour but d'obtenir la destruction des
insectes nuisibles à la culture. On se rendait ainsi
jusqu'à la chapelle Sainte-Madeleine, qui remontait
au xiii* siècle (3), etjusqu'à lacroixde fer, qui se
dressait à mi-cdte, à' peu près au croisement actuel
des rues Mozart et Hibéra; cette dernière voie
s'appelait, il y a encore trente ans, rue de la
Croix, et c'est là, d*après une tradition ancienne,
que les Druides avaient placé leurs pierres con-
sacrées (4).
fi) M. Gaston Maugras.
(a) II s'élevait là où est aujourd'hui la maison de
retraite Chardon -Laffache.
(3) Le nécruloge de l'abbaye de Sainte-Gene-
viève, au second jour des Ides de Décembre, dit:
« Obiit Amelina fnmUiaris noslra^ qute dédit nobis
oclo libroH de qutbus consirucla est Capella Alto-
tio. 9
Huit livres! moins de 200 francs. La chapelle
devait être bien petite !
Il y avait aussi dans la rue des Garennes (au-
jourd'hui rue Boileau) une ruelle des Processions,
dont le nom semble indiquer que le cortège sacré
passait par là.
(4) M. de Ménorval. notre savant confrère, dans
le lome I de son Histoire de Paris, p. 16, conslate
qu'à l'époque gauloise nos ancêtres pla<;aienl fré-
quemment auprès des collèges druidiques des pâ-
turantes pour les chevaux. Il cilo. comme exemple,
les prairies de Vaugirard. de Grenelle et de Vau-
vert (depuis, le Pré-aux-Clercs). Or, nous trou-
vons dans les anciennes cartes d'Autcuil que le
bas de la rue Ribéra, vers le 70 actuel de la rue
La Fontaine, est toujours indiqué comme lieu dit :
le pré aux chevaux, ce qui tendrait à prouver
qu'Autcuil était bien habite par les Gaulois cent
ans environ avant notre ère et que le collè«fe dus
Druides qui avait fait de la fort't de Rouvray un
sanctuaire et un lieu de pèlerinage (V. Ménor-
val. I, p. 16 et note) devait avoir à Auteuil des
pierres consacrées.
L'histoire n*a enregistré ^ue quelques-uns des
noms des prêtres qui ont dirigé la paroisse d'Au-
tenil avant la Révolution. En dehors des curés
Simon, Loyseau et Le Vachalde dont j'ai parlé, je
n*ai retrouvé, parmi les inscriptions 'de Tancien
cimetière, que ces noms :
Pierre Carbonnier, curé mort en 1725 ;
Jacques Piqu;:t, curé, mort en 176i;
Jacques Férey, vicaire, mort en 1736 ;
Julien Cabart de Danneville, vicaire, mort
en 1775.
Après 1789, pendant quelque temps, la paroisse
d'Autenil eut à sa tète, comme curé constitution-
nel, l'abbé Lefèvre-Laroche, le commensal de
Mme Helvéttus. L'abbé Laroche, connu sous ce
seul nom dans tous les mémoires du xviii* siècle,
se faisait appeler, lorsc^n'il était notre pasteur,
l'abbé Lefebvre. 11 rendit, pendant la Révolution,
do grands services. Ce fut lui qui, le 13 juillet 1789,
présida à la distribution des poudres saisies an
port Saint-Nicolas et qui, les 5 et 6 octobre, cou-
rut le risque d'être massacré en voulant empêcher
la populace de brûler les papiers de l'Hôtel de
Ville de Paris. En 1791, puis en 1799, il fit partie
de l'administration du département de Paris;
appelé, après le 18 brumaire, au corps légis-
latif, il en sortit en 1803. C'est lui qui, en 1800,
rendit les derniers devoirs à Mme Helvétius.
Parmi ses successeurs, je trouve M. Lacrole,
qui enterra Cabanis (2),etqui mourut après trente
ans d'exercice, victime de son dévouement à ses
paroissiens pendant la cruelle épidémie de 1832 ;
et M. l'abbé Legonidec (18451858), dont les tra-
vaux sont restés chers à tous ceux qui se sont occu-
pés des lettres bretonnes.
Enfin, je ne saurais non plus oublier aujourd'hui
le souvenir de MgrLamazou qui, de 1874 à 1881;
a dirigé la paroisse et qui peut être regardé
comme le véritable fondateur du nouveau temple.
(1) V. un manuscrit du xiii* siècle, sur Auteuil,
h la bibliothèque Sainte-Geneviève. .
(2) Cabanis était mort en Seine-et-Oise ; il fut
ramené à Auteuil, où il y eut une pi"emière céré-
monie avant celle du Panthéon.
244
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSËMENt
L'Eglise catholique a la pieuse cootame d'unir
toas les jours le culte des morts à la prière des
Tirants ; j'ai pensé qu'en lui empruntant cet usage,
il pouvait être intéressant. Messieurs, d'évoquer
devant vous, pendant ({uelques instants, le souve-
nir de cette vieille église qui, à son jour, a vu
s'incliner sous ses voûtes des orateurs illustres
comme Bourdaloue, des magistrats courageux
comme d'Aguesseau et des poètes immortels
comme Boileau, Racine et Molière.
Auteuil, le 20 octobre 189:2.
Antoine Guillois.
LES ABBÉS DE SAINTE-GENEVIÈVE
SEIGNEURS d'AUTEUIL
En donnant, dans le numéro du 30 juin 4893,
des listes chronologiques de dignitaires civils et
ecclésiastiques d'Auteuil, Passy et Chaillot, nous
n'avions pas cru devoir parler des seigneurs d'Au-
teuil, qui depuis 4462 ne furent autres que les
abbés de Samte-Geneviève, pensant que la liste
complète et chronologique de ces abbés devait être
facile à trouver pour qui désirerait la connaître.
(^pendant, Jacques du Breul, dans son livre
du Théâtre des antiquités de Paris, tout en
s'étendant longuement sur l'histoire de l'abbaye
de Sainte-Geneviève, ne donne pas, comme on
disait alors, le Catalogue de ses abbés. L'abbé
Lebœuf, dans son Histoire de la ville et du dio-
cèse de Paris^ se contente d'indiquer, comme
sources à explorer, quelques manuscrits de la
bibliothèque Sainte Geneviève et la Gallia chris-
tiana. Nous avons donc pensé qu'il serait inté-
ressant, sinon très utile, d'établir, d'une façon
simple et claire, cette liste des 63 seigneurs d'Au-
teuu , et pour cela nous avons compulsé les
ouvraees mentionnés par l'abbé Lebœuf et surtout
la Gallia christiana, plus la France pontificale
de Fisquet, qui rectifie et complète la Gallia chris-
tiana.
Voici le résumé de nos recherches, précédé de
craelques détails sur la seigneurie et les seigneurs
a'Auteuil.
En vertu d*un échange qui fut fait, en 4440,
entre les chanoines sécuuers de Sainte-Geneviève
et les religieux de l'abbaye du Bec-Hellouin, près
de Rouen, ces derniers cédèrent aux Génovéfains
tout ce qu'ils possédaient à Auteuil et à Paris, et
reçurent d'eux, en échange, des domaines près
de Vernon, entre autres le bourg de GamiUy.
Quand les chanoines réguliers de l'ordre de Saint-
Augustin, s'établirent à Sainte-Geneviève en 4 448,
un des chanoines séculiers, Simon de Saint-Denis,
jouisisait en prébende de la terre d'Auteuil ; en
4462, sur le point de mourir, il en fit don aux
chanoines réguliers, leur cédant tous ses biens et
particulièrement un grand pré situé à Auteuil,
sur le versant de la ci)te qui descend à la Seine*
C'est là que fut installée l'habitation seigneuriale.
Le territoire de la seigneurie d'Auteuil s accrut en
peu de temps ; il comprenait au commencement
du xviu^ siècle, en dehors de son enclos, du
côté de Saint-Cloud, 22 arpents de vigne pour
la fa<:on desquels les habitants d'Auteuil devaient
des corvées. L'abbave possédait alors des hommes
de corps, des serfs attachés à son domaine, qui
se rachetèrent et furent mis en liberté sous le
règne de Saint-Louis, en 4247.
Depuis 4468, l'abbaye de Sainte-Geneviève eut
la singulière prérogative de ne relever que du
saint-Siège; mais l'abbé était tenu néanmoins, lors
de sa nomination, de prêter serment au roi, pour
le temporel. En 4227, il fut autorisé par le pape,
lui et ses successeurs, à porter les habits ponti-
ficaux, la mitre, la crosse et le grand anneau pas-
toral ; il avait le droit de lancer des monitoires
comme les évéqnes ; et dans les processions de la
châsse de Sainte-Geneviève, pour obtenir beau
temps ou pluie, ou la fin de quelque calamité, il
avait la droite sur l'évèque de Paris et sur son
chapitre et bénissait le peuple comme le prélat. Il
était également autorisé par le saint-siège à con-
naître et juger toutes les causes, tant ecclésias-
tiques que civiles, et constituait alors un ecclésias-
tique pour son vice-gérant. Les actes, citations,
enquêtes, procès, sentences, étaient rédigés par un
greffier également nommé par l'abbé, et, s'il y
avait contestation, on pouvait en appeler trois fois
devant des juges ecclésiastiques choisis par ledit
abbé (4). Faute d'entente, 1 affaire allait, eu der-
nier ressort, en cour de Rome.
Sur ses terres et seigneuries, qui devinrent con-
sidérables, l'abbé avait droit de censive et de
haute, moyenne et basse justice. Une des peines
Principales qu'il pouvait proponcer était celle de
Echelle, On attachait le condamné sur une
échelle, de manière à faire passer ses pieds et ses
mains dans un ais percé de trous. Il y avait aussi
ï Enfouissement : le coupable restait exposé, la
moitié du corps en terre, pendant un temps déter-
miné. Nous voyons même dans un manuscrit, con-
servé à la bibliothèaue Sainte-Geneviève, qu'en
4295 Guérin des Andelys fit enterrer vive la lar-
ronnesse Marie de Romainville sous les fourches
patibulaires d'Auteuil (2) et qu'en 4302, Jean de
Hoissi fit subir la même peine à Amelotte de Chris-
teuil pour avoir volé une cotte et quelques bijoux.
Ces peines barbares.infligées surtout au moyen Age,
le furent encore quelquefois à Tépoque de la Renais-
sance ; mais, depuis lors , les abbés de Sainte-
Geneviève n'usèrent de leur pouvoir qu'avec la
plus grande modération (3).
La maison seigneuriale d'Auteuil, séjour pri-
vilégié des abbés de Sainte-Geneviève, était située
près du côté méridional de l'ancienne église, sur
(i) Les Ronshommes de Pnssy devaient foîrc
jii^er leiirM c«iises par la Chambre apostolique de
Sainte-Geneviève.
(a) Les fourches patibuloires d'Auteuil étaient
situées sur la route de Versailles, probablement
uu rond-point de la barrière actuelle.
(3) Il y avait d'autres coutumes et redevances
assez bizarres que noire collègue, M. Antoine
Guillois , a nientiounées dans son intéressant
arMcle, qui précède, sur la vieille église d'Au-
teuil.
l'empItMineDl acta«I de h rne Wilhem et de l'éu-
blissement Cburdoo-La^ache. Elle fnt agrandie
succeasiTemeot par Philippe Cousin i la fin du
XV* siècle, par Guillaume Le Duc au commen-
cement du ivi°, et au ivi[* par le cardinal de
La Roehefoncauld. Les terrains qui, à l'est,
allaient h peu près jusqu'à la Seine, s'éten-
dirent, i l'onest, jnsqu't la rae Boileiu. Lors de
la suppression des maisons religieuses sous la
RéTolution, les propriétés des GénoTéfains h ka-
teoil, déclarées biens nationaux, furent vendues
37.000 litres. La maison seigneuriale appartint.
a45
LISTE DES ABBÉS DE SAINTE -GENEVIÈVE,
SEIGNEURS D'AUTEIIL
l"EuDF3an Odou. Fat abbé du 24 août 1148
à 11S4 enriron, époque il laquelle il démissionna.
Kodes, l'ami de Gnillaame de Champeaux et
Armes de l'Ahbaye royale de Sa in le- Geneviève.
ions le premier Empire, au minisire de l'Intérieur
Crèlel, puis fnt achetée vers 1813 par le peintre
Franfois Gérard, qui la posséda jusqu'à 1837,
date de sa mort. Sa veuve la conserva et y mourut
le 1*"' décembre iSiS. Après elle, la maison
passa an neveu et seul hériiier de Kranteis Gérard,
]ni la retendit vers 1830 i Mme la comtesse
'Aubusson de la Feuillade, laquelle mourut peu
de temps après, en 1806. Entin, en IS.IS, les
deux allés de Mme d'Aubusson de la Feuillade la
cédèrent i la ville de Paris, désireuse de trans-
férer sur son emplacement l'établissement de
Sainte-Pénne-de'Chaillol, qui allait être démoli.
ranta|;oniste d'Abélard, était prieur de l'abbaye
Saint-Victor, quand il fut choisi pour rèlormer
celle de Sainte-Geneviève, Son œuvre acbevéA, il
retourna ï Saint-Victor, ota 11 monrut en 1173.
Eades ne fut pas seigneur d'Aoteuil, comme oo
le verra plus loio ; nous ne le citons qne pour
compléter la liste des abbés réguUers.
En 1165, il fut ehoisi pour être parrain de
PbilippeTAuKUBle, avec Ernise, abbé de Saint-
Victor, et Hugues, abbé de Saint-Germain -des-
Prés.
S'AuDERTOD ALiiEaT.Dell54i11C3. Hoamt
en 1177.
Fut le premier seigneur. d'Autenil, depuis la
donation de Simon de Saint-Denis, en 116^.
;i> Ue Gar(n. Elu en 1163 pour remplacer An-
berl,fat contraint de démissionner quelques années
après, i la suite de démêlés (cindileiu.
2/i6
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
4« Hugues. Abbé de i\6l on 1468 à 4175
environ, dateoîi il permuta.
5" EriENfiE dit de Tournai, né à Orléans en
4435. Abbé de 4476 environ à 4493. Nommé
éTéque de Toarnai en 4492, ne fut sacré qu^en
4493. Mourot en 4203.
Cet éminent abbé rétablit Tordre dans la com-
munauté et fut choisi, en 4487, par Philippe-
Auguste, pour être parrain de son 61s atné, qui
devint le roi Louis YlII. Il a écrit un certain
nombre d^ouvrages estimés de son temps.
e^ Jean de Tooct. De 4493 jusque vers 4222.
date présumée de sa mort.
7'' Galon. D*avril 4222 à mars 4223, date de
sa mort.
8« F. Herbert. De 4223 à 4240, date de sa mort.
D*aprés le Théâtre des Antiquités de Paris,
de J. du Brenl, et la Callia christiana, Herbert
fat le premier abbé de Sainte-Geneviève autorisé
Sar le pape en 4227 à porter les habits ponti-
caux, la mitre, la crosse et Fannean pastoral.
9* Robert de la Ferté-Milon. De 4240 à 4246
environ.
Ce fut lui ^i fit faire la magnifique châsse de
Sainte-Geneviève, en vermeil doré, pour laquelle
on avait employé 193 marcs d'argent et 8 marcs
d'or.
40* TniBAUD. De juin 4246 environ au 6 dé-
cembre 4265. Mourot à Rome le 9 mai 4266.
D'après l'abbé Lebœuf, en désaccord sur cela
avec J . du Breul et la Gallia christiana, Thihaud
aurait été le premier abbé de Sainte-Geneviève
autorisé à porter les habits pontificaux (?).
44« Eudes II ou Odon. De 4266 au 43 no-
vembre 4275, date de sa mort.
42* Arnoul, de Romainville. Rlu au mois de
novembre 4275, démissionna en 4280 ou 4284.
Mourut le 40 octobre 4286.
43* Guillaume, d'Auxerre. Abbé du 26 mars
4282 au 48 avril 4284, date de si mort.
44* GuÉRiN, des Andelys. De 4284 au com-
mencement de 4296, date od il permuta. Mourut
le 22 février de cette même année.
45» Jean de Vie. De 4296 au 25 août 4298,
date de sa mort.
46* Jean de Roissi (en Parisis). De 4298 i
4307, date de sa mort.
47* Jean, de Saint-Leu-Tavemy. De la fin de
4308 au 47 juillet 4334, date de sa mort.
48* Jean, de Borest près Senlis. De 4334 à
434f , date de sa mort.
49* Robert de la Garenne. Issu d'une famille
noble de Toulouse. Abbé depuis 4344, l'était
encore en 4347.
20* Jean de Virt. Etait abbé en 4349. Mourut
le 26 janvier 4358.
24* Jean Ardenne. Abbé depuis 4358, le fut
jusqu'au 23 mai 4363, date de sa mort.
24 ^ Bernard, de la Rochelle. Fut élu après
la mort de Jean d'Ardenne, mais mourut en 4364,
avant d'avoir été intronisé.
'22* Jean de Bassemain. De 4365 au 27 octobre
. 4388, date de sa mort.
23* Etienne de la Pierre, du Bourbonnais. De
la fin de 4388 à 4405, date de sa mort,
24*' François, de Nyons. De 4406 à la fin de
4444, date de sa mort.
25* Raoul Mareschal, de Franchose en Boar-
bonnais. De la fin de 4444 au 5 août 4426, date
de sa mort. Ce Franchose en Bourbonnais pourrait
bien être Franchesse, dans le département de
l'Allier (?).
26* Robert Micron, de Marisy-Sainte-Gene-
viève, près la Ferté-Uilon. Du 25 novembre 4426
au 44 octobre 4432, date de sa mort.
27*PiERRE Caillou ouCaillon.Do 4432 on 4433
au 27 août 4466,datedesa mort. Devenu infirme,
avait remis ses pouvoirs en 4449 à Jean Bouvier,
mais conserva son titre d*abbé.
28* Jean Bouvier. De 4466 jusque vers 4472,
dato de sa démission. Mourut le 4 7 novembre 4 479.
29* Philippe Langijois, dit VArijglais. Succéda
à Jean Bouvier vers 4472 et démissionna le 23 juil-
let 4488.
30* Philippe Cousin. D'août 4488 à 4547.
Permuta alors pour le prieuré de Saint-Eloide-
Roissi-en-Parisis, dont était supérieur Guillaume
le Duc, qui suit. Mourut le 47 avril 4524.
Philippe Cousin avait a^andi et embelli la
maison seigneuriale d'Auteuil.
34* Guillaume le Duc, dit de Roissi. De 4547,
épooue où il avait permuté avec Philippe Cousin,
à 4534, année ob il donna sa démission. Mourut
le 3 juillet 4 537.
Guillaume le Duc avait continué les agrandisse-
ments de la maison seigneuriale d'Auteuil. En
4520, il avait été nommé évéque inpartibus de
Bellina, dans la Mauritanie Césarienne.
32* Philippe le Bel, de Luzarches. Du com-
mencement de 4534 à la fin de 4557, époque où
il démissionna à cause de ses infirmités. Mourut
le 3 juillet 4558.
33* Fr.-Joseph Foulon, de Paris. De la fin de
4557 à mars 4607. Mourut au mois d'août sui-
vant. S'était adjoint le jeune Benjamin de Brichan-
teau en 4602.
Joseph Foulon avait puissamment contribué dès
4592 à la réduction de Paris en 4594; aussi
Henri IV, reconnaissant, voulut-il Tavoir comme
assistant à son abjuration et à son mariage avec
Marie de Médicis.
34*^ Benjamin de Brichanteau, fils du marquis
de Nangis. Né en 4585. Adjoint à Joseph Foulon
dès 4602, fut élu abbé le 34 mars 4607, c'est-à-
dire à peine âgé de vingt-deux ans. Qoelques
années après devint évéque et duc de Laon, mais
conserva la direction de Sainte-Geneviève jusqu'à
sa mort, arrivée le 43 juillet 4649.
35* et 36* François de la Rochefoucadlt,
d'abord évéque de Clermont et de Senlis, puis
cardinal et grand aumônier de France, fut nommé
exceptionnellement, par le roi, abbé commenda-
taire de Sainte-Geneviève, aprte la mort de
Benjamin de Brichanteau, réforma complètement
l'abbaye, créa la bibliothèque en 4624 (4) et
agrandit la maison seigneuriale d'Auteuil. Il
(i) Une inscription, placée dans le vestibule <le
la nouvelle Bibliothèque Sainte-Genevièvre, rap-
pelle ce fait. Avant 1634, l'abbaye ne possédait
que quelques manuscrits ; en i6do, le cardinal de
la Rocheroucaud fit don de ses livres aux Géno-
vcfains, et. depuis, celle bibliothèque s'est accrue
successivemenl, grâce aux libéralités de généreux
donateurs.
ANNEXE»
247
moanit en 1645. Eo 4634, il s'était adjoint
Charles Faurk avec le titre de supérieur coadju-
taur.et général de toute la conjprégation de France.
Il fat alors décidé qu'à TaTenir les abbés seraient
élus pour trois ans et seraient rcéligibles. Charles
Faure, né à Louvecienoes en 4594, fut réélu en
4637 et exerça jusqu'au mois d'octobre 4040.
SUITE DES ABBÉS TRIENNAUX, RÉÉLIGÏBLES
37^ François Boulard, né à Sentis en 1605.
Abbé du 34 octobre 4640 à la 6n de 4643.
38® Charles Faure. Elu pour la 3* fois à la fin
de 4643, mourut le 4 novembre 4644.
39® François Blanchard, d'Amiens. De la fin
de 4644 à septembre 4650.
40® Antoine Sconir, né à la Ferté-Milon en 4 608.
Abbé du 44 septembre 4650 à septembre 4653.
Fut alors envoyé à Uzés (Gard) comme chanoine
du chapitre de cette ville ; c'est là qu'il enseigna
la théologie à Racine, dont il était l'oncle mater-
nel, en 4664 et 466^. A. Sconin mourut à Uzés
le 40 janvier 4689.
44® François Blanchard, d'Amiens. Abbé de
nouveau, du 42 septembre 4653 au 44 sep-
tembre 4665.
42® François Bouurd. Abbé de nouveau, du
2i septembre 4665 au 9 janvier 1667, date de sa
mort.
43® François Blanchard. Abbé de nouveau, de
septembre 4667 à 4675, date de sa mort.
44® Paul Beurrier, né à Chartres en 1608.
Abbé du 47 septembre 4675 à septembre 4684.
Mourut le 25 Janvier 4688.
45® Erard Floriot, né à HuUiécourt, près Tulle,
en 4622. Abbé du 45 septembre 4684 au 44 jan-
vier 4685, date de sa mort.
46® Antoine Watrée, né en 4641. Abbé de
janvier 4685 au 24 juillet 4688, date de sa
mort.
47® François Morin, de Langeac. Elu le 1 4 sep-
tembre 4688, fut abbé jusqu'à septembre 4694.
Mourut le 46 novembre suivant.
48® Jean de Montenay, né à Caen en 4634.
.Abbé du 20 septembre 4694 à septembre 4697.
49® Jean-Baptiste Chaubert, né à Beaugenc^
en 4643. Abbé du 42 septembre 4697 au § mai
4703, date de sa mort.
50* Jean de Montenay. Abbé de nouveau, du
40 septembre 4703 à septembre 4706. Mourut le
40 juin 4707.
54® Claude Paris, né à Chàlons-sur-Mame en
4636. Abbé du 9 septembre 4706 à septembre
t709.MourutIe 45 juillet 4744.
52® Jean Paulinier, né à Pézenas en 4 6 {6.
Abbé du 42 septembre 4709 à février 4715.
53® Gabriel de Riberoli.es, né à Paris en 16 H.
Abbé du 12 février 1715 à septembre 1721.
54® Jean Paulinier. Abbé de nouveau, de sep-
tembre 1721 an 6 mars 1727.
55® Gabriel de Rirerolles. Abbé de nouveau,
du 11 septembre 1727 à septembre 1733, date
de sa démission. Mourut le 3 novembre suivant.
56* Pierre Sutaine, de Reims. De septembre
1733 à septembre 17:^9.
57® François Patot, d'Angers. De septem-
bre 1739 à septembre 1751.
58® Duchène. De septembre 1751 à septem-
bre 1754.
59® Chaubert. Du 12 septembre 1754 à sep-
tembre 1766. Ce fut lui qui bénit,le 1®'' août 1758,
le terrain oii on allait élever la nouvelle église
Sainte-Geneviève (actuellement le Panthéon).
60® N. Delorme. De septembre 1766 à sep-
tembre 1769.
61® Etienne Viallet. De septembre 1769 à
septembre 1772.
62« Raymond Rivoire. De septembre 4772 à
septembre 1778.
63® André Guillaume de Géry, né à Reims
en 1727. Abbé de septembre 1778 à septembre
1784.
6^® et dernier. Claude Rousselet, né à Troyes
en 1730. Abbé de septembre 1784 à 1790. Vers
1802, Mgr de Belloy, archevêque de Paris, le
nomma chanoine titulaire de Notre-Dame et lui
donna, quelques années après, le titre d'archi-
prélre, garde de la nouvelle église Sainte-Gene-
vicre (le Panthéon). C. Rousselet mourut à Paris
le 17 janvier 1808.
De cette longue suite de seigneurs d'Anteuil. il
ressort que les plus marquants furent, par ordre
de date : Etienne de Tournai, cet éminent abbé
qui devint évéque et eut l'honneur d'être choisi
par Philippe-Auguste p'>ur être parrain de son
fils aloé, le futur roi Louis VIH ; Pierre Caillou,
abbé pendant trente-quatre ans ; Philippe Cousin,
qui régit l'abbaye pendant viugt-neuf ans, agran-
dit et embellit considérablement la maison sei-
gneuriale d'Auteuil ; Guillaume le Duc,qui continua
chez nous Toravre de Ph. Cousin, son prédéces-
seur, et devint évéque in parti bus; Joseph Fou-
lon, qui administra pendant près de cinquante ans
— le plus long règne des seigneurs d'Auteuil —
et devint le protégé de Henri IV, reconnaissant
du service qu'il Iji avait rendu en contribuant
{»uissamment à la soumission de Paris en i 594 ;
e célèbre cardinal François de la Rochefoucauld
et son associé Ch. Faure, qui réorganisèrent com-
plètement l'abbaye après la mauvaise gestion du
trop jeune Benjamin de Brichanteau, coadjutenr
de Joseph Foulon dès l'âge de seize ans, élu abbé
à vingt-deux an» et sacré évéque peu de temps
après ; enfin, Antoine Sconin, qui nous intéresse
à double titre, comme seigneur d'Auteuil et comme
oncle maternel et professeur de théologie de celui
qui devait être notre hôte quelques années plus
tard, l'illustre Racine.
Léopold Mar.
AUTEUIL
liste des curés oui onf administré la paroisse
L'église N.-D. d'Auteuil, érigée en paroisse par
Maurice de Sully, 70'' évéque de Paris, en 1192,
releva de Saint-Germain-l'Auxerrois juFqu'à 1745,
puis de l'archevêché de Paris. (D'après les aima-
248
HISTOIRE DU XVI* ARHONOISSEMENT
nacbs royaux, impériaux et nationaux, et les
renseignements donnés par M. l'abbé Caron, vi-
caire-général de rarchev6ché, à M. Fernand de
rÊfiise, membre de la Société historique d'An-
tenil-Passsy.)
Simon était curé vers 4250.
LoisEAu (François), conseiller et aumônier du
Roi. Curé en 1667, l'était encore en i698.
Carbonnier (Pierre) tut curé jusqu'à 1723.
Mourut en 1725.
Piquet (Jacques-Georges), de 4723 à 1761,
date de sa mort.
Barré (Joseph), de 1761 à 1785.
Vaschalde (Jean-André), de 1785 au 16 no-
vembre 1793. Revint le 18 mai 1795.
Lefebvre-Laroche, sous le seul nom de I^-
febvre, curé constitutionnel, du 16 novembre 1793
au 18 mai 1795.
VvscHALDE (Jean-André), du 18 mai 1795 à
1809.
Lacrôle(E.-G.), de 1809 à 1832, époque oh il
mourut du choléra, victime de son dévouement.
Fut inhumé au cimetière d*Auteuil. .
De Fisicat, de 1832 à 1835.
PuEx, de 1835 à 1845.
Le Gonidec de Kerdaniel (Pierre-Xavier), de
1845 au 14 février 1858, date de sa mort.
EuDns,del858àl867.
Gatbeun, de 1867 à 1870. Devint curé de Saint*
Philippe-du-Roule.
JoiRON, du 13 juin 1870 à mai 1872. Devint
curé de Saint-Ferdinand-des-Temes.
HuGONY,demai 1872 à 1874.
LAMAzou,de 1874 à 1881 .Fit construire Téglise
actuelle. Devint évêque de Limoges. Mort en 1883.
QuiNARD, du 30 juin 1881 au 27 mai 1886,
date de sa mort.
Depontaillier (Uoo), curé depuis le 11 août
1886 (1).
LISTE DES MAIRES QUI ONT ADMINISTRÉ LA COMMUNE
Depuis rétablissement de cette magistrature
(décret de l'Assemblée nationale du 14 décem-
bre 1789), jusqu'à rannexion (d'après les Aima-
nacbs nationaux, impériaux et royaux) (2).
GiLLET (Jean-Claude), de 1790 à 1793.
Benoit (PierreAntoine),de 1793 àl812,d'abord
sous le titre d'agent municipal. Inhumé au cime-
tière d'Auteuil.
La Croisade (de), de 1812 à 1817.
Evrard, de 1817 à 1829.
PiTOLET, de 1829 a 1831.
Brechemin, en 1831 à 1833.
AoviLLAiN (Jean -François), de 1834 à 1838.
Mourut en 1843 et fut inhumé au cimetière d'Au-
teuil.
MoLiN, de 1838 ou 1839 à 1848.
Musard (Philippe), célèbre chef d'orchestre et
compositeur, en 1848-1851. Mourut en 1859 et
fut inhumé au cimetière d'Auteuil.
(i) M. Depontaillier a été reniplucé par M. l'abbé
Beurlier.
(2) Les almanachs éUinl préparés d'avani^o, je
crois que les dates de nomination non préciséus
peuvent être reportées à l'aunée précédente.
Jehénot (Antoine), de 1852 au 1«' janvier 1860,
date de Tannexion. Inhumé au cimetière d*Aa-
teuil.
PASSY
LISTE DES CURÉS QUI ONT ADMINISTRÉ LA PAROISSE
Krigée définitivement en paroisse distincte et
indépendante le 18 mai 1672, cette église fut des-
servie jusqu'à la Révolution par des Barnabites
du prieuré de Saint-Rloi de Paris (sis devant le
Palais de Justice), d'abord au nombre de trois
jusqu'à 1736, puis par quatre, et relevait de
Saint-Germain-i'Auxerrois.
(D'après les archives du chapitre général de
l'ordre des Baraabites, conservées à Rome, et
d'après celles de Téglise de Passy.)
Boucheron (Don Hyacinté-François), né à Mon-
targis. Entra en possession de la cure le 22 juin
1672 et, frappé de paralysie, fut forcé de se
retirer en 1674. Mourut le 22 juin de la même
année et fut inhumé dans le chœur de l'église, au-
dessous de la lampe.
Fauconnier (Don Marcel), né à Paris. Curé de
juin 1674 à 1677. Mourut à la maison de Paris,
au mois d'octobre 1692.
Drspéris (Don Simon), né à Dax. Curé de juil-
let 1677 à juillet 1697. Est appelé Despériers
dans les Acta et Desprières dans le catalogue des
religieux Barnabites. Mourut à Dax, le 24 juil-
let 1709.
Fleuret (Don Alexis), né à Soissons. Curé du
12 juillet 1697 au 13 décembre 1728, époque
où, vu son grand âge, il renonça à la cure. Louis aV
en étant informé, ordonna au cardinal de Fleury,
le 22 décembre suivant, de mander aux Barna-
bites de Paris qu'il lui serait agréable qu'ils voa-
lussent bien nommer Don Duché, attaché à la
paroisse de Passy, et qui venait parfois lui dire la
messe à la chapelle du château de la Muette. —
I)on Fleuret mourut le 9 février 1730, et fut
inhumé au milieu du chœur de l'église.
Duché de la Verrière (Don C^wr- Victor), ci-
dessus mentionné. Curé du 9 janvier 1729 au
6 février 1735, date de sa démission.
Ju (Don Fulgence), né à Paris. Curé du 11 fé-
vrier 1735 à mai 1758, date de sa mort.
Danuichon (Don Louis). Élu curé le 14 juillet
1758, resta onze mois, puis donna sa démission.
Le Brun (Don Alexis), né à Pau. Curé du
9 mai 1759 à septembre 1772, date de sa mort.
NoGuÈRRs (Don Clément), né à Pau. Curé du
29 janvier 1773 à 1791, date de sa mort.
Chauvet (Pierre- Antoine), d'abord en religion
Don Stanislas Chauvet. Né à Soissons. Asser-
menté, remplit les fonctions curiales depuis le
11 décembre 1791, quitta le presbytère sous la
Terreur, du 22 mars 1794 au 11 octobre 1795
et conserva la cure de Passy jusqu'au 8 juin 1827,
date de sa piort. Avait alors 88 ans. Fut inhumé
au cimetière de Passy.
Delaplanciie, de 1827 à octobre 1830.
Gary (C), vicaire desservant, d'octobre 1830
à la Qn de novembre 1835,
Ltft (J.-B.), eoré de Chaillot. administrateur
da 5 décembre 1835 au 25 janvier i836.
JoussEUn (Antoine-Eloi), de Su jaoTier 1S36 i
septembre iHH. Uerint curé de Sainte-Elisa-
beth.
SoLAcaoux (Franfoia), de septembre {843 i
janTier 1816. Deviat curé de Samt-Laorent.
CoRuiËHE (Prosper- Honoré) d'ami 1846 à la
lÎD de décembre 18SJ. Se retira i Aoteail, ob il
monrut le 6 janvier i86!j.
LocATKLu (Hippoly te -Adrien- Simon), de ian-
vkr 18S3aal4 mai 1879, date de sa mort. Fnl
iubunié an cimetière de Passy.
Gi'iRAL (Jean-Marie), du î juillet 1879 k
août 1886, date de sa mort. Fat inbumé au cime-
tière de Paasj.
DouTiiH (Damasej.cnré actael,depais aoAt 1886.
(D'après l'Histoire de la Ville et de ùnit /«
dioeèie de Pans, par l'abbé Lebiruf, d'après des
actes cooserfés ï l'HOlel-Dien de Paris et les
manuscrits des Barnabites possédés par l'église de
PjkiLLAKn (Jeanne de), dame de Passy. Espi-
gDeulQtEspignolel'SUr-Seine. Vivait en 1il6.
Le fief retourna au roi Louis \1, qui, le 2jin-
TÎer 1168, le donna à Jean de la Dnescbe.
Lt DftiEsi:HE (Jean de), président de la Cham-
bre des Comptes. Etait encore seieneur i Passv en
U75.
SviFAMc (Jean), secrétaire du roi, seigneur de
Passy k la lin du iv° siècle.
(ulé dans l'Histoire géTiéalogique, du père
Anselme, dans les Chronùfiiet de Pasty, de Onîl-
lel. mais non par l'abbé Lebœur.)
Petit (Jeaii).
DuiÉs (Pierre), avocat au parlement.
Macbeco (Mathieu), huissier au parlement, vers
1515-1530. Mourut en 1533.
Ceblléii (Jean).
Du V&t (Nicolas), maître des requêtes, seigneur
de Passy en 1558. (Est cittï par Doni Ubineau;
mais le fait n'est pas très certain, dit l'abbé Le-
hœuf,)
Henhi de Sa vncK, conseiller général et surinten-
dant des iinauces du duc d'Anjou. En 15*7^, etc.
.Macheco (Mathieu), chanoine de Paris, murt
en 1592.
ARGEHTiËaE (N... de) seigneur jusqu'à 1658.
CuAHu (Claude), conseiller du roi en ses con-
seils, trésorier général de France et général de
ses finances en la généralité de Paris. Seigneur
de 1658 au 2 janvier 1670, date de sa mort. Sa
veUTe, Christine Chrestienne de Heurles, fonda-
trice de la paroisse de Passy, conserva la sei-
goenrie, quoique retirée à Paris depuis 1673,
(i) Ils eurent lonKlenip» le litre de • aeiRncur»
Sneiiriedê Pussy, du fltf Saini-l'ol, [|iii Hnit aMiié
i>a3sy et <iet-nit »o trouver untrv 1b châlcsu «H-
KDeurinl et Auluuii. Ln riin Pajuu ortuellu (précé-
■lEmment ntc du la Clociôi'u) s'nppclail avant tn
Révulution, rue ou ruelle Suiul-Pol ut devuit y ïod.
mourut en son haiet de la rue Saint-Honoré, prés
des Jacobins, le 19 novembre 168;^, etfut inhumée
dans l'église du couvent des Jacobins.
La Brikfe (Armand de). Seigneur de lliSi à
1700, date de sa mort, La Dame de la Briffe,
femme d'une grande piété, mourut \ son chAtean
de Passy le 38 mai 1686. (Quelques temps après,
M. de La Briffe se remaria. Il était mallre des
requêtes an Paiement de Paris, et devint procu-
reur général. Pierre-Armand de La Bhiffi, soq
fils aîné fut seigneor après lui.
Ohceau, possédait la seigneurie en 1711-1713,
etc.
D'OnsiCHY, acheta la seigncnrie de Passy aux
héritiers d'Orceau.Pl la revendit pre$((ue aussitôt.
Mme Veuve ne FomAinE (née Marie-Armando
Carton), fille aînée du célèbre acteur et auteur
comi(|ue Danconrt (Florent Carton, dit). Acquit
la seigneurie dn sieur d'Orsignr, le 8 juin 1730,
Elle ta possédait encore en juillet 1736. Née vers
1(J85, elle fut actrice pendant quelques années,
dans sa jeunesse, épousa M. de Fontaine, ancien
commiasaire de marine el des galèrrs de France
Armes du Marquis de Roulainvilticrs.
Étoile de même, éltncelante ou revoiiDéu d't
Son père, Bemord do Rieui, avail les mâm
et mourut en révrier 1740, d'un cancer an sein.
La seigneurie passa i Bernard de Hieux, sans que
nous puissions préciser la date, qui se trouve entre
1736 et 1739.
Behnakh m Rir.ui (Gabriel), second fils du
célèbre banquier Samuel Bernard, conseiller au
Parlement de Paris el président de la 2" Chambre
des Enquêtes. Ktaii déjà seigneur en mars 1739
et le fut jusqu'au 13 décembre 1715, date de sa
Une note inscrite au Journal des Baniabites de
Passy dit:« te 29 mars \Ti^. jour de PdiHiet,
Bernard de Hievx. seigneur de Passy. est mire
dans Jiolre église alor.i qu'on chantait lierce ;
notre curéDon h. ià est allé le recevoir avec
t'aspersoir.puis l'a conduit auchamr ii la stalle
des Seigneurs >; cela ressemble fort à une intro-
nisation ou réception de bienvenue,
BouLAinviLLiF.RS (A une -Gabriel- Henri itr.nNARn,
marquis de), fils du précédent. Prévôt de Paris
sous Louis XV et Louis XVI, seigneur depuis la
fin de l'année 174S. Céda vers 1747 son château
à vie (mais non ses droits) au fermier général le
Riche de la Pouplinière. Apm la mort de ce der-
nier (S décembre 1762), il rentra en possesioD de
25o
HISTOIRE DU XVI* ARRON
son chAteaa et, plus tard, le céda de
vie aa doc de Penthièvre. M. de
d'après certains biographes, «mvbC en ijrison en
4793 ott i7d4; d'i^Pèf Vautres, il vivait encore
«■ IWI. ÉMffii loi, le château fut acheté par
JL GabalCastel, ancien notaire de Paris, qui le
revendit en 4826 à des spéculateurs qui le dé-
molirent et créèrent alors le quartier Bîdulainvil-
liers.
LISTE DES MAIRES QUI ONT ADMINISTRÉ LA COMMUNE.
Depuis rétablissement de cette magistrature
(décret de l'Assemblée nationale du 44 décem-
bre 4 789) jusqu à Tannexion (diaprés les aima-
nachs nationaux, impériaux et royaux, Tannuaire
dePassy de Lefeuve, etc.)
Le Yeillard (Louis-Guillaume), ancien direc-
teur et propriétaire des eaux minérales de Passy,
écuyer, doyen des gentilshommes servants du Roi
et ancien syndic municipal. Elu le 4*''' février 1790,
fut guillotiné en 4791.
Le D' Dussault, de 4791 à 4793.
Devèze (Pierre), maître charpentier, de 4793 à
mars 4795.
Dussault, renommé le 4 4 mars 4 795 sous le titre
d'agent municipal, reprit le titre de maire en
4800 et administra jusqu'à janvier 4808.
Amavet (Jean-Blaise), ancien capitaine d'infan-
terie. De janvier 4808 à août 4845. Fut inhumé
au cimetière de Passy.
AuGÂDE Fleur Y (Josué-Alexis), notaire à Passy.
D*août 4845 à août 4830. Fut inhumé au cime-
tiére de Passv
Delessert* (Gabriel), d'août 4830 au 44 fé-
vrier 4834.
Possoz (Jean-Frédéric), d'avril 4834 an 44
mars 4848.
Tard (Amédée), de mars à mai 4848. (Maire
un peu fantaisiste qui se laissait voir, coiffé du
bonnet phrygien et chaussé de gros^abots, garnis
de paille plus ou moins fraîche.)
Dauvergne (François-Fortuné), du 24 mai 4848
à mai 1 4 852. Fut inhumé au cimetière de Passy.
Possoz (Jean -Frédéric), deuxième fois, du
24 juin 4852 au 4<" janvier 4860, date de l'an-
nexion. Fut inhumé au cimetière de Passy.
VACANCE DE SEICNEORIK
CHAILLOT
liste de SEIGNEURS AYANT EXERCÉ LA HAUTE,
MOYENNE ET BASSE JUSTICE.
(D'après l'Histoire de la Ville et de tout le
Diocèse de Paris, par l'abbé Lebœuf.)
Arrode (Jean), seigneur à la fin du xiii*^ siècle.
Arrode (Nicolas), mort en 4346.
Michel (Jacques), écuyer à la fin du xiv' siècle.
Vivait encore en 4400.
Bacheuer (Arnaud), neveu et successeur du
précédent, seigneur jusqu'à 4438.
HoussEL (Henri), avocat au parlement, sei-
gneur depuis 4438, vivait encore en 4445.
Goi DE Lévis, seigneur depuis 4450. Après lui,
le fief revient à Louis XI, qui, en 4474, le donne
à Philippe de (^mmines.
CoMMiNEs (Philippe de), célèbre historien, de
4 474 à 4509, date de sa mort.
Armes de Philippe de Commines.
De gueules au chevron d'or, accompan^né de trois
coquilles d'argent.
TnuMERT (Jean de), était seigneur en 4524.
(jiEssÉ (Simon), général de la Cour des mon-
naies, du 29 décembre 4576 à 1580, date de sa
mort.
Le Tonnelier de BRETEDiL(Jean), tuteur et cura
teur des enfants mineurs de Simon Cressé, et Bar
DON (Mathieu), avocat du parlement, seigneur
du chef de sa femme (seigneurs intérimaires)
Cressé (Philippe), fils de Simon Cressé, en 4583
4588 (4).
Gilles de Frksnoy, seigneur jusqu'à 4594
Griffon (Jean), seigneur depuis 4594.
Mme DR Castille, nlle du président Jearnin
Jusqu'au 42 janvier 4630.
Bassompierre (François de), maréchal de France
Armes du Maréchal de Bassompierre.
D'argent, à trois chevrons de gueules.
seigneur de 4630 au 42 octobre 4646, jour où il
mourut d'une attaque d'apoplexie. Fut inhumé à
Chaillot.
Religieuses de la Visitation Sainte-Marie de
Chaillot (Les) eurent la haute justice depuis le
(i) Notons en passant que a mère de Molière
s'anpelaii Marie Cressé, et son f^and-père mater-
nef Louis Cressé. Descendaient-ils des seigneurs
de Chaillot?
ANNEXES
25 1
iâ mai 1651, pais les jostices sobalternes, d«pim
1686 et 1693; les ont eaes sans doate jusqu'à
la RéTolutioD. Un prévôt, choisi par elles, exer*
çait en leur nom.
MAIRES DU XVI« ARRONDISSEMENT
DEPUIS l'aMNEXIOII DE PASST ET d'aDTEUIL A PARIS.
BoNjrEMAiNS (Henri-Pierre-Edouard, baron de),
de 1860 à septembre 1870.
Henri -MABnN < Bon-Louis), historien, de sep-
tembre 1870 à 1871.
GmoD (GnsUTe), de 1871 à 1879.
He.^ri -Martin (Bon-Louis), deuxième fois, de
1883 au 14 décembre 1883, date de sa mort.
Marmottan (le docteur Henri-Joseph), maire
actuel, succéda à Henri-Martin.
Léopold-Mar.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
SUR LES SEIGNEURIES DE PASSY ET DE CHAILIjOT
Dans la liste ci-dessus donnée des seigneurs
de Passy, nous avions d*abord omis de nommer
M. d'Arsentière, qui fut seigneur jusqu'au 16 fé-
Trier 1658, époque où — malgré son nom, qui
semblait prédestiné — se trouvant dans une situa-
tion des plus obérées, il céda son château et ses
droits seigneuriaux à Claude Chahu, en échange
de S. 900 livres de rente.
En 1684, THétel-Dieu de Paris, qui avait hé-
rité en grande partie des biens de la veuve de Claude
Chahu, revendit la seigneurie à M* Jean Arnauld
de la Briffe, alors maître des requêtes au Parle-
ment de Paris, sur lequel nous arions peu de ren-
seignements. Nous avions dit, sans plus de détails,
3ue sa première femme, dame d'une grande piété,
ont notre église s'était heureusement ressentie,
était morte en son château de Passy, le 28 mai 1 686 .
Nous ignorions alors Qu'elle était Marthe-Apiès
Potier de Norion, fille de Nicolas Potier de Novion,
célèbre premier président au Parlement de Paris
et membre de l'Académie française. Un de ses
frères, André, avait été également président au
Parlement de Paris, et Jacques, un de ses autres
frères, était devenu évèque de Sisteron en 1674,
puis d'Evreux en 1681. On voit qu'elle était bien
apoarentée.
M. J.-A. de la Briffe se remaria quelque temps
après arec Mlle Bonne Barillon d'Amoncoort. Une
lacune existant au journal des Barnabites de Passy,
nous n'arions pu suivre M. de la Briffe au delà de
la fin de 169^ ; mais grâce aux Mémoires de Saint-
Simon, nous savons aujourd'hui que M. delà Briffe,
brillant maître des requêtes, était procureur géné-
ral moins brillant depuis 1694 (1), et qu'il mou-
Ci) Ici, Saint-Simon commet une erreur de date:
dans un acte notarié du 7 février I691 que pos-
sède notre collègue, M. Barre, il esldéjà qualiflé
de procureur général ; il l'était, en elTet, depuis
1689-
ml seigoeur de Passy à la fin de l'année 1700,
après «M lai^e maladie aggravée par le chagrin
et les àèf99ti ^H ^miiéfn^m dans sa eharge,
par le fait da premiei pi émàtÊâ Adâib <it Hariay,
à l'esprit fin, mais des plus morèofli.
En même temps que seigneur de Paasy, M. àb
la Briffe était manpiisde Ferrières (Seine-et-Marne)
et en possédait le château, qui, de nos jours, s'est
beaucoup embelli depuis qu'il appartient aux ba-
rons de Rothschild.
Après la mort de M. de la Briffe, ce fat le fils
atné de son premier mariage, Pierre Arnauld de
la Briffe, également marquis de Ferrières,. né en
juillet 1678, (fxï eut la seigneurie de Passy. Il
épousa Françoise Brnnet de Rancy, devint con-
seiller d'Etat et maître des requêtes, puis intendant
de Bourgogne, Bresse, Bugey et pays de 6ex, et
mourut à oyon, le 7 avriH740(l). Il n'avait pas
conservé longtemps la seigneurie de Passy, car,
d'après un acte notarié de 1711, que nous a gra-
cieusement communiqué notre collègue M. Barre,
nous voyons qu'à cette date c'était Orceau qui en
était titulaire. Cet acte dit que, le 5 février 1711,
Pierre Orceau, écuyer, conseiller, secrétaire dn
Roy, maison, couronne de France, etdeses finances,
seigneur de Passy, vendit à très haute et très puis-
sante dame Olympe de Brouilly de Pienne, é[M>u8e
du duc d'Aumont, pair de France et premier gen-
tilhomme de la chambre du Roy, la partie supé-
rieure d'une maison sise. en face delà propriété de
ladite dame (emplacement delà rue Singer, n* 2),
et qui masquait une partie de la belle vue qu'elle
avait devant elle. Cette maison, dont elle n'achetait
l'étage supérieur que pour le démolir, donnait d'un
côté sur la rue Raynouard, appelée alors ancienne
Grande-Hue ou rue Haute, et, de l'autre, avait
en contre-bas un rez-de-chaussée contenant un des
pressoirs à vin de la seigneurie, qui devait rester
intact, et donnait sur la rue Berton, qu'on nommait
alors ru^ delà Roche.
Cette servitude de non-surélévation existe tou-
jours pour la petite propriété susdite, ce qui a per-
mis aux différents locataires, qui se sont succédé
dans la maison d'angle de la rue Singer, n* 2
(entre autres à la comtesse de Giresse-Labeyrie,
à l'éditeur de livres de luxe J.-G.-D. Armengaud,
et depuis longtemps à M. Marin, l'éminentet sym-
pathique directeur général (2) des chemins de fer de
l'Ouest), de jouir d une vue aussi belle qu'étendue.
Quant au pressoir à vin de la seigneurie, qui
devait rester à per(>étuité dans la petite maison
d'en face, il dut émigrer sous la Révolution, car
depuis on n'en a pas plus entendu parier que des
vignes qui l'alimentaient, et qui se sont contentées
de laisser leur nom à une rue du voisinage.
On se rappelle encore que nous nons sommes
étendu assez longuement sur le séjour oue fit, pen-
dant une quinzaine d'années, M. de la Pouplinière
(1) Nous devons les renseignements qui précè-
dent à l'obligeance de M. le marquis de ba BrifTe,
propriétaire du château de Neuville» près Hou-
dan, et descendant en ligne directe de nos deux
seigneurs de Passv.
(2) C'est M. de Larminat qui est actuellement
directeur de la Compaf?nie de l'Ouest; M. Marin
est ingénieur en chef, conseil de celte Com-
pagnie.
252
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
aa chàteaa seigneurial de Passy, qae lai ayait cédé
•à vie M. de Boulainvilliers, snr les fêtes qu'y donna
ce fermier général, sur Torchestre qu'il v entre-
tenait, sur la généreuse hospitalité qu'il y avait
donnée à Rameau, à Gossec et à Marmontel, et
surtout sur sa célèbre infortune conjugale de 1748,
qui, bien dûment constatée, avait amené une sépa-
ration définitive d*avec sa femme, petite-lille de
l'auteur comique Dancourt. Une malheureuse expé-
rience ne guérit pas toujours les hommes, et notre
fastueux Turcaret, en dépit de sas soixante cinq
ans, et sa première femme étant morte, avait, en
i760, convolé en secondes noces avec une jeune
fille de vingt et un ans, dont nous ignorions le nom.
C'était une demoiselle de Gondran, issue d'une fa-
mille du Languedoc. Elle était jeune, belle et cour-
tisée, et son mari ne fut guère plus heureux avec
elle qu'il ne Tavait été avec sa devancière. Gomme
dit La Fontaine :
Il avait pris sur ses vieux ans
Femme jeune en toute manière,
I! prit aussi soucis cuisants,
Car Tun sans l'autre ne va guère.
M. de la Pouplinière mourut le 5 décembre 4762,
après avoir fait son testament à Passy même, le
i«>' novembre précédent, ne se doutant nullement
qu'il allait laisser sa nouvelle épouse dans une po-
sition des plus intéressantes. Jugez-en ! un mois
seulement après sa mort, sa veuve, plus ou moins
désolée, mit au monde un fils dont on lui disputa
la paternité ; de là, procès retentissant et long,
qui, néanmoins, se termina par la reconnaissance
juridique des droits de l'enfant. C'est alors qu'un
mauvais plaisant proposa pour la tombe de la Pou-
plinière, en faisant allusion à ses prétentions litté-
raires, cette épitaphe que nous croyons devoir trans-
crire de nouveau :
Pour être auteur, ci-glt qui paya bien :
Ces lia coutume.
L'ouvrage seul qui ne lui coûta rien,
C'est son posthume.
Enfin, dans notre article sur Bassompierre, sei-
gneur de Chaillot depuis 4630, nous n'avions pas
suffisamment noté qu'avant lui c'était Mme de Cas-
tille, fille du célèbre président Jeannin, qui détenait
la seigneurie de Chaillot avec les droits de justice
y afférant ; il est probable qu'elle l'avait eue de
son père, qui lui avait donné tous ses biens, à la
condition toutefois que s'il lui venait des enfants
mâles, ils porteraient le nom de Jeannin et non
celui de Castille (1). Ce M. Pierre de Castille, qui
avait adjoint plus ou moins indûment à son nom la
particule de, n'était, dit-on, qu'un ancien marchand
de la rue Saint- Denis, pour lequel son beau-père
avait obtenu différentes missions et même la charge
de contrôleur général des finances.
M. et Mme de Castille habitaient déjà Chaillot
en 1618 ; Héroard, dans son Journal , cite, à la
date du 18 janvier de cette année, une visite que
leur fit le jeane Louis XIII. Peut-être possédaient-
ils déjà la seigneurie, et nous ne serions pas très
étonnés d'apprendre un jour que le président Jean-
(\) Pour tourner la dirficulté, ils prirent le nom
de Jeannin lie Castille.
nin en ait été titulaire avant eux. Ce qui est certain *
c'est qu'il eut une maison importante à Chaillot*
L. Mab.
TEXTE DE
LA CHARTE PRIMORDIALE D'AUTEUIL
DONT L*ORIGIXAL SE TROUVE AUX ARCHIVES D*AUTEUIL
€ An nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il !
€ Que tous présents et à venir sachent quel
« échans^e fut fait et de quelle manière entre les
€ chanoines des saints Ap6tres Pierre et Paul et
€ de sainte Geneviève llUustre vierge, et entre les
€ moines du monastère de Sainte-Marie-dn-Bec.
€ Donc Etienne doyen et toute la réunion des
« chanoines de la susdite église ont concédé an
€ monastère de Sainte-Marie-du-Bec et aux moines
€ qui y servent Dieu tout ce quMls avaient et tout
« ce que d'autres tenaient d'eux, soit comme fief,
€ soit de quelque autre manière, à Vemon-le-
€ Château et au hameau de Gamilly et aussi tout
€ ce qui a pu leur être enlevé auxdits lieux par
€ violence ou par fraude, pour le posséder de droit
« à perpétuité. Semblablement Guillaume abbé et
« toute la congréi^ation du monastère du Bec ont
€ concédé à TégUse de Sainte-Geneviève et aux
« chanoines qui y servent Dieu tout ce qu'ils avaient
« et tout ce que d'autres tenaient d'eux, soit
€ comme fief, soit de quelque autre manière au
< hameau d'Auteuil (apud Altoilum Villam) et
< en la ville de Paris, en serfs et serves, en cens,
€ en vignes et terre arable, avec les droits de
€ justice et toutes les prestations qu*ils y avaient,
« et aussi tout ce qui a pu leur être enlevé auxdits
« lieux par violence ou par fraude pour le possé-
€ der de droit à perpétuité.
€ Les présents ont fait l'objet d'un acte public
€ au chapitre de Sainte-Geneviève Tan mil cent
« neuf de l'Incarnation du Seigneur, le iv des ides
€ de janvier, sous le règne et avec la confirmation
« de Louis roi des Français, l'an deuxième de son
€ règne, et de Henri roi des Anglais et duc des
« Normands, Van dixième de son règne. Présents :
« Etienne, doyen ; Bernard, préchantre; Gislebert,
« trésorier; Clair, prêtre ;Widon, prêtre ;Landric,
€ Ursion, Robert, diacres ; Frédéric, Albert, Henri,
€ sous -diacres; Gérold, Odon, Alberic, novices,
« avec les autres chanoines. Des moines : Boson,
« prêtre ; Baudoin, de Tournai ; Rodulf, cellerier ;
< Richard, sous-diacre. Témoins pour les cha-
€ noines : Henri l'atné ; Baudoin, cellerier, sur-
« nommé Rustique ; Landric, camérier ; Germain,
€ comptable ; Etienne, boulanger ; Belot, fils de
€ Rainard ; Etienne Bidun. Témoins pour les
€ moines : Guillaume, de Malleville ; Guillaume
« de Bec-Richard ; Heldegar de Gournay.
< Ensuite, le xvii des calendes de février de la
« susdite année, les présentes ont été rapportées
t et confirmées daqs le chapitre de Saiqte-Marie*
ANNEXES
253
c dû-Bec. Présents dadit monastère : Gnillaame,
« abbé ; Baidric, prieur ; Roger, préchantre ;
€ Sefred, trésorier ; Rodolf, camérier, aTee les
€ autres moines, et des chanoines : Clair, prêtre ;
« et Gislebert, trésorier. Témoins pour les moines :
« Gansfrid, prêtre ; Hugo, prêtre ; Guillaume, cha-
« pelain ; Robert, mareschal ; Roger, cuisinier ;
« Odon, cuisinier ; Gerulf, forestier ; Guillaume
«de Saint-Sidoine; Aitard, fils de Robert. Pour
< les clercs : Mainard et Belot. »
M. Robert de Lasteyrie, qui a donné le texte
latin de ce document dans le cartulaire général
de Paris, estime, pour divers motifs, que Ton doit
considérer la pièce comme datant plus probable-
ment de janyier iilO (n. st.) que de Tannée ii09.
Nous nous proposons de rechercher si le cartulaire
de Tabbaye du Bec ne fournirait pas d'actes encore
plus anciens se rapportant à Auteuil.
E. Tabariès de Grandsaignes.
PHILIPPE DE COMMINES
ET LE
MARÉCHAL DE BASSOMPIERRE
seigneurs de ghaillot
Dans la liste des seigneurs de Ghaillot, il en
est deux tout à fait remarquables : Philippe de
Commines, le célèbre historien, et le fastueux et ori-
ginal maréchal de Bassompierre. Malheureuse-
ment, on ne trouTe guère de détails sur Philippe
de Commines en tant que seigneur de Chai Ilot ; il
parle peu de lui dans ses Mémoires.
Né en 1445 au château de Commines, à 13 kilo-
mètres de Lille, il fut éleyé à la cour de Phi-
lippe le Bon, duc de Bourgogne, et devint le.com-
Çagnon des plaisirs de Charles le Téméraire. En
472, il quitta le service de la maison de Bour-
gogne pour s'attacher à Louis XI, qui Ten récom-
pensa en le nommant conseiller, chambellan,
prince de Talmont, seigneur d'Argentoo, etc., et
lui donna en 1474 la seigneurie de Ghaillot, qui
devait être alors de bien peu d'importance. Après
la mort de Louis XI en 1483, la récente Anne de
Beaujeu, sachant que Commines avait pris part an
complot des princes, le fit arrêter et empnsonner
pendant trois années, sur lesquelles il passa huit
mois à Loches, enfermé dans une cage de fer.
Charles VIII, malgré les services que lui avait
rendus Commines, se montra peu reconnaissant,
et Louis Xn encore moins; aussi Commines, dé-
laissé, se décida-t-il à occuper ses loisirs forcés
en se faisant Thistorien impartial des faits dont il
avait été témoin, ce qui lui mérita le titre de nou-
veau Tacite. C'est peut-être alors qu'il joignit
cette belle devise à ses armes : Qui non laboret,
non manducei, Philippe de Commines conserva
la seigneurie de Ghaillot jusqu'à sa mort, arrivée
le 16 août 1500, en son château d'Argenton^ Son
corps fut transporté i Paris, dans une chapelle
du couvent des Grands-Augustins, et le monu-
ment sur lequel il était représenté ainsi que sa
femme, Hélène de Ghambes Montsoreau, sauvé
sous la Révolution par Alexandre Lenoir, se voit
actuellement au musée du Louvre.
François de Bassompierre, sur lequel nous som-
mes beaucoup plus renseignés, naquit au château
d'Harouel, en Lorraine, le 12 avril 1579, jour de
Pâques fleuries, arriva à Paris en octobre 1598
et obtint peu de temps après ses entrées à la cour.
Son éducation avait été très soignée, il avait étudié
avec beaucoup de succès la philosophie, le droit,
la médecine et même l'art de la ^erre, malgré
le dire de Tallemant des Beaux, (jui prétend qu't(
la savait comme un homme qui n'en a jamais
ouï parler. Toujours est-il qu'il était brave.
Outre les lanjiues anciennes, Bassompierre savait
au moins trois langues vivantes, le français, l'alle-
mand et l'italien, et devait être bibliophile, car il
s'était fait faire un Ex libris — chose peu com-
mune alors — dont on conserve un exemplaire
an cabinet des Estampes de la Bibliothèque Natio-
nale. Ajoutez à ces qualités qu'il était beau de
visage et de prestance, très libéral, même envers
ses gens, fort galant avec les dames, qui l'en
récompensaient ; enfin, type parfait du gentil-
homme d'alors ; il fut un des seigneurs les plus
brillants de la cour de Henri IV et de Louis XIII
et l'homme de son temps qui eut le plus de bril-
lant et de vivacité dans l'esprit. Sa réputation
était telle qu'on avait fini par appeler partout des
Bassompierre les gens de bonne mine et de bonne
tenue.
Bon chien chasse de race; aussi Tallemant des
Réaux dit-il de lui : « // avait de qui tenir pour
aimer les femmes et dire de bons mots, car son
père s'en mêlait. » Parmi les trop nombreuses
aventures galantes qu'on lui attribue, nous n'en
retiendrons qu'une, qui lui suscita bien des désa-
ffréments : ce fut sa liaison, dès 1608» avec
Marie-Charlotte de Balzac d'Entragues, sœur de
la marquise de Vemeuil. Un fils naquit de cette
union le 17 août 1610. Quelques années après,
Bassompierre eut un instant la velléité cie se
rendre aux sollicitations de M^^" d'Entragues, qui
voulait l'amener à l'épouser ; un premier ban fut
publié le 3 avril 1615 à l'église Saint-Paul, et le
Ti mai suivant, leur fils, Louis de Bassompierre,
âgé de cinq ans (1), fut baptisé dans la même
église et inscrit en tontes lettres sur les registres
de cette paroisse, fils de Messire François de
Bassompierre, etc., présent ; et de dame
Marte-Charlotte de Balsac (sic) sa femme. —
Que se passa- t-il depuis ? On l'ignore. Bassom-
pierre craignit-il d'aliéner sa liberté ? C'est pro-
bable; aussi rétracta- t-il son commencement
d'engagement ; de là procès sur procès qui durèrent
huit ans. Cité devant l'official de Paris, il fut
condamné à épouser M"® d'Entragues, mais ne se
soumit pas.La cause fut alors renvoyée au Parle-
(i) Louis de Bassompierre entra dans les ordres,
devint évoque de Saintes le C décembre 16^8, puis
aumônier de Pliilippe d'Orléans, frère de
Louis XIV, et mourut dans son diocèse le i" juil-
let 1O76. La Gnllia chriatiana en fait un grand
éloge.
254
: XVI" ARRON DISSE»! E^T
ment de Rooea. Peu sûr du succès et pour solli-
citer ses juges, Bissompietre s'y fit suirre de
deax cents de ses amis imi raccompagnèrent chez
tons tes conseillers du Parlement, co qui amena
des rixes dans les rues avec les partisans de
M"° d'Eolragues. KoRd les juges, effrayés el
circoDvenns par les intrigues de la reine mère
(Marie de Medicis). qni avait pris parti pour Bas-
sompierre, donnèrent gain de cause i ce dernier ;
mais, malgré cet arrêt, M"' d'Ëntra^ues persista
jusqu'ï sa mort à porter le nom de U"' la maré-
chale de Bassom pierre. < raime autant, puis-
motfon dite Beavregard, ttte à Chaillot, joi-
finant le cloi de» Uinime* de Nweon, plut,
la Haute Justice, apparlenaneei et dépendances
d'icelle et autres droits de juridiction, avec
tout les meubles qui sont dans ladite maison,
moyennant la somme de 80.495 livres ISliott.
Bassomperre paya comptant 53, 375livres15 sais
et. pour les 37.650 livres restant, constitaa à
Qiarlolte Jeannin 4.696 livres 17 sob 6 deniers
Ifuaud Anne d'Autriche apprit celte icqaisition,
elle lai dit : « Hé ! pourquoi avei-votis acheté
Bas^onipier
qu'elle veut prendre un nom de guerre, disait
ironiquement ttassom pierre, qu'elle prenne celui-
tii qu'un autre. »
Bassompierre se distingua dans la plupart des
guerres que Henri IV et Louis XUI eurent isoule-
nir. fut nommé colonel des Suisses et de 503
rettres en 16U et maréchal de France en i6ii.
Depuis, il Tut enrové en ambassade extraordinaire-
en l'^pagne en 1624. en Suisse en 4625 et en
Angleterre en 4626.
Nous voilà enfin arrivés au mois de janvier de
l'année 163U, époque Dix il devint seigneur de
Chaillot. par l'achat dn chAteau. luI se trouvait à
peu près situé k la hauteur de la salle des letes
du palais actuel du Trocadéro el avait été cons-
truit par Catherine de Médicis. puis avait passé.
dit-on, i la maison de (Irammont et appartenait
alors à la lîlle du président Jeannin. Le contrat
de vente el d'achat fut signé le 42 janvier entre
dame Charlotte Jeannin (M™* de Casiilte) cl le
maréchal de Bassompierre ; il porte : Une grande
celte maison ? C'est un vide-bouteille. — Madame,
dit-il. je suis Allemand. — Mais ce n'est pas être
i la campagne, c'est le faubourg de Paris. —
Madame, j'aime tant Paris, que je n'en vaudrais
jamais sortir. — Hais cela n'est bon qu'A y mener
des g... — Madame, j'y en mèuerai. >> bt il tint
A peine devenu seigneur de Chaillot, il fut
envoyé de nouveau en ambassade extraordinaire
en Suisse, avec une provision du roi de 340.000
livres; il s'y montra tout 1 fait gentilhomme bon
enfant. Il avoue naïvement dans ses Uéinoires
qu'il se rendit plusieurs fols malade par suite de
dëbauclies ; mais une saignée, suivie d'une bonne
pnrgalion. le remettait sur pieds. Le jour de son
audience de congé, les députés des tieiiecanlons
lui offrirent un festin d'adieu, puis lui firent la
conduite. Au moment du départ, Bassompierre
leur propose galmeni do boire le vin do c«up de
l'élrier. Ils envoient chercher leurs grands verres :
« yoit, non. dit ooire ambassadeur, le vin de
ANNEXES
255
Vétrier doit te boire dan» une botte, » Et il se
fait retirer une des siennes qn^on remplit de Tin,
il y boit treize bonnes gorgées à la prospérité des
treize cantons, pais la passe tour à tour aux treize
dépotés, qui la rident entièrement. Tootes les
excentricités auxquelles s'était livré Bassompierre
pendant ses quatre mois d'ambassade, et surtout
la manière originale dont il avait fait ses adieux,
excitèrent tellement lenthousiasme des Suisses,
qu'un monument populaire en consacra longtemps
le souvenir : c'était l'enseigne d'un bottier, que
l'on voyait encore à Berne au siècle dernier, et
qui portait une immense botte à la Louis XIll
avec cette inscription : A la botte de Bassom"
pierre.
De retour à Chaillot, Bassompierre fit faire à sa
maison des embellissements considérables et la
décora de peintures tant soit oeu lé|;ères. Onand,
en 1652, les religieuses de la Visitation en prirent
possession, ces peintures existaient encore; mais
l'innocence et la modestie de ces pieuses filles les
empêchèrent d'y voir ce qu'elles avaient de répré-
hensible, et ce ne fut que plus tard qu'on se
décida à les couvrir ou à les effacer.
Ce fut probablement au moment de l'acquisition
de son château et de sa seigneurie de Chaillot,
que, pour en rendre l'accès plus facile et plus
agréable, Bassompierre fit construire i ses trais
un parapet en pierres do taille tout au long du
Coors-la-Reine, pour le préserver des crues de
la Seine, ainsi qu'un pont de pierre sur le fossé
de la ville.
Le i5 novembre 1630, Bassompierre pendit
dignement la crémaillère dans sa nouvelle demeure,
en compagnie de son beau-frère, le brave maré-
chal d'Ëpinay de Saint-Luc, et du maréchal
Charles de Créqui, duc de Lesdiffuières, accom-
pagné de son fils aîné François de Créqui, comte
de Sault. On aurait pu appeler ce dîner, le dîner
des maréchaux présents et futurs, car le
comte de Sault devint lui-même maréchal de
France en 1668.
Bassompierre ne faisait pas assez fi de la bonne
chère, aussi à cette époque était-il devenu déjà
quelque peu obèse. M. de La Rochefoucauld, le
rencontrant un jour,daas un certain état d'ébriété,
lui dit : < Vous voilà gros, gras, gris, — Lt
vouSj lui répondit-il, vous voilà teint, peint,
feint, » La Rochefoucaud avait peint sa oarbe.
Ce pauvre maréchal de Bassompierre n'était
guère installé à Chaillot aue depuis un an, quand,
le âS février 4634 , le cardinal de Richelieu, auquel
il portait ombrage, le fit arrêter et conduire à la
Bastille (4). A la nouvelle de son arrestation, la
princesse de Conti, Louise-Marguerite de Lorraine,
avec laquelle on prétendait qu'il était marié se-
crètement (2), mourut de saisissement et de dou-
leur, et un journal de la cour affirme que Bas-
sompierre fut fort regretté dans Paris, à cause
de la candeur de son bon naturel. C'est à sa
longue détention que nous devons ses mémoires,
dans lesquels il nous apprend qu'avant son entrée
(i) 11 avait alors i.6o(>.u)o frnn<*s de ilettes.
(2) Bassompierre avait un tils <le Marguerite ^e
Lorroîne, veuve du prince de Conli, et qui mou-
rut peu de temps après lui.
dans la forteresse, il avait brûlé 6.000 lettres
d'amour, pour ne pas compromettre les femmes
3 ni les lui avaient écrites. Pour occuper les loisirs
e sa captivité, non seulement il écnvait, mais il
lisait beaucoup. Un jour MalleviUe, son secré-
taire (4), étonné, le surprend lisant l'Ecriture
Sainte : « Que clierchexr-vous donc dans ce
Hure, monseigneur ? » Et Bassompierre regardant
la porte : « Je cherche, dit-il, un passage,., que
je voudrais bien trouver, » Plusieurs fois pen-
dant sa détention, Bassompierre, un peu malgré
lui sans doute, consentit i prêter son château de
Chaillot à Richelieu, qui n en fut guère recon-
naissant, car notre malheureux prisonnier ne
{>artit de la Bastille que le 49 janvier 4643, après
a mort du cardinal.
Enfin dans l'arrière-saison
La fortune d'Armand (-j) s'accorde avec la mienne,
France ! je sors de ma prison
Quand son Ame sort de ta sienne.
Tel est le quatrain que Pierre Maynard met
dans la bouche de Bassompierre délivré, et dont
le troisième vers contient l'anagramme de son
nom, à une lettre près.
Une des premières visites de Bassompierre fut
pour Louis aUI, qui, le trouvant vieilli, lui demanda
son âge. € Cinquante ans, sire. — Comment, cin-
quante ans ! — Oui, sire, je retianche les douze
années passées à U Bastille, puisque je ne les ai
pas employées au service de Votre Majesté. » Ces
douze années d'inaction avaient considérablement
augmenté son embonpoint, si bien que, lorsqu'il
reparut à la cour d'Anne d'Autriche, la reine lui
dit en plaisantant : < Maréchal, ouand donc
accoucherez-votts ? — Madame, réponoit-il, quand
j'aurai trouvé une sage... femme. » Elle lui pro-
posa d'être gouverneur du jeune Louis XlY ; il
déclina cet honneur, s'en excusant sur son âge,
mais reprit sa charge de colonel des Suisses et
sut bientôt rétablir ses affaires, qui avaient été
un moment en fort mauvais état.
Il avait alors soixante-quatre ans, était encore
agréable et de bonne mine, et, comme on vient
de' le voir, toujours lanceur de pointes et de quo-
libets. Malgré son obésité, sa santé était excel-
lente, mais il ne la ménageait pas assez, aimait
trop le bien vivre et le bon vin, même le clairet
de sa seigneurie de Chaillot, alors assez estimé.
Les melons et les pêches pavies étaient son régal
favori ; il en abusait.
Uuand Marie-Louise de Gonzague, fille du duc
de Nevers, épousa, en 4646, Ladislas IV, roi de
Pologne, celui-ci envoya en ambassade, pour la
célébration du mariage par procuration, un cer-
tain nombre de seigneurs polonais. Ces riches per-
sonnages, logés au Palais-Royal, mangeaient le
plus gloutonnement et le plus malproprement du
monde, ce qui excitait fort te curiosité des Pari-
siens ; ajoutez à cela que plusieurs d'entre eux
eurent la malencontieuse idée de s'affubler à la
française et de se couvrir de perruques qui ache-
vaient de les rendre grotesques. I^ur originalité
(i) Claude de Mallcville devint un des quarante
do l'Académie rrnii(;aise.
(2) Prénom du cardinal de Richelieu.
256
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
plat natoreOement à Rassompierre, qoi tint à les
recevoir et à les traiter en grand seigneur dans son
château deCbaiUot. € Le régal fut fort honnête,
rien ne mawiuait au festin, on y bot même
pins que de raison : egregie », dit Tallemant des
Réaox.
Cette réception à Chaillot dat être une des der-
nières. Bassompierre étant allé voir le maréchal
de Vitry, son ancien compagnon de détention, à
son châteao de Goubert, près de Proyins, v fat
frappé pendant son sommeil d'ane attaqae d apo-
plexie, le 42 novembre 1646 (i). Sa mort avait
été si donce, qa*on le trouva le matin dans la
posture où il avait Thabitude de dormir, une main
sous le chevet de son lit à Tendroit de sa tète, et
les genoux légèrement relevés. Son corps gros et
gras, ballotté par les ornières de la route, fut
ramené en assez mauvais état à Chaillot, où, sui-
vant son désir, il fut inhumé.
Il y avait alors à Chaillot, et depuis fort long-
temps, une chapelle êcigneuriale, qui fut agrandie
et érigée en paroisse sous le vocable de Saint-
Pierre, en i659, quand cette commune devint
faubourg de Paris (2) ; ce fut probablement dans
cette chapelle ou dans son caveau que fut inhumé
Bassompierre.
Au résumé, sous un tel seigneur, fastueux mais
généreux, juste et bon pour les humbles, et de
plus gai et bon enfant, ce qui ne gâte rien, les
habitants de Chaillot ne dorent pas être trop mal-
heureux ni subir bien rigoureusement les droits
de haute, moyenne et base justice dévolus à un tel
seigneur et maître, qui certainement n'en abusa
pas et dut être fort regretté de ses administrés.
Léopold Mar.
PARIS DEPUIS SES ORIGINES
JUSQUE NOS JOUBS
Notre savant collègue M. E. de Ménorval vient
de donner au public le troisième volume de son
Hisloire monumentale de Paris depuis ses ori-
gines jusqu'à nos jours,
' J*ai déjà eu Thonneur d'entretenir la Société
des deux premiers tomes de cette publication.
En avançant, à la suite de M. de Ménorval, dans
cette étude historique, Tintérèt, loin de diminuer,
s'accroît, s'il est possible, de toute la curiosité
qu'éveillent des événements plus modernes et dont
nous saisissons mieux les ramifications avec l'his-
toire que nous vivons nous-mêmes aujourd'hui.
Ce volume commence à l'avènement de Henri IV
et va jusqu'à la mort de Louis XIV, en 17i5.C'est
une des périodes les plus glorieuses de notre his-
toire : celle où la monarchie atteignit son apogée,
où la France devint vraiment la grande nation ;
celle aussi où Paris, s'embellissant de monuments
(i) Son pÎTC éUtit mort ^U' In niomc façon.
(:!j L'éLMise Sainl-Pîcfro-de-Clialllot a t^uhi bien
«IcM niooificalions, mais n'a pa» changé de place.
grandioses, s'est enrichi de ces cheCs-d'œovre qui
font encore l'admiration de tons les artistes.
Siècle illustre entre tons, où les hommes d'Etat
s'appelaient Sully, Richelieu, Mazarin, Colbert
et Lonvois ; où deux grands rois, Henri IV et
Louis XIV, malgré leurs fautes et leurscriiiies,hono-
raient les fleurs de lys de France ; on lespoètesse nom-
maient Corneille, Racine, Molière ; où la chaire des
Eglises résonnaitdes tccentsdes Bourdalone et des
Bossuet ; où les arts comptaient une pléiade incom-
parable de peintres et de sculpteurs nés sur le sol
de la France !
Mais, dans l'histoire des peuples comme dans
la vie des individus, les jours heoreux sont pré-
cédés et suivis de deuils et de misères. Après les
gloires du içrand siècle, voici les morts répétées
dans la famille royale, les défaites, les raines, la
famine.
Avant les années heureuses du règne de Henri IV,
il y avait en ces longs mois où le roi légitime avait
été obligé de conquérir son royaume sur ces ligueurs
trop souvent unis à l'étranger.
A tous ces moments de la vie nationale» Paris a
la part prépondérante qu'il a toujours eue dans
notre histoire. H faut lire, dans l'ouvrage de M. do
Ménorval, cette relation du siège de Paris en
4590 (i)où, leroi étant à Chaillot, nous voyons se
dérouler devant nous un spectacle que nos yeux,
hélas ! ont pu comtempler il n'y a pas trente ans.
Déjà, on mangeait les chevaux, les chiens, les
rats ; une boullie épaisse remplaçait le pain. Les
viellards comme les enfants à la mamelle mouraient
d'inanition. On formait les projets les plus extra-
vagants ; et, quand on vit que la cité allait se
rendre, il y eut, à cette date aussi, des Français
qai proposèrent de brûler l'Hôtel de Ville et le Par-
lement !
Si j'ai insisté sur cette partie du livre de M. de
Ménorval, c'est que, pour notre génération, die
est presque encore d'actualité ; c est aussi parce
qu'elle montre bien ce que furent des Parisiens à
toutes les époques de leur histoire.
Tout le reste n'est pas moins attachant: entrées
solennelles des rois, fêtes populaires, mœurs et
usages de la bourgeoisie et du clergé, intérieurs
des grands seigneurs, toute la vie de la Cité pen-
dant près de cent cinquante ans se déroule ainsi
devant nous dans un décor mouvant et curieux.
Aussi, ce gros volume, qu'on ouvrirait avec
crainte, si l'on n'avait rexpérience de ses atnés,se
ferme-t-il en laissant le regret qu'il soit si tôt
fini.
Antoine Guillois.
Voici maintenant, textuellement reproduits et
parfois légèrement rectifiés dans des notes, les
passages de Paris depuis ses onçines jusqu'à nos
jours (t. III) qui intéressentl'histoirede nos quar-
tiers :
(i, A oc propos, il réfute cette léjrende d'Hen-
ri IV, faisant posser de la nourriture aux Pflri-
siens. La vérité est que les oniciers et les soldat»
de l'armée ro^'ale trouvaient ainsi un moyen de
se procuHîr larjrent qu'ils ne recevaient pas du
roi, dont les caisses étaient vi<lcs.
<Jue d'erreurs sont ainsi relevées et détruites A
chaque paj^e de ce volume î
ANNEXES
•257
P. 7 et 8. — Le U août 1588, poar fêter
di^ement l'anniversaire de la Saint-Barthélémy,
hait ligueurs et ligueuses s'embarquèrent sur la
galliote, à Passy ; on les vit débarquer au bas de
Saint-Cloud, gravir la cOteet, arrivésdevantréglise,
s'étendre à terre afin de racler le sol de leur
langue sur le lieu du supplice et de rapporter avec
eux quelques parcelles des cendresdusaintmartyr.
A leur retour, la Seine,subitement agitée, se sou-
leva, engloutit la barque, « et tous furent noyés
près du couvent des Bonshommes », sans que les
reliques Qu'ils rapportaient de leur saint aient eu
la vertu de sauver un seul d'eux du naufrage.
P. 279 et note. — Le village de Chaillot, favo-
risé par la présence de la reined'Angleterre,Uen-
riette, qui y avait fondé en 1651 un couvent de
filles de la Visitation^ dans l'ancienne maison
de Bassompierre, fut érigé en faubourg par arrêt
du Conseil deiuiliet 1659.
Note. — Cnailiot fut érigé en faubourg sous le
nom de faubourg de la Conférence, dans le but
d'augmenter ses revenus par le changement des
tailles en droits d'entrée. Lesouvriers et marchands
de Chaillot furent déclarés exempts des lettres de
maîtrise malgré les poursuitesqu' avaient voulu exer-
cer contre eux les gardes-jurés des communauté."
d'arts et métiers de Paris. L'église date du
xii^iécle,mai8elleaété complètement reconstruite
an xvii^, puis au xvm*. Sur le maltre-autel, on
voyait un saint Pierre délivré de ses liens par
un anqe.
P. 284 et note. — Abbaye de Sainte-Gene-
viève, rue de Chaillot. Les cnanoinesses de Sainte-
Geneviève, établies à Nanterre, furent tranférées
à Chaillot en 1659. Elles appartenaient à l'ordre
de Saint- Augustin.
Note. — Cette abbaye de la rue de Chaillot
est très connue sous le nom de Sainte- Périne,
qu'elle doit à des religieuses de la Villette qui y
vinrent en 1746. Supprimée en 1792,elle devint,
en 1800 (1), une maison de sauté payante pour
les deux sexes. Atteinte par les percements de
voies nouvelles, elle a été transférée, en 1865 (2),
rue Mirabeau (3), à Auteuil.
P. 285 et note. — 11 y avait au basde Chaillot,
au lieu dit la Savonnerie, un petit hospice d'en-
fants construit par Marie de Medicis ; la chapelle
était sous le vocable de Saint-Nicolas. Le nom de
la Savonnerie est resté célèbre par la manufacture
de tapis de Perse que Henri IV établit en cet en-
droit. Elle fut réunie aux Gobelinsen 1828. La
Manutention militaire occupe aujourd'hui l'em-
placement de la Savonnerie.
P. 308 et 309. — Au mois d'août 1651, le
sieur de Monbrun-Souscarrière fit voir au roi
et à son frère, < en la rivière de Seine, au-dessous
de Nigeon et Chaillot, une espèce de ballet de
tritons et sirènes par des hommes ayant tout
(i) En 1800, sous l'influence «le Joséphine Bona-
parte. I*arrai len premiers souscripleurs flgureiil
• le Premier Consul » al m Madame lionaparlea.
Nous sommeâ donc avant l'Empire.
(2^ La date de 18G0 est inscrite au fronton du
bâtiment principal.
(3) L'entrée principale est rue Chardon-Laj^a-
rhe, n* 11 : cette voie, en 1860, s'appelait rue de la
Municipalité.
le bas du corps dans des figures de queues de poisson
soutenues par des vessies, en sorte que ces per-
sonnages ne montrent que leur haut, qui est de
figure humaine. »
Un spectacle plus curîeux avait intéressé « force
gens de la Cour », le lundi 15 mai (1651) : une
course entre le prince d'Harcourt et le duc de
Joyeuse, € sur chevaux nourris depuis trois semai-
nes au village de Boulogne ainsi que l'on nourrit les
chevaux de course en Angleterre, de pain fait
avec anis et faverolles et, les deux derniers
jours, de deux ou trois cents œufs frais. Ils menè-
rent leur course de la barrière de la Meute on
Muette y sur le chemin de Saint-Cloud, en reve-
nant par le ch&teau de Madrid. Le prince d'Har-
court, vêtu d'un habit fait exprès et très étroit,
un bonnet en tète juste et ses cheveux dedans,
ayant trois livres de p'omb en sa poche pour peser
autant que le maître d'Académie, le Plessts du
Yernet, qui courait en place du duc de Joyeuse.
Au tournant de Madrid, le Plessis prit le devant
et, arrivant cent pas avant l'autre à la barrière
de la Meute, gagna le prix ».
P. 479. — (Lors ae la seconde dispersion de
Port-Royal, en août 1664, une religieuse jansé-
niste fut envoyée à (Caillot.) La supérieure de
Chaillot. la mère de La Fayette, combla d'égards
celle qu'on lui imposa.
P. 502, note 3. — L'historien Mézeray avait
une maison de campagne à Chaillot.
P. 550, note. — Molière était à sa maison
d'Auteuil, le W juillet 1672, lorsqu'il signa le
bail de la maison de la rue de Hichelieu, oti il
devait mourir six mois plus tard.
P. 5i9, note. — Marie deChampmeslé mourut
le 15 mai 1698, à Auteuil, dans le voisinage de
Boileau, et fut inhumée le 17 mai à Saint-Sulpice.
De plus, je dois signaler, dans le plan joint à
l'ouvrage de M. de Ménorval, quelques erreurs de
position, relatives : 1° à la Savonnerie, qui était à
Sauche du ruisseau (qui se jetait près du pont
e l'Aima actuel), et non à droite; S"» aux Filles
Sainte-Marie et aux Bonshommes, qui étaient aux
pieds de Chaillot et de Passv, et non aux pieds
d'Auteuil ; et 3<> enfin, à l'église N.-I). d'Auteml
(n° 15 du plan), qui était beaucoup plus rappro-
chée de la rivière que le plan nel indique.
Mais ce sont là des erreurs tout à fait insi-
gnifiantes, et je m'excuse de terminer ainsi par
une critique, quel(|ue minime qu'elle soit, l'ana-
Ivse d'un livre qui procurera à ses lecteurs tant
de moments précieux et charmants.
Antoine Guillois.
SOUVENIRS ANGLAIS
SUR CBAILLOT ET LE BOIS DE BOULOC.NE
LBS BONNES HOMMES
LA FAMILLE DES STUARTS
Joho Evelyn, Esq., auteur de plusieurs ou-
vrages sur des sujets variés : La Navigation et
»7
258
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
le Commerce; Sylva ; les Mystères réoélés du
cabinet de toiustte des dames, etc., grand
Toyagear, amateur d^objets d*art, esprit carieax
OUI savait regarder et ne ressemblait pas à ceux
de ses compatriotes dont soufeot les caravanes
bariolées parcourent Paris pour vérifier leur Mnr-
ray on leur Baedeker, consignait dans un journal,
régulièrement tenu durant quatre-vingt-deux ans
(de 4624 à 4706), ses observations et ses souve-
nirs. Il décrivait les monuments visités, les choses
dignes de remarque, en Angleterre, en Italie, en
France ; il racontait ses promenades, parlait des
personnes qn*il avait rencontrées, et ((uelques-unes
de ses notes concernent notre arrondissement.
REVUE AD BOIS
Le 13 avril 164i, Evelyn prend une voiture
pour assister à une revue générale de tous les
gendarmes de la ville, au bois de Boulogne,
devant Leurs Majestés et les grands ; vingt mille
hommes de troupe et encore plus de spectateurs.
Les soldats y tirent tous leurs exercices et étant
mis, cavalene et infanterie, en plusieurs forma-
tions et figures, représentèrent une bataille.
Dans sa gazette rimée, Loret, dix ans après
(10 janvier 1654) nous décrit une autre de ces
revues où les gardes,
La plupart ayant bonne trogne
Allèrent au bois de Boulogne,
Où ce vaillant et brave corps,
Des plus complets et des plus forU,
Fit selon l'art et la milice
Admirablement rezercice.
Le roi parut en habit riche et pompeux, mieux
paré encore par cette jeune ardeur guerrière
qu*on voyait sortir de ses yeux .
Le 27 février 1644, revenant de Saint-Germain
à Paris, Evelyn passe par Madrid, puis il va aux
< Bonnes Hommes », dontil admire la chapelle
et la Bibliothèque.
MADRID
f.e 25 avril 1650, il décrit Madrid, les ter-
rasses et les galeries, Tune au-dessus de l'autre
jusqu'au toit, et les matériaux qui sont tons de
terre peinte comme de la porcelaine de Chine,
dont les couleurs semblent très fraîches et sont
très fragiles. Il y a des statues et des reliefs de
cette poterie, des cheminées et des colonnes au
dedans et an dehors. Sous la chapelle est une
cheminée au milieu d*une pièce, près de la salle
des gardes. La maison est fortifiée par un fossé
profond et a une vue admirable sur le bois de Bou-
logne et la rivière. Pauvre Madrid ! Evelyn ne lo
reconnaîtrait aujourd'hui aue par ce réverbère
qui porte rinscription : Château de Madrid,
Appartements meublés.
LES C BONNES HOMMES »
Le 23 janvier 1651, Evelyn va revoir les
Bonnes Hommes qu'il décrit : Un couvent qui a
un beau cloître où sont peintes les vies des ner-
mites ; le jardin sur un rocher avec plusieurs des-
centes, une belle vigne et une gentille vue sur la
cité. On y élevait en ce moment dans la chapelle
un magnifique autel, 24 janvier.
Le lendemain, journée bien remplie : après avoir
vu un dromadaire, une très monstrueuse bète qui
ressemble beaucoup au chameau, mais plus grosse,
et un saltimbanque, Evelyn fait une visite au
frère Nicolas, que, sans lu, nous ne connaîtrions
pas, et ce serait dommage. Il est le médecin,
Tapothicaire, le chimiste du couvent. M. Anatole
France en pourrait faire un joli conte de frère
Nicolas, qui a guéri M . Senétan d'une maladie mor-
telle, et, en reconnaissance de celte guérison, M. Se-
nétan fait bâtir un autel monumental qui coûtera
37.500 francs. Frère Nicolas conduit Evelyn dans
son laboratoire, où il a une rare collection de re-
mèdes spagyriques. Il est peintre aussi, peintre
sur boites ; au lien d'y écrire les noms des
drogues, il v représente, ainsi que sur les pots,
les ngnres des drogues et des simples. Il monlre
à Evelyn comme grande curiosité un peu de mer-
cure, d'antimoine.
Guy Patin, partisan de la purge et de la sai-
gnée, n'aimait pas les « moines froquez et défro-
quez, charlatans, chimistes, soufdeurs, apothi-
caires et ton^iiam o^mi atu /ton ^< m/^ si mio« » ,
qui admettaient l'antimoine. € Jamais, dit-il,
6 mai 1650, tête encapuchonnée ne fut propre à
notre métier. » Guy Palin se trompait, frère Nico-
las y était propre, et, grâce à lui, le couvent avait
son'autel.
LA VISIFATION DE SAINTE-MARIE
Chose étrange, Evel)n, qui avait des sympa-
thies pour Charles I*'', qui vit souvent Henriette
de France, ne dit rien sur le séjour aue fit cette
reine à Chaillot, ni sur le couvent qu elle y fonda,
et oh vint faire des retraites, plus tard, cette
autre reine d'Angleterre exilée, Marie de Modène,
la femme de Jacques II. Elle légua au monastère,
en (ouvenir d'elle et de son mari, une verge ou
discipline dont Macanlay (Hist.,chap. vi) raconte
ainsi Thistoire :
A son avènement au tréne, le roi, déjà rema-
rié, mais resté fidèle à sa maltresse Catherine
Sedley, forma de bonnes résolutions, parla en pu-
blic contre la licence du temps, annonça à la reme
qu'il ue verrait plus jamais Mrs Sedley. Il man-
qua à ses promesses et alors eurent lieu des scènes
curieuses. La reine pleura, et les courtisans, qui
assistaient à ses repas, virent remporter les plats
sans qu'elle y eût touché. Les larmes ruisselaient
sur ses joues en présence des ministres et des
ambassadeurs. Evelyn fut à deux de ces dîners.
< laissez-moi me cacher dans un couvent, dit-
elle au roi. Vous êtes prêt à hasarder votre
royaume pour l'amour de votre salut, et pourtant
vous perdez votre salut pour l'amour de cette créa-
ture. » La reine, raconte Burnet, assembla dans
son appartement tous les prêtres qui avaient
l'oreille de Jacques. Le roi fut appelé, et tous les
Pères se jetèrent à ses pieds pendant que la reine
éclatait en plaintes (1). Jacques II pendant quelque
(ij D'après Macaulay. le Père Pètre, jésuite se
jela Hcul aux genoux du roi.
ANNEXES
259
temps eontinaa à rirre mal ; mais soayent il était
bourrelé de remords, et, dans ses heures de re-
pentir, il faisait sévèrement pénitence. U vengeait
sur ses royales épaules les injures faites à la
reine, il se frappait de cette discipline que la reine
garda et laissa au couvent de Chaillot, dont Ma-
caulay cite les manuscrits parmi ses sources.
LA PRINCESSE dVnGLCTERRE
Par quel bizarre enchantement, écrit Hamil-
ton dans une lettre à la princesse d'Angleterre,
fille de Marie de Modène,
Par quel bizarre enchanlement
La maison de feu Bassompierre,
Cet homme jadis si jg^lant,
Est-elle aujourd'hui le couvent
Oui reçoit tout ce que la terre
A de plus digne et de plus grond (1).
Malgré la piété de la reine, la vie n'était pas
austère à Chaillot. Hamilton, dans une épttre en
vers, feint que les sœurs de Saint- Dominique de
Poissy reprochent aux filles de Sainte-Marie de
Chaillot de retenir parmi elles, au milieu des
plaisirs, leurs hôtesses royales (p. 340) :
Chez vous tout conspire à leur plaire,
Amusements et soins divers
S'offrent en prose comme en vers.
Les amusements sont des éni^es ; on com-
pose des devises. Les vers sont faits par des cour-
tisans rimeurs de vétilles, et aussi par les reli-
gieuses pour la fête de la princesse, par sœur
Gabrielle, sœur Charlotte.
Ma sœur Madelcinc-Marie.
De qui l'autre nom va devant.
Hamilton veut dire qu'elle s'appelait Marie-
Madeleine.
Hamilton avait écrit des couplets pour le même
jour; le 2" finit ainsi, p. 418 :
Chantons, nymphes de cette cour,
Dans nos chants célébrons ce jour
Sans cesse.
A ces mots B... prit son ion
Et flt, touchant comme Apollon
Sa lyre.
Les couplets de chansons
Que Je vais dire.
Suit la mention : couplets de MileB... Talnée.
Qui est Mlle B...?
Dans Fépltre des Œuvres, de Poissy, citant les
religieuses poètes, Hamilton avait dit :
U
Ma sœur BuUion
Dont je ne dirai pas le nom,
Fait de vers une Icyriellc
Qui seraient dignes d'Apollon.
Pourquoi ne pas dire son nom ? Serait-ce parce
?|n*il la faudrait nommer Mlle Bullion l'aînée et la
aire paraître un peu plus âgée au moins que la
cadette, qui était au couvent aussi ? Bullion l'aince,
autant dire la vieille.
11 faut citer ces vers dont Tauteur a été, par
Hamilton, deux fois comparée à Apollon, une fois
(1) Œuvres, p. 16a, vol. 3, éd. Paris, j8o3.
à cause de la rime, et la seconde peut-être aussi
(p. 419) :
Air : Climat doux et paisible.
Ornements de votre âge,
Objet de nos chants,
Recevez l'hommage
De notre humble encens.
Ce jour vous vit noitre
Chaque autre a vu croître
Vos attraits charmants.
Sans la princesse, Mlle Bullion se déplaît au
couvent :
Sans vous la tristesse
Y règne sans cesse :
Tout est ennuyeux.
Mais ouand la princesse est là, Mlle Bullion
chante ; les forêts, les campagnes et les ruisseaux
la voient dire aux oiseaux :
Hôtes de nos bois, tour à tour
Célébrez ce jour:
Tout vous répondra
O gai lan la!
Mlle Bullion trouve naturel que son nom appelle
à la rime Apollon. Pour elle-même et pour Ha-
milton, elle y met sans modestie FHêlicon.
Nous qui savons la roule
De l'Hélicon,
Nous qu'ici l'on écoute,
Tendre Hamilton,
Chantons vous et moi tour à tour
Ce célèbre jour;
Tout nous répondra :
O gai lan la !
LE PRÉTENDANT ET SES MINISTRES FEMELLES
En 171:2, la princesse d* Angleterre mourut de
la petite vérole. « Tous ceux qui connurent cette
jeune dame, dit un ennemi de la famille Stuart,
l'évéque Burnet (Hist, de mon temps, p. S94,
vol. 6, éd. La Haye, 173^, la regardaient comme
une personne accomplie. Son frère, le prétendant,
tomba malade de la même maladie, dont il
échappa. Ceux-là mêmes qui ne parlaient du frère
qu'avec peu d*estime faisait de la sœur un cas
singulier. Il perdit en elle un grand appui qu'elle
lui procurait de toutes les personnes qui rappro-
chaient. » — L'histoire du frère est, elle aussi,
lice à celle de Chaillot et du bois.
En 1716, Bolingbroke, chancelier du préten-
dant réfugié en Lorraine, était à Paris, chargé de
soUiciier la cour de France en faveur de son
maître. 11 était en relations avec une foule de Ja-
cobites qui complotaient, se murmuraient à Foreille
des secrets d'Etat, se montraient des lettres en-
courageantes de leurs amis.
La grande roue de la machine, dit Boling-
broke dans ses Mémoires secrets (Londres, 1754,
p. .HO, 2* partie) était une nommée Olive Trant.
Klle habitait dans une petite maison du bois de
Boulogne, près de Madrid. Elle avait rendu des
services au régent. Elle avait ramené d'Angleterre
une jeune personne que Bolingbroke n'avait pas
connue, qui sans doute était fort belle. Elle fit par
ce moyen la cour au régent. Le duc d'Ormond,
le Vainqueur de Vigo, ancien vice-roi d'Irlande,
26o
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
sortait souvent de Paris arec un grand air de
mystère. Bolingbroke, afec qui il demeurait, se
demandait si ces excursions avaient pour objet les
affaires ou les plaisirs, et soupçonnait qu'il y avait
des unes et des autres. Ormond allait au bois chez
Mme Trant. Il y avait chez elle une demoiselle
de Chausser^ qui Tassistait dans ses démarches.
Celle-ci avait été tille d'honneur de Madame. Ces
deux dames, avec Fabbé de Tésu, secrétaire du
régent, avec une espèce de fou, ancien intendant
de Normandie, et plusieurs autres politioues de bas
ordre formaient ce que Bolingbroke appelle la Junte
du bois de Boulogne, qui n^ociait avec le régent,
avec Tambassadeui* d'Angleterre, avec les Hignlan-
ders d'Ecosse, envahissait en imagination la Grande-
Bretagne, et couronnait dans Westminster Théri-
tier légitime du trône. Mme Trant reçut aussi Bo-
lingbroke. A ce grand personnage ^ui s'était mis
sous sa direction, au comte de Bolingbroke, pair
d'Angleterre, ancien secrétaire d'Etat, ancien mi-
nistre des affaires étrangères, signataire du traité
d'Utrecht, écrivain distingué et philosophe de va-
leur, cette aventurière remit un billet signé du
régent, écrit en apparence à une dame, mais réel-
lement adressé an comte de Mar, qui plus tard
leva en faveur du prétendant l'étendard de la ré-
volte. Do Mme Trant dépendit l'expédition du
chevalier de Saint-Georges, la vie de milliers de
braves gens. De sa maison du bois elle tenait les
fils d'une conspiration en Angleterre et de toutes
les intrigues jacobines en France, jusqu'à ce que
le régent finit par trouver qu'elle l'excédait, lui
rompait la tète et l'ennuyait à la mort. 11 repro-
cha à Bolingbroke d'avoir traité avec elle. Il dé-
savoua toutes les cabales et les coteries. Il n'avait
jamais eu l'intention de soutenir le prétendant,
mais ces intrigantes l'avait forcé par leurs impor-
tunités à paraître s'intéresser à la fortune du
chevalier, pour leur donner l'air d'avoir du cré-
dit. Peut-être aussi était-il indécis, voulait-il mé-
nager le prétendant et tenir toujours l'Angleterre
embarrassée. 11 aurait pu empêcher la seconde
expédition du chevalier qui, avant son départ,
était resté quelque temps à Chaillot dans une mai-
son de M. de LauzuD. Lord Stairs, l'ambassadeur
anglais en France, apprit où il était et somma le
gouverneur français Je l'arrêter. Mais le régent
était décidé à ne pas savoir où se cachait le prince,
et la police avait la mission, que, dit-on, elle re-
çoit parfois, de ne pas le chercher et de ne pas
le trouver. (V. Jobez, La France sous Louis XV ,
vol. I, p. 5^212, éd. 1864.)
Le chevalier se plaisait sans doute à Chaillot.
Thackeray fait dire de lui par un de ses person-
nages, dans Henri Esmond, qu'il y avait une de-
meure où il s'enterrait des semaines entières et
avec toutes sortes de personnes de mauvaise com-
pagnie.
Ceux qui parlaient mal du prince avaient rai-
son. Il ne valait pas qu'on se sacrifiât pour lui.
Il avoua lui-même à Bolingbroke qu'à la mort de
la reine Anne il avait fait quelques mouvements
comme si son dessein eût été de s'embarquer pour
l'Angleterre ; mais il n'avait pas envie d'y aller
alors. La cour de France se fit un mérite de
l'avoir empêché ; c'était une farce jouée de con-
cert pour soutenir la réputation de son caractère.
Il laissa ses partisans Tattendre et s'exposer poor
lui. Le mensonge lui coûtait peu. Qaana il revint
d'Ecosse à Saint-Germain, après sa malheureuse
expédition, on le pressa de retourner en Lorraine.
La France ne pouvait pas lui donner d'asile. Il
n'était pas pressé ; il voulait voir le régent. Il
sollicita une entrevue. Elle fut refusée. Alors il
déclara à Bolingbroke ou'il partait, ses malles
étaient faites. Il envoya dire aux ministres du ré-
gent qu'il était parti. Mais, an lieu de prendre la
poste, il alla à la petite maison du bois de Boulogne
Où demeuraient ses ministres femelles, comme les
appelle Bolingbroke. Il y resta quelque temps à
se cacher. Il y vit des ambassadeurs, ceux d Ea-
pagne et de Suède.
Bolingbroke recevait pendant ce temps des
lettres censées écrites par le prétendant en route
et, sachant très bien à quoi s'en tenir, faisait
semblant d'être dupe. Il renvoya par Ormond les
papiers et les lettres qui lui turent redemandés,
et déclara qu'il ne voulait plus rien avoir à démê-
ler avec le prince. Il eût aussi bien fait de com-
mencer nar là. On l'accusa de négligence, de trahi-
son et d incapacité.
Thackeray fait sur le chevalier de Saint-Georges
cette réflexion : C'est pour des mortels comme
ceux-ci que les nations souffrent, que les partis
luttent, que les soldats combattent et versent leur
sang. Des têtes courageuses tombèrent, et Niths-
dale en fuite, et Derwentwater sur l'échafaud,
tandis que riosoucieux ingrat, pour qui ils ris-
quaient et perdaient tout, s'enivrait en mauvaise
compagnie dans sa petite maison de Chaillot.
Mme Trant, qui avait annoncé souvent qu'elle
entrerait aux Carmélites, se reprit au monde par
la politique et épousa un cadet de grande mai-
son.
Edmond Wahl.
LE MONASTKRE ROYAL
DE LA VISITATION DE CHAILLOT
4651-1791
EMPLACEMENT DU TROCADÉRO
Monographie lue au Congrès des Sociétés
Savantes le 8 avril i896.
Sur le penchant du coteau qui forme aujour-
d'hui le irocadéro, Catherine de Médicis s'était
fait élever une riche maison de plaisance, qu'après
elle on nomma la maison de Grammont. En jan-
vier 1630, le maréchal de Bassompierre, seieneur
de Chaillot, l'acquit de la fille du président Jeau-
nin et l'embellit considérablement. Cinq ans après
sa mort, le 12 mai 1651, les héritiers du maré-
chal la revendirent à Henriette de France, troi-
sième fille de Henri IV, veuve de Charles I''
d'Angleterre, qui désirait y établir des religieuses
26l
de 1* VisiUtioD de Sainte-Marie {i). L'auloriaa-
tioD nécessaire pour rétablissement de ce conTent
de fondation royale, donnée le ÎS jnla 1651, ne
Tut enregistrée 'an Parlement qne le 49 janTJer
16S2. Henriette de France lit alors approprier
cette maison k st nooTelle destination, et telle
elle resta jnsque ten 1700, ipoqnt ou la plopart
des bltiments, ainsi que l'c^lise, forent recons-
tniits, celle dernière aar les dessins de Gabriel,
am frais da maréchal de larges et de son beaa-
père. Nicolas de Frémonl, gante du trésor royal.
L'inlCrieur de la noDTelle é);lise, de forme oelogo-
Dale, ne fnt terminé qn'en 1760 : elle était très
ricbeioent décorée, et l'on admirait fort sa grande
porte. cber-d'(FDTre de serrurerie ; mais Germain
l'ordre de la Visitation ne seront pas inutiles arant
d'arriver i la partie eiclunTement historique de
notre cooTent.
Koodè eu 1610 i Annecy, par saint François
de Sales et M"" de Chantai, cet ordre ne fut k
l'origine qo'un refoçe pour des veuves et des
femmes maladives qui ne faisaient qne des vitui
simples et se dévouaient au soulagement des
pauvres malades. Plus tard, saint trançois de
Sales érigea cette congrégation en ordre monas-
tique et affranchit les aouielles religieuses des
austérités ordinaires du cloître, les dispensant
des Jeûnes rigoureux et des oIRces nocturnes.
L'ordrose composait de 1 mis sortes de religieuses:
lescAt>n'ï/«,lesaM(id«M et les «(rur* convemei
Armes du Marérlial de Lorges el de Geneviève de Frémont, sa femme (i|.
Brire, dans sa Description de la Ville de Paris,
n'ext pas tendre pour son architecture e'itérieure.
< 1^ dessin en est agréable, dit-il, sans être d'un
goût délicat ni étumè; on s'aperçoit trop que les
principales parties ont été copiées sur quelques
édifices de Paris. Le comble qui le courre est
pitoyable et choque la vue, n'ayant aucun rap-
port avec le reste. Quelques critiques ont juste-
ment comparé la forme de celte conatructiou k nn
panier à mouches. > L'enclos do monastère des-
cendait jusqu'au chemin de Versailles et élait, an
sud-ouest, séparé du couvent des Bonshommes
par on «louble mur de clAtore {i).
Quelques notes snr l'origine et les règles de
t«ret!i'**'r.*"front ' îilï'
ment:ÏM/Jf« Jei
(î) Lanci.Tine ru.
!■ lemjiH oppelèps popiilniie
Tvê! ruelle cl bsrrièrn Sainti-
aient IpTrocQjf^ro, timientloiir
■t des Fille» de Snlnle-Marle m
OU domestiqoes. Les choristes avaient seules le
droit de chanter l'office au chœur; les associées
et les sceurs converses n'étaient pas tennes
d'assister aux ofRces, mais, en compensation, de-
vaient dire un certain nombre de Pater et d'Ace.
Le strurs converses s'occupaient, comme dans
tontes les maisons religieuses, de la cuisine el des
travaux du ménage. Le silence devait être rigon-
reusement observé depuis le premier coup de
Matines jusqu'à Primes du jour suivant, depuis la
récréation du malin iusqu'ï Vêpres, ainsi qu'aa
dln» et au souper. La supérieure était nommée
ponr trois ans, et son mandat pouvait être renou-
velé. Le costume était noir, et se composait d'une
robe en forme de sac, avec cordelière k la cein-
ture, d'un voile d'étamine noire non doublée, d'un
bandeau noir snr le front et d'une barbette de
toile blanche sans plis, avec une croix d'argent
0) SculptfP^
ledum
kistoihe nu xvi" arrondissement
sDspCDdne aa cou et retombsnt snr la poitrine.
Les sœurs c^DTerses porlaient an Toîle blaoe. Les
armoiries de la congrégation se composaiect d'nn
dcnr percé de deai Qècbes, sur lequel étaient les
monogrammes de Jèsns et de Marie ; il était snr-
monté d'une croix, et le loal était enfermé dans
nae couronne d'épioes. Depuis 1665, les Visilaa-
dines fêlaient solennellement, au 39 janrier, saint
François de Sales leur fondalenr.el, depuis 1167,
jcstice en leur nom tenait ses audiences tons les
samedis à 3 heures, dans on Tieui bâtiment.
qu'on appelait les prisons de ChaUlot,tt qai èlail
situé sur le bord de la Seine, près dn mor de
clbture dn courent. Il prenait le titre assez con-
pliqné de prèuûl royal, juge civil, criminel
et (U police, commitsiire enquêteur et eiami-
nalear aux inventaires de la préTûté de Cbaillot,
faubourg de la Conféreoee.
Henrictle Je France-, li'nprès Van \>\cV.
an 2t août, sainte Jeanne Chaclal, leur fonds-
Voyons maintenant (|ueU furent les droits de
oropriélé et les droits seisneuriaui des reli^euses
Je la Visilalion de Cbaillot. Kn septembre ISSti,
elles obtinrent du roi l'amortissement complet de
leur propriélé, dite château de Chaillol, de la
maison du jardinier, dn jardin et bois clos de
murs, arec la confinnatlon da droit de haute
justice (1), sans être tenues, pour ce. de payer
finances, mais seulement le prévAt, qu'elles dési-
gneraient pour exercer en leur nom, en mai 1686.
Elles obtinrent la moyenne justice en 11)93. Le
32 aoflt de cette dernière année, on enregistra
au Parlement des lettres patentes du roi en leur
faveur, porrant union da fief, dit de Longchamp.
sis i Chtillot, et de ses dépendances. & celui de
Cbaillot. Une des petites Iles, dont, plus tard, fut
formée ej) partie la grande Ile des Cygnes, leur
appartint paiement (3). Le prévAt exen;aot la
(0 Ce droit leur avait étti aeconlê
di-s idSa.
(al Ce«l celle Ile, située vi»-à-vi» .1
la ViBitallon.4.ion appelait, jicroi!.,
l" le llè'unK-
champ.
HKNRIETTE DE FRANCE
M'" DE U FAYETTE
UllISE M BAVlIvRE
(l63)-)fi6!))
Maintenant que nous connaissons les origines de
l'ordre, son bal, ses principales règles, tes droits
(le propriété et de seigneurie du couvent deChail-
lot, arrivons i sa partie historique, dont le plus
Ïrand intérêt se trouve peut-être an début, mais
ont la suite cependant nous laissera encore beau-
coup à glaner. Nous l'asons dit, ce fut Henriette
de France qni en fut la fondatrice en 16M.
Itefogiée en France en ifilîi, la reine malheu-
reuse, ainsi qu'elle s'appelait elle-mjme, avait
eu i subir toutes tes vicissitudes des troubles de
la Fronde, et souvent même s'était vue réduite à
manquer des choses les plus nécessaires. H"" de
Hotleville rapporte dans ses Mémoires que, le
14 juillet iSM, Henriette de France la recevant
dans une mauvaise chambre du couvrit des Ctr-
mèlites. oii elle s'était retirée pour qQelqoet jours,
lui moDtri oDe p«lite«iupe d'ordmi laquelle elle
liuTiit, et loi jur« qu'elle n'iviit d'or, de qoel(|iie
manière que ce pût être, que celol-ll. Elln njonU
qu'aossiiAt ipr^ le départ da princp de Galles
(Clitrlei II). elle s'était lae abindonnée de tous
ses gens, qu'elle ne poniait payer. Et le cardinal
de Itetz, conRrmaDt cette misère, dît : < Gnq ou
siiiours deTiut qneleroi sortit dePari9(6jeniier
1&«9), j'allai chn la reine d'Angleterre (au Lou-
Tre) que je trouvai dans la chambre de madame
sa fille, qni a élé, depuis. Madame d'Orléans. Elle
me dit d'abord : Vous voyes, te vient tenir
ji\ai encore par l'amitié qu'elle arait ponr la mère
l.tiDillier et pour la mère Angélique, qui l'avaient
nidée dans I établissement de cette maison et en
furent les premières supérieures. Celte mère Ao-
cèlique n'éiait autre que H"* Louise- Angélique
Motier de La Fayette, belle-sceor i* H"* de La
Fayette (si connue par ses écrits), nièce de l'été-
qiie de Limoges, premier aumAoier d'Anne d'An-
triche, et parente du célèbre père Joseph, ï'émi-
neiue griie. Née Tors 1630, elle avait été fille
d'honneur d'Anne d'Autriche, avait inspiré tu
ffoid Loais XQl une véritable passion qni, néto-
Lc couvent Ues llonshoinnies, '
tCollecllon de M. Ém. Polii
compagnie à Henrielle, la pauvre enfant n'a
pu te lever aujourOmi faute de feu. Le vrai
était qa'il y aiait sii mois que Msiarin n'avait
fait payer la reine de sa pension, que les mar-
chands ne voulaient plus fournir et qu'il n'y avait
pas un morceau de bois dans la maison. > Hen-
lensement, cette détresse ne fut que passagère ;
le cardinal de Relz. ému, exagéra la bunte de cet
abandon devant le Parlement, qui envoya 4O.OU0
livres. L« ly du mois taivant, la malheureose
reine recevait l'horrible noutelle de l'exécution
de SOD mari, dont elle porta le deuil toute sa vie.
Après tant d'épreuves subies avec le plus grand
courage, la religion seule pouvait lui offrir quel-
que coiuolalioa ; aussi pnt-elle, peu de temps
après, la résolution d'aller ensevelir sa douleur
dans son monastère de la Visitation de Oiaillot.
Ell« y avait été attirée par la beauté du lien et
moins, fut toujours innocente, et s'était retirée en
1t>37 (1) an couvent des flllfa de la Visitation de
la lue Saint- Antoine, avant de venir k celui de
Chaillot, oii elle mourut supérieure réélue an mois
de janvier ICtiS. ■ C'était, — dit H"* de HoUe-
ville, ^- ane belle brune, aimable et fière tout
ensemble, ayant beaucoup île douceur et en même
temps beaucoup de Berté dans l'esprit (S). >
Henriette de France 1 Chaillot sut faire un saint
usage de ses maux, donnant i la communauté
II) Lr cardinal de Richelieu, jaloux de !■ bipn-
B'-ns Csu<><>in, ro
Ile de La Kavel
11) Il Pii«te lin i
bnnpnrtmltde Mlle d
de Mlle de U
^&\
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Texemple de toutes les vertos. Elle s'occupa
d^élever pieasement ses enfants et, surtoot, de
dompter par Thumilité chrétienne l'orgueil de
sa jeune fille, Henriette d'Angleterre (i), qu'elle
obligf'a plusieurs fois à servir les religieuses Pt
les pauvres. Bossuet dit aussi : « Henriette de
France étant à Sainte-Marie de Chaillot, où elle a
pratiqué beaucoup de vertus, nous Ta vous vue
prendre sans répugnance et sans chagrin le soin
de sa dépense, qui a été en certains temps fort
petite ; elle en faisait les comptes et s'occupait à
cela dans un esprit de pénitence et d'humilité. »
Kt Tallemant des Réaux, dans ses Hùt ariettes,
raconte que faute d'une chaise honnête la veuve
de Charles I®'' ne jjut assister d'une façon dé-
cente aux processions du Jubillé de iGiîh,
Kn 4658, elle eut le bonheur de recevoir au
couvent de Chaillot sa nièce nouvellement con-
vertie, la princesse l^uise-Marie, palatine de
Bavière (2), fille du roi de Bohème et petite-fille
de Jacques F' d'Angleterre ; elle l'y traita comme
sa propre fille. Louise y demeura une année
entière, et y édifia par ses vertus toute la com-
munauté. Oubliant le prestige de son rang, elle
ne dédaignait pas d'aller avec les simples reli-
§ieuses soigntfr les bestiaux et faner les foins
u couvent (3). En 4659, Henriette de France
eut une autre joie : elle reçut à Chaillot le bref
de la béatification de saint François de Sales, le
fondateur de l'ordre, ^ui devait être canonisé le
19 avril 1665. On a raison de dire qu'un bonheur
ne vient jamais seul, car après la mort de
Cromwell, Charles II Stuart ayant pu remonter
sur le trône de son père, Henriette rentra triom-
phante dans cette même Angleterre, dont elle
s'était éclinppée avec tant de peine seize ans aupa-
ravant. Elle ne revint en France qu^en i665, et,
après quatre nouvelles années passées diins l'asile
de paix qu'elle avait fondé, dans cette humb'e
maison qu'elle aima, dit Bossuet, plus que ses
palais, elle mourut presque subitement le 10 sep-
tembre 4669, dans une propriété qu'elle avait à
Colombes et où elle allait passer les plus beaux
jours de l'été. Déjà malade, une dose trop forte
d'opium qu'elle prit la plongea dans un sommeil
dont elle ne se réveilla pins. Quarante jours après,
le 16 novembre, le duc d'Orléans, son gendre
(Monsieur), et la princesse Henriette, sa fille
(Madame), lui firent faire un service solennel dans
l'église du couvent de Sainte-Marie de Chaillot, où
son cœur et ses entrailles venaient d'être déposés.
Bossuet, pour lors évèque nommé de Condoni,
prononça son oraison funèbre en présence dos
principaux personnages de la cour, retraçant en
termes magnifiques la triste destinée de cette
malheureuse princesse.
(i) Epousa p1ii8 Inrd Philippe d'Orléans, frère
unique do Louis XIV, qui fut assez froid pour elle.
Elle expira en quelques heures au château «le
Sainl-Cloud, le iSjuin 1670; elle ne survécut donc
que neuf mois k sa mère.
(2) Sa sœur cadctlc devint la seconde femme du
duc d'Orléans et fut mère du régcnl.
(3) A sa sortie de Chaillot, elle alla prendre l'ha-
bit à l'abbaye de Maubuisson, en devint abbcsst;
en 1664 et y mourut le 11 février 1709. âjiféc de
quatre-vingt-six ans. Depuis son arrivée on
France, Louis XIV lui faisait servir une pension de
12.000 écus.
Voici le portrait que M"* de Motteville a tracé
d'Henriette de France dans ses Mémoires :
€ Quand elle arriva en France, en 1644, elle
était défigurée par la grandeur de ses maladies et
de ses malheurs, et n avait guère de marques de
sti beauté passée. Elle avait de beaux yeux, un
teint admirable et le nez bien fait. Il y avait dans
son visage quelque chose de si agréable, qu'elle
se faisait aimer de tout le monde ; mats elle était
maigre et petite, elle avait même la taille gât^e,
et sa bouche, qui naturellement n'était pas belle,
par la maigreur de son visage, était devenue
grande, tomme sa beauté n'avait duré que Tesptce
d'un matin et l'avait quittée avant son midi, elle
avait accoutumé de maintenir que les femmes ne
[Meuvent plus être l)ollos, passé vingt-deux ans.
kUe avait infiniment d'esprit, mais de cet esprit
brillant et enjoué qui plaît aux spectateurs. Elle
était agi*éable dans la société, honnête, douce et
facile, vivant sans nulle façon avec c«ux qui avaient
rhonneur de l'approcher, et était naturellement
libérale. »
\A DUCHESSE DE NEMOURS ET SES FILLES
(46.H2-i668)
Les guerres de la Fronde étant terminées, il y
eut à la fin de juillet 1652, entn^ François de
Vendôme, duc de Beaufort, le célèbre Roi des
HalleSy et son beau-frère, Charles- Amédée de
Savoie, duc de Nemours, une querelle à propos
du combat de Jargeau. Elle se renouvela pour une
question de préséance, au conseil de Monsieur
(Gaston d'Orléans), et prit un caractère tellement
violent, que le duc de Nemours provo<jua son
l)eau-frère en duel, et malgré les résistances
naturelles de ce dernier, il fallut, le mardi 30 juil-
let, aller sur le terrain choisi, au Marché aux
chevaux (emplacement des rues Louis-le-Grand,
d'Antin et (vaillon).
Le duc de Nemours, qui n'avait que vingt-huit
ans, fut tué raide d'un coup de pistolet à la tète,
et, par contre-coup, son témoin, M. de Villars,
tua celui du duc de Beaufort, M. d'Uéricourt, lieu-
tenant de ses gardes. A la suite de cet horrible
duel, dans lequel son propre frère avait tué son
mari, la duchesse de Nemours (Elisabeth de Ven-
dôme), petite-fille de Henri IV et de Gabriello
d'Estréos, vint, dans son désespoir, chen-her un
refuge à la Visitation de Cuaillot. Elle y amena
ses deux filles, qui y demeuivrent pendant de
longues années et n'en sortirent, l'aînée, Marie-
Jeanne-Baptiste, qu'en 1665, i)our devenir du-
chesse de Savoie, et la seconde, Louise-Marie-
Françoise-Elisabeth, dite M"« d'Aumale, enl666,
nour é{)ouser Alphonse VI, roi à demi idiot du
Portugal, puis, en 166«, dom Pedro de Bragance,
frère d'Alphonse et roi à sa place. La duchesse de
Nemours, morte en 4664, avait été inhumée, sui-
vant son désir, dans le cloître du couvent de la
Visitation de la rue Saint-Antoine.
ANNEXES
265
M"« DE U MOTTE-ARGENCOURT
MARIE MANONI
(i657-ifi.n9)
Cest bien avec intention que nous réunissons,
un peu tardivement peut-être, les noms de ces deux
jeunes filles aimées de Louis XIV, et dont nous
n^avons pas voulu parler plus tôt pour ne pas
interrompre le récit du séjour d'Henriette de
France à Chaitlot.
Donc, au commencement de Tannée 4657,
Anne d'Autriche avait pris depuis peu comme
tille d'honneur M^'* de La Motte- Argencourt M).
Sa beauté n'était pas éclatante, ni son esprit fort
extraordinaire, dit M™* de Motteville, mais elle
était aimable. Ses yeux bleus, surmontés de sour-
cils noirs et de cheveux blonds, lui donnaient en
même temps un air de douceur et de vivacité si
agréable, qu'il était difficile de se défendre de
ses charmes ; aussi le jeune Louis XIV s'y laissa-
t-il prendre et finit-il par lui déclarer sa passion.
W^° de La Motte repoussa les propositions peu
mesurées du roi; puis, voyant qu'il s'éloignait
d'elle, s'éprit violemment du marquis de Riche-
lieu, marié à la fille aînée de M"'* deBeauvais (2),
première femme de chambre et favorite d'Anne
d'Autriche. La marquise de Richelieu, jalouse à
bon droit, incita sa mère à faire éloigner de la
cour M'**' de La Motte, et on l'envoya au couvent
de la Visitation de ('haillnt, où, quoiqu'elle no
s'y fût pas retirée de son plein sré, désabusée des
vanités de la cour, elle resta volontairement, sans
être religieuse, après avoir donné à celte maison
vingt mille écus que lui avait remis le roi, et s'y
créa une vie fort tranquille et fort heureuse. Vers
1700, les bâtiments du couvent tombant en ruine,
ce fut elle qui fit les plans des nouvelles cons-
tructions, à l'exception de l'église, qui fut confiée
à l'architecte Gabriel. M''* de La Motte mourut à
Chaillot le 25 octobre 1709.
Marie Mancini, la meilleure des nièces de
Mazarin, née en 1639, demeura pendant deux ans
comme pensionnaire, avec sa sœur Hortense, au
couvent des filles de Sainfe-Marie de Chaillot, et
L resta jusqu'au commencement de l'année 1657.
I cardinal la fit venir alors h la cour. Son esprit,
sa grJice, ses manières enjouées faisaient oublier
son manque de beauté, et Louis XIV, qui s'en-
flammait alors si facilement, en devint passion-
nément amoureux, beaucoup plus même quïl ne
l'avait été déjà de sa sœur Olympe Mancini, de-
venue comtesse de Soissons. Marie Mancini répon-
dit à cette passion, espérant toujours que le roi
l'épouserait. Fort jalouse, et craignant de laisser
échapper sa conquête, elle no quittait pas le roi,
qu'elle suivait partout et allait jusqu'à l'obsession.
Mazarin, voulant anéantir les folles espérances
de sa nièce, prit la résolution de l'éloigner et de
l'envoyer pour quelque temps au couvent de
(i) Ne pas confondre avec Mlle de LaMotle-
Houdancourt. ce qui a lieu assez souvent.
(i) Voir rarticle qui suit.
Brouage, près de la Rochelle. La séparation des
deux jeunes amants, à la fin de 1659, fut des
plus pénibles. € Vous pleurez, dit Marie au roi,
vous êtes le niallrey vous m'ainiez.., et je
pars! » Dix-huit mois après, le 11 avril 1661,
on lui fit épouser solennellement par procuration,
dans la chapelle de la reine, au Louvre, en pré-
sence de toute la cour, le prince Colonna, grand
connétable de Naples(l), et, depuis, elle eut une
vie des plus aventureuses, dont le récit ne serait
pas ici à sa place. Ce que nous tenons à noter
cependant, c'est qu'en 1705, s'étant avisée de
quitter l'Italie pour venir voir sa famille, on no
lui accorda cette faveur qu'à la condition qu'elle
ne mettrait pas les pieds à Paris et encore moins
à la cour. Elle vint alors s'installer à Passy, dans
une petite maison appartenant à son frère, le duc
de Ne vers ; mais, comme elle ne connaissait plus
personne en dehoi-s de sa famille, l'ennui la
prit, et elle s'en retourna peu de temps après à
Kome.
LES FILLES DE MADAME DE BFAUVAIS
ET DE LA MARQUISE DE RICHELIEU
(1652 à 1709)
La trop célèbre M""® de Beanvais, qu'on appelait
aussi familièrement la Beauvais, cette créature
insinuante, première femme de chambre et favo-
rite d'Anne d'Autriche, qui ne l'appelait que
Cataut (abréviation de son nom de Catherine);
cette femme laide, désagréable, sans attraits, dont
les mœurs furent loin d'être pures, avait cru
devoir confier à notre maison naissante sa fille
atnée, Anne-Jeanne- Baptiste, qui n'avait pas la
moindre vocation religieuse. Aussi, comme les
verrous et les grilles ne sont pas un garant
de la vertu des filtes, Anne s empressa-t-elle
de se faire enlever par le marquis de Richelieu
(Jean-Baptiste-Amador Vignerot), qui l'épousa à
Saint-Eustache le 12 novembre 1652. Le marquis
avait dix-sept ans, la mariée quinze ans et treize
jours ; elle était filleule d'Anne d'Autriche et de
Gaston d'Orléans (2). Sa vie fut courte; elle mourut
au Louvre le 29 avril 166H, juste un an après son
mari, et fut inhumée dans la chapelle de la Sor-
boone, lieu de sépulture des Richelieu. On attribua
la mort prématurée des deux jeunes époux à de
trop fortes doses de vin d'émétique (ou antimoine)
que leur avait administrées GuénauU (et non Gué-
naud), ce premier médecin de la reine Marie-
Thérèse, qui ne faisait ses visites qu'à cheval, et
dont Boileau a dit dans sa sixième satire :
Guénaud sur son cheval en passant in'éclaboussc
et dans sa quatrième (ce qui est plus grave) :
Combien dans un printemps
Guénaud et l'antimoine ont fait mourir de gens !
(i) Le roi lui fil de magnifiques ptésents, mais la
vil partir sans êniolion, ne se souvenant plus du
feu passager qu*cllc avait autrefois allumé dans
son cœur [Mémoireit de l'abbé de ChoLsy).
(2) Ni sa mère, ni les parents du maVquis de Ri-
cliclieu ne voulurent assister à ce mariage.
266
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Le marquis et la marquise de Richelieu lais-
saient cinq enfants : Armand-Jean, duc de Riche-
lieu, qui fut général des galères et père du célèbre
maréchal de Ricbeiieu ; Louis- Armand, marquis
de Richelieu, dont Varticle suit ; et trois filles,
Marie-Françoise, Elisabeth et Marie-Marthe, qu*on
sVmpressa, quand elles furent en âge, d^envoyer
au couvent des Visitandines de Chaillot, pour y
être élefées sous les yeux de leur tante, sœur
Claire-Angélique de Beauvais, dont nous parierons
plus longuement tout à Theure, et qui, entraînée
par son zèle, eut le tort de contraindre ses nièces
à prendre Thabit, malgré le peu de désir (jumelles
en avaient . Marie-Françoise devint religieuse à
Chelles, pui» prieure de Tabbaye deCrécy-en-Brie ;
Elisabeth quitta Thabit et se maria en 1696 avec
un substitut du procureur général du Parlement
de Faris ; la troisième, Marie-Marthe, devint
abbesse de Saint-Rémi-des-Landes,dans la Manche.
Passons à la tante, à la deuxième fille de M™*'
de Beauvais, Claire-Angélique. Première femme
de chambre en survivance d'Anne d'Autriche, elle
était bien faite, agréable et de beaucoup d'esprit,
eut toujours une conduite irréprochable ; aussi la
reine la traitait-elle comme sa fille et son amie,
et lui accordait-elle une si grande confiance qu'elle
l'avait chargée de la distribution de ses aumdnes.
Le jour même de la mort d'Anne d'Autriche
(20 janvier 4666), Claire-Angélique, qui depuis
quelque temps aspirait à la vie religieuse, se
retira à Sainte-Marie de Chaillot, on elle avait
été élevée, prit d'abord le petit habit des Visi-
tandines, c'est-à-dire des pensionnaires, qu'elle
changea en 4668 contre celui des professes, et
prononça ses vœux le 42 août entre les mains
d'Hardouin de Péréfixe, archevêque de Paris (4),
en présence de la reine d'Angleterre (Henriette
de France), du duc d'Orléans et des pins grands
personnages de la cour. O fat Bossuet qui pro-
nonça le sermon de profession, intitulé dans ses
œuvres : Sermon pour la profession d'une de-
moiselle que la reine mère avait tendrement
aimée (2). Sœur Claire- Angélique de Beauvais,
jusque-là bienfaitrice séculière, deyini le modèle
des religieuses ; aussi fut-elle, en novembre 4692,
une des trois sœurs visitandines choisies par
Louis XIV et M""* de Maintenon pour organiser,
avec la mère Priolo, supérieure du couvent de
Chaillot, la maison naissante de Saint-Cyr. Enfin,
après de longues résistances inspirées par sa
modestie, elle fut, à son tour, élue supéneure le
29 mars 4695, réélue le 45mai 4698 et en 4704,
puis le 9 novembre 4706, et mourut dans son
couvent, le 23 novembre 4709, âgée de soixante
et onze ans.
Pour en finir, ou à peu près, avec les enfants
et petits-enfants de M'"*^ de Beauvais qui ont eu
quelques attaches à notre arrondissement, disons
qu'un de ses quatre fils, Louis, qui se faisait
appeler le baron de Beauvais et qui mourut d'apo-
plexie en août 4697, fort regretté de I^uis XIV,
était gouverneur des châteaux et maisons royales
(i) Ancien précepteur de Louis XIV, membre de
l'Académie française, auteur d'une Vie de Henri IV,
souvent réimprimée.
(2) Voir leN Chefs-d'œurre oratoires de Bossuet,
édition Lefèvre, i84/«, t. IV. p. ^3 « 56i.
de Madrid et de la Muette, et capitaine des chasses
du bois de Boulopie. Une chanson du recueil de
Maurepas le qualifie ironiquement de garde des
perdrix. Le 26 août 4685, il avait en une fille
qui, deux jours après, fut baptisée à Féglise de
Passv, ce qui peut faire supposer qu'il habitait la
Muette (4).
RICHELIEU (LOUIS-ARMAND DE VIGNEROT,
2« MARQUIS DE) ET MARIE-CHARLOTTE
DEMAZARIN.
(4680? 4730)
Ce second fils du marquis de Richelieu et de la
fille aînée de M"**' de Beauvais suivit le mauvais
exemple de son père, et enleva du couvent de la
Visitation de Chaillot, où elle avait été placée
comme pensionnaire, Marie-C^ariotte de Mazarin,
fille du duc de Mazarin, grand maître de l'artil-
lerie (2), et d'Hortense Mancini, nièce du cardi-
nal. Ca deuxième marquis de Richelieu était né en
4654, et la fille d'Hortense Mancini en 4662;
l'enlèvement dut donc avoir lieu vers 4680. Louis-
Armand, personnajue débauché et même crapu-
leux, fut, en punition de son rapt, exilé assez
longtemps hors de France, épousa, toreément sans
doute, Marie-(]barlotte, et, après avoir été mestre
de camp d'un régiment de cavalerie, devint gou-
verneur de la Fère et mourut en 4730. Sa femme,
belle comme le jour, dit Saint-Simon, s'est ren-
due célèbre par ses désordres et les courses de
sa vie errante. Elle s'enivrait dans la perfec-
tion, et mourut à Dieppe en 4729.
M"«^ DE LA VALLIÈRE
(1671-4674)
Les deux retraites de M'^^' de La Vallière au
couvent de la Visitation de Chaillot ont été dif-
féremment racontées par M*"^ de Sévigné et plus
tard par Saint-Simon. W^^ de La Fayette, beau-
coup plus explicite, nous semble devoir être beau-
coup mieux renseignée, et voici ce qu'elle dit :
«Au mois de février 4674, après une brouille
avec le roi, M"*' de La Vallière se croyant perdue,
la tète lui tourna. Elle sortit le mâtin des Tui-
leries et s'en alla comme une insensée dans un
petit couvent obscur qui était à Chaillot. Louis XIV,
qui l'aimait passionnément, à la nouvelle de cette
fuite, fut extrêmement troublé et fit si bien qu*il
finit par savoir oh était La Vallière : il y alla à
toute bride, lui quatrième ; il la trouva "dans le
parloir du dehors de ce couvent, on n'avait pas
voulu la recevoir au dedans. Elle était couchée à
terre, éplorée et hors d'elle-même. Le roi demeura
seul avec elle et, après une longue conversation.
(i) Voir \q Dictionnaire critique de Biographie el
d Histoire, par A. Jal (article Beaaiuiis).
(2/ DrAle d'oriffinal que ce duc de Mazarin, qui,
trouvant ses filles trop belles, et craignant
qu'elles n'en tirassent vanité, eut un moment la
velléilé de leur faire arracher des dents de devant
pour les enlaidir.
ANNEXES
267
Tobligea à revenir, et envova chercher an car-
rosse ponr la ramener. » Toat fat oablié, et la
belle à scrupules, qu*on appelait aassi la péche-
resse vertueuse^ reprit sa position habitaeïle à
la coor. Mais en 1674 (elle avait alors trente ans)
elle prit irrévocablement le parti de quitter la
coor poar entrer en religion, et, dans les pre-
miers jours d'avril, elle annonça sa résolution au
roi, qui la vit partir d*an œil sec. I^ couvent de
la Visitation de Chaillot la reçut pour la seconde
fois; elle y resta jusau'an 20 avril, jour où, après
s'être jetée aux pieds de la reine (1) et lui avoir
demandé pardon de Tavoir offensée, elle courut
se jeter dans le carrosse qui la conduisit aa cou-
vent des Carmélites de la rue Saint-Jacques (2).
Elle y prit Thabit sous le nom de sœur Louise de
la Misâicorde, et y mourut en 17iO, après trente-
six ans d'une vie exemplaire (3). Au moment de
son entrée en religion. M™® de Sévigné avait fait
d'elle ce curieux éloge : Celait une petite vio-
lette qui se cachait sous Vherhe et quiétait hon-
teuse (Têlre maltresse, (Tétre mère, d'être du-
chesse ; jamais il n'y en aura sur ce moule- là.
M™^ DE MOTTEVILLE
(4666-1689)
Après la mort d'Anne d'Autriche (i666), M">« de
Motteville (Françoise Bertaut), sa confidente intime
et son amie la plus fidèle, vint se retirer au cou-
vent de la Visitation de Chaillot, pour lequel elle
avait beaucoup obtenu de la générosité de la reine
mère (4). De paissants motifs lui avaient fait
choisir cette maison ; elle y retrouvait la reine
d'Angleterre, Henriette de France, qui lui avait
toujours témoigné la confiance la plus absolue et
i laquelle elle avait suggéré l'établissement du
nouveau monastère. D'autre part, sa sœur ca-
dette, Madeleine -Eugénie Bertant, qu'on avait
surnommée Socratine. à cause de sagesse, avait
quitté la cour le 14 août 1650 pour entrer au
couvent des Filles de Sainte-Marie de la rue Saint-
Antoine, puis était venue à celui de Chaillot dès
sa fondation et y avait fait profession. Animée
par l'exemple de sa sœur, M™^ de Motteville avait
pris le parti de s'y retirer le plus fréquemment
possible, mais néanmoins sans y contracter aucun
engagement. Malgré le titre mérité de bienfai-
Irice séculière que lui avait donné les religieuses,
ne voulant pas être à leur charge, elle leur avait
fait don d'une certaine somme d'argent et s'était,
en outre, engagée à leur servir une pension viagère
qu'elle paya toujours très exactement.
Elle écrivit, dans le calme de la retraite qu'elle
avait adoptée, plusieurs traités sur la religion et
(ij Marie-Thérèse venait souvent in la Visitation
de Chaillot, pour y pleurer, loin des regards de
la cour, les froideurs et les infidélités de
Louis XIV.
(2) Voir les Reinex du Monde^ article La Vallière,
par Arsène Houssaye.
(3) La règle austère qui rèji^issait les Carmé-
lites lui avait fait préférer cet ordre à tout autre.
(4) Anne d'Autrirhe s'était retirée de temps en
temps à la Visitation de Chaillot pour oublier les
tracas et les soucis de la régence.
s'occupa surtout à revoir et & retoucher ses
Mémoires pour servir à l'histoire dAnne
d'Autriche, ouvrage certainement inférieur par le
style aux mémoires du cardinal de Retz, mais
aussi intéressant par le fond, pour qui vent bien
connaître l'histoire des troubles de la Fronde et
de la jeunesse de Louis XIV. M"*^ de Motteville
mourat le 29 décembre 1689, âgée d'environ
soixante-huit ans. Sa sœur était morte supérieure
du monastère, en 1673.
MARIE D'ESTE, REINE D'ANGLETERRE
(1688-1718)
Marie-Béatrix-Eléonore d*Este, fille du duc de
Modène et seconde femme du malheureux Jac-
ques n, roi d'Angleterre, avait été forcée de se
réfugier en France avec son fils Edouard, dit le
Prétendant, dans les derniers jours de l'année
1688, et son mari était venu la rejoindre peu de
temps après. La pieuse reine dépossédée quittait
régulièrement le château de Saint-Germain pour
venir passer les jours de grandes fêtes religieuses
au monastère de Chaillot ; elle y arrivait l'avant-
veille, souvent avec la princesse Louise, sa fille, et
n'en repartait que quelques jours après (1). An-
toine Hamilton, dans une de ses lettres moitié
{)ro8e, moitié vers familiers, adressée vers 1706 à
a jeune princesse d'Angleterre qui séjournait alors
avec sa mère au couvent de Chaillot, lui dit:
Par quel hizarre enchantement
Iji maison de feu Bassompierre,
Cet homme jadis si galant.
Est-elle aujourd'hui le couvent
Qui reçoit tout ce que la terre
A de plus digne et de plus grand, etc.
Et dans une autre épitre adressée aux religieu-
ses à propos d'une fête qu'elles avaient donnée à
la reine et à sa fille, on voit que quelques-unes
d'entre elles tournaient les vers de circonstance
très a^ablement, notamment Anne-Séraphique
de Bullion et Marie-Thérèse de Bullion, sa sœur,
toutes deux filles du prévôt de Paris et sœurs de
la duchesse d'Uzès: sœur Gabrielle, sœur Anne-
Charlotte Bochard de Saron,
Sœur Jeanne-Françoise (a) on un mot.
De ses chansons, par l'harmonie,
Ferait croire que le ^énie
Ue feu Voiture est à Chaillot.
Pour chanter lesdites chansons, il y avait alors
les admirables voix de sœur A. Graphique de
Bullion et de sœur Marie-Madeleine. Un peu plus
loin, Hamilton, badinant et passant en revue ce
que l'on voyait du couvent, recommande aux
jeunes Visitandines de détourner leurs yeux du
Cours la Reine,
Où le heau monde se promène
Et souvent sur ses pas entraine
(1/ Jacques II flt d'assez nombreuses visites aux
Visitandines de Chaillot.
(a) Jeanne- Françoise Le Vayer, fllle d'un maître
des requêtes, intendant du Bourbonnais et savant
écrivain jurisconsulte.
268
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
De ces vilains peliU amours
<jui séduiscnl la ^ent mondaine.
\oii8 qui voyez cvs tendres lieux.
Nos soMirs, (*létourneK-en les yeux.
Détournez aussi la prunelle,
D'un certain moulin de .la\elle.
Car bien souvent l'esprit malin
Sous l'ombre d'une matelot le
Se fourrant dans cett« Kar^otte,
Oui porte le nom de Moulin,
Mène In sagesse bon train
El met la raison en compote.
Ouand à PhMel des Invalides,
Doré juiiques aux pyramide»^
il leur permet de le regarder autant qu'elles le
voudront, sans le moindre inconvénient ; elles n*y
verront pas de
... blondins perfides
Dont l'aspect est souvent falal,
mais des
GenU ériopés, couverts de rides.
Qu'on peut lorgner sans aucun mal.
Laissons Hamilton et ses vers libres, dont nous
avons peut-être abusé, et revenons sérieusement
à Marie d'Esté, qui combla le couvent de ses
bienfaits. Vers 47i3, elle fit faire pour Téglise
trois tableaux importants qui étaient fort appréciés
des connaisseurs : les deux premiers étaient des
apothéoses de Jacques II, son mari, et de la prin-
cesse liouise, sa fille ; le troisième la représentait
elle-même en prière. Nous ignorons ce que sont
devenues ces peintures intéressantes. A l époque
dont nous parlons, qui fut la plus prospère pour
le couvent, les œuvres d'art n'y manquaient pas ;
la supérieure, dans une de ses lettres circulaires,
dit qu'elles ont tellement de statues qu'elles sont
forcées d'en orner les jardins (i).
Marie d'Esté mourut à Saint-Germain le 7 mai
4748 ; le lendemain, la duchesse palatine d'Orléans
écrivait dans sa Correspondance : « La bonne et
pieuse reine d'Angleterre n'est plus. Assurément
elle doit être au ciel. Elle ne gardait pas un liard
pour elle, elle donnait tout aux pauvres; elle
n'a jamais tenu un propos méchant sur qui que
ce soit, et, si l'on se mettait à l'entretenir sur le
prochain, elle disait : Si c'est du mal de quel-
qu'un, je vous prie, ne le dites pas. Elle était
polie et agréable quoique loin d'être belle, et elle
était toujours gaie. » Saint-Simon en fait égale-
ment le plus grand éloge et reconnaît qu'elle eut
toutes les vertus qui font les saintes. Le 9 mai,
à onze heures et deiDie du soir, son corps, sui-
vant son désir, fut apporté et inhumé dans son
cher couvent deChaillot, oji reposait déjà, depuis
4704, le cœur de son mari et. depuis 4742, celui
de sa fille Louise-Marie d'Angleterre (2).
(i) Quelques années plus lard, le rêlèhre Res-
tout leur Ut pour leur chapelle de Saint-Francuis
de Sales un très beau tableau représentant
Mme de Chantai et ses religieuses invoquant ce
saint.
(2) Les corps des Sluarls, des deux frères Char-
les Il et Jacques 11, rois d'Angleterre, et de Louise-
Marie, flile de Jacques IL avaient été inhumés
dans la chapelle des Bénédictins anglais, rue
Saint-Jacques, n* 269.
AFFAIRE P. MANIS
(1716-1748)
Nous voici arrivés à une époque désastreuse où
tous les moyens semblaient bons pour pressurer
la bourse des pauvres habitants taillables, et
voici ce qui arriva à Chaillot. Par un arrêt du
Conseil d'Etat du roi, daté du 44 juillet 4746, un
fermier général du nom de P. Manis avait été
autorisé à faire poser des barrières pour fermer
le bourg de Chaillot, dit alors faubourg de la Con-
férence, et à y établir des bureaux d'octroi pour
percevoir les différents droits d'entrée. Mais les
habitants, ahuris, et les religieuses de la Visita-
tion, Dames du Heu, firent opposition aux pré-
tentions de P. Manis et prouvèrent que Chaillot,
quoique faubourg de Paris sous le nom de fau-
bourg de la Conférence depuis 4659, ne devait
payer de droit que sur le vin, et non d'autres
entrées comme les autres faubourgs, parce qu'en
somme cet impôt n'était qu'une commutation de
4.000 livres annuelles de (aille dont on avait cm
pouvoir charger ce village en 4650; mais, comme
on n'arrivait pas à pouvoir y lever cette somme,
le Conseil, en 4659, avait changé ladite taille en
impôt, tant sur le vtn du cru(i) que sur les vins
venant du dehors, ce qui avait fort bien réussi,
puisque, dés le début, il avait rapporté.par année,
au moins 8.000 livres. De plus, par un autre
arrêt de son Conseil du 48 octobre 4707, Louis
XIV avait formellement déclaré qu'en érigeant le
village de Chaillot en faubourg de Paris, if n'avait
pas prétendu augmenter les charges de ses habi-
tants. Pour toutes ces excellentes raisons, les
Dames de la Visitation et les habitants de Chaillot,
désahuris, eurent gain de cause, et, le 7 mai
4748, un arrêt contradictoire du Conseil du roi
fut rendu contre le traitant P. Manis (î).
LA PRINCESSE RAGOTZKY
(4747-1722)
Vers 4747, la princesse Ragotzky (Charlotte-
Amélie), vint s'établir dans notre couvent, où elle
mourut le 48 février 4722, ûgée de quarante-trois
ans, et c'est là qu elle fut inhumée. Fille du
Ijndgravo de liesse Rhinfels Wanfried, elle avait
épousé, en septembre 4694, le célèbre Ragotzky
(François-Léopold), qui s'était mis à la tête des
Hongrois soulevés contre l'empereur d'Allemagne,
avait été enfermé à Neustadtau mois d'avril 4701,
et avait pu, grâce à sa femme, s'évader de prison
le 7 novembre suivant, déguisé en dragon. La
princesse Ragotzky qui se trouvait alors à Vienne,
avait été, pour ce fait, enfermée dans un couvent,
où elle était restée jusqu'à 4705. Après avoir
vécu pendant quelque temps à Varsovie, Rajrotzky
fut proclamé prince de Transylvanie en 4704 et
(i) Le cru royal de Chaillot fut longtemps es-
time. (Voir Sot re-lkime -de-Paris, de Victor Hugo,
1. 1, S 3.)
(^) A cette époque, la population de Chaillot
n'était guère que de 2^5 Teux.
ANNEXES
269
de nouveau en 4707 ; les Hongrois voulurent
même TéUre roi. Proscrit eu 4744, après la paix
de Nagy-Caroly, il yint en 4743 se réfugier en
France avec sa femme, sous le nom de comte de
Saroz, vécut beaucoup à la cour de Louis XIV,
qui le prit en affection, lui donna 600.000 livres
sur THôtel de Ville, plus 6.000 livres par mois.
Avec 30.000 livres par an que lui assura l'Espa-
gne (4), il arrivait à plus de 400.000 livres de
rente. Après la mort de Louis XIV, il alla vivre
pieusement chez les Camtldules de Grosbois, et
en 4747, éloigné de France sur la demande de
Fempereur d'Allemagne, il se réfugia à Rodosto
en Turquie, ou il mourut en 4735, âgé d'environ
56 ans. Avant sa retraite au couvent de Chaillot,
sa femme avait eu une conduite peu régulière ;
Kagotzky ne permettait pas, néanmoins, qu*on dit
du mal de la princesse, rappelant qu'elle lui avait
sauvé la vie et Favait fait évader de prison, et
qu'après cela il ne lui était plus permis, à lui,
peut-être le plus heureux des trois, de s'in-
former de ses actions.
LA VEUVE DU KÉ(;ENr
(1735-4749)
En 4735, la veuve du régent se réfugia cbez
les dames de la Visitation de Chaillot ; elle avait
son pavillon particulier, adossé au mur de clôture
du couvent. Née en 4677, Françoise-Maiûe de
Bourbon, dite M^^^ de Blois^étùi fille légitimée de
lx>uis XIV et de M"*" de Montespan. Douée d'infi-
niment d'esprit, mais d'un orgueil excessif, petite
fille de France iusijue sur sa chaise percée, dit
crûment Saint-Simon, tenace à l'extrême dans ses
volontés, paresseuse à Fexcès et très supersti-
tieuse, on la disait néanmoins vertueuse; mais
il faut reconnaître que sa vertu peu aimable n'avait
pas eu le don de retenir son trop volage mari, uni,
pour cause, Favait surnommée Af°** Lucifer. C est
peut-être ici le cas de dire, en modifiant légère-
ment le proverbe, que, tfuand iV"*'' Lucifer
deinnt vieille, elle se fit ermite, car M"»* d'Or-
léans était bien proche de la soixantaine quand
elle rechercha le voisinage de nos pieuses Visitan-
dines, auxquelles, malgré son caractère bizarre,
elle fît beaucoup de bien. Elle passa de vie à
trépas le 4" février 4749.
Ici semble devoir s'arrêter la liste des person-
nages marquants, reines, princesses, duchesse et
autres dames ou filles nobles, qui vinrent se
réfugier au couvent aristocratique de la Visitation
de Chaillot.
Vers le milieu du règne de Louis XV, la maison
semble péricliter, et nous ne trouvons plus rien
de particulièrement intéressant à signaler pour
son histoire. Comme personnel, au temps de sa
prospérité, elle comptait en moyenne trente reli-
gieuses professes, cinq à six sœurs converses,
deux ou trois novices, deux aspirantes, deux
sœurs tourières et une vingtaine de pensionnaires.
La communauté, qui avait trois autres maisons
à Paris, fut supprimée en 4794, et une partie de
ses biens fut vendue. \jes bâtiments du couvent,
devenus propriété particulière, furent démolis en
4840, et sur leur emplacement ou creusa les fon-
dations du palais du roi de Rome, palais destiné
au fils de l'empereur, mais que les événements
politiques ne permirent pas de continuer ; l'empla-
cement du palais du roi de Rome, demeuré à l'état
de terrain vague et complètement bouleversé, fut
longtemps daigné sous le nom de rampes de
Chailbt, Louis XVIll projeta d'y élever un monu-
ment grandiose en souvenir de la prise du fort
du Trocadéro par son neveu le duc d'Angouléme.
La butte en prit le nom, mais le monument ne
s'éleva pas. Ce ne fut qu'à l'approche de l'Exposi-
tion universelle de 4867 qu'on se décida enfin à
aplanir le sommet du coteau et à niveler les
pentes, pour construire l'escalier gigantesque <|ue
nous avons vu jusqu'à l'approche de l'exposition
de 4878, exposition qui nous a enfin valu le palais
actuel et ses verdoyants et pittoresques abords.
JOURNAL DU MONASTÈRE ROYAL
DE LA VISITATION DE CHAILLOT
Noie. — Sous cellu rubrique, nous classonn ciiro'
nolof^iquement les principoui faits, parmi les-
quels on en trouvera un assez ^rand nombre qui
n'ont pu trouver place dans nos pa^es précé-
dentes (1).
4654 (42 mai). — Henriette de France achète le
château de Chaillot aux héritiers du maréchal de
Bassompierre, pour y établir un nouveau monas-
tère de la Visitation des Filles Sainte-Marie.
Quand les sœurs vinrent dans la maison, elles la
trouvèrent remplie de peintures profanes; mais
leur naïveté et leur modestie les empêchèrent d'y
voir ce qu'elles avaient d'inconvenant. Ce ne fut
que quelque temps après qu'on se décida à les
couvrir ou à l^s faire disparaître.
4652 (49 janvier). — L'autorisation de l'éta-
blissement du monastère est enregistrée au Par-
lement de Paris.
4652. — Les batailles de la fin de la Fronde
obligent nos premières visitandines à se retirer
dans la ville ; on en laisse trois pour garder la
maison.
4652. — La duchesse de Nemours, petite-fille
de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, se retire
avec ses deux filles, à la Visitation de Chaillot,
après la mort tragique de son mari.
4652 (fin). — Le marquis de Richelieu enlève
la fille aînée de M™° deBeauvais, première femme
de chambre et confidente d'Anne d'Autriche.
4656 (septembre). — Les visitandines de
Chaillot obtiennent du roi l'amortissement com-
plet de leur propriété et la confinnation du droit
de haute justice qui leur avait été accordé dès
4653.
4657 (jcnvier). — Marie et Horteuso Manciiii,
(1) Ragotzky était depuis lonj^temps membre de
la Toison d'or.
^V.p. lai).
270
HISTOIRE DU XVI*" ARRONDISSEMENT
nièces de Mazarin, quittent la Visitation de Qiail-
lot, oii elles aTaient été pensionnaires pendant
deux ans, ponr rentrer à la coor.
i657. — Mort de Nar|aerite-Thérèse Ranchin,
veuve Vanel, qui avait fait à ses frais transformer
en chapelle de la Vierge un pavillon situé au bas
du jardin, à plus de cent marches au-dessous des
bâtiments du couvent. La veuve Vanel, qui n'avait
été (^ue novice, reçut le voile le jour de sa mort.
i658. — Séjour pendant un an, au monastère
de Chsillot, de la princesse Louise, palatine de
Bavière, nièce de Henriette de France.
i659. — Henriette de France reçoit le bref de
la béatiBcation de saint François de Sales.
1659 (22 juin). — Mort, à Fâge de trente-six
ans, de sœur Marie-Cbristine-Emmanuelle de
Morlemart, fille de Gabriel de Rochechouart, duc
de Mortemart, gouverneur de Paris, et sceur aînée
de M"^" de Montespan, de M™" de Thianges et de
la célèbre abbesse générale de Tabbaye et ordre
de Fontevrauld.
4661 (fin). — Prise d^habit de Jeanne-Thé-
rèse-Angélique de Mesmes, fille d'Antoine de
Mesmes, ancien prévôt des marchands et président
à mortier ; en présence de trois reines : Anne
d'Autiiche, Henriette de France et Marie-Thérèse.
Sœur J.-T.-A. de Mesmes mourutàChaillot, le
18 janvier 1709, Agée de soixante-trois ans.
1665 (janvier). — Mort de M"« de La Fayette,
supérieure, belle-sœur de la comtesse de La
Fayette, si connae par ses écrits.
1666 (20 janvier). — Le iour même de la
mort d'Anne d'Autriche, M"" Claire-Angélique de
Beauvais, première femme de chambre en survi-
vance et amie de la reine défunte, se retire à la
Visitation de Chaillot, où trois fois elle fut élue
supérieure, et mourut le 23 novembre 1709, âgée
de soixante et onze ans.
1666. ^ M""» de Motteville, confidente intime
d'Anne d'Autriche et auteur des Mémoires pour
servir à l'histoire de cette reine, se retire à la
Visitation de Chjiilot, dont elle est nommée bien-
faitrice séculière.
1669 (10 septembre). — Mort d'Henriette de
France, fondatrice du monastère où elle avait sou-
vent vécu depuis 1653 environ.
1669 (16 novembre). — Rossuet vient pronon-
cer la magnifique oraison funèbre d'Henriette de
France, en présence des principaux personnages
de la cour.
1671 (février). — M"« de La Vallière se réfu-
gie au monastère de Chaillot ; Louis XIV vient l'y
chercher et l'oblige & revenir à la cour.
1674 (avril). — M^*« de La Vallière se retire
pour la seconde fois à la Visitation de Chaillot,
d'où elle part le 20 avril, pour entrer aux Carmé-
lites de la rue Saint-Jacques.
1678 (fin février). — La duchesse de Noailles,
mère du futur cardinal archevêque de Paris et
ancienne dame d'atour d'Anne d'Autriche, se re-
tire au couvent de Chaillot, après la mort de son
mari, et y reste pendant quelque temps.
1680 (29 janvier). — La reine Marie-Thérèse
visite le monastère et assiste aux offices de la fête
de saint François de Sales.
1680. — Le second marquis de Richelieu, sui-
vant le mauvais exemple de son père, enlève
la fille d'Hortense Mancini, nièce de Mazarin.
168i (21 novembre, fête de la Présentation).
— Bourdaloue vient prêcher.
1686 (mai). — Les visitandines de Chaillot
obtiennent le droit de moyenne justice.
1686 (30 décembre). — Bourdaloue prononce,
en présence de François de Harlay de ChampvaUbn,
archevêque de Paris, le sermon de profession de
M'*** Marie-Gabrielle de Frémont, fille du bienfai-
teur du couvent, garde du trésor royal. Sœur
M. G. de Frémont mourut à Chaillot le 22 dé-
cembre 1713.
1689 (26 février). — Jacques II devant partir
le surlendemain, pour tenter de reconquérir sod
royaume, vient faire ses adieux aux religieuses
de la Visitation de Chaillot.
1689 à 1718. — Marie d'Esté, reine d'Angle-
terre, femme de Jacques II, fit dans cet espace de
temps de nombreuses retraites au monastère do
Chaillot, qu'elle combla de bienfaits.
1689. — Marie d'Esté remet le voile iM"« Ma-
rie-Béatrice de Lévis, qui mourut à Chaillot le
7 février 1720.
1691 (20 février). — Bourdaloue fait un ser-
mon de profession pour une jeune fille noble, à
laquelle Marie d'Esté remet le voile (1).
1692 (24 novembre). — La mère Priolo, su-
périeure, les sœurs Claire-Angélique de Beauvais,
Marie-Constance Gobert el Marie-Elisabeth Le-
moine sont appelées à Saint-Cyr par Louis XIV
et M"^*^ de Main tenon pour organiser cette maison
naissante. M"^° de Maintenou vient elle-même les
prendre en carrosse au couvent de Chaillot. La
mère Priolo, fille do diplomate et lettré de ce nom,
resta seize mois à Saint-Cyr.
1693 (22 août). — Les visitandines obtiennent
le droit de basse justice et Tunion du fief dit de
Longchamp à celui de Chaillot.
lo94 (fin mars). — M'"** de Maintenou, recon-
naissante, ramène elle-même de Saint-Cyr la mère
Priolo et la sœur Claire- Angélique de Beauvais.
1695. — La princesse Conti, petite-fille du
grand Coudé, remet le voile à une jeune fille
noble. Dom Thomas de Champigny, supérieur des
barnabites de Passy, prononce le sermon de vé-
ture. Il est bon de rappeler, à cette occasion,
que les barnabites de la paroisse de Passy
venaient souvent officier chez les visitandines de
Chaillot.
1696 (fin août). — Bourdaloue vient pronon-
cer le sermon de profession de M'^'' Marie-Char-
lotte Chassepot de Beaumont, fille d'un conseiller
à la Grand Chambre du Parlement de Paris ; ce
fut encore la reine d'Angleterre, Marie d*£ste,
qui remit le voile. Sœur M.-C. de Beaumont
mourut à Chaillot au mois d'août 1721.
1698. — Mort de Louise-Antoinette Ck)lbert,
supérieure, sœur du célèbre ministre.
1698. —Il y eut à la Visitation de Chaillot,
dans le courant de cette année, une cérémonie des
plus touchantes. M^*" Gabriel de la Roquette,
cvêque d'Autun, y donna solennellement la con-
(1) On trouve ce sermon dans les opuvres com-
plèles de Bourdaloue, mais sans le nom de la
jeune professe.
^mr*f
ANNEXES
271
firmatioa à près de deax cents soldats de Thôtel
royal des Inralides (1).
1700 (commencement de Tannée). — Mme de
Maintenon ramène elle-même les denx religieuses,
Marie-Constance Gobert et Marie-Elisabeth Le-
moine, qni étaient restées plus de sept ans à
Saint-Cyr pour Torganisation de cette maison.
ilOO (15 août, fête de l'Assomption). —
Bourdaloue Tient prêcher.
1700 (20 novembre, veille de la Présentation).
— Massillon vient prêcher.
1700. — Mlle Magne Nompar de Canmont La
Force, la plus jeune des filles au duc de La Force,
rentre an couvent de Ghaiilot ob elle avait été
élevée et s*y fait religieuse. Ses deux sœurs, Char-
lotte et Suzanne, y avaient été élevées également ;
Charlotte était alors religieuse à Evreux, et Suzanne
à Saint-Denis.
1 70S (1 9 septembre). — Service extrasolennel en
musique pour 1 anniversaire de la mort de Jacques II,
célébré par le cardinal de Noailles, archevêque de
Paris, en présence de plus de vingt-cinq arche-
vêques et evèques, de la maison de Louis XIV, et
de celle de Marie d*Ëste, veuve de Jacques U.
1702 (17 novembre). — Le corps du maréchal
de Lorges, mort à Pans le 22 octobre, est apporté
des caveaux de Saint-Roch au monastère de la
Visitation de Chaillot pour y être inhumé. U avait
été bienfaiteur du couvent, où sa fille était alors
aspirante religieuse, avait contribué avec son
beau-père Nicolas de Frémont, garde du trésor
royal, à Térection de la nouvelle ^lise ; aussi les
reusienses firent-elles sculpter ses armes et celles de
sa femme dans le fronton du principal portail. Le
maréchal de Lorges était neveu de Turenne, et
beau-père de Saint-Simon et du duc de Lauzun.
Son cœur avait été donné aux Bénédictines de
Conflans, près Paris.
1 703. — Des voleurs pénétrèrent de nuit dans
le couvent, mais ne trouvèrent à emporter que
huit cuillers d*argent, oubliées au réfectoire. Vo-
leurs volés!
1703 (1*' mari). — Bourdaloue fait le sermen
de profession de Mlle Louise-Gabrielle de Durfort
de Lorges, fille du maréchal et belle-sœur de Saint-
Simon et du duc de Lauzun. La reine Marie d*Ëste
lui remet le voile.
1703 (il novembre). — Ms*" A. Anselme pro-
nonce Toraison funèbre du maréchal de Lorges.
1706 (29 janvier, fête de saint François de
Sales). — On célèbre la messe pour la première
fois dans la nouvelle église à peme terminée. Le
soir, aux vêpres, Massillon vient prêcher.
1709 (dimanche des Rogations). — Prise de
voile de Marie-Paulede Douglas, fille orpheline de
lord Dumbarton, noble d'Ecosse, qui avait suivi
Jacques II en France. Sœur M. P. de Douglas
mourut à Chaillot le 17 octobre 1710, à peine
âgée de vinfft ans.
1709 (fixi). — La princesse de Condé, Anne
de Bavière, dite la princesse Palatine^ mère de
la duchesse du Maine, étant devenue veuve, vient
fi) En 1678. l'église de riiôtcl royal des Invalides
n'elait pas terminée et ne le fui guère que vers
1706 ; la cérémonie dont nous parlons n'aurait
(fooc pu s'y célébrer.
choisir un appartement dans le couvent, jpour s*y
retirer de temps en temps. Mourut en 17^3.
1710 (14 juin, veille de la Sainte-Trinité). —
Bossuet dit la messe, en présence de Marie d'Esté
et de la princesse Louise, sa fille, pour la célébra-
tion solennelle du centenaire de la fondation de
rOrdre. D'autres cérémonies eurent lieu les jours
suivants.
1714 (18 avril). — Mort, à Tâge de 70 ans,
de sœur Marie-Françoise de Harlay, fille du cé-
lèbre premier président Achille de Harlay et
d*Anne Madeleine de Lamoîgnon.
1717. — La princesse Ragotzky se retire au
monastère de la Visitation de Chaillot, ou elle
meurt le 18 février 1722.
1718 (fin). — Louise-Françoise de Bourbon,
fille du duc du Maine, âgée de onze ans, entre
comme pensionnaire à la Visitation de Chaillot, où
elle reste quatre ans et demi. Le duc et la du-
chesse du Maine firent beaucoup de bien au cou-
vent.
1721 (fin novembre). — Le fameux Cartouche,
mis à la question, avoue qu'il est entré dans
réglise du couvent avec l'intention d'y voler la
lampe du chœur, mais qu'au moment d'accomplir
son sacrilège, il en a été empêché par une puis-
sance invisible et s'est senti saisi d'un tremble-
ment général.
17â (17 juin). — Mme de Ventadour, gou-
vernante des Enfants de France, vient au couvent
de la Visitation avec l'infante d'Espagne, Marie-
Anne-Victoire, alors âgée de cinq ans, et accor-
dée de Louis XV. La supérieure offre à la reine
de France en perspective un enfant Jésus en cire.
€ Marnant dépéckons-notis, dit la fillette pres-
sée à Mme de Ventadour, en pensant à Louis XV,
mon mari m'attend (1). »
1723 (9 octobre). — Mort de sœur-Thérèse-
Séraphique de BuUion, fille de Ch.-Denis de Bul-
lion, prévôt de la ville, prévôté et vicomte de
Paris, et sœur de la duchesse d'Uzès. Elle était
entrée dans la maison vers 1695, à l'âge de neuf
ans, et avait pris l'habit vers 1704.
1727 (9 septembre). — On apporte le corps de
la maréchale de Lorges, et on 1 inhume auprès de
celui de son mari.
1728 (6 juin). — Mort de Louise-Henriette de
Bullion-Montlouet, religieuse, âgée de soixante-
douze ans et professe depuis cinquante-cinq ans.
Etait fille de François de BuUion, président au
Parlement de Paris et surintendant des finances.
1735. — La veuve du récent se retire à la
Visitation de Chaillot, mais dans un pavillon à
part, attenant au mur de clôture. Elle y fait de
fréquents séjours et, malgré ses bizarreries de
caractère, sait être généreuse pour le couvent.
17J^9 (17 janvier). — Un ouragan épouvan-
table enlève presque toutes les toitures des bâti-
ments, brise les vitres et endommage fortement
les murs de clôture. Les dégâts sont estimés à
plus de 7.000 livres.
1763 (23 décembre). -^ Mort de Louise-Ga-
(1) Le 5 avril 1725, sous prétexte d'une trop
(grande diflérence (l'âge avec Louis XV, la jeune
infante fut renvoyée à son père Philippe v, et,
dans le courant de la même année, le roi épousa
Marie Lcczinska.
272
HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
brielle de Dorfort de Lorges, fille da maréehal de
Lorges. Elle avait été supérieure pendant vingt-
quatre ans.
1767 (17 février). — Mort de Mane-Thércse
de Bullion, religieuse, fille de Ch.-Denis de Bul-
lion, prévôt de la ville, prévOté et vicomte de
Paris, et sœur de la duchesse d*llzès.
LISTE DES SUPÉRIEliRES
LVIrrlion i'Uùi triennale et renonvehible. et se foi-
bail ^cnérulemenl le juur de Fascension.
Hélène-Angélique Lhuillier. De 1(55i au
!25 mars 1655, jour de sa mort; avait été supé-
rieure au couvent de la rue Saint- Antoine, avant
de venir h Chaillot.
Louise- Angélique Motier de la Fayette. De 1655
à 1661.
Marie-Elisabeth de la Sourdière. De 1661 à 1664.
Louise-Angélique Motier de La Fayette, réélue
en 1664, mourut en janvier 1665.
Anne-Marie Bolain. De 1665 à 1671 .
Madeleine-Eugénie Bertaut, scur de Mme de
Motteville. De 1671 à 1673, date de sa mort.
Françoise-Angélique Priolo. De 1673 à 1679.
Etait Talnéi'des trois filles du savant Priolo qui
avait rempli diverses missions et écrit en latin
une histoire de France allant de 1644 à 1664.
Louise-Antoinette Colbert, sœur du célèbre
ministre. De 1679 à 1682. Mourut en 1698.
Françoise- Angélique Priolo (3** fois). De 168S
à 1685.
Marie-Louise Croyset. De 1685 à 1691.
Françoise- Angélique Priolo (4*^ et 5^ fois). De
1691 à 1695. Pendant ce temps passa seize mois
à Saint-Cyr pour organiser cette maison naissante,
et fut alors remplacée par Anne-Elisabeth Moufle.
La mère Priolo mourut le 31 mars 1710.
Claire-Angélique deBeauvais. Du29marsl695
à 1703.
Marie-Constance Gobert. De 1703 au 27 oc-
tobre 1706, date desamort.
Claire -Angélique de Beauvais, réélue pour la
4^ fois le 9 novembre 1706, mourut supérieure
le 28 mars 1709.
Anne-Elisabeth Moufle (2« fois). De 1709 à
1715. Mourut le 4 novembre 1719.
Anne-Charlotte Bochard de Saron. De T Ascen-
sion de 1715 an 16 mai 1718.
Catherine- Emmanuelle de Kichebourg. De l'As-
cension de 1718 à 1720.
Anne-Charlotte Bochard de Saron (2" fois). De
1720 à juillet 1723.
Jeanne- Françoise Le Vayer. De juillet 1723 au
3 juin 1725, date de sa mort. Née en 1683, elle
était fille d'un maitre des requêtes, intendant du
Bourbonnais, et, de plus, savant écrivain juriscon-
sulte.
Anne-Charlotte Bochard de Saron (3^ fois). De
juin 1725 à 1728. Mourut le 31 juillet 1729.
Catherine-Emmanuelle de Kichebourg (2*^ fois).
De juin 1728 à 1731. Mourut le 7 juin 1738.
Louise-Gabrielle de Durfort de Lorges, fille du
maréchal. De 1731 à 1737.
Marie-Séraphine Damiette. De 1737 à 1740.
Louise-Gabrielle de Durfort de Lorges (î^ fois).
De 1740 à 1746.
Marie-Séraphine Damiette (2« fois). De 1746
à 1749.
Uuise-GabrieUe de Durfort de Lorges (3* fois).
De 1749 à 1755.
Marie-Séraphioe Damiette (3* fois). De 1755
à 1758.
Louise-Gabrielle de Durfort de Lorges (4* fois).
De 1758 an 23 décembre 1763, jour de sa mort.
Avait été vingt-<iuatre ans supérieure.
Marie-Séraphine Damiette (4« et ^^ fois). De
la fin de 1763 à l'Ascension de 1770. Mourut le
8 août 1770, Affée de soixante-huit ans.
Anne- Madeleine Chalmette. De 1770 à 1776.
Marie- Gabrielle Roslin. Supérieure de 1776 à
1779, au moins.
PRINCIPALES INHUMATIONS (1)
hvH cccui-s deH Sliiarts étaient déposes sur la tri'
bune du chirur do l'église, et le caveau mortuaire
des autres personnages et des religieuses était
sous l'église.
Noie. — Le recueil des Letlre» circulairex de la
Visitation de (Ihaillot, que possède In Bibliothèque
Nationale, s'arrétnnl ii 1779, et les dilTéreoles mai-
sons de la Visitation auxquelles je me suis adressé
n'en possédant pas éf^alenient de postérieures à
cette date, il m'a été impossible d'établir la liste
des supérieures des on/e dernières années.
Marie-Christine-Emmanuelle de Mortemart, re-
ligieuse. 22 juin 1659. Fille de Gabriel de Roche-
chouart, duc de Mortemart, gouverneur de Paris,
et sœur aînée de Mme de Montespan, de Mme de
Thianges et de Tabbesse générale de Fonte vrauld.
Mme Cognet, première femme de chambre et
amie de la i^eine d Angleterre, Henriette de France.
30 juin 1659.
Henriette de France, fille de Henri IV et veuve
de Charles l*^** d'Angleterre. Fondatrice du monas-
tère, 16 novembre 1669. Son cœur et ses en-
trailles.
Charles II, Stuart, roi d'Angleterre, fils aîné
de la précédente. 1685. Son cœur.
Louise- Antoinette Colbert, supérieure. Sœur
du célèbre ministre. 1698.
Jacques II, roi d'Angleterre, 1701. Son cœur.
Gui-Aldonce de Durfort, duc de Lorges, maré-
chal de France et neveu de Turenne. 17 no-
vembre 1702. — Sa femme, Geneviève de Fré-
mont fut inhumée auprès de lui le 9 septembre 1 727 .
— Leur fille, Louise-Gabrielle de Durfort de
lx)rges, qui avait été supérieure du couvent pen-
dant vingt-quatre ans, fut mise auprès d'eux, le
24 décembre 1763.
Geneviève Durand, femme de Nicolas de Fré-
mont, garde du trésor royal. 19 aoilt 1763. Son
cœur. Etait la mère de la maréchale de larges et
contribua, ainsi que son mari, à la reconstruction
de l'église. — Sa seconde fille, Marie-Gabrielle
II) Nous croyons devoir republier celte liste,
Mins laquelle notre monographie serait incom-
plète.
de Frémont, religieuse da coavent, y avait êlè
iobumée le 3^ décembre 1713.
JeaDiie*Thércse-Aiigéli(jue de Mesmes, reli-
gieose, fille d'Henri- A atome de Mesmes, iDcien
prévnt des marchands et président à martier.
18 janvier 1709.
Louise-Marie Sluart, fille de Jacqaes II et de
Marie d'Esté. 1712. Son crrur.
Marie- t'rançoiM de Harlay, religieoM. Fille
d'Achille de HirUy, célèbre premier président au
Parlement de Paris. 18 avril 1714.
Maria d'Esté, reine d'Angleterre, seconde
XES 273
i laquelle elle luccédait. Pendant longtemps il n'j
eut entre le Cours la Reine et les buttes ani se
trouvaient i l'entrée de Paasy. et qui sont dere-
nues Je Trocadéro, que la manuraeture de la Sa-
vonnerie, une verrerie et l'hôpital dont nous par-
lons plus loin.
Lorsque Henri IV élaldit à Paris et dans quel-
Snes autres villes des manafaetores de tapisserie,
anoblit les directeurs étrangers de ces manufac-
tures et les eiempta des droits d'aubaine, eux et
tous les ouvriers qui viendraient do debors tra-
vaitler sous leurs ordres. Une bonne partie du
f,n Savonnerie au xvn* kIècIi'.
(Archives de la Société.)
fenuM de Jacques II. 9 mai 1718. Son corps, i
part son «turet une partie de ses entrailles.
rJtarlotte- Amélie Ragotzky (princesse). 16 fé-
vrier 1722.
Anne-Thérèse-Séraphiquede Bnllion, religieuse.
fille de Ch. Denis de nullion. prévôt de la villn,
préviMé et ^icamté de Paris, 9 octobre 1723.
Marie-Th'rése de Bullion. religieuse, sii-ur de
la précédente. 17 février 1767.
Loaise-Henrietle de Butliun-Montlouet. reli-
gieuse, fille de FrBni;ois de Bullion-Montlouet,
président an Parlement de Paris et surintendant
des finances. Mourut le 6 juin 1728, i soiiante-
doDwans, professe depuis cinquante-cinq ans.
Lëomlo m* a.
LA MARUFACTURE 01 TAPIS
DE LA SAVONNERIE
C'est sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui
la Manutention militaire, quai Debilly, que fut
éUblieaucomuteneemeatdaivii' siècle, vers 1607,
la célèbre manufacture de tapis appelée la Savon-
Derie. Ce nom lui venait d'une fabrique de savon
personnel de la Savonnerie, qui fabriquait des
tapis à l'imitation de mux de Perse et de Turquie,
durent bénéficier de cette prérogative.
La Saronnerie était le but d'une des promenades
favorites de Louis Xlfl enfant; on l'y conduisait
soit en carrosse, soit en bateau.
Pierre Dupont fut le premier directeur de la
manufacture de la Savonnerie. En1663,lerameui
Colbert, le Mécène de son siècle, l'ami de tous les
arts, organisa cette fabrique d'une façon toute
particulière ; par la suite, elle fut négligée, mais,
sur la fin de 1713. de PardaiUan, dnc d Anlin, en
fit réparer les bâtiments et lui rendit tonte sa
splendeur et toute son activité.
Pierre Dupont a écrit dans son livre de la Slro-
maUmrgie ou de l'Ejxeilfnce de la manufac-
ture dei lanis diU de Turi/uie (1632) un récit
complet de la fondation de cet éttbIissemenL
Nous De pouvons mieux faire que de laisser k
celui-U même qui provoqua celle fondation le
soin d'exposer, dans un langage pittoresque et
animé, l'ori^oe et les premiers développements de
la Savonnerie.
< S'étant adonné à rillumioure, feu madame
de Chasieaunenf (que Dieu absolve), comme elle
estolt dame très vertueuse et adonnée du tout à
la piété et dévotion, prit le dit Dupont t son ser-
vice pour loy faire quelques paires d'heures dll-
2^4 "•**■
fur aussi à la dite itmt, quelque temps tpris
(comme ï la plus coneuse de Paris). qnelôuM
escbaotilloDs de toutes sortes d'ouvrages de Tur-
quie faicta d'or, d'ai^ent, de so;e et laine, les-
quels comme chose non encore vené, elle présenta
i la Royne mère qui les fît roir tout à l'heure an
feu Ro; : lequel peu de jours après, allant voir
les peinturea de sa gallerie et de sa sale des anti-
ques que feu M. Bunel son peiolre faisait alors, et
1 XVl' ARHOMIISSEMENT
des logis de dessous sa gallerie avec un attelier 1
cosii pour ledit Dupont : pour estre comme une
pépinière d'ouTrien de la dite manufacture, ce fut
en l'an 1604. Auquel lien il a loajoars fait u
demeure depuis le temps et y a initruit Dlusieon
apprentils, suivant le commandement qu'il eu avoît
reteu de Sa Majesté ainsi qn'il fait eacore i pré-
sent.
< Or le feu Ro; venant un jour voir ud em-
Dc Pardaillan, duc U'Antin.
(D'apr«!i iiiic repraductluii photographique [aile par l'auteur
entrant en la maison du dit Bunel. vit un tonds
de chaise faict d'ouvrage de Turquie, que le dit
Dupont y avoit laissé et se resouvenant de ce que
feu HadamedeChasteauoeur en avait rapporté à la
Royne commanda ii feu M. de Fourcy, intendant
de ses bastimens et manufactures, de faire venir
ledit Dupont en aa préseoce, ce qu'il St le lende-
main en la gallerie haute.
< Venu donc ledit Dupont, il présenta 1 Sa
Majesté un quarreau faict de soye et or, avec une
chaire faicte de laine dudit ouvrage de Turquie
<fue Sa Majesté eut très agréable et commanda sur
1 heure au dit sieur de Fourcy de faire bastir uo
meublement qui se laisoit alors pour son service
qui e^loit d'or et de soye et qui est aujourd'hui
dans l'hostei du Luxembourg, promisl, en la pré-
sence de beaucoup de Seigneurs, d'eslablir la dif
maiiufaciure par toute la France, ainsi qu'il avut
faict celle des tapisseries de Flandres, de l'or m
Milau, des estones de draps d'or et de aoye «'
d'autres, affin (comme il diaoit) d'emçeaeher 1*
transport de l'or et de l'ar|;ent qui se fait hors da
pays par le tratfic continuel des dites estolTes et
par ainsi enrichir la pairie et faire travailler iK"
intinité de fainéaDS et de fagabonds.
* Mais la mort Inneste de ce yrand IIIoiian{ae
ayant donné fin i ses braTes et généreux desscâns
airesla par [tej nesme moveo ledit Dupont enses
entreprises. TaQlefois, sçachani que les Rojs ne
meurent point, il s'adressa au Roy i présent ré-
gnant en l'année 1t>96 venant veoir les ouvraeea
(jni se faisoient pour Sa Majesté, et luy lit entendre
quelle avoit esté la dèlibèralion du fea Roy pour
l'establissement de ladite manufacture luy en pro-
posant les moyens faciles par la mètode d'ensei-
gner audit ait les enfaas qui demeuraient dans les
hospiiaai et les tilles pareillement en plusieurs
antres oarrages, ce que ledit Dupont prometloit
et promet encore faire.
< Auquel Sa Majesté commanda d'en adresser
la Requeste à son Conseil,' affin d'v estre mesme-
ment ponrven. Ce ifu'ayant délibère faire ledit Du-
pont et jugeant qu'il ne pourroit exécuter luy seul
une charge si onéreuse n'ayant encore aucun de
ses enfants en aage compétent pour luy ayder :
s'assodai an qui aToît esté son apprenly nommé
Loordel arec lequel et conjoinctement il présenta
la dite Requesle au Conseil.
c Et pour parvenir i cest eiïect, ledit Dupont
et Lourdet allèrent trouver M. de Foorcy qui avoit
la charge de feu son père, lequel les présenta à
H. Auberg, conseiller d'Estat. avec la dite re-
queste pour en faire son rapport au dit Conseil.
Ce qu'il fit et a fait depuis avec tant de probité et
d'équité et avec tant de circonspection au bien
public de la patrie qu'il s'est montré un rempart
tellement inexpugnable contre les orages de l'envie
et de la mesdisance de quelques-uns qu'il en a
obtenu les articles et arresls survenus par sa seule
diligence ainsi qu'ils se peuvent icy voir avec la
suite d'une infinité de traverses qu'ils ont rencon-
trez en quelques endroits. >
Pierre Dupont et Simon Lourdet sont, en effet,
les premiers fondateurs de la Savonnerie; mais
bénéllciant de l'antériorité du brevet, Dupont doit
en être considéré comme le premier directeur.
La Savonnerie était une de ces manufactures
que le roi Menri IV avait fondées pour affranchir le
royaume de l'indoslrie étrangère qui tendait à
l'envabir. Hais la mort du bon roi la fit abandonner.
Marie de Hédicis, pour utiliser le local qui avait
été loué i un sieur Isaac-Martin Haunoir, y éta-
blit uQ hApital d'orphelins et enfants abandonnés,
comme en témoignait publiquement une plaque de
marbre placée sur la porte de la chapelle et por-
tant l'inscription suivante :
La très ADi-.usTE HAttiE de Médigs
K ESTABLI CE UEli DE CHARITË l>l>i;i
Alimentez, eutretedus eti
Les enfants tirez des hôfitaux
E Dieu l
CEl6t5
Le brevet de fondation de l'établissement stipule
eo effet que les enfants y seront instruits en la
crainte de Dieu et i faire plusieurs ouvrages de
toile et autres.
Sons la direction habile de Simon l.ourdel, les
CBS sy5
ouvriers de la Savonnerie ne lardèrent pas i ac-
quérir une grande habileté i lenra ouvrages. Eo
16.S9, Lourdet reçut la commande de deux tapis
pour la Reine et en 1665 un tapis pour la galerie
d'Apllon. Trois ans après, Philippe Lourdet, qui
avait succédé k aonpére, faisait commencer l'exé-
cution du célèbre tapis de la grande galerie dn
Louvre. Ce tapis, qui ne fut achevé que vers la fin
du règne de Louis AlV, se composait de 93 pièces
variées, comprenant : médaillons, armoiries, tro-
phées, paysages, (leurs, de 7 aunes et demie de
longueur sur 4 à 5 de largeur chacune et formant
dans l'ensemble une vaste composition générale.
Philippe Lourdet mourut en 16T1. Sa veuve.
Armes du duc U'Antiii.
IDessin de H. Mar.)
Jeanne Haffrey, lui succéda avec le titre de « Ta-
pissier et directeur de la Manufacture de ta Sa-
vonnerie >. Louis Dupont, qui avait bérilè des
privilèges de son père, s'installa i la Savonnerie
et travailla dans des ateliers distincts de ceui de
la veuve Lourdet. A la mort de la veuve Lourdet,
survenue en iH'i, un nommé Sauvain dirigea
pendant un an son atelier ; puis Louis Dupont
réunit sous sa main tous les services et resta 1 nni-
que directeur. En ilH. Jacjnes de Nourville
succéda i Dupont. Sous cette direction, la Savon-
nerie reçut de nombreuses commandes et produisit
comme ijcuvres principales no tapis pour la chambre
du roi (1734), an tapis pour la salle du trAuei
Versailles (1726), un tapis pour le salon de la
Muette (1733), etc.
En 1743, Duvivier succéda comme entrepreneur
è de Nourville. La manufacture exécuta à cette
époque des lapis pour Trianon et C.hoisy, dont
Gravelot, Chevillar et Terrier avaient fotiroi let
modèles, pour la marquise de Pompadour un
meuble fort important composé de 3 canapés de
14piedsde long. Sfauteuils et 1 écran d'après let
dessins de Chevillar.
Il fut (|uestion k un moment de transporter la
Savonnerie près des Gobelins ; mais le directeur
des bâtiments du roi objecta d'une manière asget
plausible que, changer pour changer, il vaudrait
mieux établir tes Gobelins près de la Savonnerie,
car. disait-il, si les Gobelins étaient situés dans
an quartier moins perdu, ils seraient visités par
276
les gens qualifiés et opulents qui sont sans cMse
sur la route de Paris à Versailles.
La Savonnerie resta doue i. Cbaillot comme au-
pararant. Il paraît, cependant, certain quo, dès
1738, elle arait cessé de s'administrer eile-mème.
KUe n'eut plus de directeur propre, et le direc-
teur des Gobelius en recul la direction.
En résumé, la Savonnerie, depuis
jusqu'à la RéroIntioD, a tenu dans l'indi
HISTOIRE DU XVl' AHRONDtâSEMENT
culés de 1S04 A iSU. Le tapis du gnoA cabiHt
de l'empereur, allégorie des cohortes de la L^ofl
d'honneur, dont quelques fragments décorent in-
jourd'hui le paUit de la grande cbancellene. I«
tapis de lacbambre de l'impératrice iSaint-Cload,
le lapis de la salle dite des Enfants de France,
aux Tuileries, qni tut achevé sous ta RestauratiiHi,
le tapis de la chapelle des Tuileries, fureit an
nombre de ces ouvrages.
Atelier de le Savonnerie à la Manuraclure des Gobclins.
(Reproduction pholographiqiiL- de l'aulour.)
nationale une place très honorable, mais de second
ordre an point de vue de l'importance de la pro-
duRlion. Grâce aui documents des Archives na-
tionales, on a pu faire le compte frénéral da
cette production, de 1743 à 17ti6; il s'élève A
1.061.274 livres.
Le Consulat ramena un peu d'activilé dans la
manufacture, et l'Empire lui rendit toute sa pros-
périté du xvii< siècle par des commandes multiples
et par l'oetraî d'un budget régulier et considé-
rable. Percier, Ventame et Lagrenèe fournirent
les modèles des grands ouvrages qui y furent ené-
Le IS février 1836, la manufacture royale d«
la Savonnerie quittait les vieux bâtiments de Chail'
lot, ou elle avait été établie. Elle avait été rénnie
par ordonnance du roi en date du 4 mai 18^ ft
la manufacture des Gobelins, ou elle devint un
simple atelier spécial sous une direction unique.
A partir de ce moment, l'histoire de la Savonnerie
se confond avec celle des Gobelins et n'a plus d'in-
térêt ponr nous, puisque cette manufacture est
transférée dans nn autre quartier, le XUl* arron-
dissemeal, dont nous n'avons pas i nous occuper.
Nous ne devons point pour cela mépriser la Savon-
nerie, qai complète si henrensemeat la mantirac-
ture Dationale de (apissertes et i]ui a produit tant
de lermeiUes. Sa dieptritioD. si jamais elle avait
lieu, serait oa désastre artistique pour uotre pajrs.
La graTorequi précède reproduit l'atelier de la
SaTannerie (1889) k la manufacture des Gobelins,
dont il formt une division spédale.
C'^FuNiiiDDErÊcLisEDEFtHiitEn deFëiji.
LOUIS XIII AU XVI" ARRONDISSEMENT
Jeau Héroard, médecin ordinaire, rooseillei' et
secrétaire de Henri IV, pais i^emier médecindo
dauphin {l>onis XUI), a noté jour par jour tes
moiodres faits et gestes de ce dernier et auguste
clientidepnb le jour de sa naissance, 37 septembre
1601, jusqu'au mois de janvier 1638. Dans le
Louis Xlll en i6a3.
[Porlrsil par Sébasli
grand nombre dr menus détails relatés i son
Journal, on en trouve d'assez intéressants. On y
aiiprend entre antres choses — fait précieux pour
l'histoire! — <\ae Dotre petit dauphin u'aimait
pas l'ail, contrairement i son père, qui en abusait;
qu'il était bien souvent fouetté et refonetté, même
Car le bon roi Henri ; c'était alors la correction à
I mode, correction que le petit prince, fort vo-
lontaire et fortcolére, ne mentait que trop souvent.
Ce qu'on j apprend surtout, c'est qu'u aimait i
venir se promener et chasser dans notre région,
et Toici, classées chronologiquement, le détail des
diverses visites qn'il nous fit.
Lesamedi SSaoùtiSOi, le dauphin coucheï
Saint-Cloud ; le lendemain il est ramené en litière i
Paris. Le tlls de Sully, accompagné de soixante
277
chevaui, vient au-devant de lutïChaillot.HenrilV,
qui était alors i Fontaineblean, avait envoyé
1 ordre à Sully de faire traverser Paris i son ttls
pour satisfaire la curiosité des Parisiens.
Mercredi iO septembre 1608. — Le dauphin
arrive i Qiaillot. dans la maison de Mme la com-
tesse de Cuichen (la belle Corisande. ancienne
maltresse de son père, oCi la reine Marguerite
vient le voir. U reste dans cette maison jusqu'au
vendredi 1 "î. Le jeudi 1 1 , il était sorti par le parc,
avait poussé jusqu'au couvent des Bonshommes, y
était entré par la grande porte et, après avoir
visite le cloître et ta bibiothéque, y avait entendu
la messe. .\u moment de sortir, les Pèreslui avaient
oOert deux plats de prunes et un de leur pain.
Mercredi i5 mars ifi09.— Le dauphin est mené
an parc du château de Madrid, qui appartenuit
alors & la reine Marguerite, [vemiére femme de son
père. 11 y godte cbez le concierge, puis se rend i
i'abhaye de Longchamp.
Vendredi 11 septembre 1609. — Le dauphin,
d'après l'ordre du roi, est mené i Chaitlot pour y
voir son frère le duc d'Anjou (1 ) et Mesdames ses
sœurs, qui y étaient arrivées la veille. Il goAte avec
eux. Henri IV et Marie de Uédùis viennent In
rejoindre. Mais la petite fête de famille ne fut pas
complète, le jeune duc d'Oriéans (4) ayant dû rester
i Saint-Germain, retenu par un Dui de ventre.
Vendredi HO lumembre 1609. — Ledaupbinva
courir un loup dans la garenne du chiieau de
Madrid.
JfUfJt/Jjiiniûr/fiyO.— Le danphin va chasser
dans le parc du château de Madrid et, moaté sur
sa petite baquenée baie, «ourre deux lièiTes. La ploie
et la grêle surviennent;!! ploppe pour pgmr la
cbltean, mais y arrive tellement trempé qu'il lui
faut changer dechemise. L'orage passé, il remonte
ichevat et goûte, toujours à cheval, d'noe petite
tarte de massepain et de marrons rAtis dont
il avait garni ta pochette à son départ de Paris.
Samedi S4 amJfâfO.— Ledauphinestmeoé
en carrosse à la manufacture de tapis de la savon-
nerie (3). La concierge lui dit tnalaoroitement qu'il
n'est pas grand ponr son Ige et que son fils à elle
est [dus grand que lai. Il sort tout en colère, mur-
murant longtemps de U remarqne de cette femme.
De U, il se rend i Autenil au jardin de l'abbé de
: Sainte-tieneviève, monte à cheval et ; court la
poste, M. de Itissay faisant le postillon. Puis il y
goûte.
Mardi 4 mai IfilO. — Va à cheval chasser dans
le parc du chdleau de Madrid.
Lundi 11 mai m 10. — Sans rancune dupropoi
de la concierge, il retourne ila Savonnerie.
Trois jours après. le limai, son père est assas-
siné, et le mli roi (4).
Jeudi 10 juin IGIO. — Le te:nps étant très
(1) Gnaloniic Fmnrc Ir
uni pnr la tiiort île son Ti
i^ila d» litre ilc iluc cl'Oi
(i) DciiiiL-ine m» de 1!
le iluuil'Urléunali^-
1 IV. qui mourut ea
lmti«rorniùv en tniiniirnctiiro di- Inpla A In liirque
il SB lroiivnlt^iiri'i'mplai'i'm<-nlncru<-i(le In Me-
iiiiti'nli'iTi. nu iiiini île Iljllv.— V.nrlkle préccdent.
^'^S I.01IU xlll iiiulirut OKiiltnient un il m*l
278
HISTOIRE DU XVI** ARRONDISSEMENT
chaud, Louis, XIU s^embarque le soir et va jusqu'à
la Savonnerie. A 9 heures, il est également ramené
par eau.
Mardi 22 juin iôiO, — Louis XIU se rend en
carrosse à la SaTonnerie et s*y fait peser. Poids de
Sa Majesté : 53 livres.
Jeudi i$ juillet iSiO* — Mené en carrosse
au chftteau de Madrid, il y chasse le liè?re et Toi-
sean.
Dimanche i5 août i6i0, fête de V Assomp-
tion. — Louis Xlll est mené en bateau jusqu*à
Chailiot, et ramené au Louvre dans son petit
carrosse découvert, traîné par six bidets.
Samedi iS et mercredi 22 septembre iôiO.
— Uest mené en bateau couvert jusqu'au couvent
des Bonshommes.
Mercredi i5 décembre iôiO. — Louis XIÏI
est conduit en carrosse au bois de Boulogne pour
chasser le loup. 11 en prend deux. Ramené à
cheval, et tout joyeux de sa capture, il se met à
jaser avec toutes les personnes qu'il rencontre,
leur demande qui elles sont, où elles vont, etc.,
comme faisait son père.
Jeudi 23 décembre i6i0. — Chasse deux loups
au bois du château de Madrid et vole une cor-
neille.
Jeudi i*^ mai i6i4. — Va entendre les
vêpres au couvent des Bonshommes, puis se
rend à Auteuil, au jardin de M.Brouay;ilypèche
dans son petit vivier et déniche des merles.
Mercredi 28 mai i6I4. — Va entendre la
messe au couvent des Bonshommes, et de là se
rend à Saint-Cloud; revient par le bois de Boulo-
gne, où il chasse à Tarquebuse, tue quelques oiseaux,
entre antre un loriot et une orfraie.
21 octobre i6i4. — Louis XIU est déclaré
majeur.
Vendredi i9 décembre 161 i. — Louis XIU
se rend à Auteuil pour visiter une maison qu'il
désire acheter; il y joue longtemps, puis va se
promener au parc du château de Madnd.
Mardi 21 avril 10 il. — A une heure et demie,
Louis XIU monte en carrosse et se rend au cou-
vent des Bonshommes, où il fait conduire de
petites pièces de canon pour tirer aux corneilles.
Cette nouvelle sorte de chasse lui réussit un peu ;
il en tue une.
Samedi 15 juillet 1611, — Après avoir
donné audience aux ambassadeurs de Venise et de
Savoie, Louis XIU se rend au couvent des Bons-
hommes où il goûte, boit du vin clairet (1) et de
Teau dans son chapeau, et fait boire ainsi M. de
Guise et autres.
Mardi 25 juillet 1611. — Louis XIU se dirige
vers le couvent des Bonshommes et, pour la pre-
mière fois depuis qu'il est roi, se baigne à la
rivière, ce qui lui réussit assez mal, car il en revient
enroué.
Jeudi 18 janvier 1618, — Louis XIU sort de
Paris par la Porte-Neuve (2), va à pied jusqu'à
Chailiot, faisant mener son petit canon par ses
(1) Ce vin clairot devait probohlomonl provi'iiir
des coteaux de la rue Vineuse, apportenant alors
aux Bonshommes*
(a) Porte flnnciuéc d'une haute tour, qui séparait
le Louvre des Tuileries A la hauteur du guichet
du Carrousel.
petits gardes suisses. U se rend chez M. de Cas-
tille, qui lui lait faire une collation et lui donne
des petits canons de fer, fabriqués en Suisse. Le
lendemain, il va visiter entièrement le château de
Madrid, pour y faire choix d'un logement où il
vient s'installer le mardi suivant. De là, le jeudi
!25 janvier, il va se promener dans le bois jusqu'au
pavillon de la Muette, tenant on émérillon sur le
poing ; le lundi S9, reçoit les Notables qu'il avait
fait venir de Bouen, où ils étaient assemblés, et
leur donne brusquement leur congé, sans que l'édit
qui devait répondre à leurs cahiers eût été rendu.
Le mercredi 34, il va visiter la Volerie (i) de
Lonffchamp
Mardi 23 Juin 1620, — U se rend à pied des
Tuileries à 1 lie qui se trouve vis-à-visdu couvent
des Bonshommes, et y tue à l'arquebuse une grande
quantité de gibier. Mis en goût, il y revient deux
jours après, passe à Grenelle, revient pourpasser
l'eau, fait dételer d'un chariot un cheval aveugle,
l'attache à son petit bateau qu'il faisait toujours
porter dans une charrette, se met dedans, le fait
tirer par le cheval en amont de la rivière; mais
cet animal, se sentant battu aux jambes, se met à
courir et à s'écarter, si bien que le bateau se fût
renversé, si le sieur de Kéaux, lieutenant des
gardes du corps, ne se fût empressé de couper la
cordfi
Dimanche 28 juin 1620, — Va tirer de
l'arquebuse dans l'Ile Maquerelle (ancienne lie des
Cygnes).
Mardi 30 juin 1620, — Retourne à l'Ile
Maquerelle et s y baigne (cette fois,sans s'enrouer).
Lundi 31 mai l827, — Va souper à Auteuil.
Mercredi 16 juin 1627,— Retourne à Auteuil,
où il dine chez M. Coquet, commissaire général de
sa maison.
— Ici s'arrête, pour nos recherches locales,
le journal d'Héroard. Ce fidèle serviteur du roi
tomba malade au camp devant la Rochelle, et y
mourut le 8 février 1G28, âgé de soixante-dix-huit
ans. De tout ceci, il ressort que le jeune Louis XUI
avait une passion réelle pour la chasse et qu'à
cette époque, les loups, les orfraies, les lièvres, les
corneilles, les loriots étaient en assez grand
nombre au boisdeBoulogne,cequi explique la pré-
dilection du jeune prince pour cette promenade.
Loups et orfraies ont, par bonheur, complètement
disparu du bois. On aurait peut-être quelque peine
à y rencontrer de vrais lièvres; mais les fameux
coniU, c'est-à-dire les lapins, qui osaient s'aven-
turer alors, et pour leur malheur Jusqu'à Chail-
iot, y sont encore en assez grand nombre. Le
gibier, comme on l'a vu, ne manquait pas non
plus dans l'ancienne Ile des Cygnes, ainsi que dans
celle qui se trouvait vis-à-vis du couvent des
Bonshommes. On a ddt remarquer que, dans le
récit des pérégrinations du jeune roi, il n'est nulle-
ment parlé de Passy ; c'est qu'alors ce village
n'était qu'à l'état embryonnaire, tandis que ses
voisins, Âoteuil et Chailiot, avaient déjà une cer-
taine importance.
(1) Lieu où on mettait les oiseaux do proie dres-
sés pour l'espèce de chasse qu'on appelait alors
lii Volerie.. Le dur de Luynes. favori (le Louis Xlll,
exct^llail à dresser ces oiseaux.
ANNEXES
279
TermÎDOiis pal* quelques notes complémentaires
snr Lonis XIII, qoi nous le feront peut-être encore
mieux connaître que les faits au jour le jour ra-
contés un peu sèchement par Héroard. Disons
d*abord que la confiance dans Fastrologie judi-
ciaire était tellement grande au moment ae sa
naissance, qu*ii dut, dit-on, son sumon de Juste
au hasard qui Favait fait naître sous le signe de la
Balance — 5e non è vero, è bene trovato, —
Quant à nous, nous attribuons plutôt Forigine de
ce surnom à sa grande déyotion. Louis XIII était
fort adroit de ses mains. € On ne saurait, dit
Tallemant des Réaux, compter tous tes beaux
métiers qu*U apprit, outre tous ceux qui con-
cernent la chasse ; car il tauait faire des ca-
nonsdecuir^des lacets,des/ilets,des arquebuses,
de la monnaie. — Il était bon confiturier,
bon jardinier; il fit venir des pois verts de pri-
meur, qu'il envoya vendre au marché. Il rasait
bien et, un jour, il coupa la barbe à tous ses
officiers. Il cofiiposait en musique et peignait
un peu. Son dernier iiétier fut de faire des
châssis avec son favori, le duc de Luynes.i^
A noter aussi son goût pour les échecs, {;oût telle-
ment prononcé qu il s'était fait, ou fait faire un
échiquier spécial qui loi permettait d'y jouer,même
en carrosse, sans redouter les mouvements du
Yéhicule. Enfin,comme dit une de ses épitaphes de
fantaisie :
Il eut cent verlii» de valets,
Et pa!4 une de maître.
Léopold Mar.
DOCUMENTS DÉPOSÉS DANS LES ARCHIVES
DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE
D'AUTEUIL ET DE PASSY
A la distribution des prix du petit lycée Janson-
de-Saill}r, le !28 juillet 1892, M. Perrens, membre
de l'Institut, inspecteur général honoraire de Tins-
traction publique, a prononcé, comme président de
cette solennité, quelques paroles qu'il nous appar-
tient de signaler. Pressentant la voie dans laquelle
la Société historique s*en^age de plus en plus
chaque jour, il a invité ses jeunes auditeurs à lire
avec intelligence les plaques bleues des rues de
notre quartier pour y suivre tout un cours d'his-
toire, de littérature et de beaux-arts. Après avoir
parlé de Passy, il a célébré Auteuil « peuplé de
grands noms et de grands souvenirs ». Tout au
plus me permettrai-je de formuler une seule ré-
serve. M. Perrens approuve trop, à mon sens, —
et je ne serai pas le seul, je crois, de cet avis, parmi
les membres de la Société, — il excuse trop l'ha-
bitude que l'on a prise de remplacer de nos jours
tous les anciens noms par des appellations nouvelles.
Il a fait avec esprit le procès du Paris antédilu-
vien de sa jeunesse, — c'est lui qui parle — mais
j'avoue qu'il ne m'a pas convaincu quand il a plai-
santé ces vieilles dénominations si pittoresques et
si colorées, qui avaient leur charme, et dont le
moindre mérite était de rappeler à tous un passé
dispara.
Prenant Paris dans sa constitution topographique,
M. de Ménorval, dans son ouvrage Paris depuis
ses origines jusqu'à nos jours, est appelé à par-
ler du raisseau qui prend sa source au bas des
hauteurs de Ménilmontant, passe au nord des grands
boulevards, irrigue les cultures maraîchères des
faubourgs Saint-Martin, Saint-Denis, Montmartre,
Saint-Honoré et vient se jeter dans la Seine au bas
de Chaillot. Au xvii^' siècle, ce cours d'eau s'ap-
pelle le raisseau des Porcherons ; en 1737 et 1750,
revêtu de murs et voûté, il devient le grand égout.
C'est sur ses bords, aux Porcherons, que Rampo-
neau tenait, vers 1760, le cabaret de la Grande-
Pinte,
Pour les temps préhistoriques, à l'époque de
l'âge de pierre, notre savant confrère signale la
découverte, à l'Ile des Cygnes, d'une barque mo-
noxile, c'est-à-dire creusée dans un seul tronc
d'arbre.
Puis, lorsqu'il parle de l'étymologie du nom
d'un quartier voisin, le Gros-Caillou, qui, d'après
Jaillot, viendrait d'une borae servant de limite
entre les seigneuries de Saint-Germain-des-Prés
et de Sainte-Geneviève, dont nous dépendions,
M. de Ménorval dit que cette pierre levée peut
parfaitement avoir été une borae, après avoir été,
dans le principe, un monument mé^lithique.
Nous en sommes bientôt à l'histoire de la Gaule
et, ainsi, à une question qui a déjà été soulevée
Earmi nous : je veux dire la lutte sous Paris de
abiénus et de Camulogène. Au mois de mai de
l'année 5i2 avant Jésus-Christ, tandis que César
était occupé sous Gergovie par Vercingétorix, La-
biénus, son premier lieutenant, fut charaé de s'em-
{)arer de Lutèce et de battre le chef oes Parisii,
e Gaulois Camulogène. Arrêté au bout de cinq
marches, à son départ de Sens pour Lutèce, par
la rive gauche de l'Yonne et de la Seine, Labiénus
dut, le sixième jour, rétrograder jusqu'à Melun.
\Â, après un jour de repos, et devenu maître d'un
équipage de pont, il reprit la route de Paris, par
lu rive droite, cette fois. Le huitième jour, Labiénus
était campé vers le Ch&telet ; Camulogène, qui avait
brûlé Lutèce et coupé les ponts, était en face de
lui, de l'antre côté de la Seine, vers le Luxembourg.
Pressé par les mauvaises nouvelles qui lui arrivent
de César, Labiénus se décide à une action immé-
diate ; il feint de remonter la Seine vers Juvisy
ou Corbeil, tandis que le gros de ses troupes des-
cend jusqu'à Auteul. (V, plus loin p. 49a.)
Le neuvième jour, vers trois heures du matin,
sub luce, les Romains passent le fleuve et, au
point du jour, la bataille s'engage dans la plaine
de Grenelle. Les Gaulois sont défaits et un instant
poursuivis par la cavalerie romaine. Les troupes
de I.abiénus repassent la Seine sur le pont de ba-
teaux d' Auteuil et reprennent par la rive droite
la route de Sens. Camulosène avait été tué dès le
début de l'action. M. de Ménorval voudrait lui voir
élever une statue, dominant la Seine, à la pointe
occidentale de l'Ile des Cygnes. La Société pour-
rait, lors de la construction prochaine du pont
Mirabeau, reprendre l'idée de M. de Ménorval, en
demandant que la statue du chef gaulois soit éri-
gée sur ce point de notre territoire. Grâce au do-
28o
HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
cornent nouveau que nous apporte M. de Ménorval,
Toici un chapitre romain à ajouter à Thistoire
d'Auteuil. Puisse-t-il tenter un de nos confrères !
Nous passons vite sur l'étymolone que l'histo-
rien attribue à Passy. Pacciacus, dit-il, serait le
domaine d*un Gallo-Romain, nommé Paccius. 11
nous appartient de lui signaler, sans prendre parti,
une autre étymologie : Passus ad aquas^ puis
Passy-les-Ëaux, et aujourd'hui encore le passage
des eaux.
Nous arrivons ainsi à cet aqueduc d'Auteuil qui
fut coupé par les Normands, lors du fameux siège
de 886. « Dès le milieu du iii° siècle, dit M. de
Ménorval, un aqueduc conduisait les sources d'Au-
teuil à quelque grand établissement thermal situé
dans le profond déblai qu'occupe aujourd'hui le
Jardin du Palais-Royal, au-dessous des rues de
Richelieu, des Petits-Champs et des Bons-Enfants. >
J'aborde, enfin, la question de l'emplacement
de la Justice des Génovéfains, seigneurs d'Auteuil,
et c'est ici qu'éclate l'importance des sociétés his-
toriques comme la nôtre qui, dès leurs premiers
jours d'existence, peuvent apporter à des ouvrages
aussi consciencieux que celui que j'étudie un sup-
plément d'informations. M. de Ménorval rapporte
qu'en i295 le bailli de l'abbaye de Sainte-Gene-
viève condamna à être enterrée vive une femme
accusée de vol, Marie de Romainville. Sept ans
après, Amelotte de Cbristeuil subit la même peine
pour avoir dérobé une cotte et quelques bijoux.
Notre histoire locale nous apprend qu'Auteuil avait
le triste privilège, dû sans doute à son éloignement
de Paris, d'être le théâtre de ces cruelles exécu-
tions. Les fourches d'Auteuil, d'après les anciennnes
cartes, étaient sur la route de Versailles, et c'est
encore là qu'était la potence qui fut détruite lors
de la Révolution. Quant à la justice de l'évèque
de Paris, elle était à Saint-Cloud, Philippe- Au-
guste ayant défendu au prélat par l'accord de
Melun (1^222) de faire exécuter aans la banlieue
même de Paris.
(Extrait de documents déposés en i892 par
M, Antoine Guillois sur le bureau de la So-
ciété historique d*Auteuil et de Passy.)
FONDATION DE LA PAROISSE DE PASSY
Etablissement des deux premières écoles.
Revenus de la paroisse en 1757.
baptiser la rue Gat ami actuelle, pour reporter ce
nom à Autenil, où il serait mieux à sa place, et
de lui donner celui de Claude Chahn (i), le
généreux seigneur de Passy uni, de ses deoiers,
ht élever, en 1666, l'église ae ce lieu, la dota,
fit faire tons les ornements nécessaires à la célé-
bration du service divin et prodi{[ua ses efforts
pour la faire ériger en paroisse indépendante,
efforts qui ne furent couronnés de succès qu'après
sa mort, griice à la ténacité de sa veuve, Chris-
tine Chrestienne de Heurtes. C'est de cette époque,
en effet (i67S), que datent le rapide accroissement
et la prospérité de Passy (2), qui, jusque-là,
n'était véritablement qu'un village compose, pour
la plus grande partie, de laboureurs, de vigne-
rons, de tuiliers, de cabaretiers, et de beaucoup
de lapins. C'est donc à juste titre qu'on peut con-
sidérer M. et Mme Chahu, comme les preoiiers
bienfaiteurs et presque les fondateurs de cette
commune.
Claude Chahu était conseiller du roi en ses
conseils, trésorier de France et général de ses
finances en la généralité de Paris. A quelle date
devint-il seigneur du lieu ? on l'ignore ; toujours
est-il qu'il 1 était sûrement en 4664, et probable-
ment auparavant. Son château ou manoir seigneu-
rial, dont on peut lire une élogieuse descnption
dans la Lettre poétique à M. des Yoeteauœ, du
Père Lemoine, de la Compagnie de Jésus, était
situé sur l'emplacement de la rue Boulainvilliers
actuelle; il fut entièrement reconstruit en 1678,
et démoli en 48*26 (3). Outre ce chftteau, M. et
Mme Chahu avaient hôtel à Paris, rue Saint-
Honoré, sur le territoire de Saint-Roch, et non
loin du couvent des Jacobins, auxquels ils avaient
donné, pour une certaine fondation, 4.!£00 livres
de rente, le '22 août 4664. Claude Chahu
mourut le S janvier 4670. Sa veuve, Christine
Chrestienne de Heurles, était fille de Philippe de
Heurtes, seigneur de Potronville, conseiller et
maître d'hôtel ordinaire du roi, et de dame
Anne de Vassault. Elle conserva encore quelques
années la jouissance du château et de la seigneu-
rie, et quand elle eut bien assuré la vitalité de la
nouvelle paroisse et des écoles, céda ledit châ-
teau et se retira définitivement, en 4673, en son
hôtel de Paris, où elle était encore en 4684.
Mme Chahu fut inhumée dans le chœur de
l'église de Passy (4).
Passons maintenant à l'histoire assez mouve-
mentée de l'établissement de cette église.
Vers la fin du xyi** siècle, on seigneur de Passy
avait fait élever une petite chapelle dédiée à
d'après ij^s documents officiels conservi^is aux
ARCHIVES DE l'ÉGLISE DE PASSY, COMMUHIQUÉS PAR
M. l'abbé DOUVAIN, CURÉ ACTUEL (4).
Récemment, notre confrère, M. Emile Potin,
proposait à notre Société d'émettre le vœu de dé-
(i) Quillct a fort hien résumé ces doruinents
dana aesChronique.'i de Passy^ devenues 1res rares;
mais j'espère qu'on ne sera pas fâcliê de les
Irouverici. beauconu plus au long, et d'autres en
plus, tout è fait inéaits.
(i) Claude Chahu, car aucun des acles notariéd
que j'ai sous les yeux ne comprend la particule.
(a) La découverte de ses eaux minéroles ne fut
pas sans y coniribuer un peu.
^3) Nous donnerons prochainement la liste des
seij;neurs de Passy qui l'occupèrent successive-
ment, ainsi que celles des curés de cette loca-
lité, etc.
(/i) Son portrait, peint en 1672, d'après nature,
appnrlienlà l'c^lise de Passy et a été lithographie
en i836, pour être rais en tète des Chroniques
de f*nssy, de (juillet. — C'est d'après celle liliio-
grjiphir assez mauvaise, mais ressemblante, que
nous avons i's»*ayédc faire revivi*u la Dame et fon-
dai rire de Pasuy.'
Notre-Dame de Grèce, nais celte chapeHe (ea
bois, dil-on) élaut deTOnne insuffisante sons toDS
les rapports, le 33 novembre IStiB, messire
Clande Chahu el Otrestienne de Heurtes s'enga-
cèrent, par deianl notaire, i faire élever à leurs
frais un nouTean sanetuiiire et i le doter de
166 liTres 13 sols, 4 deniers de rente ao-
nnelle, pour la subsistance da prêtre qni la des-
Mrrirait. Les babilants do Pasay promirent, de
learcAté, 150 lirres par an, plus le logement et
les meubles nécessaires au desserrant qui, muyea-
nsnt CM conditions, devait s'engager i dire qua-
tre messes par semaine, y compris les fêtes
et dimanches, Â tenir l'école des garçons et i
leur enseigner le catécbisme. {tuant au casnel des
Claude Chaha ayant érigé ladite église de
Passy en soccursale pour le soulagement des dits
habitants, ils aTaient mis les choses en tel état
par leurs soins, que le service divin s'y faisait
avec toute la décence et t'édiRcation qu'il se pon-
Tait désirer, de sorte qu'ils avaient lieu d'espérer
que ledit sieur curé de la paroisse d'Anleni) an-
niit sajet d'être satisfait devoir qne Dieu en était
glorilié et les peuples soii;neusemenI assistés du
spirituel ; mais que la jalousie des dits habilanls
d Anieuil ayant susfilé depuis deux ans plnsiews
troobles et procès entre eux et lesdits habitants
de Passy ; et les demandeurs voyant les pebes
Qu'ils avaient d'aller aux fêtes principales en
1 église d'Auteail. à cause du mauvais ctemin et
GhriPlinc de Heurleu, dame Cliahu.
baptêmes, nuriages et enterrements, il devait re-
venir au curéd'Autenil, la nouvelle ^liaen'étant
qu'une succursale de celle de ce village. Les tra-
vaux de construction de l'église, déjà commencés
en iH&S, dorèreat pen, sans doute, car elle ne se
composa d'abord qne d'une nef et d'une aile gau-
che, conduisant i la chapelle de la Vierge. Us
choses allèrent ainsi jusqu'à la mort de Claude
Chahu; mais nous voyons qne, six mois après, il
j ent instano) entre l^restienne de Heorles, sa
venve. demandant que l'église de Passr, succur-
sale d'Aateuil, fat érigée en paroisse, a une part,
Cl François Loyseau. curé d'Autenil, les doyens,
chanoines et chapitre de Sainl-Germaio-l'Auxer-
rois, cnrés primitifs et présentateurs de laditecnre
d'Auteuil. opposants k ladite érection, d'autre
part. Dans la requête, présentée le 13 juillet 1670
à l'archevpqae de Paris par la dame Chahu, les
■nargoilUers et les habitants de Passy, il est dit
du débordement des eaox qui s'y rencoDtreut
quelquefois, les querelles et les inimitiés que les
habitante d'Auteuil et ledit curé exerçaient contre
eux t cause des fonctions qui se doivent faire en la
dite église succursale, et l'assujettissement qu'ils
avaient d'aller prendre ledit curé à Aoteuil pour
les mariages, baptêmes et enterrements i faire
an dit Passy, pour lui demander s'il en voulait
venir faire les fonctions; à qnoi ne fatisfaisant
pas assex ponctuellement, les conviés s'en retour-
naient sans rien faire, en sorte que les enfants
étaient en danger de mourir sans baptême, et les
autres sans être administrés des sacrements.
Sur ce, les demandeurs offrent de doter la fu-
ture pamisse d'un fonds snfUsant pour la subsis-
tance du curé, et d'indemniser le curé et la fa-
bnque d'Auteuil.
(.'arthevéqne de Paris fit faire une enquête de
comnwdû et incommoio, assigna les parties à s«
282
HISTOIRE DU tVl" ARRONDISSEMENT
réunir le jeudi 24 juillet, à 9 heures du matin,
dans réalise de Passv, pour être entendues con*
ti'adictoirement, et, le 30 octobre suivant, auto-
risa rérection de Téglise succursale en parois-
siale, à la condition expresse d'indemniser le curé
et les marguilliersd*Auteuil, ainsi que le chapitre
de Saint-Germain-rAuxerrois. De plus, le nitur
curé de Passy et ses successeurs ne devront pré-
tendre en rien aux dîmes grosses et menues do
leur village, et les demandeurs seront tenus d*en-
tretenir f église, chœur, nef et cloches de toutes
réparations, et des livres, linges, calicots et or-
nements nécessaires an culte.
Mais le chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois,
très jaloux de ses droits, ne voulut pas se sou-
mettre à la sentence de rOfBcial de Paris et en
appela devant le Parlement comme à*abus. Le
17 janvier 1671, la Cour ayant dit qu'il n'y avait
pas abus, condamna les appelants aux dépens et
à l'amende simple. Enfin, le 17 avril suivant, il y
eut transaction entre eux et la dame Cfaahu.
Par décret du 18 mai 1676, l'archevêque de Pa-
ris érigea l'église succursale de Passy en parois-
siale, sous le vocable de Mre-Dame'de-Grdce,
devant être desservie à perpétuité par les reli-
gieux Barnabites du prieuré de Saint-Eloi de Pa-
ris, sis devant le Palais de justice. \j6 l*** juin
suivant, accord entre les Barnabites et le chapitre
de Saint-Germain-l'Auxerrois qui se réserve, en
qualité de curé primitif, d'officier à Passy, si bon
lui semble, le ^5 mars, jour de l'Annonciation,
décrété fête patronale de la nouvelle paroisse (1),
ainsi que la veille aux premières vêpres, sans
toutefois rien prétendre aux offrandes et oblations.
Le 13 avril 1672, toutes les parties se mettent
d*accord; le chapitre de Saint-Germain-l'Auxer-
rois, le curé d'Auteuil et ses marguilliers con-
sentent définitivement à l'érection de l'église suc-
cursale de Passy en paroissiale, en la forme et
manière que Mgr l'archevêque de Paris jugera la
plus utile à l'église, à la charge de la conserva-
tion des droits du chapitre et de l'indemnité à la
cure et fabrique d'Auteuil. Le chapitre de Saint-
Germain-l'Auxerrois continuera aonc à toucher
les dîmes grosses et menues, sans être obligé à
l'entretien du chœur de l'ôglise de Passy, ni à four-
nir les ornements et livres de ladite église, ni de
contribuer, en aucun cas^ à la portion congrue.
Quant an curé d'Auteuil et à ses successeurs, ils
seront indemnisés par une somme de 60 livres
par an, et la fabrique, par 15 livres, qui leur se-
ront payées par les seigneurs de Passy, sur les
fonds et rentes dont ils ont doté ou doteront la
cure... Le droit de nomination du curé est dé-
volu à Mme Ghahu, fondatrice et patronne, et,
perpétuellement, aux seigneurs de Passy, ses suc-
cesseurs, qui l'indiqueront aux doyen, chanoines
et chapitre de Samt-Germain-l'Auxerrois, les-
quels seront obligés de le présenter à l'arche-
vêque de Paris, qui, seul, pourra lui accorder oa
refuser l'institution. Le 29 avril 1672, M. de la
Brunetîère, grand vicaire de l'archevêque de Pa-
ris, est envoyé à Passy pour y faire une dernière
enquête sur l'utilité de l'érection eo paroisse, il
la déclare, dans son procès-verbal, très utile et
nécessaire : // faut même, dit-il, unir ladite
cure à quelque communauté ecclésiastique,
afin qu'elle soit mieux desservie (1) et que
les jn-inctpes de la religion chrétienne, qui y
étaient fort mal pratiqués, à cause des dé-
bauches continuelles qui se font au dit lieu de
Passy, y fussent rétablis, etc...
f..es 4 et 5 mai suivant a lieu, par devant no-
taire, la transaction de Mme Ghahu avec ks
Barnabites ; entre autres choses, il est dit dans
Tacte que € la fondation, construction et dotation
de l'église paroissiale à Passy a été faite en vue
de la plus grande gloire de Dieu et pour la néces-
sité du salut des habitants du dit villase, composé
d'un grand nombre de manants, dans Te voisinage
et presque aux portes de la ville de Paris, lieu par
conséquent fréquenté et rempli de beaucoup de
cabarets. » Un peu plus loin, on ajoute que la
dame Ghahu a jeté les yeux sur la communauté
des R. P. Barnabites c pour la bonne odeur qu'ils
répandent, à cause de leur grande vertu et piété,
tant en cette ville de Paris qu'en tous les autres
lieux de leur établissement. » Par cet acte,
Mme Ghahn assure 8.000 livres pour la dota-
tion de la cure, et donne la maison servant de
presbytère (2). Gomme fondatrice et patronne,
elle se réserve, à l'église de Passy, les droits ho-
noriGques, ainsi quà ses successeurs, les sei-
gneurs du dit lieu, et, en cette qualité, € ils se-
ront recommandés au prône, à perpétuité, pourront
faire mettre litres et ceintures funèbres, tant de-
dans que dehors l'église, auront séance dans le
chœur de ladite église, au lieu qu'ils jugeront le
plus honorable, jouiront du droit de sépulture
dans le susdit chœur, pour eux et leurs enfants,
du droit de pain bénit, du pas à la proces-
sion, etc., etc. »
Enfin, le 16 mai, sont données les lettres pa-
tentes du roi, datées du château de Saint-Germain-
en-Laye, confirmant l'établissement définitif de la
cure de Passy, signées de la reine Marie-Thérèse,
de Golbert pour le Roi, et scellées du grand sceau
de cire verte en lacs de soie rouge et verte. Ges
lettres patentes furent enregistrées au Parlement
de Paris le 21 juin 1672 et, dès le lendemain, les
Barnabites entrèrent en possession de la cure.
El le roinhnt finit, fnulc de combattants.
Après bien des vicissitudes, il avait donc fallu
près de deux ans à Ghrestienne de Heuries pour
arriver à l'érection définitive en paroisse, du village
de Passy ; mais cela ne suffisait pas à son zèle,
(i)GcUeclanso explique le nom dcriKMlrr.tnnon-
cialion^ donnée à la voie qui mène à l'éj^lise. Plus
lard, cette fête patronale, qui était en même temps
relie de la commune, fut reportée au premier
dimanche de mai. Elle se tint longtemps autour
du château seigneurial, le longde la rue Haynounrd,
puis sur les pelouses du Hniiela^h, jusqu'à l'an-
nexion
(i) Ici M. de la Brunctière se plaint amèrement
de la négligence des vicaires, qui, peu instruits
et faihlcment rétribués, aliandonuaient leurs
fonctions, et contribuaient par leur mauvais
exemple, à la corruption des mœurs.
(a) C'est sur une partie de l'emplacement de ce
)reniierpresbyl(*rr cl de son jardin qu'a été percée
a rue Jean-irolo^ne.
ANNEXES
a83
elle Toulut encore assurer l'établissemeDt des
écoles. Un nommé Savinien Legras, conseiller no-
taire et secrétaire dn Roi, avait donné, avant
4667, une maison avec petit jardin pour y loger
femme on fille destinée à Tinstruction des enfants
du village ; mais une partie dn jardin ayant été
prise pour la construction de l'église, on affecta
cette maison au presbytère, et, quelques années
après, par acte du 29 janvier 4673, la dame de
Chahu donna à la Communauté des manants et
habitants du dit village, pour y installer une
nouvelle école de filles et garçons, une maison
nouvellement construite entre cour et jardin, à elle
appatenant, située dans la vieille rue, plus de sept
vingt dix livres (sic) de rente pour aider à la
subsistance de la maîtresse d'école, sans que cela
puisse dispenser les parents des écolières et éco-
liers de payer la rétribution mensuelle. Les filles
occupaient le rez-de-chaussée, le logement de la
maîtresse était au (premier, et le second étage, qui
avait une entrée particulière et distincte, était affecté
aux garçons, dont Técole, comme on Ta vu plus
haut, devait être dirigée par un des prêtres Barna-
bites. Enfin, le même jour, Mme Chahu, moyen-
nant un nouveau don de 4.200 livres de rente,
fonda à Téglise de Passy une messe de Re-
quiem (4) :
Pour y être dite et célébrée tous les jours à
perpétuité, savoir en été à quatre heures du ma-
tin, et en hiver à six heures, par le Révérend Père
curé de ladite église, ou autre religieux d'icelle,
par lui commis, pour le rrpos de Tàme de ladite
dame fondatrice et de celle dudit défunt son
mari. Laquelle messe sera tintée en forme de
Passion, à trois reprises et différentes fois pour
en avertir les habitants; en fin de chacune des-
quelles messes, sera chanté à haute voix un
De Profundis à la même intention ; et sera
payée la dite messe à raison de 20 sols par jour,
faisant 36<^ livres par an pour la rétribution d'icelle,
à la charge de fournir, par le dit Révérend Père,
le pain, vin et cire nécessaires pour la dite célébra-
tion, laquelle commencera du jour du décès de la
dite dame Chahu, laquelle fonde aussi, en la
dite église de Passy, deux services complets de
trois grandes messes hautes, chacune avec Recom-
mandaces (sic) et un Libéra à la fin, et Vigiles à
neuf leçons, la veille de chacun des dits deux ser-
vices, lesquels seront dits et célébrés, Tun, le se-
cond jour de janvier de chacune année, qui est le
jour du décès du dit sieur Chahu, et Tautre à
pareil jour de celui du décès de la dite dame
Chahu, à perpétuité aussi pour le repos de leurs
âmes. Pour la célébration desquels deux services,
les marguilliers de la dite église fourniront les
ornements nécessaires et huit livres de cire jaune
neuve, savoir : six cierges de demi-livre chacun
sur Tautel, six autres cierges de pareil poids autour
de la Représentation, trois devant la Vierge, et
deux pour les acolytes. Et paieront au Père curé
pour ses droits, assistances, messes de chacun ser-
vice et vigiles, la somme de six livres, aux deux
(l) J'ai cru devoir cilor au lon^ les clauses de
celte foiidotiun, curieuses comme détails du
temps.
Pères, pour leurs messes et assistances aussi de
chacun service, 40 sols chacun ; aux deux chapiers,
à chaque service, chacun 45 sols ; à quatre enfants
de chœur, chacun 5 sols pour chacune service ; au
bedeau, 20 sols pour chaque service. Et pour le
pain, vin et offrande, 20 sols pour chacun service.
A rissue de chacun desquels deux services, les dits
marguilliers serontobligés de distribuer aux pauvres
du village du dit Passy, qui se trouveront à l'église,
60 sols, etc.
Les deux actes ci-dessus furent faits en pré-
sence : de la dame Chahu ; de Dom François
Hyacinthe Boucheron, curé ; de Jean Morin et Nico-
las Griminv, marguilliers ; de Nicolas Charles,
lieutenant de la prévôté de Passy ; de Jean Lebert,
procureur fiscal de la terre et seigneurie du dit
lieu ; de Charles Rozy, greflier et tabellion ;
d'Etienne Le Comte, maître tuilier, et de Pierre
Lebert, vigneron, tous manants et habitants du
dit Passy, et représentant la plus grande et
saine partie des habitants du dit lieu.
Récapitulons, et surtout tenons bien compte de
la plus-value qu'avait le capital k cette époque.
Nous voyons donc que Claude Chahu et Chres-
tienne de Heurtes, sa femme, avaient d'abord fait
construire, en 4666, l'église de Passy de leurs
propres deniers, l'avaient dotée de 466 livres,
43 sols, 4 deniers de rente annuelle et donné tous
les ornements nécessaires au culte.
Les 4 et 5 mai 4672, Mme Chahu dote la
cure de 8.000 livres et même de 8.600 livres,
somme qu'elle versa aux Bamabites, le 46 dé-
cembre suivant, et leur fait don de la maison ser-
vant de presbytère. Le 29 janvier 4673, elle donne
à la commune de Passy une maison nouvellement
construite pour remplacer l'ancienne école de filles
et garçons, plus une rente annuelle de sept vingt
dix livres pour aider à la subsistance de la mal-
tresse d'école des filles, et, le même jour, en exé-
cution du testament de son man, elle laisse
4.200 livres de rentes à l'Œuvre et Fabrique de
l'égÛse, pour la fondation de messes et services à
perpétuité. Enfin, le 7 juin 4684, nouveau et der-
nier don de 5.000 livres pour aider les Barnabi tes
de Passy à l'achat d'une maison entre cour et jar-
din, ayant entrée dans la rue Raynouard actuelle,
le jardin s'étendant jusqu'à l'église. Ce fut cette
maison, payée 42.000 livres, qui remplaça et i
place encore aujourd'hui l'ancien presbytère,
était devenu tout à fait insufRsant.
rem-
qui
REVENDS DE l'ÉGLISE bE FASSY EN 4757
Reportons-nous maintenant i près d'un siècle
§lus tard, et voyons quels étaient alors les biens
épendant de la cure royale de Passy. En voici
le résumé, dressé le 27 juin 4757, par Dom Cou-
terot, supérieur Bamabite de la communauté du
lieu.
Li\res.
4^^ Payé annuellement par la maison mère
des Bamabites de Paris, pour la por-
tion congrue 300
2» Produit moyen du casuel de la cure. 700
28&
HISTOIRE nu XVI* arrondissement
3* 500 lifres de rentes an principal de
20.000 Unes, sur l'Hôtel de ViUe de
Paris, et poor laquelle somme la dite
communauté est chargée de dire tous les
jours une messe basse à perpétuité (1).
4" 504 livres payées annuellement par la
fabrique de la paroisse, pour laquelle
somme elle est tenue de faire 5 oro-
cessions et 5 senrices, et de dire 6d sa-
ints, i6 grandes messes et 362 messes
basses
5° i'id livres , rapport annuel des con-
fréries établies à Passy, pour laquelle
somme la paroisse est tenue de dire
23 grandes messes, 24 saluts et 2 ser-
vices
6° Produit du loyer d*une maison occupée
par M. le curé deSaint-Jean-en-Gréve,
et pour laquelle il y a promesse de bail.
7® Produit du loyer d une maison occupée
depuis 1752, par Mme Vve Caignard,
bourgeoise de Paris
8*^ 120 livres, y compris 10 livres payées
par la fabnqne, produit du loyer de
l'ancien presbytère, occupé par le sieur
Bauchet, vitrier
500
504
126
280
120
120
Total des revenus. 2.650
Sur laquelle somme sont à déduire les charges
ci-après :
Livre *
1*^ 53 livres payées annuellement par les
Bamabites de Passy, pour leur part des
frais et charçes de leur province. . . 53
2® 50 livres par an au maître d'école de
la paroisse 50
3® Entretien annuel de la lampe de l'église. 40
4® Rente viagère payée à Mlle Marie-
Madeleine Faguet, bouq^eoise de Paris. 70
5® Gaçes de deux domestiques, savoir un
cuisinier et un jardinier, tenant lieu de
frères lais 240
6® Moyenne annuelle de l'entretien et des
réparations des jardins et maisons . . 450
Total des charges.
903
Il restait donc en tout, poor l'entretien de l'église
et de quatre Pères Barnabites, 1.747 livres !...
Certes, ce n'était pas cher, même en tenant compte
de la plus-value de l'argent à cette épocjue. Avec
l'équivalent de cette somme, que pourrait-on faire
aujourd'hui?...
Léopold Mab.
(i) Celle renie avnil élê conslituée en 17.% par
la marquise «le Saissac, née d'AIherl de Luyncs,
pour la nourriture et l'entretien d'un quatrième
père Barnabite.
LE CHATEAU SEIGNEURIAL DE PASSY
sous LE RÈCNE DE M. DE LA POUPLUICBE (1)
Vers 1747, le Tertneux marquis de Boulainvil-
tiers avait cédé à vie à M. de la Pouplinière, qui
l'occupa une quinzaine d'années, son château sei-
gneurial de Passy; et ce fut l'époque la plus bril-
lante, l'âge d'or de ce joli séjour (2).
Alexandre-Jean-Joseph Le Riche de la Poupli-
nière, né à Paris en 1692, était fermier général
depuis 1718 et encourageait les artistes et les gens
de lettres avec une mwiificence vraiment royale.
Il n'était pas lui-même sans prétendre à quelque
talent, écrivit un roman, Daira (3), histoire orien-
tale publiée en 1760, fit des chansons et un assez
|[rand nombre de comédies pour son théâtre par-
ticulier et sema en outre une quantité de Immis
mots, qui, s'ils eussent été recueillis, eussent pu
fournir la matière amusante d'un fortTolnme (4).
Sa maison de Passy devint, suivant une expression
enflée du temps, le « Temple des Muses et des
Plaisirs ». Parmi les célébntés auxquelles il avait
accordé la faveur d'un logement chez lui, nous rap-
pellerons : Rameau, Gossec et Harmontel.
Le compositeur Rameau, grand, sec et maigre,
faisait, dit Jean-Jacques dans ses Confessions^
la pluie et le beau temps dans la maison de M. de
la Pouplinière. — C'était dans l'hôtel de ce der-
nier, à Paris, qu'avait été exécuté pour la première
(ois, en 1733, le premier acte du premier opéra
de Rameau, Hippolyte et Àricie, dont la musique
d'un genre nouveau avait révolutionné Paris et
Versailles. M. de La Pouplinière, qui n'était pas
fâché d'avoir un tel maître sous la main, se l'était
attaché, malgré son humeur peu facile. Il dut venir
à Passy, en même temps que son Mécène, et y était
encore en 1753. Jusqu'à l'arrivée de Gossec, en
1751, ce fut Rameau qui dirigea l'orchestre com-
posé de musiciens que La Pouplinière entretenait
et lojgeait chez lui pour les avoir constamment à
sa disposition. Le château possédait une petite cha-
pelle, et, les jours de fête, à la messe, Rameau se
reposait en allant toucher l'orgue, fonction au'il
avait longtemps remplie à Lille, à Clermont-r er-
(i) On écrit aussi Poplinière, Popelinière et
Poupelinière, mais Pouplinière est plus cor-
rect.
(2) M. de Boulainvilliers. dont le chAieou était
siluéau sommet de la rue Boulainvilliers actuelle,
avait conservé son titre el ses droits de seigneur
de Passy.
(3) (Note du secrétaire.) Nous n'avons pas lu
Daîra;M. Mar non plus, très probablement. Vol-
taire, qui s'y connaissait, assure que c'était une
«nuvre exécraljle : •« C'est, je vous jure, dit-il. on
des plus absurdes ouvrages qu'on ait jamais
écrit. Pour peu que l'auteur en fasse encore un
de ce goiU. il sera de l'Académie. 1»
('4) Exemple. Une femme qui cherchait à se faire
remarquer s'approche un jour dé M. de la Pou-
plinière, qu'on venait d'annoncer, et lui dit : • //
me semble. Monsieur, uuus avoir vu quelque part.
— Cent nossihle, Madame lui répliqua-t-il./i/ vais
quelquefois. » — Ce mot a été repris par un de
nos auteurs comiques dans une pièce clu Palais-
Roval : Tricoche et Cacolel,
ANNEXES
285
rand et même à Paris. Plusieurs de ses opéras
furent composés an moins en partie à Passy, tels :
Zaïs^ Pugmalùm^ Naïs, Zàroastre, la Guir-
lande, Acanthe et Céphise, Lisis et Délie et les
Sybarites, les quatre derniers en collaboration
aTec Marmontel, dont nous parlerons toutà Theure.
Gossec, d'origine belge, n'ayait que dix-huit ans
qamd il arriva à Paris, en 1751, et accepta aus-
sitôt avec empressement la place de chef de mu-
sique que lui offrit chez lui M. de La Pouplinière.
Le séjour qu'il y fit ne fut pas de longue durée,
mais lui fut très profitable par les bons conseils
qu'il reçut de Rameau, et ce ne fut pas sans regret
att'il dut abandonner cette position agréable pour
e?enir chef d'orchestre chez le prince de Gonti (1 ).
Arrivons à Marmontel. Grâce à ses Mémoires,
nous connaissons exactement la date de son ins-
tallation définitive chez M. de La Pouplinière et
celle de son départ. 11 y entra après la première
représentation de sa tragédie àWristamêne
(30 avril 1749), et en sortit après la première
représentation de son Egyptus (d février 1753).
Les trajgédies qu'il y composa, Cléopdtre, tes
Héraclides et Egyptus se ressentent de Vobscur-
cissement de ses facultés intellectuelles, qu'il
attribue naïvement aux plaisirs immodérés de la
table. Je m'étonnais, dit-il, ({ue mes esprits ne
fussent pas aussi purs, aussi libres que dans la
rue des Maçons ou dans celle des Mathurins. —
Ah ! c'est que le travail d'imagination ne peut pas
être embarrassé par celui des organes. Les Muses,
a-ton dit, sont chastes, il aurait fallu ajouter
qu'elles étaient sobres. » — Si son séjour de quatre
années chez M. de La Pouplinière ne lui fut pas
très favorable au point de vue littéraire, au moins
aura-t-ii été utile à nous-mêmes par les détails
3u*il nous donne sur le passé et le présent intinpes
e ses hôtes. Pour le passé, le voici : M. de La
Pouplinière vivait depuis douze ans avec une petite*
fillA de Dancourt (â), l'acteur et l'auteur comique
bien connu, quand le cardinal Fleury, informé,
l'obligea, sous menace de radiation de la liste des
fermiers généraux, d'épouser la jeune innocente
qu'il avait trompée. Cette Mimi Dancourt, comme
on l'appelait alors (on lui avait conservé le surnom
de sa mère) joignait, à une grande beauté, une
intelligence rare, une mémoire prodigieuse et un
tact exquis pour juger les œuvres littéraires et
théâtrales. G était plus qu'il n'en fallait pour faire
rechercher la maison de son mari. € Cette maison.
(i) Gossec qui avait débuté à Passy, vinl en
i8a3 se retirer au n* 55 ancien de la rue de Passy,
et c'est là qu'il mourut en 1839.
(2) Plusieurs biographes donnent pour femme à
M. de La Pouplinière Af imi Dancourt, la seconde
fllle de Dancourt ; c'csl une erreur. — Des deux
filles de Dancourt, l'ainée avail épousé M. de
Fontaine, commissaire et contrôleur de morine,
qui acheta en 1720 la seigneurie de Passy, et
mourut vers 17^0 ; la cadette, Mimi Dancourt, née
vers 1686, et comédienne jusqu'à 1728, se maria
avec M.Deshaves. gentilhomme, flls d'un lieute-
nant général d artillerie et vivait encore en 176.3 ;
il ne peut donc s'asir d'elle comme femme de La
Pouplinière, mais ae sa fille. Au reste, Marmon-
tel, dans ses Mémoires^ dit : • Il avait épousé
Mlle Dancourt, fille d'une comédienne >, et cette
comédienne était bien Mimi Dancourt. Mme de
L^ Pouplinière avait elle-même rempli des rôles
de soubrette, dans sa première jeunesse.
dit le baron Grim, était le réceptacle d'une foule
de gens de tons les états, tirés indistîncteirent de
la bonne et mauvaise compagnie. Gens de la cour,
gens du monde, gens de lettres, artistes, étran-
gers, acteurs, actrices, filles de joie, tout y était
rassemblé. » Aussi lui donnait-on le nom de Ména-
gerie, et, au maître, celui de Sultan. Parmi les
habitués notables de ses salons, se rencontraient
Jean-Jacques Rousseau, Duclos, Raynard, Suard,
La Condamine, Saurin, Darcet, Vaucanson, le
peintre Carie Vanloo et la charmante cantatrice
Italienne, sa femme ; Chardin, le peintre de nature
morte, le pastelliste La Tour et le sculpteur Pigalle,
les écrivains anglais David Hume et Gibbon et la
plupart des ambassadeurs étrangers. L'armée était
représentée par les maréchaux de Saxe et de Lo-
wendal et surtout, pour le malheur du ménage
La Pouplinière, par le futur maréchal de Richelieu,
l'homme le plus aimable, le plus libertin et le plus
séduisant de son époque.
M. de La Pouplinière avait été déjà averti par
des amis charitables des assiduités récompensées
de Richelieu auprès de sa femme. Depuis lors, la
vie en commun lui était devenue insupportable .
€ Il fallait voir à table, dit Marmontel, ces deux
époux vis-à-vis l'un de l'antre ; la morne tacitur-
nité du mari, la fière et froide indignation de la
femme, le soin que prenaient leurs r^ards de
s'éviter, et l'air terrible et sombre dont ils se ren-
contraient, surtout devant leurs gens, l'effort au'ils
faisaient sur eux-mêmes pour s adresser quelques
paroles et le ton sec et dur dont ils se répondaient.
On a de la peine à concevoir comment deux êtres,
aussi fortement aliénés, pouvaient habiter ensemble,
mais elle était déterminée à ne pas quitter sa mai-
son, et lui, aux yeux du monde et en bonne jus-
tice, n'avait pas droit de l'en chasser. » — La
découverte, à l'automne de 4748, de la fameuse
plaque tournante de la cheminée qui permettait à
Richelieu de s'introduire de la maison vacante qu'il
avait louée tout exprès, dans l'hôtel de M. de La
Pouplinière, rue de Richelieu, vis-à-vis de la Biblio-
thèque (et non à Passy), fut enfin un motif plau-
sible de la séparation qu*il désirait et il le saisit.
Il faut encore lire, dans les Mémoires de Marmon-
tel, comment cet époux malheureux fit constater,
le ^ novembre, en présence de sa belle-mère, du
commissaire du quartier, d'un architecte assisté
d'un maître maçon, de son ami le mécanicien Vau-
canson et de l'avocat Balot, sa découverte et sa
disgrâce ; les détails en sont fort amusants. La
perfection du travail de la plaque, de ses gonds
invisibles, faisait l'admiration de Vaucanson qui,
s'inquiétant fort peu de la situation critique de son
ami (1), s'écriait : Ls beau travail \ ^excellent
ouvrier! et voulait à tout prix empêcher la des-
truction d'un tel chef-d'oeuvre. Ennn, la sépara-
tion eut lieu. M. de La Pouplinière s'engagea à
verser à sa femme une somme de 5.000 livres,
une fois donnée, pour son ameublement, et une
rente annuelle de 40.000 livres, sa vie durant (2).
(1) Un mauvais plaisant dit alors que La Pou-
plinière était bien heureux d'être fermier général,
parce qu'on l'aurait fait payer aux barrières,
comme Me à corner.
(2J Voir les Mémoires de (VArgenson. Dans ceux
de Marmontel, il est parlé d'une façon dubitative
d'une rente approximative de 20.006 livres.
HI8TOIKK DU XVl* ARRONDISSEMENT
Elle loua alors ud ippatt«meDt dans la rue Ven-
tadour. et c'est là que. dans l'attbli, elle mounit
d'an cancer su seia en iloi.
M. de La Poaplinière, assez vile consolé de ses
déboires, avait repris «on train de vie babituel,
rouvert an printemps sou salon de Passy, riins-
tallé son orchestre réputé le meilleur d alors, et
son théitre sur lequel on ne jouait que des comé-
dies de sa fa^n. et où brillait souvent dd essaim
de jolies danseuses de la Comédie Italienne, sous
la eondnite de Deshayes, eicelleot actenr comique,
et compositeur de liallets.
un peu tardive de se
e tut gupre plus beureose
que la première.
Ad mois de janvier 1T6j, nouvelle disgrtu. Il
Tut ra^é de la liste des fermiers ginèraoi, et.d»
chagrin, moarut ï la fin de la même année, le
5 décembre (1).
Cinq jours après, Elachaumont écrivait ainsi soi
oraison funèbre : « Les Muses pleurent depoii
qnelques jours la mort d'un de leors nourrisMOs
et de leurs protecteurs en même temps. C'est H. de
U Pouplioière. Son nom, h jamais Tameui dans les
Le lUcbe de J.a l'ou|iliniËrc.
Tons les ans, le jour de la fête de l'Annonria-
tion. fête patronale de Passy. il mariait sii lilles
pauvres de la localité, les habillait, les dotait d'un
trousseau et d'une somme de 500 livres. Le soir,
il y avait grand bal dans son parc, ouvert à fous
les habitantsde la commune ; c'était pour lui, tout
compris, une dépense d'environ C.OOO livres.
Au résumé, ce riche linancicr, de bonne mine
et de manières aimables, Ht beaucoup de bien dans
sa vie. Mme de Genlis (1), qui avait demeuré chei
lui. avec sa mère, pendant toute la belle saison de
1759, fait de lai le plus grand éloge. Kn 1760,
par M. W'olilup. mW).
l,ioHmpbic
fastes littéraires, ^
l'impression de Si- „ . ,
nombre (â). On ne doit jamais oublier sa muDÎ6-
cence envers les ai listes. Un orchestre entier se
trouve dispersé par L perte de cet Apollon. > Et,
trois semaines plus tai'd, il lui composait celle
épilaphe :
(!) Il cxi-lc lin po
rtniil do M. lie La Poiipli-
!•. a mi-corps, eirciilllant de»
Z"-^ suï'.mr'lab'Sr
Celte pitct, trt-s rare et de
fort likn grnvte par Dalc-
clioii. dai.ri-H Vigcr
rl c'i-»l d'après elle qu'a ëlë
.lcs^i...'i! In irpriidiic
inii qiie nous en donnons.
(ï) l.'csniiir ]i]u!> 0
nu H- l'iallsu pas.
moins réel dt Qachaumont
ANNEXES
287
Sous ce tc^mbeaii. repose un financier;
11 fut de son êtnl 1 honneur et la crili({ue ;
Généreux, bienfaisant, mais toujourfi singulier,
11 soulaji^ea la misère publiaue.
Passant, priez pour lui, car il rut le premier.
Un mois après sa mort, sa veave accoucha d*an
fils dont on lai disputa la paternité, ce aoi donna
lieu à an procès fameux et à cette nouvelle et très
méchante épitapbe :
Pour être auteur, ci-git qui paya bien :
C'est la coutume,
L'ouvraee seul qui ne lui coûta rien
C'est son posthume.
Mais, malgré tout, les droits de l'enfant furent
enfin reconnus juridiquement. Tout est bien, dit-on,
qui finit bien (1).
Léopold M.\r.
LA TOUR A PASSY ET A AUTEUIL
Supposez-vous un instant en 1759. Vous de-
meurez aux galeries du Louvre, logement n^' 8.
Comment vous yprendriez-vous pour vous rendre
au château seigneurial de Passy, sans monter en
voiture d'aucun genre, ni en bateau d'aucune
espèce, ni à cheval, ni sur un âne ou un mulet,
sans marcher ni nager? — Telle était l'amusante
énigme que posait un jour le célèbre peintre pas-
telliste 1^ tour, aux nombreux habitués des sa-
lons de M. de La Pouplinière, dont il était l'un
des hôtes les plus assidus, et qu'il disait avoir ré-
solue. Et chacun de chercher, de se creuser la
tète inutilement, et de donner enfin, comme on
dit vulgairement, sa langue au chat. « Rien de
plus simple cependant, dit La Tour : en quit-
tant le Louvre, ne sachant pas nager, je me
suis accroché à un bateau qui partait du port
Saint-Nicolas, il m'a* remorqué, et.., me
voici !
Cette gaminerie d'un jeune homme de cin-
quante-cinq ans pourrait paraître invraisemblable
si elle n'était racontée sérieusement par Mme de
Genlis (qui en fut témoin auriculaire), au tome
premier de ses volumineux Mémoires, et si nous
ne connaissions maint autre trait d'originalité du
grand artiste < tantôt bon, tantôt irritable et
fantasque — disent les frères de Concourt dans
l Art du xviii^ siècle, — plein de manies et ne
taisant rien comme tout le monde ». Cette ap-
préciation de son caractère est bien confirmée par
un fait que cite VAlmanach littéraire de 1792,
et, d*après lui, les frères de Concourt. — En
1752, Mme de Pompadour fait appeler La Tour à
Versailles pour faire son portrait. « Dites à Ma-
dame que je ne vais pas peindre en ville. »
Pourtant, cédant à de nouvelles instances, il se
décide à s'y rendre, mais il pose ses conditions :
les séances ne devront être interrompues par per-
(1) Principaux ouvrages c<msnlli''s : Mémoires de
Aiarmontel. Mémoires secret» de Havhaumonl. Mé-
moires du marquis dWrgensnn. Journal historique
de Barbier. Mémoires de Mme de Genlis.
sonne, et il aura toute liberté de se mettre à son
aise. Accordé! Il arrive, et, avec un sans-gène
incroyable, le voilà détachant les boucles de ses
escarpins, ses jarretières, son col, sa perruque
qu'il remplace par un petit bonnet de taffetas;
puis il se met à l'œuvre. — A peine est-il ins-
tallé en face de son modèle, que Louis XV entre.
€ Vous m'aviez promis. Madame, dit La Tour
en ôtant son bonnet, que voire porte serait fer-
mée. » Sur ce. le roi se met à rire et l'engaée à
continuer. « Impossible d'obéir à Votre Ma-
jesté, réplique-t-il. je reviendrai quand Ma-
dame sera seule. » Il se lève, emporte sa perruque
et ses jarretières et va reconstituer sa toilette
dans une pièce voisine, en murmurant plusieurs
fois : € Je n'aime pas à être interrompu. »
Avec La Tour et ses fontaisies, on est tout dis-
posé à faire l'école buissonnière et à s'écarter
tant soit peu de son sujet, car ici il ne nous appar-
tient guère que comme hôte de Passv et habitant
d'Auteuil. Notre peintre connaissait bien le che-
min de Passy, il était venu souvent au château
seigneurial quand le président Bernard de Rieux
en était possesseur ; il avait fait de lui un superbe
portrait en pied qui fit sensation au Salon de 1741 ,
et dont les badauds admiraient surtout le cadre et la
glace, oui n'avaient pas coûté moins de 1 .200 livres :
le fils ae Samuel Bernard pouvait se payer pareille
fantaisie. En 1742, ce fut au tour de Mme la pré-
sidente de Rieux à poser; le portrait, en costume
de bal, tenant un masque à la main, eut aussi
les honneurs du Salon. J'aime à penser que le
cadre fit dignement pendant à celui de son mari.
Quand Bernard de Rieux mourut, en 1745, le
château, comme on le sait, passa à son fils, le
marquis de Boulainvilliers, qui le céda à vie au
fermier général Le Riche de La Pouplinière. La
Tour, nous l'avons dit au début, était un des hôtes
habituels de M. de la Pouplinière et fit plusieurs
beaux portraits du maître et de la maîtresse de
la maison, personnages qui nous sont déjà connus
et sur lesquels nous n'avons pas à revenir, en
ayant parlé longuement à l'article précédent,
intitulé : Château seigneurial de Passy. \jd
maître pastelliste, qui affectionnait nos parages,
avait loué, vers 1750, une maison de campagne
donnant sur l'emplacement du n° 59 actuel de la
rue d'Auteuil, et suivie d'un parc de deux arpents
au fond duquel s'élevait un petit pavillon dont la
pièce principale, éclairée par un dôme, lui servait
probablement d'atelier. Cette maison, dont il de-
vint acquéreur en 1770, avait été construite au
commencement du rèçne de Louis XV, sur des
terrains qui dépendaient de la seigneurie de
Passy (1). La Tour y reçut, dit-on, le maréchal
de Saxe, dont il avait fait le beau portrait qui se
voit actuellement au musée du Louvre, et Louis XV
(un de ses modèles sans rancune) ne passait ja-
mais dans le village sans envoyer demander des
nouvelles de son peintre. Son peintre en titre,
non seulement, en effet, il l'était depuis 1750,
(i) Voir l'article : Auteuil au dixhuilit'me siècle.
l. I, p. 1») du Bulletin, et le livre : le Salon de
Mme lielvétius; Cabanis et les Idéologues, pjir
M. Ant. Guillois. p. sfj. auxquels nous empruntons
les (iêlails sur la maison de Ln Tour, et sur sa
cessi<)n ù Mnu' Ile|vclius, en 1772.
288
HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENT
mais il était encore celai de toute la famille
royale : la reine, le dauphin, la dauphine et leurs
enfants, tous avaient posé devant lui. Et n*avait
pas cet honneur qui voulait ! Ouelq[ue offre de ré-
munération ^u*on lui fît, la célébnté du person-
nage ou le titre d'ami pesait avant tout dans le
choix de ses modèles. Cest ainsi que les maré-
chaux de Belle-Isle, de Lowendal et de Saxe pour
l'armée ; Voltaire, Rousseau, Fontenelle, Crébillon
père, d*Alembert, Diderot, Helvétius, Duclos,
Bachaumont, La Gondamine, Buffon, pour les
lettres ; les actrices Clairon, Favart, Adrienne
Lecouvreur et Sophie Arnould; les danseuses
Mlle Salie et la Camargo, à ne citer que les plus
célèbres, eurent leurs portraits de la main de ce
machiniste merveilleux, de ce grand mapicien,
comme l'appelle Diderot; aussi, un sixain à la
mode du temps put-il dire, sans trop de flatterie :
Cher! de» héros et des belle».
De La Tour, tes touches fldèh*s
Les reproduisent traits pour traits;
Et par une aimable imposture
Tu séduis même la Nature
Qui s'admire dans tes portraits.
S'il avait longtemps séduit la nature, la na-
ture en 1772 commençait sans doute à ne plus le
séduire, car, le 30 avril de cette année, il se dé-
cidait, moyennant 30.000 livres, à vendre sa
propriété dAuteuil à Mme Helvétius, et ce fut son
ami, le notaire Laiguedive, dont il avait fait un
excellent portrait en 4761, qui fit le contrat de
vente.
Né en 1704, La Tour commençait à se faire
vieux ; néanmoins, jusou'à 1784, occupa son
logement des galeries au Louvre, ne voulut pas
le quitter sans avoir assuré la fondation de trois
prix pour les jeunes artistes, et se retira alors à
Saint-Quentin, sa ville natale, où il mourut quatre
ans après, à demi tombé en enfance (1 ) , après y avoir
laissé de nombreuses donations : en faveur d'une
école gratuite de dessin qu'il avait fondée pour
soixante-dix élèves, d'un Bureau de charité pour
les artisans infirmes et pour les femmes pauvres
également infirmes ou en couches. 11 laissait en
usufruit, au seul frère qui lui restait, les pastels,
tableaux et objets d'art qui garnissaient sa mai-
son et forment aujourd'hui la belle collection La
Tour du musée de Saint-Quentin (i).
Bénis soient, quand même, les bourrus bien-
faisants!
Léopolu Mar.
(i) Dès ijCu. Diderot lui iirt-dit celle fln : • Je
sortait du gafon^ dil-ll. Je muia entré chez La Jour,
cet homme si singulier qui apprend le latin à soixante-
cinq ans et qui abandonne l'art dans lequel il
excelle f)our s'enfoncer dans les profondeurs de la
métaphysique, qui achèvera de lui déranger la tête. ■
(2) Ce musée, pour ce qui nous intéresse parti-
culièrement, possède les portrnilsde la présidente
de Rieux et ceux de M. et de Mme de La Poupli-
nière, cbâlelain et châtelaines de Fassy.
JEAN-JACQUES A LA FÊTE DE PASST
Jean-Jacçjues Rousseau, invité par M. et Mme de
La Pouplinière à venir dfner au château seigoeorial
de Passy, s'y rendit. <i*était le jour de FAnoon-
ciation, fête patronale de la commune. Après dîner,
on alla se promener à la ftte, qui se tenait alors
dans les jardins du chûtean et vers le milieu de la
rue Raynouard; M. de La Pouplinière s*amuiait à
jeter de Targent aux paysans et riait beaucoup
de les voir se ruer les uns sur les autres pour le
ramasser. Jean-Jacques profita du moment où tonte
la compagnie était occupée de ce spectacle, pour
se dérooer à la foule et chercher, suivant sa cou-
tume, un lieu plus solitaire. Arrivé près de Tave-
nue qui, du château, conduisait à la route deVer-
sailleis, il voit une petite fille qui portait des
pommes sur un éventaire et n'avait pas d'acheteur:
< Combien vos pommes ? lui dit-il. — Six sons
pour vous servir, mon bon monsieur. — Ehbien,
ma chère enfant, je vous les achète toutes, A
condition que vous irez les porter à ces petits
savoyards me vous vouez à deux pas de
nous. » — La jeune marchande ne demanda pas
mieux et les petits garçons, jui ne s'attendaient
pas à pareille aubaine, se mirent à croquer les
pommes, en sautant de joie. Cette manière de
taire des heureux valait bien celle du riche finan-
cier auquel Piron dit un jour : Allez cuver votre
or.
(Extrait en partie des Chroniques de Passy,
deQuillet, t. I, p. 425 et i 26.)
MADAME DE GENLIS
1746-4830 (i)
Mme de Genlis intéresse la Société historique
pour les rapports qu'elle eut avec plusieurs per-
sonnages qui ont vécu dans notre domaine, avec
Miranda qui la protégea dans sa fuite, quand elle
émigra pour la seconde fois, avec la comtesse de
la Motte, la célèbre héroïne du Collier de la Heine,
qu'elle vit chez Mme de Boulainvilliers et dont elle
fit nommer le frère commissaire de la marine, et
surtout par différents séjours qu'elle fit à Passy (2).
Elle habita aussi Ghaillot. Elle fut enterrée au
mont Valérien.
(1) Sources phincipalks. — Mémoires inédits de
Mme la comtesse de Genlis sur le xviii» siècle et sur
la liévolution française^ depuis 1766 jusqu'à nos
jours, 8 vol. in-8, Paris, iSaS — Leçons dT une goa-
vernante à ses élèves ou fragments d'an journalqui
a été fait pour F éducation des enfants de M. le aue
d'Orléans, 1791, 2 vol. in-12. — Les Souvenirs de Fé-
licité L..., 1807, in-12. — Sainte-Beuve, Causeries
du lundi, t. 111, pp. i9 à 37. — Mme de Genlis, sa
vie, son œuvre, sa mort, 1746-1830, d'après des do-
cuments inédits, par Honoré Bonhomme. Paris,
iK85, librairie des Bibliophiles, Jouaust. in-12. —
Miss Kavanagh. Frenchwomenofletien. Tauchnilz,
i863. — M.-L. de Sévelinges, Mme la comtesse de
Genlis en miniature. Paris, Denlu, 1826. ln-8. —
Cousin d'Avallon, Genlisiana, 1820, publié à la
littérature politique, t. 111. pp. 16 ss., avec cette
devise : Mulierem quis fortis inveniet, etc.
(2) HAtel de Genlis, n* 58 de la rue de Passy.
Renseignement dû à M. Mar.
ANNEXES
289
Il faut dire qu'elle intéresse aussi la plupart des
autres Sociétés d'histoire parisienne nées et à
naître, car elle passa dans beaucoup de quartiers
et on lui demandait un jour très sérieusement :
«Où logez-yous cette semaine, Madame (4)? »
Suivons-la maintenant dans sa carrière aventu-
reuse. Etudions son caractère par sa vie, par les
sentiments qu'elle inspire aux autres et par ce
qu'elle nous en dit elle-même. Malgré les docu-
ments, les jugements de ses contemporains et ses
bavardages indiscrets, il restera un certain
nombre de points obscurs.
LA MUSE ERRANTE (/ULR.> JAKIfl)
Elle s'appelait Félicité-Stéphanie Ducrest de
Saint-Aubin. Mais on l'appela aussi comtesse de
Bourbon-Lancy, Mme la chanoinesse à l'âge de
sept ans, puis comtesse de Genlis, marquise de
Sillerv, puis citoyenne Genlis, Mme Bruslart. Elle
eut plusieurs autres allas.
Elle naît à Champceri, près d'Autun. Elle ré-
side à Cosne, à Saint- Aubin, dont son père est
seigneur. Il se ruine, part pour Saint-Domingue.
Mme Ducrest et sa fille, alors à Parts, rue Traver-
sière, se réfugient chez M. de Chevilly, homme
de robe. Mme Ducrest, sans domicile, recourt à
celui de ses amis. Il le fallait bien. Les amis com-
prenaient cette nécessité. M: de Chevilly ayant été
saisi par ses créanciers, nous trouvons la mère et
la fille à Passy, chez La Pouplinière. Puis au cou-
vent de Saint-Joseph, qu'habite Mme Dudeffand,
leur parente, puis par-ci par- là dans Paris. M. le
comte de Bruslart de Genlis, depuis marquis de
Sillery, épouse Mlle Ducrest. 1^ mari rejoint son
régiment, la femme entre dans un couvent. Elle le
quitte, habite la Picardie, le château de Sillery ;
elle entre au Palais- Koy al comme dame pour
accompagner la duchesse de Chartres, en 4770 ;
elle devient à trente et un ans gouvernante do
Mlle de Valois, en 4784 gouverneur des princes ;
elle s'établit avec ses enfants et ses élèves au cou-
vent de la rue de Bellechasse, réside de temps en
temps à Saiot-Leu, voyage en France, en Angle-
terre. Au début de la Révolution, elle demeure à
Passy, émigré en Angleterre par-ci par-là, revient
à Paris, part pour Tournai, Saint- Amand, pour la
Suisse, à droite, à gauche, pour l'Allemagne, de
cOté et d'autre, rentre à Pans. Domiciles variés :
rue d'Enfer, l'Arsenal, rue de Berri, passim dans
Paris, puis Mantes, Chaillot, etc. Elle mourut près
de Saint-Philippe-du-Roule, faubourg du Houle,
ii«24.
INCIDEirrS ET ACCIDENTS
De la naissance à la mort, que d'événements
relatés par les Mémoires! Que Mme de Genlis se
rend intéressante ! Ln gros bailli manque s'asseoir
sur l'oreiller oii elle est emmaillotée : c'était l'as-
phyxie certaine. A dix-huit mois on la repêche
dans un étang; elle s'assied dans une cheminée et
(l) Giraull de Sainl-Fargenii, Quartiers de Parië^
p. Wi.
garde deux marques de brûlure. Le grand prieur
qui la reçoit à sept ans chanoinesse, en lui cou-
pant une mèche de cheveux lui enlève un bout
d'oreille. Plus tard, elle est bien près d'être tuée
d'une balle à ricochet par le duc d Orléans qui, lui
tournant le dos, s'exerce au pistolet. A Reggio, une
folle, dont elle se débarrasse d'un coup de poing,
veut l'étoufler. Elle a la vie dure, dit Carlyle^ Ta
vie d'un chat, de neuf chats ; elle échappe à la
strangulation, à l'immersion, à la combustion, à
l'eau, au feu, au fer, au plomb. Un jour, dans sa
chambre, rue de Vangirard, elle voulut à tâtons
prendre un petit meuble, elle se heurta contre une
malle, fit la culbute, se cassa deux dents, se
pocha un œil, se bossua le front, se débossua le
nez. < J'avais, dit-elle, le nez légèrement re-
troussé ; comme tous les nez de ce genre, il était
joli, délicat, il a été très célébré eu vers et en
prose. Je l'avais conservé dans toute sa délica-
tesse. La petite bosse est maintenant enfoncée. »
L AMOUR, CE ROM ME RESTA
•
Mme de Genlis fut-elle jolie ? Peu importe au-
jourd'hui, dira-t-on. Il importe beaucoup. Ces
charmes du nez, du visage et de la taille, ces
agréments, dont elle nous entretient beaucoup,
expliquent sa fatuité. Les vêtements, les attife-
ments, les falbalas, les paillettes, les déguise-
ments qu'on lui fit porter, préparent son naturel
fardé, grimé, les attitudes et les poses qu'elle prit
dans la mascarade de son existence.
Toule petite, il ne suffit pas qu'on lui dise :
tenez- vous droite, mademoiselle ; ne louchez pas,
mademoiselle; fi! que c'est vilain. On lui empri-
sonne la taille dans une cuirasse lacée au crochet,
les pieds dans des souliers de petite Chinoise, le
cou dans un carcan de fer, on lui couvre la tête
de trois ou quatre mille papillottes, les yeux de
besicles. Elle porte une aune et demie de paniers
et sa largeur devient le double de sa hauteur.
Elle apparaît ensuite sous les traits de Cupidon
dans un opéra-comique de sa mère. On la trouve
si gentille qu'elle garde comme toilette ordinaire
son attirail d'Amour, ses ailes bleues, son habit
rose, son carquois, son arc pour aller à la messe
le jour de la Fête-Dieu : Cupidon par de légers
changements se métamorphose en ange.
Dans une fête de famille, elle représente l'Amitié
en costume de Savoyarde ? Pourquoi Savoyarde ?
Plus tard, elle personnifie Iphigénie en robe de
lampas cerise et areent, fourrée de martre. Ado-
lescente, vêtue en nomme, elle saute les fossés.
Jeune femme, elle joue la comédie chez M. deCa-
raman, en vestale, en sultane favorite. La sultane
a quelque reproche à faire au maître de la maison ;
elle le pince, l'égratigne, lui donne des coups de
pied dans les janibes, après quoi on se réconcilie.
MOINS JOLIE qu'elle NE SK ChOIf
(opinion DKi AUTRl^lS FEMMES)
Sans travesti, comment la voient réellement ses
contemporaines ?
(1) Abrégô (!e8 Mémoire» (é<l. OllendorlT, p. 11)
»9
ZgO IIISTOIKK UL' XVI' A RHOM>l SERMENT
« El'e auDe gaietéde jolies deats, «dit Mme Je troussé. Elle était mime et ponrait preodre de*
Cambi. phïsioDomies variées (1). »
Mme de Bourders ; « Elle fait mentir le pro- Ecoulens Mme Vigée Lebrao (2) :
ferbe qui dit que lea visages ronds o'oal pas de * Mme de Gentis était assez grande el très tnea
physionomie. > faite; ellen'ajamaiidd jlre précisément jolie; elle
Mailainu de Gentis vcrr^ la lin de 90 \ip.
:»'»pris k poKraH de M" Clitraiifline. — Cillerlion de M. Emile Potin.)
d'AbraDtès trouve < qu'elle a une taille . avait beaucoup de ph;rsionomie. Je pense qoe sa
ite. aisée, ronde et même souple el gra- physionomie aorait pris difficilement l'eiprosaon
v»u«, mais l'air méchant, agile. Ses yeux taillés
en amande racontaient tont autre chose que ce qui
derrail animer un visage de jolie femme. Son nez [i ' Mme d'AbrsaU-s. (« Suloat loat tEmplrt el
ne se sauvait de la réputation de ctos nez que '-i i>f'l<'araiion.— i',utim.
parce qu'il pouvait prétendre 1 celle de nez ro- ji^mJ)?;;™' îi'.' '''"""' ^- '"' " " '""^ ''"
ANNEXES
291
de la boolé ; mais elle prenait toute autre expres-
sion avec une mobilité prodigieuse. »
Mme de Genlis tient à passer pour petite. « J'ai
couché, dit-elle, dans un berceau d'enfant trop
petit pour que mademoiselle (de Chartres) y pût
dormir. » (12 juillet 1787.)
Mme d'Oberkirsh {Métnoires, t. H, p. 61) ac-
corde i Mme de Genlis du charme, mais peu de
naturel. « Elle pose sans cesse poui* son portrait
esique et moral. Un ridicule immense de cette
me masculine, c'est sa harpe, elle la porte
partout avec elle ; elle en parle lorsqu'elle ne l'a
point, elle joue sur une croûte de pain, et elle
s'exerce avec une ficelle. Quand on la regarde,
elle arrondit les bras, pince la bouche, prend un air
sentimental, un regard analogue et remue les doigts.
Mon Dieu ! que le naturel est une belle chose . »
A la fin de sa vie, Mme de Genlis fit faire son
portrait par Mme Chéradame : « Je suis représen-
tée jusqu'aux genoux, écrivant pendant la nuit,
ayant à côté de moi une lumière prèle à s'éteindre,
et m'arrètant en voyant naître le jour. Je fis
mettre sur la table, à côté de la lumière, un vase
de fleurs et enfi 1 un seul livre sur le revers du-
quel ce mot est écrit : Evangile. Il y a derrière
moi une harpe dans l'ombre (I). »
CONQUÊTES ET TRIOMPHES
Nous abrégerons le long cortège de ceux qui
ont succombé aux charmes de Mme de Genlis. Il
faudrait avoir recours à des classifications do
soupirants, todt un numérotage par chiflres et
lettres de l'alphabet. Ce sont des hommes de
lettres, des professeurs, des roturiers, des nobles,
des étrangers qui tombent à ses pieds, s'engagent
de désespoir, l'insultent après l avoir adorée, en
prennent la jaunisse. Elle eût pu épouser le baron
d'Âudlau (qui intéresse Auteuil), qui lui envoya
son arbre généalogique. 11 se rejeta sur Mme Du-
crest et fit sa femme de celle qui eût pu être sa
belle-mrre. Mme de Genlis dit avoir dédaigné La
Harpe, la fleur des pédants, qui l'aima pédante-
ment, Marie- Joseph Chénier, Dernardin de Saint-
Pierre. On lui attribue comme amants : Brissot,
Pétion, Mirabeau cité par Sévelinges, conte à
Sophie Monnier, lettre au 2 fév. 1780, ses rela-
tions avec Mme de Genlis et une longue entrevue
en voiture.
Il convient d'insister sur trois soupirants, qui
appartiennent à notre domaine.
LA POUPUNIKRE
Parmi les personnes qui donnèrent l'hospitalité
à Mme Ducrest et à sa fille, fut I^ Pouplinière.
Elles arrivèrent à Passy le jour qu'on mariait six
Kuvres jeunes filles dotées par le financier,
le Ducrest prit part aux danses, aux galas, aux
concerts et aux fêtes, ioua de la harpe ; elle ob*
serva aussi ceux qu*elle voyait et les jugea. Da*
lembert a une figure ignoble, Sainte-Foix res-
semble au crime, le poète Bertin au remords.
(1) Mémoires^ p. 392. — Ollcndorff, iSyd.
La Pouplinière lui donna des professeurs de
musique, de danse, de déclamation ; il soupire à
la pensée au'il a soixante-six ans et que cette jolie
créature nen a que treize (1759). On l'entend
murmurer en la regardant et même dire tout
haut : quel dommage !
Stéphanie Félicité, reconnaissante de cet hom-
mage à ses yeux noirs, à son nez à la Roxelane,
à ses talents, se disait aussi : quel dommage !
< Je compris fort bien à la fin ce mot si souvent
répété et je fus fâchée moi-même de n'avoir pas
trois ou quatre ans de plus, car je l'admirais
tant que j aurais été charmée de l'épouser (1). »
Plus tard, Mme de Genlis se montra ingrate,
elle trouva que Voltaire se trompait en appelant
un peu Irop légèrement La Pouplinière : Mécène
et protecteur des arts (2).
Le palais de Mécène était peuplé de filles de
spectacle, de nymphes, de grâces et de bacchantes.
C'était l'époque oii Dubois-Crancé voyait La Pou-
plinière entouré de jolies duchesses. < Lui était
seul dans son magnifique fauteuil et se plaignait
d'avoir été changé en nourrice parce que, disait-
il, il était fait pour être roi (3). » Marmontel
dans ses Mémoires U) laisse deviner, en termes
trop clairs pour quil soit facile de les citer,
quelques-unes des scènes dont la maison était le
théâtre et cette soif de Tantale qu'avait le vieux
La Pouplinière pour tous les plaisirs. On lit dans
un livre de notre collègue, M. Lhomme (5) :
€ Mme de Genlis était pauvre, mais le financier
La Pouplinière lui fit donner une excellente éduca-
tion. »
3° CONTE DES MILLE EF UNE NUITS
LE MARIAGE DE Mlle DuCREST
11 y avait un jour un aga des janissaires très
noble, très beau, très brave, qui s'appelait le
comte de Genlis. Il était le prisonnier d'une fée
malfaisante qui avait nom la perfide Albiun. Il
rencontra un autre captif qui regardait en sou-
pirant un couvercle de botte sur lequel était
peinte une ravissante odalisque qui jouait de la
harpe. Le comte admira le portrait, apprit qu'il
était inférieur à l'original. 11 crut ce que disait
un père qui ne voyait à sa fille nul défaut. Il
tomba amoureux du portrait sur la boite ; il lut
des lettres élogieuses pour le modèle ; une mère
les avait écrites ; un père y ajoutait ses commen-
taires. Le captif était M. Ducrest, qui revenait
de Saint-Domingue.
L'officier fut rendu à la liberté par l'interven-
tion d'un génie, qui était son oncle le marquis de
Puisieux, ministre des affaires étrangères. 11
porta à Mme Ducrest les messages de son mari,
à Mademoiselle son cœur à lui et sa main. Le
mariage eut lieu. Il demeura secret, puis se dé-
couvrit. Ici ce n'est plus un conte d'Arabie, mais
(1) Pp. i3, li. Mémoires (OUcndorfr).
hi) Souvenirs de Félicité L..., p. 70.
(3) Disc, de Dubois-Crancc. Jung, vol. III,
p. ii5.
(4) P. 114, liv. IV, éd. 1819.
(5) Les Femmes écrirains^ Bibl. lit. delà Fumille*
Lioi'jiric de l'Art, Paris.
292
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
un roman moderne. La riche et paissante famille
fiit au comble de la fureur jusqu'à ce que, n'ayant
rien de mieux à faire, elle se résigna.
PHILIPPE-ÉGALITÉ
PROMENADE A BAGATELLE
Mme d'Âbrantès nous apprend que Mme de
Geolis fit impression sur le duc de Chartres à
rOpéra, où elle dansait un quadrille. Chaque
couple formait un proverbe. Le duc de Chartres
et quelques-uns de ses amis mirent sous la peau
d'un gros chat un petit Savoyard qui vint miauler
au milieu des danseurs et fut écarté à coups de
pied. Les miaulements se changèrent en pleurs.
Les spectateurs s'élevèrent contre la cabale. C'est
ce soir-là que le duc tomba amoureux de la com-
tesse. Elle était en paysanne, avec une robe de
taffetas broché rose sur rose, le corset semblait à
peine retenir une chemise de batiste. La tète était
coiffée d'une rose au milieu d'une touffe de gaze
d'argent et de petites plumes (i|.
Quelles furent ensuite leurs relations ? Dans ses
Mthnoires, le comte de Clermont-Gallerande,
cité par de Sévelinges (p. 198), affirme que
Mme de Genlis fut la maltresse du duc. Miss Bur-
ney, la romancière anglaise sur qui peut-être
nous reviendrons, car elle aussi appartint à Passy,
a des doutes. Elle trouve en Mme de Genlis la
plus délicieuse et la plus accomplie Française
qu'elle ait jamais rencontrée. Mais peut-on se lier
avec elle?
< Hélas ! dit miss Buroey, que faire ?on s'élève
contre elle avec tant d'universelle violence et
j'ai si peu de preuves de son innocence, j'en suis
intérieurement si peu convaincue par ce que
j'observe de sa conduite, de ses manières et de sa
conversation, que je n'ose me risquer à une corres-
pondance avec elle. Mais si elle est l'amante du
duc de Chartres, que de points obscurs ! Pourquoi
ne reste-t-elle pas au Palais-Royal ? Le prince
est jeune, il n'est pas fidèle, elle Tabandoune et
s'enferme à faire des éducations (2). »
Mrs PÎlkington (Memoirs ofcelebrated female
characters, Londres, 4804) dit: « Il n'est pas
aisé de supposer qu'une femme qui a peint la
vertu sous des couleurs si aimables puisse en même
temps marcher dans la voie du vice. »
iMme d'Oberkirsh se prononce : « Les intimités
du duc de Uiarlres avec Mme de Genlis ne sont
un secret pour personne et il ne s'en tient pas à
elle seule. » — Mme d'Oberkirsh se souvientd'avoir
dérangé à la Folie-Sainte- James, près de Baga-
telle, un couple amoureux : c'étaient le duc d'Or-
léans et Mme de Genlis. « Ils étaient censés brouil-
lés, par respect pour Mme la duchesse d'Orléans,
qui 1 avait obtenu à force de larmes, et ils furent
bien contrariés de nous voir là. Son Altesse Séré-
nissine avait demandé le huisclos du jardin. M. de
Sainte-James le lui avait promis. Le concierge
laissa entrer par erreur. Le prince nous salua
assez platement ; la dame prit un air superbe et
(i) D'Abrantès. Snlons, p. 44'«-
(a) Cité par miss Kavanagh, Englhh women of
lellers, p. 48 (Tauchnilz).
releva la tète en nous regardant fixement comme
une impératrice. Je la revis le soir, je ne sais
plus où, avec son éternelle harpe, qu'elle traî-
nait partout à sa suite. Elle sembla ne point me
reconnaître et sa hauteur ne s'abaissa pas devant
ce sonvenir (1). »
IJS ENNEMIS DE MADAME DE GENLIS
Comment l'apprécièrent ceux de ses contempo-
rains qui ne furent pas amoureux d'elle ?
En général, ils la détestèrent. Elle eut pour
ennemis, tour à tour ou ensemble, les aristocrates,
les républicains ; les jolies femmes, dont elle disait
du mal ; les laides, qui n'aiment pas les jolies
femmes ; les coquettes, qui l'appelaient prude ; les
vertueuses, qui l'accusaient Je lé|[èreté. Elle eut
aussi, parmi ses ennemis, ses anciens amis.
Sa tante, Mme de Montesson, ne l'aimait pas.
Est-ce étonnant ? elle l'appelait sa tantâtre.
Mme de Barbantane, comme elle dame du Palais-
Royal, lui voulait mal de mort. Rien de surpre-
nant ; elle disait : < Mme de Barbantane a un nez
d'un rouge éclatant. » — Comment l'abbé Raynal
lui eût-il voulu du bien ? elle le qualifiait de « vieux
libertin apostat ». Elle insultait, on l'injuriait.
Il courut sur elle, dans les salons, des énigmes
en vers qu'on ne peut trop citer en entier.
Au physique je suis du genre féminin.
Mais au moral je suis du genre masculin.
< Les œuvres de Genlis se vendent plus qu'elle
ne vaut..., » etc.
Aujourd'liui prude, hier galanlr,
Tour h tour loUe et docteur,
Genlis, douce gouvernante,
Deviendra dur gouverneur,
Et, toujours femme charmante,
Saura remplir son destin :
On peut bien ôtre pédante
Sans cesser
Mme d'Oberkirsh (2) l'appelle « une manière
de vaniteuse, femme à sentences, femme qui quitte
son grand habit pour les culottes d'un pédagogue ».
Elle ajoute (3) : « Décidément ces jeunes princes
d'Orléans ont un gouverneur un peu singulier. U
tient trop de la gouvernante et il n'oublie ses
jupons que lorsqu'il devrait s'en souvenir. »
Quand elle entre dans certains salons, les hommes
causent d'elle presque tout haut avec des rires
malveillants (4). On la représente, en caricature,
armée d'un sucre d'orge et d'une férule. Laclos,
familier du Palais -Royal, écrit sur elle :
Change donc, ma fille,
Ta plume en aiguille,
Brme ton papier;
Il faut te résoudre
A filer, à coudre;
C'est là ton métier.
Mme de Staël s'étonne que le vin de Sillery soit
bon, portant le nom de la marquise. H vaut mieux
3l2.
(i)Mém.A- II. p. î
(2) Mémoires y t. II,
(3) Id.. p. 260.
(/,) Mme d'Abrantès. Salons,
p. 61.
ANNEXES
293
ne faire ane meotionDer les outrages da comte
de Tilly dans ses Mémùires. Rivarol lui fit nne
gnerre acharnée : « Il n*aimait, disait-il, ane les
sexes prononcés. » Louis XVIH dira d'elle : Si
Mme de Staël en politique est beaucoup trop homme,
Mme de Genlis est un peu trop femme. » Sir Ch.
Morgan Tappelle : < une vieille sorcière menteuse
qui a l'air démarcher sur des ressorts... » etc., etc.
SES RARES AMIS
Dans ce concert de yitupérations, il y a quelques
témoignages farorables. Grimm (i) trouve en elle
Tespnt de Locke, le génie de Rousseau, Tâme de
Fénelon et la naïveté de Gessner. BufTon loi écri-
vait en janvier i780 : € Je ne suis plus amant de
la nature ; je la quitte pour vous. Madame. Elle
ne sait que former des corps et vous faites des
âmes. Que la mienne n'est-elle de cette heureuse
création... Pardonnez-moi, Madame, ce moment
de délire et d'amour. » Le ii mars 4787, il l'ap-
pelle « son adorable et noble fille ».
Fontanes la compare à Fénelon, la préfère à
Mmes de Sévigné et de La Fayette. Un M. Anatole
de Montoublon lui dédie en nmes un roman : la
Bergère du Rhône, iSU.
O vous dont la plume éloq^uente,
Genlis, qu'on admire et qu on vante
Aux champs, à la ville, à ta cour,
Nous peint l'innocence et l'amour...
LA POSTÉRITÉ
Que pense-t-on d'elle depuis?
Concourt lui reproche d'avoir écrit en bavarde
sur la morale, ce qui prouve toute son imagina-
tion et sa facilité à suppléer à l'expérience par le
style et à disserter sur oui-dire.
Essays from the limes {i^l) : « Elle semble
avoir réparé sa mauvaise conduite par un grand
soin à donner à ses élèves les meilleurs principes. »
Liste d'épithètes qu'on trouve accolées à son
nom : coquette, prude, pédante, vaniteuse, dévote,
impie, brouillonne, fantasque, évaporée, écervelée,
futile, bavarde, querelleuse, hypocrite, intrigante,
équivoaue, énigmatique, et, pour tout dire : fin
de siècle.
Voici sur elle un sonnet joli, et doublement
intéressant pour nous, puisqu'il fait passer devant
nos yeux Mme de Lamballe, vision plus gracieuse :
Sur la neige, dans un traîneau dont une rêne
Est d'or, et dont Taulre est d'argent, montrant
[son clair
Sourire et le salin duveté de sa chair.
Passe Lamballe, assise à cAté de la reine.
On dirait que le vent furieux les entraîne
En fourreau de velours épais, garni de vair ;
Elles volent dans la blancheur de l'âpre hiver,
Au galop des petits chevaux noirs de l'Ukraine.
Tout est orgueil, amour, fête, éblouissement
Dans ce groupe de sœurs, glorieux et char-
/mant.
Elles beaux grenadiers du régiment de Flandre
Admirent cet éclair de jeunesse el de lys,
El ces regards d'enfant el cet accord si tendre ;
O télés folles !... dit Mme de Genlis (?.).
(i) Corresp. ////., janvier 1780,
(2) Théodore de Banville, les Exilée.
RÔLE LITTÉRAIRE, POLITIQUE, ET VIEILLESSE
DE MADAME DE GENLIS
Nous n*insîsterons pas sur l'éducation des princes
d'Orléans. Sainte-Beuve a fait sur Mme de Genlis
inslituirice l'article définitif. La part qu'eut la
faction d'Orléans à la Révolution française appar-
tient à la grande histoire. Mais le journal de
Mme de Genlis donne quelques détails datés de
Chaillot, des filles Sainte-Mane ou de Passy (1 ^''sep-
tembre 1789), sur la vie des princes pendant qu*ils
habitaient le château de Boiilainvilliers.
Passy, 5 octobre. — I^ lundi 5 octobre, le doc
d'Orléans fait dire à ses fils de quitter Versailles
sur-le-champ et de passer par la route de Saint-
Clood à cause de la roule. « Nous sommes arrivés
à Passy, écrit M. Le Brun, vers trois heures et
quart. Les princes sont aussitôt montés chez leur
amie, qui les attendait pour dtner, car on a servi
tout de suite. » Mme de Genlis insère cet article
dans le Journal de réducatian, parce ^e, dit-
elle en note, dans les dépositions calomnieuses du
Chàtelet contre Mp d'Orléans, il était dit que ce
jour-là elle conduisait à la séiance les enfants de
Mgr d'Orléans. Or, elle était restée à Passy, dit-
elle, et cela doit être vrai.
Passy, journées des 5 et 6 octobre. — Mme de
Sillery était avec ses élèves sur la terrasse de la
maison de Passy qu'ils occupaient, pour voir pas-
ser les brigands qui allaient à Versailles le 5 oc-
tobre. Elle y était le jour oh le malheureux
Louis XVI se rendit à l'Hôtel de Ville. Il se tenait
sur cette terrasse les propos les plus offensants
pour la reine et pour Mme la princesse de Lam-
balle. Ces propos forent entendus par plusieurs
personnes ^i). I^s Mémoires de Rivarol (2) parlent
des émissaires du duc d'Orléans, qui les envoyait
de Passy, où Mme de Genlis partageait en ce mo-
ment sa sollicitude et ses alarmes. Des courriers
lui rapportaient de minute en minute les nouvelles
du château. On prétendit l'avoir vu à Versailles
sur l'escalier de marbre.
D'AllonviUe n'est pas d'accord avec Rivarol (3).
< Le due était, dit-il, chez Mme de Buffon, à Passy ;
l'alibi suffit pour annihiler l'accusation. » Mais ce
qui gâte l'alibi, c'est qu'il y en a plusieurs. Le
duc a l'air d'avoir été, ce jour-là, un peu partout
à la fois : à Paris, dit-il lui-même, retenu par on
travail. Mais quelqu'un l'a vu au bois. UnM.Cos-
nier l'a aper^'u du côté de Neuilly, vêtu de gris et
suivi de deux jockeys en rouge. Il l'a d'abord pris
pour un boucher. Il est sûr de l'avoir reconnu (4).
Weber (5) rapporte que les roués du Palais-Royal,
les Laclos, les Sillery, les Ducrest et plusieurs
antres personnages subalternes, la Genlis, sœur
de Ducrest, forent sur pied toute la nuit au milieu
(1) Mémoires du marciiiin de Clermonl-Galle-
lerande, cités par Sévelinjjes. - I>«'iilu,3 vol.in-8.
{•a) Colleclion des Mém. relatifs à l'Hist. de
France.
(3) Mém , vol. III. p. 59. . .
(\) Voir la fin de l'appel au trihunal de l'opinion
publique du rapport de Chahroml. — Genève,
(5) hfém.. vol. I, p. ^^3. Colleci. des» Mém. rela-
tifs ù la Révolution fran(,*aise.
294
HISTOIRE DU XVI'' ARRONDISSEMENT
de la canaille, qa*il8 enivraient de toutes les ma-
nières (5 oct. 1789). Dans une note du Journal
de V éducation^ Mme de Genlis écrit : « Dans cette
procédure (du Châtelet), des témoins prétendaient
avoir entendu affirmer que je tenais à Passy des
assemblées de députés, etc., tandis qu*il est de fait,
et que des gens de M. de Bonlainnlliers, restés
dans cette maison, le concierge, sa femme, les
fjrotteors, ont déposé cette Tenté, qui est que,
pendant tout le temps que j'ai passé à Passv, ie
n*ai reçu de dépotés que M. d'Orléans et M. de
Siltery, qui n*y est venu que trois ou quatre fois,
et M. de la Touche, chancelier de M. d'Orléans. »
Mme de Genlis chargea les journaux de désavouer
les propos attribués au duc de Chartres, qui aurait
dit à M. de Barbantane à Versailles : « Il faut
mettre les aristocrates à lu lanterne. » Elle invoqua
le témoignage de M. de Barbantane, qui dit n'avoir
rien entendu, et de M. Le Brun, qui ne rougit pas
de répondre qu'il ne voulait pas se faire imprimer.
sous L EMPIRE ET LES RESTAURATIONS
FIDÉLITÉ AUX PRINCIPES
Quels qu'aient été l'influence et le rôle de Mme de
Genlis, elle ne semble pas avoir eu des principes
politiques bien solides. Elle se lit faire un médail-
lon d'une pierre de la Bastille, elle dansa de joie
dans les jardins do Palais-Royal pour célébrer la
liberté conquise, elle envoya en don patriotique à
Mme Pajou une toilette d'argent. Elle abhorra
ensuite la Révolution et admira l'empereur, qui
lui donna une pension et un logement à l'Arsenal.
A la Restauration, elle offrit ses services à
Louis XVIU, qui les refusa. De Sévelinges dit
qu'elle se tourna du côté du doc d'Orléans et de
la princesse Adélaïd-e, qui lui firent une pension
et allèrent la voir ou la reçurent de temps en temps ;
mais Sévelinges est égaré par la haine. Mme de
Genlis se loue beaucoup de ses anciens élèves,
envoie à Mme Adélaïde une descente de lit en
plumes de paon (i) ; le duc d'Orléans lui présente
la duchesse. € Cette princesse s'avança, elle me fit
l'honneur de m'embrasser. Il y a deux choses,
dit-elle, que j'aime passionnément : vos élèves et
vos ouvrages. >
Mme de Genlis donne le nom des personnes qui
viennent la voir. C'est, avec Mme Récamier, la
maréchale Moreau, M. de Courchamp, M. Valéry,
le chevalier d'Harmensen, Anatole de Montesquiou
qui lui envoie*des vers ; presque tous ont des places
auprès du duc et de la duchesse d'Orléans, et
Mme de Genlis ne parle pas d'eux pour se faire
valoir. Elle ne mentionne pas leurs titres.
CHAII.LOT
Le duc d'Orléans lui-même lui fait des politesses
aimables, lui envoie do pain d'épices de Reims,
une énorme provision. « Malgré ma tempérance
naturelle, je n'ai pu résister à ce doux souvenir
(i) • J'aimoi» û penser, dit-elle, qu'elle foulerait
aux pieds chaque jour le symbole et l'attribut de
l'orgueil. >
de ma jeunesse ; j'avais dlni et j'ai mangé deux
on trois pains d'épice qui m*ont donné pendant
plusieurs jours d'assez vives coliques ; mais je n'en
suis pas moins reconnaissante — c'est gentil,
cela — d'un envoi charmant qui m'a fait tant de
plaisir. »
Mme de Genlis eut cette petite indisposition,
iO, nie de Chaillot, dons la maison duD** Canuet,
que Ladvocat, le libraire, loi avait indiquée. Elle
y passa quatre mois. Mme de Genlis décrit la mai-
son. De Sévelinges lui fait un grief de ses détails
inutiles ; nous ne l'imiterons pas. € La maison est
dans l'enceinte de Paris, mais tellement à nnede
ses extrémités qu'on peut se croire ft la campagne.
Elle est agréablement située et composée de deux
pavillons réparés par une jolie cour ombra|[ée par
des tilleuls. De là quelques marches conduisent à
un jardin ravissant tout en arbres verts formant
des allées découvertes et des berceaux... Mme de
Choiseul se charge de mes promenades et vient
me conduire au rois de Boulogne, à Passy et dans
certains lieux déserts que je ne reconnais pas,
parce que, depuis que je les ai parcourus, tout y
est changé ; oes grands arbres abattus, laissant à
nu un terrain immense, permettent de découvrir
le plus ravissant point de vue... Mme de Choiseul
faisait arrêter la voiture et nous causions avec
délices pendant plus de quatre heures (i). >
Mme de Genlis dit que la maison de santé est
celle du D*" Canuet (avec un t). Mais l'Almanacli
des 25.000 adresses porte : Canuel, maison de
santé, rue de Chaillot, iO. — Pour Canuet il
donne : Canuet, Victor, médecin attaché à la mai-
son de retraite de Sainte-Périne, etc., etc. —
Mme de Genlis a dA confondre la fin des deux
noms. Elle pouvait connaître le médecin de Sainte*
Périne, où elle pensa un instant entrer avec son
gendre Valence. De Sévelinges dit qu'elle renonça
à ce projet parce qu'elle ne crut pas pouvoir ren-
contrer, parmi les vieillards galants de l'asile, un
soupirant digne d'elle.
DERNIERS JOURS ET MORT DE MADAME DE GEMUS
Miss Opie, qui passe à Paris, nous donne quelques
détails sur les derniers jours de Mme de Genlis (\\ :
< Nous allâmes voir la comtesse de Genlis; elle
nous reçut amicalement. C'est vraiment une jolie
vieille femme de 87 ans (2), très simple. Pas de
smartness ni d'affectation. Elle reçoit beaucoup
de monde... »
Quelques semaines après, le journal de Miss Opie
porte (34 décembre) : « M. Moreau vint m'annon-
cer que la pauvre Mme de Genlis fut le matin
trouvée morte dans son lit. » — 2 janvier :
€ J'allai voir la pauvre Mme de Genlis dans son
oercueil, par bonheur j'arrivai trop Urd. Je fns
présentée à quelques-uns de ses amis... Je promis
d'aller à son enterrement. » Il eut lieu le 4 janvier.
* J'allai avec les personnes en deuil assemblées
{lour les funérailles de la pauvre Mme de Genlis-
^ maréchal («érard me fut présenté. Le soir j'allai
chez La Fayette comme d'habitude et fus présentée
à beaucoup de monde. »
(1) P. 333 et siiiv. Mém,, Ollendorff, 1898,
ANNEXES
295
ORAISON rCNÈBRE
Dans un article nécrologique qui eût pu attendre
quelques années, celui qu*on nomme souvent le
bon Jules Janin appelle Mme de Genlis : femme
errante, muse à pied, amphibie, tricoteuse de ro-
mans,qu*on croyait morte depuis cent ans, mais qui
râlait encore dans la boutique de Ladrocat. Il la
nomme aussi : paradoxe en jupons, vieille femme
prolixe, sempiternelle, vieille barbouillée de tabac,
fantôme en robe feuille morte, pédante au doigt
taché d'encre, etc. ; et, dans un élan : « Fi !
s'écria-t-il, Tabominable odeur de vieille encre etde
musc... Elle rendit dans un asthme suprême une
Ame éventée et un esprit de bois blani*. »
MONT VALÉRIEN
Mme de Genlis fut enterrée au Mont Valérien,
« cimetière de luxe et de rencontre, dit J. Janin,
à cùté de La Contemporaine^ femme d'un autre
temps, sa contemporame ».
On lit dans le Journal de Raikes(183i-i847,
London, 1856) : < L'une des tombes les plus né-
gligées parmi les tombes ouvertes au Mont Valérien,
3nand on fit les fortifications de Paris, était celle
e Mme de Genlis. »
Elle a écrit quatre-vingts ouvrages ; des his-
toires de la littérature française, qui se disent
complètes, ne mentionnent pas son nom, — oubli
mérité. Elle avait, en un style indifférent et pâle,
mis la civilité non puérile, mais honnête, en pro-
verbes, dialogues, comédies, drames, la piété en
devises, Thistoire en roman, le roman en sermon,
et la morale h toutes sauces bien fades.
Edmond Waiil.
LE CHATEAU DE LA MUETTE
On a donné plusieurs étymologies sur ce nom
de Muette. Certains auteurs prétendent que c»
nom vient de mente de chasse, parce que c'était
un endroit où Ton réunissait tous les chiens de
chasse que le roi avait à sa disposition quand il
voulait chasser dans le bois de Boulogne. Il exis-
tait, en effet, autrefois, dans les forêts destinées
aux chasses royales, des bâtiments que la tradition
dit avoir servi à cet usage et que Ton appelait des
muettes. D'autres prétendent que l'on avait donné
ce nom à cette résidence parce que c'est là que
nos rois venaient abriter leurs amours, le nom de
Muette signifiant, dans ce cas : lieu discret, en-
droit oîi l'on n'est troublé par personne.
On a donné une explication plus récente et qui
semble aussi vraisemblable que les deux premières :
ce château n'était autrefois (ju'une simple maison
que les souverains avaient fait élever au milieu du
bois de Boulogne pour y garder les mues des cerfs,
c'est-à-dire les bois qu'ils perdent à l'automne.
et pour y mettre les faucons servant à la chasse
lorsqu'ils étaient en mue. Or, on sait qu'en terme
de fauconnerie on appelle ces sortes d'abris des
muettes. De là le nom qui resta au petit château,
d'abord simple rendez-vous de chasse, qui fut cons-
truit au xvii^ siècle et qui devint une résidence
royale au commencement du xviu* siècle par les
soins de Philippe d'Orléans.
Nous n'avons pas la prétention d'imposer l'une
ou l'autre de ces étymologies ; nous laissons à de
plus autorisés que nous le soin de faire un choix
entre ces différentes définitions.
Quoi qu'il en soit, le château qui nous occupe
est situé sur le territoire de Passy, à l'entrée même
du bois do Boulogne, sur l'emplacement d'un an-
cien rendez-vous de chasse.
La Muette fit partie du domaine de Marguerite
de Valois (i), reine de Navarre. Toutes les chro-
niques de l'époaue ont parlé de la galanterie de
cette princesse. Il est inutile de la rappeler ici ;
nous nous contenterons seulement de citer un pas-
sage de Tallemant des Héaux concernant l'origi-
nalité de ses costumes, dont il dit :
« Elle faisait faire ses quarrures et ses corps
de Juppé beaucoup plus larges qu'il ne falloit, et
les manches à proportion.
« Pour se rendre plus belle de taille, elle fai-
soit mettre du fer blanc aux deux côtés de son
corps pour élargir la quarrnre. Il y avoit bien des
portes ou elle ne pouvoit passer. Elle avoit un
moule un demi-pié plus haut que les autres et
estoit coiffée de cheveux blonds, d'un blond de
filasse blanchie sur l'herbe. Elle avoit été chauve
de bonne heure. Pour cela elle avoit de grands
valets de pié blonde que l'on tondait de temps en
temps. »
Malgré toutes ses excentricités, elle ne dépas-
sait jamais la mesure des convenances. Elle aimait
s'entourer de savants et de lettrés, et rien ne lui
était plus agréable à table que de les entendre
discourir.
Lorsque le roi voulut dissoudre son mariage
pour les beaux yeux de Mme de Beau fort, elle re-
fusa toujours énergiquement, pensant que, si elle
y consentait, ce serait porter atteinte à sa propre
dignité et à l'honneur de la couronne ; mais elle
avait assez de tact et de sens politique pour se
plier aux nécessités d'Etat. Sa tendresse pour le
jeune Dauphin, fils de Henri IV et de Marie de
Médecis, le démontra bien. « Ah ! qu'il est beau I »
s'écria- t-elle, en le voyant lorsque Souvré, son
gouverneur, et Pluvinel, premier écuyer, le lui
présentèrent pour la première fois. « Ah ! ou'il
est bien fait ! que le Chiron est heureux qui élève
cet Achille ! »
A la mort de Henri IV, elle fit au jeune roi
donation en règle de tous ses biens ; c est ainsi
que le 27 mars 1615, après la mort de cette prin-
cesse, le roi Louis XllI se trouva possesseur du
rendez-vous de chasse de la Muette.
Catelan fut investi par le roi Louis XIV de la
dignité de capitaine de la garenne du bois de Bou-
logne, et ce tut lui qui fit faire des constructions
(1) Il existe encore aujourd'hui une allée du bois
do Boulogne qui porte le nom d'Allée de la Reine
Marguerite.
296
HISTOIKE Dl* XVI* ARRONDISSEMENT
importantes ; mais il vendit en d702 sa charge au
directeur des finances Fleuriau d'ArmenonTille. Il
n'est pas sans intérêt de rappeler ici ce qu'en dit
Saint-Simon :
« C'étoit un homme léger, gracieux, respec-
tueux quoique familier, toujours ouvert, toujours
accessible, qu'on voyait peiné d'être obligé de
refuser et ravi de pouvoir accorder, aimant le
monde, la dépense et surtout la bonne compagnie,
qui étoit toujours nombreuse chez lui. Il étoit frère
très disproportionné d'âge de la femme de Pelle*
ticr, le ministre d'Etat, qui l'avoit fait intendant
des finances pendant qu'il étoit contrôleor général.
« Outre cet accès à la faveur publique, Saint-
Sulpice le portoit auprès de Mme de Maintenon à
cause du supérieur de tous ses séminaires, qui
étoit fils de Pelletier le ministre, et il avoit auprès
du roi le crédit des Jésuites à cause du Père Fleu-
riau son père, qui l'étoit. >
Voici ce que dit Dangeau de la grande fête qui
fut donnée à la Muette, le lundi 5 septembre 1707 :
€ Mgr le duc de Bourgogne et Mme la duchesse
de Bourgogne allèrent se promener l'après-dlnée
au bois de Boulogne, à cheval, avec beaucoup de
dames. Il y vint un nombre infini de carrosses de
Paris pour voir la cavalcade. Dès que la nuit fut
venue, ils entrèrent à la Meute chez M. d'Arme-
nonville, où il y eut un souper magnifique, pen-
dant lequel Mme d'Armenonville servit toujours
Mme la duchesse de Bourgogne.il y eut des haut-
bois, on dansa fort. Il y eut une illumination dans
la cour et dans les jardins et beaucoup de belles
fusées ; la fête fut fort agréable et ils ne revinrent
ici (i) qu'à deux heures du matin. »
Le roi érigea pour M. d'Armenonville une nou-
velle capitainerie, car la première avait été sup-
primée an moment de la rentrée en grâce de M. Dcs-
marets et de sa nomination au contrôle général des
finances. Cette nouvelle érection donnait à M. d'Ar-
menonville la jouissance du château de la Muette
et d'une pension de 42.000 livres, plus la survi-
vance pour son fils. Il lui conserva en outre son
logement an palais de Versailles, mais sans autre
fonction que celle de conseiller d'Etat.
Mme d'Armenonville mourut le ^6 novembre
i7d6, à l'âge de cinquante-six ans, victime de
l'épidémie de petite vérole qui sévissait cette année-
là, et qui fit tant de ravages à Paris et aux envi-
rons.
Après la mort de Louis XIV, la duchesse de
Bernr, fille du régent, venait habiter la Muette,
qu'elle souilla de ses scandaleuses débauches. Cette
princesse mourut subitement à Passy en il\9.
Sa devise, qu'elle mit si bien en pratique, était :
Courte et bonne. La vie et la mort l'ont prise au
mot.
On n'a de la duchesse de Berry qu'un mauvais
portrait gravé pendant sa vie par Desrochers, et
un dessin du Cabinet de Fontette qui est mainte-
nant à la Bibliothèque Nationale.
Après la mort de sa fille, le régent donna la
Muette à Louis XV, son pupille, âgé de neuf ans.
I>e comte de Rion. qui était alors gouverneur du
château, fut remplacé par le marquis deCourtavel
(I) A Versailles.
de Pezé (i), qui eut la capitainerie des chasses
du bois de Boulog[ne. Le château subit alors une
grande transformation : on l'augmenta d'un étage,
les jardins s'agrandirent aux dépens du bois de
Boulogne et furent ornés de statues, les apparte-
ments reçurent une décoration plusluxueuseqn'au-
fiaravant : on y plaça des (jeuvres de Van &» Mea-
en qui ne contribuèrent pas peu à son embellis-
sement. Sous Louis XV, le château de la Muette
fut encore le théâtre de l'inconduite de ce monarque
efféminé. Le duc de Richelieu se chargea d'attirer
l'attention du roi sur une dame du palais de la
reine, la comtesse de Mailly, fille de Louis de Mailly,
marquis de Nesle (2) et d'Armande-Félieie de la
Porte-Mazarin. Louis XV avait alors vingt-deux
ans : tout fier de sa conquête, ce fut dans un diner
à la Muette qu'il osa en parler pour la première
fois ; il but à la santé de l'inconniie, puis après
plusieurs discours, il cassa son verre et invita tous
les convives à en faire autant. Le roi envoya en-
suite M. le duc de Retz pour dire à la seconde table
de boire également à la santé de la belle ; chacun
chercha à deviner quelle pouvait être cette incon-
nue. Les uns pensèrent que c'était Mme la duchesse,
d'autres Mlle de Beaujolais ; le surplus se déclara
pour Mme de Laura^is, belle-fille du duc de
Villars-Brancas (3). Enfin on apprit que le roi
aimait secrètement la comtesse de Mailly ; mais
cette passion ne devait pas durer longtemps. En
effet, Mme de Vintimille remplaça bientôt Mme de
Mailly, et elle réussit à dominer complètement
Louis XV par son caractère altier, envieux, vin-
dicatif, entreprenant, affamé de domination ; elle
eût pris même un empire considérable sur le roi,
si la mort ne l'eût arrêtée au début. Elle mourut
en couches le 10 septembre 4744, non sans soup-
çon de poison, laissant un fils, le comte du Luc,
qui ressemblait tellement au roi qu'on l'appela
plus tard à la cour le demi-Louis. Le roi fat très
affligé de cette perte ; mais son émotion ne tarda
pas à se calmer et l'ancienne favorite reprit tous
ses droits. C'est à cette époque que le château de
la Muette fut complètement restauré par Louis XV.
Après Mme de Mailly, ce fut Mme de Pompa-
dour qui la remplaça, et se décida à quitter sa
délicieuse résidence de Bellevue pour venir à la
Muette. Chacune de ses visites était marquée par
une libéralité artistique : c'est elle qui fit acheter
(1) iVv.»{ Cour/a rt;c/ (d'après despapicr$<defnmille
appartenant à rautour). et non Courlavel, comme
l'ont appelé c<;rlains historiens.
(•;!)On snilqucle titre de mari|uiR de Nesle valait
à In ramille celui de : premier marunis de France.
(3) Cette famille de Brancasesl issue de l'illus-
Ire maison des Branraccio de Naples. Le premîpr
qui vint se fixer en France est Rufile de Brancas,
chevalier comte d'Agnano au royaume de Na[^les.
seifi^ncur d'Oise et de Villoscès, diocèse de Digne
et de Sisteron. Cette famille se partagea en pin-
sieurs branches, celle des marquis dé Comhons,
comtes de Rochcfort, des barons de Villeneuve,
des seigneurs d'Oise, ducs de Villars-Brancas,
pairs de France. Elle a fourni h la France plu-
sieurs personnages dislinçués, entre autres André,
connu sous le nom d'amtral de Villars : Louis de
Brancus, marquis de Céreste, qui fut nomme ma-
réchal de France en 1740; Louis-Léon, duc de
Brancas-Laurngais, pair de France. Celle famille
est éteinte aujourd'hui, et son nom, ses lilres ont
été transmis à la famille Hibon de Frohen (papiers
de famille appartenant à l'auteur).
ANNEXES
297
par le roi le Ubieaa de la Sainte Famille, par
Raphaël, qui fut aussitôt placé dans la chapelle
du château et qui ne Ta quittée que poor aller au
Musée da Louvre.
Quatre dessus de portes commandés à Oudry
pour la salle à manger de la Muette figuraient à
Texposition de 1750. L*un d*enx, qui représente
un combat de coqs, appartient également au Musée
du Louvre.
Laissons à un écrivain du temps le soin de nous
décrire le château de la Moette tel qu*il était en
4762:
« Le vestibule est orné de deux tableaux de
Van der Meulen qui représentent les sièges d*Orsoy
et de Rees, et deux autres copies d'après lui :
M&ns assiégé en i69i, et Namur assiégé en
i692.
« On entre ensuite dans Tantichambre des sei-
gneurs. Les dessus de porte, par Dumont, repré-
sentent la Générosité, TAbondance, la Paix, la
Victoire.
€ La salle à manger est à droite. On y voit dix
tableaux d'Oudry, dont quatre dessus de porte.
Le premier représente deux coqs qui se battent ;
le second, un chien qui se jette sur des canards
dans des roseaux ; le troisième, une buse qui cul-
bute un lièvre, et le quatrième est un renard sur
un faisan. Dans deux autres, qui sont beaucoup
{ilus grands, on voit deux chasses : Tune au loup,
*autre au sanglier. La chapelle termine de ce côté-
là ; à gauche est le salon.
« En sortant, un parterre de broderies se pré-
sente d'abord, suivi de deux boulingrins ornés de
plates-bandes et de fleurs. Plus loin sont deux
étoiles de gazon, dans le centre desquelles on voit
deux figures de marbre ; Tune d'une chasseresse,
et l'autre d*une nymphe, par Flamen. Ces deux
pièces sont séparées par une allée d'arbres taillés
en boules sortant de caisses de charmilles, et sont
terminées par un grand tapis vert orné d'un groupe
de pierre représentant Pluton qui enlève Proser-
pine lorsqu'elle va puiser de l'eau à la fontaine
d'Aréthuse en Sicile. Une terrasse de forme circu-
laire qui donne sur la campagne fait la clôture du
jardin.
€ La gauche est occupée par la faisanderie (1)
et le potager, et la droite par le parterre dit de
l'Escarpolette, qui est renfermé et oh se trouvent
différents jeux ; au-dessus est un petit bois, suivi
du jeu de l'anneau tournant, et de l'orangerie,
du côté de laquelle on a fait un bâtiment assez
considérable.
€ Les deux statues de marbre placées contre les
palissades du parterre sont : une Chasseresse
essayant une flèche^ par Poirier, et Diane, par
Lemoyne. Cette dernière est près d'un joli bosquet
décoré de deux figures de marbre : Clytie changée
en tournesol, et une femme tenant un arrosoir,
comme pour répandre de l'eau sur des fleurs que
lui présente un Amour. »
Mme de Pompadour ne put résister au mal dont
elle était atteinte; elle mourut à Versailles le
15 avril 4764. Cette perte ne fit pas grand cha-
(1) La rue de la FaÏHanderie acluellt; est ainsi
appelée parce qu'elle occupe remplacement de la
faisanderie du château.
grin au roi, qui se contenta de dire, en voyant la
voiture qui emportait par une pluie battante cette
reine de la mode : < La marquise s'en va par un
bien vilain temps >, et ce fut tout. Ce trait seul suf-
firait à donner une idée du caractère de Louis XV.
Dès lors, le roi ne fit que de très ra^s apparitions
à la Muette. Ce château, oui n'avait servi que de
retraite aux débauches des différents rois qui
l'habitèrent, devint sous Louis XVI la demeure
familiale par excellence dans laquelle le roi et sa
famille se retirèrent de temps à autre, afin d'être
k l'abri de l'étiquette fatigante de la cour et des
sollicitations des courtisans. C'est à la Muette qu'il
fit remise entière à ses sujets du don de joyeux
avènement. Notre Bulletin a déjà donné les termes
de cet acte mémorable.
C'est à la Muette également que Louis XVI reçut
la corporation des marchands et des dames de la
Halle. C'est encore dans le parc de la Muette que
Pilâtre de Rozier fit sa première ascension aéros-
tatiaue en présence de la famille royale. C*est de
la Muette que Marie-Antoinette écrivait, à propos
de la banqueroute du prince de Rohan-Guéménée,
les deux lettres qui suivent (4) :
Mercredi i octobre (2). — « Ce jour, tout le
monde ne parlait que de l'énorme banqueroute que
venait d'ouvrir le prince de Rohan-GuéméDée,
grand chambellan de France, gendre du prince
de Soubise et frère du cardinal de Rohan-Guémé-
née, évèque de Strasbourg et grand aumônier de
France, banqueroute dans laquelle se trouvaient
compris nombre de pauvres et de malheureux,
qu'on faisait monter jusqu'à vingt, vingt-quatre
millions ou plus, et à l'occasion de laquelle le roi
venait d'accorder, quoique avec une sorte de ré-
pugnance (3), à ce prince, des lettres de surséance,
en lui enjoignant toutefois, disait-on, de se défaire
de sa charge, comme de son superbe équipage de
chasse. Depuis un certain nombre d'années, M. de
Rohan, qui avait fait des acquisitions considérables
en fonds de terres, avait été autorisé par Sa Majesté
à emprunter de fortes sommes, tant en rentes per-
pétuelles que viagères, à quoi il avait aisément
réussi par l'entremise de plusieurs notaires et d'un
sieur Marchand, son intendant, qui ne cessait de
prôner le crédit immense et le bon état des affaires
de son maître. On rapportait même que, tout nou-
vellement encore, le 8 septembre précédent, un
sieur abbé de Vinoy avait prêté une somme de
trente mille livres, et ce dernier trait, en compro-
mettant furieusement le prince de Gueménée,
déshonorait complètement celui à qui il avait
accordé sa confiance. »
Cette lettre prouve combien la reine était encore
attachée à la princesse de Gueménée, car elle inter-
vint activement pour tirer son amie de l'embarras
oh la mettait cette banqueroute, dont l'importance
fit scandale.
(i) Ces deux inléressanl«* documents sont ex-
traits du Bulletin de la Société de V Histoire de la
Révolution française.
(•A) 1783.
(3) Ce bruit, controuv*» par le billet «le la reine,
avait été sans doute mis en circulation par lu po-
lice sur l'ordre du niinislére. afin «l'éviler que le
roi ne soit alleinl par celle a (Tu ire {Bulletin de
r Histoire de la Révolution.
«98
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
La reine écrivit ensuite an contr61ear général
Joly de Fieory, poar le déterminer à yenir an
secours de la princesse. Cela résulte de la lettre
snirante :
Dimanche, 39 septembre 178a.
« Le voyage de Marly est décidé, ma princesse,
Sonr le 9 on le iO (1). Jouberthout et Latsame
isent que ma fille a en la petite vérole trop forte
pour la pouvoir mener dans le même air ^ue son
irére avant les six semaines; aussi elle ira tont
droit à Marlj, où elle restera tout le voyage, et,
à la Toussaint, nous reviendrons tous (â) ; cela
n*empèchera pas qn*une fois à Mariy vous ne ve-
niez la voir ouand vous le voudrez, comme je
verrai mon fils, et alors les sons-gonvernantes
changeront par semaine comme à Versailles.
« Je crois que Mme de Soncy, la mère, aura
besoin de repos. Je ne peux trop vous eu dire du
bien ; elle a été parfaite, tant pour les attentions
que pour la raison, auprès de ma fille. Pour la
jeune Soucy, elle a été aussi fort bien (3).
« Ces deux premières (4) sont des sujets rares
à avoir près des enfants. Enfin, je ne finirais pas,
si je voulais vous parler de tout le monde ; oui,
chacun en particulier mérite son éloge.
« On m*a dit hier que vous aviez la fièvre, ma
princesse ; je craius bien que Thumidité de Tria-
non, jointe aux chagrins, n*en soit la cause. Je
verrai, si il est possible, M. de Fleury aujourd'hui
et vous devez bien compter que je saisirai avec
plaisir tous les moyens et possibilités qu'il me
donnera pour vous rendre service.
€ Comme nous n'allons pas à Versailles, vous
êtes la maîtresse d*y revenir quand vous voudrez.
Je serai bien aise d*y trouver mon 6Is le 9 ; car
je compte y faire une course ce jour-là, et l'humi-
dité pourra bien vons ramener plus têt.
« Adieu, ma princesse ; j'espère que vous aurez
eu des nouvelles de M. de Montbazon encore hier.
Je vous embrasse de tont mon cœur.
« Je suis charmée que Mme d'Aumale soit bien ;
je l'aurais bien regrettée, et c'aurait été nne vé-
ritable perte pour mes enfants. »
Malgré tout ce ({ue fit la reine Marie- Antoinette
pour sauver le prince et la princesse de Gnémé-
née, elle dut les abandonner au moins publique-
ment et se séparer d'eux. Le 5 novembre, la
Gazette de France annonça que, sur la démission
de Mme de Guéménée, le roi avait disposé de sa
charge en faveur de Mme de Polignac, qui lui en
(1) Ce voyage n'eut pas lieu ; la cour resta h la
Muette iusàu'ù la fin d'octobre {Bulletin de la So-
ciété de i histoire de la Hévolntion).
(!i) La cour rentra à Versailles le 3o octobre
{if}id.).
;3) Dans les célèbres instructions données le
^ juilet 1789 à Mme de Tourzel, In reine portail
sur les deux sous-KOuvernnnIes de ses enfants ce
jugement : « Mme de Soucy. la mère, fort bonne
femme, très instruite, exacte, mais de mauvais
ton. Lit belle-fille, môme ton. point d'esprit. Il y a
déjà quelques années qu'elle n'est plus avec ma
lllle ; avec un petit garçon, elle n'a point d'incon-
vénients ; du reste, elle est très fidèle et même un
peu sévère avec l'enfant. * {Ibid.)
(\) Les deux premières femmes de chambre de
Madame, lllle du roi. étaient, en 1782, Mmes Le-
moine et de Freminville. (Almanach de Versailles
Versailles, Blaizot, 17H2, in-32. p. l'^H.
avait fait ses remerciements le jour de la Tous-
saint.
Le chAtean de la Muette pendant la crise révo-
lutionnaire snbit de graves mutilations. Le eorps
principal succomba sons le marteau des dénoKs-
senrs, et ses matériaux furent vendus à vil prix;
mais la réprobation publique mit nn terme à cette
curée, et ce qui restait, c*est-4-dire deux gros
pavillons et les bâtiments de service, furent lonés
par le fisc à des entrepreneurs de guinguettes et
de bals publics.
Vers 1818, cette magnifique propriété fut ache-
tée, an prix de 375.000 francs, par le célèbre
fabricant de pianos Sébastien Erard, et aujourd'hui
elle appartient à M. Franquel, comte ne Fran-
queville, membre de l'Institut, qui a épousé une
nièce de Mme Erard, Mlle Schœffer. Son salon
est le rendez-vous de tout ce que Paris compte
de notabilités politiques, littéraires et artistiques.
Pendant le siège de Paris, la Muette devint le
quartier général de l'amiral Fleuriot de Langle,
qui commandait le XI* secteur, porte DaupUne
au Point-du-Jour. L'amiral, entouré de ses offi-
ciers d'ordonnance : MM. Esnault-Pelterie, Des-
chars, le comte de Roys de Ledignan de Saint-
Michel ; Dembrée,capitaine des mobiles d'Auvergne ;
de Yauvray, lieutenant au corps d'état-major ;
Clérel, de Torsiac de Boinel,etc., était an château
de la Muette comme il eût été dans son manoir
breton, et au milieu de son état-major comme an
milieu de sa famille. Mais à Thenre du combat,
une transfiguration s'opérait. Le marin succédait
à l'homme du monde et la bonté faisait place à
une indomptable énergie. M. de Langle n'existait
plus, il ne restait que l'amiral et son navire. Ce
navire, c'était Paris (4).
Pendant les tristesses du siège de Paris, la
Muette faillit recevoir le coup de grâce. En effet,
le lundi 28 novembre 1870, à dix heures du soir,
un incendie se déclara dans l'observatoire en
planches qu'on avait construit au-dessus du châ-
teau pour observer les mouvements de l'ennemi ;
mais les secours arrivèrent promptement, et en
moins d'une heure on fut maître des flammes.
Après la guerre, Mme Erard rouvrit ses salons
de la Muette qu'elle devait bientôt fermer par suite
de deuils successifs.
Au mois d'octobre 1876, Mlle Schœffer perdait
son beau-père ; le i"^ octobre 4878, la sœnr
d'Erard, la comtesse Spontini de San Andréa,
veuve du célèbre compositeur, décédait également
à la Muette, dans sa quatre-vingt-troisième année.
Enfin Mme Erard, dont la charité était inépuisable,
y mourut le 43 octobre 4889. Cette remarquable
demeure avait été léguée par elle à sa nièce,
qu'elle avait adoptée.
L'ancien château royal, les bâtiments plus mo-
dernes et l'immense parc constituent toujours une
splendide propriété, où les hôtes actuels de la
Muette peuvent encore emprunter au poète latin
ses doux accents de grâce :
Deus nobis hirc otla fecit.
Comte F. de L*Église.
(1) Le Chàleau de la Muette^ par le baron de L.
ANNEXES
299
MORT DE LA DUCHESSE DE BERRY
A LA MUETTE
Mme la duchesse de Berry était à Meadon du
lendemain de Piques 10 avril d'où elle s'étoit fait
transporter à la Muette le 14 mai, couchée dans
un carrosse entre deux draps. Elle ne s'y trouva
point soulagée. Le mal eut son cours, les acci-
dents et les douleurs augmentèrent avec des inter-
valles courts et légers et la fièvre le plus ordinai-
rement marquée et souvent forte. Des irrégularités
de crainte et d'espérance se soutinrent jusqu'au
commencement de juillet. Cet état où les temps
de soulagement passoient si promptement et où
la souffrance étoit si durable donna des trêves à
Tardeur [de] déclarer le mariage de Rion et
engagea, outre la proximité du lieu, M. le duc
d^Oriéans à rapprocher ses visites et même Mme la
duchesse d'Orléans et Madame aussi, laquelle
passoit Tété à Saint-Cloud. 1^ mois de juillet
devint plus menaçant par la suite continuelle des
accidents et des douleurs et par beaucoup de
fièvre.Ces maux augmentèrent tellement le 14 juil-
let qu'on commença tout de bon à tout craindre.
lia nuit fut si orageuse qu'on envoya éveiller
M. le doc d'Orléans au Palais-Royal. En même
temps, Mme de Pons écrivit à Mme de Saint-Simon
et la pressa d'aller s'établir à la Muette. On a vu
qu'elle ne voyait Mme la duchesse de Bf rry que
pour des cérémonies, et les soirs pour l'heure de
sa cour, où elle ne soupoit presque jamais, et
retenoit seulement les dames qui étoient choisies
pour y souper, entre celles qui s'y trouvoient ou
au jeu ou à voir jouer, ce qui étoit le temps de sa
cour publique. Elle ne la suivoit guère que chez
le roi, ce qui était rare, et quoiqu'elle eût un
logement à la Muette et n'y alloit point: c'étoit
excès de complaisance si elle y couchoit une nuit,
quoique la princesse et sa maison n'y tussent
occupées que d'elle, et que ce fût une fête et
toutes sortes de soins quand elle faisoit tant que
d'y aller une fois, et rarement deux pendant tout
le séjour qu'on y faisoit. Elle se rendit à l'avis de
Mme de Pons et s'y en alla sur-le-champ pour y
demeurer.
Elle trouva le danger ^rand. 11 y eut une saignée
fjite au bras, puis au pied, ce même jour 15 juil-
let, et on envoya chercher un cordelier son con-
fesseur. Mme la duchesse de Berry reçut ses
sacrements à portes ouvertes et parla aux assis-
tants sur sa vie et sur son état, mais en reine de
l'une et de l'autre. Après que ce spectacle fut fini
et qu'elle se fat renfermée avec ses familiers, elle
s'applaudit avec eux de la fermeté qu'elle avoit
montrée, et leur demanda si elle n'avoit pas bien
parlé, et si ce n'ctoit pas mourir avec grandeur
et avec courage.
Ln peu après, elle ne retint que Mme de Mou-
chy, lui indiqua clef et cassette et lui dit de lui
apporter son bagnier; il fut apporté et ouvert.
Mme la duchesse de Berry lui en fit un présent
après quantité d'antres ; car outre ce qu'elle avoit
eu souvent, il n'y avoit guère de jours depuis
qu'elle étoit malade qu'elle n'en tirdt tout ce qu'elle
poavoit, souvent de l'argent et des pierreries; le
moins étoit des bijoux. Ce baguier valoit seul
plus deSOO.OOO écus.La Mouchy, tout avide qa*elle
étoit, ne laissa pas d'en être étourdie. Elle sortit et
le montra à son mari. C'étoit le soir, M. [le duc] et
Mme la duchesse d'Orléans étoient partis. Le mari
et la femme eurent peur d'être accusés de vol,
tant leur réputation étoit bonne. Ils crurent donc
en devoir dire quelque chose à ce qui leur étoit le
moins opposé dans la maison, où ils étoient géné-
ralement haTs et méprisés.
De l'on à l'autre la chose fut bientôt sue et
vint à Mme de Saint-Simon. Elle connaissoit ce
bajpier et en fut si étonnée, qu'elle crut en devoir
informer M. le duc d'Orléans, à qui elle le manda
sur-le-champ. L'état où étoit Mme la duchesse de
Berry faisoit qu'on ne se couchoit guère à la Muette,
' où on se tenoit dans un salon. Mme de Mouchy
voyant (jue l'affaire du baguier devenait publique
et réussissait mal, s'approcha fort embarrassée de
Mme de Saint-Simon, lui conta comment cela
s'étoit passé, tira le ba|pier de sa poche et le loi
montra. Mme de Saint-Simon appela les dames les
plus proches d'où elle étoit pour le voir aussi, et
devant elle (car elle ne les avoit appelées que dans
ce dessein) elle dit à Mme de Mouchy que c'étoit
là un beau présent, mais qu'il étoit si beau qu'elle
lui conseillait d'en aller rendre compte au plus
tôt à M. le duc d'Orléans, et [de] le lui porter.
Ce conseil, et donné en présence de témoins, em-
barrassa étrangement Mme de Mouchy, elle répon-
dit néanmoins qu'elle le feroit et alla retrouver
son mari avec qui elle monta dans sa chambre.
Le lendemain matin, ils furent ensemble au
Palais-Royal et demandèrent à parler à M. le
duc d'Orléans, qui, averti par Mme de Saint-
Simon, les fit aussitôt entrer et sortir le peu qui
étoit dans son cabinet, car il étoit fort matin,
Mme de Mouchv, son mari présent, fit son compli-
ment comme elle put. M. le duc d'Orléans, pour
toute réponse, lui demanda ou étoit le baguier.
Elle le tu>a de sa poche et le lui présenta. M. le
duc d'Orléans le prit, l'ouvrit, considéra bien si
rien n'y manquoit, car il le connoissoit parfaite-
ment, le referma, tira une clef de sa poche, l'en-
ferma dans un tiroir de son bureau, puis les con-
gédia par un signe de tète, sans dire un mot, ni
eux non plus. Ils firent la révérence et se reti-
rèrent également outrés et confus ; oncques depuis
ils ne reparurent à la Muette.
Je ne sais si l'absence de la Mouchy fit quel-
que impression heureuse sur Mme la duchesse de
Berry ; mais elle n'en parla jamais et, peu après,
elle parut fort rentrée en elle-même et souhaita
de recevoir encore une fois Notre-Seigneur. Elle
le reçut, à ce qu'il parut, avec beaucoup de piété
et tout différemment de la première fois. Ce fut
l'abbé de Castries, son premier aumônier, nommé
à l'archevêché de Tours, qui le fut après d'Albi,
et enfin commandeur de l'ordre, qui le lui admi-
nistra et qui le fut chercher à la paroisse de Passy
et l'y reporta suivi de M. le duc d'Orléans et de
M. le duc de Chartres. Cet abbé fit une exhorta-
tion courte, belle, touchante et tellement conve-
nable qu'elle fut admirée de tout ce qui l'enten-
dit.
302
HISTOIRE BU XVI* ARRONDISSEMENT
Iulie, le 33 norembra 1734, dei blessorag qu'il
■Tait reçues i le bataille de Gaastalla. en com-
battanl brafemeal contre les Autnchiena. — Ss
DomiaatJoa de chevalier de l'Ordre da Saint-Es-
prit Tenait de lui être enroyée en récompense de
u belle conduite, et nul doute qu'il ne fat rapi-
dement irriTé an commandement en cbef des
armées, nul plus que loi n'en ayant été reconnu
digne. — Le marquis de Pezé aTait obtenu
beaucoup de U muniËcence royale pour l'église de
Passy, qui, en reconnaissance, lui tii faire on ser-
TÎce solennel le S jauTier ITS.*).
A la mort du marqois de Peié. ce Tut MU
beau-frère, Henri-Camille, marquis de Béringhen,
de Chlleeuneuf et d'UielIes comte du Plestis-
Bertr*nd, etc., qui obtint le ^ouTernement de
il Muette, de Madrid et du bob de Boulogne.
On a dit : Heureux les peuple» qui tt'mU pat
d'hùtoire! S'il en était ainsi desbommes, le mar-
quis de fiéringhen serait un faToriEé ; aussi a-l-on
quelque peine ï trouter sur lai des reoaeipements
que l'on Toudrait plus Inléressants. Dans ses Hé-
moiret, d'Argenson le traite de sot et de dépensier,
tandis qu'au bas d'un assez ioli portrait de lui,
graTé en 1789 par Hoille d'après la Porte, on Ml
cet Ters :
Zclâ sujcl, an
nientulsaiil »'
lailles, car b principale particularité de ce do-
maine consistait et consisie encore en une canir-
diére ntnée à l'eilrémité d'oa étang de iil
hectares, s'élerant de plus de 3 mètres an-
dessus da chllean et dans laquelle les canaMs
fiauTigra, attirés par les priTés, s'abattaient alors
en telle quantité que la chasse s'en faisait deux
fois par jour, malin et soir, du i"' mars an 15
août. Notre troisième goureroenr iTait en entre
un château k Irry- sur- Seine près Paris. qu'ilsTait
orné des meilleurs tableaux de Lancret. Il mou-
rut en 1710, après iToir régi la Muette peadaul
treote-sii ans, et fut inhumé k Saint-Germain
l'Aaierfois.
Si BérJDghen eut peu d'histoire, son successeur
Hais quelle valeur ont les quatrains flatteurs
mis au bas des portraits des grands ? L'image le
représente assez bel homme, d'une corpulence
moyenne; mais l'expression du visage, des pins
ortfinaires, semble un peu coujirmer la première
partie dujngemenlded'Argenson. Faute de mieui,
rattrapons-nous donc par quelques détails de fa-
mille. Depuis Louis Xlll, le titre de premier
écuyer du roi s'était transmis ch» les de Bénnghea,
et notre nouveau goureraeur le possédait depuis
I* Gn de 1733, apnée de la mari de son père et
de son frère alaé. Le i février 1731, il avait été
promu chevalier de l'Ordre du Saint- ICspril. Au
mois de mars 1743, c'esl-ii-dire neuf ans après
sou installation à la Muette, il se décida enlin k
prendre femme, en la personne d'Angélique So-
phie d'Hiuiefort, veuve de H. de Lauziéres, baron
de Thémines et de Cardaillac. Mariage de raison
probablement. K.-C. de Bérioghen eut un frère,
tvèque du Puy, et deux sirurs successivement
abbesses de Faremoutiers, au diocèse de Meaui.
Son bAtel i Paris était situé rue Saint Nicaise. à
la placeduCarrou!iel.Sonpère,qui avait été membre
dnconseilde R^ence.directeur des Ponts el Chaus-
sées et membre honoraire de l'Académie des ins-
criptions, grand amateur d'estampes et d'ifuvres
d'art, en avait fait on Tèritable musée ; mais, i
u mort, ces collections avaient éièdispersées(l).
Le chlteau d'Armainviltiers, près de Tournan
(SeiDe-et-Mame), fut aussi la propriété dn père
et du fils (3), sans doute grands amateurs de vo-
ArmeH <lu Murtjuiri Armeii du Maréchal
en eut peut-être trop. Ce Inl le fameai prince de
Soubi se (Charles de Hoban-Koban etdeVentadoor).
Né le 16 juillet 1715. la protection del.ouis XV,
dont il était l'ami de rirur, et surtout celle de
Mme de Pompadour, k laquelle il se permettait
d'offrir des bagues enrichies de diamints, l'avaient
fuit, pins que son mérite qui cependant était loin
d'être nul, arriver aux plus hauts emplois. Duc et
pair, aTec le titre d'Altes ■ ■ ■ - l--.-•-
dcpuis 1751 , il,ful fait maréchal de
France le 19 octobre 1758, puis ministre de la
guerre. Ses qualités militaires laissaient cependant
k désirer; mauvais tacticien, le soldat u'aTailpas
conliance en Ini, surtout depuis ses mésaventures
au début de la guerre de Sept Ans. Le 13 octo-
bre 1T57, il était entré à (;olba avec 8.000 bom-
mes : le général prussien Scidliti, I la téie de
1.500 hommes seulement.le surprend au moment
eb il allait se mettre k une table splendidement
servie, dans le château princier ; Sonbise s'enfuit
à la hâte, laissant les Prussiens manger son sou-
per. Le 5 novembre snÎTant, il essuyait l'ignomi-
nieuse défaite de Hosbach, son armée prenait
lâchement la fuite, laissant 7.000 prisonniers
entre les mains de Frédéric II, qui, de plus, trouva
dans les bagages de Soubisc des Talels de cham-
IdsnjuiH liu BiiriiiKhen iv
siiitïuii iliic de HTnllii'évrf. H est aclueffëmcnt ta
propriùlù du bnran Bdinunrl <lv Rulhschiltl, qti< J'a
lilk Oïfc le priiicK du "condé, ce ^ul yè\^ti l In
rniiiiite Mj'ole.
ANNEXES
3o3
bre, des cais'miors, des acteurs, des perruquiers,
des marchands de modes,des sioges,etdes perro-
quetSydes parasols, des nécessaires de toilette, des
manchettes brodée et jusqu^à des caisses d'eau de
lavande et autres parfums. Une caricature d'alors
le réprésente une lanterne à la main, baissé vers
la terre, comme s'il cherchait un objet perdu. Au
bas, ces vers :
« Soiibise (lit, la lanterne ù la main :
« J'ai beau chercher; où diable est mon armée 1
« Elle était là pourtant hier matin ! »
Cependant, Tannée suivante, mis à la tète d'une
nouvelle armée, il obtint quelques succès à Son-
dersbausen, à la bataille de Lutzelberg, qui lui
valut son bâton de maréchal, et dans le landgra-
viat de Hesse. En 4762, il vainquit encore à Jo-
hannisberg, mais grâce surtout aux conseils du
maréchal d'EsIrées. de fut quelques années après
la guerre de Sept Ans, en 1770, qu'il fut nommé
gouverneur de la Muette, de Madrid et du bois de
Boulogne. Le 30 décembre 1734, il avait épousé
la fille du grand chambellan de France, Anne*
Marie-Louise de Bouillon, qui n'avait guère que
douze ans et mourut à Paris le i9 septembre
1739. Le U décembre 1745, il s'était remarié
au château de Saverne avec Anne-Victoire-Marie-
Christine de Hesse-Rheinfels, fille du prince héré-
ditaire de Hesse-Rheinfels. Je crois que c'est entre
ces deux dates de mariage qu'il faut placer le
duel bizarre qui eut lieu au bois de Boulogne pour
ce grand veau de Soubise (1) entre la marquise
de Nesles et la comtesse de Polignac et dans
lequel cette dernière enleva un petit bout de l'o-
reille de son adversaire. Soubise passait pour être
un des plus riches seigneurs de la noblesse fran-
çaise. En 1753, il avait donné eu dot à sa fille
5 millions, rien qu'en biens fonds, sans com|)ter
ses nombreux bijoux. On connaît ses générosités
pour la Guimard, première danseuse de l'Opéra,
qu'ilgratifia pendant longtemps de 7!2. 000 livres de
rentes. Son hôtel de Paris, rue de Paradis au
Marais (actuellement palais des Archives), était
un des plus somptueux de la capitale ; son grand-
père, vers 170d, avait consacré des sommes
immenses à son embellissement, fait aménager
la cour et construire le grand portique qui
subsistent encore. Les appartements répondaient
à la beauté du dehors, garnis qu'ils étaient
de nombreuses statues et de peintures de
Lemoine, Restout, Hyacinthe Rigaud, Parrocel,
Boucher, Carie Vanloo, etc. Vers 1773, Soubise
s'était aussi rendu acquéreur du château de Saint-
Ouen, près Paris.
11 serait injuste, en terminant cet article, de ne
pas reconnaître les qualités de Soubise qui cou-
tre-balançaient ses défauts : il était affable,
obligeant, aénéreux et inaccessible à la cupidité.
A la mort de Louis XV, il fut le seul courtisan
qui accompagna le corps de son protecteur à Saint-
Denis ; aussi, touché ae cette marque de recon-
naissance, Louis XVI lui conserva- l*il sa place au
conseil et tous ses gouvernements. Le prince de
(i) C'est à propos de ce duel que; la duchesse pa-
latine d'Orléans, dans ses Mémoires, lui applique
ce joli surnom.
Soubise mourut à Paris, le 4 juillet 1787, en sa
petite maison de la rue de l'Arcade, n® 22, et dut
être inhumé dans la chapelle des reliffieux de la
Merci, rue des Archives, au coin de la rue de
Braque, où était la sépulture des membres de sa
famille. U avait eu le gouvernement de la Muette
pendant dix-sept ans et ne fut pas remplacé ; la
famille royale ne venait plus au château, ou fort
rarement, et la fonction de gouverneur n'était
plus qu'une sinécure dispendieuse qu'on jugea
utile de supprimer. Les temps devenaient mauvais,
les économies s'impos;iient, et, par un édit daté
de 1788, Louis XVI ordonna la démolition ou la
vente des châteaux de la Muette et de Madrid. On
sait ce qu'il advint de ce dernier sous la Ré-
volution : il fut, hélas ! entièrement rasé. Quant à
la Muette, plus heureuse, elle ne le fut qu'en par-
tie et a pu conserver jusqu'à nous son corps de
bâtiment principal, remis intelligemment en état,
dans ces dernières années, par son possesseur ac-
tuel, M. de Franqueville.
L. Mar.
CHAUSSÉE DE LA MUETTE A PASSY
Personnages qui y ont résidé :
N® 8. — Jenny-Verthré (Mme Carmouche), cé-
lèbre actrice du Gymnase, habita longtemps à ce
numéro, avant 1857.
N" 16. — Talleyhand-Péricord, célèbre diplo-
mate, habita sous le Directoire le château de la
Petite -Muette,
N^' 16. — Sand (Maurice), fils de George Sand,
dessinateur et écrivain, mort en 1889, eut long-
temps villa au n® 16 de la Petite-Muette, l'habita
jusqu'à sa mort, mais mourut à Nohant. (Len®f6
de la Petite-Muette est devenu le n^' 3 de l'ave-
nue de la Petite-Muette.)
N« 20. — ARMk:N0NviLLE ( Flcuriau d'), inten-
dant des finances et garde des sceaux, acheta le
château de la Muette en 1705, le céda onze ans
après au régent Piiiuppk II, duc d'Orléans, qui
le fit reconstruire et le donna à sa fille la duches-
se DE Berry, qui y mourut en 1749.
N° 20. — Chateauroux (La duchesse de), maî-
tresse de I^uis XV, mourut, dit-on, au château
de la Muette, en 1744.
N®20. — PoMPADouR (Mme de), maîtresse de
Louis XV, habita quelquefois le château de la
Muette.
N^ 20. — Soubise (C. de Rohan-Rohan, prince
de), maréchal de France et minisire d'Etat, eut
logement au château de la Muelte, comme gouver-
neur, de 1770 jusqu'à 1787, date de sa mort.
N<* 20. -^ C'est au château de la Muette que
descendit MahieAntoinette, à son arrivée en
France, en 1770.
N« 20. — Polignac (La duchesse de), gouver-
nante des enfants de Louis XVI, passa souvent ses
étés au château de la Muette, où séjournait quel-
quefois Marie- Antoinette»
3o4
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
N° 20. — Rochon (L*abbé), astronome et navi-
gateur, membre de TAcadémie des Sciences, puis
de riostitut, eut logement au château delà Muette,
de n74 à i79i ou 1792.
N^ 20. — Leroy (Jean-Baptiste), physicien,
meoibre de l'Académie des Sciences, eut logement
au château de la Muette vers la fin du règne de
Louis XVI, comme garde du Cabinet de physique
du roi, qui était au n"^ 84 actuel de la rue de
Passy.
N<* 20. — CoRTETTo (L.-E., comte), ministre
d*Ëtat, eut la jouissance de la Muette de 1818 à
1822, date de sa mort.
^0 20. — Éhard (Sébastien), célèbre facteur
d'instruments de musique, acheta le château de la
Muette en 1820, et y mourut en 1831. Ce châ-
teau n'a pas cessé, depuis, d'appartenir à sa fa-
mille.
N" 20. — Sponfini (G.-L.-P.), célèbre compo-
siteur de musique et gendre de Sébastien-Ërard,
habita souvent le château de la Muette sous la
Restauration, et jusqu'à 1840. Sa >euve y mou-
rut en 1878.
N. B. — Le château de la Muette avait aussi
appartenu au roi Ctiarles IX, qui en fut le fon-
dateur, à Marguerite, reine de Navarre, première
femme de Henri IV (La reine Margot), qui ToHrit
au dauphin (Louis XIII), et enfin â Louis XV et à
Louis XVI.
LA BICHE DU ROI
A douze ans, Louis XV avait déjà des goûts
prononcés pour la chasse, eoûts que nous nous
permettrons d'appeler cruels, d'après l'anecdote
suivante que raconte Barbier en son Journal, à
la date d'avril 1722:
« Le roi avait une biche blanche qu'il avait
« nourrie et élevée, laquelle ne mangeait une de
« sa main et qui aimait fort le roi ; il la lait
€ mener à la Muette, et il a dit qu'il voulait tuer
« sa biche. 11 l'a fait éloigner, et il l'a tirée et
« blessée. La biche est accourue sur le roi et l'a
« caressé, il l'a fait remettre au loin et l'a tirée
« une seconde fois et tuée. On a trouvé cela bien
« dur. On conte de lui quelques histoires pareilles,
« sur des oiseaux qu'il a à Passy. >
PROJET DE RECONSTRUCTION DU CHATEAU
DE LA MUETTE
De 1741 à 1747 environ, Louis XV avait con-
sidérablement agrandi le château de la Muette ;
mais, au mois delfévrier 1753, il résolut, dit
d'Argenson dans ses Mémoires, de le faire com-
plètement abattre pour le réédifier plus grand et
Élus symétrique, avec façade regardant celui de
ellevue, qu'habitait Mme de Pompadour. Le roi
voulait pouvoir y loger tonte sa famille quand il
y séjournerait. Les devis furent dressés; cela
devait coûter la bagatelle de deux millions. Mais,
où trouver l'argent à cette époque malheureuse ?
Le contrôleur général des finances, Machault
d'Arnouville, fit observer au roi qu'il était à bout
d'expédients et ne savait plus ou prendre de
l'argent; mais I^ouis XV irrité lui dit qu'il lallait
en trouver quand même, et... lui tourna le dos.
Peu de temps après, commença la fameuse
guerre de Sept ans, si désastreuse pour la France,
et le projet de reconstruction du château de h
Muette fut abandonné.
L. M.
CÉRÉMONIE DES RÉVÉRENCES DE DEUIL
A LA MUETTE
1774 (1)
Louis XVI, à l'époque de la mort de son aïeul (2)
commençait à être fort attaché à la reine (3). Les
premiers temps d'un deuil si imposant ne permet-
tant pas de prendre le délassement de la chasse,
il lui proposa des promenades dans les jardins de
Choisy : ils sortirent maritalement, le jeune mo-
narque donnant le bras à la reine, accompagnés
d'une suite nombreuse. L'influence de l'exemple
sur l'esprit des courtisans produisit un si grand
efi'et, qu'on eut le plaisir de voir, dès le lendemain,
plusieurs époux très anciennement désunis, et pour
de bonnes raisons, se promener sur la terrasse
avec cette même intimité conjugale. Ils passaient
ainsi des heures entières, bravant par flatterie
l'insupportable ennui de leurs longs tête-à-tête.
Le dévouement de Mesdames (4) pour le roi
leur père, pendant son afi'reuse maladie, avait
produit sur leur santé l'effet généralement redouté.
liO quatrième jour de leur arrivée à Choisy, les
trois princesses furent saisies d'un violent mal de
tète et d'un mal de cœur qui ne laissait aucun
doute sur leur état. 11 fallut faire promptement
partir la jeune famille royale («^) , et le château
de la Muette, dans le bois de Boulogne, fut choisi
pour la recevoir. Cette habitation, fort rapprochée
de Paris, attira dans les environs une affluence de
monde si considérable, que dès la pointe du jour la
foule était déjà établie aux grilles du château. Les
cris de Vive le Hoi! qui commençaient à six heures
du matin, n'étaient presque point interrompus
jusqu'après le coucher du soleil. L'espérance qui
naît d'un règne nouveau, la défaveur que le feu
roi s'était attirée pendant les dernières années du
sien, occasionnaient ces transports. Un bijoutier à
la mode fit une grande fortune, en vendant des
(i) Extrait dos Mémoires île Mme Ciirapan.
{■a) Louis XV iiioiirul de la petite vérole, le lomai
1774. è Versailles.
[',i) Cette iiilimité ne dura pas; ce ne fut que
quelques années plus tard que Louis XVI devint
moins indifTérent aux charmes de la reine.
{/i) Mmcs Adélaïde, Sophie et Victoire.
(5) Elle quitta Choisy le 18 mai.
ANNEXES
3o5
tabatières de deuil oâ le portrait de la jeune reine,
placé dans une boite noire faite de chagrin, ame-
nait le calemboor suivant : la consolation dans
le chagrin.
Jamais commencement de règne n*excita des
témoignages d*amonr et d*attachement plus una-
nimes. Il est à remarquer pourtant qu*au milieu
de cette irresse le parti antiautrichien ne perdait
pas la jeune reine de vue, et guettait, avec la
malicieuse envie de lui nuire, les fSutes qui pour-
raient échapper à sa jeunesse et à son inexpé-
rience.
On eut à recevoir (1) à la Muette les révérences
de deuil de tontes les dames présentées à la cour;
aucune d'elles ne crut pouvoir se dispenser de
rendre hommage aux nouveaux souverams.
Les plus vieilles comme les plus jeunes dames
accoururent pour se présenter dans ce jour de ré-
ception générale ; les petits bonnets noirs à
grands papillons, les vieilles têtes chancelantes,
tes révérences profondes et répondant au mouve-
ment de la tète, rendirent, à la vérité, quel(}ue8
vénérables douairières un peu grotesques ; mais la
reine, qui avait beaucoup de cUgnité et de respect
pour les convenances, ne commit pas la faute
grave de perdre le maintien qu'elle aevait obser-
ver.
Une plaisanterie indiscrète d'une des dames du
palais lui en donna cependant le tort apparent.
Mme la marquise de Clermont-Tonnerre, fatiguée
de la longueur de cette séance, et forcée par les
fonctions de sa charge de se tenir debout derrière
la reine, trouva plus commodedes*asseoir à terre sur
le parquet,en se cachant derrière l'espèce de muraille
ue formaient les paniers de la reine et des dames
u palais. Là, voulant fixer l'attention et contre-
faire la gaieté, elle tirait les jupes de ces dames,
et faisait mille espiègleries. Le contraste de ces
enfantillages avec le sérieux de la représentation
qui régnait dans toute la chambre de la reine dé-
concerta Sa Majesté plusieurs fois : elle porta son
éventail devant son visage pour cacher un sourire
involontaire, et l'aréopage sévère des vieilles
dames prononça que la jeune reine s'était moc^née
de toutes les personnes respectables qui s'étaient
empressées de lui rendre leurs devoirs; qu'elle n'ai-
mait que la jeunesse, au'elle avait manqué à toutes
les bienséances; et qu aucune d'elles ne se pré-
senterait plus à sa cour. Le titre de moqueuse lui
fut généralement donné, et il n'en est point qui
soit plus défavorablement accueilli dans le
monde.
Le lendemain, il circula une chanson fort mé- .
(i) Mme Campan ne nous donne aucune date,
mais Poucet de la Grave nous apprend <]ue cva
K'ceptions eurent lieu dans les premiers jours de
juin :
• Le 5 juin. la Chambre des Comptes et la Cour
des Monnaies eurent l'honneur de faire à Leurs
Majestés leurs compliments de condoléance, sur
la mort du roi Louis XV, etde félicilalion sur leur
avènement au trône.
« L'Université de Paris s'acquitta du même de-
voir, ainsi qu»* l'Académie irantjaise; le sieur
Gresset, directeur de l'Acudémic, porta la pa-
role.
« Les 7, 8 et 9, louU*s les personnes présenlées
l'urent l'Iionneur de faii*e leurs révéreucfsàLeurs
Majestés et à la famille royale. •
l
chante, et où le cachet du parti auquel on pouvait
l'attribuer se faisait aisément remarquer. Je ne me
rappelle que le refrain suivant :
Petite reine de vingt ans.
Vous qui traitez si mal les gens,
Vous repasserez la barrière
Lairc, laire, laire, lanlaire, laire, lanla.
Les fautes des grands, ou celles que la méchan-
ceté leur attribue, circulent avec la plus grande
rapidité dans le monde, et s'y conservent comme
une espèce de tradition historique que le provin-
cial le plus obscur af me à répéter. Plus de quinze
ans après cet événement, j'entendais raconter à
de vieilles dames, au fond de l'Auvergne, tous les
détails du jour des révérences pour le deuil du feu
roi, où, disait-on, la reine avait indécemment
éclaté de rire au nez des duchesses et des prin-
cesses sexagénaires qui avaient cru devoir paraître
pour cette cérémonie.
L'ÉDIT DE LA MUETTE
ET LES DirrKAENTS SÉJOURS DE LÀ COUR DE LOUIS XV|
AU CHATEAU DE CE NOM
Un journal très répandu, tout en rendant hom-
mage, il y a quelque temps, aux efforts et aux
travaux historiques de notre Société, s'étonnait
que nous n'eussions pas encore parié du château
de la Muette. Ou le critique bienveillant n'était
pas en possession de tous nos bulletins, ou peut^
être les anra-t-il parcourus un peu trop vivement;
sinon il y aurait trouvé d'abord l'étymologie du
nom de la Muette, à la page 26 du tome I*'', et
un court résumé de son histoire à la page iii,
puis la relation détaillée du premier voyage
aérien, à la page 153, et ennn l'histoire des
quatre principaux gouverneurs de ce ch&teau, à la
page 189... La période historique la plus intéres-
sante, il est vrai, mais aussi la plus délicate à
raconter, serait celle des nombreux et scandaleux
séjours qu'y fit Ixmis XV, sous le nom de baron
de Gonesse, qu'il prenait alors par un reste de
pudeur pour la majesté royale ; nous ne voulons
pas l'entreprendre. Tout autres, heureusement,
sont les souvenirs qu'y laissèrent Louis XVI et
Marie-Antoinette, et c'est de leurs trop rares sé-
jours au ch&teau de la Muette que nous aurons
le plaisir de parler aujourd'hui.
On sait que c'est là que descendit la jeune dau-
phlne Marie-Antoinette, à son arrivée en France,
en attendant la célébration officielle de son mariage,
qui eut lieu dans la chapelle du ch&teau de Versailles
le 16 mai 1770. Quatre ans après, le 10 mai 1774,
Louis XV mourait de la petite vérole, également
an château de Versailles. Aussitôt la cour, voulant
fuir l'air malsain de cette ville, partit pourChoisy.
Trois des filles du feu roi, M"'^* Adélaïde, Vic-
toire et Sophie, avaient soigné leur père sans
crainte' de la contagion, avec un dévouement vé-
ritablement admirable; mais deux d'entre elles,
M'»^ Adélaïde et Sophie, ayant gagné la maladie
'20
3o6
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
~- qai heureusement n'eut pas de suites fâcheuses
— on crut prudent de les installer dans un pavil-
lon isolé du chAteau. Quelques jours après, le mal
empira. Louis XVI prit alors la résolution de
Tenir s'installer avec la coor au château de la
Muette, et c'est de là que furent datés les pre-
miers actes de son règne.
Le 48 mai, Marie-Antoinette écrit à sa sœur
Marie-Christine, femme du gouTerneur des Pays-
Bas autrichiens : < Le ro}r a donné Tordre de
dresser < un Edit par lequel il fait remise do droit
« de joyeux avènement, et je renonce pour ma
€ part au droit de ceinture de la reine; voilà,
< j'espère, de quoi nous faire aimer; il est im-
€ possible d*ètre animé de meilleures intentions
« que mon mari, il tâche de faire pour le mieux ;
« il est préoccapé, à faire peur, étudie sans cesse
« ce qu il doit faire pour être digne de sa tâche et
« améliorer, il travaille tant, qu'à peine si je le
« vois. » Le 3i mai, elle lui éa>it de nouveau :
« L'Editqui fait remise du droit de joyeux avène-
< ment, paroit ; le roy a voulu se donner le plai-
« sir d*en rédiger lui-même le préambule, je
« vous l'envoyé. >
11 n'est pas sans intérêt pour nous de rappeler
les termes mêmes de cet acte, qui, médité dans
nos murs et baptisé de nom A* Rail de la Muette,
eut, lors de son apparition, un retentissement
considérable (i).
€ Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et
de Navarre, à tous présents et à venir, salut.
€ Assis sur le trône ob il a plu à Dieu de nous
élever, nous espérons que sa bonté soutiendra
notre jeunesse et nous guidera dans les moyens
qui pourront rendre nos peuples heureux ; c'est
notre premier désir, et, connaissant que cette
félicité déoend principalement d'une sage admi-
nistration des finances, parce que c'est elle qui
détermine un des rapports les plus essentiels
entre le souverain et ses sujets, c'est vers cette
administration que se tourneront nos premiers
soins et notre première étude. Nous étant fait
rendre compte ae l'état actuel des recettes et des
dépenses, nous avons vu avec plaisir qu'il y avait
des fonds certains pour le paiement des arrérages
et intérêts promis et des remboursements annon-
cés ; et, considérant ces engagements comme une
dette de l'Etat, et les créances qui les représentent
comme une propriété au rang de toutes celles qui
sont confiées à notre protection, nous croyons de
notre premier devoir d'en assurer le paiement
exact. Après avoir ainsi pourvu à la sûreté des
créanciers de l'Etat et consacré les principes de
justice qui feront la base de notre règne, nous
devons nous occuper de soulager nos peuples du
poids des impositions, mais nous ne pouvons y
parvenir que par Tordre et l'économie. Les fruits
qui doivent en résulter ne sont pas l'ouvrage d'un
moment, et nous aimons mieux jouir plus tard de
la satisfaction de nos sujets que de les éblouir
par des soulagements dont nous n'aurions pas
assuré la stabilité. 11 est des dépenses nécessaires
qu'il faut concilier avec la sûreté de nos Etats; il
en est qui dérivent de libéralités susceptibles
(1) Cet Edil fut enregistré le 3o mai au Parle-
ment de Paris.
peut-être de modération, mais qui ont acquis des
droits dans Tordre de la justice, par une longue
possession, et qui dès lors ne présentant que des
économies graduelles. Il est des dépenses qui
tiennent à notre personne et au faste de notn
cour, sur celles-là nous pourrons suivre le plus
promptement les mouvements de notre cœur,
et nous nous occupons déjà des moyens de les
réduire aux bornes convenables*. De tels sacrifices
ne nous coûteront rien, dès qu'ils pourront tour-
ner au soulagement de nos sujets ; leur bonheur
sera notre gloire, et le bien que nous pourrons
leur faire sera la plus douce récompense de nos
soins et de nos travaux.
« Voulant que cet Edit, le premier émané de
notre autorité, porte l'empreinte de ces disposi-
tions et soit comme le gage de nos intentions,
nous nous proposons de dispenser nos sujets du
droit qui nous est dû à cause de notre avènement
à la couronne; c'est assez pour eux d'avoir à re-
gretter un roi plein de bonté, éclairé par l'expé-
rience d'un long règne, respecté dans l'Europe
par sa modération, son amour pour la paix et sa
fidélité dans les traités. A ces causes, etc.
€ Donné à la Muette, 7 mai 4774. »
L'Edit de. la Muette n'était que le prélude
d'autres mesures nombreuses qui furent également
datées du même lien. D'après !e Mercure histo-
rique, t. GLXXVI, D. Gii, les extraordinaires,
les menus, le grand commun, les gouverneurs
des maisons royales, les spectacles de la cour,
devaient être supprimés ; également la chasse du
daim et du faucon. On se proposait aussi de faire
une réforme importante aux grandes et aux petites
Ecuries. Le roi ordonna qu'à l'avenir on ne servit
qu'une seule table qui serait commune à Sa Ma-
testé et à la reine, au comte et à la comtesse de
^rovence, an comte et à la comtesse d'Artois (1 ).
Toutes ces réformes ou projets de réforme furent
accueillis aux acclamations unanimes du royaume,
et, par une sanglante épigramme contre son pré-
décesseur, peu regretté malgré le dire final de
TEdit de la Muette, on surnomma, contre son gré,
le nouveau roi Louis le Désiré : il eût voulu
qu'on l'appelât Louis le Grave (2). L'Edit de la
Muette fut répandu partout, on en fit même des
exemplaires illustrés (3). Cependant, tout en
approuvant la remise du droit de joyeux avène-
ment et du droit de ceinture de la reine (qui
était sous-entendu), on blâmait le langage de
l'ordonnance, qui semblait consacrer ces droits,
tout en s'abstenant de les appliquer ; ces préten-
dus droits, qui remontaient aux temps de la féo-
dalité, n'étaient pas légaux, puisqu ils n'avaient
jamais été reconnus par les Parlements. Qnant
aux gens intéressés et mécontents de la cour, ils
(1) Ces repas de famille en commun existaient
depuis la (in de i7^3^ et c'était Marie-Antoinette
qui en avait pris l'initiative.
(2) Leducciela Vauguyon, gouverneur des pe-
tits-fiia de Louis XV, avait appelé ses élèves les
quatre F: le Fin (le duc de Bourgogne); le Faible
(Louis XVI) ; le Faux (Louis XVIÎI) ; Le Franc
(Ciiarles X).
(3) Voir la pièce in-4" fçravée par Beaublé d'après
Voysard, et intitulée : Edil du Uoy donné a la
Muette en 1774.
ANNEXES
3o7
disaient ironiquement que Louis XVI agissait en
bourgeois.
Mais, qa*était-€e qne le droit de joyenx avène-
ment ? <pi*était-ce que le droit de ceinture de la
reine ? Deux impôts qui se percevaient à Tavène-
ment an trône de tout nouveau roi. Le premier
consistait à confirmer, moyennant finance, les
privilèges des villes, des communautés, des cor-
porations de marchands et artisans, des anoblis,
des lé^tifflés et des naturalisés, en un mot, les
immunités de tout genre. Avant Louis XVI,
Louis Xn avait été le seul qui eût renoncé à ce
droit, ce qui lui valut peut-être un peu son sur-
nom de Père du peuple. A Tavènement de
Louis XV, en 4723, ce droit, affermées millions,
avait rapporté 41 millions à la compagnie qui
avait fait cette fructueuse, mais peu honnête
spéculation, et avait ainsi gagné près de iOO
pour 100 (4). Le droit de ceinture de la reine,
fort ancien également, se levait à Paris pour
l'entretien de la maison de la reine; il fut, k
VoinçD», de 3 deniers prélevés par chaque muid
de vin, puis étendu à d'autres denrées sous le
nom de taille du pain et du vin. L'analogie
qui exista au moyen A^e entre une bourse et les
premières ceintures qui en tinrent lieu, détermina
sans doute, sans que nous puissions Taffirmer,
h première appellation de cet impôt.
Ne quittons pas cette première installation de
Lriuis XVI à la Muette sans noter que, le jour de
la Fête-Dieu, il tint à assister aux cérémonies
qui se faisaient à la paroisse, et qu'à cette occa-
sion Dom Noguères, curé de Passy, vint lui pré-
senter ses hommages et lui adressa dans l'église
même un charmant discours de bienvenue.
C'est aussi, je crois, à ce premier séjour chez
nous, qu'il faut rapporter l'anecdote suivante. Un
jour, Louis XVI témoigna le désir d'aller faire une
promenade du côté du couvent des Bonshommes ;
vite les courtisans firent prévenir une très jolie
marchande de se trouver sur le passa^ du roi,
l'assurant (|ue sa fortune serait faite si elle par-
venait à lui plaire. En passant, on fit remarquer
à Louis XVI la beauté de cette femme. € En effet,
dit-il, elle est assez jolie ; quelle profession
exerce-t-^lle f » On lai répondit que c'était une
marchande de Paris. € En ce cas, reprit le jeune
monarque, elle ferait mieux de rester à sa bou-
tique aue de venir perdre son temps à la pro-
menade* > Attérés par cette réponse, les courti-
sans n'osèrent plus tenter d'autres scènes de
corruption (2).
Rappelons encore que pendant les séjours de
Louis XV à la Muette, les portes du bois étaient
fermées; Louis XVI décida qu'à l'avenir elles
resteraient toujours ouvertes, pour que chacun pAt
librement s'y promener. Marie-Antoinette s'y
rendait sans garde, à pied ou à cheval ; elle s'y
laissait famihèrement approcher, parlait à tous
avec beaucoup d'aflabilité et recevait elle-même
les placets qu'on lui présentait ; aussi le désir et
la facilité de voir le nouveau roi et la nouvelle
f i) Il est iusle de dire que la perception n'ea
fut flxée qu'en 174A et venait à peine d èlre ache-
vée à la mort de Louis XV.
(S) Tiré de la Vie publiqut it privée de Louis XVl^
par M. A...
reine attiraient-ils la foule de ce côté, il y avait
procession contuiuelle de voitures. Après un séjour
de cinq semaines, la cour s'en fut à Marl^, puis à
Compi^^e, résidence de prédilection du roi. Elle ne
revint qu'assez rarement au château de la Muette ;
cependant Louis XVI y descendait régulièrement
tous les ans au mois de mai, pour aller de là passer
la revue des gardes françaises et des gardes suisses
à la plaine des Sablons.
Marie-Antoinette affectionnait le séjour de la
Muette, et quand Morisan (1), le 23 juillet 1774,
ouvrit le Ranelagh, elle se mit en tête des dames
patronnesses sous les auspices desquelles l'établis-
sement s'était fondé. Quelques années après, elle
y reçut un jour un pauvre luthier de Strasbourg,
qui, plus tard, enrichi par son génie, devait de-
venir, vers 1818; le propriétaire des restes du
château. C'était Sébastien Erard, le célèbre fac-
teur dMnstruments de musique qui, le premier,
avec la collaboration de son frère Jean-Baptiste
avait fabriqué des pianos en France (2).
A l'occasion de la naissance de la dauphine
Louis XVI avait donné cent mille livres pour ma-
rier cent jeunes filles pauvres ; la cérémonie des
cent mariages eut lieu à Notre-Dame le 8 fé-
vrier 1779, en présence du roi, de la reine et de
la cour, qui étaient descendus à la Muette. La
reine rentra au château de fort mauvaise humeur,
froissée de l'accueil peu chaleureux qu'on lui avait
fait sur son passage. Quant au pauvre comte
d'Artois, à force de regarder à droite et à gauche
la foule immense qui bordait les rues et les quais,
il avait attrapé un torticolis des mieux condi-
tionnés.
Vers le commencement du mois de mai 4780, la
cour vint encore s'installer à la Muette, sur le
désir de la reine, qui voulait avoir la facilité
d'aller prendre elle-même des nouvelles de son
amie la plus intime, M">® Jules de Polignac, future
gouvernante des enfants de France, et qui, pour
faire ses couches, s'était établie à Passy. L'année
suivante, an mois de septembre, et pour le même
motif, nouveau séjour à la Muette. Pour ce der-
nier voyage, trente-deux dames et vingt-six sei-
gneurs avaient été choisis pour accompagner la
cour, sans compter les polissons^ c'est-à-£re les
courtisans désignés qui pouvaient venir rendre
leurs devoirs à Sa Majesté. M"^* de Polignac,
la cause de tout ce remue-ménage,était descendue,
Sour faire ses secondes couches, dans la maison
e M. Le Ray de Chaumont, ancien directeur et
intendant de l'hôtel des Invalides, rue de l'Annon-
ciation, n^ 9, à rhôtel de Valentinois, où Marie-
Antoinette la visita souvent. Le 21 novembre 1783,
le château de la Muette reçut encore de nobles
visiteurs, curieux d'assister au premier voyage
aérien de Pilâtre de Roûer et du marquis d Ar-
landes. La duchesse de Polignac y avait amené
Mgr le Dauphin. Etaient présents : le duc de
Chartres (Philippe-Egalité), le duc de Poli|;nac, le
comte de Polastron, le duc de Guines, l'ranklin
et quelques membres de l'Académie des Sciences.
(1) Morisan était peintre décorateur et artificier
du roi.
(2) 11 mourut au château de la Muette, le 5 août
1831.
; XV l' ARRONDISSEMENT
EnSn, 301 mois d'iTril et mai 1786, dods relron-
Toas encore Marie- Antoinette ao château de la
Muette; elle y fait Tenir Sicardi. le célèbre minia-
tariste, pour faire faire son portrait d«stiné i sa
sœur la ducLesse de Parme, et lui consacre quatre
séances. Elle écrit i son autre «eur, Harie-Chris-
line, qu'elle peuse qoe ce portrait sera le dernier
pour lequel elle posera véritablement. Pauvre
reine ! le dernier fut fait, de souvenir, par dd ar-
tiste qui atait pu la voir 1 la Concieiferie, an
sphériqae, ce qui leur avait anasi tait donner le
nom de globes aérostatiques. A la partie infé-
rieure était une large ouverture sons laquelle se
trouvait un réchaud à paille qui introduisait dans
l'enveloppe de l'air raréfié par la chaleor «I, par
eonsèqoent, beaucoap plus l^er que l'air envi-
ronnanl.
Après quelques expériences conroDoéee de soC'
ces, le 15 octobre 1783, PiUtre de Roiier, sa-
vaDt chimiste' et physicien (1), et le marqnii
l'ilAtrc de ROïier.
moisd'aoAt 1793 (I). Deux mois après, elle était
conduite au supplice, dans un misérable tombereau ,
sur la place de la Rérolulion.
LE PREMIER V0TA6E AÉRIEN
(^1 NOTUBRE 1183)
De tons les faits historiques se rattachant au
chlteau de la Muette, il n'en est guère de plus
intéressant au point de vue scientifique et qui ait
produit une plus grande sensation à son époque,
que celui du premier voyage tenté dans les airs
an moyen d'un aérostat, dont l'invention toute
récente était due aux frères Honlgolfier.
Les premiers ballons, auxquels on avait donné
le nom féminisé des inventeurs, consistaient
simplement eo une enveloppe de toile, doublée de
papier (2), ayant la forme d'un globe presque
(3)'lj!s rrirua MuiiLgollIcr
que importante à Aiiuona;
rctnitivu souvent leur IlLiai
excellents jinpiers ilecelti;
I il'urlis
d'Arlandes, gentilhomme lai^uedocien, montèrent
intrépidement, poor la première fois dans une
nacelle suspendue au-dessous d'un ballon captif
et s'élevèrent i plusieurs reprises ï 100 mètres
de hauteur. La réussite de cette tentative engagea
d'Arlandes 4 essayer une épreuve beaucoup plus
périlleuse, qui eut lieu le 31 novembre suivant, 1
Passy, dans le jardin du cbAlean de la Muette, en
Erésence du dauphin et du savant Franklin, alors
abilant de Passy, et voici, d'après nne lettre
qu'il adressa à son ami Fanjas de Saint-Fond,
les détails, fort intéressants pour nous, de ce
premier voyaee aérien.
L'aérostat (2), construit sous les yeux d'Etienne
MoDtgolBer, chez son ami Réveillon, fabricant de
pB[Hers peints du faubourg Saint-Antoine (3), fui
rO PilAlrc Ile Razier avait ouvert un cours de
plivsi<iuc, ou Ltjcif, trÈs suivi, au Mnrais. vcrï
I77fl, et Établi un inuaéï spécial à la tin de 1781,
clan*) sa demeure de lu rue Sainte-Avoie.
(:)) Avait aim.TScent, de hauteur; 14 m. focent.
npadté de 3o5 m. c. 6^7 decini.
e deux L entre-
cnioiire einclc élall rue Saint-Maur. 3i,
liAlel de Tilon du TMIet. Première vie-
RiJvDlulioD, sun étsbliaeenirnl fut pillé
ANNEXES
3o9
apporté le 49 octobre dans le jardin de la Muette.
D^Arlandes choisit TeAplacemeot qai Ini parut le
plus convenable, j mit immédiatement les ourriers,
et le surlendemain tout était prêt. Etienne Mont-
golfier, n*ayant pas jugé pruaent de laisser partir
seul le marquis d'Arlandes, lui avait proposé la
veille de prendre Pilâtre de Rozier comme compa*
gnon, ce qa*il avait accepté avec empressement.
Il est i heore 54 minutes; tout est prêt; le
ballon s'élève majestueusement au milieu du si>
lence anxieux du public et, quand il a dépassé les
charmilles^ fait un demi-tour sur lui-même,
poussé par un vent nord-ouest.
< rétais surpris, dit d*Arlandes, du silence et du
peu de mouvement que notre départ avait occa-
sionné sur les spectateurs ; je crus qu*étonnés et
peut-être effrayés de ce nouveau spectacle, ils
avaient besoin ii'étre rassurés. Je saluai du bras
avec assez peu de succès ; mais, ayant tiré mon
mouchoir, je Tagitai, et je m'aperçus alors d'un
grand mouvement dans le jardin de la Muette. Il
m*a semblé que tous les spectateurs qui étaient
épars dans cette enceinte se réunissaient en une
seule masse et que. par un mouvement involon-
taire, elle se portait, pour nous suivre, vers le
mur, qu'elle semblait regarder comme le seul
obrtacle qui pôt nous séparer. C'est dans ce mo-
ment que M. PiUtre me dit : Vous ne faites rien
et nous ne montons guère. — Pardon, lui répon-
dis-je. Je mis une botte de paille, je remuai un
peu le fea, et je me retournai bien vite ; mais je
ne pus retrouver la Muette. — Etonné, je jette
un regard sur le cours de la rivière, je la suis de
Tœil ; enfin j'aperçois (au loin) le confluent de
rOise. Voilà donc Conflans ! Et, nommant les
autres principaux coudes de la rivière par les
noms des lieux les plus voisins, je dis : Poissy,
Saint-Germain, Saint-Denis, Sèvres ! Donc je
suis encore à Passer ou à Chaillot. — En efiet, je
regardai par l'intérieur de la machine et j'aperçus
sons mot la Visitation de Chaillot (emplacement
du Trocadéro). — M. Pilâtre me dit dans ce mo-
ment : Voilà la ririère, et nous baissons. — Eh
bien, mon cher ami, du feu ! — Et nous travail-
lâmes. Mais, au lieu de traverser la rivière,
comme semblait l'indiquer notre direction, qui
nous portait sur les Invalides, nous lonj^eàmes
nie des Cygnes, rentrâmes sur le lit principal de
la rivière, et nous la remontâmes jusqu'au-dessus
de la barrière de la Conférence.»
Ils montent, puis tout à coup se sentent secoués,
la direction du mouvement est alors de haut en
bas, c'est un nouveau courant qui heureusement
les éloigne de la Seine; les voici entre l'Ecole
militaire et les Invalides, qu'ils avaient déjà dé-
passés d'environ 800 mètres, puis au-dessus du
couvent des Missions étrangères ; de là, ils se
dirigent vers les tours de Saiot-Sulpice. Un nou-
veau courant leur fait quitter cette direction pour
les porter plus au sud, près du Luxembourg ; ils
traversent l'ancien boulevard extérieur et. voyant
enfin des terrains vides, s'écrient : « Pour le
coup, pied à terre ! > Ils cessent leur feu et des-
cendent à la Butte-aux-Cailles, près de la route
de Fontainebleau, entre le Moulin-des-Merveilles
et le Moulin-Vieux.
Le voyaee avait, en tout, duré 47 minutes.
Nos intrépiaes voyageurs s'étaient élevés à la hau-
teur de 9o0 mètres, avaient traversé tout Paris
et étaient descendus à 8 kilomètres environ de
leur point de départ.
Dans l'ardeur des dernières mamiîuvres, Pilâtre
avait retiré sa redingote et l'avait mise dans la
nacelle. La populace était accourue, s'en était
avidement saisie et se l'était partagée. I^ |;arde
survint peur éviter au ballon le sort de la redin-
gote ; en dix i^inutes il fut mis en sûreté, et, une
heure après, remisé chez Réveillon.
Mais Pilâtre de Rozier était toujours là, en
chemise et en culotte cpurte ! D'Arlandes, crai-
gnant pour lui un refroidissement dangereux, le
força à se retirer dans la première maison, es-
corté par le sergent de garde qui éloignait la
foule. C'est alors qu'il rencontra Je duc de
Chartres (i). Celui-ci, depuis la Muette, avait
suivi la Montgolfière dans son carrosse. Le jour
baissait ; il se faisait tard ; enfin des voitures
arrivèrent ; mais Pilâtre, affublé d'une affreuse,
redingote qu'on lui avait prêtée, se trouvait en
trop piteux état pour rentrer à la Muette. D'Ar-
landes revint seul, désolé de quitter ainsi son
brave compagnon (2). Ainsi finit cette journée
mémorable, et la réussite de cette première expé-
rience mit le sceau à la renommée des Montgol-
lier.
Quant à ce pauvre Pilâtre de Rozier, on sait
Sue, moins de deux ans après, il voulut tenter
e franchir la Manche en ballon. Le feu prit à son
aérostat, et il périt à 5 kilomètres de Roulogne-
sur-Mer, son point de départ, en face de la tour
de Croy, près du village de Wimille, où il fut
inhumé.
Lf^OPOLD Màr.
VENTE DES BIENS NATIONAUX
DE NOTRE RÉGION SOUS LA RÉVOLUTION
Eu 1788. les économies s'imposant, Louis XVI
ordonna, par un édit, la vente ou la démolition
des châteaux de la Muette et de Madrid, dont
l'entretien et la garde étaient fort coûteux. Ni la
vente ni la démolition n'eurent lieu, peut-être
faute d'acquéreurs acceptables ; seule une partie
du parc de la Muette fut vendue en 4791, défri-
chée et convertie en carrière. Le 48 janvier 4793,
une affiche in-folio, placardée en divers endroits
et notamment dans notre région, pour l'adjudica-
tion définitive des biens nationaux, annonçait la
vente de la maison possédée par les Minimes
des Bonshommes de Passy, et des maisons de
la Cure et de la Muette. Le couvent des Bons-
Ci ) Louis-Philippe-Joscph d'OrK-ons, dit Phi-
lippe-Egalité, père du roi Louis-Pliilippe.
(a) L'a lettre du marquis d'Arlandes à Faujas
de Saint-Fond a été donnc^e en entier dans le
Magasin pilloresque, t. XV (it^7). PP- >58 et 25^.
\
3io
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
/
/
hommes et ses dépendances, le font d*ane conte-
nance de neuf arpents, ne furent tendus que
6.000 livres. De la Muette, on fit deux lots; l'un,
comprenant le pavillon de gauche et les communs
y attenant, fut adjugé à un particulier, et, faute
aacquéreur, le reste de l'habitation royale et une
grande partie du parc restèrent propriété de
TEtat, qui, sous le Directoire, les loua à Tal-
leyrand. Le 27 mars suivant, on mit en vente le
domaine de Madrid, qui fut adjugé pour 648^201
litres en assignats, représentant 2Ô0,00(Hrancs
en argent. Le château seul avait cqm plus de
sept millions de francs ! Vers cetfCi époque on
démolit aussi Tabbaye de Loogchamp; mais la
ferme, d'une contenance àe 174 arpents, et son
moulin à vent furent céd^ pour 90.000 livres.
Par contre, un d^ret de la Convention du
46 floréal an II (iHûdi 5 mai 1794, vieux style)
le citoyen ùipi^t présidant — décida que les
châteaux eU^frdins ci-devant royaux ou princiers
de VeracÂles, Beilevue, Saint-Cloud, Monceau, le
Rain^ Sceaux, TIle-Adam, Vanves, ainsi que
le Bagatelle au bois de Boulogne , ne seraient
jas vendus, mais conservés et entretenus aux
irais de la République, pour servir aux jouissan-
ces du peuple, ou former des établissements utiles
à Tagriculture ou aux arts. Un peu plus tard,
malgré ce décret. Bagatelle fut vendu comme
domaine national, et ne rentra dans les posses-
sions de la Couronne que sous Napoléon, qui
Tacheta peu de temps avant la campagne de
Russie.
LtopoLD Mar.
JEAN -JACQUES ROUSSEAU A PASSY
ET AU BOIS DE BOULOGNE
Des relations existèrent entre J.-J. Rousseau et
la famille Etienne Delessert, dont les descendants
habitent encore à Passy.
Jean*Jacques, lorsau'il venait à Passy, descen-
dait chez ses amis, dans un pavillon qui existe
encore aujourd'hui. Ce n'était pas seulement
l'amitié qui l'attirait sur les bords ae la Seine ; ce
n'était pas toujours non plus la botanique, bien
qu'il ne put trouver qu à Autenil la Cameline
amplexicaule (Myagrum sativum de Linné) ;
c'étaient aussi et surtout les préoccupations de sa
santé qui l'amenèrent dans notre cher quartier.
Dans l'été de 1750, Rousseau fut envoyé par
son médecin aux eaux de Passy. € Le matin, dit-
il dans ses Confessions, en me promenant et en
prenant les eaux, je fis quelques manières de vers,
à la hftte, et j'y adaptai des chants qui me vinrent.
Je barbouillai le tout dans une espèce de salon
voûté qui était au haut du jardin. Les trois mor-
ceaux que j'avais esquisse étaient le premier
monologue : J'ai perdu mon serviteur ; l'air du
Devin : V amour croit s'il sHnquiète et le der-
nier duo : A jamais. Colin, je Vengage. »
Longtemps après, au cours d'une de ses pro-
menades d berborisntion dans le bois do Bou-
logne (1 ), Jean-Jacques fut le héros d'une ateih
ture charmante que je ne résiste pas au désir de
raconter d'après lui, bien que ses Confessions
soient dans toutes les mains.
< Un dimanche, dit-il, nous étions allés, bm
femme et moi, dîner à la porte Maillot. Après le
dîner, nous traversâmes le bois de Boulogne jus-
qu'à la Muette. Là, nous nous assîmes sur l'herbe,
à l'ombre, en attendant que le soleil fût baissé
pour nous en retourner ensuite tout doueement
par Passy. Une vingtaine de petites fiUes, con-
duites par une manière de religieuse, vinrent les
unes s'asseoir, les autres folâtrer autour de nous.
Durant leurs jeux, vint à passer un oublieur avec
son tambour et son tourniquet, qui cherchait pra<
tique. » Jean-Jacques déâda <|ue chacune des
fillettes tirerait à son tour, ce qui répandit dans h
jeune troupe « une joie qui, seule, eût plus que
payé sa bourse, quand il ne l'aurait tonte em<
ployée qu'à cela ».
Bien plus, il Toulut corriger les cruautés du
sort et il dit « en secret, à 1 oublieur, d'user de
son adresse ordinaire, en sens contraire, en fai-
sant tomber autant de bons lots qu'il pourrait.
Au moyen de cette prévoyance, ily eut près d'une
centaine d'oubliés distribuées, quoique les jeunes
filles ne tirassent chacune qu'une seule fois, car,
là-dessus, je fus inexorable, ne voulant ni favoriser
des abus, ni marquer des préférences, qui produi-
raient les mécontentements ». Ne vous semble-
t-il pas. Messieurs, (pe tout Jean-Jaoquesest là,
avec sa bonté et sa générosité instinctives et aussi
avec son amour de la déclamation jusque dans les
plus petites choses?
La religieuse fut invitée à tirer à son tour, puis
l'on se sépara très contents les uns et les autres
et € cet après-midi fut, dit Jean-Jacoues, un de
ceux de ma vie dont je me rappelle le souvenir
avec le plus de satisfaction. La tète, au reste, ne
fut pas ruineuse... Je suis revenu plusieurs autres
fois à la même place, à la même heure, espérant
y rencontrer encore la petite troupe, mais cela
n'est pas arrivé. »
LE BAL DU RANELAGH
On vous a entretenus aussi. Messieurs, à la
séance du 9 juin 189^, du bal du Cours, à
Passy. J'ai eu la bonne fortune de retrouver
quelques documents relatifs à ce bal et, parmi
ceux-ci, le premier registre de ses recettes.
Morisan, qui, comme on vous l'a dit, en fut le
premier fondateur, était garde de la porte de
Passy, au bois de Boulogne. R obtint du maréchal
S rince de Soubise, gouverneur du château de la
luette et grand écuyer du bois de Boulogne, la
permission de faire enclore le terrain de danse.
Une estampe de l'époque, de la série dite des
(i) Rousseau écrivait un jour à M. de Malcshcr-
bes :
« .l'ai fait cet hiver une herborisation au bois de
Boulogne elj'en ai rapporté quelques mousse^. «
ANNEXES
3ii
Vues (Taptûnie, représente le bal da Ranelagh (4).
A droite ae la grande allée, éclairée par des
lanternes accrochées an tronc même des arbres, se
trouTaient des petits salons à manger, couverts et
fermés de trois côtés. A gauche, an milieu des
statues, une rotonde reposant sur des colonnes
de pierre. Les musiciens étaient au premier étage
de la rotonde ; on circulait an-dessous. Des guir-
UinJes de fleurs reliaient les colonnes entre elles.
L*ouTerture eut lieu le lundi 25 juillet 1774 ;
rentrée coûtait 24 sous. La recette, dans les pre-
miers temps, ne fut pas brillante ; certains soirs,
elle descendit à 30 livres, à 7 livres iO sous et
même à 3 livres iS sons. Mais lorsque Marie-
Antoinette, qui affectionnait particulièrement la
Muette, eut pris Thabitude de Tenir se mêler aux
danses avec les dames de la Cour, la vogue du
Ranelagh devint immense. Toutefois la reine,
assez délicate de santé, n*osait pas toujours s'ar-
rêter ainsi, le soir, dans un endroit découvert.
Aussi Morisan fut-il autorisé à élever un comble
couvert en ardoises au-dessus de Taire du bal.
De ce jour date la véritable prospérité du Rane-
lagh ; la reine vint plus souvent encore que par
le passé. Le registre en fait foi : € 21 avril 1780,
jour que la reine est venue avec la famille royale:
5 musiciens, 627 livres de recette et 10 louis de
présence. »
En 1 789, la Cour, bien entendu, abandonna
les pelouses. Elle y fut remplacée, comme Ta dit
M. Léo Claretîe, par une société ob l'on n'admet-
tait que les gens distingués.
Puis, en 1792 et 1793, les habitués se recru-
tèrent dans le personnel ordinaire des clubs révo-
lutionnaires. On chantait au Ranelagh le ça ira
et Ton y dansait la carmapole.
En 1794, on dut fermer le bal, faute de dan-
seurs.
Sous le Directoire, les Muscadins y établirent
leur quartier général ; ils y conspiraient, parait-
il, car, un soir, la garde directoriale vint les assié-
ger dans le lieu même du bal. c Ce fut, dit un
auteur anonyme, un sauve-qui-peut général. Les
uns sautèrent par-dessus lesnaies, d'autres mon-
tèrent dans les arbres ; ceux-ci se réfugièrent
dans les caves ; ceux-là furent faits prisonniers.
Puis, on ramassa les blessés ; on emmena les va-
lides et les vaincus eurent à subir, pour leur peine,
quelques mois de prison. » L'établissement fut ra-
vagé par les vainqueurs et fermé jusqu'au Consulat.
Musset a commis un léger anachronisme quand
il parle de la valse :
... aux jours de Thermidor,
Lorsqu'au bruit des canons dansait la République
Et que la Tallien, soulevant sa tunique,
Faisait de ses pieds nus craquer les anneaux d'or.
La valse n'était pasconnue aux temps héroïques.
Elle l'était à peine sous le Consulat, et Trénitz, le
héros du Ranelagh en 1800, ne valsait pas en-
core. C'est à Passyque le brillant danseur adressa
à l'un des assistants, qui se félicitait d'avoir pu
(i) C'est le nom d'un lord qui avait fait bâtir à
Cheisea (Londres), près do l'endroit où est au-
jourd'hui Comorne-Garden, une rotonde où l'on
donnait des concerts. Plus tard, il y eut des bols
publics sur ce terraia.
l'admirer, ce mot resté célèbre : € Etiez-vous
bien placé ? »
En 1814 et i815, le Ranela(;h fut occupé par
les Russes et servit alternativement d'écurie,
d'hôpital et de salle de correction.
Au début de la Restauration, la duchesse de
Berry reprit la tradition de Marie-Antoinette, et
le bal redevint le rendez-vous de la bonne société.
Le règlement de 18!20 montre quelles étaient les
(Nrécaùtions prises pour assurer la bonne compo-
sition des danseurs. « Les abonnements, dit l'ar-
ticle premier, ne seront délivrés à des dames,
qu'après l'information qui aura été faite par les
commissaires. »
Par l'article 3, il était établi un comité de six
commissaires représentant les dames abonnées,
faisant les honneurs du bal, présidant au bon
ordre, etc.
L'article 4 se préoccupait de l'expulsion possible
(et elle eut lieu plusieurs fois) des € personnes qui
pourraient déplaire à la société ».
Les hommes ne pouvaient pas garder leur
chapeau sur la tête ; ils devaient porter l'habit
noir et la cravate blanche.
Enfin, près du bal, était un petit théâtre sur
lequel jouaient de jeunes élèves.
Dans ces conditions particulières de distinction
et de décence, le bal jouissait d'un succès honnête
et tranquille ; les dames de Passy se faisaient un
plaisir de s'y abonner et je ne crois pas me trom-
per en disant que les grand'mères de beaucoup
d'entre nous s'y amusèrent souvent.
En 1818, un ouragan d'une violence inouïe
s'abattit sur Passy et sur les pelouses. La toiture
fut enlevée, les pavillons renversés, cette année-là
les recettes baissèrent.
Depuis 1825 jusqu'en 1870, le bal de Passy
perdit son caractère aristocratique; les héroïnes
de Musset et les < dames de la nouvelle Athènes »
remplacèrent les marquises et les bourgeoises de
Passy. Les mercredis et samedis, les coupés, les
fiacres et les paresseuses^ partis des rues Bréda,
de Notre-Dame-de-Lorette et de h Rochefoucauld,
venaient amener aux fêtes de nuit du Ranelagh
les habitants de ces quartiers éloignés.
Maintenant, et depuis 1870, on ne danse plus
sur les pelouses de Passy, on ne danse plus à Au-
teuil qui ne le cédait en rien à Passy, puisque,
pour bien affirmer les goûts chorégraphiées des
nabitants, le conseil municipal de ce joli village
avait choisi pour maire, ayant l'annexion, l'illustre
Musard.
VI
DOCUMENTS INÉDITS RELATirS A JEAN RACINE
ET A SA FAMILLE
Jean Racine nous appartient doublement, puis-
que nous avons le plaisir de posséder parmi
nous M. Louis Mirleau d'Uliers, son arrière<pe-
tit-fils. C'est à ce titre que j'ai voulu vous don-
ner la primeur d'une notice publiée, il n'y a
que quelques jours, par M. le vicomte de Grou-
chy, ancien ministre plénipotentiaire (i), quia eu
(i) Paris. Téçbener, ap juin i8^
3l2
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
la bonne fortune de retrooTer, dans les minntiera
de quelques notaires parisiens, certains docnments
du plus haiit intérêt pour Thistoire intime de
Jean Racine et de ses descendants.
Mais, auparavant, ie dirai un mot d*une pièce,
donnée le 18 juin dernier, dans le journal la
Paix; c*est un extrait du registre des sépultures
de Port-Royal-des-Champs qui relate renseyelis-
sement du poète. Gedoeument, reproduit par dirers
journaux de Paris et donné comme inédit, se trouve
m extenso dans le Dictionnaire critique de Jal
(Paris, Pion, 4867).
La notice de M. le vicomte de Grauchy com-
prend les docnments suivants pour lesquels il n*a
pas dressé de table récapitulative :
— Contrat de mariage de Racine suivi de Tétat
des biens des futurs («SO mai 4677);
— Vente du 1<2 août 4684 ;
— Bail de la maison de la rue de la Friperie
(même date) ;
— Dot d'Anne Racine (45 décembre 4698);
— Contrat de mariage de Marie-Catherine Ra-
cine (5 janvier 4699) ;
— InventairedesbiensdeRacine(44mai 4699) ;
— Etat (ou catalogue) des livres après le décès
de Racine;
— Vente, par sa venve, deTofiSce de secrétaire
du roi rS juin 4699) ;
— Vente, par sa veuve, de TofRce de trésorier
de France (46 juillet 4699) ;
*- Tution et avis de Racme ;
— Liquidation et partage (dernier juillet 4699) ;
— 0>ntrat de mariage de Marguerite Vitard ;
— Constitution de rentes ;
— Contrat de mariage de Louis Racine
(!•' avril 4728) ;
— Testament olographe de J.-B. Racine.
Pour ces deux dernières pièces, M. le vicomte
de Grouchy déclare en devoir la communication
à M. Louis Mirlean dlUiers.
Négligeant le détail des stipulations financièrei
portées an contrat de mariage de Racine avec
Catherine de Romanet, nous remarquerons, dans
cet acte, les signatures du grand Condé et de
Louis de Bourbon ; celles du premier président de
Lamoignon, du ministre (}olbert, du marquis de
Sei^nelay, du duc d'Albert, et celle plus modeste,
mais plus intéressante pour nous, de Nicolas Vi-
tard, seigneur de Passy, avocat au parlement,
cousin germain de Racine.
Le mariage (mai-juin 4677, Tannée même oii
Phèdre fut représentée) coûta 6.000 livres.
Racine apportait son office de trésorier de
France aux gages de 2.400 1. 1. (capital 36.0001.) ;
400 1. de rentes (8.000 1. en principal) dues par
Nicolas Vitard ; 666 1. de rentes sur THôtel de
Ville. < Le S*" Racine jouit en plus de 4 .500 1. de
pension qu il plait au Roi luy donner et, pour le
surplus, il est couché sur Tétat de S. M. »
Il apportait aussi de Targenterie, des tapisseries
des Flandres et de Bergame, etc., un grand mi-
roir et plusieurs tableaux valant 500 livres.
La fortune de (ktherine de Romanet était sen-
siblement plus élevée que celle de son futur mari.
Le 42 août 4684, quatre ans après son ma-
riage. Racine achetait à la veuve du conseiller Le
Mazier une maison sise rue de la Friperie, moyen-
nant la somme de 48.400 livres.
En 4688, il avait prêté 22.000 fr. à Honoré
d*Albert, duc de Chevreuse, et 43.000 1. à Boi-
leau en 4689 et 4695.
A sa mort (2fl avril 4699), Racine avait donc
augmenté notablement sa fortune (4). Il avait
maintenant un carrosse doublé de velours ronge,
et une petite chaise roulante à 4 roues, et, pour
traîner ces deux voitures, estimées 275 I., deux
chevaux hongres, sous poil blanc, à courtes
queues, vieux et caducs, prisés, avec leurs harnais,
36 livres!
Je passe sur le linse, les vêtements et Targente-
rie pour arriver à la bibliothèque, on, parmi les
auteurs anciens ou modernes, un seul manquait :
Racine lui-même.
Les prix des ouvraees sont instructifs ; car tan-
dis une les œuvres d Andilly sont estimées 50 l.
et celles de Tillemont 40 I., Molière atteint péni-
blement 7 1. et les 44 volumes de Corneille ar-
rivent tout juste à 3 livres !
Il y a, on le voit, dans cette brochure de
78 pages, bien des détails intéressants sur la vie
et les habitudes de Racine ; et Ton ne saurait
assez remercier ces travailleurs désintéressés qui
consacrent, à des œuvres en apparence aussi
arides, les loisirs d*une retraite studieuse et ho*
norée.
vn
RAaNE ET SA PAMILLE A AUTEDII.
A Toccasion des lettres de Racine, adressées à
son fils et dont quelques-unes sont datées d*Au-
teuil, il a été rappelé à la dernière séance que
Louis Racine n*avait que sept ans à la mort de
son père et qu'il était, dès lors, invraisemblable
qu'une telle correspondance ait pu avoir lieu.
Ainsi présenté, le fait est indiscutable ; mais
il ne s*agit pas des lettres adressées à Lonis Ra-
cine. L*auteur d'Andromaque avait un fils aîné,
Jean-Baptiste, né en 4679, qui fut employé dans
la diplomatie en Hollande du vivant même de son
père et qui, à la mort de celui-ci, avait déjà vingt
ans. Deux de ces lettres (4698), où il est aues-
tion des derniers moments et de la mort de la
Champmeslé, sont particulièrement intéressantes
pour nous : « Je dois, dit Racine à son fils Jean-
Baptiste, réparation à la mémoire de la Champ-
meslé qui mourut avec d'assez bons sentiments^
après avoir renoncé à la comédie, très repentante de
sa vie passée, mais surtout fort affligée de mourir ;
du moins, M. Despréaux me Ta dit ainsi, l'ayant
appris du curé d'Auteoil c|ui l'assista à sa mort,
car elle est morte à Auteuil, dans la maison d'un
maître à danser ob elle était venue prendre
l'air. »
Sainte-Beuve s'étonne, à juste titre, du ton de
sécheresse de cette lettre. € On a besoin, dit-il,
pour l'excuser, de croire que Racine voulait faire
indirectement la leçon à son fils et condamner ses
(i) Suivant Mesnard, Mme Racine perdit sa for-
tune lors du système de Law.
ANNEXES
3l3
propres erreurs dans la personne de celle qoi en
arait été Tobjet. »
La famille de Racine, après la mort de celui-ci
et après le départ même de Boilean, conser?a à
Autenil de nombreuses relations. Louis Racine,
parvenu à Fâge d'homme, venait faire de fré-
quents séjours chez d*Agnesseau. Le chancelier
aimait le poète, mais il n^avait pas grande estime
pour son esprit.
Ant. GuiLLOis.
VIII
ASPECT GÉNÉRAL, EN 4717, DE LA BOUCLE DE LA SEINE
QUI RENFERME AUTEUIL ET PASSY
Notre premier Bulletin contient une note fort
intéressante sur la Muette et sur Pacy (ou Passy).
On y a annexé un plan du bois de Roulogne en
4705, par N. de Fer.
J*extrais d*un original que je possède du même
géographe, d*un plan qni donne toute la banlieue
de Pans, de Bourg la Reyne an Drancy et de
Colombes à Champigny, ce oui concerne Âuteuil,
Passy, Chaillot et le bois de Boulogne.
Ce plan est daté de 4747 : il est donc plus ré-
cent de douze ans que celui qni a été communi-
Sué par M. Saint-Lanne. (Une erreur dans la copie
ie la gravure a fait clicher 47:27. C'est bien 4747
qu'il faut lire. Ob plan a été reproduit p. 44.)
Comment se rendait-on, en 4747, de Paris à
Âutûein.,.
On pouvait, comme on le voit par le plan, sor-
tir par le faubourg du Roule et êagner immédia-
tement la grande Avenue Royale des Tuilleries, en
laissant à gauche les Champs EUzées. Ou bien on
continuait ie faubourg jusqu'au Roule même. De
ce point, on obliquait à gauche par Chaillot (4), en
passant au-dessus de Tanbaye des Bons Hommes,
pour arriver à Passy. Du Roule, on pouvait
encore gagner la grande étoile (S), le grand car-
refour à huit branches de VA venue Royale et sans
doute tomber par un chemin de champs sur Passy.
1^ voie la plus courte paraissait être la sui-
vante :
Partir du Pont Royal, sur le quai, non loin de
l'ancien emplacement de la Porte-Neuve, longer
les Tuilleries sur un quai qui commençait à se
construire an-dessus de la berge, sortir par la
Porte de la Conférence et le pont du fossé des
Tuilleries, et prendre le Cours de la Reyne.
Après avoir dépassé la Savonerie (3) et franchi
le ruisseau venu d'au delà des Porcherons (4), on
avait le choix, ou de monter par les Bons Hommes
à Passy, ou de suivre la Biviere de Seine et de
monter directement à Auteuil. Ces deux localités
communiquaient sans doute entre elles au moins
(i) Une partie ét^it faubourg de Paris depuis
i659 environ, sous le nom de faubourg de la Con-
férence. Mais le nom primitif a prévalu.
(a) Rond-point de I Etoile actuel, emplacement
de 1 Arc de Triomphe.
(3) La fameuse faorique de tapis, prèsde laquelle
il y avait encore un hôpital en 1672.
('^) C'est ranligue ruisseau de Ménilmontant.
Dejiuis Charles V; il recueillait, portie à ciel ou-
par un chemin de champs au bord du coteau : le
plan ne montre rien à cet égard.
Sur la rive gauche, Paris s'arrêtait bien avant
le bac indiqué au plan. Ce bac, situé au bas de
Tesplanade des Invalides, établissait la communi-
cation du faubourg du Gros-Caillou avec la rive
droite. On peut reconnaître qu'il faisait face au
rond-point et à la grande allée des Champs Klizées
qui forment aujourd'hui l'avenue d'Antin, en
amont de Vlsle du Mas ou de Querelle (4).
Le piéton qui continuait à se promener sur la
rive gauche devait dépasser la plaine et le château
de Grenelle, ainsi que quelques « lieux dits», en
laissant à sa droite un Ilot qui n'existe plus dans
le lit du fleuve, pour retrouver un passage un
peu au-dessus du moulin de Javelle, entre le
pont Mirabeau et le viaduc actuel. S'il poussait
plus loin encore sa promenade, dépassant une
branche de la route de Vaugirard, traversant le
ruisseau de Clamar et celui de Chalais-Medon,
il lui fallait gagner le Pont de Sève pour com-
muniquer de nouveau avec la rive droite. On peut
s'en assurer sur la carte.
Mais nous voici arrivés k Passy par le Cours de la
Reyne, et tout de suite le bois de Boulope nous
attire. Nous passons devant la Muete, dont l'or-
thographe, qui n'est point conforme à celle que
donnait l'autre jour M. Claretie, appelle notre
attention. J'ai recherché la raison de cette bizar-
rerie apparente, et voici une explication qui peut
paraître suffisante.
Delort, en 4824, après avoir parlé du château
de Madrid, ajoute :
€ 11 existe encore un autre petit château dans
l'intérieur du bois de Boulogne. C'est celui de la
Muette ou de la Meute, situé à l'entrée du bois du
c6té de Passy.
« Comme la première intention fut d'établir un
simple rendez-vous de chasse (2), il est plus vrai-
semblable de croire qu'il faut dire meute, lieu où
l'on renferme les chiens en attendant les chas-
seurs, que muette, qui désigne un lieu secret,
fermé de bois de tous c<^tés. »
Les deux orthographes successives peuvent donc
s'expliquer assez naturellement. De Meute^ la
corruption de l'usage et de mauvaises habitudes
de langage ont insensiblement fait Muete, par la
simple interversion d'une lettre. Ce dernier nom a
paru dIus gracieux : peut-être a-t-on fait quelque
légende pour le justifier — légende que nous dé-
couvrirons un jour — et on a fini par lui donner
un t de plus, sans doute une lettre de grande
naturalisation.
Je n'insisterai pas davantage, afin de ne pas
allonger cette communication. La comparaison,
facile à faire, entre les deux plans de 4705 et de
4747, montrera combien noms, lieux, terrains su-
vert, partie en souterrain, les é^outs de Paris. 11
est à sec depuis . longtemps, et son lit forme au-
jourd'hui la branche qui a une issue grillée au
pont de l'Aima.
(1) Sur une carte de 1731, celte lie ne s'appelle
plus qu'Ile M aque relie ; mais apparaît ce sous-titre :
ou des Cignes. On y met des dépôts de bois. Elle
communique par le Pont-Roaae (en bois), jeté en
travers du petit bras, avec le Gros-Caillou.
(2) La proximité du vaste château de Madrid
justifie celle opinion.
3i4
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
bissent d'hésitations, de perturbations, de trans-
formations en très peu d'années. On doit s'estimer
heureux de s'y reconnaître après plus d'un siècle
écoulé.
Emile Potin.
AUDIKOT AU RANELA6H
Audinot (Nicolas-Médard), oui avait été successi-
vement perruquier, acteur delà Comédie Italienne,
auteur (paroles et musique) du joli opéra-oomiqne
le Tonnelier, créateur d'un théâtre de marion-
nettes appelé le Théâtre des petits comédiens
die bois, auxquels succédèrent de véritables enfants,
vint en 4784 s'installer avec ses jeunes artistes
près de l'établissement du Ranelagh. Il y donnait
de petites pièces et d'intéressantes pantomimes
dans sa salle des Petits Comédiens de bois et
avait eu soin de conserver sur son rideau l'ins-
cription Sicut enfantes audi nos, dont la fin était
un assez mauvais rébus ou jeu de mots dont il
était fier. En 4785, le privilège qu'il avait obtenu
pour le Ranelagh lui fut retiré, et il rentra à
son théâtre de l* Ambigu-Comique, au boulevard
du Temple.
PASSY ET CHAILLOT SOUTERRAINS
On sait qu'une assez grande partie du sol de
Passv, et surtout du Trocadéro et de la partie de
Chaillot qui l'avoisine au nord, a été minée, prin-
cipalement aux xvu* et xviii® siècles, par des
exploitations de calcaire grossier ou pierre à bâtir,
qui ne furent interdites qu'en 4843 par un arrêté,
renouvelé en 4860 pour la zone annexée à Paris.
Une autre formation, parmi celles qui constituent
le terrain tertiaire, avait aussi été l'objet des
exploitations souterraines de notre région, Vargile
plastique ou glaise, qui fut exploitée de temps
immémorial k Passy. Piganiol de la Force, dans
sa Description historique de la ville de Paris,
rapporte que les carriers de Passy vendaient au-
trefois en grande quantité, € à des apothicaires
célèbres de Paris, qui en faisaient une espèce de
vitriol pour guérir les fièvres intermittentes, » les
pyrites qu'on trouve dans la glaise. Quant à la
qualité de cette glaise elle-même, dépouillée de
ses fameux pyrites, ni maîtres tuiliers (4) ni sculp-
teurs ne nous ont laissé de renseignements précis
sur elle.
(0 La principale tuilerie de Passy cHait ù peu
près siliiée sur l'emplarement des numéros .'«o à
DU de la rue de l'Assomplion, derrière le nouveau
lycée de jeune» fliles : aussi le château qui l'a voi-
sinait (actuellement couvent de l'Assomption)
portait-il le nom de cbAlefiu de )a Tuilerie.
Le groupe de Passy-Chaillot (4), formé d'on
grand nombre d'exploitations séparées, comprend
environ 6.600 mètres de galeries d'inspection. Os
galeries sont subdivisées en galeries principales,
complètement consolidées, et en galeries secon-
daires, dans lesquelles on n'a exécuté que des tra-
vaux de faible importance. Les galeries principales
da groupe de Pany-Chaillot ont 3.782 mètres de
développement. Le palais du Trocadéro repose en
partie sur une ancienne carrière de pierre à bâtir,
exploitée au commencement du xviii* siècle. La
consolidation de cette carrière a exigé des dépenses
considérables oui ont dû s'élever certainement à
plus de 300.000 francs. Sous chacun des points
de la carrière correspondant aux points d'appui de
l'édifice, on a éleré des maçonneries en moellons,
hourdés de mortier de chaux hydraulique, de
section Tariant suivant l'importance du point d'ap-
pui à consolider. En raison de la hauteur de l'exploi-
tation, qui atteignait parfois 4 mètres, on a été
conduit à donner à ces sections horizontales des
dimensions considérables, dont la plus faible dé-
{tasse 3 mètres. Les quatre piliers qui supportent
a tour de droite du palais ont un cube total de
800 mètres ! Par le fait du peu d'épaisseur du
terrain de recouvrement, en certains endroits, on
a été amené à asseoir les murs de fondation sur
le sol même de la carrière. Les grosses conduites
et le siphon de la cascade passent dans un grand
tunnel, maçonné en briques et ciment, qui part
de la façade du palais central et descend jusqu'au
collecteur du pont de l'Aima, en traversant les
remblais d'une ancienne carrière à ciel ouvert et
l'emplacement des fouilles faites sous Napoléon I'',
pour la construction du palais du roi de Rome.
Ce tunnel communique avec les vides qui, après
l'exécution des piliers de soutènement, n'ont pas
été comblés. Deux escaliers, dont l'un est situé
sous la salle des fêtes et l'antre dans le jardin,
permettent l'accès des galeries. En raison de la
déclivité du sol du Trocadéro, l'épaisseur des ter-
rains de recouvrement est très variable. Elle est
de 42 mètres environ près de l'avenue du Troca-
déro, de 9 mètres sous la salle des Fêtes et de
6 mètres sous le jardin, près de l'escalier.
PUtNCIPAUX ESCÀUERS DÉTRUITS QUI CONDUISAIENT
AUX CARRIÈRES
4° Ancienne rue des Batailles, à l'angle de la
rue de Gasté (actuellement avenue du Trocadéro,
devant la rue de la Manutention). — Entrée de
f»lain-pied, avec descente en pente douce, dans
es cavages de la place d'Iéna, construite en 4797
par l'inspection des carrières, et détruite lors du
percement de l'avenue du Trocadéro.
2° Rue de Lubeck, 24. — Escalier droit, très
ancien, situé dans les dépendances d'une propriété
privée ; comblé vers 4840. Il donnait accès dans
(i) Tous les renseignements techniques qui sui-
vent sont empruntés textuellement au livre publié
l'année dernière sur les Calacombe» de Paris^ par
M. Kmile Gérard, conducteur de l'inspection géné-
rale des carrières de la Seine. — M. Chamuel, édi-
teur de 1 ouvraj^e. rue de Trévise ag, a bien voulu
autoriser la publication de ces extraits dans notre
ANNEXES
3i5
es magnifiques carrières, presque entièremeot
remblayées maintenant, qui s'étendent an nord de
la roe de Lubeck. Ces carrières ont 7 mètres de
hauteur en certains endroits.
Il y avait, en outre, un grand nombre de bouches
de cavage et d*escaliers de carnères-cayes sur les
pentes du Trocadéro, dans la rue des Batailles
(avenue dléna), dans la partie de la rue de Chaillot
démolie pour le percement de la me Pierre-Char-
ron, rue de Longchamp dans la partie supprimée
par le percement de la place dléna, rue de la
Tour, iSO, et rue Pergolèse 38. Elles ont toutes
été remblayées.
ESCAUERS ACTUELS DESSERVANT LES RÉSEAUX
DE l'inspection GÉNÉRALE
i^ Hue de Freycinet, — Escalier circulaire
SOUS trottoir, construit en 1784 dans Tenceinte
des réservoirs de la pompe à feu de ChaUlot. Pro-
fondeur i4™,55; 63 marches.
2® Avenue Kléber, sur le trottoir, devant le
n® 73. — Escalier circulaire construit en 1786
dans les dépendances de l'ancienne barrière de
I^nechamp et recouvert actuellement d'un kiosque
en fer. Profondeur 17"^,50; 84 marches.
3° Rue de la Tour, 1. — Escalier circulaire
construit en 1804. Profondeur 5°*, 82 ; 32 marches.
ESCAUERS NE DESSERVANT QUE DBS RÉSEAUX ISOLÉS
sous LES PROPRIÉTÉS DE LA VILLE ET DE l'ÉTAT
1^ Au Dépôt de V Ecole des Ponts et Chaus-
sées^ avenues du Trocadéro et d'Iéna. — Deux
escaliers, l'un droit et l'autre circulaire, donnent
accès dans un petit réseau de vides, se ramiâant
autrefois avec les carrières de Chaillot, mais isolé
maintenant par des murs et des remblais qui le
limitent au périmètre de la propriété.
2* Jardin du Trocadéro, près de TAquarium.
— Escalier circulaire de 9°^, 65 de profondeur,
construit en 1877, au moment de rédi6cation des
bâtiments et du palais de l'Exposition universelle
de 1878 : 50 marches.
3^ Palais du Trocadéro, dans le sous-sol de
la salle des Fêtes. — Escalier circulaire construit
k la même époque que le précédent. Profondeur
11™,30; 59 marches. Les carrières situées sous
le Trocadéro communiquaient autrefois avec celles
de Chaillot; depuis 1878, elles forment un ré-
seau isolé.
ESCAUERS CONSTRUITS PAR DES ADMINISTRATIONS PRI-
VÉES, OU PAR DES PARTICULIERS, POUR L*UT1USA-
TION INDUSTRIELLE DES CARRIÈRES OU POUR LEUR
SURVEILLANCE, ET NE DONNANT PAS ACCÈS DANS
LES RÉSEAUX DE l'iNSPECTION.
Rue de Chailbt, — Escalier droit, desservant
une carrière-cave près de la me de Freycinet.
Boulevard Delessert. — Entre les jardins du
Trocadéro et rentrée de Passy, dans le mur de
soutènement qui forme TaUffnement nord du bou-
levard, exisie une entrée de carrière, de plain-
pied avec la chaussée, Cette carrière fut aménagée
pendant l'Exposition universelle de 1878, par un
limonadier qui avait mis comme enseigne à son
établissement: Café des Catacombes de Chaillot.
Rue de la Tour, — Trois escaliers de carrières-
caves près du carrefour de Passy, du côté des
numéros pairs.
Rue de Passy. — Trente-deux propriétés si-
tuées dans toute retendue de la me, ont chacune
un escalier desservant des carrières-caves.
Passage des Eaux, près de la me Ravnouard.
— Communication de plain-pied entre les caves
d'une propriété particulière et d'une carrière isolée,
ouverte autrefois à flanc de coteau.
Rue Raynouard. — Dix-neuf propriétés situées
entre le commencement de cette rue et de la rue
Singer ont chacune leur carrière-cave desservie
par un escalier.
Rue de V Annonciation. — Entre la rue Ray-
nouard et la rue Duban, quatorze propriétés ont
chacune un escalier droit, donnant accès dans des
carrières isolées servant de caves aux maisons.
£^/t5e Notre-Dame-de-Grâce, me de l'Annon-
ciation. — Escalier donnant accès dans une car-
rière isolée, située sous l'église.
Rue Lekain, près de la me de l'Annonciation.
— Escalier de carrière-cave ordinaire.
Chaussée de la Muette, près de la me de la
Pompe. — Deux escaliers de carrières-caves.
Rue de la Pompe, entre la chaussée de la
Muette et la rue de la Tour. — Quatre propriétés
ont des escaliers de carrières-caves.
Rue Decamps, près la me de la Tour. — Esca-
lier droit, donnant accès dans une carrière où
habitait, il y a une trentaine d'années, une vieille
dame, la mère Bontemps, surnommée la mère aux
chèvres.
Pour extraits conformes :
Léopold Mar.
LES CARRIÈRES ET LE SOUS-SOL
DU XVI" ARRONDISSEMENT
Le département de la Seine renferme beaucoup
de matériaux de construction ; on y trouve, à une
faible profondeur, la pierre à bâtir, le sable et les
substances minérales avec lesquelles on fabrique
la chaux, le plâtre, les briques et les tuiles. Les
Sisements étant à proximité, leur exploitation a
û se développer en même temps que la constrac-
tion des divers quartiers ; l'exploitation des pre-
mières carrières sous le centre de la ville date de
l'époque gallo-romaine ; toutes les pierres qui ont
été employées à Paris jusqu'au xvii" siècle pro-
viennent in sol sur lequel la ville s'étend actuel-
lement. Cette proximité et cette abondance des
matériaux de construction sont de nature à facili-
ter l'accroissement d'un centre de population ;
elles ont donc favorisé autrefois ragrandissement de
Paris. Beaucoup de carrières de pierres à bâtir se
sont épuisées ; il est maintenant interdit d'exploi-
ter les autres à l'intérieur de Tenceinte des forti*
3i6
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
fications, et beaucoup d'excavations sont restées
yides après Tabandon des cbantiers, ce qui peat
occasionner des accidents.
On parait n^avoir pas eu sujet de s'inquiéter,
antérieurement à 1774, des inconvénients que
peuvent présenter ces souterrains ; l'existence de
beaucoup de carrières avait même été perdue
de vue et on n'avait de connaissances précises que
sur celles qui étaient restées accessibles, c'est-à-
dire sur la moindre partie des anciennes exploita-
tions qui, pendant plusieurs siècles, avaient été
livrées, sans aucune surveillance, à l'activité plus
ou moins grande des extracteurs. Mais un grand
effondrement survint le 17 décembre 4774, et
renversa une partie du pavé et des alentours de
la route d'Orléans (aujourd'hui rue Denfert-Ro-
chereau) ; l'attention fut ainsi appelée sur les
périls résultant de la situation des anciennes
carrières et sur la nécessité de prendre des
mesures efficaces pour sauvegarder la sécurité
publique.
Il fut procédé en 4776 à une visite générale et
au lever des plans des excavations alors acces-
sibles ; on reconnut qu'une grande partie du sol
des quartiers méridionaux de Paris était presaue
entièrement sous-minée et que la stabilité des
rues et celle des constructions publiques et pri-
vées de ces quartiers était compromise. 1^4 avril
4777, le jour même où une maison, voisine de
l'endroit oii s'était produit l'accident du 47 dé-
cembre 4774, était engloutie par suite d'un
effondrement dans une excavation de 20 mètres
de profondeur, le Conseil d'État institua une
commission spéciale, chargée d'ordonner et de
faire exécuter toutes les opérations que pouvait
exiger l'état plus ou moins menaçant des an-
ciennes exploitations. C'est sur la proposition de
cette commission (composée de M. I^noir, lieute-
nant général de police, et du comte d'Angiviller,
directeur des bâtiments royaux) que fut créée
l'inspection générale des carrières. Le décret du
48 novembre 4840 assura le recrutement parmi
les ingénieurs au corps des mines des inspecteurs
des carrières du département de la Seine; c'est
sous la direction de ces inspecteurs (4) qu'ont été
exécutés les travaux de consolidation sous les
rues et sous les établissements publics.
L'étude des carrières est subordonnée à celle de
la nature géologique du sous- sol et de la série des
divers terrains superposés, parmi lesquels figu-
rent notamment ceux d'où l'on a extrait la pierre
à bâtir. On dit qu'une couche géologique affleure
lorsqu'elle se montre immédiatement au-dessous
du sol superficiel composé de terre végétale et de
terrains de transport qui sont d'origine naturelle,
(i) Voici la liste de ce» inspocU'urs : MM.Giiil'
lauinol, de 177;^ à 1807 ; Hérirart de Tiiiiry, de
1K09 à i83o; Trémery, de i83o à iK^i ; Junckêr, de
iH/«i à i85i ; Lorieux* de i85i 11 i856 ; Blavier, de
1856 à 1808; de llennczel, de ]858 à i8G5 ; du
Souich, de i8(i5 ù 1866; de Fourcy, de 18GG h
1870 ; Jacquet, de 1870 h i8p; Descottes, de 187'^
à 1875; Tournaire, de 1875 a 1878; Gentil, de i878
à 1879; Roger, de 1879 à 1880 ; Kellcr, de 188Ô à
1896 ; Wickrrsheimer, à partir de 189G. M. Guil-
laumot était rarchileclo du palais de Versailles ;
ses successeurs ont été des ingénieurs en chef
des mines.
.comme les anciennes alluvions, on d'origine artifi-
cielle, comme les remblais.
La craie blanche, qui s'étend sons de vastes
étendues de pays, constitue le fond du bassin de
Parin, où son épaisseur dépasse 400 mètres ; elle
règne à la base des coteaux d'Issy et de H^oo
et sur une partie des territoires de Boulogne et
de Billancourt ; à Bercy, la craie se trouve i
^Q mètres au-dessous du lit de la Seine ; dans
Paris, elle n'affleure qu'à l'extrémité sud-ouest de
la ville, à Grenelle et au Point-dn-Jour, vers
l'altitude de 30 mètres au-dessus du niveau de
la mer, c'est-à-dire à 3 mètres au-dessus du
niveau normal des eaux de la Seine. Sur le
XVI^ arrondissement, elle se trouve au-dessous
des terrains de transport, entre la fortification et
la Seine, jusqu'aux abords du chemin de fer de
ceinture. L'épaisseur des terrains de transport
est variable; elle s'élève à 40 mètres dans le
fond de la vallée, à Grenelle près de la Seine ; à
mesure qu'on s'éloigne du fleuve, elle diminue
dans les quartiere dont le niveau s'élève graduel-
lement. La différence de niveau entre le sol et la
face supérieure de la craie est d'environ 7 mètres
auprès du bastion 67 Ins, placé entre la porte du
Point'du-Jour et la porte Billancourt, et elle n'est
que de 4 "^,40 au point du boulevard Suchet situé
entre les bastions 63 et 64, vis-à-vis la rue de
Civry. La surface de la craie n'est pas horizontale;
elle est inclinée du sud-ouest au nord-est et pré-
sente une différence de niveau de 433 mètres
entre le Point-du-Jour et les Buttes-Chanmont,
où sa face supérieure est à 103 mètres au-dessous
du niveau de la mer.
Les diverses couches superposées au-dessus
de la craie (1 ) ont beaucoup moins d'épaisseur ;
celle qui recouvre immédiatement la craie est
composée d'argile plastique renfermant des py-
rites qui ont été exploitées autrefois, comme l'in-
dique M. Léopold Mar, dans sa note sur Passy et
Chaillot souterrains (2). C^ette argile plastique
constitue le sous-sol d'une grande partie d'Auteuil,
entre le chemin de fer de ceinture, la rue du
Docteur-Blanche, la rue de l'Assomption et la
Seine. La différence de niveau entre le sol et la
face supérieure du banc d'argile est d'environ
42 mètres vis-à-vis de la maison de retraite C3iar-
don-Lagache (3), 4 mètres à la rue de l'Assomp-
tion, vis-à-vis du lycée de jeunes filles, et 44
mètres à la rue Duban. Sur les territoires d'Au-
teuil et de Passy, où l'altitude ne dépasse pas
70 mètres, celle de la face supérieure de l'argile
(1) ÏJi craie appartient aux terrains f^econdai-
res ; les couches qui se trouvent placées au-
dessus de la craie appartiennent aux terrains
tertiaires; enfin, les terrains de transport d'ori-
gine naturelle appartiennent aux terrains qua-
ternaires.
(2) Voir p. l'ii du !••■ volume du Bulletin de notre
Société, et l'extrait qui précède.
(3) Pour ce travail beaucoup d'emprunts ont été
faits à l'ouvrage fort intéressant sur la topogra-
phie et la consolidation des carrières sous Paris,
publié en i885 (librairie Des Possez, i3, rue Bo-
naparte, par M. Dunliel, chef de bureau de l'ins-
pection i^énérale des carrières de la Seine, ainsi
qu'à la note rédieée en décembre 1890 par M. Kel-
lcr, alors inspecteur général de ce service, pour
servir d'introduction a la nomenclature des voies
publiques sous-minées.
s î 5
.i I I
3i8
HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
plastiqae, dont l'inclinaison s^abaisse vers la
Seine, yarie entre 29 et 44 mètres (i).
Les eaux pluriales sHnfîltrant dans le sol per-
méable, qai s'étend aa-dessus da banc d'argile
plastique, imbibent ce sol et y descendent peu à
peu, jusqu'à ce qu'elles rencontrent l'argile, dont
rimperméabilité s'oppose à ce qu'elles pénètrent plus
profondément dans la terre. C'est ainsi que se
crée, dans l'espace limité au nord par la rue
Leroux et au sud par les rues Poussin et La Fon-
taine, une nappe d'eau souterraine qui alimente
des puits et des sources (2).
C'est au-dessus de l argile plastique qu'on
trouve le calcaire grossier dont les carrières de
rive gauche et de nve droite ont fourni la pres-
que totalité des pierres de taille et des moellons
mis en œuvre dans les anciennes constructions
de Paris, où ils ont été employés à peu près
exclusivement jusqu'à l'époque où l'amélioration
des voies de communication a permis d'utiliser
des carrières plus éloignées de la capitale. Au
XVI^ arrondissement, le calcaire erossier affleure
sur les flancs des coteaux de Chaiîiot et de Passy
et sous la majeure partie du bois de Boulogne.
Cet affleurement borde le chemin de fer de cein-
ture entre la porte d'Âuteuil et la Muette; il
n'occupe ensuite, sur les cartes géologiques,
qu'une bande étroite qui s'étend d'abord à droite
et à gauche de la rue du Ranelagh, et qui se
retourne ensuite parallèlement à la Seine. Il plonge
du sud-ouest vers le nord-est, comme la craie et
l'argile plastique qui le supportent ; dans les par-
ties oh il est recouvert par les nappes d'eau d'in-
filtration de la Seine, il ne (râuvait pas être
exploité ; sa face supérieure ne se trouve qu'à
2 mètres au-dessous du sol, près de l'intersec-
tion de l'avenue de la Grande-Armée avec la
ligne des fortifications. L'épaisseur du calcaire
grossier atteint quelquefois 2O mètres ; mais elle
est généralement beaucoup plus faible.
La couche des marnes blanches ou caillasses,
formée par un mélange intime de calcaires et
d'argiles, repose directement sur le calcaire
Srossier ; elle affleure sur la partie centrale
u XVI" arrondissement et constitue la plus
grande partie du sous-sol de Passy. Ces marnes
ne seront susceptibles d'être utilisées que comme
amendement; mais elles ne fournissent pas de
matériaux de construction ; aussi, elles n'ont pas
été exploitées à Paris. Leur épaisseur dépasse
i2 mètres sous le parc des Buttes-Cbaumont ;
elle est plus faible et variable sous le XYl" arron-
dissement.
Pour réaliser le doublement des voies entre la
station de Courcelles et celle du Trocadéro, la
(i) La face supérieure du banc d'argile se trouve
à 40 m. 7 au-dessus du niveau de la raer sous la
me Duban et à Iq mètres au-dessous de ce
niveau sous les ButtcsChaumont, au point où
raltitude du sol s'élève n 83 mètres. L'&paisseur
(le lo couche d'argile est d'environ '•io mètres
nu puits artésien de Grenelle, G mètres à celui
de Passy et 5o mètres sous le parc des Butles-
Chaumohl.
(?.) ^uand la nappe aquifère affleure à flanc
de coteau, elle donne naissance à une source. Les
puits sont convenablement alimentés lorsqu'ils
aboutissent ù cette nappe, au-dessus d'une partie
concave du terrain imperméable.
Compagnie de TOuest a supprimé les talus en
terre qui se trouvaient en bordure du chemin de
fer de ceinture, en vue de les remplacer par des
murs de soutènement, ce qui permettra de gagner
un espace suffisant pour établir de chaque côté
une voie de plus. Les terrains traversés sont
marqués sur les cartes géologiques comme appar
tenant à la formation des marnes blanches ; mais
sous ces marnes et à une faible profondeur se
trouve le calcaire grossier : aussi, quand on
regardait de son vagon les travaux exécutés en
1897 par la Compagnie, auprès de It station du
Trocadéro, on voyait que les déblais, quoique peu
profonds, entament fréquemment le calcaire, et
il est résulté de cette circonstance Tavanta^ que
les fouilles ont procuré une forte quantité de
moellons.
Les sables dits sables moyens de Beauchamp(4)
reposent sur les marnes blanches; cette formation
se compose d'épaisses couches de sable alternant
avec des assises calcaires et des lits de marnes et
contenant des rognons de grès. Ces sables, qui ont
été exploités, sont l'origine de plusieurs dénomi-
nations: la rue des Sablons, la plaine des Sablons,
où le roi passait des revues au xvni* siècle, le
Quartier de Neuilly appelé Sablon ville. Les sables
e Beauchamp affleurent, au nord, la partie cen-
trale de la rue de la Tour, dans l'espace compris
entre l'aboutissement de la me Scheffer sur l'ave-
nue Henri-Martin et les abords de la place du
Trocadéro, au nord de laquelle ils se divisent en
deux branches, dont l'une passe sous la place
Yictor-Uugo et se prolonge au delà de l'avenue
de la Grande^Armée ; l'autre passe sous la place
des États-Unis et se prolonge au delà de l'avenue
des Champs-Elysées.
Entre ces deux branches, on rencontre un Ilot
oh le sous-sol est occupé par le travertin de
Saint-Ouen, qui s'étend au-dessus de l'origine de
l'avenue Henri-Martin et sous le cimetière de
Passy. Le travertin, dont on retrouve un banc
dans la région avoisinant la rue de Lubeck, se
compose d alternances calcaires et marneuses,
d'origine lacustre, qui ne contiennent pas de
matériaux de construction ; l'épaisseur de ces
bancs ne dépasse pas 7 mètres dans le XYl" ar-
rondissement et s'élève à 29 mètres sous le parc
des Buttes-Chaumont.
L'épaisseur des couches géologiques varie beau-
coup d'un lieu à l'autre ; elles présentent même
assez fréquemment des lacunes, c'est-à-dire qu'on
ne retrouve pas partout le terrain qui, au point
de vue géologique, succède immédiatement au
précédent; mais l'ordre de superposition des
couches reste toujours le même. On ne peut être
parfaitement renseigné sur l'épaisseur et même
sur l'existence de ces couches, en un point déter-
miné, qu'en y opérant des fouilles, ou des puits,
ou des sondages.
Les vides existant au-dessous des voies pu*
bliques et des propriétés privées, dans une partie
des quartiers de Chai Ilot et de Passy, proviennent
exclusivement de l'exploitation de la pierre à
(1) Localité située pfès d'Herblay (Seine-et^
Oise).
320
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
bâtir dans les carrières souterraines du calcaire
grossier.
Comme ces vides, qai sont très considérables
sons certains quartiers de la rive ganche de Tan-
cien Paris, peuvent occasionner des accidents
graves, Fexploitation de carrières souterraines a
été interdite, à Tintérieur de Paris, par le décret
du ^22 mai 1813. La même mesure a été appli-
quée en 1860 à la zone annexée ; mais au delà
des fortifications, on continue à exploiter les car-
rières souterraines (1).
On pénétrait dans ces carrières par des puits,
ou par des escaliers, ou par des boucbes de ca-
vage s'ouvrant de plein-pied à flanc de coteau ;
on no peut plus y accéder aujourd'hui que par
des escaliers. On laissait généralement à la partie
supérieure des galeries, ou ciels, un banc de roche
intact, pour diminuer les risques d'éboulement.
L'état dans lequel se trouvent les carrières au-
jourd'hui abandonnées varie suivant qu'on y a
fait ou non des travaux de consolidation et sui-
vant qu'elles ont été exploitées par la méthode
des piliers tournés ou par la méthode des hagues
et bourrages.
Dans la méthode par piliers tournés, qui était
autrefois la plus usitée, on laissait en place une
partie de la masse exploitable, pour soutenir le
ciel de la carrière et les terres de recouvrement :
les galeries étaient ouvertes successivement dans
deux sens perpendiculaires l'un à l'autre, de telle
sorte que ces recoupes laissaient en place des pi-
liers tranchés sur leurs faces verticales. A Pass
et à Qiaillot, la roehe qui forme le toit des ex-
ploitations est généralement assez dure, et il n'est
pas rare que son épaisseur, qui est généralement
de 0'",60 à 0»,80, s'élève à l'^.SO. Si les bancs
formant le ciel de la carrière sont solides ainsi
que les piliers, et si la largeur des galeries n'est
pas exagérée, les vides laissés par ce sptème
d'exploitation peuvent se conserver indéfiniment.
Mais les inconvénients sont très sérieux lorsque
le ciel est en mauvais état ou les piliers insuffi-
sants, car ils se dégradent de plus en plus ; la
chute du ciel de la carrière entraîne la formation
d'excavations en forme de dôme ou de cloche ;
la cavité de cette cloche, dont les bords affectent
une forme circulaire ou elliptique, s'agrandit et
s'élève graduellement ; si son sommet s'approche
assez de la surface du sol pour que la cohésion
des terres ne suffise plus à les maintenir suspen-
dues au-dessus du vide, il se forme un éboule-
ment; c'est aux accidents de ce genre qu'on
donne le nom de foniis ; quand le sol s'écroule,
on dit que le fontis vient à jour.
Dans l'autre méthode d'exploitation, on se
proposait d'extraire la presque totalité des bancs
de pierre. A cet effet, les déchets de l'exploitation,
consistant dans les lits, déblais inutilisables et
recoupes de blocs, étaient rassemblés en arrière
des ouvriers, à une faible distance du front de
taille; ils servaient à former des remblais qu'on
(i) Le calcaire grossier ou pierre à bâtir, utilisé
anlrerois par les carriers de l'assy et «le l^liail-
lut, esl exploité, sur i a 2 uiëlres de hauleur, à
Arcueil, Genlilly, Bagueux, Châllllon, Clamart,
Issv, Vanvea, Ivry, Vilry. Nanlerre, Champigny,
Cofombes, Créleil, Saiut-Maur et Villejuif.
élevait jusqu'au ciel des chantiers, pour le sup-
porter. La quantité de ces déchets étant insuffi-
sante pour qu'on pût remblayer toute la canrière,
où d'ailleurs des galeries de circulation devaient
être en tout cas conservées, pour permettre le
transport souterrain des pierres extraites; on
laissait des espaces vides à l'intérieur des rem-
blais. Les parois de ces galeries étaient généra-
lement soutenues par des murs à pierre sèche
appelés hagues; des piliers formés de moellons et
nommés bourrages étaient disséminés dans les
hagues et dans les remblais.
Les vides résultant du mode d'exploitation par
hagues et bourrages peuvent amener des fontis ;
car les remblais sont iné|;aleoent répartis et su-
bissent des tassements inégaux ; il arrive assez
fréquemment que le ciel de la carrière s'infléchisse
ou se fissure, ce qui oeut déterminer un effondre-
ment. Toutefois, les fontis qui viennent à se pro-
duire au-dessus des espaces laissés vides an milieu
des remblais ne constituent généralement que des
accidents isolés et ayant un développement res-
treint, tandis que, dans une carrière à piliers
tournés, l'affaissement d'un pilier est souvent
accompagné ou suivi de l'écrasement des piliers
voisins, ce qui occasionne un écroulement général
du sol sous-miné.
Les infiltrations d'eau aggravent la situation :
aussi, on a observé que les fontis sont plus fré-
quents après les grands orages, ou pendant les
dégels, ou lorsque d'anciens égouts se sont dislo-
3ués et que l'eau qui s'en échappe a fait couler
es terres rapportées.
La Ville de Paris a dépensé, depuis 1777, des
sommes importantes (1) en vue de consolider le
sol des rues, de manière qu'il ne soit plus exposé
à s'effondrer et à ce que les conduites et les
égouts ne subissent plus les avaries qui pouvaient
autrefois résulter de l'éboulement des vides sou-
terrains. Ces travaux, dirigés par le service de
l'inspection générale des carrières de la Seine,
consistent prmcipalement à rechercher les fontis,
à combler les vides avec des remblais bourrés et
pilonnés et à ajouter au besoin des supports addi-
tionnels en maçonnerie, tels que murs, piliers ou
voûtes, pour maintenir les portions du ciel de la
carrière qui menacent de s'affaisser.
Pour prévenir tout risque d'effondrement pro-
venant des vides des anciennes carrières sous
Paris, il faudrait exécuter des travaux appropriés
sur tous les points où les ciels et piliers sont en
mauvais état, ou insuffisants ou fissurés : mais il
est, en réalité, très difficile de faire des répara-
tions sur la totalité des points qui auraient
besoin d'être consolidés, parce que ces anciennes
carrières sont peu accessibles. Leur ouverture est
souvent fort ancienne ; celles de Ghaillot et Passy
figurent sur des plans de Paris datant du xvii«
siècle. Les ordonnances de police relatives aux
carrières sont toutes postérieures an xvi* siècle ;
(i) Les sommes dépensées choque année par la
Ville pour ces travaux de consolidation ont
varié, suivant len éno(|ues, entre 70.000 et 400.000
franc». Le réseau des galeries souterraines dins-
oeclion se <Iévelo|»pe à Paris sur environ idg Ici-
lonièlres, dont oT) sous les voies publiques el 44
sous les propriétés de l'Elat et de la Ville.
ANNEXES
321
les contraventions n'étaient pas poorsuivies, parce
([Ocelles étaient ignorées. Antérieurement à Tins-
titution de Tinspection générale des carrières de la
Seine, elles n'étaient Tobjet d'aucune surveillance.
Les exploitants pouvaient enlever la pierre souter-
rainement comme ils l'entendaient. Les carrières
étaient ainsi exploitées sans aucune responsabilité,
sans aucun lever de plan ni aucun contrôle admi-
nistratif, ni aucune préoccupation des limites de
propriété et à ane époque oii on ne prévoyait pas
que des quartiers de Paris seraient bâtis au-dessus
de ces exca>ations. Depuis leur abandon, elles
ont quelquefois servi de décharges publiques, ce
qui a entraîné le remblai d'une partie des vides ;
les chemins de service ont été masqués on rendus
impraticables par suite des éboulements survenus
depuis cet abandon, et c'est avec la pioche qu'il
faut s'ouvrir dans ces ruines une voie permet-
tant d'aller à la découverte des vides inconnus et
qui ont déterminé un accident.
La superâcie des régions de Paris qui ont été
reconnues sous-minées, est de 771 hectares (i);
mais la superficie où des carrières ont pu être
exploitées à l'intérieur des fortifications s'élève
à o.i40 hectares (soit environ les deux cinquièmes
de la superficie totale de Paris), et on possède peu
de renseignements sur les anciennes carrières
situées sous des propriétés privées ; car celles ou
le sous-sol a été exploré expressément en vue
des constructions à y élever sont peu nombreuses,
et ce n'est que sous les rues et sous les établisse-
ments publics que le service de l'inspection des
carrières a pu prendre l'initiative des travaux de
consolidation à exécuter aux frais de la Ville.
Les édifices publics et particuliers construits
à Paris avec les pierres extraites du calcaire
grossier ont consommé une énorme quantité de
moellons remplacée par des cavités dont quelques-
unes constituaient un péril imminent pour les
voies publiques situées au-dessus. Pour parer à
ce danger, en ce qui concerne les rues, le service
de l'inspection générale des carrières lève un plan
aussi exact que possible des excavations ; il
recherche, par des galeries percées à travers les
remblais ou la masse de pierre, les anciennes
exploitations inconnues dont les éboulements ou
d'autres causes interdisent l'accès ; enfin, il con-
solide les vides de la manière suivante.
On construit des galeries muraillées dans le
sens longitudinal des rues (2) ; les vides qui
existent à droite et à gauche de ces galeries sont
bourrés, c'est-à-dire remplis de terres pilonnées ;
ceux qu'on laisse subsister, pour permettre la
circulation, sont soutenus de place en place au
moyen de piliers en maçonnerie. Les voies les
plus importantes ont généralement deux galeries
muraillées, une sur chaque côté ; les voies étroites
n'en ont qu'une. Dans la traversée des fontis, on
soutient les murailles au moyen de colonnes en
béton.
fi) Dont 707 dnns le calcaire jrrossier (pierre à
bâlir^ cl 64 dans le jfvpse (pierre à plâtre).
(a) Voir, pour iilus de détails, l'onvrage de
M. Gérard, intitulé : Les Calaannhts </c Paris, et
édité en 1H92 par la maison Clianiuel, rue de
Trévisc, 29.
On assure la stabilité des égouts en les soute-
nant par une galerie maçonnée.
Les piliers de maçonnerie ont reçu une inscrip-
tion comprenant un numéro d'ordre, l'initiale de
l'inspecteur général et l'année de la construction:
c'est ainsi que l'indication 4. G. 1783 montre
que le pilier sur lequel elle se trouve inscrite est
le quatrième d'une série exécutée par ordre de
M. Guillaumot, en 1783.
En ce qui concerne les propriétés privées, c'est
aux propriétaires qu'il appartient d'exécuter à
leurs frais les travaux de consolidation indispen-
sables pour assurer la stabilité. Car la propriété
de la surface implique celle du sous-sol, et les
propriétaires sont tenus d'accepter la charge de
ces travaux, tant à cause de l'intérêt direct qu'ils
y ont pour la conservation de leurs maisons qu'à
cause de la responsabilité qu'ils encourraient si,
par le fait d'un affaissement du sol qu'ils auraient
négligé de conjurer, des personnes étaient Tictimes
d'accidents compromettant leur existence ou leurs
biens.
En 1876 et 1877, six maisons do la me de la
Santé furent détériorées par des effondrements ;
en maill$79, trois maisons furent gravement mena-
cées dans le passage Gourdon et, en avril 1880, un
accident du même genre faillit engloutir les maisons
portant les n^ 79 et 81 du boulevard Saint-Michel.
A la suite de ces événements, il a été décidé
que l'administration municipale, qui, jusqu'en
1881, ne s'était pas immiscée directement dans
la consolidation des maisons particulières, ferait
exécuter d'ofiice les travaux commandés par la
sécurité publique toutes les fois que le proprié-
taire, ayant reçu l'injonction de réaliser ces con-
solidations, ne les aurait pas effectuées dans le
délai prescrit, les dépenses devant être ensuite
recouvrées sur les parties responsables. .4ux
termes de l'arrêté préfectoral du 18 janvier 1881,
toute demande de construction on de suréléva-
tion de bâtiment, sur des terrains situés dans la
zone des anciennes carrières de Paris, doit faire
l'objet d'un examen spécial de la part du service
des carrières de la Seine, chargé d'indiquer les
mesures à prendre ou les travaux à exécuter
pour assurer la solidité des fondations des cons-
tructions.
JusQu'ici la Ville de Paris a supporté tous les
frais de construction des piliers situés mi-partie
sous les rues et mi-partie sous les murs de face
dos maisons. En assurant la stabilité des voies
publiques, elle atténue les dangers pouvant résul-
ter, pour les immeubles riverains, des vides qui
existent dans les anciennes carrières; mais ce
danger n'est pas entièrement supprimé. On espère
que les maisons ne sont plus exposées à s'effon-
drer ; si cependant les fondations n'étaient pas
solides, il pourrait se produire des tassements
inégaux et des lézardes dangereuses dans les
maçonneries. Pour les hautes maisons, ainsi que
les grands égouts dont la rupture aurait des con-
séquences désastreuses, il convient généralement
de faire descendre les fondations jusqu'au sol des
anciennes carrières ; quand il faut satisfaire à
cette condition avant de construire une maison
neuve, on creuse généralement des puits qui sont
remplis de béton et reliés à leur partie supérieure
31
322
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
par des arcs en maçonnerie supportant les princi-
paux murs.
S'il s'agit de consolider des maisons existantes,
on creuse un puits d'environ i"^30 de diamètre,
pour pénétrer dans les excaTations et en dresser
te plan qui doit être levé avec une grande exac-
titude, afin de ne pas s'exposer à consolider à
ses frais les propriétés voisines, pour faciliter les
frèglements de comptes de mitoyenneté, qui se
ont en général de la même façon que ceux des
constructions de la surface, et pour arrêter les
dispositions à adopter en vue de la consolidation.
Elles consistent le plus souvent à établir dés pi-
liers de soutènement en maçonnerie, placés sous
les murs principaux ou à l'aplomb des points de
charge du bâtiment et à remblayer les vides. La
dépense à faire est très variable suivant les cir-
constances ; elle est par mètre carré et en moyenne
de 25 francs, chiffre très inférieur à celui de la
valeur qu'ont actuellement les terrains dans le
XVP arrondissement.
Le réseau des galeries souterraines d'inspection
se développait, en 4896, sur 6.449 mètres dans
le XYI« arrondissement ; la longueur des voies
publiques sous-minées v était de 5.353 mètres
dont 5.064 (i] consolidés. Ces chiffres ne com-
prennent pas les galeries existant sous les pro-
priétés privées. En outre, on doit observer que
d'anciennes carrières peuvent exister au-dessous
des voies publiques sous lesquelles on n'en a pas
encore constaté l'existence. Plus tard, il pourra
être reconnu indispensable d'ajouter de nouveaux
travaux de consolidation à ceux qui ont déjà été
réalisés. Le nombre des rues du XVP arrondisse-
ment désignées comme ayant leur sol sous-miné
est de M .
Le service de l'inspection des carrières (2)
avait achevé en 1859 l'atlas des carrières souter-
raines, situées à l'intérieur de l'ancienne enceinte
de Paris ; mais l'annexion des communes subur-
baines, jusqu'aux fortifications, a nécessité l'addi-
tion d'une étendue considérable de régions sous-
minées ; d'ailleurs, les recherches opérées chaque
année augmentent le nombre des carrières ancien-
nement reconnues. Le travail à faire est très
(i) M. Doniol a indiqué, en parlant des mes
de Passy, la distance du sol au ciel de la carrière
ainsi que la hauteur des galeries d'exploitation,
sur les points où ces dimensions ont éle relevées,
et l'époqtie à laquelle les travaux de consoli-
dation ont clé exécutés.
(2) Les principales altributions du service de
l'inspection générale des carrières de la Seine,
en ce qui concerne les anciennes carrières sous
Paris, sont les suivantes :
Consolidation de ces anciennes carrières sous
le sol des voies publiaues el des élablisseinenls
publics, appartenant ù l'Etat ou à la Ville— eulre-
Iretien des anciens travaux de consolidation exé-
cutés par le service — détermination des précau-
tions a observer dans la zone des anciennes car-
rières, lors du percement des nouvelles mes ou
de l'établissement des nouveaux égouts. ou de In
construction des maisons — contrôle des travaux
de consolidation imposés^ aux propriétaires par
l'arrêté préfectoral les autorisant à bâtir dans
cette zone — exécution d'office, le cas échéant,
des travaux à la charge des particuliers, dans les
cas de péril imminent où la sécurité publique se
trouve engagée — levés de plan et confection de
l'atlas des carrières souterraines.
important pour terminer et compléter cet atlas ^1),
qui est en cours de publication et oii une temte
spéciale indique les carrières à plusieurs étages :
ces dernières, qui sont les plus dangereuses, sont
assez nombreuses sur la rive gauche de la Semé ;
on n'en rencontre pas dans le XYI" arrondisse-
ment, oU l'exploitation de la pierre à bâtir ne
parait avoir pris une grande extension qu'à dater
du xviu^ siècle.
Pour la construction du Trocadéro, en 1877 et
4878, il a fallu consolider une superficie de près
de deux hectares (47.800 mètres carrés) par
massifs de maçonnerie sous le palais et par rem-
blais bourrés sous les jardins. La partie centrale
de ce palais se trouve au-dessus d'anciennes car-
rières, ainsi que l'extrémité de l'aile située du
côté de l'avenue du Trocadéro. Ces carrières
avaient été exploitées par piliers tournés ; leur
ciel était soutenu par des piliers en calcaire, pro-
venant de la partie de la masse exploitable que
les carriers avaient laissée en place ; l'intervalle
entre les piliers était vide ; la nauteur des gale-
ries d'exploitation est, sous la salle des fêtes, de
2™, 4 5. Afin d'augmenter la stabilité, on avait
fait construire des piliers maçonnés par les ate-
liers nationaux de 4848; mais cela ne saflisait
pas pour supporter le poids du palais du Troca-
déro. Pour toutes les parties pleines de la partie
centrale de ce palais, où a descendu les fondations
jusqu'au sol de la carrière. ; la distribution
adoptée pour le palais se trouve ainsi reproduite
souterrainement et on peut circuler dans les
vides qui subsistent entre toutes ces maçonne-
ries (2). On a parlé d'y établbr, pendant l'Eiposi-
sition universelle de 4900, un musée des mines.
On y descend, par un escalier, jusqu'au sol de la
carrière, placé à 9°',45 au-dessous du sol ; la
température est à peu près constante dans ces
souterrains, dont le ciel laisse assez fré<{uemment
tomber des gouttes provenant de l'eau qui s'infiltre
dans le terrain.
Les travaux de consolidation exécutés sous
d'autres établissements publics, dans le XVI* ar-
rondissement, sont beaucoup moins importants
que ceux du Trocadéro : la superficie consolidée
est de 440 mètres carrés sous la chapelle annexe
de l'église Saint-Pierre de Chaillol (avenue Mar-
ceau, ouvrage exécuté en 4887), de 4.700 mètres
sous le dépôt des Phares (avenue du Trocadéro)
et de 450 mètres sous le presbytère de l'église
de Notre-Dame-de-Grâce de Passy, rue de l'An-
(i) Comme l'indique M. Wickersheimer, actuel-
lement inspecteur général des carrières de la
Seine, dans sa note du 1*' juillet i8g6, cet atlas
servira h compléter la nomenclature des voies
publiques sous-minées, qui a été publiée par
rirapnmeric Paul Dupont et qui indique, pour les
rues et pour les établissements publics : l'année
pendant laquelle les travaux de consolidation ont
été exécutés, les longueurs des parties sous-minées
et des parties consolidées, celles des ^leries
(l'inspection, diverses observations sur Tetat des
carrières, la distance du sol au ciel de la carrière
et la bauteiir des galeries d'exploitation.
(*.î) La note de M. Léopold Mar sur Passy et
Cbaillot souterrains, qui précède, donne des
détails sur les travaux de consolidation du
Trocadéro et sur la situation en 189a des escaliers
conduisant aux carrières.
V
^
324
HISTOIRE nu XVI" ARRONDISSEMENT
nonciatioii (1). Ces consolidations onl élé faites
par piliers muçonnés et remblais bourrés.
Auguste Doniol.
NOS ANCIENNES BARRIÈRES
Avant 1783, Paris n*élait enclos que de mu-
railles informes ou de mauvaises cloisons de
planches mal jointes, et les cinquante-quatre bu-
reaux des commis de barrières n*étaient que de
simples échoppes en bois auxquelles on avait
donné le nom de roulettes, supportées qu'elles
étaient par de petites roues qui en facilitaient le
transport. Dans ces conditions primitives, la con-
trebande était vraiment par trop facile, et le
commerce, qui ne pouvait lutter contre elle, s*en
plaignait fort ; aussi, pour cette cause et d'autres
encore, Louis XYI, par une ordonnance du 13
janvier 1783, décida-t-il la construction d'un
nouveau mur d'enceinte, infranchissable. En 1784,
les fermiers généraux, dont le bail venait d'être
augmenté de 120.000 francs, voulant arrêter les
progrès toujours croissants de la contrebande et
soumettre aux droits d'entrée un plus grand nom-
bre de consommateurs, obtinrent de M. de Galonné
l'autorisation définitive d'enfermer les faubourgs
dans le nouveau mur d'enceinte. Plusieurs archi-
tectes dressèrent des plans, fournirent des devis ;
ce furent ceux du célèbre Ledoux qui furent ac-
ceptés. Au mois de mai de la même année, les
travaux furent commencés du côté de la Salpé-
trière; deux ans après, l'enceinte méridionale était
achevée. L'on entreprit alors celle de la rive droite ;
Passy restait naturellement indemne, mais il n'était
pas de même de Chaillot, qui devenait définitive-
ment, bien malgré lui, partie intégrante de Paris.
L'architecte Ledoux, après avoir terminé son
mur d'enceinte, eut à élever soixante monuments
pour servir d'entrées à la capitale, et, comme il
avait horreur de la banalité et de l'uniformité, il
donna carrière à toute l'originalité de son talent,
en élevant ses propylées, comme il les appelait
pompeusement, variés de forme et d'aspect. Au
dire de ses admirateurs — ils étaient nombreux
alors — rien d'aussi beau n'avait été fait depuis
le grand ^siècle de Louis XIV; cela rappelait même,
disaient-ils, les ouvrages des plus beaux jours
d'Athènes. Il faut bien en rabattre, car, malgré
leur prétendue magnificence, à part quelques-
unes de ces barrières auxquelles on ne pouvait
contester un mérite d'art peu commun — telle la
rotonde de la Yillette.qui existe encore — la plu-
part avaient un aspect assez triste, froid et pur
(0 I^ ilislaiicc <lii sol an ciel «le la ranièrc est
do 12 m. Tu) sous la chapelle «le Sainl-Pierre de
Chaillot, rie 8 m. u8 sous le dépôl des Phares et
de 5 m. 45 sous le orcsbytere de Pass^y; la hau-
teur des galeries (rex()lôitalion est iU' 5 mètres
sous la chapelle de Saint-Pierre de Chaillot. de
I m. 70 sous le dépiM <los Phares et de 3 m. 3o
sous le presbytère.
trop solennel. Et puis, n'était-il pas déplacé, à
une époque où les finances de l'Etat se trouvaient
dans une situation si déplorable, d'élever de tels
édifices pour de simples bureaux d'octroi et de
commis de barrières ? Aussi ce luxe devenait-il
insultant pour le peuple, qui se voyait, outre ses
nouvelles charges, forcé de payer les frais des
instruments de son supplice et s'en vengeait par
des jeux de mots, tels que ceux-ci :
Le mur murant Paris^ rend Paru murmurant...
ou par des épigrammes de cette force :
Pour augmenter gon numéraire^
Et raccourcir notre horizon,
La Ferme a ju(fê néceimaire
De mettre Parts en prison.
Ouand Loménie de Brienne, qui avait succédé à
M. de Galonné, vint, le 8 novembre 1787, visiter
les nouvelles barrières, il s'indigna plus ou moins
sincèrement de la prodigalité avec laquelle on
avait exécuté ces travaux, dont la dépense s'éle-
vait déjà à plus de 25 millions, en ordonna la
suspension et voulut môme, dans les premiers
moments de sa feinte colère, faire abattre ce qui
était fait et en vendre les matériaux ; mais l'œu-
vre était trop avancée, on dut se contenter de
prescrire de nouvelles dispositions avant leur con-
tinuation et nommer d'autres architectes et de
nouveaux inspecteurs. Cependant, déjà, on avait
commencé à tronquer les colonnes et à détruire
les couronnements, on avait même été jusqu'à
gratter les bas-reliefs que Moitte y avait sculp-
tés.
Ce ne fut guère qu'en 1789 que le mur d'en-
ceinte et ses hmeux propylées furent achevés; le
tout avait coûté 50 millions !
Au début, Passy eut cina barrières. La première,
appelée d'abord barrière de la Conférence, parce
qu elle n'était qu'un reculement de la barrière de
ce nom, située précédemment près de la pompe à
feu de Chaillot, traversait le quai de la Seine, au
bas de la rue Beethoven ; on la nommait aussi
barrière de Versailles, parce qu'elle était sur la
route qui conduit à cette ville, ou barrière des
Bonshommes, à cause du voisinage du couvent do
ce nom ; en dernier lieu, elle prit définitivement
le nom de barrière de Passy. Le mur d'enceinte
rentrait sur le quai, suivait à peu près l'aligne-
ment de la rue Le Nôtre actuelle, isolant ainsi le
couvent des Bonshommes de celui de la Visitation
Sainte-Marie, et longeait la rampe ouest du Tro-
cadéro pour arriver à la barrière Sainte-Marie,
ainsi nommée de sa proximité du couvent des filles
de la Visitation Sainte-Marie. Elle était distante
de 910 mètres de celle de Passy. Depuis la bar-
rière Sainte-Marie, le mur d'enceinte suivait
l'alignement de l'avenue Kléber. A 500 mètres,
on trouvait la barrière de Longchamp, à cheval
sur la nouvelle rue de ce nom, qui, alors, n'allait
pas plus loin ; à 700 mètres plus haut, était la
barrière des Bassins ou des Réservoirs, qui prit
son nom du voisinage des réservoirs de la pompe
à feu de Chaillot. On l'appelait aussi, quelquefois,
barrière de la Pompe à feu, et, après la révolu-
tion de 1848, elle porta, pendant quelque temps.
ANNKXKS ?25
te Dom à» barrière du Binquet (1). Arrivé il la le nom de bnrrière dr^ ChaiDps-Elïséts, parce
barrière des Bassina, c'est-i-dire à la hauieur de qu'elle n'était qa'un reculement de la harri^e
la rae Hamelin, le mur d'enceinle rentrait en arc primitiTedecenoin.qni se Irouvaitilabauleurdes
de cercle et saivail l'emplacrmentaclDel de la nie rues de Cbaillot et de Rerr;. Plus lard, sous le
Dumont-d'UrrilIfl jusqu'i la barrière de l'Ktoile, premier Empire, quand on entreprit la eens-
ainsi dénommée de la [dace circulaire, sa roisine, traction de I Are de Iriomplie, elle joignit le nom
1 S
traTersée en forme d'étoile par les diflerenlesvoies de barrière deNeuillyà celui de barrière de l'É-
qui y aboutissaient. Au dêwil, on lui arail donné -"-
1} Nom rionn^ en si
m bnnuuot qui de- |.i petite harricre Franklin, qui fut ouverte son»
«'i'îi"nî"rl!cii'î!'.T".1c '* ?■*'"''■'■ '■-■npi'^ " ,'" ■«•.""ait * Tangle des
', puis la barrière d'Iéna,
3i6 HISTOIRE DV XVl'^ AKItONUlSSKMKNT
placée derrière le palais aciuel du Trocadéro, menU élevés sur plan carré, orDés chacno, d«u
entré les deux loun, et, enSn, la barrière des leur pourtour, de vingt cobnues colossales, d'iuie
Batailles, qui oe fut ouverlequ'aprèsla percéedu corniche et de quatre frootons; un couronnenieDl
boulevard Delesseri, vers 1851), Par contre, nous circulaire (eruiinail ces édifices. Celle de Piav
TofoDS que la barrière des Bassins et la barrière se composai! d'un seul bâtiment orné de douté
Sainle-Harie.devenues inaiiles. turentferinées. colonnes, de deux arcs et de quatre froutons;
I>e nos ci»] barriires primitives, les deux plus oxpuMiloii «Hro«inTiivi>t, une inivrt'SMinic
importantes étaient celles de l'Kloile el de Passv. iïosJiiic r'"''^FiM'r^'i;"fi"''!iirir!!^^llourc'?'l'''
Celle de l'Etoile (1) était décorée de deux batî- {tir la iNirrli'u- Ac lÉloiri-. On optrivoit ir»
llnrlemiTit Ira juin piivilliHiB iIg Lt-doui «
Huit lu iniir d'Bnci'liilc sur une a^-nti xrandt
11) On n pu voir, l< rEipo^ilion univur-fllc. île KUtiir. Ctiat Hudc. jicv uuinldc vue surloi
igou, duuïlt-puviUuiidi; la >'ille du Paris (i" l'ia^ji' : prfcit'ux duuumuat.
ANNEXES
827
deux stataes colossales, représentant la Bretagne
et la Normandie, raccompagnaient. Nos trois autres
barrières n^avaient rien de bien remarciuable. La
barrière Sainte-Marie consistait en deux bâti-
ments dont les façades étaient ornées d'un cintre.
La barrière de Longchamp était accostée d*un bâ-
timent à quatre frontons et à quatre arcades, et
enfin celle des Bassins consistait en un bâtiment à
quatre frontons surmontés d*un tambour. Pour éviter
toute solution de continuité au milieu de la largear de
la Seine étaient fixés deux bateaux dits Patacbes,
munis le bureaux pour la perception des droits
d'entrée de la navigation.
Une ordonnance du 46 janvier 4789 fixa la
laideur des chemins de ronde à établir à Tinté-
rieur et à Textérieur de la nouvelle enceinte, les
premiers à 6 toises, soit 44"^, 69, et les seconds
à 50 toises, soit 97*^,45. Cette ordonnance fut de
nouveau confirmée par une décision ministérielle
du 7 juillet 4804.
Arrivons maintenant à Thistoire de nos bar-
rières. En 4789 se passèrent à celle de Pass)r des
faits d'une certaine gravité. Au mois de juillet,
TeServescence populaire était au comble, par
suite de Tattitude de la cour et peut-être aussi de
rinfluence des instigateurs qui excitaient la mul-
titude à la révolte. Le 44, Necker était renvoyé,
ainsi que MM. de Montmorin et de la Luzerne. Le
peu de confiance qu'inspiraient ceux qui étaient
appelés à les remplacer répand Talarme dans
Paris. Le lendemain, au Palais-Royal, Camille
Desmoulins fait un appel aux armes, le prince de
Lambesc fait charger le peuple au jardin des
Tuileries, et les troupes qui environnaient Paris
se concentrent sur le Champ de Mars et la place
Lonis-XV. La fureur du peuple est au comble, il
pille les boutiques des armuriers, et, dans la
nuit du dimanche 4t2 au lundi 43, force et incen-
die les barrières, en chasse les commis et rend
provisoirement les entrées libres (4). La barrière
de Passy fut la plus maltraitée de notre région. —
Le lendemain, la maison de Saint-Lazare est
pillée, le garde-meuble forcé ; le tocsin sonne, on
court aux Invalides, d'où l'on enlève 30.000 fu-
sils et 6 pièces de canon, et, le 44, la Bastille est
prise.Le 45,Bailly est nommé maire de Paris,etLa-
fayette commandant de la milice parisienne, qu'on
vient d'organiser. « Quelle émeute! » s'écrie
Louis XVI en apprenant ce qui s'était passé. < Sire^
reprend le duc de Liancourt, dites: Révolution,^
Enfin le 46, reconnaissant la nécessité d'apaiser lui-
même la capitale, le roi fait annoncer qu'il rap-
pellera Necker, renverra les nouveaux ministres,
et se rendra le lendemain à Paris. Le vendredi 47
en effet, Bailly et Lafayelte, à la tète de la mu-
nicipalité, viennent le recevoir à la barrière de
Passy (2). < Sire, lui dit le premier, en lui pré-
sentant respectueusement les clefs de la ville, of-
fertes jadis à Henry IV^ce bon roi avait conquis
son peuple^ c*est aujourd'hui le peuple qui a
(1) Par un décrel du 11 avril 1790, lu pcrcepUon
dcH octrois fui rétablie.
(a) Avant de partir pour Paris. Louis XVI avait
communié et pris ses dispositions en prévision
d'un assassinai. Il s'était fait accompagner du ma-
réchal de Beauveau. du duc de Villequier et de
l'amiral comte d'Estaing.
recomiuis son roi, » Et le cortège, accompagné
d'und députation de l'Assemblée Nationale, à
pied, et prot|||é par une haie de 450.000 hom-
mes, se rendit à l'Hôtel de Ville, où Ton fit au-
dessus de la tète du roi, en signe d'honneur, une
voûte d'épées croisées, ce que l'on appelait la voûte
d'acier.
Le 5 octobre suivant, le refus de Louis XVI de
donner son assentiment complet à la Déclaration
des droits de l'homme et aux dix-neuf articles
constitutionnels présentés à son acceptation, le
bruit plus ou moins fondé d'un projet d'enlève-
ment pour le conduire à Metz, et plus que tout
cela, l'affreuse disette qui sévissait alors, font
éclater une formidable insurrection dans Paris.
Sous la direction du citoyen Maillard, des bandes
de femmes du peuple, longeant les quais et tra-
versant notre barrière, se rendent à Versailles par
une pluie battante. Le soir du même jour, sur un
ordre formel de la municipalité, Lafayette, à la
tète de la garde nationale qu'accompagnent de
nombreux canons, part pour Versailles par le
même chemin, afin de réprimer, au besoin, l'in-
surrection et protéger la tamille royale. Louis XVI
se décide à donner l'acceptation qui lui avait été
demandée, cède au désir aue le peuple lui témoi-
gne de le voir quitter Versailles pour venir se
nxer à Paris, et le lendemain 6 octobre, au soir,
les voitures où sont réunis le roi, la reine, le
dauphin et la famille rovale, accompagnées de cent
députés et suivies de la multitude qui, partie
furieuse, revenait pleine de joie, font leur der-
nière entrée dans Paris par notre barrière du
quai (4). Nous amenons le boulanger, la bou-^
langère et le petit mitron^ criaient les femmes
au peuple f\p\ venait au-devant du roi, persuadées
qu'elles étaient que la famine allait cesser par sa
présence. La famille royale se rendit à l'Hôtel de
Ville avant d'aller s'installer aux Tuileries. On
sait le reste : Louis XVI faisait ses premiers pas
dans la voie douloureuse qui devait le mener au ud-
vaire.
L'établissement des nouveaux octrois était tou-
jours resté fort impopulaire. Dès 4789 on avait
publié en gravures : Les Recettes des ckats pour
faire périr les rats de cave, des caricatures sur
le même sujet contre les fermiers généraux ; d'autres
pièces furent intitulées : Des barrières, délivrez-
nous. Seigneur ! De la insite des commis dt
barrières, délivrez-nous ^ Seigneur ! ou d'autres
litanies. Enfin, obsédée des plaintes continuelles
de la population, le 49 février 4791, l'Assemblée
Nationale se décida à décréter la suppression des
droits d'entrée à partir du premier mai suivant
(2), et offrit une grande fête aux habitants de
Paris à cette occasion. Le premier jour de l'appli-
cation du nouveau décret, les canons des Invalides
et du Pont-Neuf tonnèrent comme pour une victoire ;
(1) II existe, dans nos Archives et dans les
collections de plusieurs de nos collègues,
une gravure, avec texte français et allemand, qui
représente cet événement. Au fond, on aperçoit
le couvent des Bonshommes.
(2) Un grand nombre de caricatures furent faites
h ce sujet ; l'une d'elles était intitulée : Convoi
d'un fermier général mort de chagrin de la cala*-
Irophe du /"/mm 11791. et la désolation de ses con-
frères et des rais de cave.
IIISTOIRK nu XVr ARnONIlISPEMKNT
girde Dïtioualt fit le loor d« Tfatcinle rn l.e cftniléde Salul pablk étaiUDloriséipreDdre
, 'Dinl des «ira patriotiquM ; le soir, on illamini ; toutes l«s mrsurps nècfsgiirps pour la promple
îoQle II nuit, on bot; la k«riiiet|e fot générale éiérution de cf. dtcret, en invitant les gens de
la barrjrre de l'Eloile. Li bi^re était 1 trois sons et i l'eiiéctilioii des inscriptions.
le pot, le Tin k m sons la pinle, c'était l'iTre^ee l.e 1^ septembre 4798, le temps des efferres-
■3 "-
— dit H. de Concourt — i la portée de toas les renées étant passé, l'ordre rèlabli. le Utta^l itt
gosiers. £l l'orgie dura plusieurs jours ! Cinq-Ceols adopta un projet hypocrite d'Auberl.
Voilà donc les propylées de Ledoui i peine commeocaDl ainsi : Usera jterçu par la Coiit~
achevés, derenus inutiles ! Pour en tirer parti, la mune de Paris wn octroi municipal et de
Contention décréta pompeusement, le 4" juillet bienfaisance sp/'cialement et uniquement det-
4791,qD'ilsseraLeDtérigésenmonnnientspublics, tiné à iacquitde ses d^penies locales et de
que les diverses époi/uet delà Hévolutionel les préférence ii celles de ses hospicetetdes secours
victoires remportées par les armées: de la à domicile, etc., et ainsi présenté, le rélablisse-
Itépubligue sur les tyrans y seraient gravées ment de l'octroi passa sans encombre. Enfin, le 40
inceuamment en caractères de brome (su-). mars \Htii. une loi autorisa le mioistra des
KinaQMS ï concéder à la Ville de Paris les barriè- son histoire, surtout depuis son voisiDag«»«e l'Arc
tts et mars d'enceinte formant la cliviure de ladite de iriomphe,
ville et de ses faubourgs. l!n pen plus tard, on 1^ mariage civil de Napoléon avec Marie-Louise
consolida les murailles et on perfectionna — dit avaiteu lieule 1'>'avriM810,3uchïtean de Saint-
■ '§^-.
■ m
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'X-
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'k ,'■-
i--'---:-
•■ ■ :■
Dolaure — la perception des droits d'entrée aui
barrières de Paris. ]jt mot perleetionna nons
semble dd adroit euphémisme.
Nous avons noté les principaux faits qui se sont
passés i la barrière de l'assy ; la barrière de l'K-
toile, la plos belle des entrées de Paris, eut aussi
Cloud ; le mariage religieux (levait avoir lieu le leU'
demain an palais des Toileries, et tout, sur l(
parcours que devait suivre le cortège, avait été pré-
préparé pour recevinr avec éclat les illustres épor
La consiniclioD de l'Arc de triomphe ne s'élevi
alors qo'i la corniche du piédestal, l'architecte
33o
HISTOIRE DU XVl" ARRONDISSEMENT
ChalgriD avait fail exéculcr habilemenl en char-
peDte. recoaTert de toile, le simulacre de l'ensemble
de l'édifice. La place de TKtoile. les deux bâti-
ments de la barrière et lesChamps-ElyséeséUienl
oroèsde somptueuses déconlioDs. 1^ 'i avril, le
cort^e impérial partît de Saint-Cloud, traversa
le bois de Boulogne et acheva de se former dans
l'avenue de Neuillv. Précédé de sa garde, entooré
de ses maréchaui à cheval. Napoléon passa sous
lavoûtedel'arcdetriomphe.dansuvoituredasacre,
dont les glaces permettaient de le voir aisément
assis BoprésdelanOQvelleimpératrir^.SDivaieDtcent
iDagQiii(|ues voitures qui contenaient les membres
de sa famille et les personnages de la cour. Sor
loul le parcours, l'enthousiasme élait immense :
au mois de mal 1806, avaient coûté près de )0
millions. Dans une de ses odes, Victor Huei In
assure, ainsi qu'i Notre-Dame et k la c«loant
Vendéme, le privilège d'une éternelle durée :
Quand de» loila. Jus clochent, des rucbea lor*
Des parclics, des Iroalons, ilc>i diurnes pleins d'ur-
ffllsoienl celti- ville, nui vnix (umul tueuses.
auredearanit.feilcsiiarl')
Hier d'ilrsiii Init pnr Nap<
inplèteras lu trianglB «uBii
soit le plus lard possible I
on croyait voir dans ce mariage un gage assuré de
la paix. Ln superbe feu d'arLtice tiré i l'Arc de
triomphe termina la féle pupulaire. V.n 18'24,
nouvelle (éle k la barrière de l'étoile, quand le
dnc d'Angoulème, le vainqueur du Trocadéro,
rentra d'ii^agne i la téle de ses troupes.
A la suite des trois journées de juillet 1S30.
Charles X s'était retiré au chileau de Hambouil-
let. De là, le i août, il avait envoyé son abdica-
tion, mais ne paraissait pu vouloir quitter sa
retraite avant qne son petil-lils, le comte de
Cliambord, eût été proclamé roi. Le lendemain, à
celle nouvelle. Paris furiem se lève, ^Oà30.000
hommes viennent se réunir i la barrière de l'K-
toile, et, de li, cette armée patriote, sous le
commandement du général l'ajol. se dirige sur
Rambouillet pour contraindre Charles X k s'é-
loigner.
Le 'J9 juillet 1K3d. on inaugure solennellement
l'Arc de triomphe, dont les travaux, commencés
Ce fut aussi par la barrière de l'Etoile que U
princesse Hélène de Mecklemboure, mariée audnc
d'Orléans, fît son entrée dans Paris, le 4 juin
18^7. I.es nouveaux époux furent refus avec en-
Plus de trois années se sont écoulées. Par celle
bise glaciale, que va-l-il se passer i la barrière
de l'hloile. dont les grilles ont été enlevées? L'Arc
de triomphe est surmonté d'une apothéose, et de
son sommet an bas des socles, retombent de lon-
gues guirlandes de lauriers et de llears. Aux an-
gles du monament, d'énormes trépieds antiques
brûlent en Qammes de couleurs ; aux coins de
l'attique, deux Renommées i cheval représentent
la Gloire et ta Grandeur, Autour de l'arc, doiue
mats pavoises sont ornés de boucliers, de trophées
d'armes et de bannières tricolores, et sur la place
même stationnent deui batteries d'artillerie. De
(i)yucloniicliroi.isiw;
33i
U barrière de l'Etoile à la place de li Conuorde,
on oe voit que coloones triomphales el stataesde
VictOLres.UanslesChamps'El.vsées.plus de 400.000
speclaUara attrndeai avec aaxieté. dans un si-
lence religieui, maintenus par une haie de gardes
X el de Iroupesde ligne. Il est 11 heu-
certainemenl comme nne des plus mémor^les et
des plus émouTaoles de notre histoire.
Moins de deui ans après, le 3 août 1843, db
autre charfunèbrepassaitsousrArc de triomphe de
rtitoile venant également de Neuilly; c'était celui
derhèrilierdelacouroDDe, dubieu-aimèducd'Or-
res et demie ; le soleil brille, le canon tonne ; sur
la route de Neuilly s'avance, traîné par seize
chevaux noirs, caparaçonnés de drap d'or, on
splendide char fuiicbre sur lequel sont placées
quaione cariatides supportant un cercueil ; le
coriège fait halte sous 1 Arc de triomphe de l'E-
toile. I.'n cri spontané de l'i'ce l'Empereur .' sort
de toutes les (wîtrines : ce sont les cendres du
héros, qui. de Sain te- Hélène, rentrent triompha-
lement î Paris, ramenées par le prince de Joinville.
Cette journée du mardi 15 décembre 1840 restera
léaos. mort d'une fa;on si tragique i SablouTille.
Enlio, le W avril 1848. la barrière de l'Etoile
ïoyait une cérémonie d'un tout autre genre. Pla-
cés au pied de l'Arc de triomphe, les membres du
Souvernemeut véritablement pravîsoiro, assistés
es représentants du peuple, remettaient solennel-
lement les nouveaux drapeaux i l'armée et à la
garde naiionale venues pour prêter serment i la
nouvcIleltépubliqae(<). El. le 31 décemhrel859
IimTOIRR nr XVr AnROXmSSEMRNT
t minait sonnant, nos anciennes barrières a}*ant
Iprminè Uur rAle, l'abaDdoonai^nt anx boreani
d'ociroi de renteiotedrs fonilicalions de Paris.
Après avoir été successivemrnt hamcan:!, «illngfs
Une ilpfl »lnlu(^ii de II» llar^i^^p iIp l'a
(iN3.jt.
{Arrhivc<( de In Sotl^i*.)
EXTENSION DES LIMITES DE PARIS
< Loi sur l'extension des limites de Paris, du
16 juin 185!) (promulguée le 3 novembre 1859,
— Huit, lies loù, n" fm, XI' série, n" 7072).
« Napoléon, par la grâce de Oîen. etc.
•: Avons sanctionné et sanctionnons, ele.
■ ].oi. — Extrait du procès-ferbal du corps
législatif.
< Le corps lé^slatif a adopté le projet de loi
dont la teneur snil :
« Aar. 1". — l^s limites de Paris sont por-
tées josqu'au pied du glacis de l'enceinte fortiliée.
■ Bn conséquence, les communes de Passy,
Anteuil, Batigriollcs-Hanceaux , Montmartre, la
Cbapelle, la Villetic. Beileville, Cbaronne, Bercy,
Vauîgirard et Grenfile sont supprimées.
< Les portions des territoires d'Autenii.Passy...
qui restent au delà de ces limites, sont réunies à
la commune de Boologne. . . »
< Art. 2. — 1^ nouvelle commune de Paris
est divisée en vingt arrondissements municipaux
formant anlaot do cantons de justice de paix... >
• Abt. 3 — Le conseil municipal de Paris se
composera désormais de soixante membres, qui
seront nommés par l'Fjnperciir, conformément i
la loi du 5 mai 1855.
< Deux membres, au moins, seront pris dans
chacun des arrondissements; ils devront j être
domiciliés ou y posséder an établissement.
< Cbaquo arrondissement municipal aura m
maire et deux adjoints. ■
— 1^ loi a onie articles. Les derniers articles
traitent des entrepAts, octrois, usines, gai, c«o-
irihutions directes. Les communes anneiéfs w
voyaient pas leurs contributions modiflées pendant
cinq ans i compter do t" janvier 1860. A partir
du 1" janvier 1865, < l'augmentation <|ue devront
subir tes droits Ries de patentes pour être pwtù
au niveau de ceux de Paris n'aura lieu que poar
moitié, et ne sera complétée qu'après une seconde
période de cinq années *.
Le projet de loi avait été signé le 36 mai par
MM. le comte de MoaitT, président: le conte
|j>uis AE CiiMRACtÏRts, io comte Léopold Le Hou.
le comte Henri ne Kf.hsaint, le comte Joachia
Mu RAT, tem't aires.
Le Sénat avait déclaré le G juin ne pas s'op-
'galioD de la loi ; et avaient signé:
pr^iident ; Ferdinand Barioi,
', baron T. de Lacrosse, serré-
iaires.
t Mandons et ordonnons, etc. >
c Fait en Conseil des Ministres, au palais de
SaintUoud. le t6 juin 1859. >
Pour l'Empereur.
El en vertu des pouvoirs qu'il nous a confiés :
Signé : EvcËniE.
Vu et scellé du grand sceau :
U Garde des sceaux, ministre teerêtaire
d'Etat av département de la Juilite,
SigTié : Deunole.
Par l'impératrice régente :
le Ministre iCEtal,
Signé: Achillc Fodi.o.
1.0 décret impérial du 1" novembre 1859
(B. des lois n" 738, XI' série, n" 7073) fixait
les dénominations des vinRl arrondissements mn-
nicipaox de Paris. Le XV!" arrondissement était
dénommé : arrondissement de Passy. Le dfrret
était contresigné de H. Houlaxd, ministre de
rinstniction publique et des Cultes, faisant l'in-
térim de l'Intérieur.
Le 3 novembre, G.-E. Haussiaun. sénateur,
préfet de la .Seine, grand officier de la Lé^on
d'honneur, prenait un arrêté lîxant le tableau des
circonscriptions nouvelles :
■ Iti'. de Passy. Délimitations. — IJne ligiie
partant du milieu de la Seine, au droit de la limite
des terrains militaires, suivant le pied dn glacis
jusqu'à l'avenue de la Porte-Maillot — suivant
l'axe de ladite avenue, de la place de l'Eloile —
du boulevard projeté entre cetle place et le pont de
l'Aima, tel (qu'il est indiqué il la délimitation du
XVI° arrondissement, l'aie du pont de l'Aima —
el le milieu du grand bras de la Seine jusqu'au
point de départ. >
< Quartiers ; 61, d'AulenlI. — l'ne lipe par-
lant du milieu de la Seine, au droit de la limite
ANNEXES
333
des terrains militaires et suivant le pied du glacis
jusqu'à Tavenue conduisant à la porte de Passy ;
— Taxe de ladite avenue, celui de la route mili-
taire jusqu'au prolongement de Taxe de la rue de
l'Assomption , Taxe de ladite rue et celui de
l'avenue de Boulainvilliers et du pont de Grenelle
— et le milieu de la Seine jusqu au point de dé-
part. »
< 6*2, de la Muette. — Une ligne partant delà
limite des terrains militaires, au milieu de l'avenue
conduisant à la porte de Passy et suivant le pied
du glacis jusqu'à la porte de la Muette ; — 1 axe
de 1 avenue de Saint-Cloud, des rues de la Tour
prolongée, de la Croix (sic), des Moulins, Vineuse,
le côté ouest du mur d'octroi et son prolongement
Jusqu'au milieu de la Seine — le milieu du grand
»ras jusqu'au pont de Grenelle — l'axe dudit
pont, de l'avenue de Boulainvilliers, de la rue de
l'Assomption et de son prolongement jusqu'à la
route militaire, celui de la route militaire et de
l'avenue en face de la porte de Passy jusqu'au
point de départ. »
€ 63, de la Porte-Danphine. — Une ligne par-
tant de la porte de la Muette et suivant le pied du
glacis jusqu'à l'avenue delà Porte-Maillot; — l'axe
de la dite avenue, celui de l'avenue de Saint- Denis,
du boulevard de l^ngchamp, des rues Vineuse,
des Moulins, de la Croix, de la Tour proloncrée, et
de l'avenue de Saint-Cloud jusqu'au point de dé-
part. »
« 64, des Bassins. — Une ligne partant du milieu
de la Seine, en face du prolongement de la face
ouest du mur d'octroi, la face dudit mur ; —
l'axe du boulevard de Lonffchamp, des avenues de
Saint-Denis, de la Porte-Maillot, de la place de
l'Étoile et du boulevard projeté entre cette place
et le pont de l'Aima, l'axe dudit pont, le milieu de
la Seine jusqu'au point de départ. »
Le 16 novembre, un décret impérial, contre-
signé de M. Deungle et de M. P. Magne, ministre
des Finances, comprenait le XVI« arrondissement
dans la circonscription du 2*^ bureau des hypo-
thèques.
Le i9 novembre, un arrêté du ministre des
Finances divisait l'arrondissement en deux percep-
tions :
i*^ division : quartiers d'Auteuil et de la Muette.
2* division : Porte Dauphine. Bassins.
Et le 4*^' janvier i 860, Auteuil et Passy n'étaient
plus qu'une partie de Paris.
Emile Potin.
DÉNOMINATION DU QUARTIER DE CHAILLOT
RAPPORT AU PRÉSIDENT
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (1)
Monsieur le Pkésident,
Dani sa séance du 4 mars i895, le Conseil
municipal de Paris a pris une délibération ten-
^i) Journal officiel, iiieirreili 2«| avril i8yC.
dant à changer la dénomination du 64^ quartier,
situé dans le 16° arrondissement, qui s'appellerait
« quartier de Chaillot », au lieu de « quartier des
bassins ».
En réalité, le 64" quartier n'occupe par la tota-
lité du territoire appartenant autrefois à l'ancien
village de Chaillot, qui était situé à la fois dans
le 64° quartier, dépendant du 16° arrondisse-
ment, et dans la partie du 8° arrondissement qui
forme aujourd'hui le !29° quartier, dit des « Champs-
Elysées ». (Vest sans doute pour cette raison que
le nom de Chaillot n a été donné à aucun de ces
quartiers. La dénomination du quartier des Bas-
sins tire son origine des bassins qui existaient
autrefois sur remplacement occupé aujourd'hui
par la place des Etats-Unis et qui servaient à
recueillir l'eau élevée par la pompe à feu de
Chaillot.
\jd changement de nom demandé par le Conseil
municipal parait justifié, aujourd'hui surtout que
les bassins mentionnés plus haut n'existent plus.
La nouvelle dénomination de Chaillot aurait même
l'avantage de rappeler le souvenir d'une localité
importante des environs de Tancien Paris.
I^ ville de Paris n'étant pas soumise à la loi
du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, il
n'y a pas lieu de faire, dans l'espèce, application
de l'article 2 de ladite loi, qui exige Imterven-
tion d'un décret en Conseil d'Etat pour modifier
le nom des communes. Mais la dénomination des
quartiers de Paris avant été arrêtée dans le plan
annexé au décret du 1°' novembre 1859, qui a
déterminé les noms des vingt arrondissements, il
y a lieu, semble-t-il, de rendre également un
décret pour opérer la modification réclamée par
l'assemblée municipale.
J'ai, en conséquence, l'honneur. Monsieur le
Président, de vous prier de vouloir bien, si vous
partagez ma manière de voir, revêtir de votre
signature le projet de décret ci-joint, conçu dans
le sens des observations qui précèdent.
Veuillez agréer. Monsieur le Président, l'hom-
mage de mon respectueux dévouement.
Le Ministre de VlnUhrieur,
F. Sarrien.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre de l'Intérieur,
Vu le décret du l^'** novembre 1859,
Vu la délibération du Conseil luuiiicipal de Paris
du 4 mars 1895,
Décrète:
AK. l°^ — Le 64° quartier administratif de la
ville de Paris, dépendant du 16" arrondissement,
prendra désormais le nom de € quartier de Chail-
lot ».
Art. â. — Le Ministre de l'Intérieur est chargé
de l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, le 20 avril 1896.
Ftux Fai'ue.
Par le Président de la République :
Le Ministre de V Intérieur,
F. Sarhien.
334
HISTOIRE DU XVI*' ARRONDISSEMENT
UNE ÉMEUTE
A SAINT- PIERRE- DE. CHAILLOT
Le rendredi, premier jour de Tan de grâce
1790, il y eut do bruit dans Landerneau... par-
don ! à l'ancien village de Chaillot.
Le prêtre chargé de prêcher en ce joar de
double fête à réglise Samt-Pierre , avait eu la
malencontreuse idée, par ce temps d*eflervescence
populaire, de prendre pour sujet de son sermon :
De l'obéissance aveugle et passive que tout bon
citoyen doit au Roi et à ceux à qui il a confié
sa puissance.
Sur ce, rassemblée se mit à murmurer forte-
ment et interrompit Toratenr ; le bon et vieux
curé Jacques-Michel Benière, invoquant alors le
respect dû au saint lieu, finit par rétablir Tordre ;
mais le prédicateur réactionnaire insistant et ren-
chérissant sur son sujet, les murmures des assis-
tants se changèrent en véritables cris, si bien que,
le tumulte augmentant, on se vit forcé d*Bllcr
chercher la garde.
A sa vue, notre ap<^tre s'empressa de quitter la
chaire et s*enfuit vers la sacristie où, suspecté
d*iocivisme, on Tarréta. Conduit au bureau de
police de Thôtel de la Mairie, il put heureusement
se disculper de toute préméditation malveillante,
en faisant voir, par la date de son manuscrit, qu*il
y avait dix-huit ans que son sermon avait été com-
posé, c'est-à-dire sous le bienheureux règne du
roi Louis XV, et on le relâcha.
Le Moniteur qui relate ce fait dans son numéro
du jeudi 7 janvier 1790, dit gravement, en ter-
minant son article :
€ C'est la première fois peut-être que 'des hommes
c assemblés dans un temple aient senti que celui
€ oui leur parle au nom de Dieu n'a pas le droit
€ a abuser de sa mission pour les entretenir de
c sujets étrangers au culte; on doit être bien
€ rassuré sur le succès de la Révolution, quand
< des préjugés aussi anciens, liés à de vieilles
< habitudes et à tant d'intérêts, s'effacent ainsi
€ de l'esprit des hommes. »
L. N.
L'HOTEL
DE LA PRÉSIDENTE DE BANOEVILLE (1)
La Grande-Rue de Passy, an xviii* siècle*
possédait un certain nombre d'hôteb particuliers,
devenus historiques par le séjour qu'y firent cer*
tains personnages plus ou moins célèbres. A l'ancien
n° 3, n** 7 actuel) demeura le général Moreau; au
n° 16 était l'ancien hôtel de la Folie, qu'habita
la jolie Mlle de Romans, dont nous racontons
(i) Dit ensuite à tort rilôtcl Bnrras. rue de
Passy, n» 8o.
plus loin les aventures, et plus tard Jules Jasin.
Au n** 58 ancien, l'hôtel de Mme de Geofis;
au n** 58 actuel (correspond-il au 58 ancien ?j
existe encore une ancienne petite maison qui
n'a pas changé d'aspect, remarquable par sa
jolie porte cintrée à aenx battants, encore manie
do son heurtoir, et au sommet de laquelle se
déroulent de gracieux ornements en bois sculpté
et fer forgé du temps de Louis XV. Un peu plus
haut que la rue Vital, sur l'emplacement de
l'ancien parc Guichard, l'amiral comte d'Estaiog,
la terreur des Anglais dans la guerre de Tindè-
pendance américaine, eut un très bel hôtel de
plaisance; et enfin, non loin de là, au n** 80
actuel (ancien 62), le passant tant soit peu curieox
est arrêté à la vue d'un ancien hôtel d'assez belle
apparence, composé d'un grand corps de logis
principal situé entre cour et jardin, et de deax
pavillons latéraux reliés par une belle grille en
fer forgé, de style Louis XV, donnant sur la rue.
(^tte propriété, qui depuis sa naissance a subi de
nombreuses modiâcations, a subi également des
fortunes diverses, que nous allons tenter
d'esquisser.
CiOmmençons d'abord par rectifier une erreur
commise par la majorité, sinon la totalité des
chroniqueurs de Passy, qui l'appellent Hôtel de la
présidente de Boud'eviUcy au lieu de de Bande-
ville. La présidente de Bandeville (Marie-Anne-
Catherine Bigot de Graveron), veuve depuis 1761
de Pierre-François Doublet, marquis de Bandeville,
conseiller du roi, et ancien présidents la troisième
chambre des enquêtes du parlement de Paris,
acheta le !24 octobre 1163, moyennant 36.000
livres,ladite propriété à Georges Du Burt, écuyer,
commandant d'un bataillon d'infanterie, et Taçran-
dit en octobre 1774 par une nouvelle acquisition
do terrains et de masures à demi démolies, appar-
tenant aux deux frères Girand, l'un expert
entrepreneur juré des bâtiments, et l'autre avocat.
Les jardins étaient alors bordés par des carrières.
Détail qui n'est pas sans intérêt, la présidente de
Bandeville avait à payer à Passy, tous les ans, aux
octaves de la Saint-benis, un sol quatre deniers
de cens et droits seigneuriaux. La présidente de
Bandeville était une femme des plus distinguées et
une collectionneuse ardente; son hôtel de Paris,
situé sur le quai Malaquais, au coin de la rue des
Saints-Pères, renfermait une belle suite de tableaux
de maîtres, un très beau cabinet d'objets d'histoire
naturelle dans lequel on remarquait une nombreuse
réunion d*oiseaux de toute sorte et surtout une
collection de coquillaees, réputés la plus belle de
l'Europe. La plupart des anciens ^ides du voya-
geur à Paris et les ouvrages relatifs aux curieux
de cette époque mentionnent cette collection. H
est à présumer que l'hôtel de Passy dut bénéficier
des goûts de sa propriétaire et contenait aussi bon
nombre d'objets de curiosité.
La présidente de Bandeville mourut en son
hôtel du quai Mulaquais, le 3 juillet 1787. N'ayant
pas d'enfants ) mais un assez grand nombre d'héri-
tiers plus ou moins éloignés, elle avait laissé l'usu-
fruit de son hôtel de Passy à l'abbé Gruel, son
ami certainement, son directeur peut-être, sur
lequel nous n'avons pu trouver aucun renseigne-
ment, et qui y mourut le 33 janvier 1811.
ANNEXES
335
Après Tabbé Gniel,l'faôtel deyint,le 2 mai 1821 ,
la propriété d*un M. Lavaissière, marchaDd de
métaux, qui ne Teut que fort peu de temps et cous
intéresse peu. Après lui, le 1^' octobre 1841 ,
Mme Rarra, simple marchande de meubles, en fit
Tacquisîtion et, voulant la faire fructifier le plus
possible, dénatura le corps principal du bâtiment
en le faisant surélever, ainsi que les deux pavillons
latéraux, et divisa le tout en appartements garnis
qu'elle louait aux étran|;ers pendant la belle sai-
son. Drôle de propriétaire aue cette Mme Barra,
qui, ayant la monomanie au vol, enlevât à son
profit les côtelettes et les biftecks de ses locataires
et alla même un jour jusan'à dérober une nappe
qu*on finit par découvrir cnez elle, transformée en
couvre-pied ! Elle conserva Thôtel une trentaine
d'années ; aussi avait-on pris l'habitude d'appeler
alors cette propriété Yliôtel Barrai dont les
chroniqueurs ont fait V Hôtel Barras, disant qu'il
avait appartenu à ce fameux membre du Direc-
toire,qui Tavait habité, erreur qui s'est propagée
jusqu'à nos jours.
Le 8 août 1844, l'hôtel fut acquis par M. Bor-
nait-Leguenle, dont la veuve en est encore ac-
tuellement propriétaire. Vers les premières années
du règne de Louis-Phillippe, le savant docteur et
chimiste Orfila était venu s'installer au premier
étage du bâtiment principal. Tous les mercredis et
tous les dimanches, il y donnait des soirées artis-
tiques auxijuelles affluait le mondé dilettante de
Paris. Aussi habile chanteur que célèbre toxico-
logue,!/ avait, dit le Dictionnaire de la Conver-
sation, une voix puissante et vibrante comme
celle de Duprez^ un gosier à défier les plus
grands artistes, urie mimique à jouter contre
Elleviou, Sa femme, fille du statuaire Lesueur,
membre de l'Institut, était également excellente
musicienne, et en plus, ce qui ne gâte rien, femme
de beaucoup d'esprit et de cœur. Ils eurent l'hon-
neur de recevoir, un de leurs mercredis, le dieu
de la musique, Rossini lui-même, et, ce soir-là,
le général Mellinet, prévenu, se hâta d'eovoyer
gracieusement la musique de la garde, qui, mas-
3uée dans les jardins, fit au maestro la surprise
'aubades répétées. Pendant son séjour dans l'hôtel,
Orfila y rencontra assez souvent Raspail qui n'était
pas locataire, mais venait soit en visite, soit, peut-
être, en villégiature chez un ami. Orfila, comme
tout homme bien élevé, ne manquait jamais de
saluer Raspail quand il le rencontrait ; mais ce
dernier, trop préoccupé sans doute, ou gardant
peut-être rancune au savant docteur de son appré-
ciation contraire à la sienne dans le procès de
Mme Lafarge, oubliait toujours de rendre le sa-
lut (1).
€ Le 11 juillet 1835 (2), dans un appartement
< voisin de celui qu'occupait le docteur Orfila,
« s'était accompli un drame ^ui avait alors ému
« tout Paris. Un homme avait été trouvé étran-
(i) En i84o, Raspail, apnclo par les défonscuis
de Mme Lafarj^c à contrôler l'experlise dOrfila,
qni, contrairement aux premiers experts, avait
trouvé des trace» d'arsenic dans les restes de La-
Targe, prélendit que les taches obtenues pouvaient
provenir de l'arsenic contenu dans le réactif em-
ployé IDiclionnaire de la Conversation),
(a) D après le journal Passy-Paris,
auprès de sa jeune femme, qui se lamen-
« tait sans pouvoir répondre aux questions qu'on
« lui adressait Mais enfin, après enquête, le mys-
« tère s'éclaircit. Ils'agissait tout simplement d un
« joueur décavé qui, ne pouvant obtenir de sa
« femme une signature qui lui eût livTé la fortune
« de cette dernière, n'avait trouvé d'autre moven
« de la punir que de se suicider devant elle (1).»
Le docteur Orfila mourut le 12 mars 1853, non
à Passy, mais dans son appartement de la rue
Saint-Andréydes-Arts, n» 45, léguant 120.000
francs à diverses fondations et récompenses.
Mme Orfila, dont la bienfaisance pour les
pauvres de Passy était inépuisable, continua d'ha-
biter notre hôtel, où elle mourut en 1864, entou-
rée de l'estime générale.
C'est encore dans cette maison que, sous la
Restauration ou vers le commencement du règne
de Louis-Philippe, s'était retirée la fille de Cailhava,
le célèbre auteur dramatique. On sait que, nou-
velle Antigène, elle s'était dévouée avec une
admirable constance à adoucir les derniers jours
de son père, devenu vieux, infirme et presque
pauvre, et que c^est dans ses bras qu'il s'était dou-
cement éteint à Sceaux, le 26 juin 1813. La pitié
filiale de Mlle Cailhava n'avait pu se résigner à
cette perte, et sa douleur avait fini par déterminer
chez elle une monomanie bien cuneuse qui con-
sistait à quitter son lit le moins possible, et c'est
ainsi qu'elle vécut dans notre hôtel.
Mentionnons encore, pour simple mémoire, le
séjour de la princesse Galitzine, de Lacoma, pre-
mier peintre du roi d'Espape Ferdinand VU et de
la reine Christine, et ami dévoué de Mlle Cailhava;
enfin celui des dames Morris, mère et femme du
général de ce nom. Terminons en remerciant
l'obligeante propriétaire actuelle et son fils, qui
ont bien voulu nous communiquer les anciens titres
de propriété et nous aider de leurs souvenirs, ce
qui nous a permis de rectifier les anciennes erreurs
et d'apporter des documents entièrement nou-
veaux.
Léopold M.\n.
LE CABINET DE PHYSIQUE DU ROI
Au n® 84 de la rue de Passy, à l'angle de la
rue de la Pompe, se voit un ancien hôtel Louis X Y,
à hautes et larges fenêtres, auquel on accède par
une grande porte cochère donnant sur la rue de
Passy. Un grand jardin accompagne le bâtiment
principal, qui se trouve à gauche de l'entrée et a
conservé de ce côté, mais de ce côté seulement,
son intégrité et son bel aspect originel.
La percée de la rue Mozart étant actuellement
complète, cet hôtel nous semble appelé à dispa-
raître forcément à une époque relativement rappro-
chée, pour mettre la rue Mozart en rapport direct
avec le Trocadéro, par la continuation de la voie
(i) Pour plus amples «létails voir les Chronh
ques de Passy, p. 19I ù 194 du t. l'^
33»
IfISTOIItb IHJ XVI" ARIIUM>lâsi;Mi:\T
projetée i
droils. et
>.e depuis longtemps, amorcée en divers en-
droils. et baptisée d'araoce du nom i'aveniie de
la Muette |t). Avant de prononcer l'oraison fu-
Dcbre déHnilive de cet immeuble, que nous regret-
terons, disons ce qu'il fut.
On sait que le borou deGonesse — pardon \...
soyons respectueui pour éviter la Bastille — on
sait, dtsons-DODs. que te roi Ixiuis XV. le bien-
aimé et le bien aimant, en dehors de ses occu-
pations plus ou moins sérieuses, prenait grand
plaisir à s'occuper des sciences et surtout de phy-
sique et d'astronomie, et qu'assez souvent il allait
assister, acc«mput!ijé de la cour, aui expériences
de physique expérimeatalo que faisaitrablié Noilel
aux Enfauts de Frauce ; aussi, vers 1754). se
Arts et frère de Mme de Pompadour. Btchaumont
en parle dans ses Mémoires secreti et te Ulercure
det'rance raildemème;< troisreprisesdifférKitts:
c'était un curieux tableau d'Amedée Vanloo, daté
de janvier 1763 et représentant bon nombre de ver-
tus allégoriques, la Magnimiié. la Justice, la Valeur
miJitaire,i'lDtrépidité,UVertuhéroique,kVertn pa-
cifique, la G éDcrosi té, etc.,eotouthaitfîgurcs, uns
compter les animaux qui les accompagnaient. —
Vues d'une certaine distance au travers d'un verre
à facettes, toutes ces figures se réduisaient en une
seule et udraient aux yeux émerveillés le portrait
du roi très distinct et très ressemblant (I). L'abbé
Aubert. le spirituel fabuliste. Et les vers courti-
sanesques suivants sur ce singulier ouvrage :
Vue extérieure de U
8S, rue de l'awsy, et i,r
(Clichc du M. VaillanL.)
: (le 1,1 Po:u|)c, étal actuel.
décida-t'il. pour satisfaire ses ^oMs. à transformer
en cabinet de physique un biliment situe dans les
jardins de la Muette.
Il en confia la garde au savant béuédictio dum
Nurt, plus connu sous le nom de père Noi'l, qui
déjà avait fait des microscopes et des télescopes
pour Sa Majesté. — Dès celte époque, le brave
père Noël espérait peut-être arriver k faire voir
à Louis XV la lune à un mètre et bien d'autres
merveilles, car il avait construit un télescope
gigantesque de près de 6 mètres de longueur ;
mais malheureusement l'elTet ne répondit pas à la
grandeur des dimensions, et le roi fut un |)eu
désappointé. Parmi les curiosités d'optiauc placées
à la Mnette sous la garde du père Nwi. il eu est
une que nous ne pouvons passer sous silence : elle
avait fait courir tout Paris avant d'être offerte au
'intendant des Bcaun-
roi par M. de Marigny, i
ti) Il L'Bt question ilo lui lionnur le nui
liv Lijui^ i^urv'iil lu UliicBu.
Siilans une iiitrc perspective
On iiviuiuiil !>■!> r^iirs des Fmncol».
!>.■ <■«« ci-iin. n-uiiis, la peinture nalvu
IIl' l'Amour ulTrirait le« [raitii.
Le nombre des appareils, des tnachines, allait
s'auementant de jour en jour, et le petit bltimenl
qui les contenait devenait insuffisant ; c'est alors
que le roi fit acheter, pour les placer plus convc'
uablement, l'hôtel du n" Hi de la rue de Passy.
qui était i proumiié du chSteau de la Muette et
n'était sépare de ses communs, c'est-à-dire de la
l'etite -Muette, que par U grille du bois de Bou-
logne, barrant alors l'entrée de la chaussée de la
MuetU.
Uuand.au commencement du règne de Louis XVI,
au mois de juin 1774, le père .Noël se relira, la
:•- Jeu d'aptùiiic n'clsll pns nniivrnii. Il v l'n
■'11 .lùjA.li.'S c.-iuii>|>]i's clii.'z le» MinîmpB île
ftrdedniioaTMDubimtd
fat coii6ée coDJoinlMiMiit t drax mMobrês de
l'Acidéaie des âciaDcet, i Huie-Aleiii de Ho-
;xE9 337
k placer tilleora les objets drait il m composait,
et, le 3 septembre ITW, ils furent traDSportéi
i l'Obseirstoire de Psris, oti probablemenl on en
Vue intérieure do la maiHOn 1, rue tic le Pompe.
(Clicb6 de M. Vaillant.)
cbon, dit l'abbé Rocbon (1), astronome qui aiait
fait onelqueB ToyiK«« scientifiques importants, et
in physicien Jeân-Baptisle Leroy, serand lîla du
eilèW horloger du roi. Tous deui dsTinrent plus
tardmembresde rinstitat. Rorbon dirifcea sesre-
cherehHSDrlesinstnimentsd'optique.eiJ.-B.Lerov
s'occupa beauconp d'électricilé ; ions deux forent
Gissamment secondés par Franklin, alors notre
le. RochMi, qui arait son logement habituel à
l'ObsemtMre, et L««y. toi galeries du LouTre.
eurent en pins on pied-à-terre an chlleau de lu
Muette, et on leur parta)[ea le traitement de
6.000 livres qui avait été alloué au père Norl.
Le nonveau cabinet de physique et d'astrono-
mie, grlce iD lèle de nos aeux savants et i l'in-
térêt réel que lui portait Louis XVI, continna à
s'enrichir de pièces fort curieuses ; mais lorsque,
en ITSS, nn édit du roi eut prescrit, pour cause
d'économie, Is venle ou la démolitioa des châ-
teni de Madrid et de la Maetio, il fallot songer
censerre encore une bonne partie i titre de en-
riosités rétrospecliies (1).
C8SUS d« l'cnlrfp du grand
escalier.
béduM. Vaillant.)
:icn Ft opticien .
338
HISTOIRE DU XVI* ABR0NI>I8SEMENT
Rappelons.en terminant, que cet hMel fat acquis
et longtemps habité- par le lieutenant ^néral de
la Moriière; ce sont- ses héritiers qui ont fait
élever le vilain corps de logis qui donne sur la
rue de Passy. Le -célèbre naturaliste Laurent de
Jussieu, mort en 1836, l'habita vers la fin de sa
yie. Vers 1850, Jenny Vertpré, la célèbre actrice
du Gymnase, femme du Taudeyilliste Carmonche,
y avait sa demeure. De là elle vint habiter au n<* 15
de la rue Nicolo, ob elle mourut en 1866.
L. Mar.
LE CABINET DE PHYSIQUE DU ROI (i)
Caroches, mécanicien et opticien du ca-
binet du Roi, à Passy, près le château de
la Muette à...
Passy, le 22 novembre ilSi,
Monsieur,
Je vous supplie de recevoir mes très humbles
respects et vous fais mes excuses si je prends la
liberté de vous interrompre n^ayant pas le bon-
heur d*ètre connu de vous.
Comme je viens d^apprendre la mort de M. Blon-
deau et que je sais oue vous étiez lié avec lui, je
vous prierai d*avoir la bonté de vous informer si
l'Académie de Brest lui a remis dix louis pour le
paiement du baromètre nautique en fer que j*ai
fait par Tordre de M. Blondeau pour l'Académie.
Si M. Blondeau en a reçu le montant, je vous
prierais de "m'indiquer à qui il faudrait que je
m'adresse à Brest, soit à sa famille ou autrement.
J'ai entre mes mains une lettre du 26 mai 1781
Sar laquelle M. Blondeau me fait la commande
*un baromètre nautique en fer par ordre de l'Aca-
démie et que l'Académie me comptera 120 francs
dès que l'instrument lui sera parvenu parfait de
ma part et en état d'être achevé par M. Blondeau
en ce qui le concerne, et la plupart des lettres et
I taquets et modèles ont été adressés chez M. Kéra-
io (2), cour des Fontaines, au Luxembourg, à
Paris.
line autre lettre du 30 avril 1782, de M. Blon-
deau, par laquelle il m'écrit que le ministre a
commandé 100 tubes à la manufacture de Tulle.
C'est cette lettre qui m'a engagé à en exécuter
deux parce quej'avais écrit que cela me paraissait
à trop bon marché et que ie m'en trouverais mieux
à en exécuter deux à la fois qu'un seul et que je
lui en finirais un totalement, afin qu'il me fasse
les observations nécessaires pour corriger les de-
(i) D'oprèsi l'uriKinnl cominuniniit' par M. An-
toine Giiillois. Le cabinet de plivsiiiue du Hoi
était installé dans la maison qui fait actuellement
l'angle de la rue delà Pompe et de la rue de
Pussy. La partie qui est sur la rue de la Pompe
n'a subi aucune modiflcalion depuis un siècle.
(vl) Ins]»ecleur j^ênérnl «les Ecob*s royales mili-
taires, c'est M. de Kéralio qui a\ait fait cetU* pré-
diction que le jeune Bonaparte, alors h Brienne,
ferait un excelfeul oflicier de Marine.
A. G.
fauts du premier sur le second, ce qui a été fait.
Une autre lettre du 2 aoAt 1782 de M. Blon-
deau en réponse à une lettre que je lui avais
écrite pour lui demander certaines mesures, il me
dit de m'adresser ch(z M. Keralio, que je trou-
verais dans les cahiers imprimés de son Journal
de la Marine les dessins gravés et que je tâche
de lui finir au moins un des deux baromètres.
Il m'écrit : < Nous venons de recevoir de Tulle
49 tubes et 49 bouts propres .à en faire autant;
si TAcadémie était contente de votre travail, Ton
écrirait de vous envoyer une partie des 51 que
nous attendons encore afin d'éviter les dépenses
du transport et la perte du temps. »
Enfin» la dernière lettre que j*ai reçue de M. Blon-
deau, du 25 aoiU 1783, ob il me marque qu^il a
reçu depuis peu de jours le second baromètre en
fer, « et il a fallu, m'écrit-il, le faire recevoir à
l'Académie et me faire autoriser à en solliciter le
paiement ainsi que du premier ,ce que je fais,mais
cela entraînera plusieurs formalités : je vous satis-
ferai le plutôt possible ».
Vous voyez, xVonsieur, par cet exposé, que ma
dette est légitime ; de plus, on a dA trouTer des
lettres de moi depuis cette dernière époque dans
les papiers de M. Blondeau, où je lui marquais
que les baromètres me coûtaient beaucoup plus
que j'en devais recoToir, que je le priais de me
faire réponse sur le parti que j'avais i prendre
pour demander le paiement à l'Académie, au'ayant
quitté mon commerce, étant attaché au cabinet du
roi à Passy, que je ne pouvais plus lui en cons-
truire, mais que je donnerais un ouvrier à Paris
qui les exécuterait bien, puisqu'il avait travaillé
à ceux de l'Académie et que je les suivrais pour le
bien de la marine puisque, suivant M. Blondeau,
cet instrument était très précieux.
Je n'ai eu depuis ce temps aucune réponse.
Cependant la' famille a dû recevoir mes lettres.
J'espère, Monsieur, que vous voudrez bien avoir
la bonté de vous employer pour moi et de m'ho-
norer d'un mot de vos intentions, et je suis, etc.
CiiROCHEr.
L'ANCIEN HOTEL DE LA FOLIE
Jusqu'en 1 890, date de sa regrettable démolition ,
la vue était attirée, ^ l'angle de la rue Gavamî,
sur l'emplacement s'étendant jusqu'au n^ 10
actuel de la rue de Passy, par un ancien h6tel
du temps de Louis XV, place un peu obliquement
entre cour et jardin, et ayant conservé, malgré
sa simplicité qui n'était pas sans grandeur,le gra-
cieux cachet de son époque. Longtemps il avait
porté le nom à'Hôtel de la Folie, probablement
parce qu'il avait été construit sur remplacement
d'une ancienne propriété,dite ia Folie, qui appar-
tenait déjà, versl680,à laseigneuric de Passy etne
devait avoir que peu d*importance, puisqu'elle ne
rapportait alors que quinze sols par an, ainsi qu'on
a pu le voir par les comptes de Christine de Heorles,
châtelaine de Passy. A cet hAtel se rattachait un
ANNEXES
339
BOOTenir historique, peu édifiant, il est vrai, mais
que -nos annales, au risque de paraître incom-
plètes, ne pouvaient cependant passer sous silence,
barbier, oans son Journal, Lacretelle dans son
Histoire de France pendant le xfin^ siècle.
Mine' du Hausset, femme de chambre de filme de
Pomoadour, et Mme Campan dans leurs Mémoires,
ainsi que Uainet,d*après eux, dans ses Chroniques
de Passy, racontent plus on moins fidèlement les
aventures de notre héroïne (si héroïne il y a),
mais ne sont pas souvent d'accord sur les détails ;
aussi croyons-nous que le mieux est de ne pas
nous y appesantir et de nous en tenir plutôt aux
généralités et surtout au dire de Tavocat Barbier,
qui a composé son Journal avec des notes prises
ad uiimm, au jour le jour, notes qui n^avaient
pas encore été consultées pour l'histoire de BUle de
Romans.
Donc, le 21 juillet 4764, Louis XV éuit venu
à Paris pour tenir un lit de justice. S'en retournant
à Versailles, il remarqua, sur le parapet de la
terrasse des Tuileries qui longe la Seine,une jeune
fille qui lut parut d'une grande beauté. Elle était
accompagnée de sa mère, femme d'une tournure
assez élégante, et de son père, chevalier de Saint-
Louis. Arrivé à Versailles, il ordonna i son confi-
dent Lebel de faire rechercher et de lui amener la
jeune fille, dont il lui donna le signalement. Lebel,
toujours fort adroit pour ces sortes de missions,
découvrit bientôt la demeure de la belle, et, de
concert avec ses parents, qu'il trouva dans une
situation des plus précaires, la conduisit avec sa
mère à Versailles (dit Quillet), ou à Marly (selon
Barbier), sous le prétexte de visiter le parc et le
château. Toujours est-il que, peu de temps après,
Mlle de Romans, qui n'avait pas voulu consentir
à aller loj^er an Parc-aux-Cerfs, à Versailles, où
se trouvaient des filles de basse condition, était
installée confortablement à Passy dans l'hôtel de la
Folie, que Louis XV avait acheté ou plutôt loué
pour elle, et que de là elle se rendait à Versailles
dans un carrosse à six chevaux, quand le roi ne
séjournait pas à la Muette.« Mlle de Romans (ajoute
€ Barbier) était d'une famille du Dauphiné, avait
« alors vingt et un ans, était bien faite, ti es jolie
€ sans être positivement belle (on citait surtout
« la beauté de ses cheveux noirs), bien élevée et
€ ayant beaucoup d'esprit. » Sur le point d'être
mère, elle obtint du roi l'autorisation de faire porter
le nom de Bourbon au fils qu'elle attendait, et, au
moment de sa délivrance, elle reçut un billet de
la main de Louis XV, ainsi conçu : < Monsieur le
curé de Passy, en baptisant ^enfant de Mlle de
fiofnansjui donnera les noms suivants: Louis
N. de Bourbon. » Folle de joie, elle déclara au
roi que ce fils, qu'il s'était engagé à reconnaître
défifiitivement en temps et lieu, lui était trop cher
pour le laisser aller en nourrice et qu'elle tenait
à le nourrir elle-même. Accompagnée d'une ber-
ceuse, et richement parée de dentelles et de dia-
mants, elle conduisait tous les jours Monseigneur ,
dont les langes étaient ornés des armes royales,
respirer l'air pur du bois de Boulogne. On prétend
même que Mme de Pompadour, inquiète, voulant
voir Mlle de Romans incognito, fit exprès le
voyage de Versailles ou de Bellevue au bois de Bou-
logne à l'heure oh la jolie nourrice s'y rendait
habituellement. Néanmoins^ à part son orgneil
maternel, « Mlle de Romans (disent les Fastes de
Louis XK) vivait dans la retraite, montrait beau-
€ coup de modestie, édifiait même, autant que le
€ permettait son état, ses voisins et son curé, se
« faisait aimer par sa bienfaisance et ses charités et
« avait le bon esprit de ne pas se mêler des affaires
€ publiques», liais, quelques années après, un
certain abbé de Lustrac, fort intrigant, gagna
Mlle de Romans et s'impatronisa chez elle, sous
le prétexte de concourir à l'éducation de son fils.
La prenant par son côté faible, il lui fit sentir la
nécessité de presser le roi de remplir sa promesse à
l'égard de l'enfant, ajoutant que cette reconnais-
sance ne pourrait manquer de consolider sa situation
à elle-même. Suivant ces dangereux conseils, allant
même jusqu'à se flatter de faire légitimer son fils(4 ),
elle fatigua tellement le roi par tes insistances
?iu'un beau matin il fit enlever orosquement Ten-
ant, qu'il fit placer incognito dans un collège.
Mlle de Romans n'osa réclamer contre cette violence
qu'après la mort de Louis XV. Louis XVI lui fit
rendre son fils, qu'il protégea, fit entrer dans les
ordres, et qui fut connu sous le nom de l'abbé de
Bourbon. C'était un fort joli garçon, ressemblant
extraordinairement à Louis XV. En 4783, il fut
nommé chanoine honoraire de Téglise de Paris et.
Tannée suivante, grand vicaire de l'archevêché. On
lui destinait l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés,
Tévèché de Bayeux et le chapeau de cardinal,
lorsqu'il mourut à Rome d'une petite vérole con-
fluente,probablementen 4 787, car, passé cette date,
son nom ne figure plus aux almanachs royaux. .. Sa
mère avait fini par épouser un gentilhomme du
nom de Séro/i-Cavanac, dont elle eut plusieurs
enfants (S).
Nous avons dit plus haut que nous supposions
l'hôtel plutôt loué qu'acheté par Louis XV, et voici
pourvoi. D'abord Barbier, dans son Journal, dit
positivement : < Le roi lui a loué un hôtel à
Passy. » Or, vers cette époque, la propriété
appartenait à Abraham- Jacques Silvestre, conseiller
du roi, notaire au Chàtelet de Paris, qui mourut
jeune, eu 4765, laissant trois fils aux noms bibli-
ques: Abraham, Isaac et Jacob. Le cadet, Isaac,
qui tourmenta son prénom pour en faire Sacy (Sil-
vestre Sacy,puis de Sacy), fut le célèbre et savant
orientaliste que Ton sait,devint membre de l'Aca-
démie des Inscriptions et Belles-Lettres, puis de
Tlnstitutet baron de l'Empire (3). La veuve du no-
(0 Si Loais XV eût reconnu et légitimé tous «m
bâtards, c'eût été une charge trop lourde pour VElal,
dil ironiquement Mme .Campan dans ses Mémoires,
à propos du fils de MUe~dé*Romans.
(2) On trouve aux olmanochs royaux un M. de
Romans, brigadier d'infanterie depuis le !22 jan-
vier 1769, et maréclial de camp depuis le 1*' mars
17^ ; je le soupçonne fort d'èlre le frère de notre
héroïne.
(3) D'une note due à l'obligeance d'un des repré-
sentants actuels de la famille Silvestre de Sacy,
il'résulte que celle-ci,' bien qu'affiliée au jansé-
nisme, — à ce' point;- qu'Antoine Isaac Silvestre
aurait peut-être prisson nom • de Sacy «par ana-
logie avec celui au grand janséniste Lemaltre, qui
avoit inter\'erti les lettres de son prénom Isaac
pour en faire Sacy, — n'était h aucun degré lié de
parenté avec la famille Lemattre.
D'ailleurs, le nom de Sacy ajouté à celui de Sil-
vestre ne devint réellement légal qu'en 1818,
34o HISTOIRE Dr XVI' ARHONDISSEMEVT
Uin AbraluB-J»eaiies SîInMrc, Itle «Ile-stac sOBnil qn'co 1849. l|ie4e<pMli«-Tiiigt-*iiiii,
do DOtiin Judde, lenne «Im ploa rcKarqiublM ctcomcrT* toii)oDn rb«lel da b Polie, qa'm Gnil
par n piété «t n efatrilé tann les piurres, ae p*r appeler l'biMelSilTettre.ApréiHBart.naBM-
laac Sllveslra tul cri-è baron île blefatacqobpoDraiMGiiiqiuulluoedeinillefrailcs.
I élalt le rieuilème flis il Abm- Dtns KS Ch/vniqMt de Patta, Quillel dit qo'oo
iï"j»".°Erl.'XtXi:~,S To,.il»»r,«48S6 J.Difb.biUli«,.l.mo-
Mnay rien ajouter: la IroïKlème buter qui ttlil Mm i Mlle de Ronans, et que le
SUvpBlre rié Chanleloiip cnmme la riche propriétaire d'alon. H. Nicolas Deyeoi,
^-w- M narairétabn^ut reîlMrna'janïïis hn^ Vticita pharmacien de l'Empereor, membre de
bile Paisy. l'Académie des Sciences (section de chimie), se
l°EDiplre!'l
■u Chlt^"
deuiiéme branche était d«T
ANNEXES
341
faisait an plaisir d^entendre et de conserver. Les
jardins, déjà fort beaux du temps de BUie de Romans
avaient été bien agrandis et embellis depuis,
nrice à Facqnisition a*an terrain voisin, ayant servi
de carrière. Nicolas Deyenx avait su très henrea-
sement tirer parti des accidents de terrain de
cette ancienne carrière, qn'il avait fait recouvrir
de terre végétale, et était arrivé à en faire une
vallée en miniature. Il mourut estimé de tous, le
24 mai 1837, en son hôtel de Passy, qu'il habitait
ré^lièrement depuis longtemps, dans la belle
saison.
A partir de cette époque, Tbôtel eut desdestinées
diverses, et le fils de M. Deyeux, qui en avait
hérité, ne lenrda pas longtemps. Qui le croirait?
Ce fut Jules Janin, le prince des critiques, oui
en devint acquéreur, au prix de 80.000 ou 90.000
francs; mais comme cette acauisition était un peu
lourde pour lui, ce fut son beau-jpère, M. Huet,
qui en devint le propriétaire défimtif. Jules Janin
se plaisait beaucoup dans cette demeure, et, des
maisons voisines, on le voyait souvent se promener
dans son jardin, emmitouflé d'une large robe de
chambre en molleton blanc, coiffé d*un simili bonnet
de coton, et toujours accompa|^éd*un |[ros mouton,
blanc comme son maître, qui ne le quittait jamais.
Vers 1845,M.Huet loua l'hôtel, qui devint alors éta-
blissement orthopédique sous la direction du docteur
Tavemier. Ce dernier mourut en 1855. Vers 1868,
la propriété fut acquise par le prince Paul de Dé-
miaofl, (|ui se proposait de la restaurer entièrement
et rêvait d^en faire un séjour, disons plutôt un nid
enchanteur, garni d'objets d'art de tonte sorte,
quand la mort de sa jeune femme bien-aimée
vint arrêter tous ces beaux projets. Les pauvres
de Passyse souviennent encore avec reconnaissance
de l'immense calorifère aue le prince avait fait
établir à leur intention, à l'entrée de sou hôtel, et
ob, librement, à toute heure, ils pouvaient venir
se chauffer l'hiver, quand les froids étaient trop
rigoureux. Enfin, peu de temps après, l'hôtel rede-
vint maison de santé, puis rut pension de jeunes
Î^ens, dirigée en dernier lieu par des prêtres, sous
e vocable de Saint-Cbarles. 11 disparut définitive-
ment pour faire place à des maisons de rapport et,
tout récemment, à une nouvelle petite rue qui a
pris le nom de Claude Chahu, époux de Christine
de Heurles, fondateurs tous deux de la paroisse
de Passy et bienfaiteurs de l'Hôtel-Dieude Paris.
Qu'il me soit permis, eu terminant, de remer-
cier les personnes qui m'ont fourni de nouveaux
détails sur l'histoire de cet hôtel: Mme Tavemier;
M. Talamon, son dernier propriétaire, qui a bien
voulu me confier la seule photographie qui existe,
pour en faire un dessin, ainsi que M. Château,
membre de notre Société, qui m'a communiqué les
notes qu'il avait sur la famille Silvestre.
L. Mar.
P.-S. ~ En réponse à une demande que nous
lui avions adressée, notre éminent collègue, M.
Arsène Houssaye, nous a adressé la charmante
lettre que voici :
Mon cher confrère,"^ car je suis moi-même
peintre à mes heures perdues, — oui, fai
habile r hôtel de Mlle de Romans, le jour même
de mes noces, en avril i84S. Après un gai
déjeuner chez ma tante de Brucy,wms allâmes
à Passy où nous attendaient M. et Mme Jtdes
Janin, qui ont habité r hôtel en question et qui
étaient alors en villégiature» — Nous
dînâfnes tous les quatre ensemble, après quoi
ils nous donnèrent leur bénédiction et retour-
nèrent à Paris. — Notre lune de miel dura
toute une belle semaine dans cette poétique
demeure que tout le monde admirait au pas-
sage.Les vieux arbres nous firent bon visage et
nous oablidnies sous leur ombrage les vanités
de ce monde. On nous croyait à Venise, où nous
n*alldmes que plus tard. Uhôlel de Mlle de
Romans fut pour nous une des plus belles
stations de notre vie ; le souvenir m'en est
donc sacré. — Agréez, etc.
l
UN COIN DU VIEUX PASSY
La rue de la Montagne (actuellement rue Bee-
thoven), à l'exception de la partie qui va du quai
delà Seine au grand escalier, est maintenant une
des moins fréquentées de Passy ; d'ailleurs, bou-
chée sur deux côtés dans sa partie la plus élevée,
elle n'est plus guère qu'une impasse.
11 n'en était pas de même autrefois. Longtemps
elle fut la rue la plus animée du village, parce
"u'elle était à peu près la seule voie, en venant
le Paris, qui conduisit — par une montée com-
bien rapide ! — au centre du pays.
De la Seine à la partie faisant angle, elle était
bordée à droite par un mur de clôture qui, paral-
lèle aux bâtiments conventuds des Bonshommes,
était terminé par deux portes d'entrée, une petite
pour le service ordinaire des religieux, et, à quel-
ques pas plus haut, une porte cintrée assez monu-
mentale, faisant face à la partie de la rue la plus
élevée. Cette porte était flanquée de deux pilas-
tres cannelés à tambours, soutenant un fronton
triangulaire surmonté d'un buste, sans doute
celui de saint François de Paule, de chaque côté
duquel était agenouillé de façon bien bizarre un
religieux qui semblait l'implorer. La clef de voûte
reliant le cintre de la porte à la base du fronton
était ornée d'une croix simple sculptée.
Cette porte avait dû être élevée vers la fin de
la Renaissance,à l'époque où eut lien la dédicace de
l'église (1), ou, au plus tard, dans les premières
années du xvu* siècle, et c'est elle que franchissait
solennellement, à différentes époques de l'année,
le clergé de la paroisse de Pas^r, 4|uand il venait
processionnellement officier à l'éghse du couvent.
Vis-à-vis des bâtiments conventuels était la
maison dont nous donnons le dessin, et (|ui, à en
juger par sa haute toiture et par l'ancienne fe-
nêtre à meneaux qui en est le plus bel ornement,
doit être la plus ancienne de Passy et contempo-
raine de la porte du couvent que nous venons de
décrire. Elle porte le n? 9 de la rue Beethoven.
(i) Vuir le lomv I**^ de notf DalMinn^ pp. 180 & 18a.
3(2 HISTOIRE DU XVI» ARRONDISSEMENT
Cette maison, depuis lon|^ps dàutnrée pir C'était là qn'iTaot U RèvotalioD l«« hibitaili
les «Msiniclion* et destructions de toutes sortes de Passy alUieutptiuoo ' '
qa'oo ; ■ failes, eit, en raison des irrégnlaritéi ter du cens, sor-cens oi
Maison, g, rue Beelhovcn.
qu'elles ont causées, Traîment pittoresque, et nous seigneur et mallre.
lions pensé qu'il était bon de la sauver dcl'oulili, Aojourd'hm cette antique et biurre constrnc-
cir elle est certainement appelée à disparaître lion n'est certes pas habitée par des millionDairei
dans nu temps plus ou moins rapproché. (ne l'est pas qui veut) ; il surêl d'aller dans sa
ANNEXES
343
coor, aux coins et recoins plus ou moins rustiques,
au Tieux puits à margelle, pour se convaincre que
ce n*est pas de ià que yient la dépopulation de U
France : les enfants semblent y sortir de terre et
pullulent de tous côtés ; des hommes, des femmes
de tout âge, valides ou malingres, des chiens,des
chats, des rats, s*y côtoient et semblent vivre en
commun, je ne d» pas en parfaite harmonie.
On l'ap^lait autrefois Cour baiaoe; on rap-
pelle îroniqttemeDt aujourd'hui Cour des mira-
cles ; mais, malgré tout, ce n^est pas une vraie
cour des miracles, en dépit du non impoli qu*on lui
donne; elle n*a. Dieu merci ! ni truands ni Glopins
Trouillefou ; néauDoins quel étrange caphamaum
humain!
Pour être complet,notons qu'une maison près-
Îjue voisine de celle que nous reproduisons et qui
ormait Tautre angle de la rue, du côté des nu-
méros pairs, fut longtemps affectée à un poste de
gendarmerie, composé en moyenne d*on maréchal
des logis, d'un bngadier et de dix gendarmes (4).
0 Pandores, que vous dûtes couler d'heureux
jours au milieu de notre calme et honnête popu-
lation! Brigadiers, vous aviez raison.
L. Mar.
LAUZUN A PASSY
Le duc de Lauzun, si célèbre par ses aventures
avec la grande Mademoiselle, aventures dont les
suites lui valurent un internement de dix ans
dans la forteresse de Pignerol, avait fini par recon-
quérir une certaine faveur à la cour, après sa belle
conduite en Angleterre, d'où, en 1688, il avait pu
ramener sains et saufe à Calais la reine et le prince
de Galles, que Jacques II lui avait confiés. Deux
ans après la mort de Mile de Montpensier, c'est-à-
dire en i695, alors qu'il était plus que sexagé-
naire, il avait épousé une jeune fille de quatorze
ans, Geneviève de Dufort de Lorges, fille du maré-
chal et belle-sœur de Saint-Simon. Ce fut proba-
blement vers cette époque, ou peu de tempsaprès,
qu'il acheta ou se fit construire à Passy une fort
belle maison qu'il garda jusqu'à sa mort, et dont
on voit, dit-on, encore les soubassements dans la
propriéét Delessert. Indépendamment de la jolie
situation de cette maison, un autre motif avait pu
l'attirer, le voisinage du couvent de la Visitation
de Chaillot, où sa femme avait une sœur pen-
sionnaire qui devint religieuse, et où séjournaient
souvent ses beaux-parents, le maréchal et la maré-
chale de Lorges, bienfaiteurs de ce monastère, où
ils voulurent être inhumés.
Extraordinaire en tout par nature, Lauzun se
plaisait encore à outrer son origanalité : il allait
parfois jusqu'à contrefaire le sourd et l'aveugle,
pour mieux entendre et voir, sans qu'on se deiUt
de lui ; mais, en résumé, malgré toutes sesbizar-
(1] Ce poste (le ^ondnrmeric fui roporlô i)Uis
lani. pour la comuioHiU' de tous, nu somuiel de la
rue de la MoilUi^ue (Beelhoven).
reries, il était bon et serviable. Sous une apparence
trompeuse, il avait une santé de fer. « Peu de
< mois avant sa dernière maladie, dit Saint-Simon,
« c'est-à-dire à plus de quatre-vingt-dix ans, il
« dressait encore des chevaux, et fit cent passades
« au bois de Boulogne, devant le roi aoi allait à
« la Muette, sur un poulain qu'il venait de dresser,
« mais qui l'était à peine, et surprit les specta-
« teurs par son adresse, sa fermeté et sa bonne
« grâce. »
Lauzun mourut, en i7!23, d'un cancer à la bou-
che, au couvent des Petits-Augustios (actuellement
Ecole nationale des Beaux -Arts). U y avait loué,
pour mourir en paix, un petit appartement
communiquant à sa maison, et c'est au couvent
même qu'il fut inhumé.
SAINT-SIMON A PASSY
Vers le milieu de juillet 1749, Saint-Simon et
sa femme s'établirent à Passy, à l'hôtel du duc et
de la duchesse de Lauzun (propriété Delessert)
pour se rapprocher du château de la Muette, où
résidait alors le Régent, qui se tenait auprès de
sa fille mourante, la duchesse de Berry. Quelques
jours après la mort de cette princesse, qui eut
lieu le 1i juillet, Mme de Saint-Simon, par suite
de la fatigue extrême que lui avaient occasionnée
les soins qu'elle avait donnés à la duchesse de
Berry, dont elle était dame d'honneur, fut atteinte
d'une fièvre maligne oui, pendant six semaines, la
mit à toute extrémité. M. de Fontanieu, garde-
meuble du Régent, offrit alors sa maison de cam-
pagne de Passy à Saint-Simon, pour que sa femme
pôt y respirer un air pur et s'y reposer. Il lui
fallut deux mois pour se remettre. 4 Cet accident,
dit Saint-Simon dans ses Mémoires, me pensa
tourner la tête, me séquestra du tout pendant
deux mois sans sortir de cette maison et pres-
que de la chambre de ma femme, sans ouïr
parler de rien, et sans voir le peu de proches
ou d'amis indispensables. » Quand sa femme
fut à peu près rétablie, Saint-Simon obtint du
Régent l'autorisation d'aller l'installer dans un
appartement du château de Meudon pour y ache-
ver sa convalescence.
LES DELESSERT (1)
Parmi les hommes qui ont acquis des droits à la
reconnaissance publique par des fondations philan-*
(i) La première orthographe de ce nom était en
deux mots: De Lexsert. Les Delessert avaient
pour armes un écusson d'azur charj^c d'une fleur
de li<4 d*or en chef et d'un croissant d'argent en
pointe, ^rcompasnés de deux étoiles de même;
supports : deux lévriers A la lèle contournée ; de-
vise : Toat vient de Dira. Jamais ils ne se pK'va-
3(4 HISTOIRE DU XVI*
thrapiques. des tniaDx, d«s d«Mav<ri«i miles
k l'bumaDÎIé ou par d'admirablM tniti da bien-
biiince, parmi mux qui ont acquis d«s droite i la
reeonaaissaDce spÂciale des habitaote de Passy par
toDS les bienfaits tonnas ou inconnos qu'ils y ont
répandus, il n'en est guère qui les aieot autant
merilésque les membres de cette admirable bmille
des Delessert, établie i Passy depuis plus d'un
siècle, et dont il convient de noter, an nt tout, les
trois Trères Benjamin, Gabriel et François, dont
l'intime union ne se démentit jamais. Cor unum
et anima una.
Leur père. Etienne, né i Lyon le 30 arril ITS-t,
était le lib d'un honomble commerçant de cette
Title, originaire de Suisse et issu d'ooe famille
I des soies dont s'occupait ilon
spécialement Etienne Delessert, il avait de nom-
breuses relstions i Paria; désirant étendre le
oorcle et la nature de ses affairts, dés 1175 il avait
tooroé les yeai vers la capitale, et vint s'y ftier
déRnitivement en 1777.
Sons la raison sociale Delestert etC'.ilj fonda
une maison de banque, établie d'abord nw Hau-
conseil, puis rue Coq-Héron q°3, i l'ancien hMel
Cbamillard (1). Peu de temps après, comprenant
la nécessité de fouroir des noywis de créait con-
venables au commerce de Paris, qui s'aïq^meatait de
jour en jonr, il communiqua à qnelqnea-nD* des
linanciers les plus habiles de cette èpoone, avec
Icsqueb il était lié, ses idé«s sur rétablissemest
Portrait île E lennc Delessert.
(Collcclion .le M. Emile l'olin.)
r testante qui avait dd quitter la France lors de
révocation de l'Édit de Nantes. S'éiant fait
remarquer de bonne benre par son activité et ses
talents, il fut mis dès l'âge de vingt ans i la tète
des affaires de son père, et pea de temps après il
unissait son sorti celui d'nne femme aussi remar-
quable par l'élévaLon de son caractère que par ses
vertus, Mlle Madeleine Boy de la Tonr, de Neuf-
cbâtel (Voyez Bulletin, t. I, pp. 7 et 8). dont la
préoccupation coostaote fut de diriger elle-même
l'éducaliOD des sept enfants qui lui restaient, deux
filles et cinq gardons (1).
lureut de Iciim litres ilt noblesse, c'psi par lin^nnl
tx libri- qiic B't'iiill mit KruverEtit'nnc Deli-s^orl,
nvniil In lliivululioii, et dans les Aimiiitt nobi-
HuirM .le TIsspmn.
(Il Mme Ëlii-niie Ui-lessvil avait eu huit en-
miers fondateurs. Cette caisse fut le germe A
Banque de Krance. L'assemblée des actioanairM,
pour perpétuer le souvenir des services qu'Blienoe
Delessert avait rendus, lui Ht frapper nue médaille
d'or en témoignage de gratitude.
Vers 1785, Klienne Delessert reçut do gouver-
nement une preuve de baule confiance. La fabrica-
tion des tissus de soie s'élanl fortement ralentie à
Paris, le gonvemement, inquiet pour la sûreté
publique de voir des milliers d'ouvriers sans on-
ANNEXES
345
vrage, chargea le lieutenant général de police,
Thiroux de Crosne, de remettre une somme très
considérable entre les mains d*£tienne Delessart,
pour être distribuée en secours aux ouvriers (4).
Comprenant Timportance d» cette mission, au lien
de donner de l'argent à ces malheureux, il obtint
par des avances et des secours accordés avec in-
telligence aux fabricants, qu'ils rouvrissent leurs
ateliers; tous les ouvriers reprirent leurs travaux,
la tranquillité ne fut pas troublée, et même, une
partie seulement de la somme allouée par le gou-
vernement fut employée, car les chefs d*atelier
purent rendre l'avance .qui leur avait été faite.
Aussi, au nom du roi, Etienne Delessert reçut-il
une lettre de remerciements des plus flatteuses,
pour la façon intelligente dont il s'était acquitté
de la mission qui lui avait été conâée.
Etienne Delessert coopéra puissamment à la créa-
tion de plusieurs établissements importants, entre
autres à la formation des premières assurances
contre l'incendie, des associations tontinières et
de la Caisse patriotiaue, institutions que la Révo-
lution vint bientôt aétruire. Dévoué aux intérêts
d'une sage liberté, Etienne Delessert s'était montré
favorable aux principes de 89 ; mais quand il les
vit dévier et glisser dans l'anarchie oui amena les
crimes de la Terreur, il manifesta hautement et
courageusement contre ces crimes ; aussi ne tarda-t-
il pas a éprouver la haine des révolutionnaires.
Arrêté à la fin de 4792, il resta emprisonné pen-
dant plus de dix-huit mob et fut porté sur les
listes de proscription. Heureusement, grâce à
une maladie qui le fit transférer à l'infirmerie de
la Conciergerie, il échappa au couteau de la guil-
lotine et fut oublié; le 9 thermidor et la chute de
Rob^pierre le sauvèrent.
Apres un repos nécessaire an rétablissement de
sa santé, fort éprouvée par sa longue détention et
la perte de son fils aîné, il reprit la direction de
sa maison, tout en se livrant à d'autres travaux
utiles à son pays. C'est ainsi ou'il trouva le moyen
d'améliorer les assolements des fermes des envi-
rons de Paris, et les machines agricoles, de faire
entrer en France la plus grande partie des six mille
moutons mérinos que, par le traité de Bile de i 795,
l'Espagne s'était engagée à nous céder dans l'es-
pace de dix ans, aflaire que le gouvernement d'alors,
faute de fonds, et détourné par des intérêts qui
lui semblaient plus pressants, avait i peu près
délaissée. C'est à l'introduction de cette race pré-
cieuse qu'une partie des. meilleurs troupeaux de
races pures de nos départements doit son origine
plus ou moins directe.
Mais le bien-être matériel des masses n'était pas
seul à préoccuper Etienne Delessert; il pensait
avec raison que de bons principes de religion et
de morale, qu'une instruction éclairée sont des
conditions essentielles de réussite dans toutes les
carrières. Aussi, frappé de tout ce qui manquait à
Paris à cet égard, pour les enfants des classes ou-
vrières, et voulant prêcher d'exemple, acheta-t-il
(1] Les biographes d'Etienne Delessert placent
ce fait à la rlaie de 1782, ce qui est impossible,
Thiroux de Crosne n'ayonl été nomme lieulenant
général de police qu'en i7K>(Voir les almanachs
royaux).
3
en i8i5 et fit-il disposer à ses frais une maison
consacrée à l'établissement des deux écoles gra-
tuites pour les enfants de la population protes-
tante.
En dehorsdes occupations souvent arides de sa
profession, Etienne Delessert avait toujours con-
servé un ^oût très vif pour la littérature et les
arts ; sa bibliothèque était bien garnie, et, grand
amateur de tableaux, il s'était formé une belle
collection de chefs-d'œuvre des maîtres des écoles
flamande et hollandaise, collection qui fut con-
servée et augmentée par ses enfants.
Un fait intéressant que nous empruntons tex-
tuellement à M. Jarry de Mancy, l'un de ses bio-
nhes (1) achèvera de nous dépeindre l'homme
ien dont nous venons de résumer la vie.
€ La simplicité des mœurs d'Etienne Delessert,
dit-il, son éloignement pour les habitudes de cour,
l'indépendance de son caractère, lui firent toujoura
refuser du pouvoir les faveura auxquelles sa longue
expérience, sa grande réputation, ses talents et
l'élévation de son caractère lui donnaient des
droits. Content d'être utile à ses amis, heureux de
vivre entouré de sa femme et de ses enfants, son
ambition était satisfaite. Il i-ejela plusieura offres
ui lui furent adressées successivement de la part
u premier consul et de l'empereur. Celui-ci en prit
de l'humeur, et s'exprima une fois devant ses mi-
nistres avec beaucoup , d'aigreur sur son compte
et sur l'opposition qu'Etienne Delessert faisait à
son gouvernement. Personne n'osait contredbre
l'empereur ni prendre la défense de Delessert.
Crétet, ministre de l'Intérieur, qui avait été lié avec
lui, et qui savait apprécier tout ce qu'il y avait
d'honorable dans son caractère et dans la franchise
de ses opinions, osa seul parler en sa faveur. U
rappela à l'empereur que, le 19 brumaire au ma-
tin, le jour où, comme premier consul, il s'occu-
pait d'organiser le gouvernement, les caisses du
trésor public étaient vides, le crédit ne pouvait
exister pour un gouvernement qui n'était pasencore
constitué ; Etienne Delessert, plein de .confiance
dans le génie du général Bonaparte, dans sa ferme
volonté d'étouffer l'hydre révolutionnaire et de
fonder un gouvernement régulier, vint lui offrir de
mettre immédiatement à sa disposition une somme
très considérable (2), qui prouvait toute sa sym-
pathie pour celui qui prenait dans ses mains les
rênes de l'État. L'empiâreur, frappé de ce souvenir,
remereia Crétet de le lui avoir rappelé, et excusa
depuis la franchisse avec laquelle Etienne Deles-
sert continua à manifester ses opinions. »
Après avoir complètement abandonné sa maison
de commerce à ses fils, Etienne Delessert consacra
ses dernières années à sa famille et à ses amis. Le
23 mars 4816, il perdit celle qui avait été le
charme et la consolation de sa vie, et moins de
trois mois après, le 18 juin, il allait la rejoindre (3).
(1) Bioffrnphie lias hommei utile» (Sociêlê Mon-
thyon et Ft*nnklin, année 1887, Klienne Drhssert)^
plaquette in-i*, à laquelle nous avons Tait de nom -
Lreux emprunts.
(2) La maison Deles*«orl et O* fil alors une pre-
mière avance de 12 millions.
(3) Mme Etienne Delessert esl inhumée rue
Lekain. n* 3, Hin^i que sa fille ainéu, Mme veuve
J.-A. Gautier. Mme Gautier avait fondé une salle
(1 asile à Pa^sy, auprès des écoles communales.
346
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Etienne Delessert mourut dans son hôtel de la
rue Coq-Héron, n*' 3, âgé de quatre-ringt-nn ans,
et fut inhumé à Passy, rue I^kain, n** 3, au cime-
tière de famille.
Nous avons pensé qu'il était utile de résumer
d'abord la vie d Etienne Delessert, parce que, pres-
que autant que ses trois fils, il nous appartient
comme habitant de Passy ; il était venu s'y ins-
taller dès la fin du règne de Louis XVI ; nous
savons par de charmantes lettres de Mme Etienne
Delessert, que Franklin, qui fut notre hôte jusqu'à
i78â, venait souvent passer ses soirées dans la
famille d'Etienne Delessert, son voisin.
Voici, pour rendre notre travail plus clair, la
liste exacte des enfants d'Etienne Delessert :
i^ Marguerite-Madeleine, née à Lyon le 26 août
4767, mariée à Jean- Antoine Gantier, banquier à
Paris. Morte dans cette ville le 30 avril i838 ;
â^ Jules-Jean-Jacques, né à Lyon le 30 mai
1769. Mort en bas âge;
3** Jacques-François-Cf abri ol- Etienne, né à Lyon
le 5 mars 1771. Mort à New- York, de la fièvre
jaune, en 1794;
4° Jules-Paul- fi^yatnm (dont l'article suit), né
à Lyon le 14 février 1773. Mortà Paris, le l'^'mars
1847;
5° Anne-Pierre-Alexandre, né à Lyon en 1776.
Mort sans alliance le 27 novembre 1833;
6^ Jeanne-Emilie, née à Paris le 22 février 1778,
mariée à son cousin Baptiste-Jean-Marie Delessert
de Cossonay. Morte à Lausanne le 21 janvier 1830 ;
7<* Franf.'oû-Marie (dont l'article suit), ne à
Paris le 2 avril 1780. Mort à Passy le 15 octobre
1868;
S"" (jlo^ri^/- Abraham-Marguerite (dont l'article
suit), né à Paris le 17 mars 1786. Mort à Passy
le 31 janvier 1858.
BENJAMIN DELESSERT
Jules-Paul-Benjamin Delessert, troisième fils du
précédent, naquit à Lyon le 14 février 1773. Tout
enfant, il avait été remarqué par Berquin, l'ami
et l'habitué de la maison ; sa naïveté gracieuse,
sa bonté, sa sincérité avaient tout spécialement
attiré vers lui notre fabuliste, qui ne l'appelait
que son j>etit Benjamin, Dès 1784, il fit, sous
la direction de son frère aîné (1 ) — au'il devait
perdre dix ans plus tard — un voyage d'études en
i!iCosse, ou il suivit les cours d'économie politique
d'Adam Smith et de philosophie de Dugald Stewart,
puis en Angleterre, oh il se lia avec le célèbre
mécanicien Watt. Il puisa dans les leçons et les
conseils de ces hommes éminents des connaissances
solides, non seulement en philosophie et en éco-
nomie politique, mais encore en science physique
et en industrie.
Comme il rentrait en France, la Révolution écla-
tait. En 1793, entré comme volontaire à l'école
d'artillerie de Meulan, il en sortit l'année suivante
avec le grade de capitaine, fit la campagne de Bel-
gique sous Pichegru, se trouva aux sièges d'Ypres,
de Maubeuge et d'Anvers, où il se distingua par
f I' J{M'«nu'>-Krnn(;Mis-(ialn'U'l-Elit'iino. cilr plus
Jiaiil sruiî* U" 3*.
son courage. On raconte qae, chargé par intérim
du commandement de la citadelle d'Anvers, ud
violent incendie se déclara dans an bâtiment voisin
de la poudrière ; anssitôt l'épouvante se mit dans
la garnison, mais le jeune capitaine fit redresser
les ponts-levis et fermer toutes les portes; la re->
traite étant devenue impossible, les plus effrayés
devinrent les plus braves et l'incendie, fut arrêté.
C'est à la suite de ce bel acte de san^-firoid qu'il
devint aide de camp du général Kilmame.
Avant d'aller plus loin, il nous semble bon de
rappeler ici un fait cité par M. Cap (1) et qui eut
lieu avant le départ de Benjamin Delessert pour
l'armée du Nord. « Lorsqu'on admire — dit-il *-
la belle avenue qui fait face, du côté de Paris, ai
château de Versailles, on ne se doute ^ère que
c'est à la présence d'esprit de M. Benjamin Deles-
sert qu'on en doit la conservation. On allait abattre
ces beaux arbres, sous le plus vain prétexte, quand
il prouva aue le bois n'en valait rien pour faire
des affûts de canon, et qu'ils pouvaient au besoin
servir à la défense de la ville. » Ainsi fut sauvé
un de ses plus beaux ornements.
Rappelé en 1795 près de son père. Benjamin
Delessert prit la direction de sa maison. € C'est
alors — a dit très justement le secrétaire perpé-
tuel de l'Académie des Sciences (2) — qu'il com-
mença cette carrière commerciale et industrielle
que le génie des affaires et le secours des sciences
ont entourée de tant d'éclat, et à laquelle la vertu
a donné une véritable grandeur. »
£n 1801, il fonde la Société philanthropique,
est nommé membre du Conseil général des hospices
— fonction ^u'il remplit pendant quarante-six ans
— et organise la comptabilité de ces établisse-
ments. La même année il établit à Passy, dans les
terrains de sa propriété donnant sur le quai, n*>* 14
et 16, une raffinerie de sucre, oh, par des pro-
cédés nouveaux, il réussit le premier, quelques
années après, à fabri(|uer en grand un sucre de
betterave bien cristallisé (3).
Le 2 janvier 1812, il fait part de son succès à
Chaptal, qui l'annonce aussitôt à l'empereur. L'em-
pereur, ravi, s'écrie : € Il faut aller roir cela,
partons. » En effet, il part. M. Benjamin Deles-
sert n'a que le temps de courir à Passy, et quand
il arrive, il trouve déjà la porte de sa raffinerie oc-
cupée par les chasseurs de la garde impériale, qui
lui ferment le passage. Il se fait connaître, il
entre. L'empereur avait tout vu, tout admiré ; il
était entouré des ouvriers de la fabrique, fiers de
cette grande visite; l'émotion était au comble.
L'empereur s'approche de M. Delessen, et, déta-
chant la croix d honneur qu'il portait sur sa poi-
trine, il la lui remet (4) » et fait donner une
semaine de paye en gratification aux ouvriers.
De retour aux Tufleries, il y trouve M. de Tal-
leyrand, alors son ministre des Affaires étrangères.
(\) Klogc de lienjamin IteléKSfft, par Paul An-
toine' Cap. l'{ir!>;, IMon, frères, i85o.
{'A et L) Eloge historique de Benjamin Delesxeri^
par M. Floiiroiis, st'crt'taîrc pcrpéluel de TAca-
itrmiedcs Scicnrrs (lu dans la soancc publique du
.'i mars iSTn)), fuissim.
(:{^ On roiis<Tv«' rrli^^iciiscinent dans la famîllo.
If jin'uiirr i>ain de sucre ile I»eU«^rave sorti d«; In
ralliih'rie «le Iteiijaniin Delessert.
et lient t Ini fure goater imnédiaUment ud échan-
tillon dn Doaveaa sncre (jn'il STait rapporté. Celui-
ci le goûte m eflet. mais quel n'est pas le dmp
pointenent de l'empereur quand il voit Talleyrand
donner une cbiquenande sur l'échantilloa en
s'écriiot : Va te Taire... «icre (1) !
M. BenjamiD Ilelessert était créé baron de l'em-
pire (1).
En 480*2, Benjamin Delessert est an nombre
des principaui fcndateors de la Société d'encou-
ragement poor l'industrie nalieaile; il est nommé
régent de la Bauque de France, fonctioD qu'il
ail Uc Itcnjamiii DeltrHScrL,
(Dbssin de M. Mor.)
Le tait était drûle, mais il n'était pas juste,
paiiqne ce sucre suppléa au sucre colonial pendant
toute U dorée du blocus continental, et qu'il était
■sseï difficile d'en préciser la différence avec ce
demiv. Peut-être, ce jour-li, Tallevrand axait-
il let dents agacées, ou était-il contrarié d'être
déraiwé dans ses occupations. Tonjoars est-il que,
le lenMmùn. te Moniteur ;inoonfait qu'une grande
réTohitioD dans le commerce français était cod-
■ommée. Et, le 19 septembre de la même année,
(0 Voir If.t Chraniqiin -Ir P't^n. pnr O'iiH'"'
remplit pendant prés de cinquante ans. Il n'irait
alors que TÎogt-nenf ans ! En 1S03, il fonde i
Passy une filature de coton qui affranchit la France
de la nécessité de tirer de rAnglelerre les 61s de
colon pour nos tissus communs, et de l'Inde tons
les ti
a fins.
En 1816. l'Académie des Sciences se radjoint
comme membre libre dans la section de botanique.
n iNij, n«nJAmin ^eiff«^:
i MonlarcU. dnns k-
iroiM <ieT>aK!i. etc.
348
HISTOIRE DV XVI* ARRONDISSEMENT
Passionné pour cette science, Benjamin Delessert,
après avoir acquis les petits herbiers de Linné et
de Jean-Jacques Rousseau, ceux plus importants
de Lemonnier, de Burmann, de Ventenat, de Pa-
lisot de Beauvois, etc., parvint à posséder l'herbier
le plus complet — plus de 86.000 espèces de
plantes, dont 3.000 inédites et 250.000 échan-
tillons — et la bibliothèque botaniaue la dIus
riche que Ton connût, renfermant plus de 6. 000 vo-
lumes écrits dans toutes les langues, le tout classé
avec uu soin et un ordre parfaits, et mis gracieu-
sement pour Tétude à la disposition des natura-
listes de tous pays.
En 1840, ce fut lui qui sut conserver à la France
la précieuse collection de coquilles de Lamarck,
qui allait passer en Angleterre ; il en fit le noyau
a un nouveau musée conchyliologique digne de
rivaliser avec Tancien. A sa mort, cette collection
se composait d*au moins 150.000 coquilles repré-
sentant 25.000 espèces, dont 1.200 coquilles non
décrites alors.
Si Benjamin Delessert aimait les sciences, il
savait aussi se passionner pour les arts, et sa ga-
lerie de la rue Montmartre, à Tancien hôtel
d*Uzès (1), renfermait, outre les anciens tableaux
hollandais et flamands qui lui venaient de son père,
des œuvres d'autres Ecoles, ou d'artistes vivants,
qu'il avait su choisir avec le discernement le plus
exquis (2).
Deux ans après sa nomination à l'Académie des
Sciences, Benjamin Delessert mit le couronnement
à ses œuvres philanthropiques par la fondation de
la plus belle et de la plus moralisatrice des insti-
tutions populaires des temps modernes. Aidé du
duc de la Rochefoucauld-Liancourt, qui, comme
lui, se servait de l'influence d'une grande fortune
pour propager toutes les idées utiles à son pays,
il présida à la création de la Caisse d'épargne, qui
fut établie à l'instar de celles qui depuis deux ans
existaient en Angleterre, et inaugurée oflScielle-
ment le 15 novembre 1818.
L'exemple, même le bon, est contagieux ; celui-
ci fut bientôt suivi de la fondation d'établissements
analogues dans les principales villes de France.
Propagateur infatigable des Caisses d'éparpe,
dont il fut pendant vingt ans président, Benjamin
Delessert leur lé^a 150.000 francs, à la charge
pour elles de délivrer 3.000 livrets de 50 francs
aux travailleurs les plus méritants qui prendraient
l'engagement de n'accepter ce «don que comme
un premier fonds qu'ils auraient à augmenter.
N'avaient-ils pas eu raison de le surnommer le
père des ouvriers (3) ?
(i) La rue d'UzèM occupe une partie de son em-
placement.
(2) En i835, Benjamin Delessert, se souvenant
sans doute des douze gravures qu'avait pul)liées
en Angleterre, vers 1747, W. Hof^orth, suite inli-
iuiée : Industrie et Paresxe, proJ30sa im prix de
2.000 francs pour une série de litliographies ana-
logues reprêsentonl les suites du vice et de la vertu
de manière à produire une impression salutaire sur
les jeunes gens de la classe lattorieuse. Ce fut le
dessinateur Jules David qui obtint le prix et exé-
cuta les vingt-quatre sujets de celle suite, qui pa-
rurent en album chez l'éditeur Joannin, en i836.
Douze sujets étaient consacrés aux hommes, et
douze aux femmes.
(3) Et cependant Benjamin Delessert leur avait
Oue dire encore de la vie publique de cet homme
de bien, successivement magistrat consulaire, co-
lonel de la garde nationale en 1814, et membre
de la Chambredes députés pendant plusde vingt ans?
Il prit rang an centre gauche sous la Restaura-
tion, et parmi les conservateurs sons le règne de
Louis-Philippe.
Le 4 janvier 1819, c'est lui qui signala le duc
de Richelieu à la reconnaissance publique après
la libération du territoire, et fit voter en sa faveur
50.000 francs de rente, dont le duc, quoique sans
fortune, s'empressa de faire donation aux hos-
pices de Bordeaux, sa ville natale. En 1835, Ben-
jamin Delessert fit abolir la loterie et les maisons
de jeu, dont il avait demandé la suppression dès
18l0 et en 1828.
A rénumération de tous ces titres, on serait
heureux de pouvoir ajouter celle de ses bienfaits
privés ; mais ils sont si nombreux, et la plupart
entourés d'un si généreux mystère, que latftcbe est
bien difficile. € Le plus grand plaisir que l'on
puisse f^oùter — disait-il — et le seul qui soit
sans mélange, est celui que l'on éprouve dans
l'accomplissement d'une bonne action. Depuis le
verre (Peau apporté aux malades jusqu'aux plus
ma^ifiques donations, tout devient une source de
jouissances. Après une bonne action, on éprouve
un sentiment de bonheur qui est au-dessus de
toute idée, on dort d'un sommeil paisible, et tous
les songes sont agréables. » — € Un riche sans
libéralité — dit-il plus loin — est un arbre sans
fruits (1). » Et Flourens, dans son éloge de Ben-
jamin Delessert, ajoutait eeci : < Fontenelle non
raconte du grand ministre Colbert qu'il avait des
espions pour lui chercher et lui découvrir partout
le mérite caché et naissant. Benjamin Delessert
était doué d'une ingénieuse sagacité qui lui a fait
faire beaucoup de ses découvertes. »
Nous ne pouvons résister au plaisir de citer,
entre mille — toujours d'après M. Flourens — le
trait suivant ^u'il n'a pu cacher. C'était an 1*' jan-
vier. Benjamin Delessert avait cru ne pouvoir
mieux commencer l'année qu'en consacrant cette
journée aux Enfants malades et aux Enfants
trouvés. Il revenait, s'acheminant à pied. Partout
sur son passage, des groupes d'enfants joyeux
sévèrement interdit le triste chômage du lundi.
Tout ouvrier qui osait se débaucher un seul lundi
ne pouvait plus remettre les pieds dans ses fa-
briques.
(1) Fondations qu'il serait utile défaire. 1^46. Pla-
quette in-8 de 16 pages.
Le Guide du Itonheur, ou recueil de pensée!^,
maximes et prières ; 1 vol. in-8, i839; a* édition,
Paris, Imprimerie Grutiot, iS^s; a* édition, ia-ia,
1855.
Benjamin Delessert a encore écrit : Des avan-
tages de la Caisse d'épargne et de prévoyance. Paris.
i835, in-18. — Almanach de la Caisse tf épargne et de
prévoyance. Paris, iSSy, in-18. Nous ne parlons pas
ici des nombreux discours qu'il prononça i la
Chambre des députés, de i8i5 à iSio ; de ses rap-
ports sur les Caisses d'épargne de 1827 à i845, el
de quelques opuscules se rattachant à ses collec-
tions de plantes et de coauilles.
En 1795, Benjamin Delesseil avait établi dans
sa maison une petite imprimerie. 11 traduisit
alors et imprima la Morale des échecs^ de Fran-
klin, et imprima, la même année, le poème sur
les Dispults, de Rulhières, etc.
ANNEXES
349
pliaient soos le poicb des cadeaux dont on les avait
comblés.
A cette Tae, le cœor de Fexcellent homme se
serre, il songe aax panvres petits abandonnés qu'il
Tient de quitter et qui ne connaîtront jamais ces
joies. Il ne pent supporter cette idée, et ne rentre
chez lui qn*apr^ avoir expédié aux deux hospices
nne cargaison bien capable d*v apporter un bon-
heur aussi Tif qu'inattendu. Depuis ce joue, les
Enfants malades et les Enfants trouvés eurent
à chaane i*** janyier leurs petits cadeaux et, par-
tant, leurs joies du premier de Tan.
A cette bonté touchante , Benjamin Delessert
unissait de vifs sentiments patriotiques, qui plus
d'une fois Tinspirèrent heureusement. Ce fut lut
qui, le premier en 1800, proposa d'élever un mo-
nument au brave général Desaix, tué à Marengo.
Annoncée dans le Moniteur, la souscription fut
aussitôt couverte. Toute Tannée d'Egjpte y prit
part, et le monument-fontaine exécuté de ioOi à
4803 d'après les iessins de Percier, dans le goût
de Tépoque, et représentant sur un piédestal le
buste de Desaix couronné par la Victoire, fut ériffé
sur la place Dauphine, oh il se voyait encore à la
fin du second Empire. Au point de vue artistique,
Desaix méritait mieux; mais, circonstance atté-
nuante, c'était la première œuvre de Percier et
Fontaine.
De cette biographie trop écourtée de Benjamin
Delessert, nous avons réservé pour la fin ce qui
nous intéreœe tout particulièrement, les créations,
les bienfaits qu'il répandit à Passy, cette com-
mune ou'il affectionnait tant, et où il passa les
plus belles heures de sa vie, entouré de ses deux
rrères, qui étaient venus s'installer auprès de lui,
dans le plus beau site de la rue Raynouard. De
ces créations, de ces bienfaits, on ne trouve guère
rénumération — et trop rapide encore — ({ue
dans un Annuaire de la ville de Passy, fort in-
téressant, qui, paru seulement en 1858, est au-
jourd'hui devenu des plus rares. Force nous est
donc de recourir à ce livre de M. Al. Lefeuvre, où
nous relevons presque textuellement ce qui suit :
€ En 4829, M. Benjamin Delessert, qui avait
toujours été, comme son père, un fervent propa-
Steur de Tinstruction primaire et des salles d'asile,
ida à Passv, au centre d'alors de la commune,
deux écoles dfestinées aux enfants de chaque sexe,
et dont la construction et l'entretien, tant au ma-
tériel qu'au personnel, furent complètement à sa
charge. Indépendamment des prix et encourage-
ments ^ue, chaoue année, il délivrait aux élèves,
M. Benjamin Delessert leur partageait huit livrets
de la Caisse d'épargne de 30 francs chacun, quatre
aux garçons et quatre aux jeunes filles. Par son
testament. Benjamin Delessert légua 30.000 francs
à ces écoles.
lorsque la mairie de la place de Passy n'* 1 fut
achetée, on fit à l'aide d'une souscription une ap-
propriation dans le bâtiment réservé aux bureaux,
à la salle des élections et au corps de garde ;
M. Benjamin Delessert y concourut pour une
somme de 2.500 francs.
Préoccupé sans cesse de l'idée d'être utile à
Passy, M. Benjamin Delessert comprit qu'un des
graves obstacles au développement de cette com-
mune provenait de la diflBculté des abords du cété
de la rivière. En effet, pour venir par cette voie,
il fallait gravir une côte ayant sur plusieurs points
une pente de 9 à iO centimètres par mètre, ce qui
rendait impossible l'arrivée à Passy par la route
la plus directe. M. Benjamin Delessert voulut y
remédier. Dans ce but, il fit étudier un projet qu'il
soumit aux autorités compétentes ; mais, pendant
son examen, il apprit que l'on avait mis en vente
les premiers terrains sur lesquels il fallait faire
passer la nouvelle route. Or, un changement de
destination sur ces terrains pouvant augmenter la
dépense générale et contribuer ainsi à annihiler
Topération, M. Benjamin Delessert dut se rendre
acquéreur, et il n'hésita point : il engagea pour
cet objet une somme de 80.000 francs.
L'affaire suivit son cours sous le rapport admi-
nistratif, mais le résultat ne fut pas favorable : on
rejeta le projet à cause des dépenses considérables
auxquelles il entraînait.
Cette fâcheuse détermination ne découragea point
M. Benjamin Delessert; avec ce coupd'œil sûr qu'il
apportait dans tous ses actes, il jugea que ce devait
être un ajournement et non un refus. En consé-
auence, il se remit à l'œuvre et indiqua un mode
e parcours à la fois praticable et économique. Pour
parvenir plus sûrement à son but, il persista à ne
point aliéner les terrains et constructions qu'il
avait achetés, et refusa de contracter des baux à
des conditions très avantageuses.
Lorsqu'on l'interrogeait à cet é{;ard, il se con-
tentait de dire : c Une nouvelle voie de communi-
cation doit être ouverte sur ce point, et comme il
en résultera un grand avantage pour Passy, je ne
veux, en quoi que ce soit, entraver l'administra-
tion ni augmenter ses charges. »
Une telle persévérance, si dignement motivée,
devait produire une solution : de nouvelles négo-
ciations eurent lieu, et la commune de Passy offrit
au département un concours de 80.000 francs.
Pour obtenir ce chiffre élevé, l'autorité locale avait
fait appel à la bourse de M. Benjamin Delessert
et avait obtenu de lui une subvention de 40.000 fr.
C'est sur ces bases que l'affaire fut soumise au
Conseil général de la Seine. Après un examen sé-
rieux et approfondi, ce Conseil approuva les plans
et devis, mais il éleva à i 00. 000 francs le con-
cours communal.
La situation financière de la commune ne per-
mettait pas de satisfaire à l'allocation supplémen-
taire de 20.000 francs. On dut recourir de nou-
veau k la générosité de H. Benjamin Delessert, il
s'exécuta de très bonne grâce et ajouta 10.000 fr.,
cequi portait sa subvention personnelleà 50.000 fr.
Une aussi belle action n'a pas besoin de commen-
taires.
A l'occasion des terrains qu'il avait achetés et
sur lesauels devait passer la nouvelle route, il
offrit à l'administration supérieure d'en disposer
comme elle le voudrait, et, au besoin, de commencer
les travaux avant l'expropriation. Il fit plus, il dé-
clara par écrit accepter d'avance et sans examen
le prix déterminé ultérieurement parles in||[énieurs,
soit pour acquisition, soit pour indemnité de dé-
molition, etc. On ne pouvait pas être, à la fois, et
plus facile et plus bienveilliant.
L'achèvement de ce grand et beau boulevard est
complet depuis longtemps : ce fut un acte de jus-
tiee et de reeonnaisuDce d'en atlribafr l'epliêre joar. unsinl stc
initiative à H. Etenjamin Deirssert tt de lui a^oir oinl parlui qa'il
d'tbord donné son nom ; depuis, il a pris le nom cution, il s'kria : < Si je pooTiis Torver ma rtrn.
collectir de bouleTurd beiessert. Je demanderais i Dieu la permisson de paner idc
Dans II cruelle maladie qui l'a raii aux scienres. seule fois sur celle ronle aTant de moarir, noa
aai arts, aai indigents, i sa famille el à ses amis, pas — ajouta-i-jl — pour prolonger nea foan
il songeait sans cesse ï celle affaire el s'ioformail au delà du terme prescrit, mail pour aroir an
très exactement de la situation des iriTanx. In moins la crrtitude que la coamnoe sera en pua-
ANNEXES
35!
session de cette nourelle voie de communication. >
Digne et excellent homme, il s'oubliait toujours
au profit de ses semblables et pratiquait cette
maxime : Rien pour sot, tout pour autrui.
C'était bien le résumé de toute son existence, de
cette yie si noblement et si utilement remplie.
Atteint d'une maladie organique du cœur, Ben-
jamin Delessert mourut le i'^'mars 4847, en son
hôtel de la rue Montmartre, âgé de soixante-qua-
torze ans, et fut inhumé à Passy, rue Lekain, n® 3.
Cigit fun des fondateurs des Causes d'épar-
gne, telle fut l'inscription qu'on mit sur son tom-
beau. Il avait stipulé que le jour de son enterre-
ment, qui devait se faire aussi simplement que
possible, on remit 42.000 francs aux pauvres de
Paris, 4.500 francs à ceux de Passy et 2.000 fr.
aux pauvres de TËgliso réformée à laquelle il ap-
partenait (4).
Benjamin Delessert avait épousé, le 22 août
4807, une de ses cousines, Laure-RenéeLi vie- Jac-
queline de Cossonay, <|n*il perdit le 48 mai 4823.
Comme elle ne lui avait pas laissé d'enfants, toute
sa fortune passa h sa famille. Il était grand offi-
cier de la Légion d'honneur depuis 4837.
Son hôtel de Passy, habité actuellement par sa
nièce, Mme la baronne Bartholdi, était situé au
n^ 24 actuel de la rue Raynouard. C'est là, chez
les frères Paulian, qu'avait habité La Tour d'Au-
vergne, de 4796 à 4800. Ainsi cet hôtel aurait
droit à une plaque doublement commémorative,
et du séjour du premier grenadier des armées de
la République, et de celui de l'homme de bien
éminent dont nous venons de retracer la vie. Espé^
rons qu'un jour notre vœu sera réalisé (2) !
FRANÇOIS DELESSERT
Delessert (François -Marie), cinquième fih
d'Etienne Delessert (3), naquit à Paris le 2 avril
1 780, fut élevé à Genève jusqu'à l'âgede quinze ans,
puis entra dans la banque de son pore, dont il prit
la direction quelques années après, avec son frère
Benjamin.
Nommé membre de la Chumhre de commerce en
4844, six fois il en fut élu président.
Député de la Seine en 4834 et 4834, et du Pas-
de-Calais de 4 838 à 4 848, il prit part, à la Cham-
(i) Par son testament, M. Benjamin Delessert
laissa encore une somme de iS.ooo francs aux
liauvres de Passy.
(2) Le portrait que nous donnons de Benjamin
Delessert est in cooie d'une lithogrnpliic faite
vers 18^0, par Léon Nofd, d'après une peinture
de P.-A. Labouclière. Benjamin Delessert avait
nlors 67 ans environ. Si nous avions à transcrire
son signalement, nous dirions : visage ovale, le
front haut, et les yeux scrutateurs, profondément
enchâssés sous les arcades sourcil ièrès, annoncent
une belle et ferme intellin:ence; nez moyen et rê-
içulier j enfln la bouche, gracieuse et fine, aux ex-
trémités relevées, dénote une extrême bienveil-
lance, qui se lit dans tout l'ensemble des traits.
La lithoj^raphie ne portant pas de nom d'éditeur
nous pensons qu'elle n'a été tirée que pour les
amis.
(3) Le quatrième flls d'Etienne Delessert fut
Anne-Pierre- Alexandre (V. plus haut, au 5*).
11 fit partie de la maison de banque fondée par
son père, puis se retira en sa propriété de Ville-
neuve-le-Roi.
bre, à toutes les discussions relatives aux caisses
d'épargne, au travail des enfants dans les manu-
factures, et aux salles d'asile, sujets qui le préoc-
cupaient sans cesse.
Après la mort de son frère Benjamin, il devint
président de la Caisse d'épargne de Paris, tout en
s*occupant des antres caisses d'épargne de la
France et de Tétranger.
En 4852, l'Académie des Sciences le choisit
comme membre libre, en remplacement du baron
Maurice. Sa biographie, on le voit, ressemble en
bien des points à celle de son frère Benjamin. Tel
frère tel frère; les deux doigts de la main.
Même préoccupation du bien public, mêmes goûts
pour les sciences et les arts. Héritier avec son
rrère Gabriel des précieuses collections botaniques
et conchyliologiaues de Benjamin Delessert, et de
la riche bibliothèque qui s'y rattachait, non seule-
ment il en continua l'entretien à l'ancien hôtel
d'Uzès de la rue Montmartre, mais il sut les aug-
menter par les soins qu'il y donna. Comme par le
passé, toutes ces richesses restèrent non seulement
à la disposition des savants qui voulaient les étu-
dier, mais des simples curieux qui désiraient les
voir. Il en fut à peu près de même pour la galerie
de tableaux.
François Delessert eut aussi, comme son frère,
une raffinerie de sucre considérable (4), il y intro-
duisit toutes les innovations ayant rapport à cette
industrie; cet établissement était situé aux n*" 44
et 46 du quai de Passy. Jaloux également d'en-
courager l'œuvre si généreuse des écoles établies
par son atné, il continua de donner, tous les ans,
huit livrets de la caisse d'épargne aux élèves les
plus méritants, et fonda rue Lekain, n^ 3, un
asile qui fut édifié en 4872 et existe encore. Cet
homme de bien mourut entouré de tous les siens,
le 45 octobre 4868, en son hôtel de Passy, rue
Raynouard, n"* 27. 11 était officier de la Légion
d'honneur depuis 4828. Suivant ses dernières
volontés, aucune invitation ne fut envoyée à l'oc-
casion de ses funérailles. Il fut inhumé rue Le-
kain, n® 3.
François Delessert avait épousé, à Paris, Julie-
Elisabeth-Sophie Gautier, dont il eut, outre
d'autres enfants morts jeunes : 4^ Stéphanie-Ma-
deleine-Carolîno Delessert, née le 7 mai 4844,
mariée au baron J.-H. llottingucr, régent de la
Banque de France ; 2° François- Z^^/amm-Marie
Delessert, dont nous parlerons plus loin : 3^ Made-
leine Delessert, née à Paris en février 4830, mariée
au baron Frédéric Bartholdi, conseiller à la Cour
des Cximptes, chevalier de la légion d'honneur.
Après la mort de François Delessert, qui fut le
dernier survivant des trois frères dont nous nous
occupons spécialement, les collections botaniques
et conchyliologiaues furent données à la ville de
Genève, et les livres qui s'y rattachaient légués à
la bibliothèque de Tlnstitut.
Fn mars 4869,1a galerie de tableaux fut vendue
aux enchères. La perle de cette riche collection
était, sans conteste, la célèbre Vierge de Raphaël,
dite de la maison d'Orléans ou la Madttne à
VEnfant mutin. Ce tableautin, qui ne mesure pas
i\) C'était l'ancienne rofflnerie de son frère
Benjamin, tlont il continua l'exploitation. .
352
HISTOIRE DU XVI*' ARRONDISSEMENT
plus de 29 centimètres de haat sur 3i de large,
avait été acheté 27.250 francs en 4843, à la rente
Aguado ; ce fat le duc d*ÂnmaIe qui s* en rendit
acquéreur à la yente de la collection Delessert,
moyennant 450.000 francs. Dans tous ses voyages,
le prince se faisait accompagner de ce chef-d'œuvre,
3u'on retrouvera au musée Gondé, à Chantilly,
ans le Santuario.
La galerie Delessert se composait surtout d'ex-
cellents tableaux des anciens maîtres hollandais et
flamands, parmi lesquels on remarquait : une
Sainte Famille et un Portrait d'Iiomme par
Rubens, le Mariage de Sainte CatiieHne et un
Portrait par Van Dyck, une YieilUi temme par
Gérard Dow, deux Pieter de Hooch extraordinaires
et un Bois superbe d'Hobbéma. Mais, très éclec-
tiques, les frères Delessert avaient aussi réuni des
chefs-d'œuvre d'autres écoles, entre autres deux
belles Vues de Venise de Canaletti, et une Sainte
Famille de Murillo. Dans rj!iCole française, l'at-
tention était surtout attirée par un Port de mer
au soleil couchant de Oande Lorrain, une Sainte
Cécile de Mignard, un superbe portrait au pastel
de Jean-Jacques Rotisseau yar Latour, quatre
tableaux de Grenze, dont la Lecture de la Bible
et le beau portrait du graveur Georges Wille,
cinq marines de Joseph Yemet, deux tableaux de
son fils Carie et un de son petits-fils Horace repré-
sentant r Apothéose de Napoléon, un Bélisaire
du baron Gérard, François I*^ et Marguerite de
NaiHirre par Bonnington, le Cloître de Saint-
Êtienne-du-Mont y par Granet, deux toiles de
Paul Delaroche, les neuf dessins de C Histoire de
Samson par Decamps, la Partie d'échecs et les
Amateurs de peinture par Meissonnier, et enfin
un Pâturage de Rosa Bonheur.
iVous n'avons signalé que quelques œuvres prin-
cipales de cette belle collection; à côté d'elles
s'en trouvaient beaucoup d'autres des plus inté-
ressantes et d'un réel mérite, don^ on |>ourra
trouver l'énumération dans le catalogue qui en a
été publié au moment de la vente (4).
François Delessert eut un fils, François-Marie-
Benjamin Delessert II, qui naquit à Paris le 4 7 no-
vembre 4847, et s'occupa, comme tous les mem-
bres de sa famille, de ce qui avait rapport aux
questions financières, ainsi qu'aux lettres, aux
sciences et aux arts. Il avait réuni chez lui quel-
ques bons tableaux modernes, entre autres une ré-
pétition de r Odalisque par Ingres, les neuf grands
dessins de VHistoire de Samson par Decamps,
et une belle collection de dessins d'anciens maîtres.
Benjamin Delessert II s'intéressa surtout ardem-
ment aux premiers essais de photographie, et pu-
blia à Pans, chez Goupil, de 4853 à 4855, une
Notice sur la vie de Marc-Antoine Raimondi,
le célèbre graveur bolonais, accompagnée de repro-
ductions photographiques des pièces de ce maître
(i) On trouvera aux Archives do la Société ce
calalo^ue. ainsi (]ue quatre petites «rravures (don
de M. Mnr)^ représentant : a) vue de l'hôtel De-
lessert, côte du jardin ; b) vue de l'intérieur de la
f galerie de M. Delessert ; c.) Greu/e : la Lecture de
a Bible (ce tableau, donne par M. Delessert à sa
fille. Mme Bartholdi, n'a pas figuré ù la vente); r)
LucKx: intérieur d'an estaminet villageois. (N. D.
L. R.)
et exécutées à ses frais, sous ses yenx (4). A l'Ex-
position universelle de 4855, oii on les exposa en
regard des originaux, elles furent fort remarquées,
la similitude était complète. II est bon de se rap-
peler qu'on n'était encore, à cette époque, qu'au
début de cette découverte, qui a tant progressé
depuis.
Benjamin Delessert avait été envoyé en 4849 à
l'Assemblée léjpsiative par le département de U
Seine (i), puis nommé chef de bataillon de la
garde nationale, et chevalier de la Lésion d'hon-
neur. Il avait épousé Mlle Blanche de Triqueti,
fille de Henri, baron de Triqueti, dont il n'eut pas
d'enfants, et mourut subitement à Passy, le 35 jan-
vier 4868.
GABRIEL DELESSERT (5)
Delessert (Gabriel- Abraham-Marguerite), frère
de Benjamin et de François, naquit à Paris, rue
Coq-Heron, n° 3, le 47 mars 4786. Jusqu'à 4830,
il fit partie de la maison de banaue Delessert etC'*,
dont il fut un des agents les plus actifs.
En janvier 4814, il avait été nommé capitaine-
adjudant de la garde nationale de Paris, puis ad-
judant-commandant; ce fut en cette quahté qu'il
se fit remarquer, le 30 mars de la même année, à
la bataille de Paris, sous les ordres des maréchaux
Moncey et Masséna et du général Durosnel. Sa belle
conduite lui valut alors la croix de la Légion d'hon-
neur. L'année suivante, il se distingua de nouveau
d'une manière toute particulière au parc de Saint-
Qoud et à l'Ile Sé^in. En 4830, après la révo-
lution de juillet, il fut nommé colonel d'état-
major, et en 4834 général de brigade de la garde
nationale, grades qu'il avait bien mérités par ses
antécédents. C'est avec raison que le général Jac-
queminot a pu dire de lui qu'il était né militaire.
Maire de Passy, du 4«' août 1830 au 42 fé-
vrier 1834, puis préfet de l'Aude, Gabriel Deles-
sert, après avoir vu Carcassonne pendant sept
mois, abandonna cette préfecture, le 27 septembre,
pour celle d'Eure-et-Loir, dont il se démit en
4836, au grand regret de ses administrés, qui ne
pouvaient oublier la belle conduite qu'il avait tenue,
lors de l'incendie de la cathédrale de Chartres des
4 et 5 juin 4836.
Le marquis Henri de la Rochejaquelein, témoin
oculaire de cette catastrophe, en a donné une
relation très détaillée (4) dont nous croyons devoir
extraire le passage suivant : c Le feu, que Ton attri-
bue à l'imprudence de deux ouvriers qui étaient
employés à la réparation de la toiture, se déclara
subitement avec une violence telle, que Ton put
juger de suite des conséquences affreuses que I on
avait à redouter ; il commença dans la charpente.
(i) Cette belle publication, qui avait eu pour
but de venir en aide aux artistes oui ne pouvaient
ocheter les pièces originales, paraissait par livrai-
sons contenant chacune quatre reproductions.
(2) Nos Archives possèdent In belle et simple
profession de foi que F.-M.-B. Delessert fit
alors.
(3) Le portrait qui accompagne la notice sur
Gabriel Delessert a été communiqué par M. Cb.
Chandebois.
(4) Voir la Gazette de France du 7 juin i836.
353
i UjoDclion d'oD des bras de la croix formée par
Us eÔlésdelsDef. Le tocsin sonne immédialement;
il était sii heures et demie dn soir. A l'instant
toDle la population fat sur pied. Od essajx de
faire agir les pompes, mais la toiture ètanl en
plomb, tous les efforts fnrent iantiles. Le feu se
communiqua avec une telle rapidlIA, qu'il fallut
renoncer i occuper la galerie eitérieure da haut
de la nef. Dans cet instant critique, il se pissa
la foule qui contemplait cette scène de dévouement
et de courage, les cris mille fois répétés V'Sauties-
vmt! tauvez-vous! tout eosemble était d'un
effet que rien ne peut rendre. * Ëofio. grdce aux
ordres habilement donnés par le préfet et le général
Fleui7. t'incendie pat être circonscrit ; la couTer-
lure en plomb, la charpente du grand combl« et
des deux clochers, ainsi que les dochefi furent
détruites, le reste fut sanié.
^"^^^^^^^^
une dea scènes des plus honorables que l'on puisse
citer i l'honneur d'nn administrateur. M. Gabriel
Delessert, préfet d'Ilure-et-Loir, avait été un des
premiers i s' exposer aui pins grands dangers; il
donne l'ordre d'évacuer la galerje ; plusieurs per-
sonnes qui l'entourent veulent, par un 7èle louable,
l'arracher avant elles à une mort inévitable ; mais
il ne veut se retirer que le dernier ; alors on cherche
i l'entraîner, il se débarrasse atec peine des per-
sonnes qui le tenaient embrassé ; enlin il est obligé
de mettre, avec la plus vire énergie, la main sur
la sarde de son épée, poar qu'on soit forcé de
le Uisser le dernier i son poste. Cette noble lutte
se passait sons des toits enflammés, le plomb cou-
lant sur ceux qui en élaient acteurs. L'effroi de
ede l'intrépide dévouement dB
son premier magistrat, la ville de Chartres Kt
frapper avec le métal des cloches fondues par l'in-
cendie, une des plus belles médailles qu'on doive
au talent de .H. Barre, le grand-père d'un de nos
membres les plus généreux. Au recto, la cathé-
drale de Chartres avec ces mots : Incendie des 4
el 5 juin 1836. Ao verso : A Galiriel Detetiert,
pré/et, la lille de Oiarlres reconnaissante (1 ).
... . le nabriei Delessert
a Yocntion des eilinctions d'in-
jvait toujours avant qu'ils fussent
354
HISTOIRE DU XVI* ARHOWDISSEMENT
La façon dont il avait admioistré la préfecture
d'Eure-et-Loir fit songer à lui pour ]a place émi-
nente et périlleuse de préfet de police, qu'il n'ac-
cepta qu'après bien ahonorables hésitations. Il
l'occupa du 10 septembre i836 an S4 février 4848,
et, grâce à lui, la capitale tranquillisée put jouir
d'un long repos, c N'y a-t-il pas — disait Jacques
Arago — un noble dévouement dans la vie de celui
qui, pouvant se reposer heureux dans les loisirs
de la vie domestique, aime mieux consacrer son
infatigable intelligence à la répression des délits
et des crimes qui attristent son pays? M. Gabriel
Delessert a bien mérité de ses concitoyens, et de
légitimes regrets le suivront dans sa retraite. »
< La population parisienne — a dit encore
M. Ducoux, un de ses successeurs — conserve avec
reconnaissance le souvenir de ce magistrat dont
les vertus privées égalaient l'intelligence et le dé-
vouement à la chose publique. M. Gabriel Deles-
sert sut toujours atténuer les nécessités quelquefois
terribles de sa charge, par l'esprit de tolérance
et de bonté avec lequel il remplit ses devoirs (i) ».
N'y a-t-il pas lieu de rappeler ici, à ce propos,
Îiue deux fois pendant l'exercice de ses délicates
onctions, il eut à recevoir comme prisonnier de
Sassage à la prélecture de police le prince Louis-
fapoléon Bonaparte (Napoléon 111). i^ première
fois, ce fut le 11 décembre 1836, à 2 heures du
matin, après la malheureuse tentative de Stras-
bourg.
On conduisait le prince de Strasbourg à Lorient,
oii il devait s'embarquer pour les Etats-Unis.
« M. Gabriel Delessert l'attendait (2), et la récep-
tion, quoique froide, fut bienveillante, mais dou-
loureuse ; il lui était pénible d'exercer ses sévères
fonctions contre le neveu de l'Empereur, de revoir
dans la condition extrême de prisonnier le fils d'une
reine qui l'avait accueilli autrefois dans ses voyages
avec une exquise et rare bienveillance, ce fils qu'il
avait connu tout enfant et pour lequel il avait eu
de si douces et de si gracieuses paroles, de si
tendres et de si bons sentiments. Une collation
avait été servie pour le prince dans la grande salle
à manger de la préfecture, dans cette même salle
oti, presque tous les matins, Mlle Cécile et M. Edouard
Delessert, jeunes enfants du préfet, venaient
s'ébattre et prendre avec Mlle de Montijo, leur
amie, des leçons de gymnastique sous l'habile
direction de M. Delestre, alors sous-officier des
sapeurs-pompiers de Paris. Le prince ne voulut
point accepter cette collation. Il ne prit que quel-
ques biscuits et un verre de Champagne dans le
salon rouge de la préfecture, où il attendit patiem-
ment le moment de son départ, qui eut lieu deux
heures après. »
M. Gabriel Delessert n'en était qu'à la première
épreuve.
La seconde eut lieu après la fâcheuse échauf-
fourée du prince à Boulogne-sur-Mer, le 6 août
1840. Conduit d'abord à la citadelle de Ham, il
fut amené, dans la nuit du 12, à la Conciergerie
(i) Paris Gn'uh, 18C7, t. II. p. 1700.
{•à) m. Gabriel Lklesserl, par Tripirr le Franc ;
Pans, Dentu, 1809. Un fort volume in-4, aui|uel
nous allons enipruiiler hon nonihru de pansages.
PasMim.
de Paris. Comme la première fois, H. Gabriel
Delessert l'attendait, et après avoir reçu du prince
des félicitations du maintien en exercice de l'ami
de sa mère, du fonctionnaire bienveillant qai
l'avait si délicatement reçu dans les mêmes con-
ditions quatre ans auparavant, il le fit conduire
dans le logement le plus salcbre et le plus conve-
nable de la prison, où il resta jusqu'au 26 sep-
tembre suivant ; puis le prisonnier comparât devant
la Chambre des Pairs, qui devait le renvoyer à
Ham.
Après la révolution du 24 février 1848, Gabriel
Delessert voulut partager l'exil de son roi, et alla
le retrouver à Uaremont, où il reçnt de Louis-
Philippe un accueil plein d'effusion, de reconnais-
sance et de bonté. Six mois après, sollicité par
sa famille et ses amis de rentrer en France, voyant
que le pouvoir républicain fonctionnait tranquille-
ment et que sa vie n'avait rien k craindre de ce
parti, il sollicita de Louis-Philippe la permission
de s'éloigner de Claremont, quitta le sol hospita-
lier de l'Angleterre et vint se retirer dans sa char-
mante villa de Passy.
Trois ans après, un événement douloureux vint
troubler la sérénité de sa nouvelle existence. Sa
fille Cécile, linguiste habile et peintre amateur
distingué, mariée depuis 1847 au vicomte Alexis
de Valon, jeune homme aussi charmant que mo-
deste, connu par des articles de revues et Quelques
bons ouvrages, avait organisé le 20 août 1 851 nne
partie de natation dans l'étang de sa belle pro-
priété de Saint-Priest, près de Limoges. Nageurs
et nageuses se jettent gaiement à l'eau et gagnent
le large. Mme de Valon, se sentant fatiguée, ap-
pelle à son aide; son mari mfe vers elle, l'aborde,
la soutient et cherche à la diriger vers le rivage,
3uand tout à coup il s'embarrasse les jambes dans
e hautes herbes. Le comte de Nadaillac (Sigis-
mond du Pouget), habitué de la maison, qui voit
ce qui se passe, ramène vivement à terre Mme de
Valon, puis s'élance au secours de son ami. Dé-
vouement inutile ! il est trop tard, M. de Valon a
disparu sous les eaux, il meurt victime de la plus
cruelle fatalité. Le désespoir de sa femme et de
M. Gabriel Delessert, qui assistaient à cette scène,
est indescriptible.
Seize mois après, Mme de Valon, qui avait trouvé
dans son sauveur nne âme aussi généreuse ^e
sympathique, touchée des soins dévoués et sio-
cères que M. de Nadaillac n'avait cessé de lui
témoigner dans la cruelle épreuve qu'elle avait
eue à subir, et, de plus, encouragée par son père
et sa mère (1), unissait son sort à cet homme de
bien.
En dépit de son âge, Gabriel Delessert — qui,
du reste, n'avait guère connu la maladie — ne
laissait pas s'écouler un seul jour sans faire une
promenade à cheval, au bois de Boulogne on du
Vésinct, ou ailleurs. Le 16 juillet 1856. étant dans
la forêt de Saint-Germain, son cheval s'effraye
(1) Mlle Marie CharloUe de Labordc, née en
iHoG, était fille de la comtesse de Labordo, an-
cienne dame d'honneur de l'impératrice Joséphine,
v{ avait épousé M. Gabriel Delessert, le i" juin
iB-.'/i. Elle mourut en mai i894- Mme de Nadaillac,
sji lillo, née à Passy, ley octobre 1825. mourut éga-
lement à Passy. le a6 mars 1887.
ANNEXES
355
d*iine pierre placée sur le chemin, se cabre, tombe
des quatre pieds k la fois, jette sous son corps le
corps de son habile monteur et pose ses pieds sur
sa nuque. M. Delessert a la colonne vertébrale
presque brisée, on le ramène à demi mourant à
Passy ; mais, gr&ce aux soins des docteurs Chenu et
Lenoir, médecins de la famille, aidés du chirurgien
Velpeaa, le blessé se rétablit promptement et con-
tinua à remonter à cheval tout comme auparavant.
Six jours seulement avant sa mort, Gabriel De-
lessert chassait avec quelques amis dans une partie
de la forêt de Chantilly qu'il avait affermée. Il
faisait froid. L*étang de la reine Blanche parais-
sait fortement glacé ; un chien poursuit une pièce
de gibier sur la glace, qui se rompt ; Tanimal
tombe à Feau et va se noyer. Un brave paysan
voit le danger que court le pauvre animal, tente
de le sauver ; mais la glace se brise également sous
ses pieds, et il est lui-même sur le point de dis-
paraître. Alors M. Gabriel Delessert, oubliant ses
années, jette son habit à terre pour s'élancer an
secours de cet homme ; on lui barre le passage,
on le retient, en lui montrant qu'une personne
plus rapprochée que lui du lieu de l'accident s'est
précipitée an secours du paysan et du chien, qui
sont tous les deux sains et saufs. C'est dans ce
tragique incident que M. Gabriel Delessert, qui
avait été saisi par le froid, prit le germe de la
maladie dont il ne devait pas se relever.
Néanmoins, ayant appris le lendemain que l'Em-
pereur et l'Impératrice devaient se rendre le jour
suivant à un bal que donnait l'ambassadeur d'An-
gleterre, il résolut, quoique très souffrant, de s'y
rendre, aûn d'y rencontrer l'Impératrice, qu'd
connaissait depuis son enfance et à laauelle il avait
voué une vive affection, afin surtout de pouvoir la
féliciter, ainsi que l'Empereur, sur la manière
miraculeuse dont tons deux venaient d'échapper à
l'attentat criminel du U janvier (i).
Il rentra chez lui vers minuit, à Passy, et, quoi-
que bien enveloppé, il eut froid en route. C'en
était fait de lui ; le lendemain matin une fluxion
de poitrine se déclarait et fit en peu de temps
d'effrayants progrès.
L'Impératrice avait envoyé prendre de ses nou-
velles. Ayant appris qu'on désespérait de le sauver,
elle monta brusquement dans une voiture de ser-
vice et se rendit à Passy. Arrivée dans la chambre
du vieillard mourant, les yeux pleins de larmes,
elle se jette éperdue sur son lit et l'embrasse avec
effusion. M. Gabriel Delessert la reconnaît, tend
sa main défaillante vers Sa Majesté et lui dit :
Soyez bMiel merci!... merci!,,.
Le lendemain matin, 3i janvier 4858, il expi-
rait, âgé de soixante et onze ans, avant gardé jus-
qu'au dernier moment la sérénité de sa belle Ame,
la dignité et la noblesse de son beau visage.
Suivant son désir, qui fut ponctuellement res-
pecté, son convoi et son inhumation au cimetière
de Passy se firent avec la plus grande simplicité.
Sa femme et son fils reposent auprès de lui.
Gabriel Delessert avait été promu oflScier de la
Légion d'honneur en i832, commandeur en 1839
et grand oflicier en 1845. U était pair de France
depuis le 24 mars 1844.
La propriété au'il habitait au n® 19 actuel de
la rue Raynouard avait été construite sur l'empla-
cement de la demeure du doc de Lauzun, qui y
avait donné quelquefois l'hospitalité à Saint-Simon,
son beau-frère. A propos de cette demeure, Amé-
dée Achard disait en 1867 (1) :
€ Là est une maison fameuse, où la plus aimable
hospitalité a fait accueil à tous les hommes qui
ont un nom dans la politioue et les lettres. M. Cou-
sin, M. de Rémnsat, M. Mérimée, M. Tbiers, M. le
prince de Broglie, M. Sainte-Beuve en savent le
chemin. C'est une des gloires et des élégances de
Passy que d'avoir conservé le salon, ouvert autre-
fois par M. Gabriel Delessert, qui fut le plus hon-
nête homme de son temps. »
Nous ne pouvions finir cet article par un plus
bel éloge.
DELESSERT (Alexandre-Henri-Édonard), fils
du précédent, naquit à Paris le 15 décembre i 828.
A vingt-deux ans, il accompagna le savant M. de
Sauley dans son voyage à la mer Morte, et visita
successivement la Palestine, la Syrie, la Turquie,
la Grèce, la Sardai^e, l'Italie, l'Allemagne et
l'Angleterre. Il publia k Paris en 1853 : Voyage
aux Villes maudites. Un an après, il fit paraître
Une Nuit dans la cité de Londres; en 1855,
Six Semaines dans Vile de Sardaigne; en 1860,
un livre fantaisiste intitulé le Chemin de Rome,
s'il vous plait ? et, en 1862, Toujours tout droit,
réponse au livre précédent. U avait été en 1851
un des fondateurs de VAlhéneum français, au-
quel il ne cessa de collaborer jusqu'à sa fusion
avec la Reloue contemporaine en 1856 (2).
Comme son cousin Benjamin Delessert II, il
s'intéressa vivement aux débuts de la photographie,
et fut le premier l'auteur de pièces de dimensions
considérables. Au mois de septembre 1860, il
exposa les épreuves d'un cheval de pandeur natu-
relle et de personnages de même dimension, qu'il
avait obtenues à l'aide d'un appareil de son inven-
tion qu'il fit breveter sous le nom de Porte^
lumière Edouard Delessert et Bianctû.
Enfin Edouard Delessert s'occupa longtemps
d'affaires financières, devint vice-président du
conseil d'administration de la Compagnie des che-
mins de fer de l'Ouest et administrateur de la
Banque de I Indo-Chine. Il était, en plus, membre
du Jockey-Club et du cercle de l'Union artistiaue.
En 1855, il avait été nommé chevalier de la Lé-
gion d'honneur; il fut promu officier quelques
années après.
11 mourut à Paris le 28 mars 1898 et fut inhumé
au cimetière de Passy.
Il avait prouvé tout l'intérêt qu'il portait à nos
travaux, en se faisant inscrire un des premiers
sur la liste de nos sociétaires. Depuis, deux autres
(0 On se rappelle que lo îaoir dft ce joiir-là,
Orsini cl ses trois complici'S loricèronl, nir Le
Pelellcr, trois bomlws sur la voitiiri; de rKmperciir
et de rinipcratrico, qui sr rendaient à l'Opéra.
(n Par'm-Gmde, 1H67. l.îî, pp. i23h. lafll.
(iiOulre les ouvrages énoncés. Edouard Deles-
sert putdiaenrort' une dizaine d opuHCult's sur dos
sujets difTércnts.
356
HISTOIRE DU XVI* ARROiNDISSEMENT
membres de la famille noas ont honorés de lear
adhésion : le très regretté baron Bartholdi et
Mme Odier, dont nous souhaitons TÎYement voir
le nom figurer bien longtemps encore sur la liste
de nos acmérents.
* •
Ici s*arréte notre monographie des Ûelessert,
que nous avons longtemps hésité à écrire. Ce n'est
guère par les membres de la famille, on le sait,
qu'il eût été possible d'obtenir des renseignements
plus nombreux, et surtout plus intimes : leur
amour du silence pour tout ce qui les concernait,
leur modestie, excessive peut-être, mais qu'on ne
saurait blâmer, leur inspiraient l'horreur de tout
ce qui aurait pu ressembler à de la réclame. Force
a donc été pour nous d'avoir recours à tout ce
qui a été écrit sur eux par des contemporains qui
les avaient fréquentés, et à leur faire de nombreux
emprunts. Aussi notre travail s'estil, en partie,
simplement borné à réunir des documents épars,
à les coUationner et à les mettre en ordre.
Ces documents, nous aurions hésité aies publier
du vivant des frères Delessert, dans la crainte de
blesser ce sentiment de modestie qui, chez eux,
était une véritable passion ; mais aujourd'hui que,
hélas ! ils ne sont plus, nous regardons comme un
deroir de reconnaissance de les insérer dans nos
Archives, pour perpétuer le souvenir de ces hommes
de bien dont la vie peut servir de modèle à tous.
Ah ! s'il nous eût été donné de connaître tous
les actes de bonté et de bienfaisance qu'ils répan-
dirent chaque jour si discrètement sur Passy et
ailleurs, pendant une grande partie de notre siècle,
bien des pages ne suffiraient pas à les divulguer.
C'est d'eux qu'on peut dire que leur main gauche
ignorait le bien que prodiguait leur main
droite, et nous ne saurions mieux finir qu'en réé-
ditant ces mots bien connus :
Oh! les braves gens ! les braves cœurs !
Léopjld Mar.
OUVRAGÉS CONSJLTÉS :
biographie des hommes utiles {Socictc Monlhyon
et Franklin), année i^ : Etienne Delessert, par
Jorry de Mancy.
Eloge historique de Benjamin Delessert, académi-
cien libre, par M. Flourcns, secrélaire perpétuel de
l'Académie des Sciences (lu dans la Hcauce pu-
blique du 4 niars> iBôo).
Nolice sur la vie de Benjamin Delessert. par le
comte d*Argout (lue à l'assemblée jçénéraie des
Caisses d'épargne, le 8 mai i847); Paris, Pion frères,
i847, pièce in-?.
Notice sur Benjamin Delessert, par Alphonse de
Candolle.
Travaux et Bienfaits de M. le baron Benjamin De-
lessert, par le baron Ch. Dupin; Paris, F. Didot
frères, iSfy], pièce in-32. ....
Eloge de Benjamin Delessert, par Paul-Anlolne
Cap (de Paris), couronné par l'Académie de Lyon;
Paris, Pion frères, i85o, in-8. „ . .
Notice chonoloaique sur M. le baron Benjamin
Delessert, par Tisseron et C. V., Paris, imp. de
Mme de Lacombe, i847' P»<'Ce in-8, extraite des
Archives des hommes du jour,
• Biographie Michaud, long article sur Benjamin
Delessert.
Magasin pittoresque, articles sur Benjamin Deles»
sert, années 1847, P* ^'y ^^^i P* ^t >^
p. 103.
Notice biographique sur la oie et les travaux politi-
?mes de M. François Delessert ; Paris, à t Administra-
ion générale, i845, pièce in-8, extraite des Contem-
porains.
M. Gabriel Delessert, par Tripier le Franc ; Paris,
Dentu, 1^, 1 fort volume grand in-S.
Edouard Delessert, par Henry Lauzac, extrait du
3* vol. de la Galerie historique et critique du
XIX* siècle ; Paris, Bureau de ta Galerie, 1861, pièce
in-8.
Annales historiques nobiliaires et biographiques, par
Tisseron. — Voir l'article sur les Delessert.
Notice sur la collection de tableaux de MM. Deles'
sert ; Paris, i846, in-8.
Catalogue des tableaux de M. François Delessert ;
Paris (s. d.), in-8 (contenant a36 numéros).
Galerie Delessert, par Ch. Blanc {Gazette des
Beaux-Arts); Paris, Claye, 1869, S^- ^°^ ^^'^^
8 eaux-fortes.
LA TOUR D'AUVERGNE A PASSY
S'il est on hi)te dont Passy puisse yèritable-
ment être fier, c'est à coup sûr Théophile Maio-
Corret de La Tour d'Auvergne, surnommé le
premier grenadier de la République^ si grand
par sa bravoure, son ardent amour de la patrie,
sa candeur, la sensibilité de son ftme, son indé-
pendance de caractère et son désintéressement. Sa
biographie est dans toutes les mains ; nous nous
contenterons de la résumer brièvement jusqu'à
l'époque de sa retraite défioitiTe, sur laquelle
nous nous appesantirons davantage, parce qu'elle
appartient essentiellement à notre histoire locale.
Né, le 23 décembre 1743, à Carhaix, dans le
Finistère, voué au métier des armes, il entra, le
3 avril 1767, en qualité de sous-lieutenant, dans
la deuxième compagnie des Mousquetaires noirs,
se distingua particulièrement en Espagne, surtout
au siège de Port-Mahon, à la fin de 1781 , et revint
en France le 23 janvier 1782. Il fut enfin nommé
capitaine à l'ancienneté ^le 29 octobre 1784, et
chevalier de Saint-Louis le 6 octobre 1791, après
vingt-quatre ans de service. La Tour d'Auvergne
fut toujours favorable aux principes de la Révo-
lution, fit la campagne de 1792 à l'armée des
Alpes, puis commanda en 1793 et 1794, à l'ar-
mée des Pyrénées occidentales, les compagnies de
grenadiers qui s'immortalisèrent sous le nom de
colonne infernale. Autorisé à prendre sa re-
traite définitive le 7 janvier 1795, il s'était
embarqué le 5 février suivant, à Bayonne (1),
sur on navire breton qui devait le ramener dans
son pays natal, quand il fut fait prisonnier par
les Anglais et emprisonné à Bodmin dans le
comté de Cornouailles. Au début de sa captivité,
ses geôliers voulant le forcer à quitter sa cocarde,
il la perça de son épée jusqu'à la garde, déclarant
fièrement qu'il se laisserait plutôt tuer que de la
rendre. Enfin, libéré le 7 janvier 1796 à la suite
d'un échange de prisonniers, il débarqua au Havre
(1) Quelques bio^raphefi disent: à Bordeaux:
La Tour a'Auvergnc, dans une do ses lettres,
dit : à Bayonne.
ANNEXES
357
le 42, passa deax on trois mois à Paris, pais, sa
santé étant fortement ébranlée (i), il se résolut à
demander à nne campagne qni ne Féloi^nàt pas de
ses amis Tair et le repos qui lai étaient néces-
saires, et choisit Passy, où il vint an printemps
de 1796 se fixer chez ses amis Pierre et Joseph
Paullian.
Avant d*installer La Toar d*Aavergne parmi
noos, il nons semble intéressant de donner
qoelqaes détails sar la propriété qn*il habita.
Située vers l'entrée de la me Basse (Raynouard),
à gauche en venant dn coavent des Bonshommes,
et après le passage des Eaux, elle avait été achetée
en 1769, moyennant 39.950 livres, par Pierre-
Louis Dhiesme (ou Dhieme) de Paullian, ancien
officier, et se composant de deux maisons conti-
G€8 communiquant par leurs cours et terrasses,
première, dite la petite maison, avait entrée
par une petite porte au-dessus de kqaelle était
alors rinscription suivante : Nouvelles Eaux
minérales, vitrioliques, ferrugineuses et astrin-
gentes. Sur une des terrasses dn jardin, et adossé
au corps de logis, était le puits de la fameuse
source découverte en 1754 par M. de Calsabigi
(ou Calzabigy), et dont le docteur Raymond a ra-
conté Thistoire à la page 54 de notre premier
volume. La deuxième, dite la grande maison,
consistait en trois petits bâtiments donnant sur la
rue Basse, et sur la terrasse était une grande
maison éclairée par cinq fenêtres de face regar-
dant la Seine. Il y avait, en pins, écuries, serres,
celliers, etc. Ces deux maisons avaient été saisies
sur M. Antoine de Calsabigi et sur la succession
vacante de sa femme, Simonne Dorset, veuve
d*Antoine du Rn de La Mothe, major général au
service du roi de Pologne (Stanislas?), et étaient
dites ensemble : maison de la générale de La
Mothe (2). Elle porUit à la fin du xvni« siècle,
suivant la numération de Tépoque, le numéro 66,
correspondant au numéro 21 actuel, faisant partie
des propriétés de la famille Delessert et actuelle-
ment habité par la Mme la baronne Bartholdi.
€ La raison, la seule raison qui m*a fait quitter
« Paris, disait La Tour d*Auvergne à son arrivée
€ chez nous, c^est que la vie qu'on y mène a
« quelque chose de trop agité pour satisfaire
« les goûts d*ua homme simple, qui a besoin
€ aujourd'hui de faire succéder un peu de repos
< à de longues fatigues et à de pénibles travaux.
« A la campagne, ou dans les petites villes, on se
« trouve dans sa situation naturelle; et, étant
« placé entre la société et la retraite, aussi bien
€ qu'entre lereposetd'agréab*es occupations, Ton
(1) La Tour d'Auvergne, outre les fatiiarucs de
ses nombreuses campagnes, se rcssenlail tou-
jours d'un terrible coup d'épée au'il avait reçu
dans un duel, le 9o août 1778 ; de plus, sa vue
était fort affaiblie, ses dents supérieures étaient
tombées, et les inférieures, comme il le dit lui
même, ne tenaient plus qu'à un fil.
(a) Voir aux Archives nationales, section admi-
nistrative, le registre des ensaisinements d'héri-
tages à Auteuil et au Bas-Pass^, en la seigneurie
de l'ahbave de Sainte-Geneviève. Le legs de
M. Parent de Rosan doit en contenir une copie
qu'il avait communiquée à la librairie du Moniteur
universel quand elle publia en 1874 une seconde
édition de Y histoire de la Tour a Auvergne par
M. F.-V. Maisonneufve.
€ se tire de la dépendance en cherchant les scn-
€ tiers qui nons dérobent à la foule, et Ton jouit
« enfin de cette précieuse liberté sans laquelle on
€ ne peut être véritablement heureux. C*est dans
€ ces sentiments que f ai quitté avec joie Paris et
€ la grande scène des événements, pour chercher
€ Toubli et Tobscurité. »
La Tour d*Auvergae n*avait alors que 800 livres
de retraite (i) et 1.000 livres environ de revenu
patrimonial; c'était plus qu'il ne lui en fallait
pour satisfaire ses goûts modestes ; aussi consa-
crait-il la majeure partie de ce revenu à des
œuvres charitables, et l'on peut dire que jamais
pauvre ne frappa vainement à sa porte. Jusqu'à sa
mort il servit une pension de 600 livres à la
veuve d'un de ses amis, pauvre mère de famille
devenue subitement folie à la suite de revers de
fortune, et qu'il avait fait placer dans une mai-
son de santé.
€ Quoique je ne reçoive que 25 livres par
€ mois en numéraire et le reste en mandats —
< écrivait-il à un de ses amis, peu de temps
€ après son arrivée dans notre commune — j'en
< ai assez pour aller doucement dans la vie. Je
c me prosterne bien plus volontiers devant la
c Providence pour la remercier, que pour lui rien
€ demander. Du pain, du lait — cet aliment
€ était alors à peu près le seul qu'il pût suppor-
« ter — la liberté et un cœur qui ne puisse
€ jamais sentir l'ambition : voilà l objet de tous
€ mes désira. »
Ne croyez pas que son temps fût entièrement
consacré au repos. La Tour d Auvergne était un
érudit quelque peu numismate et un polyglotte.
Il reprit son travail sur les Origines gauloises,
dont il fit paraître en 1797 une troisième édition,
beaucoup plus complète que les deux premières,
et continua ses recherehes sur l'origine des
langues. L'épigraphe qu'il avait mise en tête de
ses Origines gauloises, et qu'il avait emprun-
tée à La Végèce, peint bien l'homme : € Les
c choses accomplies avec courage ne sont que
« d'un temps, mais celles qui sont écrites pour
€ la patrie sont éternelles. » Son manuscrit des
Oriatnes gauloises, lès Commentaires de César ^
la rie de Turenne, de la famille duquel il des-
cendait indirectement (2) et qu'il avait pris pour
modèle, ne l'avaient jamais quitté dans ses cam-
pagnes.
A Passy, que vovait-on comme ornement dans
son modeste lo|ps?... Toujours ses manuscrits,
les livres qui lui étaient nécessaires, ses médailles
antiques, ses vêtements militaires, ses armes et sa
pipe, et... c'était tout!
La Tour d'Auvergne n'était guère notre hôte
que depuis un an, ^and, au mois d*avril 1797,
il apprend que la réquisition militaire a enlevé à
son vieil ami Térudit Le Brigant le seul fils qui
(1) Il avait demandé que son traitement de re-
traite fût appliqué aux pauvre» de sa ville natale,
mais le Comité de salut public n'adhéra pas h
cette proposition .
(2) Henri Corrtd, son bisaïeul, était frère naturel
de Turenne et du second duc de Bouillon. La
Tour d'Auvergne avait été autorisé, le a3 octobre
iy77, k porter les armes de la maison de La Tour
d Auvergne, en y ajoutant la barre de bâtar-
dise.
HISTOIRE Dt' XVI' ARDONIXSSEMtNT
loi restait. l'noitiDe Malien de m» TieaxioDn(l).
(^e fait-il ? N'koutint que son cceur, il sollicite
aTecinstanc^diiDireclairelapermisiioi] derempla-
Mrcejeane hommeïl' armée, l'obtient et part (9).
Point n'est besoin de louer un tel acte, il suffit de
le raconter. La Tonr d'Auvergne ikait alors cin-
qnante-cinq ans ; la campagne fut de courte du-
rée et, le Iraiti de Campo-ïonnio ijant été signé
le il octobre 1797, il revint en France au mois
de norembre, demeura an moment il Paris, rue
Croix-des-Petits- Champs, 1 l'hâtel de la Marine,
et rentra i Passy, ch«i les frères Paallian, où il
d'Auvergne cbartnait ses amîs par son éi
MU bon sens etl'éléTntion de son caractère.
Ad mois d'avril 1799, il part nue seconde fois
pour remplacer le jeune Le Brigant, et, dans les
mois qui suivent, on le troare en Suisse, sous les
ordres de Hassena. Pea de tempe aprët, il est de
retour dans notre commnne, rapportant an lot
d'inscriptions et de médailles romaines qu'il avait
trouvées dans les mines de l'antiiiDe \indonissa
(Windish), et dont il envoya une bonne partie i
son vieil ami Le Brigant.
Après le coup d'titat du 18 brumaire, élu
^:t]i^ai,a'
Portrait de La Tour d'.^uvergne.
(DesïiQ de M. Mar.)
te remit avec ardeur i ses travaux de linguistique
et d'archéologie. C'est vers celle époque que se
rencontraient soavent chez lai les généraux
Desaii, Lecoorbe, Kléber, Horeau et Uessoles ;
Lamarqne, qoi n'était alors qu'adjudant général ;
RespèroD, de ta l':OQr de cassation ; Guezno, re-
présentant du Finistère au Conseil des Cinq-Cents ;
Le^onidec, Toulgoi't, et son ami le plus intime.
Eloi Johanneau, président de l'Académie celtiqne.
On y causait des affaires publiques, des armées et
parfois des belles-lettres. 'loojoars La Tour
2: On adroit le remplaçant, mais On garda l<
membre du Corps législatif pour le département
du Finistère, il refuse cette dignité, qui lui aurait
valu une dotation annuelle de TO.OOO francs. «Je
« ne sais pas faire de lois, dit-Il, Je sais senle-
* ment les défendre; envoyei-mOi aux armées.
« Si la France jouissait de la paix, j« n'aurais pas
< hésité t servir mon pays dans le sein du Corps
< législatif ou du Sénat, mais l'instant n'est pas
* encore arrivé. > Le 35 décembre 1799, il écrit
à son ami Le Brigant : ■ Hou Age et mes in&r-
< mités m'ayant mis hors la lice, je vis mainte-
■ nant dans la plus profonde retraite avec ma
■ pension de réforme, celle d'un simple capitaine.
< Je ne vais plus i Paris et D'approche d aucune
< personne en place; je ne lis plus aucoos jour-
t naui, me trouvant Maucoap plus beorenx par
( ce qn'on pourrait me laisser ignorer que par ce
« qu'on pourrait m'apprendre. >
ANNEXES
359
A ce moment, La Tour d*Aurergne espérait
UDe paix glorieuse et définitive pour la France,
qui loi permit d*aller finir ses jours dans son pays
natal. Le 2 féfrier 1800, dans une lettre adres-
sée au citoyen Girard, propriétaire à Auch, il lui
dit : < J'attends le moment où le vhouannage^
« qui infeste encore ma malheureuse patrie, me
€ permettra, lorsqu^il sera entièrement détruit,
< de revoir mes foyers, d'habiter la chaumière
« qui m'est restée, et d'aller choisir mon tom-
c beau à c6té de mon berceau. Voilà quelle est
< aujourd'hui mon unique rmbition, après celle
< de voir ma patrie libre, heureuse et en paix. Si
€ je recouvre une partie de la bienveillante santé
« que j'ai perdue, j'emploierai à écrire pour le
« pays qui m'a vu naître le temps où ie me verrai
€ réduit à ne pouvoir plus me servir de mon épée.
< Cette douce occupation, à laquelle se mêlera
« souvent le souvenir de mes amis, fera le princi-
er pal bonheur du soir de ma vie. »
Peu de temi>s après, nouveaux bruits de guerre,
qui lui font écrire à son ami Oberlin, professeur et
bibliothécaire à l'Académie de Strasbourg : € Je
« vis à Passy dans la retraite et dans l'obscurité
€ la plus profonde. Cette manière d'être est la
c plus conforme à mes goûts, mais je ne sais si
« l'on ne m'en arrachera pas au printemps, ce
< oui me dérangerait un peu, avant besoin encore
« ae cinq on six mois pour achever mon travail
« sur le rapprochement des langues de l'Europe
« et de l'Asie, comparées au bas-breton. Votre
€ maître, le véritable dépositaire de la langue
« celtique, notre ami Le Brigant, vit toujours
€ dans llndigence. Il se trouve hors d'état de
€ faire jouir ses ouvrages de la liberté typogra-
« phique, et le gouvernement s'obstine à ne rien
c faire pour lui... »
Le pressentiment de La Tour d'Auvergne se
réalisa. Au printemps de l'année 1800, une nou-
velle coalition s'étant formée contre la France, le
jeune Le Brigant fut rappelé sous les drapeaux,
etnotra héros n'hésita pas à s'offrir une troisième
fois pour le remplacer.
Tant de dévouement, ajouté aux actions d'éclat
qui l'avaient rendu populaire, devait trouver enfin
sa récompense : le 26 avril, sur un rapport de
Camot, alors ministre de la Guerre, le premier
consul lui décernait le titre glorieux de premier
grenadier de la République, et lui faisait re-
mettre une épée d'honneur. La Tour d'Auvergne
se montra sincèrement affligé du titre et le déclara
hautement. < Tout me fait un devoir, écrivait-il,
« de m'excuser d'accepter un titre qui, à mes
« yeux, ne parait applicable à aucun soldat fran-
« çais, et surtout à un soldat attaché à un corps
« où l'on ne connut jamais ni premier ni der-
< nier. » Quant à l'épée d'honneur, il l'accepta
avec reconnaissaQce(l), et voici ce qu'il écrivait à
(1) Après la mort de La Tour d'Auvergne, celle
épée d honneur, par arrêté des trois consuls, fut
suspendue dans réalise des Invalides. En 1816,
on la déposa au palais de la Légion d'iionneur, en
attendant qu'elle fAl restituée à la famille. Sous le
rc^ne de Louis-Philippe, elle fut remise aucapi-
taine de Kersausic,neveu de la Tour d'Auvergne,
qui. le 1*' janvier 1861, en fit don à Garibaldi,
alors retiré à l'Ile de Caprcra. Enfin, en i883, les
héritiers de Clanbaldi lonl offerte à la Ville de
son ami Roujoux, au moment de son dernier dé-
part : « Je pars comblé des faveurs du gouverne*
« ment. Il croit que je vaux encore un coup de
« fusil. Il m'a jeté le gant; en bon Breton, je l'ai
« relevé, je vais rejoindre l'armée de Moreau,
« mon ami, mon compatriote. Je retrouverai là
« mes anciens camarades, les grenadiers de la 46*.
« A cinquante-sept ans, la mort la plus dési-
re rable est celle d un grenadier sur le champ de
«bataille, et... j'espère que je retrouverai. »
Au général Moncev, son plus ancien compagnon
d'armes, il dit : « Mon destin est de finir sur les
« champs de bataille ; mon titre de premier gre-
« nadier de France est mon brevet de mort. »
Dans cette disposition d'esprit, La Tour d'Au-
vergne mit ordre à ses afi'aires, distribua le peu
de meubles qu'il possédait, ses livres, ses manus-
crits et ses médailles entre ses amis, fit acquitter
d'avance une année de pension qu'il servait à la
mère de famille devenue folle, fit son testament
et le remit, cacheté de noir, à son ami Eloi
Johanneau. Le 7 juin, jour fixé pour son départ,
les frères PauUian, craignant qu'il ne s'éveillât
trop tard, entraient dans sa chambre à quatre
heures du matin ; éveillé déjà, notre héros était à
genoux, prosterné près de son lit, et... et priait.
Résigné, il adressait à Dieu son FiatvolurUas tua,
et lui demandait de répandre ses bénédictions sur
cette maison qui, pendant quatre ans, lui avait
donné l'hospitalité et quelque repos (1). A cinq
heures, il serrait une dernière fois ses amis dans
ses bras et partait
Six jours après son arrivée à l'armée du Rhin,
le 27 juin 1800, vers dix heures du soir, la lance
d'un uhlan autrichien le frappait mortellement au
cœur, à Oberhausen, prèsde Neubourg (Bavière).
Il fut inhumé au lieu même oîi il était tombé,
face à l'ennemi (2).
On sait que son cœur, renfermé dans une urne
d'argent, suivit longtemps la 46* demi-brigade,
et que tous les jours, à l'appel de son nom con-
servé sur le registre matricule, le plus ancien
caporal de l'escouade dont il faisait partie répon-
dait : Mort au champ à* honneur ! Cet appel
eut lieu jusqu'en 1809, fut repris au 46* régi-
ment d'infanterie après la guerre de 1870 et cessa
quelque temps après. Au mois de juin 1887,
Alessandri, le nouveau colonel du 46*, prescrivit
la reprise nouvelle de cet appel, mais sevdement à
Paris, qui l'a fait déposer au musée Carnavalet.
Elle est en vermeil, avec ceinturon brodé en or,
draj;onne de capitaine, êji>;alement en or, et
plaque ornée d'une tôle de Victoire et de gre-
nades.
(1) La Tour d'Auverjjne était toujours resté fi-
dèle à la foi de ses pères. Toujours, même dans
ses campaf^nes. il portait sur lui une ima^^e du
Christ. « Oui, mon ami — disait-il un jour à M^rLe
Coz. évèque de Rennes — je crois h la religion
chrélienne, à une religion révélée, à la religion
calholique. Ses dojijme s éclairent mon esprit et sa
morale charme mon cœur. C'est à elle que je crois
devoir mes faibles vertus; c'est à elle surtout que,
dans tous les temps, j'ai dûmes plus belles espé-
rances et mes plus douces consolations... Je me
sens plus fort, plus grnnd, plus libre. jjIus indépen-
dant sous lœil d'un Dieu oui voit toutes mes ac-
tions et dont la voix semble m'animer sans cesse
aux combats de la vertu. «•
(•i) Ses restes ont été solennellement déposés au
l*anlhéon. le 4"^'''t i*H>.
36o
HISTOIRE DU XV1« ARRONDISSEMENT
la sortie du drapeau. Cette cérémonie a toujours
lieu au 46^ régiment, ainsi qu'une fête militaire
dite la Saint-La-Tourd'Auvergne^m jour anni-
versaire de sa mort.
L'urne qui contenait son cœur fut déposée en
1815 aux Invalides, remise par erreur, en i8i7,
à Mme de La Tour d'Auvergne Lauragaais, et
en6n, au mois de mars 4841, à Mme de Pontavice
de Heussey, petite-nièce et véritable héritière de
La Tour d Auvergne.
Quand les habitants de Passy apprirent la nou-
velle de la mort du ffremier grenadier de
France, leur hôte, consternés, ils décidèrent
spontanément de rendre un dernier hommage à la
mémoire de ce brave des braves, et le i^ juillet
suivant, à la suite d'un service funèbre célébré
solennellement dans notre église, le citoyen Legard,
ancien membre du tribunal de cassation, pronon-
çait Véloge de La Tour d'Auvergne, qn*il termi-
nait ainsi : « Et vous, patriotes de Passy, qui
« avez élevé ce mausolée aux mânes de La Tour
€ d'Auvergne, recevez le tribut de reconnaissance
« que vous doivent les Bretons, mes compatriotes,
« dont je suis Torgane. Il choisit votre commune
« pour sa retraite, parce que la beauté de son
« site l'enchantait et parce que l'aménité de vos
« mœurs convenait à son caractère. Tous les
« amis, tous les défenseurs de la liberté applaudi-
< ront aux honneurs funèbres que vous décernez
< au premier grenadier de la République, et leur
« estime rendra votre commune célèbre dans les
« armées. »
Ne pourrions-nous pas, à notre tour, rendre un
nouvel hommage à celui que nousavons eu l'honneur
de posséder pendant quatre ans, et ^ui, de la re-
traite que deux des nôtres lui avaient oflferte, a
écrit ces lettres dont nous n'avons donné que des
fragments, suffisants cependant pour faire appré-
cier la belle âme qui les avait inspirées? Ne
pourrions-nous pas, sur l'emplacement de la mai-
son qu'il habita, encastrer un médaillon qui nous
rappelât ses traits et nous fttsouj^er à ses vertus ?
Nul autre que lui ne l'a plus mérité (i).
Léopold Mar.
LES DEMEURES DE BALZAC
A propos du centenaire de l'auteur de la Comé-
die humaine, on s'est beaucoup occupé de ses
(i) Rien h Paris no rappelle le séjour qu'y fil
La Tour d'Auvergne. A Carhaix, une plaque com-
niémoralivc a été placée en i832sur sa maison na-
tale, et une statue en bronze, due au ciseau de
Marochetti, lui a été élevée en i84i. Quelques
souvenirs de lui sont à La Flèche, où il Ht ses pn;-
mières études militaires de 1765 à 1767. Le musée
de Versailles ne possède, sous le n» 53i de son
catalogue, qu'un moulage du buste qui avait
été sculpté par Corbet, et dont l'original, qui or-
nait la salle des maréchaux au palais des Tuile-
ries, a été détruit dans l'incendie de 1871. Le nom
de La Tour d'Auvergne, que porte une rue de Pa-
ris se rattache à une abbesscdu couvent de Mont-
martre, mais ne gloriflc nullement la mémoire du
héros. Seul, son nom est inscrit sur l'Arc de
Triomphe ;... ce n'est pas assez !
différentes demeures. Gomme Balzac nous a tant
soit peu honorés de sa présence, puisqu'il habita
rue des Batailles (avenue d'Iéna), près du Troea-
déro, vers 1835, et au n<* 47 actuel de la rue
Raynouard.de 1844 à 1847, nous pensons qu'il
ne sera pas déplacé, comme complément à Parti-
cle de notre collègue M. de Montagnac, de doniier
ici la liste de ses demeures successives, beaueoup
plus* )mplète, croyons-nous, que celles qui ont
pac'i jusqu'à présent.
Honoré de Balzac naquit à Tours le 20 mai
1799 (1), rue de l'Armée-d'Italie, actuellement
rue Nationale, n<^ 45. Il avait huit ans quand, en
1807, il fut envoyé au collège des Oratoriens de
Vendôme, ob il resta jusqu'à 1813. En 1814, ses
parents vinrent s'installer à Paris, rue de Thori-
gny, au Marais, puis rue du Temple jusqu'au
commencement de l'année 1819, et le jeune Bal-
zac fut mis en pension, d'abord chez M. Lepitre,
rue de Turenne, puis chez MM. Sganzer et Beu-
zelin, rue de Thorigny.
Au commencement de 1819, resté seul à Paris,
il occupe, à raison de trois sous par jour, une
mansarde située rue de Lesdiguières, n« 9, près
de l'Arsenal, et la quitte à la 6n d'avril 1820.
pour aller rue du Roi-Doré, aa Marais ; puis il
rejoint ses parents à Tours, où il séjourne jusque
vers 1825. De retour à Paris, il fonde, au n* 17
de la rue Visconti, une imprimerie qu'il conserve
jusqu'à la fin de 1827. C'est alors que criblé de
dettes et ne sachant oii se loj^er, il rejoint me de
Tournon, n^ 2, son vieil ami, le romancier Henri
de Latouche, dans la maison duquel il était encore
en octobre 1830.
De là, Balzac vint habiter rueCassini, n<^l,près
de l'Observatoire, puis, traversant la Seine, s'en
alla rue Saint-Honoré. De 1832 à 1835, û fut
souvent en voyage, et c'est vers cette époque qu'il
eut domicile, rue des Batailles, n^ 12 (avenue
d'Iéna), près du Trocadéro, où il était sûrement
en 1834 (2).
En 1835, il acheta un terrain abrupt auprès de
Ville-d'Avray, et y fit construire sa maison des
JardieSy maison acquise et habitée de nos jours
par Gambetta, qui y mourut. Pendant son séjour
à Ville-d'Avray, Balzac eut pied à terre me de
Richelieu, 104, au coin du boulevard. Cest à ce
moment qu'il eut l'idée de louer un magasin de
vente sur le boulevard Montmartre, pour les cent
mille pieds d'ananas qu'il rêvait de faire venir
dans son jardin des Jardies,et qui de valent lui rap->
porter un demi-million de revenu. On l'engagea
prudemment à différer la location jusqu'à la ré-
colte qui n'eut jamais lieu.
C'est après avoir vendu sa maison des Jardies,
fantaisie ruineuse, qu'il vint, en septembre 1841 ,
se fixer à Passy, au n° 47 actuel de la rae Ray-
nouard, à l'ancien hôtel de Mlle Contât ; de là.
(1) D après Théophile Gautier, Balzac serait né
le 16 mai 1799. jour de la Saint-Honoré, dont il
reçut le nom, comme de bon augure, e», le jour
même de la naissance de son fils. Mme de Balzac
lit planter un acacia, qui se voyait encore, il y a
quclcnies années, dans la cour delà maison.
(2) L'hôtel du prince Roland Bonaparte nous
semble devoir occuper l'emplacement de l'ancien
n" la de la rue des Batailles.
36i
Fortaaée. 14 fiajoQrd'hai me Baluc, 33). daoa
Diie petite maison <m\ aTaJl jadis appirlena an
financier Beaajoa. Cesi la qu'il moarat, le 16
■adt 4650. Il fat iobamé an cimetière da Père-
Laehaise. près de C.baiiei Nodier e( de Caàmir
Delarigne.
Outre tontes lesdemenres qne nous venons d'u-
diqner, Baluc eut encore nne maison de campa-
gne dite : la Grenadiire. près de Tonrs, maison
qui, en 1838 et 1839, fat habitée par Bèranger.et
< Cett« demenre était euclem»Bt l'antipode de
l'antre. Ani Jardies, il (allait tonjoura monter ; i
Passy, il fallait tonjoars descendre. La première
arait manqnè onelqne temps d'escalier, la seconda
en atait trois étages. On se présenlaiti nne petite
porte de la me qui câtoie les faantenrs de Passy,
donnant de loin sor la plaine de Grenelle. l'Iledes
Cygnes et le Champ de Uars. Pas de maison de-
Tant soi. Un mnr, nne porte Terte et nne Mn-
nette. Le concierge onTrait, et l'onsetronTaitsar
le palier du premier étage en descendant du
Portrait ilr Ratzac (d'aprtfl une eau-forte avantjn Irtlrej.
(Cullecllon de H. Emile PdIIq.)
la propnétê de Beauregard, près de VillenenTe-
Saint-Gearges.
Balzac a décrit son séjonr an collège de Ven-
«tOme, dans Louis Lambert ; sa mansarde de la
me Lndignières dans Faeino Cane. et. dans an
antre ouvrage dont noas avons onblié le nom. son
appartement de la rue Cassini. Daas la Fille aux
yeux d'or, on tronvera la description de son sa-
perbe salon do la roe des Batailles, tout tendu de
satin cerise. Théophile Gautier nous a détaillé les
cariosités de sa maison de la rue Fortunée.
Ouant à son logement de la rue Raynouard, i
Passy. VMci ce qn'endit Gérard de Nerval :
ciel (1). Ad dernier étage on se trouTaîl dans nne
conr. Deni bnstes en terre cnite indiquaient, an
fond, ta demeure dn romancier. Une fois la porte
ûDverte, nne odenr délicieuse flattait l'odorat de
l'homme de goilt. C'était son office, oii, snr des
tablettes soiçuensement dressées, on admirait
tantes les variétés des poires de Saint-Germain
qu'il était possible de se procurer. >
Comment expliquer maintenant les fréquents
I) Ici. Gfrnrfi ilc Nerval fnit uqp petite e
»l : «ur If pnlif.r ilii teeond flagf en dt'CI
ciW, qu'il aurait fallu maître
36â
HISTOIRE OU XVI* AltRONDlSSEMENT
chaD^ements de demeure de Balzac? Théophile
Gantier va nous l'apprendre.
« On se ferait difficilement — dit-il ~ nne idée
du soin avec lequel Balzac cherchait à se rendre
invisible à ses créanciers, et quelquefois bien cer-
tainement avec des terreurs imaginaires. Pendant
une période de sa vie, on n'entrait chez lui qu'a-
vec un mot d'ordre ; si vous ne disiez pas
en enirtaii: f apporte des dentelles de Belgique,
ou : La saison des prunes est airivée, vous
étiez rigoureusement éconduit. Il se créait ainsi la
solitude complète aue réclamait sa manière per-
sonnelle de travailler. »
Si le comité des Inscriptions parisiennes tient à
rappeler les dillérents séjours de Balzac, c'est donc
une douzaine de plaques qu'il lui faudra comman-
der. La rue des Batailles n'existant plus, la Socié-
té historique d'Auteuil et de Passy n'en réclamera
qu'une pour le n° 47 de la rue Raynouard, et
elle est bien capable de la poser elle-même.
L. Mar.
UNE VISITE A LA MAISON DE BALZAC
RUE RAYNOUARD, 47, A PASSY
Le 19 août 1900, le lendemain du centenaire
de Balzac et du banquet donné en son honneur au
pavillon Rodin, au Cours-la-Reine, un certain
nombre de Balzaciens fidèles se sont rend us en pè-
lerinage à Passy dans la maison de la rue Raynouard
n® 47, ob demeura le romancier. Ils y furent re-
çus par la fille et la petite-fille de l'ancienne
propriétaire, Mme Barbier, qui leur firent visiter
le nid de verdure ob furent écrits plusieurs chefs-
d'œuvre du maître ; elles racontèrent sur la
personne et les habitudes de Balzac quelles anec-
dotes caractéristiques. Parmi ces visiteurs se
trouvaient le statuaire Rodin, le critique balza-
cien Léon Maillard, M. Olivier de Gourcuff et
aussi quelques-uns des passionnés admirateurs
étrangers de Bakac, parmi lesquels M. Eudofilo de
Alvarez. C'est un souvenir f((]u'il appartient à la
Société historique de recueillir en passant.
Ëug. Manuel.
C'est sur son emplacement que de nos jours a
été percée une partie de la rue Jean-Bologne.
C'est alors que pour remplacer l'école désaffec-
tée, Mme Claude Chahu acheta dans la rue Vieille
(Raynouard) une maison nouvellement construite
entre oour et jardin s'étendant jusqu'à l'église.
Cette maison, peu après, devint le presb}tère et
l'est encore amourd'nui.
D'après la tradition, Mme Chahu aurait eu cette
propriété à très bon compte, et voici pourquoi :
elle appartenait alors à un honnête procureur,
bourgeois de Paris, qui l'avait fait bâtir depub
peu et comptait bien y finir doucement ses jours.
Rapporteur d'une affaire dans laquelle il avait
fait manger beaucoup d'argent à son client, il eut
la maladresse de la perdre. Furieux de la perte de
son procès et surtout de son argent, notre client
jura de se venger du bon procureur. Il apprend
que celui-ci vient de faire bâtir à grands frais,
au village de Passy, une maison qu'il affectionne
beaucoup et dont surtout il ne se lasse pas d'admi-
rer la vue. Aussitôt il court à Pas^, achète le
terrain qui se trouve de l'autre côté de la rue,
vis-à-vis la maison du procureur et s'empresse
d'y faire élever nne haute maison oui masque
entièrement la belle vue qui faisait le bonheur du
suppôt de Thémis (1). De dépit, celui-ci, pour ne
plus avoir devant les yeux cette maison construite
avant tout pour le faire enrager, se hftta de ven-
dre la sienne à Mme Chahu, oui l'eut presque
pour rien, et qui par acte du 29 janvier 1673,
en fit don à la Communauté des manants et
habitants du village de Passy,
Quelques années après, les Bamabites durent
racheter cette maison d'école à la commune, pour
y établir leur nouveau presbytère, l'ancien étant
devenu tout à fait insuffisant ; nous voyons, en
effet, d'après les actes conservés aux archives de
la paroisse, que le 7 juin 1681, Mme Chahu fit
un nouveau et dernier don de 5.000 livres pour
aider au rachat de cette maison, qui ne fut payée
que 12.000 livres. Et la jolie vue qu'on pourrait
avoir du presbytère est toujours cachée par la
maison d'en face, au rez-de-chaussée de laquelle
les bons contribuables allaient récemment encore
s'acquitter de leur impôts, avant que le percep-
teur nouveau les invitât à le faire rue Ribéra.
L. Mar.
POURQUOI LE PRESBYTÈRE DE NOTRE-
DAME-DE-6RACE FUT ACQUIS A BON
COMPTE.
Avant 1667, Savinien Le^as, conseiller notai-
re et secrétaire du roi, avait donné à Passy, pour
y fonder une école, une maison avec petit jardin
lui appartenant ; mais la plus grande partie de ce
jardin ayant été prise pour la construction de
l'église, on affecta cette maison au presbytère.
L'ARRESTATION D'ANDRÉ CHÉNIER A PASSY
C'était dans la soirée du 7 mars 1794. Gennot,
agent du comité de sûreté générale, se rendit à
Passy avec l'ordre d'arrêter M. Pastoret, ex-lé-
gislateur et administrateur du département de
Paris, demeurant à la porte du bois de Boulogne,
(i) Voir : Didionnaire des environs de Paris, par
Peyre,i8i6, pp. 496,496. D'autres ouvrages anté-
rieurs sur les Environs de Paris, dont nous ne
nous rappelons pas exactement les titres, avaient
ëgaleincul raconlé cç fait,
TJB-à-Tis de la Moett», »ecH.etMnie Piuslory.
Mme Pisotory était la belle-mère de M. Paaloret.
GeuDot Mail eu outre autorisé à airèler tout indi-
TJda trauré sa domicile de M. Pastoral et parais-
sant suspect. Accompagné de deux membres du
comité de surveillance de Pass; qui devait l'asaia-
ter.et, au besoio, requérir la force armée, il ge
rendit au domicile indiqué, mais d'; tronra que
Mme Putoret et Mme Piscalor?, pins Audré Ché-
nier, qui dut justifier sa présence et l'épondil qu'il
accompagnait une dame de Versailles qu'il devait
reconduire en cette tille, en prenani une voiture
au bureau du coche. Il était dix heures moins nn
quart. Geunot et les deux commissaires de Passy.
peu satisfaits de l'explication, mireul André Ché-
( ironvi un puticolier i qui nous avons mandé
I qui il était et le sujest qai l'avait conduit dans
t celle maison il nous a eiibèe sa carte de U sec-
I tion de Brutus (1) en noua disant qu'il retour-
( nabi apparis, et qn'il étoit Bon citoyen et que
( cotait la première foy qu'il venoit dans cette
■ maison, qu'il étoita eompagnier d'une citoyenne
I de Versaille dont il devoit la conduire audit
( Versaille apprest avoir pris une voiture an ba-
[ reaux du cauche il nous a fait celte déclaration
I ï dix heures moins ua quard du soir i U porte
I du bois de Boulogne en face du d-devant chl-
( teaui de Lamuelte et appresi lui avoir fait la
■ demande de sa démarche nous ayant pas répon-
■ du positivement nous avons décidé qu'il seroit
Maison oii Tut arriïté André Cbénier, chei Mme Renouord, à Passy,
(Elirait de CAImanach du M'igaiin pitloruque.)
nier en état d'arrestation dans la maison même
où ils l'avaient trouvé, revinrent le lendemain
procéder i son interrogatoire et en dressèrent
procès-verbal.
On possède ce curieux procès-verbal publié par
StÎDte-Beuve, au tome IV des Causeries du Lundi,
k la date du 19 mail851.En voici le préambule,
dont nous respectons scrupuleusement l'ortho-
graphe :
< Le dix-huit vantos l'an second de URépnbli-
< que française une et indivisible.
< En vertu d'une ordre du comité du sQreté
< générale du quatorze vantose qu'il nous a pré-
c sente le dix-sept de la même anée dnnt le
< citoyen Guéaot est portenr de laditie ordre,
< apprest avoir requis le membre du comité ré-
■ volnlion et de surveillance de ladîtte commune
■ de Passy les Paris nous ayant donné eonnais-
■ sauce dndit ordre dont les ci-dessus étoit |>or-
< teors, nous nous sommes transportés, maison
< qnaucupe la citoyenne Piscatory ou nous avons
* en arrestation dans laditte maison jusqui que
t ledit ordre qui nous a été commaniqniè par le
< citoyent Genot ne soit remplie mais ne trouvant
< pas la personne denomé par ledit ordre, nous
* l'avons giTÛi jusqu'il ce jourdhuy dix-huit. Et
< appresl les réponses des citoyene Pastonrel et
< Piscatory nous avons présumé que le citoyout
« devoit estre interrogés et apprest son iaterro-
< gatioD estre conduit apparis pour y estre déte-
< nue par mesure de snretté générale et de suitte
« avons interpellé le citoyen Chenier de nous dire
€ cest Domd et snroomd âges et payi de naissance
< demeure qualité et moyen de sabssiltè. >
Suit l'inepte interrogatoire (2). André Chénier
fut conduit au Luxemboui^, mais le coociei^e de
rue lie Cléry. k rnngle do la
(a) Signé: Gennot, Çrnniot!
..,*,.
HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEKENT
364
cette prûoD D'tjtDt pa le receTwr, il Tôt uené te
9 mtn t Siint-Laiare, d'où il ne sortit que le
jeudi 34 juillet «aÎTint. pour être écrooé ï la
Conciergerie, jugé (?) le leudemaiD matin par le
Iribimal réiolatianiiure et gaillolioë le mf me jour
1 la barrière do TrAm renverté (1).
pas qn'il semble appelé i disparaître araot loK-
temps ; bod utilité poar mettre les habitants mt
propriétés qai le bordent en rapport soit avec lei
qaaiB, soit avec U rne Raynonard, doit suffire i
sa conservation , sans pouvoir ce^daiitenij)ècber
les modifications que peuvent lui &ire sobir d'aa
jonr i l'autre des eonstruetioDsriTeraiaes, etDieo
.e l'.issR);!! des E^ux. rue Itaynouord, ■
La Voûte et l'Escalier en iSSs,
(Dessin île M. L. Har, <l nprèa AlolBva.)
LE PASSA6E DES EAUX
Encore no coin pittoresque dn vieux Passy dont
le souvenir iconographique est i conserver ! Non
(i) On peut éKftlenient voir 1m fiflalli
* cette orrcstnlion et le ttxle du i-rocft-i: ....
Geonot dans l'étude biographique et litl*ri
Irè* complète que notro ancien el ^^-^^ha ^
sidenl. if. Eugène Manuel, a placée
édition des poésies d'André Chénfer dnns
(Jolltctioii dei Bibliophila, publiée par Joub».--..
(N. D. S. G.)
n el regretté pré-
belle
sait û depuis peu le nombre en est grand, surtout
dans ces parages...
Ainù, l'aspect actuel de sou entrée ou de son
débouché dans U rue Raynouard, entre les n" 9
et 41, n'est déji pins ce qu'il était il y a quelques
années ; la voQte qui Ini donnsit un aspect si pit-
toresque a été supprimée. Ausd avons-nous été
heureux de découvrir, pour notre reproduction,
nu petitdessin fait d'après nature, avant cette sop-
Session, par l'babile pùntre Atalaya, qui habite
ssy depuis prés de vingt ans et l'a exploré dans
bien des sens.
Ce passage, dont la partie haute estsi acciden-
tée avec ses cent quatone marches irrégolièrec.
ANNEXES
365
bordées de vieilles moraUles aax lierres retom*
bants, surmontés d'abondantes et folles frondai-
sons, ne doit gnère remonter — croyons-nons —
qa*aux premières années du xviii* siècle, à l'époque
où Fabbé Le Ragois décooTrit dans son jardin ses
fameuses sources d'eaux minérales ferrugineuses,
Yitrioliqnes, sulfureuses et...laxatiTes,etyjoignit
celles de son voisin Guichon (i).
Quand, en 4754, M. de Caisabigi chercha à dé-
tourner la vogue sur la nouvelle source qu'il venait
de découvrir dans le voisinage des anciennes, et
qu'il avait baptisée du nom & Nouvelles Eaux,
on crut devoir, pouréviter toute confusion, donner
à notre ruelle la dénomination de passage des
Anciennes-Eaux, qu'elle garda longtemps.
Vérité digne de La Palisse, son nom indiquait
bien son but : passage conduisant des hauteurs de
Passy an premier âablissement en vogue, mais
non sans quelque danger pour les valétudinaires
peu ingambes, surtout par un temps de verglas.
Arrivé sans encombre — si possible — au bas
des marches, et tournant forcément à gauche,
Texpluratenr tant soit peu curieux était fortement
surpris, il n'y a pas plus d'un an ou deux, à la
vue du dernier survivant des réverbères à huile de
notre commune, suspendu au milieu de la voie par
d^antîques cordages i^). Peut-être eùt-il fallu aller
bien loin pour lui découvrir un frère aussi rétros-
pectif. Le malheureux, honteux de son peu d'éclat
dans notre siècle des lumières, aura-t-il été se ré-
fugier au musée Carnavalet, dont il se croyait
digne au point de vue de la curiosité, ou chez
quelque collectionneur d'anciens lumignons ?
Mais, à défaut de la vue du fameux réverbère,
le voyageur qui s'aventure encore dans ces paraees
ne peut échapper à la lecture d'un avis peint de-
puis un temps semi-immémorial, en gros carac-
tères, au bas des escaliers, et relatif à la propreté
du passage ; cet avis, peut-être utile pour les mon-
tants, est certainement un peu tardif pour ceux
(|ui descendent. Quant à la voûte qui devait rester
immaculée, ainsi que nous venons de le dire, eue
n'existe plus.
Somme toute, comme un peuple heureux, notre
passage a peu d'histoire ; cependant, nous devons
mentionner au n*7 la demeure du docteur Chenu,
l'ami dévoué des Delessert, qui s'est beaucoup occupé
d*histoire naturelle, a écrit de fort bons traités de
botanione, d'entomologie et de conchyliologie, et
analysé sérieusement les qualités des cinq sources
d'eaux ferrugineuses do Passy, dont il a donné une
bibliogra|)hie complète. Un de nos anciens conseil-
lers municipaux d'avant Tanoexion, M. Delpla,
chef de bataillon de Tex-garde nationale, habita
longtemps le n^ 4 ; enfin, un artiste d'un certain
talent, A.-J. Lorentz, vécut assez misérablement
ses dernières années dans cette même maison, où
il mourut le 40 juillet 1889. lléuit l'auteur d'un
pamphlet illustré fort connu, écrit en 4848 contre
(i) D'après une vue du bas Possy, faites vers
1G75. la partie du passage des Enux allant de lu
Seine au n« 4 semble exister déjn et aboutissait
alors en ligne directe à deux maisons assez im-
portantes.
(a) Comme on le voit par notre dessin, fait en
i88a, il y en. avait un autre, mais moins arriéré,
cherchant à éclairer le milieu de l'escalier.
L)uis-Philippe et son gouvernement, et intitulé :
Polichinel, ex-roi des Marionnettes, devenu
philosophe,
L. Mar.
LA SEINE
ENTRE LE POIIT d'iÉNA ET LE VIADUC D*AUTEUIL (i)
La Seine offre des perspectives très belles et
très variées dans la traversée de Paris; le mouve-
ment des bateaux, qui contribue à l'animation, y
existe depuis bien longtemps, puisqu'il date d'au
moins deux mille ans. Les premiers accroissements
de notre grande ville sont probablement dus à sa
situation sur les lies de la Seine, placées entre
les confluents de la Marne et de l'Oise : car cette
position était éminemment favorable au dévelop-
pement des communications avec les pays traversés
par la Seine, l'Yonne, l'Aube, la Marne, l'Oise et
l'Aisne ; dans ces temps reculés, les rivières cons-
tituaient le meilleur et souvent même le seul dé-
bouché pour les échanges. Paris s'est souvenu de
ces origines quand il a mis dans ses armoiries un
vaisseau, avec la célèbre devise : Fluctuai née
mergitur, qui conviendrait i tous les naviga-
teurs.
Si on en juge par une inscription du temps de
l'empereur romain Tibère, qui a été trouvée dans
l'emplacement du chœur de Notre-Dame de Paris
et qui fait mention des Nautœ Parisiaci, l'im-
portance de la navigation de la Seine était assez
grande, dès le commencement de notre ère, pour
justifier la formation de corporations des bate-
liers.
Des documents fort anciens montrent que cette
navigation parisienne s'est toujours maintenue
pendant le moyen âge, malgré l'insécurité qui
était malheureusement si fréquente i cette époque.
Le roi Dagobert* bienfaiteur de l'abbaye de Saint-
Denis, lui attribua les péages à percevoir sur cette
navigation, ainsi que divers droits de port, etc., à
payer par les marchands fréquentant la foire an-
nuelle qui se tenait dans un lieu peu éloigné de
celui oii se trouve actuellement la porte Saint-
Martin.
Un capitulaire de l'empereur Charlemagne sévit
contre des péages irrégulièrement établis sur la
Seine. Un diplôme du roi Louis VU, datant de
1170, qualifie d'antique la corporation des mar-
chands de l'Eau de Paris, en confirme les privi-
lèges et porte que nul ne pourra faire transporter
par eau de marchandises entre Paris et le pont de
(1) Les coteaux de Passvet d'Auteuil s'étendent
jusqu'à la rive droite de lu Seine ; j'ai donc pensé
que quelques détails sur le port fluvial de Paris et
une notice historique et descriptive des ouvrages
compris entre le pontd'Iéna et le viaduc d'Auteuil
pouvaient être considérés comme rentrant dans le
cadre des éludes de notre Société ; je désire que
cette courte monoj^rnpliie aide h conserver les
noms de ceux qui ont travaillé à la oonstructioo
de ces ponts.
366
tItStOtRË DU XVl^ ARRONDISSEMENt
Mantes s'il n'est marchand appartenant à cette
corporation, ou associé à un marchand de
Teau.
La perception de nombreux droits seigneorianx
de péage, l'insuffisance du tirant d*eau pendant la
saison sèche, l'existence de ponts à arches trop
étroites qui se trouvaient en partie fermées par
des moulins, les pêcheries fixes ont entravé pen-
dant bien des siècles ce mouvement commercial.
Quoique de nombreux èdits du Parlement eussent
ordonné la suppression de taxes perçues irrégn-
Ûèrement, il y avait encore, au commencement du
xYiu^ siècle, dix-neuf péages grevant la naviga-
tion de la Seine entre Paris et la Roche-Guyon,
c'est-à-dire sur on parcours de 133 kilomè-
tres.
L'abolition des droits seigneuriaux permit à la
batellerie de prendre un nouvel essor ; mais elle
se trouvait encore gêné par beaucoup d'obstacles :
le chenal abandonné à lui-même était u*régulier , fort
sinueux, peu profond dans les rapides, oU le cou-
rant était violent ; le mouillage s'abaissait, sur
certains points, à 60 centimètres en basses eaux.
Les travaux d'amélioration de la navigabilité de
la Seine ne datent que du xix*^ siècle.
Notre fleuve est actuellement bordé de quais
sur presque toute la longueur de la traversée de
Paris ; on n'y trouve plus de chemin de halage
que sur la banquette p«rreyée d*Auteuil,et le ha-
laee ne s'y exerce plus depuis l'époque à laquelle
a été organisé le service des bateaux-toueurs.
Comme les routes étaient devenues très mau-
vaises dans les dernières années du xviii^ siècle,
le coche d'eau était fréquenté pour les relations
entre Paris, Auxerre, Meaux, l'royes et Rouen ;
ces services ont été délaissés lorsque les dili-
gences ont procuré un moyen de transport plus
rapide.
£n 1834, l'ingénieur en chef des ponts et chaus-
sées Poirée parvint à résoudre le problème diffi-
cile de la construction, en rivière, de barrages
entièrement mobiles, ce qui permit d'entreprendre
efficacement la canalisation de la Seine (4) ; on
se bornait alors à obtenir un tirant d'eau mini-
mum de 2 mètres et c'est dans ce but que fut
construit le premier barrage de Suresnes (i),dont
le fonctionnement permit d'établir le service des
bateaux à vapeur omnibus en 1867, juste à
temps pour conduire les risiteurs à l'Exposition
internationale du Champ de Mars. Avant k cons-
truction de ce premier barrage de Suresnes, au 'il
a fallu refaire ensuite pour porter le tirant d eau
de 2 mètres à 3'", 20, les bateaux à vapeur au-
raient été exposés à ne pas avoir une profondeur
suffisante pour naviguer pendant Tété.
Il fut décidé par la loi du 6 avril 1878 qu'on
remanierait les ouvrages de la Seine, pour main-
tenir en tout temps un mouillage minimum de
S^'jâO, comme l'avait proposé précédemment l'ins-
(1) A Bezons, M. PoiiV'o rr'mplfl(;A l'oncien ncr-
tuis par un barrage ù fernieltes cl à aiguilles,
semblable aux ouvrages qu'il venait d'clablir sur
rY'onnc;il construisit le barrage de Dongivnl,
L'invention de M. Foirée a reçu de nombreuses
applications en France et à l'étranger.
(:•) Le premier barrage, autorisé par décret du
11 décembre iHG'i, a été exécutépar les ingénieurs
Beaulieu et Savarin, qui le lerminèrenl en iK66.
pecteur général des ponts etchansséesBelgrand(l),
I>uis M. Krantz, ingénieur en chef de la naviga-
tion de la Seine et actuellement sénateur (2). Cette
œuvre a été complétée, sous l'inspiration d'un
membre de notre Société, l'honorable sénateor
M. de Freycinet, par la loi du Si juillet 1880,
prescrivant de réaliser le mouillage de S^'.iO non
seulement jusqu'à l'écluse de la Monnaie, mais
dans toute la traversée de Paris.
La canalisation de la Seine, <^ui a été terminée
en 1878, a coûté environ 61 millions : le prix de
transport par terre et par kilomètre, qui était de
8 à 10 centimes en 1830 et de 5 centimes en
1859, est descendu à moins de 2 centimes. La
navigation n'est plus interdite d'une manière ab-
solue qu'en temps de glaces : il est vrai que les
bateaux se trouvent, en outre, arrêtés pendant les
fortes crues par divers ponts, à cause de la faible
hauteur des arches, et qu'ils ne peuvent plus faire
leurs opérations d'embarquement et de débarque-
ment lors<]ue ces crues submergent les bas quais,
({ui se divisent en deux catégories : les ports de
tirage, qui descendent avec une pente transrer-
sale assez considérable jusqu'auniveau de l'ancienne
retenue de Suresnes (3), et les ports droits, qui
se terminent, du côté de la rivière, par un mur
vertical. Les ports de tirage tendent à être pro-
gressivement remplacés par des ports droits.
La traversée de Paris, dont la longueur est de
12 kilomètres, fait partie du bief de Suresnes,
dont la longueur totale est de i5 kilomètres et
demi et dont la retenue se trouve k 27 mètres au*
dessus du niveau de la mer. GrAce à l'établisse-
ment du nouveau barrage de Suresnes, commencé
en 1880 et terminé en 1885, la Seine forme à
Paris un vaste bassin pour lequel, dans l'état
normal et sauf les variations provenant des crues,
le niveau de l'eau est maintenu à peu près constam-
ment à cette altitude (4). On manœuvre le barra-
ge de Suresnes, qui est relié au bureau télégraphi-
quedu quai Mala(iuai8,de maniérée réaliser,penaant
les eaux ordinaires et autant que possible, un ni-
veau constant au pont Royal. Les écluses et bar-
rages mobiles de Suresnes sont séparés par deux
lies (5).
Les grandes routes d'abord, ensuite et surtout
les chemins de fer avaient réalisé pour la circu-
lation publique de tels progrès que la navigation
de la Seine avait paru, aux yeux du public, aroir
fi} Dans un projet pris en considération parla
décision minislénelle du 28 juin i855.
{•a) l*ar diverses publications en 1869 et par dea
rapports présentés à l'Assemblée nationale.
(3j C'est-à-dire à i m. ao au'dessous de la retenue
d'eau actuelle.
[fi) La penle totale de la nnppc d'eau, entre le
pont National et le viaduc «l'Auleuil, séparés par
une distance de ii.6ao mètres, n'est, pendant les
eaux ordinaires, que de 30 centimètres; elle dé-
pend de l'importance du débit, qui varie entre
Oc) el 2.(xx) mètres cubes par seconde, quoique la
Se'ine soit un fleuve relativement tranquille ; la
pente descend au-dessous de 3o centimètres,
quand le débit est très faible ; elle s'est élevée à
2 mètres pendant la grande crue du 17 mars 1876.
(5) La nauteur de chute du barraf^e de Suresnes
est de 3 m. 27 ; la loniïueur utile du sas est de
lOc) m.5o, et largeur niinima de 12 mètres. Cet ou-
vrage a été construit par l'inspecteur général des
ponts et chaussées Boulé, alors ingénieur en chef
de la navigation de la Seine, les ingénieurs
ANNEXES
367
perdu une grande partie de son ancienne impor-
tance.Getteapprécutionest juste pour ce qui con-
cerne les voyageurs et les transports à grande Ti-
tesse; mais il est incontestable que les travaux qui ont
été exécutés, dans ces dernières années, par le
service des ponts et chaussées et qui pourront
recevoir ultérieurement une plus grande extension
ont déjà permis à la batellerie de la Seine de
prendre un déyeloppement énormément supérieur
à celui qui a pu être constaté pendant les siècles
précédents.
La réalisation d*un mouillage minimum de
3*^,20 entre Paris et la mer et Tamélioration des
Toies navigables communiquant avec notre fleuve
y ont considérablement augmenté le mouvement
commercial ; la batellerie a enlevé au chemin de
fer de TOuest une grande partie du trafic des ma-
tières pondéreuses. Paris se trouve actuellement
relié dans de bonnes conditions avec les principa-
les voies navigables de la France, de la Belgioue
et du bassin du Rhin (i); Le trafic totad des
marchandises du port fluvial de Paris, consistant
principalement en importation de combustibles,
maténaux de construction, vins et autres pro-
duits agricoles, est supérieur à celui du port de
Marseille : on peut en conclure que Paru est de-
venu le port le plus important de France (2) au
5 oint de vue du tonnage en poids des marchan-
ises embarquées ou débarquées.
Sauf quelques yachts de plaisance et des ca-
boteurs à vapeur qui portent de Paris à Londres
des chargements de 300 à 400 tonnes, consistant
principalement en sucres, tous les bateaux à mar-
chandises sont des chalands qui ne se prêtent qu*à
la navigation fluviale ; leur tonnaee est générale-
ment de 300 à 500 tonnaux ; il descend quelque-
fois à 25 et s^élève exceptionnellement jusqu'à
i.OOO tonnes, soit un million de kilogrammes,
en pleine charge. Pour un tiers de ces bateaux,
la traction se fait par un touase sur une chaîne
noyée ; les autres sont remorques par des vapeurs
Nicoud el Luneau, les conducteurs Bosselet et
Lerooine, dans un système analogue à celui des
fermettes mobiles inventé en i834* par M. Poirée,
mais avec une liauteur beaucoup plus considérable
pour les fermettes. Les ouvrages métalliques
permettant d'ouvrir et de fermer les trois passes
ont été exécutées par l'usine Joly, à Argenteuil.
Il était très important d'exécuter le barrage de
Suresnesde manière à assurer une stabilité suffi-
sante pour ne pas être exposé à un accident de
nature à imposer l'ouverture de cet ouvrage pen-
dant les basses eaux ; car, si cette éventualité
venait à se produire, la navigation serait inter-
rompue à Paris pendant les basses eaux, et le lit
de la Seine, qui est encore actuellement couvert
de vases provenant des égouts, se trouverait en
partie mis à nu, à l'air libre, sur de grandes sur-
inces.
(1) Les relations par eau avec Lyon ont déjà été
améliorées sur le canal de Bourgogne; les com-
munications avec le Bourbonnais sont devenues
très faciles par Briare.
(a) Navier dans son rapport présenté le i*' mai
l8a6 à l'Académie des Sciences, rapporte que la
durée du trajet d'un bateau du llavre a Paris était
alors de 3o à 35 jours et que le traflcdcs marchan-
dises entre ces villes ne dépassait pas 160.000 tonnes.
Le tonnage du port de Paris s'est élevé, en 189.^
à tt.Gl6o.wfi tonnes pour In Seine seule et à
6.937.714 tonnes, si l'on y njoulo le trafic des ca-
naux Saint-Martin, Sninl-Denisel de i'Ourcq.
dont la longueur varie de 32 à 30 mètres et la
force de 300 à 300 chevaux.
Le transport en commun des voyaseurs par ba-
teaux à vapeur omnibus, tant dans la traversée
de Paris que dans la banlieue est assurée par 107
bateaux à hélice, comprenant 30 hirimdelles
numérotées de 1 à 30, et 87 bateaux parisiens,
portant les numéros suivants ; chaque bateau a
30 mètres de longueur et peut porter, suivant sa
largeur, de 335 à 400 voyageurs. L'embarque-
ment et le débarquement s*opèrent au moyen de
pontons ayant une largeur uniforme de 5 mètres
et une longueur variant de 15 à 30 mètres. Le
nombre des voyageurs transportés en 1895 a dé-
passé 35 millions.
Les ponts reliant Passy et Auteuil aux quartiers
de la rive gauche ont tous été construits pendant
le xii? siècle.
PONT D*1É1«A
Le pont d*Iéna, dont le projet a été dressé en
1806, devait d'abord s*appeleru pont du Champ-de-
Mars », parce qu*il se trouve placé dans Taxe de
cette grande esplanade. Le nom qu*il porte ac-
tuellement lui a été donné par un décret de Tem-
pereur Napoléon l^' daté de Varsovie, 13 janvier
1807, en mémoire de la bataille gasnée sur les
armées prussiennes, le 14 octobre 1806 ^1). Les
travaux du pont dléna, y compris rétabhssement
des quais de l'une et l'autre rive, sur environ 1
kilomètre de longueur, ont été évalués à 6.156.000
francs ; on n'a pas la trace de la dépense exacte du
pont proprement dit et il ne sera plus possible de
connaître ce chiffre, les archives du service des
ponts de Paris ayant été brûlées en 1871. La Com-
mune avait désigné un successeur à M. Vaudrey,
alors ingénieur en chef de la navigation de la Seine,
qui avait quitté son domicile de la rue de la Boëtie.
Ce successeur se présenta au bureau de M. Vau-
drey, ce qui détermina tous les agents à déguerpir;
il déclara qu'il ne pouvait pas faire le service
sans employés et donna ordre à des voitures de
déménagement de transporter tous les papiers de
service à l'Hôtel de Ville ; ils ont été consumés
dans l'incendie de ce monument.
Le pont d'Iéna a été construit par l'ingénieur
en chef Lamandé. Commencé en 1806, il était à
peine terminé en 1814, quand des troupes prus-
siennes firent, sans succès, quelques tentatives
pour le faire sauter. Le roi Louis XVIII s'opposa
à cet acte de vandalisme et déclara au'il irait se
S lacer sur le pont dans le cas oii le feld-maréchal
iliicher, qui commandait l'armée prussienne, en
ordonnerait la destruction. On dit que l'interven-
tion de l'empereur de Russie Alexandre I^'' contri-
bua à sauver le pont; on convint qu'il serait
conservé, mais qu'il changerait de nom : en effet,
une ordonnance royale de juillet 1814 lui donna
le nom de « pont des Invalides » , qu'il conserva
(1) Le pont d'Iéna, dont la longueur est de
158 mètres, est composé de cinq arches ayant
chacune 28 mètres de corde et 3 m. 42 de flèche ;
chaque pile a 3 mètres d'épaisseur; la largeur entre
parapets est de i3 m. 7o.
368
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
jasqu'en i830 (1) ; depuis lors, il a repris son
nom primitif de pont diéna.
Des aigles scaiptés par Lemot ornaient les tym-
pans du pont ; ils ont été enlevés en 1815 et ré-
tablis en 1851 : c'est le sculpteur Barye qui est
Fautenr de ces derniers.
Les piédestaux qui terminent les parapets ont
été ornés, en 1853, de quatre (;roupes équestres
réprésentant des guerriers de diverses nations :
les deux groupes de la rive droite sont de Devaux
etFruchére ; ceux de la rive gauche deDaumaset
Préault.
Le pont dléna aboutit, sur la rive droite
(Passy), à Tancienne route de Versailles, qui se
nommait autrefois, sur ce point, le € quai de
Chaiilot » ; ce quai reçut, par décret du 10 jan-
vier 1807, le nom du général Debilly, tué à la
bataille d*Iéna.
PASSERELLE DE PASSY
La passerelle de Passy est située à une distance
de 553 métrés du pont dlénaet de 821 métrés du
pont de Grenelle ; elle ne sert qu'au passage des
piétons et a été construite pour rétablir, entre le
quartier du Trocadéro et celui du Champ-de-Mars»
la communication temporairement interdite au pu-
blic, sur le pont dléna, pendant la durée de l'ex-
position universelle de 1878. Cet ouvrage, qui
devait être provisoire, a été conservé en raison
des services qu'il rend à la circulation publique.
Il a lO^'.^O de largeur entre garde-corps et se
compose de deux parties, séparées par File des
Cygnes, ayant respectivement pour longueur entre
les culées,sur le grand bras delà Seine (rive droite)
120 mètres, et sur le petit bras {rÎYB gauche) 90
mètres (i).
PONT DE GRENELLE
Une Compagnie a été autorisée, en 1825, à
construire à ses frais sur la Seine, en face de
Grenelle, qui était alors une commune industrielle
située en dehors du mur d'enceinte de Paris, un
(i) En i8i^, il n'existait aucun pont sur i'cmpla*
ccinent du pont actuel des Invalides ; le ponl sus-
pendu qui a été établi sur ce point en 1829 et
était dénommé « pont de l'avenue d'Antin » a été
remplacé, en i855 à l'occasion de la première Ex-
position universelle de Paris, par un pont en ma-
Sonnerie, qui a reçu et conservé le nom de < pont
es Invalides ».
(a) Chaque partie est composée d'un arc central
avec une articulation au sommet, et de deux demi-
arcs joignant les piles aux culées. On voit au
milieu de l'arclic marinière le boulon d'orticula-
tion qui relie les deux moitiés de l'arc central ;
chacune de ces moitiés est ainsi tenue à peu près
en équilibre par le demi-arc de rive ; on pourrait
assimiler cette disposition h celle d'un fléau de
balance ; les deux moitiés de l'arche marinière
s'appuient l'une sur lautre. Les piles sont for-
mées chacune de deux tubes en fonte remplis de
béton. Les travaux ont été exécutés par la maison
Cail, sous la direction de MM. Huel et Bartet, in-
Sénieurs de la Ville de Paris, et sous le contrôle
e MM. Bernard et Pérouse, ingénieurs de la na-
vigation de la Seine. Us ont coOté /|20.ooo francs
auxquels la Ville de Paris a participé pour
310.000 francs, l'Ktat el le sen ice de l'ExpoMtion
chacun pour iu5.ouu francs.
pont en même temps qu*an poK et nne gare,
moyennant le droit de percevoir pendant 47 ans
un péage pour le passage du pont, le stationne-
ment des iMLteaux dans la gare d'eau de Grenelle
(rive gauche) et le dépôt des marchandises sur
le port. Cette Compagnie exhaussa l'Ile des Cvgnes,
qui auparavant était submersible. Le pont de Gre-
nelle comprenait six arches en char|»ente, de 25
métrés d'ouverture, reposant sur des piles et calées
en maçonnerie. Il est devenu, en 1866» la proprié-
té de la Ville de Paris, qui y a supprimé le péage.
On se décida, en 1875, à remplacer les arches en
bois par des arches en fonte, ce qui occasionna
une dépense de 37.000 francs pour le renforce*
ment des culées et de 334.000 francs pour la
substitution de la fonte an bois (1).
Le pont de Grenelle est divisé par l'Ile des Cy-
gnes en deux parties entre lesquelles se trouve, i
l'extrémité aval de cette Ile, la € Liberté éclairant
le monde >, réduction de la statue colossale qui est
l'œuvre du sculpteur Bartholdi et qui orne lapasse
d'entrée du port de New-York.
Pour alléger ce pont, on y a établi un pavage en
bois.
PONT MIRABEAU
Le pont Mirabeau, qui se trouve à une distance
de 530 métrés du pont de Grenelle et 994 mètres
du viaduc d'Auteuil, a été établi pour faciliter l«i
relations d'Auteuil avec le quartier de Javel ; il
dessert,sttr la rive droite,les rues Benjamin-Godard,
Mirabeau et de Rémusat. U a une longueur de
173 inètres et une largeur entre garde-corps de
20 mètres (2).
Les données imposées pour la construction de
cet ouvrage étaient difficiles à concilier : d'une
{lart, l'intérêt de la batellerie exigeait une hauteur
ibre, sons l'arc, suffisante pour le passage des ba-
teaux, même en temps de crue moyenne ; d'autre
part, le niveau supérieur de la chaussée devait
être placé très bas, en raison de la nécessité de
raccorder, au moyen de pentes douces, les abords
du pont avec les rues voisines sans modifier les
niveaux des chaussées de ces rues ; enfin, du cété
de Javel, il fallait franchir le chemin de fer des
Moulineaux aux Invalides, en laissant au-dessas
du rail une hauteur libre de 4 m. 80, pour le pas-
sage des trains. Comme il n'était pas admissible
de couper la perspective de la Seine par des
{^outres régnant au-dessus de la chaussée du pont,
a seule solution possible était un grand arc très
sur baissé. C'est ainsi qu'on a été conduit à laisser un
intervalle de 100 mètres entre les axes des deux
piles, à réduire la flèche à 5 m. 50 et à adopter
pour cet ouvrage métallique, projeté par M. Résal,
ingénieur en chef des ponts et chaussées, des dis-
positions nouvelles qui présentent une certaine
(1) Les trovaux ont été faits par la moison Cail,
sous la direction de MM. Vauarey, ingénieur en
chef. Pesson, ingénieur, et Warcst, conducteur
des ponts et chaussées.
{■i) Le ponl Miraheau comporte une chaussée
de 12 inètres pavée en bois et deux trottoirs de
L mètres ; il se compose d'un grand arc central
ne 9l{ m. 20 et de deux travées latérales de Sa m. 4o
d'ouverture.
ANNEXES
3b9
analogie avec celles usitées depuis quelques an-
nées aux Etats-Unis d'Amérique ; elles ont excité
Tattention des ingénieurs français et étrangers et
ont fait Tobjet d*une étude détaillée et très élo-
ffieuse dans V trigineering des 12 et 19 juin
1896. Elles consistent principalement dans Fadop-
tien d'un système articulé (1), susceptible de lé-
gers mouvements par rotation, tandis que les ponts
métalliques construits en Europe sont générale-
ment rigides et d*une forme invariable. La vue de
cet ouvrage ne permet pas de bien se rendre
compte de son système de construction ; car toutes
les articulations sont cachées.
Les garde-corps sont supportés par une cor-
niche en fonte moulurée, qui fait une saillie très
prononcée sur les parois de Tare, continue le cou-
ronnement en pierre de taille des culées et est
ornée de consoles. Us sont intei rompus à la clef,
au droit de Tarticulation ; mais la solution de
continuité est masquée par un écosson en bronze.
Les deux piles-culées ont été fondées à Tair
comprimé, sur la craie compacte située à environ
16 mètres au-dessous de leur couronnement ; elles
sont ornées de statues en bronze dues an ciseau
du sculpteur Injalbert et fondues dans les ateliers
de MM. Thiébault frères. Les deux culées sont
fondées sur pilotis ; les parements vus des deux
(i) Le pont Mirabi'ou est iin ouvrage à trois ar-
ticulations en acier: une sur chaque pile et la
troisième au sommet de l'arche centrale C'est par
rinlerraêdiaire de celte dernière articulation que
s'arcboutent les demi-ossatures symétriques qui
constituent l'ouvrage. Chaque demi-ossature se
compose de sept poutres équilibrées en acier dont
la partie supérieure est rccttliKne ; la partie infé-
rieure afTecte, à l'iutrados, la forme de deux
demi-paraboles. Ces poutres reposent sur la
Sile par l'intermédiaire d'une rotule, à la manière
un fléau de balance. Toutefois, la volée (nu bras
correspondant h la demi-partie placée au-dessus
du milieu de la rivière) est h la rois plus longue
et plus pesante que la culasse (ou bras de ri\e),
de telle sorte que l'excès de charge, à l'articula-
tion du sommet de larche centrale, développe
une poussée vers la rive sur la pile-culée, clont
les dimensions ont été calculées en conséquence .
Pour les culasse», la chaussée repose sur dc^
voûtes en briques, tandis que pour la travée cen-
trale, elle est portée sur des tôles beaucoup moins
lounles que ces votUes. En augmentant ainsi le
poids permanent de la culasse, on se rapproche de
l'équilibre, ce qui diminue considérablement les
poussées et permet d'admettre un très grand sur-
Saissement du pont, sans que les réactions hori-
zontales, transmises toujours dans le même sens
aux maçonneries, dépassent les limites accep-
tables.
Si l'extrémité de la culasse était libre, une élé-
vation quelque peu imporljinte de la température
se traduirait par une montée veilicale de la clef,
tandis que l'extrémité opposée de la clef s'abais-
serait d'une quantité correspondante, la ferme
tournant légèrement sur sa rotule ; ce mouvement
occasionnerait la nipture de la chaussée. On y a
paré en faisant porter l'extrémité de la culasse sur
une tige articulée et ancrée dans la maçonnerie de
la culée. Grâce à ce dispositif.quand la température
s'élève, chaque poutre peut prendre l'allongement
c^ue lui impose la dilatation, en inclinant cette
tige vers l'arrière, mais sans changement notable
du niveau de la culasse. Les teiupératiires ex-
trêmes admises pour le calcul de ces liges ou
bielles sont — i6» et + ;)6». La charge perma-
nente de la culasse est réglée tU' manière que. le
thermomètre marquant la tempérât uie mo\enne
de io«, le pont soit en éijuilibre, comme si fa liri-
son avec les culées n'existait pas.
piles sont en granit de Cherbourg et ceux des culées
en jpierre calcaire.
On a terminé en 1896 le pont Mirabeau, qui
constitue une oeuvre hardie en raison de la grairae
ouverture de Tare central et de son surbaissement
d*un seixième. C*est dans notre arrondissement
qu'on a fait la première application en France de
grands arcs équilibrés, à trois articulations et à
culasses compensatrices, ancrées dans les cu-
lées (1). La dépense du pont Mirabeau s'est éle-
vée à 2.090.495 francs; on y a établi un pavage
en bois.
VIADUC D AUTEUIL
La construction du viaduc d'Auteuil fut décidée
en 1861, afin de permettre l'achèvement du che-
min de fer de petite ceinture, qui n'avait d'abord
été établi que sur la rive droite de la Seine, jus-
qu'à la station d'Auteuil. Cet ouvrage met en
communication le chemin de fer de ceinture de la
rive droite de Paris avec celui de la rive gauche.
Il a son orieine près de la station d'Auteuil,pas8e
au-dessus du quai de la rive droite par une arche
de 20 mètres, franchit la Seine au moyen d*un
pont-route qui se compose de cinq arches ellipti-
ques égales et dont il occupe l'axe longitudinal et
se raccorde, sur la rive gauche, avec un viaduc
semblable à celui delà rive droite, au moyen d'une
arche de 20 mètres établie au-dessus du quai de
Javel. Pour alléger le liaduc d'Auteuil, on a per-
cé dans les piédroits des arcades continues, ce qui
a pour résultat de permettre la circulation à cou-
vert dans le sens de la longueur.
La partie de l'ouvrage qui se trouve au-dessus
de la Seine est généralement dénommée € viaduc
du Point-du-Jour». Elle devait servir à la fois
de passage aux piétons, aux voitures et aux trains
de chemin de fer ; d'ailleurs la voie ferrée devait
être maintenue à un niveau beaucoup plus élevé que
celui des quais : les ingénieurs ont ainsi été con-
duits à placer le >iaduc supérieur portant les rails
à 10 mètres au-dessus de la chaussée du pont-
route. Il résulte de ces dispositions que le viaduc
du Point-du-Jour est à deux étages : cette super-
position d'arcades lui donne une masse imposante
et un aspect pittoresque, surtout quand on le voit
de loin, par exemple du chemin de fer desservant
Meudon et Bellevue.
La largeur de la Seine à l'étiage, qui est de
113 mètres au pont d'Iéna et de 130 mètres an
pont Mirabeau, est de 118 mètres au viaduc du
Point-du-Jour, qui se trouve à l'extrémité occiden-
tale de Paris. La hauteur totale de l'ouvrage (2)
(i) Les travaux ont été exécutés sous la direc-
tion de MM. Rabel et Résal, ingénieurs en chef,
Alby, ingénieur. Boucher, Lavâllez et Grimaud,
conducteurs des ponts et chaussées. Les entre-
F preneurs étaient, pour la maçonnerie, M. Letel-
ier, et. pour la partie métallique. MM. Daydé et
Pillé (ateiiei's de construction «le Creil). Les essais
du pont Mirabeau ont eu lieu le i8 avril iH96 ;
douze charriots chargés chacun de 16.000 kilogram-
mes et traînés par (jti chevaux ont passé sur la
chaussée, par trois nies tle front, sans que le
tablier ait éprouvé de flexion notable.
(2) Le pont-route a une longueur de 176 mètres;
ses arches ont 2o m, 25 d'ouverture et 9mètresde
24
370
HISTOIRE DU XVI« ARRONDISSEMENT
est de ii m. 53, non eompris les fondations.
La corniche da pont comprend deux assises
ayant ensemble 0 m. 76 de hauteur; Tassi^e supé-
nenre, formant tablette et larmier, a 50 centi-
mètres de saillie et est supportée par des consoles
rectangulaires. Les parapets du pont sont oompo-
ses de 60 traTées correspondant deux par deux
aux arches du TÎaduc supérieur ; chaque travée
comprend, entre les dés, sept balustres circu-
laires.
Les pandes voûtes elliptiques du pont, sont
construites en meulière, les parapets avec balus-
tres en pierre de Saint-Ylie du-Jura et les autres
maçonneries de pierres de taiUe en matériaux pro-
Tenant des carrières de Chitean-Landon.
Les huit trophées des tympans du pont, com-
prenant un N, dans une couronne de cbcoe de
3 m. 40 de diamètre, ont été sculptés par M. Delafon-
taîoe, au prix de 1 .875 francs par trophée.
La première pierre a été posée (i) le "20 jan-
vier 1864; li*s travaux ont été terminé en 4865;
la dépense s*est élevée i 2.864.!23i francs,
partagée par moitié entre TEtat et la Ville de
Paris.
Pendant les deux sièges de Paris en 1870 et
i871, le viaduc d*Auteuil a eu beaucoup à souf-
frir du bombardement ; mais les dégradations
qu'il avait alors subies ont été rapidement répa-
rées (2}.
Auguste Domol.
PAR QUI LE PONT D'IÉNA FUT SAUVÉ
EN 1814
Le baron de La Mothe-Langon a raconté dans
ses Mémoires — plus ou moins apocryphes —
$ur Louis XVIU, comment, en 1844, le pont
d'Iéna échappa au\ représailles des Prussiens, qui
voulaient le faire sauter. Nous allons, tout en le
résumant légèrement, reproduire à peu près tex-
tuellement son récit, oui, malgré tout, nous pa-
rait très vraisemblable et Test certainement,
quant au fond.
flèche. Le viaduc supérieur sr compose de
3i arches en plein cintre de ^ m. Ho d ouverlure ; à
chaque grande arche elliptique du ponl aonl su'
perposées six arche» du viaduc supérieur, qui
occupe sur le milieu du ponl une largeur de 9m.3o;
il reste de chaque côle l'espace nécessaire pour
la chaussée el les trollDirs; nés escaliers permet-
tent de descendre sur les chemins de hala^e ou
quais. Les massifs des tympans sont évidés au
moyen «le voûtes, ce qui représente une réduction
de poids de 3.3oo tonnes par pile.
(1) Le viaduc du Point-du- our a été exécuté
Kous la direction de M. Bassom pierre Se w ri n, in-
génieur en chef, de VîIIiers du Terra ;;e, in;,'énieur,
Lion et Jaquot. conducteurs des ponts et chaus-
sées. L'entrepreneur de ces j^rnnds travaux était
M. Etienne Ferrichont, qui a été longtemps con-
seiller municipal d'Auteuil.
(2) Nous résumerons, dans un prochain Bulletin,
les dé;;âts occasionnés dans le XVI» arrondisse-
ment parles deux sic'îes, soit au pont-viaduc, soit
à d autres monuments ou à des maisons particu-
lière!». (N. D L. IL)
« A peine Ltmis XVUI était-il rentré aux
Tuileries en i81i, ^*on vint Tavertir qne les
Prussiens allaient faire sauter le pont d*léna, et
^ déjà ils avaient commencé i miner la partie
inférieure des piles. Immédiatement il envoya
chercher le feld-maréehal Blodier. Cet ennemi
implacable cherchait, à force de iactance et de
forfanterie, à remplacer la dignité qui lui man-
quait. Il se présenta donc au roi avec un air de
raideur et d importance, sans ancune marque de
respect ni d'égards. Le roi, feignant de ne pas
s'apercevoir de la rudesse de ce soldat à demi
sauvage, lui dit avec la plus grande doueeir :
Monsieur je niaréchal,des ennemisdu roi votremaltre
prétendent que vous allez, par ses ordres, détruire
un monument de ma capitale dont le nom semUe
vous porter ombrage : je n*en veux rien croire ;
mais, comme je désire être agréable 4 tons mes
alliés, je viens de donner Tordre que le pont
dléna reçût le nom de pont de TEcole Militaire,
et j'ai voulu vous le dire moi-même, pour que
vous poissiez rapprendre à votre souverain. —
Sire, répondit grossièrement filùcher, je ne pois
laisser subsister dans Paris un monument dont le
nom est une insulte pour ma nation. Le pont
dléna dbparaitra, et ses débris attesteront à la
postérité que la Prusse n*a pas tardé à prendre
sa revanche. — Vous êtes bien sévère! Monsieur
le maréchal, ne vous suffit-il pas d'être entré
dans Paris 4 main armée, et faut-il punir des
gierres insensibles, du nom qu*on leur a imposé?
onaparte, dit Bliicher, a emporté les chevaux de
bronze de la porte triomphale de Berlin, il faut
une représaille. — U vaudrait mieux alors, reprit
le roi avec un sourire ironique, emporter le pont
qne le ieter dans la ririère. »
Bliicncr, malgré son écorce rustique, sentit
rironie; il en rougit, mais répéta que rien ne le
détournerait de prendre cette vengeance éclatante
de toutes les insultes ^e sa patrie avait souffertes.
« Ainsi, dit le roi, vous faites retomber sur
ma tète loutrage que vous pouvez avoir à repro-
cher à un autre. Je vous conseille cependant,
maréchal, d y regarder à deux fois avant de me
pousser à bout. »
Bliicher, oui dut comprendre combien le roi
était profondément blessé de son refàs, salua
froidement Sa Majesté sans rien répondre et se
retira.
« Non ! de par Dieu — reprit le roi avec viva-
cité — je ne laisserai pas tranquillement égorger
mon honneur et je prouverai à ceux qui en dou-
teraient qu*il y a toujours du courage dans ce
corps affaibli par la douleur. » — Lt, prenant
une plume, il traça vivement le billet suivant,
qu*il adressait au roi de Prusse :
Mo.NsiEUR Mo.N Frère,
« I>e feld-maréchal Bliicher abuse de vos ordres
pour commander la destruction du pont dléna,
dont j'ai changé le nom en celui de pont de
rt;.cole-Mili taire. Cet acte inconvenant peut me
mettre mal avec mes sujets, qui croiront que je
Tai approuvé. Il déconsidérera ma couronne, car,
enfin, je suis à Paris, et je présume (]ue Paris est
encore ma capitale. Je prie Votre Majesté d'inter-
ANNEXES
371
poser son aatorité ; c'est UDe grâee que je lui
demande. Si toutefois tous ne ronliez pas me
raccorder, je me bornerai à tons inviter à me
faire saToir l*heare où Ton fera sauter le pont,
pour que j*aille me placer au milieu (i). >
€ Signé: Louis. »
En même temps, Louis XVIII écrivit une lettre
non moins énergique à Tempereur de Russie, qui
venait d'arriver. Une heure après, un aide de
camp d'Alexandre I**" apportait sa réponse, dans
laquelle il assurait le roi que le pont d'Iéna serait
respecté. € Je viens — ajoutait-il — de faire
dire à Bliicher que, sous peine d'encourir mon
indignation personnelle, il ait à se garder de
consommer 1 acte de vandalisme au'il a commencé,
et que, s'il osait, malgré ma défense, persister
dans cette insulte grossière au roi de France, il
me restait assez de puissance nour l'obliger à
faire reconstruire le pont à ses vais, et par des
ouvriers prussiens. >
Furieux à la réception de ce message, Blucher
s'emporta d'abord ; mais il n'osa passer outre, et
assura hypocritement l'envoyé d'Alexandre que,
par respect pour l'empereur, il allait contreman-
der le travail de la mine. « Monsieur, lui dit le
messager russe, j'ai ordre d'envoyer sur le pont
un détachement de nos troupes pour en faire la
garde avec les vôtres. »
Pour éviter cette mesure désagréable, Blucher
s'engagea solennellement à se conformer en tous
points à la volonté de l'empereur de Russie, et
le pont fut sauvé.
*
Au récit intéressant de M. de la Mothe-Langon,
nous ajouterons qu'en vertu d'une ordonnance
ro]^ale du mois de juillet 1814, le pont d'Iéna,
qui venait à peine d'être terminé, prit la dénomi-
nation de pont des Invalides et non de VEcole-
Militaire, et des L affrontés remplacèrent les
aigles sculptés au-dessus des piles. Après la
révolution de 1830, on lui rendit son nom d'Iéna,
et en 1852, Napoléon III fit disparaître les L
pour rendre la place aux aigles. L'année suivante,
on plaça, sur les quatre piédestaux des extré-
mités du pont, les quatre statues de cavaliers
tenant leurs chevaux en main, cavalier grec,
cavalier romain, cavalier gaulois, cavalier arabe.
Ces groupes assez décoratifs n'ont pas la préten-
tion de passer pour des chefs-d'œuvre.
Le pont des Invalides actuel, d'abord pont
suspendu, ne fut construit que de 1828 k 1829.
A l'origine, on lui doona le nom de pont de
VAuenue-iTAntin, et de 1854 à 1855, on le
reconstruisit en pierre ; tout récemment il a été
pavé en bois, et bientôt il aura pour voisin un
rude concurrent, le pont Alexandre III. Que de
vicissitudes !
L. Mar.
(1) I^e comte Bcii^not, dnriH ses Mémoires, sVst
atiriliué ces mots si patriotiques ; il est aujour-
d'hui à ptlu près certain que l'iionneur en revient
au roi seul.
SOPHIE ARNOULD
Quai Oebilly, près de la pompe à feu de
Chaillot, nous pouvons encore voir un cèdre
dans les jardins d'un hôtel moderne. C'est tout ce
qui reste d'une propriété, occupée par Mme de
Pompadour, lors de la construction de l'École
militaire, puis par Sophie Amould quelques
années plus tard. Nous n'avons pas la prétention
d'écrire de nouveau une vie de cette célèbre
actrice, c'est chose faite par de nombreux auteurs;
nous avons extrait de leurs récits ce qui peut
intéresser plus particulièrement notre Société.
Sophie Arnould naquit à Paris le 14 février
1740; toute jeune, elle annonça les plus heu-
reuses dispositions pour le chant. Elle fixa l'atten-
tion de ses contemporains dès l'âge de quinze
ans.
Il était alors fort à la mode de faire pénitence
pendant le carême ; le mardi-gras passé, on cou-
rait s'enfermer dans quelque appartement com-
mode et discret de l'un des mille couvents de
Paris. Aux offices, on entendait les voix les plus
fraîches et les plus belles de l'Opéra, et tout
Paris d'accourir. C'est ainsi que, pendant le
carême de 1755, Mme la princesse de Modène,
femme séparée du prince de Conti, se trouvait au
Yal-de-Grâce. Un jour, le mercredi saint, elle
remarqua une voix délicieuse qui chantait une
leçon des Ténèbres ; l'office terminé, elle voulut
voir la virtuose; on lui présenta Sophie Arnould.
Une religieuse, la plus belle voix du couvent,
était tomba) subitement malade, on était dans le
1>lus grand embarras, lorsque Sophie s'offrit pour
a remplacer ; on accepta en tremblant. Avec un
aplomb merveilleux, elle dit son solo, dans cette
église en vogue, devant la plus belle et la plus
noble compagnie de la ville et de la cour. Elle
obtint un succès fort merveilleux, inespéré. Cette
année-là, le Val-de-Grâce l'emporta, même sur
Longchamp.
Deux ans après, elle débuta 4 l'Académie royale
de musique ; pendant vingt ans, elle personnifia
toutes les héroïnes de la tragédie lyrique et fit
revivre sur notre Opéra toutes les grandes figures
de la vieille mythologie et de l'histoire fabuleuse
de la Grèce.
Fut-elle jolie,?. .. Il y a des opinions bien contra*
dictoires. Il faut [pourtant penser qu'elle ait été char-*
mante, le portrait de La Tour en témoigne. Sa
taille était moyenne et bien prise; elle avait
surtout des yeux superbes, et l'ensemble de ses
traits lui donnait une de ces physionomies heu-
reuses qui flattent et plaisent au premier aspect ;
mais ce qui la faisait rechercher avec empresse-
ment, c'était son esprit frondeur et libertin ;
l'esprit de Paris d'une femme, d'une fille, disent
les Concourt. On lui donna le surnom de Piron
femelle. Ses bons mots sont nombreux (1). On
(1) Amohiiftrta ou Sophie Arnould et »ts contem-
norainx, par luuteur du Biévrianat Paris, Gérardi
372
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
cite toujours les mêmes et ils font toujours plai-
sir (1).
Sa yie privée fut très orageuse ; elle fut au
mieux avec quelques-uns des hommes les plus
célèbres de son époque. Helvétius, le philosophe
HeWétius, dans sa jeunesse, était beau danseur et
coureur de coulisses; au nombre de ses conquêtes
d'Opéra, il compta Sophie Arnould. Et, chose
curieuse, quand il se maria, le sentiment de la
chanteuse pour Thomme aimé sembla se reporter
sur le ménage. Hillin nous dit: < Sophie, tant
que Vme Helvétius a vécu, n*a jamais passé
quinze jours sans la voir, et elle en était toujours
bien reçue. »
C'est à Helvétius, qui lui avait envoyé un ca-
deau et qui ne lui en parlait pas, qu'elle fit ce
charmant reproche :
Est-ce ce aue wus voulez perdre ce que
vous m* avez donné f
Du comte de Laura^uais, elle eut trois enfants,
dont Fun, Constant Dioville de Brancas, colonel
au 4i* régiment de cuirassiers, fut tué à TafTaire
de nie de Lobau. Au moment de sa rupture avec
leur mère, Lauraj[uais leur assura une rente de
1 .500 livres, ainsi que le témoigne une pièce tirée
des Archives nationales et publiée par M. Cam-
pardon. C'est un des nombreux actes dans les-
quels on rencontre le nom de Boulainvilliers (2).
Après Lauraguais, il est un homme encore qui
tient une largo place dans l'existence si agitée de
Sophie Arnould. Ce n'est plus un grand seigneur,
c'est un roturier; un architecte : Bellanger, qui
construira Bagatelle.
C'est en 1771 ou'il fut admis chez elle; il était
jeune, aimable, elle était si lasse de tant d'amours
vénales, qu'elle se prit pour lui d'une belle pas-
sion. Un instant, elle songea à quitter sa vie
turbulente pour épouser ce petit bourgeois qui ne
demandait pas mieux.
Mlle Artwuld, après s'être égapée aux dé-
pens de tant d'autres^ vient de fournir ma-
tière aux rieurs par le mariage le plus sot.
Ainsi s'exprime Bachaumont, et comme lui
tout le monde crut à ce mariage. On cria à la
mésalliance. Une reine de l'Opéra épouser un
architecte ! Quelle chute affreuse ! Elle laissa
croire assez longtemps Qu'elle était devenue
Mme Bellanger et ne se fâcha point des plaisan-
teries quand on lui demanda ce qu'elle comptait
iaire de cet architecte :
(2) !1 y a qinîlaiios mois, on voynit encore à la
façade ou 12 de la rue Boirt-le-Ve'nt un rébus mu-
BÏcoI. (V. l'orlicle de M. Mar, Bulletin de la So-
ciété, t. II, p. i38 )
Dans VArnoldiana, nous trouvons le suivant, qui
rpî'Sembltî nu précédent : Mlh* Miré fui plus cé-
lèbre par les passions qu'i'lle inspira, que conime
danseuse. Un musicien qu'elle avait favorisé étant
venu ù mourir, Sophie composa son épitaplie. qui
est bien aussi une épigrnmme : lu nu ré la mi la
(La Miré l'a mis là).
Une autre fois, Sophie disait, en voyant jouer
une aclrice fort maigre : // n'est pas nèressnire
daller à Saint-Cloud jHmr inur jouer les eaux. Elle
n'épargnait pas ses camarades.
(2) Archives nationales. Y, V-w.
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront,
Anne-Gabriel-Henri-Bernord de Houlninvillierîs.
chevalier, seigneur de l'assy... prévôt et vicomte
de Paris, Milut, savoir faisons qutt... » Suivent
les détails du la donation.
// utilisera, répondit-elle ^ les pierres qu'on
lance dans mon jardin.
Sophie n'eut jamais un ami plus dévoué que ce
mari de comédie. Le secret connu, il resta son
défenseur et son conseiller, veillant sur elle de
prés ou de loin. Intendant de sa fortune et de sa
gloire, il Fempéchait d'emprunter à trop gros
intérêts, il lui organisait des triomphes au théâtre;
il défendait sa réputation l'épée à la main. N'exa-
gérons pas, son duel avec le marquis de Viilette
ne fut pas terrible ; il avait été convenu aue les
deux rivaux se présenteraient Tûn contre 1 antre,
l'épée à la main, qu'on les séparerait; ce qui a
été fait. Ce fut un duel pour < semblant >.
Bellanger voulut faire plus, il rêva un temple
pour sa divinité. Chassée de son hôtel de la rue
des Petits-Champs par 'l'incendie de l'Opéra,
Sophie s'était réfugiée dans un appartement de la
rue Caumartin, et elle s'y trouvait à l'étroit. Il
résolut de lui bâtir une demeure plus belle en-
core que le palais de la Guimard. Il se mit à
l'œuvre et fit merveille. Cet hôtel était un ébloois-
sement, tout de marbre et d'or avec des pein-
tures splendides, des jardins, des statues... Mal-
heureusement, il n'exista jamab que sur le pa-
pier (1).
Bellanger bâtissait en Espagne, Sophie s'y était
prise trop tard ; suivant une etpressioo de
l'époque, le Pactole commençait à tarir dans son
boudoir. Déjà, en 1774, l'étoile de notre héroïne
était à son déclin ; une à une, la fortune lui re-
prenait toutes les faveurs dont elle l'avait com-
blée. Son premier revers date de 4766, c'était
un avertissement, elle ne songea pas à en tenir
compte. Chutée, dans Sylvie, elle dut abandonner
ce rôle.
Deux ans plus tard, elle eut la malencontreuse
idée de prendre celui de Colette, dans le Devin
du village, composé par Jean-Jacques Rousseau,
à Passy, lorsqu'il prit les eaux. Elle y fut détes-
table, de lavis môme de ses amis. Ne voulant pas
s'avouer vaincue, elle désira alors interpréter
Colin dans la même pièce, rôle que Mme de Pom-
padour avait joué, au château de Bellevue, avec
le plus grand succès. Sophie échoua encore et ne
fut pas applaudie comme elle s'y attendait.
Ak! dit-elle en rentrant au foyer Je le sens
maintenant l* habit ne fait pas û moine.
En 1778, elle fut forcée de quitter le théâtre :
sa voix l'avait trahie. Il lui restait son esprit, et
on ne manqua pas de le lui dire pour la consoler.
Marin, doyen des gens de lettres, lui adressa les
vers suivants :
Quand on a tant d'esprit, de grâce, de finesse,
Comment pt-ut-on éprouver des regrets î
Les ngK'ments de la femme...
Valent-ils tous les dons qu9 le ciel vous a faits.
Ce» mots heureux, ces» vives réi»arlies.
Ces traits brillants, ces aimables saillies.
Cet art de raconter qu'on n'imite jamais?
C'est ainsi que par ces bienfaits
La Nature vous dédomma(;e,
Hu'elle vous ven^e de l'outrage
^ue les ans font a vos attraits.
Chose curieuse, cet impromptu est écrit au dos
(0 Klbliothf!quc Nationale, c^dmiet des Es-
tampes. Topographie de Paris, t. LXXX.
ANNEXES
373
des denx billets d*entrée qne Bellanger arait fait
graver pour les perroones désireuses de visiter
Bagatelle après rachèvement des travaux. Ce sont
deux petites cartes à la Fragonard, tirées en bistre
et représentant sous de grands arbres des sphinx
jetant de l'eau dans un bassin. Au milieu on Ut:
BAGATELLE
Laissez entrer la personne qui vous remettra
le présent
ViC» •.•••«••Il
povn QrATnB peusoxwes
Le comte d'Artois permit, en effet, aux Pari-
siens de visiter le palais qu'il venait d'improviser;
ils y accoururent en foule. Mlle Arnould s'y trou-
vait avec Belian|^er. Fière de son succès, elle lui
murmura à Toreille :
Vous devez être bien satisfait de votre
ouvrage, Paris s'occupera longtemps de Baga-
telle.
Au moins les revers ne chassent pas Bellaneer;
on le retrouve encore longtemps auprès de Sophie,
faisant ménage avec elle^ C'est elle qui veut
rompre leur liaison, elle s'éprend de Florence,
un des plus tristes acteurs de la Comédie-Fran-
çaise, fiellanger se plaint, essaye des remon-
trances; l'ingrate, pour le nouveau venu,cong^ie
le vieil ami, lui écrit pour lui signifier de ne plus
remettre les pieds chez elle. Que fait alors l'amant
en disgrâce? 11 met sous un nouveau pli la lettre
qu'il vient de recevoir, lettre qui ne porte pas de
nom et il l'expédie à Florence. Florence so croit
congédié, n'ose reparaître, (juand le quiproquo
s'expliqua, la fantaisie de Sophie était passée;
elle (ut la première à rire de ce bon tour. Mur-
ville en fit une pièce : mon compte-rendu, di-
sait-elle.
Les années sombres commencent bientôt après;
adieu, les jours de fête, le bon temps d'autrefois,
o<i tout était beau. Bellanger lui-même l'aban-
donne pour épouser Mlle d'Er vieux. Sophie se
retire à Clichy-lt-Garenne, où elle vit tout à [elle
et à quelques-uns; elle conserve sa bonne humeur.
Un camarade la voit cuisinant, s'étonne qu'elle
sache faire un roux.
Tu crois que je ne pouvais faire qu'une
rousse. (Allusion à la chttvelure de sa fille
Alexandrine.)
Millin lui rend visite, il la trouve au milieu
d'un grand cercle : vingt personnes ù table.
Entre, lui dit elle, je marie le fils de ma
cumnière avec la fille de mon jardinier. Pfous
célébrons les plaisirs de V amour et de C égalité.
L'existence lui est encore trop douce : son im-
prévoyance, sa générosité, sa faiblesse à l'égard
de ses enfants la réduisent à la pauvreté. Obligée
de quitter Clichy,elle s'installe à Lu^arches. Cette
fois, tout est bien fini : sur la porte du vieux
presbytère qu'elle a acheté, elle met cette inscrip-
tion : île missa est, allez, la messe est dite !
Sa misère ne l'empêcha pas de devenir suspecte;
des agents du Comité révolutionnaire de Luzarches
vinrent un jour faire une visite domiciliaire dans
sa modeste demeure. Mes ami>, leur dit-elle, /ai
toujours été une citoyenne très active et je
connais par easur les droits de Vhomme.
C^stte réponse n'aurait probablement pas satis-
fait les membres du Comité et ils auraient poussé
plus loin leurs investigations, sans un buste de
Gluck devant lequel ils s'arrêtèrent. Cest Marat,
le père du peuple, leur déclara Sophie, d'un air
de vénération. Les dignes sans-culottes se décou-
vrirent et se retirèrent.
Elle vécut à Luzarches plusieurs années, tout
à fait en paysanne, seule, abandonnée. Fort heu-
reusement pour elle, et pour nous, dans l'un de
ses rares voyages à Paris, elle revit Bellanger et,
dès lors, elle eut avec lui et avec sa femme une
correspondance suivie. 11 faut lire, dans Touvraee
des Goncourt (4), les lettres charmantes qu'elle
écrivit.
C'est, dit Jules Lemaitre, le plus savoureux
pèle- mêle de gaminerie, de gauloiserie, de plain-
tes se terminant en pirouettes, de cAlinerie. de
coquetterie mélancolique d'ancienne jolie fille.
C'est la plus éclatante justification de la remarque
de M. Renan, constatant avec trouble que la
blague de gavroche et de Niniche arrive du pre-
mier coup, sans effort ni réflexion, aax mêmes
conclusions sur le monde et à la même philoso-
phie où l'homme sérieux et scrupuleux ne par-
vient qu'après une vie d'étude et de méditation (2).
Dans ses dernières années, François de Neuf-
château lui fit obtenir une pension de 3.400 francs
et un logement à l'hôtel d'Angiviller près le
Louvre. Elle y mourut le 22 octobre i802 (3).
Comme le curé de Saint-Germain-I'Auxerrois lui
promettait le. pardon :
Je suis comme Madeleine^ dit-elle, beaucoup
de péchés me seront remis, parce que j*ai
beaucoup aimé.
Cil. CflANDEBOIS.
JULES JANIN (4)
Il y aura, le 49 juin prochain, vingt- cinq ans
que mourait, tout près d'ici, celui qu'on a nommé
le prince des critiques.
Le souvenir des hommes s'efface vite aujour-
d'hui et, dans notre Paris fiévreux, les demeures
qu'ils ont aimées ne leur survivent pas long-
temps.
C est ainsi qu'en ce moment même la hache des
bûcherons et la pioche des démolisseurs s'atta-
quent avec rage aux arbres et an chalet de Jules
Janin.
(i) Sophie À rnouîd, daprè» m correxoondance et
ses mémoires inédits, pnr Edmond et Jules de
Gonrouil.
(2) Jules Lemaîire, Impressions de thèûlre, t. VII,
p. 21.
(3i La plupart des biuj^raphies la font mourir
en iRci3.
{\) Conférence faite le A mars à In séance solen-
nelle de la Société, par M. Antoine Guillois.
374
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Ce serait là un sujet de tristesse profonde, s*il
n^ avait, pour lutter contre les nécessités utili-
taires de la Tie moderne, des historiens, fidèles au
clocher et au village, qui se sont donné la mission
de rappeler et de ressusciter avec amour, parmi
les souvenirs d'autrefois, les douleurs et les joies
de ceux qui nous ont précédés sur le petit coin de
terre où nous vivons à notre tour.
Aussi bien Jules Janin ne serait-il pas célébré
comme il convient si nous nous attardions dans
ces pensées mélancoliques ; « il était, suivant la
Ïiarole de Platon, un rayon dans larosièeob jouent
es cigales babillardes» et son joyeux ref^ard,
ennemi des larmes, nous blâmerait de continuer
sur un pareil ton.
Jules Janin naquit à Condrieu, dans le Rhône,
le 46 février 1804. Sa famille appartenait à la
bourgeoisie ; son père était avoué à Saint-Etienne.
Après des études commencées dans cette ville,
achevées à Louis-le-Grand dans la camaraderie de
Guvillier-Fleury, de I^erminier et de Sainte-Beuve,
le jeune homme dut donner, pour vivre, des leçons
à â francs le cachet. (Tétait la misère, mais la
misère embellie par la jeunesse et dont il a dit(i):
« C'est Fespérance en sa fleur, ce sont toutes les
émotions du cœur de Fhomme, j'entends toutes
les nobles et douces émotions réunies, entassées,
florissantes et chantantes passions d'un jeune
cœur... La jeunesse, c'est la misère folâtre, c'est
le frais sommeil, c'est la santé qui vit de peu...
La jeunesse, c'est la poésie éparse çà et là qui
vous accompagne comme on parfum invisible;
elle se joue à votre chevet, elle s'assied à votre
table, elle rit dans votre verre à demi plein ; c'est
elle qui ouvre la porte aux créanciers avec son
air madré et boudeur et qui le paie avec un sou-
rire. »
Après des débuts au Figaro, qui lui avaient
apporté la fortune, — il gajmait alors 50 francs
par mois ! — il entra, en 1829, au Jouimal des
DébaUfOii il allait, pendant quarante ans, tous les
lundis, prodiguer au public les dons les plus divers
et les plus charmants.
Il faisait partie de la phalange romantique ;
n'était-ce pas pour en voir de plus près les tra-
vers et les défauts? Son histoire de l'An^ mort
et de la Femme guillotinée pourrait le faire
croire, et nombreux sont, aujourd'hui, ceux qui
ne voient, dans ce premier grand succès, qu'une
plaisanterie et une douce critique.
Mais bientôt, son livre de Barnave et celui de
la Fin d'un monde allaient montrer que Janin
était capable d'aborder des sujets plus élevés et plus
littéraires. Le xviii* siècle trouve, alors, en lui,
un interprète qui le comprend, un artiste qui
l'admire, un philosophe qui le juge. € Folies, spi-
rituelles gattés, éclairs de génie et terrible coup
de tonnerre final, tout y passe. L'enchanteur
agite sa baguette et tout s'anime à rinstant(2).»
C'est à cette date, c'est-à-dire en 1839, que
Jules Janin arrive pour la première fois à Auteuil.
En hiver, il avait fréquente à Paris, chez Mme Pra-
dier, la femme du grand sculpteur et. Tété venu.
(i) Le Chemin de traverse.
{'2) Julea Janin, par Alexandre Picdagnel. —
Paris, Jouauiil, i8i4-
il avait suivi ses amis dans la jolie maison qu'ils
possédaient, à l'entrée de la rue La Fontaine,
presque en face du chalet de Béranger et tout à
côté de Musard, le fameux oi^ganisateur des bals de
l'Opéra.
On s'amusait beaucoup chez ces grands artistes,
car leur salon n'était ouvert qu'aux gens célèbres
OQ à ceux qui avaient plus d'esprit que les hommes
célèbres. Janin, un jour, ou plutôt une nuit, dé-
guisé en pierrot, y avait dit : € Id tout le monde
est prince du sang. » Quant à la maltresse du
lojris, qui, dans ses fêtes, Toyait défiler tout
l'Olympe du paganisme, elle se croyait en règle
avec sa conscience quand elle avait mis sur ses
cartes d'invitation : « La beauté est de rigueur. >
Marié le 16 octobre 1841, avec la fille du pré-
sident Huet, J. Janin ne tarda pas à venir habiter
Grande-Rue de Passy, dans une maison où, en
1761, Louis XV avait installé cette charmante et
touchante apparition qui s'est appelée Mlle de
Romans.
Cet ancien hôtel de la folie, qui n'a été démoli
qu'en 1890, Janin l'avait acheté 90.000 francs ;
mais c'était son beau-père qui les avait payés.
Janin était alors dans tout l'éclat d'une beauté
qui est restée célèbre ; il était encore srelte et
agile (1); ses cheveux bouclés, ses yeux noirs,
profonds et malicieux, encadraient ou illuminaient
son radieux visage ; comme Fantasio, il arait le
mois de mai sur les joues et cette fleur de santé
qui ajoute à la jeunesse et au talent comme un
attrait nouveau par la séduction qu'elle inspire.
Là, sous les arbres, «yienx bonshommes encore
raides et qui ont conservé toute leur chevelure » (S) ,
Janin se promenait en robe de chambre de molle-
ton blanc, coiffé d'un bonnet de coton et toujours
suivi d'un gros mouton, blanc lui aussi, qui ne le
quittait jamais.
Au mois d'avril 1842, Arsène Houssaye et sa
jeune femme arrivèrent à Passy, le soir de leurs
noces ; après le dîner, Mme Janin Tint présenter
aux jeunes époux, sur un plat d'argent, la clé
de la chambre nuptiale ; puis Jules Janin et sa
femme donnèrent leur bénédiction aux mariés et
retournèrent à Paris. « L'hôtel de Mlle de Ro-
mans, écrivait Arsène Houssaye à notre cher
confrère, M. Mar, fut pour nous une des plus belles
stations de notre vie. Le souvenir m'en est donc
sacré. > Il y eut un épilogue <{u' Arsène Houssave
n'ajoutait pas ; lors de la naissance de son nls
Henry, — l'académicien d'aujourd'hui, — Hous-
saye demanda à Janin d'être parrain de l'enfant,
et le critioue y consentit.
En 1845, M. Huet loua son hôtel de Passy et
Jules Janin quitta notre charmant village, mais non
pas sans esprit de retour, puisqu'en 1854 il fai-
sait l'acquisition, cette fois-ci définitive, du terrain
de la rue de la Pompe, oU l'on allait construire le
chalet.
C'était une toute petite partie, — environ
1.100 mètres, — que le chemin de fer de cein-
ture avait détaché de l'ancienne Muette, celle de
3
(i) Plus Inrd, Jules Janin, était devenu si gros
lit', lorsqu'il allait en Normandie, la Compagnie
c l'Ouest lui amênn^eait un ^lagon spécial.
(u) J. Janin ù Arsène Houssaye, i844-
la régence et ita derniers beinx joure de la mo-
Darchie. < Arbres sacrés ! Ils ont td se promener
sons leura ombragea la reine Je France Harie-
Antoinelte, et cebean pelit dau|ihiD, le martyr,
et Mme Elisabeth, nne reine de France parla grlre.
par la beanlt, par la piéti, par le malbear i (i).
Bande de sable d'une apparence ingrate, terrain
Tague ebne ponssaient que des orties, tout cela,
tii moîi après était planté de tilleuls, de platanes
et de panlonias. < Griceï nneconche épaisse de
terreao. dit Philibert Audebrind, les fleurs pous-
saient aree nne docilité saus pareille. Il y aTsit
de tout : des arbustes Terts, des aialées, des
rosiers, de nombreuses Tariétés de tulipes. Le
tanricr-roae de l'Enrôlas était ce qui dominait. >
SES 375
une mctatnorphoae, ce n'était pas à celle-là...
Athènes a brisé en un jour les trois cents images
d'airain qu'elle afait décernées à son tyraa. Mais
Suelle moin asseï impie oserait briser une Oeur?
rlce à TOUS, Monsieur, me TOilà tout sim-
plement immortel.*
Si l'un de ses amis lui euToyailnne table pour
le jardin, Jania la plaçait < dans an ao^le en-
chanté, tout rempli de chansons et de feuillages,
l'n rossignol, caché dans l'arbre voisin, chante
i ses amours les douces cantilèaes du mois de
mai : le merle enjoué silfle,en sautillant, les hym-
nes du matin. C'est nne Fèlo en ce coin charmant,
une féie qui ne s'arrête pins. Angélus ridel...
Elle est bien U . ma table. Elle a pour perspectiTe
Le chalcl de Jules Janin k l'un){iBc.
iji'apiii un Jcssin de Fcrdinandus.)
Jules Janin, cepeadanl, m promcDaiti trarers
ces merveilles, un bilan à la main, en paatoalles,
en robe de chambre, le classique bonnet de coton
nir ta ttte.
C'est que. par-dessus lout, il adorait la na-
tuK (3), ceioi qui arait écrit it un borliculleur
hollandais pour le remercier d'avoir donné son
nom i une tulipe : < Cerles, si je m'allendais il
(i) Ltt Qmlft da Chalel. par J. Jonio. prciiiii:
nouvelle iDtItuIct.' la Table nntlr. A la ilatu '
loaailt iSlit, J. Janin ^rit A ui ' • ■"
s hurer quand v
fjtUnjçur.ùrun
relire quelque» paK
BiMe, J, Janin lia
Ri-llnons cela, vuu
kilt'
n race ilu clialcl cl je |iour
iruvn' du Km ml
l plein de Mj-
un bouquet de vieux arbres, nn cbène, un charme,
un orme centenaire. .. Mes douie rosiers vont
Deurir, ma violette se montre, 0 la coquette ; un
brin d'ellébore que j'ai planté par une sage pré-
caution grandit et me voilï rassuré contre ma
propre joie. 0 surprise ! 0 bonhenr ! mon aubépine
est en (leurs !...l)ans un petit basain, l'eau claire
danse et chante, 0 font Slatuius,iœ !... Vous
verrez à droite, ajoute-t-il, un mélèie odorant;
vous trouverez t voire gauche une Torêt de pins.
telle qu'on en roil guère que dans l'ode amoureuse
ou les pins et les iramboisiers aiment à marier
leur ombrage fraternel 111 y a tant d'arbres dans
mon enclos de 1.100 mètres queje n'eu sais pas
le nombre, et celui-là m'embarrasserait beaucoup
qui me demanderait le nom de ces jeunes écorces
0(1 rien n'est gravé, pas même te doux nom
d'Amaryllis. •
376
HISTOIRE DU XV!*" ARRONDISSEMENT
Et, tandis que les arbres poussaient et trans-
formaient en allées ombreuses les aridités d'an-
trefois,deul architectes, Seiler et Godde« érigeaient
ce chalet admirablement sculpté, moilié sapin et
moitié chêne, qui rappelait aux promeneurs et la
Suisse et TAIsace.
Sur la façade du nord, Janin avait fait graver
ces deux vers du vieux Régnier :
Et que Dieu nous préserve, en ce has momie,
rv ficy.
De froid, d'un importun, de faim et de soucy !...
Au midi, on lisait cette pensée tirée de VArt
poétique d*Horace :
,,.^.?''"'* rnaterîam VMiriJi, qui ncribUix, œqaam
\ tribus...
€ Au commencement, on se sentait bien isolé.
Il fallait un certain courase pour sMnstaller en ce
désert, sur une voie à peine tracée, et, pendant
trois hivers, nous restâmes seuls, effrayés de cette
solitude et de ce grand silence. Mais, le matin
venu, la beauté naturelle de ce lieu champêtre
effaçait toutes les mauvaises impressions » (i).
Et puis,
Charmant enivrement de la propriété !
Cette maison et ce jardin, n*était-ce pas ce
vœu accompli ? « Le jardin dans la ville; un Paris
dans les champs. Savez-vous un plus difficile, un
plus doux problème? Ici, la solitude et, là, les
bruits du monde. Ici, Farbre, et là-bas, le théâ-
tre. Ici, l'étude et le travail, et, tout au bout de
Tavenue où s'étend mon domaine, l'activité, Tar-
dente ambition, le mouvement des Belles-Lettres
en proie aux disputes ! Je suis au port, j'entends
l'Océan qui gronde (2)... »
Aussi, Ton chantait (3) le chalet et son heureux
propriétaire :
Jules, la villa de Passy,
Ce qui nous rend amoureux délie,
C'est qu'elle le lient près d'ici.
Plume d'or, gardien fidèle
Des secrets merveilleux de l'Art...
Quand juillet vient, un mois trop tôt,
Paris, plongé dans sa fournaise,
De savoir la maison là-haul
En respire plus à son aise...
Et Jules Janin de répondre :
Je l'aimais bien mon Louvre en bois.
Fait de solive et de charpente ;
A présent que ta voix le chante,
Mon enchanteur, grâce à ta voix,
Mon chaume est or, arbre est ma plante.
Dans mon bassin de six tonneaux.
Je vois jouer les grandes eaux;
Mon i>oisson rouge est un beau cygne,
Une comète est sur ma vigne,
Et j'entends, ô miracle insigne,
Rossignoler tous mes moineaux...
Les roses de mes deux rosiers.
Les fraises de mes deux fraisiers.
Et les chants de ces doux gosiers
Donnent à l'heure qui s'envole
Je ne sais quel enivrement 1
Oubli! Repos! Enchantement!
(i) La Muelle, juin 1871, par J. Janin.
(2) La Table ronde.
(3) Valéry Vernier. — Voir plus loin l'Appen-
dice 2.
Ami des braves gens et coulent de moi-mërae.
Un jardin sans épine, un logis sans n'mords.
Un cortège nfnigé quand j'irai chez les morts...
La Muse en donne moins au poète qu'elle aime.
En si petit espace, ô ciel ! tant de bienfaits î
Un si cher compagnon, tant de grâce ol de paix;
Ces rayons, celle fleur, ce rôve, celte branche.
Ce balcon si joyeux, ce toit qui rit et penche.
Ce grand cpirbleu sur moi doucement arrêté.
Tout ce beau quart d'arpent pour mon unique
[usage,
A ces bonheurs, dans ces bontés.
Si losdieux ajoutaient un peu de liberté (1),
Je n'en voudrais pas davantage.
Cette maison que nous avons tous connue, ornée
sur sa façade du buste du critioue (3), habitée
tout dernièrement encore par I un de nos plus
illustres confrères (3), était construite sur un rez-
de-chaussée, cuisine hollandaise ob trônait Made-
moiselle Julie, que les habitués du chalet se
rappellent encore. Au premier étage, la salle à
manger, le salon et la bibliothèque ne formaient,
pour ainsi dire, qu'une seule pièce.
Aux murs, un tableau attirait d*abord les re-
gards. C*était une bonne vieille femme de quatre-
vingts ans, peinte par Devéria, oui rappelait à
Jules Janin, devenu bourgeois de Passy, la vieille
tante qui avait, à son arrivée à Paris, partagé les
misères de sa jeunesse.
Pui8,c*est Mme de Pompadour,en dées8e,peinte
par Latour. En novembre 4862, un portrait
magniâquement gravé de J.-J. Rousseau, d'après
le même peintre, vint faire pendant à la glorieuse
courtisane. «Ils se sont reconnus, dit Jules Janin,
sans trop de vergogne. « Ah ! ma sofur, que vous
« étiez une grande coquine ! — Ah ! mon frère,
€ étioz-vous assez triste, assez morose et mal
< élevé! Mais, enfin, que Latour, notre père com-
« mun, nous réconcilie et, désormais, vivons en
« paix !» Et les voilà qui se tutoient des yeux (4).»
Dans l'embrasure d une fenêtre, tout près de
la cheminée, autel domestique, don d'un ami (5),
le buste du critique souriait comme pour accueillir
le visiteur toujours bienvenu.
C'est là, dans un large fauteuil vert (6), devant
une grande table que, souriant et paisible, passant
sa main sor son front, Jules Janin se tient prêt à
dicter à son secrétaire Piédagnel : « Parlera-t-il
de son cher Horace, ou de Diderot, ou de son
autre ami Virgile? Ferons-nous un feuilleton ou
bien allons-nous continuer le roman commencé,
en suspendant de loin en loin notre tâche pour
(1) On êlail sous l'Empire, et Jules Janin refusa
toujours dt; s'y rallier.
(!?) Par Salomon. Le même buste, en marbre, est
à rinslitut et, en bronze, au cimetière d'Evreux.
(3) M. le colonel Mannheim, alors encore pro-
fesseur à l'Ecole polytechnique.
(/t) J. Janin n'èlnit pas aussi accueillant pour les
personnaires contemporains. Il n'aimait pas. il
est vrai, le second Empire et élail resté fidèle aux
opinions que professaîl le Journal dex Débats sous
Louis-Philippe. M. Mar lui apporta, un jour, deux
belles gravures n^présenlanl I empereur et l'impé-
ratrice. J. Janin fut poli, mais il dit à noire ex-
cellent confrère en lui montrant Mme J. Janin :
•' Tenez, donnez cela À Madame. »
(5) Le prince Demidoff. Celte cheminée, ornêcde
bix»nzes dorés, riches, mais un peu lourds, avait
coûté, pnraft-il, 4o.o(x> francs.
(6) Celait celui où était mort Béranger. Il appar
lient aujourd'hui au musée Carnavalet.
Vn malin, le Iftjuin 1R7i, H dit i sa chm N.P. de Passy.deTîDtan* afflutnce coDsidérahle,
Je n'entends plus les oiseaux dn jar- et, après la cérémonie, le corps ayant été déposé
soir, il n'était plus I dans le jardin du presdytère, notre illustre cun-
après, OD célébrait ses funérailles à frère Louis Ratisbonne parla, comme il sait le
38o
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
faire, du prince idéal et da Prince Charmant
qui venait de disparaître. Il loua son cœur, « ce
cœurob n*était jamais entré une goutte de fiel,
si bon, si cordial, si sympathique et, je dirai, si
ingénu et si candide. L'est fini : nous ne presse-
rons plus ta main ouTcrte,mattre et ami chéri! Nous
n'aurons plus la caresse de ton beau et bienveil-
lant regard ! Nous ne Tentendrons plus s*envoler
de tes lèvres, ton rire frais et sonore ! U s'est éva-
noui avec ta chanson, comme un chant d'oiseau
de ton jardin. Mais ta chanson à toi laissera une
trace. Elle plane au-dessus de ce cercueil où repose
ton pauvre corps endolori, pendant que ton flme
d'entant et de poète est remontée aux étoiles...»
Vous le voyez. Mesdames et Messieurs, notre
Société, qui n'existait pas encore, a eu cependant
la bonne fortune d'être représentée aux obsèques
de Jules Janin par un de ses membres les plus
éloquents. Ne vous semble-t>il pas qu'il y a là
une rencontre bien curieuse et digne d'atten-
tion?
Ne vous paralt-il pas que si J. Janin fut élevé à
Saint-Etienne et s'il dort à Evreux son dernier
sommeil, c'est à Passy cependant que son nom
restera pour toujours attaché ?
Celui qui, dans nos jours moroses, nous a rendu
un peu de la joie et de la lumière du xviii* siècle,
celui-là a vécu parmi nous ses années les plus
heureuses et les plus fécondes.
Le chalet a été un lieu de pèlerinage pendant
vingt ans ; il est aujourd'hui consacré dans la
mémoire des littérateurs, et quand on évoquera
la figure souriante de J. Janin, ce sera touiours
sous ces arbres ombreux qu'on arrache aujourd'hui,
à travers ces allées embaumées, parmi le chant
des oiseaux et le vol des abeilles murmuran-
tes.
Antoine Ghillois.
QUELQUES MOTS
SDR LE
LYCÉE JANSON-DE-SAILLY
Il court, même dans la population éclairée d'An-
teuil et de Passy, tant de légendes erronées sur la
fondation du lycée Janson-de-Sailly, aue j'ai cru
intéressant de publier, dans notre Bulletin, quel-
ques renseignements puisés à des sources offi-
cielles.
Cet établissement, < le plus beau, le plus gai,
le mieux aéré, le mieux situé de tous les lycées de
France », comme le définit un membre de l'Insti-
tut (i), nous tient doublement au cœur. Us sont
nombreux, à la Société historique, ceux qui ont
confié aux administrateurs et aux professeurs du
lycée Janson la meilleure partie d'eux-mêmes, —
celle qui doit leur survivre, — et c'est comme un
hommage bien modeste que nous leur rendons en
rappelant l'histoire d'une maison déjà glorieuse.
Nous ne devons pas oublier non plus qu'un de ces
savants qui sont venus à nous, en grand nombre,
dès les premiers jours, a bien voulu, dans one
circonstance solennelle, parler de la Société histo-
rique en des termes qu'elle ne saurait oublier (l)-
En 4828 {% M. Janson de Sailly, ancien ma-
gistrat, marié à la sœur du grand Gierryer, louait
la nue-propriété de sa fortune à l'Université poor
créer à Paris un lycée qui porterait son nom (3)
et c dans lequel l'enseignement des humanités
serait donné à des enfants qui se seraient parti-
culièrement distingués par leur piété filiale ».
Cette fortune consistait en immeubles situés roe
Royale.
A la mort de rusufruitière (4), les immea-
bles en auestion furent vendus et produisirent
S.690.000 fr. La pTnsgrande partie de cette somme
fut affectée à l'acquisition du terrain sur lequel a
été construit le lycée Janson. L'État fit face au
surplus des frais d'acquisition du terrain et à la
totalité de la dépense de construction des bâti-
ments (près de 9 millions). Ceci se passait en 4876,
date oàicielle de la fondation du lycée.
La première pierre fut posée par M . Jules Feny,
le 45 octobre 4884, et les cours turent inaugurés
le 40 octobre 4884.
La superficie totale est de 3â.744<"'i,44, se dé-
composant ainsi :
Superficie bAtie : 9.000 mètres carrés.
Superficie libre (cours et jardins) : 23.744*^^,44.
L'immeuble a la forme d'un quadrilatère, isolé
de trois cl^tés et borné à l'ouest (façade principale)
)ar la rue de la Pompe; au nord, par la rue de
[^ngchamp ; à l'est, par les rues Herran et De-
camps; au midi, par l'avenue Henri-Martin et
par des maisons particulières.
Parler de la prospérité, tous les jours grandis-
sante, du lycée de Passy serait une banalité. Nous
n'avons qu'à souhaiter, — et comment notre vœu
pourrait-il ne pas être réalisé ? — que ce grand
établissement reste toujours digne des hommes
qui président à ses premières destinées.
Antoine Guillois.
(i) M. L. Lanier, professeur d'histoire, le
3i juillet 189^1 à la distribution des prix du lycée,
sous ce titre : A travers te Troradéro, {En voir
de nombreux extraits dans le BiUtetin^ 1. 1, pp. 317
et suiv.)
(a) Les renseignements qui suivent sont em-
pruntés, pour la plupart, à la Statistique de ren-
seignement secondaire en 1887; Paris, iraprimerie
Nationale, 1889, pp. R et 9.
(3) " Je me fais un devoir de vous enffag:er
tous à rendre hommage avec moi au généreux
donateur, M. Janson de Sailly. Dans le cours
de ma longue carrière, j'ai vu la plupart des
lycées de Paris changer deux ou trois fois de
nom. Celui-ci, quoi qu'il arrive, sera toujours le
lycée Janson. •• (Discours de M. Faye. /oc. cit.)
(4) Mme Janson de Sailly, qui s'était remariée
el était devenue la duchesse de Riario-Sfor^a ;
elle est enterrée à Auteuil.
l
(1) M. Faye, à la distribution des prix du
4 août i885.
ANNEXES
381
LE MONUMENT DU TSAR
Le sablier de la vie lentement se dé?erse iné-
paisable. Les joars succèdent aux jours, doulou-
reux ou glorieux, se voilant ou s* auréolant selon
qu*ils furent sombres ou joyeux. Dans ces jours
gais, ces jours d'apothéose, nous retrouvons la
matinée du 6 octobre 4896, ob le peuple fran-
çais, vibrant d^émotion, attendait, à la gare du
Ranelagh, Tarrivée des souverains russes.
A la gare, spécialement construite par M. Scel-
lier de Gisors, architecte du Sénat, on avait édifié
un arc de triomphe enjolivé de draperies jaunes,
orné des drapeaux nationaux des deux pays alliés
et amis.
Tous les cœurs battaient à Tunisson, le canon
tonnait de minute en minute, le clairon sonnait au
champ; et quand l'empereur et Timpératrice ,
après avoir pris pied sur le sol parisien, en pas-
sant sous cet arc de triomphe, disparurent vers
la porte du Bois, emportés dans la daumont de
Félix Faure, ce fut dans la foule une minute indes-
criptible d'émotion. Minute qui restera éternelle-
ment gravée dans la mémoire de ceux qui assis-
taient à cette inoubliable arrivée.
Pour fixer à jamais dans 1 histoire ce souvenir,
la Société historique d'Auteuil et de Passy sollicita
du conseil municipal l'autorisation d'élever, au
Ranelagh, un monument dont l'auteur était le
sculpteur Gustave Michel ; ce monument devait
être placé au croisement de la chaussée de la
Muette et de l'avenue Prudhon, en face de l'em-
placement de la gare construite pour la réception
des souverains, te fut à la suite d'une visite de
M. Formigé sur les lieux, que cet emplacement
fut choisi et accepté par l'artiste et la Société.
A propos de la prochaine arrivée du tsar, on
a beaucoup reparlé de sa première visite à Paris,
et l'idée du monument commémoratif a repris
corps: seulement, comme le conseil municipal a
changé depuis, ce qui fut rejeté hier a des chances
d'être voté demain.
• *
Voulant savoir, à ce propos, ce que comptait
faire la Société historique d'Auteuil et de Passy,
nous nous sommes rendu à son siège social — à
la mairie de Passy.
MM. Doniol, Potin, Gaston Lemoine, qui en
font partie, ne se réunissant que tous les 30 de
chaque mois (i), nous nous sommes donc adressé
en particulier à M. Doniol, afin qu'il voulût bien
nous renseigner.
— L'historique de ce monument, nous dit-il,
oh ! il est bien simple. Vous savez que, le 30 sep-
tembre 1896, la Compagnie de l'Ouest fit abattre,
sur une longueur de 160 mètres , la palis -
(0 C'est le 17. et non le 3o qu'ont lieu les réu-
nions mensuelles de la Société historique d'Au-
teuil et de Passy; il n'y a pas de séance pen-
dant les mois de vacances (aotU el septembre).
sade séparant la promenade du Ranelagh du
trottoirj de la gare de Passy , afin d'établir le
pavillon de réception oU le tsar Nicolas U et la
tsarine débarquèrent le 6 octobre pour faire leur
entrée triomphale à Paris, en passant par le bois
de Boulogne, auprès du château de la Muette, oU
la duchesse de Berry avait reçu, en mai 1717,
Pierre le Grand.
c La conservation des monuments et souvenirs
historiques du XVI^ arrondissement est un des
buts que la Société historique d'Auteuil et de
Passv se propose d'atteindre; c'est par Passy que
Nicolas II était entré dans Paris ; il était donc
bien naturel que la Société pensât qu'elle devait
prendre l'initiative d'ériser au Ranelagh un monu-
ment commémoratif de l'arrivée de l^mpereur et
de l'impératrice de Russie. Nous fîmes donc des
démarches dans ce but auprès du maire et des
3uatre conseillers municipaux du XVI* arron-
issement, leur demandant d'appuyer le projet
dressé par l'éminent statuaire M. Gustave Michel,
qui est membre de notre Société et qui se décla-
rait tout disposé à lui prêter son concours avec
le plus grand désintéressement.
« Après une réunion tenue au Ranelagh, le
5 avril 1897, en présence de M. Formigé, archi-
tecte de la Ville, MM. GusUve Michel, Laffite,
et Ch. Dupuy, architecte, délégués de la Société,
étaient tombés d'accord avec M. Formigé pour
demander au conseil municipal une place sur la
pelouse angulaire oui se trouve au croisement de
la chaussée de la Muette et de Tavenue Prudhon.
« L'autorisation du conseil était nécessaire,
puisque tous les terrains sur lesquels le monument
pouvait être érigé appartiennent à la Ville.
« Dans la séance du 21 avril 1898, M. Le
Breton, rapporteur de la troisième commission,
{»roposa d'accueillir favorablement la demande de
a Société et d'ériger un monument sur les pe-
louses du Ranelagh, à l'emplacement indiqué par
M. Bouvard, directeur administratif des services
d'architecture et des promenades. 11 était en-
tendu que la quatrième commission serait appelée
à statuer sur l'esthétique du monument avant
son exécution.
« Ces conclusions furent adoptées, mais le
23 avril 1 898 le conseil municipal décida <|u'il
apposerait lui-même une simple plaque. Tout était
changé. G$pendant, la question revint sur le tapis
le 2o mai 1898 et, après une séance orageuse du
conseil, M. Levraud déclara qu'il ignorait com-
bien de temps le fait qu'il s'agissait de commé-
morer aurait une influence sur les événements ;
qu'en conséquence il fallait s'opposer à ce qu'une
Société particulière, pouvant réunir des fonds
considérables, élevât un monument de gloire en
l'honneur du tsar, monument qui, selon lui, plus
il serait imposant, plus il serait disproportionné
avec l'événement dont il s'agissait de consacrer le
souvenir. L'érection du monument ne fut pas
votée.
« Malgré tout, la Société historique n'aban-
donna ni ne perdit de vue son projet; elle se féli-
citerait aujourd'hui de le voir aboutir avec son
caractère purement histori(|ue, patriotique et
local, en dehors de toute visée politique.
« Elle recommence et continue même ses démar-
382
HISTOIRE DU XVI'' ARRONDISSEMENT
ches et elle espère qae le conseil muDicipal actuel
lai permettra de réaliser son projet ancien. »
*
• *
L'auteur du monument, M. Michel, que nous
avons été consulter également, nous donne les
mêmes explications que M. Doniol en ce qui con-
cerne Tancien conseil municipal ; il nous avise que
la Société d'Auteuil et de Passy compte bien pro-
fiter des éTénements actuels pour se ressaisir de
son idée et y intéresser Topinion, qui lui a tou-
jours été sympathique et favorable.
Quant au projet, il n*a pas été modifié. Le
monument représentera une jeune femme person-
nifiant rhi^ire contemporaine. Elle tient dans
sa main gauche les drapeaux unis de la France et
de la Russie, dans sa main droite, le stylet avec
lequel elle vient d'inscrire sur une pierre com-
mémorative la date de l'arrivée à Paris du tsar
et de S. M. l'impératrice de Russie.
— Je l'avais vêtue, nous dit M. Michel, d*une
robe rappelant le costume moderne, une grande
écharpe volante reliait l'euitemble de la pierre
commémorative et donnait à la figure un aspect
plus décoratif, plus allégorique. Gomme seul orne-
ment, la jeune femme porte à son corsage une
branche d'olivier, symbole de la paix. La phy-
sionomie de la tète est calme et sereine ; elle
semble être empreinte d'une expression de satis-
faction ; elle se détache en lumière dans les pUs
agités des drapeaux.
Espérons que le monument si vraiment beau
de M. Michel pourra bientôt, cette fois, trouver
sa place au Ranelagh. La journée du 6 octobre
1896 n'est oubliée par personne; elle ffarde son
oli parfum du souvenir et est au fond de tous
les cœurs.
Aux âmes vraiment sensibles, les espérances du
lendemain ne font pas oublier les saintes joies
de la veille.
Le i8 septembre 1904 ressuscite le 6 octobre
1896. L'un est la consécration de l'autre. Le
monument du Ranelagh doit vivre plus que
jamais.
TOUT-PARIS.
(Extrait du journal le Gaulois, septembre ^901.)
1
LA TOUR DE 1-A RUE DE LA TOUR, N« 86
Nous avons r«)çu les deux lettres suivantes :
« Chalet des Sapins, près Lons-le-Saulnier (Jura).
« MONSIKUK,
€ Je ne puis assister aux séances delà Société,
mais je lis le Bulletin avec intérêt, et j'éprouve un
grand plaisir à suivre les discussions et les décon*
vertes dont il est rendu compte, surtout lorsqu'il
s'agit de questions rétruspectives, ce qui me pa-
rait être le but de la Société.
< Parmi ces questions, il en est une que je
m'étonne de ne pas avoir vu traiter, parte que le
crois ou'elle doit éveiller un ijrand nombre de
souvenirs, c'est : QneUe est l'origine et Thistorique
de la tour encadrée dans la maison Drapjfûr, et
qui a évidemment donné son nom à la rue ?
« Je n'ai, moi, habitante assez récente da
quartier, ni des données, ni surtout l'instructioa
spéciale nécessaire pour faire ces recherches. Mais
je suis très curieuse de tontes ces questions et dé-
sirerais que chaque quartier eût une Société sem-
blable à la nôtre pour préserver notre cher Paris
de l'oubli de ses origines et de l'horrible niveau
américain qui cherche à s'établir sur nous.
« Recevez, Monsieur, l'assurance de mes senti-
ments distingués.
« A. Gauthibr-Villars. »
La question de notre distinguée correspondante
a été posée dès la séance du 12 octobre 1894 ;
nous l'avons signalée une seconde fois dans le
Bulletin à la sagacité et aux recherches de nos
collègues.
« 28 octobre 1894.
Monsieur,
€ Si vous jugez que la publication de ma lettre
peut être utile aux recherches que nous désirons
tous favoriser, j'en autorise bien volontiers l'in-
sertion. Nous devons nous hâter de recueillir les
souvenirs du passé, poursuivis que nous sommes
par les démolisseurs.
€ Veuillez recevoir» etc.
€ H. Gadthier-Villars. >
Notre collègue M. Mar fait à Mme Gauthier-
Yillars la réponse suivante :
Dans son Histoire de France, le président Re-
nault cite un règlement donné par Philippe le Rel,
à Passy, au mois de juillet 1312, règlement par
lequel il décrète que les Quinze-Vingts faisant
partie de l'établissement fondé par saint Louis
{porteront une fleur de lis sur leur vêtement, pour
es distineuer des autres aveugles. Il est donc cer-
tain que Philippe le Bel possédait un domaine 4
Passy; mais ou était-il situé? Qnillet, dans ses
Ckronùjues de Passy, dit qu'il y avait dans ce
qu'on appelait les kortes-Terres, emplacement
coupé |iar la rue Mozart, à peu près à la hauteur
de la rue de l'Assomption : 1° une butte dite du
Roi, qui faisait partie de la métairie royale ; ^ une
porte dite Porle-Jeanne, dont le nom paraissait
provenir de celui de Jeanne de Navarre, femme de
Philippe le Bel, et qui était peut-être une des
portes du domaine au roi. En outre, d'andens
actes notariés établissent que, vers le même en-
droit, il y avait, en 1350, un autre quartier de
terre, désigné sous le nom de VEchansonnerie,
et tout porte à croire que là se trouvait le ma-
noir de l'échanson de Philippe, qui était Geoffroi
Gocatrix, le même qui a donné son nom à une rue
de la Gté, ou il possédait plusieurs fiefs. Il y au-
rait donc d'assez fortes présomptions en faveur de
ANNEXES
383
cet emplacement. Mais, d*aatre part, certains
chroniqueurs regardent la tour de la rue de la
Tour comme un débris du château de Philippe le
Bel. Quand, sous le premier Empire, on en fit une
restauration complète, qui, entre parenthèses, lui
fit perdre son cachet architectural, on reconnut
que les substructions semblaient remonter au
moyen âge. Et ce nom de rue des Tournelles, aue
porta si longtemps la rue Louis-David, n'inoi-
quait-iî pas Tancien emplacement des remparts
du château ? Néanmoins, voici ce que disait (juil-
let en 1836, à propos de cette tour : Après le
clos des Minimes (Bons-Hommes), on trouvait
un chemin de communication avec la plaine,
oii'on appelait le Chemin des Moines. On a
beaucoup élargi ce chemin pour en faire une
rue qu'on a longtemps désignée sous le nom
de rue du Moulin-de-Ia-Tour, parce que sur la
tour que Von voit encore dans celte rue, et qui
a servi longtemps de prison^ se trouvait un
moulin, et comme ce moulin a été détruit, on
la nomme à présent rue de la Tour seulement,
afin de la distinguer d'une rue adjacente por-
tant le nofn de rue du Moulin (actuellement lue
Scheffer), laquelle touche en effet au meûlin
Leclerc,
Aussi perplexes que Tâne de Buridan, nous voici
donc bien embarrassés pour placer le ch&tean du
roi faux monnayeur, deux fois excommunié ; quant
à moi, si nous étions au moyeç âge, si ie m'appe-
lais Philippe le Bel et que j'eusse le aésir de me
faire élever un château à Passy, je ne choisirais
pas remplacement des Fortes-Terres, qui, du
reste, était plutôt à Auteuil qu'à Passy, mais bien
la partie la plus élevée de la rue de la Tour (vers
le n® 86), avec tournelles sur remplacement de la
rue Louis-David et donjon sur celui de l'ancien
moulin Leclerc, c'est-à-dire rue Pétrarque, le
point culminant de la localité, d'oU je pourrais ad-
mirer au loin ma bonne ville de Paris et les gra-
cieux méandres de la Seine, et même au besoin
surveiller l'approche de l'ennemi.
L. M.
ROSE CHÉRI. — M. M0NTI6NY
Le séjour d* Auteuil, de Passy et de Ghaillot est
depuis longtemps justement apprécié par l'élite
des acteurs de nos différents théâtres, et longue
est la liste de ceux qui vinrent demander à notre
salubre et agréable région repos et santé.
A Auteuil, sans compter Molière, voici la
Champmeslé qui vint y finir ses jours, puis la
Saint-Uuberti, de l'Opéra, et, de notre temps,
Arnal, puis Samson et Bouffé, qui y moururent,
et enfin MmeMathieu-Plessy (Emilie (}uvon). Passy
a abrité la Guimard, Mile (^nlat, Mlle Georges
qui vint y mourir, Mme Gavaudan, la cantatnce
Mainvielle Fodor, dont une de nos cités porte le
Dom ; les coryphées de la danse : Fanny Cerrito,
Mme Bifjottini, Matbilde Marquet, oui se fit pein-
tre, Auriol, le clown inimitable, les chanteurs
Chollet,Levasseur,Ponchard, Montjauze et Duprez
qui y mourut ; les actrices Jenny Vertpré, Augus-
tine Brohan, Rose Chéri; les acteurs comiques,
tragiques ou ni l'un ni l'autre > c'est-à-dire les
comédiens de genre, Lepeintre aîné, Ferville,
Bouffé, Beauvallet, Bressant et Delaunay. Aujour-
d'hui Passy compte parmi ses hdtes: Blanche
Pierson, Jane Hading ; Got (i ) et Coquelin aîné, nos
très honorés collègues. A (Ghaillot vinrent demeu-
rer, d'abord (^lin, le célèbre arlequin de la
Comédie-Italienne, puis la piquante Mlle Dumesnil,
la célèbre Sophie Amould, Mme Molé,Talma, qui
Y commença ses études, Mlle Haucourt, Mlle
bourgoin et, de nos jours, la célèbre Alboni, qui y
mourut (2). Sans vouloir en aucune façon médire
des artistes de théâtre, et tout en rendant justice à
leurs talents, il faut bien reconnaître cependant
qu'au soi-disant bon vieux temps, tous ne méri-
tèrent pas des prix de vertu, loin de là ! Depuis,
ils se sont bien assagis ; aussi les préjugés, plus
ou moins bien fondés, qu'on avait contre eux, se
sont-ils justement dissipés ; et aujourd'hui, res-
pectueux de leur art et d'eux-mêmes, acteurs et
actrices sont généralement devenus rangés comme
d'honnêtes bourgeois. Nous ne nous en plaignons
pas, et il nous serait facile d'en citer bon nombre
d'un mérite exemplaire et d'une vie irrépro-
chable.
Telle fut, entre toutes, celle de notre hôte, la
sympathique Rose Chéri, dont la mort si préma-
turée, si cruelle, si dramatique mérite d'être rap-
pelée, ainsi que les douloureux événements qui
suivirent.
Il est des familles sur lesquelles, sans raison,
semble-t-il, l'aveugle fatalité prend plaisir à
s'acharner ; celle de Rose Chéri fut du nombre.
Mme Montigny (Rose Cizos,Mme Lemoine) , plus con-
nue sons le nom de Rose Chéri, était née à Étam-
pes le 27 octobre 4824. Son père, Jean-Baptiste
Cizos, acteur et directeur d'une petite troupe de
province, lui fit faire ses débuts d'enfant à Bourges,
en i830. Très intelligente, la petite Rose se fit
applaudir successivement dans la plupart de nos
villes de province et, en dernier lieu, en 4842, à
Périffueux, où, remarquée dans la Grâce de Dieu
par Lolsa Puget, qui devait quelques années plus
tard devenir sa belle-sœur, elle fut présentée avec
sa sœur Anna à M. Romieu, alors préfet de la
Dordogne, qui, toujours facétieux, les voyant si
gentilles et si modestes, s'écria : quelle jolie
paire de Cizos ! et leur donna une lettre de re-
commandation pour son ancien collaborateur, le
vaudevilliste Bavard. Les voici donc à Paris, où Rose
Chéri débuta si malheureusement au Gymnase, le
30 mai dstnsV Estelle deScrihe, qu'elle fut remerciée
après deux représentations. Rentrée comme simple
doublm*e au même théâtre peu de temps après,
aux appointements de 900 francs par an, elle eut,
le 5 juillet 4842, la bonne fortune inattendue de
pouvoir remplacer dans Une Jeunesse orageuse,
Mlle Nathalie, subitement indisposée, et y obtint
un tel succès que le public réclama son nom avec
insistance. « (juel nom dirai-je? demanda le
(i) Blanche Pierson et Gol Hont décèdes.
(2) Le nom d'Alboni a été donné à une des rues
de Pasey.
3&4
r XVI' ARRONDISSEMENT
régisseur à la mère de la débnUnte. ~ Itote
Cizoi —^ CiiM ! impossible de dire ce nom-
li, OQ rirait trop. — Mon mari dans ses tonraées
drimatiqDss prend le nom de Chéri. — Bienï >
Et le réeisseur laD;a, au miliea des applaodisse-
ments fréoètiques, le nom de Rose Chiri, sous
lequel die est resiée conoae. Le lendemain, son
directeur, M. Delestre-l'oirsoa, lui oSrail un en-
gsgemeot de 4.000 Traiics. Malgré les offres bril-
M. Montiguy (Adolphe Lemoiae, dit), né ta
180"), tut pendeot quelque temps acteor k TAm-
bigu, écrivit quelques pièces soit senl, soit en
colla bore lion, s'assoeii i Mever en 183^ pour li
direction de U liaieté (qui fut heureuse) et prit
enâu. le 18 JDinl8i4. celledu Gymnase. queson
intelligence et son habileté parvinrent à Lrcr de
lasitaaliori désespérée o il il l'avait trouvée (l|-
C'est qu'il eut le bon esprit de s'adresser pour ses
lanles qui lut furent faites depuis par l'Odéon et
par la Tfaèltre-Français, elle ne voulut jamais
abandonner la scène de ses premiers succès.
Actrice pleine de charme, de distioction, do
godt, de verve, de grâca et de sensibilité, incom-
parable dans les rdFes d'ingénue, elle honorait de
plus si bien la vie de famille par ses vertus privées
Ju'oa beau jour, M. Scribe, le fournisseur attitré
u Gymnase, vint, au nom de son nouveau direc-
teur, M. Lemoine Monligny, pour demander sa
main, et, le 12 mai 1847, la jeune actrice deve-
nait Mme Montigny, reslanl toujours Itose Chéri
pour le public. Mais ce mariage inespéré avait
coûté la vie à son père, qui, rendu fuu de joie,
lut pris d'un accès de Gèvre chaude et se préci-
pita par II fenêtre.
pièces aux boas faiseurs, à Scribe, tonjonra sur
la brèche, i Italiac, qui lui donna Sercadel, 1
(leorge Sand, à Jules Sandeau, i Emile Augier,
à Alexandre Dumas fils, doot il devint riaiiaie
ami, à (Iciave Keuillct, Sardou, Neilhae, Labiche,
Pailleron, etc. En peu do lempj sa troupe devint
la plu»comp!èle, la pins homogène et la plus lia-
bile après celle du Tbéllre- Français : elle compta
(i) r.ommo touH les lliêàlres, âpre» la révolu-
li'in de février iH{8, le Gymnnst' passa par des
DosD Clirrl n'ii^slla pas i\ 'no détaire de' nen M-
jaax et dv ses dinmants.
l'vndanl 1rs fralririile* jixinires ilc juin, elle
f'i-mprcssa de tronsformer son Ihéâlre en stnbu-
lanre, tillani elle même visiter. nSeonrorler et
Hoigiier les Iileasist et les mourants.
ANNEXES
385
Bouffé, LafoDt, Geoffroy, Bcrton, Dressant, Le-
sueur, Numa, Tisseraut, Ferville, Lafontaine:
Mmes MoDTal, Rose et Anna Chéri (Mme Lesueur),
Victoria LafoDtaine, Pierson, Pasca, Desclée,
Céline Montaland, etc. Avec de tels éléments, le
succès ne se fit pas attendre et dura longtemps.
Pais, les entants allaient venir, on désirait nn
air plas par que celui de Paris, et, vers 1857 au
plus tard, M. et Mme Montigny vinrent s*ins-
taller à Passy, d*abord au n® i5 de la rue Saint-
Pierre (actuellement rue Nicolo, vers le n° 51
on 53) et, peu de temps après, ils prirent pos-
session définitive d*un charmant petit hôtel de
style Louis XV, qu'on peut voir encore entre cour
et jardin au n^ 73 de la rue de la Tour (an-
cien 61 bis), mais qui n*était pas alors étouffe par
les lourdes bâtisses qui Tentourent aujourd'hui.
C'est dans cette demeure que Rose Chéri vit gran-
dir ses trois enfants, qu'elle aimait jusqu'à l'ado-
ration.
Mais hélas! au commencement du mois de
septembre i861, l'ainé est atteint d'un angine
couenneuse ; dans l'espace de quinze jours, trois
fois il est regardé comme perdu ; Rose Chéri ne
quitte pas son chevet. En vain lui dit-on que la
maladie est contagieuse, elle n'écoute que son
amour maternel, aspire ainsi la maladie de son en-
fant qu'elle guérit, tandis aue le mal fait rhez elle
des progrès si rapides qu'elle y succombe au bout
de quelques jours, dans la nuit du samedi 21 au
dimanche 22 septembre 1861.
€ Sainte mort pour une mère que de mourir en
sauvant son enfant (dit M. de Biéville, un de ses
biographes), triste mort quand on laisse trois
petits orphelins et un mari qui ne devait pas
croire que sa jeune compagne quitterait le monde
avant lui. »
€ Elle est morte, cette grande artiste — s'écrie
le Figaro d'alors— cette honnête femme ! Mme Le-
moine, qu'on appelait Rose Chéri ! Elle est morte
de la maladie de son enfant qu'elle soignait — et
l'enfant vit! C'est lundi à Passy que le cercueil a
emporté ce nom et cette vertu. Quelle double
Î gloire que celle du talent et de l'honnêteté ! Pauvre
émme ! elle a lutté toujours, lutté sans relâche,
vaillante, brave, chaste et bonne ! Le but était
atteint, elle avait une famille, une fortune, elle
était jeune, aimée, respecté<%... elle meurt! »
Et partout, à la nouvelle de cette fin si drama-
tique, l'émotion fut semblable.
Si la mort ne l'eût pas enlevée, à quelles autres
épreuves n'eût-elle pas été soumise ! A peu de temps
delà, un de ses fils mourait; puis, l'aîné, — celui
dont elle avait racheté la vie par la sienne, jeune
homme de vingt-deux ans dont l'avenir semblait
devoir être brillant et qui déjà avait eu une pièce
reçue et jouée au théâtre du Gymnase (1), — un
jour est mordu à la racine du nez par son chien,
qu'il soupçonnait si peu d'être atteint de la rage,
qoe le malheureux laissa s'écouler plusieurs jours
(i) Rappelons à ce propos qu'Alexandre Dumas
fils lui avait prtniilivement en ces termes clédic
les Idéeit de Madame Aubray : « Je veux, mon
cher enfant, le dédier celle comédie. Elle le re-
vient de droit. Mme Aubray, c'est la foi, le dé-
vouement et lo sacrifice. C'est ce que fut ta
mère. »
avant de se décider à faire soigner sa blessure. Le
mal, après un mois d'incubation, fit son appari-
tion, et, le 25 juin 1878, une mort atroce s en-
suivit.
Nous devons rappeler ici, à l'éloge de M. l'abbé
Locatelli, curé de Passy, déjà bien vieux, qu'ap-.
pelé auprès du mourant pour lui administrer les
derniers sacrements, et connaissant le danger qu'il
y avait à s'approcher du malade, il n'hésita pas
un seul instant à se rendre auprès de lui, et là, à
câté du médecin, remplit courageusement son
devoir jusqu'au bout.
Quelques années après, le 6 mars 1880, M. Mon-
tigny, brisé plus peut- être par le chagrin que par
l'âge, quittait pour toujours son charmant hôtel
de la rue de la lour, pour aller rejoindre sa femme
et ses deux fils au cimetière du Nord.
Quelques mots, pour finir, sur le frère de Rose
Chéri, Victor Chéri, chef d'orchestre et composi-
teur. Né à Auxerre le 14 mars 1830, il fut d'abord
violon à l'Opéra, remporta un second prix au Con-
servatoire en 1855, puis dirigea successivement
l'orchestre du théâtre des Variétés, du Châtelet et
du Gymnase. Il était venu s'installer également à
Passy, rue 0)rtambert, n^ 40, presque au coin de
la rue de la Tour, dans une maison de rapport
appartenant à son beau-frère, et voisine de son
hôtel ; il s'occupait des affaires d'intérêt de M. Mon-
tigny et surveilla en second père l'éducation des
enfants de sa sœur, pour la mémoire de laquelle
il avait un véritable culte. Comme son père,
comme sa sœur, comme l'aîné de ses neveux, il
mourut d'une façon tragique le 13 novembre 1882.
N'avions-nous pas raison de dire , au début de
cet article, qu'il est des familles sur lesquelles,
sans raison, semble-t-il, l'aveugle fatalité prend
plaisir à s'acharner?...
Léopold Mar.
LES RUINES DE (870-1871
AU l>0INT-DU-J0UR, A AUTEUIL, A PASSY
ET AU TROCADÉRO
Dans un récent article, notre éminent collègue,
M. Aug. Doniol, a dit un mot, en passant, des dé-
gâts essuyés par le pont-viaduc du Point-du-Jour
en 1870-1871 . Nous avons eu l'idée de rechercher,
pour les consigner ici, les détails des désastres
éprouvés par notre arrondissement, et nous les
empruntons à une brochure de 1871, signée John
Mottu, qui reproduit des articles parus dans le
Moniteur universel.
Nous signalons à l'avance quelques naïvetés
d'expressions qui proviennent, sans doute, d'une
description improvisée un peu hâtivement. Nous
avons retranché tout ce qui nous a paru avoir le
caractère d'une discussion ou d'une appréciation
politique, et nous nous sommes borné à emprunter
le document matériel, en citant purement et sim-
plement.
Il était réservé aux quartiers situés entre U
i5
386
mSTOIRE DU XTI* ARBOMMS^EMENT
Cl la ptrie è» Tcrao 4e
ptat qiie iMie aatre nrtie de la opitjle.
A»ra aTMT 4ô ntar ffc— ijiatif 4e r^oean-
tîea fiwifMf 4i i« BM, 1 uHmctiaR a foic
findreMr cet loealitcs ks pht
Pév nei, qaî ai mité pôidaa
fléestifii loBf les eadroiu déMlée, je
ttSf craiale 4'élre dcacatî, que les détasirci qae
j*ai décrits dans /^ Moniteur umieenel des 14,
i5, 17, 18, 49, SO, ^ et i5 jwa K sont riea
it à ee qoe je rais chciilwr à
d'Aaieni ; le chaap da repas a*ca a
Qadie duaiHna! «a ae se crail phBàPiîm;
celai ^aia, flyaaaaaà
Je B*eia|^ aalleseai, eoBuae cela poarra pa-
raître, Bats j'aveae qaH j a des dioses daos lear
horrear, si afreaseoMOt carieases i Toir, qae ai,
aa liea de les afoîr vaes Boi-mèiBe, elles B*cas-
seat été raeootées, j'aarais cra qa^eUes élaieat le
pradait d^aa ecrreaa sareidtépardes saafnaces
■orales proreaaat da séjoar daiv les lieax a jaat
serri de tbéitre aax conbats adtaraés qai ont
porté le deail daas taal de laai'dks et aecamalé
taat de raiacs.
— ki sait aae dissertatioa sar les débits et dé-
sastres de Saiûi-Cload, iaipaUbles les ans aax
Prassieas, les aatres aa Moat-Valériea. Il aoas
parait pr^êraUe de la passer. Ceaz de ooscoUè-
faes qai Yoadraieat j recoarir la troareroat daos
Bos Archires.
Le niagBifii|oe mdoe do pont àA Poiot-do-Joor
jasqo*à Aoteoii a été daos toat soo parcoors for-
temeot eadoramagé ; des milliers d'obos oot fait
saater le roe, partoat oo voit ks brèches causées
par les gros projectiles, et les parapets da soDunet
oot sortoet été forteadommagés.
Les Diaisoos da Poiot-do-Mor jusqo*à la nie
MoUtor oot été atteiotes par les projectiles ; il y
a da mal, mais ces dégits ne soot rîea eo corn-
paraisoo do spectacle alireox qai s^olTre aux regards
depuis les mes Molitor et sortoot Michel-Aoge.
Les maisoos da Poiot-do-Joar oot été préserrées
par le riadoe, aussi oous oe oous y arrèteroos pas
beaucoop.
Nous iroos tout de suite à Auteoil.
11 faat poortaot s'arrêter ao chalet de TAcacia,
cha Moie Philippe, caotioière do 1^ batailloo de
la garde oatiooaie, qai était au combat de Buzeofal.
Cest elle qui a soigiié, daos ses deroiers moments,
le brsTe capitaine de la i ^compagoie, M. Ersan ( 1 ),
tomi)é sur le champ d'hooneur.
Mme Philippe a cessé d être cantinière du 73*
des rayènemeot de la Commune. Ce bataillon,
ainsi que le 38*, ont toujours refusé leur concours
aux communeux ; quelques hommes seuls se sont
laissé gagner. Les commandants des ces deux ba-
taillons étaient MM. Lavigne et Bouteiller, deux
noms bien assortis.
Mme Philippe a reçu la médaille militaire qu*elle
a bien méritée ; elle jouit de l^cstime de tout le
monde à Auteuil.
Suivant le boulevard Excelmans (2)^ je trouve
à gauche, près de la rue Michel-Ange, le cimetière
(i) Nous pensons (|ue te nom doit s'écrire lier-
«cnl.
(2j ExelmunHt
der
ccœ piapffilî qai était le
r
aataar de hi qae déaolatîaa, crail être «
d*aa tsage amax, ce a'est qae raiacs.
Les mars d^aae graade propriété à cMè da
cimetière ae soBi plas qae des aatts de décombres.
El k cioMlière? Rcaversé, boalevcraé, loas ks
artres qai exîstaieal ahattas, brisés; aae plaiae
déserte sar la^adk s*élèveat les raiaes de h
■aina Boargeots, el plas loia sar la dreile ccDes
de la caserae desdoaaaien.
— Aprà qadqaei détaib sar la laUesoateaae
dans k daMtiére, Joha MoUa coaliaae, ea disaal
qae, poar Aatcaîl eomaw aoar XeaîIlT, c*esl presoae
■aisoa par maison qa*il Cadrait décrire ks dé-
Preaaae toales les maisoas oal loaffen, SBèsM
Sainte-Périae et Chardon,... el cependant elks
sont bien éloignées des forti&calîotts.
Cesl de la place de la gare d'Anteafl que je
vais chercher k décrire les désastres qai, sar an
ihéfttre pins restreial, commenceront k donner
nne idée de ceax de Neaîlly.
Lliorribk est coauae k beau : qaand on voit
quelque chose de soperbe on s*y habitae et ce qai
voBS paraissait joli a cessé d^altirer Totre atten-
tion toujours dàirense de troarer le mieax.
Il en est de même de lliorribk, quand on con-
temple les raines de la porte d'Auteail et celles
de 1 avenue du Roule...
— Soit une énomération rapide de noms de mes
de Neoillj.
Il faot surtout eoteodre les récits émoovants de
ces paovres malheureni qui oot passé tant d'heures
d'an{[oises dans les journées des âO et 21 mai; k
décrire est presque impossibk, il faut ks entendre
raconter dans toute leur horreur de vérité et avec
Faceent de la douleur subie et non contemplative.
Les maisoos de la porte d'Aoteoil me foot reflet
devoir été mises daos une de ces machines ceotri-
fuges|;igantesquesdonton se sert daos les raJBneries
et qui, faisant un nombre de toors considérabk
à la mioute, mélangent et remélangeot les ma-
tières qu*eUes contiennent.
Je me sers de cette comparaison pour chercher
à décrire ces scèoes de désoUtioo qui seront sans
doute préseotées plos tard daos quelque trsTail
sérieux par quelque écrivain de mérite (1).
— Soit nne description des angoisses des geos
réfugiés dans les caves ; on donne le nombre des
canons tirant sur Auteuil, la quantité de coups
tirés, le calibre des pièces de marine. U y a eu
sur Auteuil un typhon de mitraille et d^obns.
L*anteur donne des conseils sur la meilleure ma-
nière de répartir les fonds de secours. Il dit la
(i) On sait que Maxime du Camp, de TAcadémie
Tranijaisci a écrit sur la Commune.
ANNEXES
387
situation difficile des habitants d'Auteail, qui
aTaient fait {wrtie des 38* et 7:2* bataillons, aa
milieu des combattants de la Commune, et il retient
enfin aux déf^ts matériels.
Dans les décombres des maisons se trouvent
mélangés tous les morceaux de fer provenant des
belles portes et grilles d*Autenil qui ont été brisées
morceaux par morceaux et lancées au milieu des
plâtras. De ces belles portes il ne reste plus que
quelques barreaux contre les murs du bastion n** 3.
— Cest de la place quVcupait la gare qu*on
embrasse bien les désastres.
Rue Chanet (1) ou de TAlma, à droite, c'est
là que se trouvent les bâtiments du dépôt de la
Société des Omnibus, tout découverts (2), mais
préservés par le viaduc.
C'est dans cette rue, au n* 7, que se trouvait,
au centre d*un superbe jardin, Thabitation de
Casimir Périer, incendiée et détruite avec tout son
mobilier. U ne reste de cette belle demeure que
les arbres et la superbe grotte en tuf et stalactites.
Les restes des û^* 44 et 44*^^* sont curieux à
voir par un temps un peu sombre, au coucher du
soleil; d'une maison ayant 42 fenêtres sur sa
façade, il ne reste que le grand mur mitoyen,
mais contre lequel aucune construction n*était ap-
{rayée ; le mur avait été peint en vert-bleu, et,
orsque le jour baisse et qu'un rayon de soleil se
fait voir, ce grand mur fait l'effet aun nuage bleu.
Les n®* 67 et 79, dans la Grande-Rue, en face
de la porte d'Autenil, pourront être réparés sans
faire de construction nouvelle ; ils ont été pré-
servés par d'autres maisons ; tout autour ce n'est
que ruines.
Les dégâts dans la rue principale conduisant à
la rue La Fontaine vont jusqu'à la maison du prince
Pierre Bonaparte qui a été incendiée par les fédé-
rés ; c'était là que se trouvait leur grand état-
major.
Les visiteurs habituels de Passy apprendront
avec plaisir que la belle villa Caprice, propriété
de M. Karfoniel, est intacte : on s'arrêtait avec
tant de plaisir devant ses grilles élégantes iioor
jeter un coup d'œil sur les admirables massifs de
fleurs, toujours si bien entretenus.
La rue Erlanger a été bien épargnée ; ce n'est
pas à dire qu'il n'y ait pas beaucoup d'habitations
qui, en apparence, sans grands dégâts à Textérieur,
en ont suffisamment à Tintérieur ; de ce nombre
est celle de feu Ponson du Terrail , portant le n® 1 4 .
Rue Molitor, on a déjà répare la maison du
capitaine de la 4^ compagnie du 72* bataillon de
la garde nationale, M. Eiian, tué à Buzenval.
Comme il y a un Dieu pour les ivrognes, il est
certain qu'il y en a un pour les statues, cloche-
tons et en général pour ce qui, le plus fragile ou
en vue, devrait être plus facilement atteint. Ce
qui me le fait dire, c'est que les réservoirs et
colombier très élevés de la propriété de Mme Le-
comte ont été complètement épargnés ; c'est une
fort jolie construction et très en vue. Par contre
la maison d'habitation est incendiée.
(l) ChaMZ.
li) On a, sanH doute, voulu dire : très visibles
pour les assiêgcaols.
La rue Poussin jusqu'au marché est détruite.
C'est du n<* 45 de cette rue. à l'entrée du boule-
vard Montmorency, ane l'on voit de erands dé-
sastres, notamment aes n^ 64 à 73. Les n®* 35
à 59 du même boulevard sont à peu près intacts.
Je ne veux pas dire qu'ils ont été épargnés à l'in-
térieur, mais les carcasses des habitations sont
entières.
Ce boulevard Montmorency, autrefois si coquet,
a bien souffert ; les n^* 24 à 33, qui se trouvent
derrière la caserne du bastion 6i , sont plus ou
moins des ruines (4).
Le n<* 27, propriété de M. Salles, est complé-
ment écroulé et incendié : ce qui lui a valu cette
gracieuseté des communeux, c'est qu'il avait, m'a-t-
on assuré, 4 .200 bouteilles de vm dans sa cave.
Après les avoir bues, ils ont pensé n'avoir rien de
mieux à faire au'à brûler la maison (2).
Le boulevard de Beauséjour est moins maltraité
que le précédent, au moins quant à l'extérieur.
Passons devant la villa Rossini, à la porte de
Passy ; demain je raconterai ma visite dans cette
propriété en même temps qu'an château de la
Muette et dans la magnifique habitation de Mme la
duchesse Riario-Sforza, au boulevard de l'Empe-
reur. J'y ai vu tant de belles choses et recueilli
tant de renseignements intéressants, qu'il ne faut
pas couper le récit de mes visites dans ces trois
endroits.
L'angle de l'avenue Ingres et du boulevard
Suchet est une propriété de la Ville de Paris, qui
n'est pas trop endommagée. Le n* 8, à côté, a
une forte brèche ; le reste de la maison est intact,
et il en est de même à l'extérieur des n<*" 6, 4 et 2.
Le n® 4 est endommagé ; mais des trois enfants
portant une corbeitte de fleurs placés au centre
de la façade, sur la corniche, un seul a le genou
droit un peu touché, et les guirlandes de fleurs
srulptées sont intactes ; ce sont sans doute les
armoiries du propriétaire, qu'on m'a dit être
M. Fleory.
Le n^ 3, un atelier de sculpteur, contient trois
corps de bâtiments, dont un incendié.
Le n^ 5 est une habitation démolie par les obus.
Les n®' 45, i 7, 49 et 24, assez endommagés.
Quant aux autres numéros ils ont des dégâts.
Les portes de Passy et de la Muette ont leurs
portails en fer et grilles endommagés, mais non
enlevés.
Avenue de l'Empereur (3), le b9 482 est démoli
ar les obus. Le 480 est incendié complètement.
476 a reçu des obus.
Passy, dans ses charmantes villas, réunit de
grands noms, de grands artistes, des hommes de
talent, commeécrivains, industriels, ingénieurs, elc^
Rue de la Tour, n*" 452, tout à cêté du boule»
vard de l'Empereur, est la belle habitation de
(i) Le n» 29, nolammeni, a plus souffert de la
Commune que du siège. Le propriétaire venait
de sortir de son cabinet de toilette, lorsqu'il y
tomba un obus tiré de Monlrelout et qui fit
écrouler une partie de la maison, heureusement
sans accident de personne.
(2) 11 est poï^sible ijue le a? ait été bnMé ; mais
rincidenl des bouteilles doit se rapporter au 29,
que les fédérés avaient respecté (N. d. S. 0<).
(3j Avenue Henri -Martin aujourd'liui.
K'
388
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
M. Y von (1). Ce graod peintre Tient dy passer
trois joors poar constater tons les dégâts. Sa
maison a terriblement souffert, et les pertes des
objets d*art sont grandes. M. Yvon n'était pas à
Paris ; il habitait Londres dès Tonverture de l'ex-
position et les importants ouvrages qu*il y a entre-
pris ne lui ont pas permis de rester longtemps ici.
Le n° 150, propriété de Mme Claude Vignon,
est endommaffé ; il en est de même du 448, à
M. Chesson (z), Tingénieur habile qui, pendant
le siège, avait établi des moulins à la gare d'Or-
léans pour nous préparer la fameuse farine des
brioches Ferry ; il est probable quil aurait pré-
féré employer ses meules à quelque chose de
mieux.
Le n^ l>i6, propriété de M. Bouffard, en face
des jardins de la ville de Paris, a eu son premier,
étage incendié le vendredi 19 mai.
Lesno» 135, i3i, i36, 144, 146 de Favenue
de TEmpereur^ ont . tous été endommagés. Les
arbres, caoldélabres de cette avenue sont intacts.
La batterie fédérée placée au Trocadéro a occa-
sionné les dégâts . en forçant le Mont-Valérien à
rompre le silence ; ils ne sont pourtant pas grands,
et les murs neufs du cimetière de Passy ont été
fîyrt peu endommagés.
Nous avons résumé précédemment les désastres
et les dégâts matériels occasionnés par la Com-
mune dans le quartier d*Auteuil et du Point-du-
Jour. Nous n'avions pas alors en notre possession
les photographies qui en reproduisent les navrants
détails, et que notre collègue, M. Lucien Hervé, a
bien voulu offrir gracieusement à nos archives.
Nous pensons qu'il suffit qu'on puisse aller les y
consulter ; et, si l'histoire nous oblige à enregis-
trer tous les événements qui se sont accomplis
dans notre arrondissement, nous sommes moins
disposé à reproduire au Bulletin les vues mêmes
Î irises en des journées néfastes sur lesquelles
'oubli et le pardon sont depuis plus de vingt ans
descendus.
La Porte-Maillot, qui forme la limite de notre
territoire, nous appartient un peu, tout au moins
par moitié ; consacrons-lui quelques lignes.
Les maisons près de l'enceinte étaient entière-
ment détruites, écroulées ou incendiées. La volée
des obus y avait été aussi formidable qu'à Auteuil,
parce que les postes fédérés y étaient nombreux
et compacts. La seule batterie de Montretout avait
ruiné la porte d'Âuteuil ; les trois batteries du
château de Bécon, de Courbevoie, du Mont-Valé-
rien, avaient laissé de la porte Maillot quelques
débris sur place, bien que les grilles de fer eussent
pour la plupart volé en éclats. Les remparts étaient
très endommagés.
De nombreux ébranlements avaient été causés
dans les rues voisines par l'explosion qui avait
fait sauter le tunnel de la gare; la tranchée à
travers l'avenue de la Grande-Armée s'étalait
(i) On sait que la rue de la Tour, comprise
entre l'avenue Ilenri-Morlin et le boulevard
Lannes, s'appelle maintenant rue Adolphe- Yvon.
(al M. Cneysson, de l'instilul, membre de la
Société.
béante, sur la ligne de Ceinture. C'était sur ce<
point, en effet, que les assiégés redoutaient le
plus l'effort des troupes de Versailles.
J'arrive à Passy. Je ne dirai rien des dégâts de
la Muette, dont M. F. de l'Église a parié dans
un autre article. Visitons le Ranelagh et, en
{iremier lieu, la maison habitée par la veuve de
iossini, ou, pour mieux dire, abandonnée par elle.
Déjà, l'hiver précédent, les francs-tireurs de la
Seine avaient imprimé de sensibles traces de leur
passage. Les réparations étaient à peine achevées
que la Commune était déclarée. Elle devait laisser
la maison de Rossini percée à l'extérieur de vingt-
cinq trous d obus. On les comptait. Au dedans,
seule la chambre de Mme Rossini demeurait à peu
près intacte ; mais le reste était à claire- voie, et
du rez-de-chaussée, à travers le crible des par-
quets, on apercevait la toiture. Le carrelage du
corridor avait disparu, et, dans la chambre du
maître, il ne restait que la rosace centrale. Les
peintures du grand salon avaient peu souffert,
bien que sept obus y fussent tombés; par un hasard
aussi heureux qu'extraordinaire, tous, en venant
du ciel, — manière de parler — étaient passés
par l'ouverture faite par le premier, mesurant
environ l^^fSO carré. Les domestiques chargés de
garder la maison, et qui ne l'avaient pas quittée,
s'étaient réfugiés au sous-sol. ils en étaient quittes
pour la peur ; mais leurs alarmes avaient dû être
grandes : deux obus, éclatés au rez-de-chaussée,
avaient crevé la voûte de la cuisine et de l'office.
Les arbres fruitiers du verger; que Rossini soi-
gnait avec amour, étaient saccagés. Il aimait non
moins les statues qu'il avait fait placer dans des
massifs de rhododendrons. L'une d'elles avait dis-
persé ses membres aux quatre coins de la villa,
et la tète en était réduite en poussière. Les obus
avaient labouré le gazon, fracassé le grand bassin
de la fontaine, heureusement en épargnant les trois
statues qui soutenaient la vasque centrale. Enfin,
dans le pavillon mauresque, le Danseur ne dansait
plus que sur la jambe droite, et les castagnettes
de la main gauche avaient été, ainsi que les doigts,
rejoindre la jambe absente du même côté. Le
bonhomme riait néanmoins, stoïque dans la dou-
leur. Mme Rossini put lui rendre une jambe, des
doigts et des castagnettes : je ne sais s'il en rit
encore. Si celui qui nous a donné l'admirable
oraffe de l'ouverture de Guillaume Tell avait en-
tendu la tempête de fer et de feu où sombrait sa
maison, quelle page musicale il eût écrite !
L'ancien village de Passy fut, en réalité, peu
atteint et il faut se défier, quand on les relit, des
exagérations des journaux de l'époque. Recon-
naissons toutefois que la chaussée de la Muette fut
plus éprouvée que les rues intérieures : elle était
aussi plus eu vue, et les projectiles déviés qui ne
tombèrent point sur la Muette ou sur le Fleuriste,
furent pour elle. Les immeubles portant alors les
n»> 9, iO, 12, 13 et 14 eurent assez fort à se
plaindre. Rue Largillière, n<» 7, dans la cour. Us
Naufragc's (1) d'Ëtex, groupe de grandes propor-
tions, ne furent pas touchés. Ils avaient survécu,
intacts, au siège, aux trois jours de l'occupation
(i) Ils avaient flgurû à l'Exposition universelle
de 1867.
ANNEXES
389
allemande, en6n à la Commune, impavtdi, à tra-
Ters ces terribles et angoissantes journées où tant
d*àmes murmurèrent le sunt lacrymœ rerum.
Dans le Toisinage, je veux dire les rues I^^rgil-
lière, Mozart, de la Pompe, de Passy, de TAnnon-
dation, Franklin, Nicolo et quelques autres, on ne
relevait que quelques traces de projectiles. Ce qui
ne veut pas dire que les habitants niaient pu
éprouver les plus grandes anxiétés.
Le Fleuriste et les Serres de la Ville de Paris,
dont le directeur était alors M. Rafarin, n'avaient
pas été épargnés et faisaient partie de la zone de
Passy vraiment désolée. Les collections d^azalées,
de camélias, de palmiers n'avaient pas eu trop à
se plaindre, relativement ; mais sur les trente-
neuf serres existantes, trois seulement (1) avaient
échappé aux projectiles : 2.011 métrés carrés
de vitres étaient brisés. On estimait à près de
30.000 francs les réparations de vitrerie et de
serrurerie. Les châssis de couches, quarante-cinq
cloches avec leurs boutures étaient en miettes.
Près de 4.000 plantes étaient détruites, parmi
lesquelles, il est vrai, beaucoup de petites (2);
comme grosses plantes, il n*y avait que IS camé-
lias et 45 grands azalées du jardin d'hiver, 65 pal-
miers, 1 grand araucaria, 2 dracaenas de 5 mèlres,
et diverses grosses plantes. Il fallait se féliciter de
n'avoir pas perdu plus de plantes de prix.
Un récit de 1871 rapporte les curieux effets
suivants :
Au centre de la serre chaude des palmiers se
trouvait un bassin de 7'°,20 de profondeur, sup-
portant des traverses en fer sur lesquelles étaient
placés, dans des caisses de 100 kilos, des pan-
danus à lames de 3 à 4 mètres de longueur. Un
obus, après avoir ra.é le chalet Lamartine, effrité
le mur mitoyen, tomba au bord du bassin ; l'eau,
soulevée, enleva les caisses à 6 mètres; la pres-
sion de Tair ouvrit les châssis de la serre, qui liviè-
rent passage à l'eau, se refermèrent sur les feuilles
de pandanus, dont les caisses retombèrent. Le
même obus renversait la caisse de 200 kilos d'un
superbe cycas et la portait à 3 mètres de distance,
— Un second obus, après avoir traversé un pa-
villon dans une propnété voisine, faisait dans le
mur de clôture une large brèche et venait couper,
dans la serre froide des pahniers, un çrand cha-
merops, 2 gros dracaenas, et n'éclatait pas. —
Un troisième obus traversait la serre de fougères
et allait éclater dans la tranchée de la Ceinture.
Enfin, un quatrième obus tombait dans la serre
qui avait abrité l'aquarium à l'Exposition de 1867,
y éclatait et la déshabillait de toutes ses vitres,
sans endommager les ferrures.
Revenons à l'avenue de l'Empereur (3), sur la-
onelle finissait notre première promenade et qui
doit à la batterie placée au Trocadéro d'avoir gra-
vement souffert.
La propriété habitée par Lamartine comprenait,
croyons-nous, l'espace de terrain construit au-
jourd'hui et supportant les immeubles n*« 107
(i) Parmi ces trois-Ià flgurail heureusement la
grande serre aux camélias.
(a) Notamment une très belle collection de
calladiums.
(3) Les récits de l'époque disent aussi : bou-
levard de l'Empereur.
à 111 de l'avenue Henri-Martin; le fond regar-
dait le château de la Muette. Elle était entourée
d'une balustrade (1) en fer, recouverte de lierre.
La maison d'habiration avait l'aspect d'un chalet.
Elle était occupée par l'état-major fédéré et
soixante-deux artilleurs. Le premier obus qui
tomba les fit déloger en hâte. Traversant le mur,
il brisa la porte d'entrée et les cloisons des quatre
pièces du rez-de-chaussée. Par miracle, la che-
minée du grand salon resta intacte ; celle du petit
salon n'eut qu'un angle brisé ; les peintures sur
porcelaine ou faïence étaient sauves. Le cabinet
de travail du poète n'était que légèrement endom-
magé ; la salle à mangecf «ttenante au chalet, fut
préservée. Il en fiit de même, au premier étage,
de la chambre où Lamartine était mort. Dans la
chambre voisine, celle de sa nièce, un obus tra-
versa le dossier d'une chaise, le panneau du pied
du lit et s'enfouit dans les matelas sans éclater ;
les antres pièces étaient mitraillées. En résumé,
57 obus étaient tombés dans la propriété : 53
avaient percé dans la balustrade 20 trous du côté
de la Muette et 33 sur le boulevard de l'Empe-
reur ; 4 seulement étaient tombés sur le chalet,
dont 1 sans éclater. Ce qui explique que le visi-
teur du 18 juin 1871 ait pu voir encore et décrire
les œuvres d'art, la plupart dues à Mme de La-
martine, qui ornaient la demeure.
Malheureusement, on avait à déplorer la perte
d'une grande toile. Tempête en mer, et celle de
la principale œuvre de Mme de Lamartine, la
Vierge aux raisins, brûlée aux trois quarts par
les obus.
A côté, en remontant vers le Trocadéro, se
trouvait la propriété de la duchesse Riario-Sforza,
sœur de Berryer, veuve en premières noces de
M. Janson de Sailly. Elle portait le n« 133 du
boulevard de l'Empereur. Le petit palais était
bâti sur un emplacement créé par l'ouverture du
boulevard, en avant des maisons de Fiorentino et
d'Y von. La grille de clôture montrait trente ouver-
tures dans ses barreaux brisés. L'un des deux
lions en bronze des massifs de l'entrée avait le
flanc ouvert par un éclat de projectile. Au fond
dujarJin, la salle de théâtre, appuyée à la mai-
son de Fiorentino, dont les pièces du rez-de-
chaussée servaient de foyer, avait reçu trois obus
et l'un de ses lustres était en morceaux. Un
kiosque mauresque avait sa couverture traversée
et ses glaces brisées. Le pavillon chinois avait été
transpercé par cet obus qui était allé ensuite pro-
duire un si curieux effet dans le bassin de la serre
de la Ville. Les volières n'avaient rien en, non
Rlus que les stalactites de la voûte d'entrée. Mais
) mur de l'ancien atelier d'Y von était é ventre.
Cet atelier avait, pendant le siège, servi d'ambu-
lance, avec chapelle et pharmacie.
Dans le palais, les statues du péristjrle étaient
intactes ; la statue lampadaire de l'escalier n'avait
été que frôlée par un éclat qui était allé s'incruster
dans le mur. Les obus, en éclatant sur le balcon,
avaient brisé les vitres de la salle de billard, sans
produire d'effet sur les glaces des angles. Une
glace sans tain, posée entre les salons, sur deux
cheminées jumelles, avait une ouverture de la
(1) C'est le terme du récit original.
390
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
grandenr d'one pièce de 5 francs en argent, d*oii
partaient des brisnres régulières en rayons.
1^ grand salon à sept fenêtres à balcons, orné
de dornres, de scaiptares et de peintures, d'one
cheminée monumentale en bois, décorée intérieu-
rement en porcelaine de Sèvres, avait reçu deux
obus; ils n avaient ni Ton ni Tautre éclaté, se
contentant, Ton d'enfoncer le parquet, et Taotre
d'entrer par une fenêtre et de sortir par une
autre. Deux statues sur la façade avaient été pré-
servées; mais le pavillon de glaces, près de la
grille, et les fenêtres du rez-de-chaussée étaient
très endommagés. Le premier étage et les combles,
visités par do nombreux obus, étaient imprati-
cables.
Ici s'arrêteront nos détails. Ceux aue nous pour-
rions ajouter nous emmèneraient dans le XVII"
arrondissement et plus loin encore. C'est assez de
ceux qui précèdent. Cherchons désormais dans le
passé des souvenirs moins tristes et qui ne laissent
rien d'amer ni de sanglant.
Kmilb Potin.
EX LIBRIS ET FERS A DORER
DK BIBMOPfllLES DE NOTRE RIÈGION
Pour le commun des mortels, peu initié aux
termes de la bibliophilie — ce qui n'est pas un
crime — disons d'abord ce oue c*est qu un ex
libris. Marque de possession du livre, il est collé
généralement à l'intérieur du premier plat, ou
quelquefois tiré à part sur grand papier et placé
par le relieur avant la page du faux titre ou du
titre. Tout le monde n'ayant pas le talent on le
temps nécessaire pour dessiner des Pierrots à la
potence avec la célèbre inscription : aspice Pierrot
pendu, quod librum n*a pas rendu, etc., il était
tout naturel au bibliophile qui voulait avoir quel-
que chance de voir revenir au bercail le livre
prêté, de se faire graver une marque spéciale bien
personnelle portant son nom, ou, à défaut, ses
armes et sa devise ; aussi la plupart des anciens
ex libris, depuis le commencement du xvii" siècle,
date de leur apparition en France, sont-ils armo-
riés. Cependant au xvin" siècle, cet ennemi de la
raideur et cet ami de la fantaisie, une agréable
variété s'introduisit dans la composition de ces
marques, que ne dédaignèrent pas de dessiner et
de graver des artistes de grand talent , tels
que Boucher, Eisen, Gravelot, Cochin, Moreau,
les Saint- Aubin, Choffard, etc.
Pendant bien longtemps, on ne fit que peu
d'attention à ces petites vignettes; ce n'est guère
que depuis une vingtaine d'années qu'on s'en
est enfin préoccupé sérieusement, et que quelques
amateurs — un peu Vandales, entre nous — ont
eu l'idée de les aécoUer du livre auquel ils don-
naient un certain intérêt historique, un état civil
— dit Henri Bouchot — poor les réunir en col-
lection. Aujourd'hui, les quelques amateurs sont
devenus légion, et, & l'instar de l'Allemagne et de
l'Angleterre, il s'est formé une Société française
des collectionneurs tTex libris^ qui, sous la
direction du docteur Bouland, son aimable et
êrudit président, publie mensuellement one livrai-
son d'Archives spéciales, très bien faite et fort
luxueusement illustrée. Au résumé, cette inno-
cente passion — disons manie, si vous y tenez —
ne vaut-elle pas celle des timbres-poste? n'est-eile
pas plus variée, plus artistique r n*invite-t-elle
pas aux recherches historiques sur les posses-
seurs du livre, et ne donne-t-elle pas souvent,
dans la composition de leurs marques, le reflet de
leurs goûts personnels? De plus, il s'en est suivi
que l'habitude de msirquer ses livres s*est ravi-
vée chez nos bibliophiles contemporains, et l'on
trouve aujourd'hui bon nombre de pièces mo-
dernes qui ne le cèdent nullement à leurs aînées
pour l'exécution et surtout pour la libre variété
des compositions. C'est qu'elles portent -de» signa-
tures telles que celles de Gavami, VioUet le Duc,
des trois freres Varin, de Bida, Rochebmne,
Bracquemond, LéopoldFlameng,Giacomelli, Cour-
try, Jules Chéret, Maxime Lalanne, Détaille, i
ne citer que les plus célèbres.
C'est en raison de cette passion du jour —
notre seule excuse peut-être — que nous nous
sommes demandé s'il n'y avait pas lien de re-
chercher quels furent, parmi les bibliophiles de
notre région, ceux qui eurent des ex libris ou
des fers à dorer. La moisson a été abondante, et
voici par ordre chronologique ce que nous avons
trouve jusqu'à présent :
D'abord, à tout seigneur tout honneur ! débu-
tons par le fastueux et brave maréchal de Bas-
sompierre, seigneur de Ghaillot, dont le bel ex
libris héraldique, d'argent à trois chevrons de
gueules (1) timbré d'un heaume ailé et entouré
de branches de laurier, est à peu près introu-
vable, sinon dans la riche collection du Cabinet
des Estampes.
Puis vient celui des Verthamon, habitants de la
rue du Buis, et celui de Nicolaî, premier prési-
dent de la Chambre des comptes, inhumé en i73i
dans le chœur de l'église d'Auteuil. Très joli de
composition et assez commun, ce qui prouverait
Sue la bibliothèque était bien garnie, il porte
'azur au chien courant d'argent, dans un joli
cartouche timbré d'une couronne de marquis,
avec deux lévriers colletés pour supports.
Le chancelier d'Aligre, qui eut aussi maison à
Auteuil, avait un ex libris à écns accolés, ses
armes et celles de sa femme, derrière lesquelles
étaient deux masses en sautoir se détachant sur
un manteau timbré d'une couronne ducale.
Un autre chancelier célèbre, Henri-François
d'Aguesseau, qui repose sous la pyramide de la
place d'Auteuil, avait un fer à dorer à ses armes
pour marquer ses livres.
(i) En lan^a^e héraldique, le gnenlt» veut dire
rouge; Viizur bleu ; le sinople vert ; le sable noir;
timbré, surmonté ; dexîre^ droite; «en^fre, gauche ;
chef, haut de l'écu j pointe, bas de l'écu ; heaume,
casque ; lambrequins, ornements retombant du
heaume ; dexlrochère, bras droit ; merletle, petit
oiseau sans bec ni pattes représentant l'ennemi
vaincu ; mac/e, losange ajoure ; sautoir, croix de
Sainl-André ; burèle, Tasce diminuée, etc.
Le doc d'Aamont, qai hibjtait E*assy, à rem-
placement de U me Singer, n° 3, iTiil une
marque béraldiqae très ordinaire, d'trfeat la
cheTTOn de gnenles, accompagné de sept mer-
leiles du même, qnatre en chel et trois en pointe.
Le comte de Valentiaols, qui soccéda au doc
d'Anmont dans cette demeure, signait son nom
■nr les titres de ses volumes, ce qui n'Était pas
d'un godt parUit, mais tconomiqne.
En 1730, le généreai Gland»- Antoine Cheva-
lier, ebanoine de l'^liae de' Paris, lègaa ses litres
à la congr^ation des prêtres du Hont-Valérien ;
on apposa sar chacun on ex librit typographique
rappelant celle donation.
Mme \enTe de Fontaine, la lille de Daneotirt,
dame de la seigneurie de Pass; de 1730 k 4739,
aniC sur ses litres \'ex librit de son mari, ancien
commiuaire de la marine et des galères de
France. Quoique mal gravé, il est assez intéres-
sant comme ex librit professionnel et ï armes
Earlantes. C'est un écn parti, an 1 de gueules au
00 rampant d'ai^ent, et au 3d'azari une double
fontaine [deux fontaintt) d'or, dans nu cir-
tonche du bas duquel s'échappe un autre filet
Ex libris de Barré, curé d'Aulcuil.
d'eau tombant dans la mer, et ayant deux sirènes
pour tenants.
G. Bernard de Rieux, fils du célèbre banquier
Sjmuel Bernard et père dn marquis de Bon-
lainvilliers, succéda à Mme de Fontaine, comme
leignenr de Passj. Président an parlement de
Paris, il s'était fait graver par Huquier un joli
ex libris ajant son écnsson d'ainr i une ancre
d'argent senestrée d'une étoile de même, supporté
par un Amour, et dans le bas une Minerve assise.
Le marquis de Béringben, premier écnyer du
roi et gouverneur dn chittao de li Muette de
1134 à 1770, faisait armorier ses livres et se
servit d'abord du ravissant ex libris de sou père,
gravé par Sébislien Leclerc (1). Ecn ovale k ses
armes (Voyet t. I'^ p. 191), entouré du cordon
de l'Ordre du Saint-Esprit et surmonté d'une
couronne et d'un heaume ï lambrequins : pour
supports, deux griDons s'appoyant sur de jolis
oruements enguirlandés de perles.
(i) Eo eut un ji tes aimes accolées de ceWta
A Auleuil, voici, vers la même époque, celui de
Joseph BaiTé, curé de 1761 i 1785. Un écuîsou
ovale dans un cartouche rocaille, orné de lauriers
et de palmes et surmonté d'une couronne de
fleurs, porte ses initiales J. B. ; au dessous, on
lit: ExlibrùM"^ Josepbi Barré, Prab. Paris,
Sacrœ FaeuU. Paru, DocL Tbéologi. 1747 et
17ST. On voit par r«s deux dates on il se l'était
fait graver avant d'être i la cure d Aoteoil.
Berlin, ce trésorier général des revenus casuels
de Sa Majesté, trop connu par ses prodigalités
envera Mlle Vadé ou antres, et ayant son hAIel à
l'entrée, à ganebe, de la rue Raynonard, avait un
ex librit i ses armes : écu d'argent an sautoir
dentelé de sinople, cantonné de quatre mouche-
torts d'hermine.
Le célèbre ministre Turgot, qui eut pied-à-terre
& Aolenil, avait un fera dorer t ses armes, d'her-
mine frelté de gueules, do huit pièces.
La protectrice de Jean-Jacques Rousseau . ton
ours, Mme d'Epinay, qui mourut en 17tj3 et
habita la rue des Batailles (avenue d'Iéna) i la
fin de sa vie, avait ses livres doublement marqués,
et par uA ex librit et par on fer t dorer à éeus
accolés, aux armes de son mari (L^live d'Epinay,
fermier général) et aux siennes.
Beandard de Sainle-James . ce fastueux Iréto-
rier général de la marine, qui s'était fait élever,
en 1780, près du chAteau de Madrid, an bois
de Boulogne, la Folie Sainte-Jamet, et qui
Louis XVI appela depuis l'homme au rocher,
Rarce qu'il avait d^wûé 1 .500.000 livres pour s'y
iii« faire un rocher artificiel (1), avait un assez
bel «:c /l'Arij i armes parlantes: d'azur ii un dard
d*argent {Beau dard). On sait que ses folies
l'acculirent à une faillite de 25.000.000 qui le
conduisit à la Baitille, et qu'il mourut dans la
misère.
Ne quittons pas le bois de Boult^ne sans rap-
peler que Le Pelletier de Bosambo, président i
la Grand'Chambre du Parlement de Paris, et sa
femme, née Marguerite de Lamoicnon de Male-
aherbes, furent les derniers hdtes d une partie du
château de Madrid ; ils avaient l'on et l'antre un
ex librit à leurs armes, entouré du manteau et
du mortier présidentiels, avec couronne de mar-
Suis pour le mari et couronne ducale pour la
;mme. Mme Le E^lletier de Rosambo monta sur
l'écharaud le même jour que son père, le ver-
tueux Malesherbes, le 23 avril 1794; son mari
avait été guillotiné deux joura auparavant.
Le marquis de Boolainvilliers, préjiH de Paris
et seigneur de Passy, avait un fer à dorer i ses
armes. (V. t. I,p.l08.)
' Le duc de Penthièvre, auquel M. de Boulain-
villiers avait cédé son ehïteaa t vie, avait on fer
à dorer ft ses armes : trois Oenrs de lis avec bâton
péri posé en bande en abîme, et derrière l'écu,
une ancre en pal, en sa qualité de grand amiral
de hYance.
L'amiral comte d'EsIaing, qui avait hûtel dans
le haut de la rue do Passj', avait un fer i dorer
392
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
libris très aristocratique composé d'an écud*azur
à une bande. d*or accompagnée à senestre d*une
demi-fleur de lis fleurissante, et au bas de la
dextre, de trois quintefeuilles ; timbré d'une cou-
ronne ducale à un ange issantdu cimier. Tenants:
deux anges à dalmatiques fleurdelisées, sur des
nuages. Devise : Juvat pietas, (Cet ex libris ap-
partient certainement à un Mirabeau.)
. Le célèbre marquis de Pastoret, qui, poursui>î
sous la Terreur, était venu demeurer chez
Mme Piscator}', sa belle-mère, vis-à-vis du châ-
teau de la Muette, eut au moins trois types è^ex
libris héraldiques avec, variations progressives
quant aux couronnes. Écu d*or à la barre de
gueules chargée d'un pastoureau (armes par-
lantes). Devise: Bonus semper et fidelis^ et deux
lévriers colletés pour supports.
. Cabanis marquait ses livres d'une simple éti-
quette à son nom.
Etienne Delessert, banquier et amateur d'œu-
vres d'art, père de Benjamin, Gabriel et François
Delessert, eut au moins deux ex libris, le premier
Ex libris d'Etienne Delessert.
à ses armes, d'azur à une fleur de lis d'or en
chef, à un croissant d'argent en pointe, et sur les
flancs, deux étoiles du même. Fond de jardin der-
rière l'écu. Le second contient simplement son
nom, £. De Lessert {sic), gravé au milieu d'une
couronne de lauriers. Sa petite-fllle, Cécile Deles-
sert, mariée en 1850 au comte de Nadaillac,
avait un très petit ex libris, représentant la
Vérité dans son puits issant d'une couronne de
comte. Au-dessus, la devise des Nadaillac: Virlus
in heredes. Vex-libris de son mari avait en plus
un écusson à ses armes ; d'or au chevron d'azur,
ayant en pointe un rocher de six coupeaux.
MarsoUier, littérateur et auteur dramatique,
mort en 4847, eut pied-à-terre à Passy vers la
fin du xviii« siècle; il s'était fait faire avant la
Révolution un fort bel ex libris à ses armes. Ecu
ovale d'azur à la fasce d'or chargée d'une branche
de laurier de sinople; accompagnée en chef d'une
tète d'Apollon rayonnante, et en pointe d'un
dextrochère armé, d'argent. Dans un cartouche
timbré d'une couronne de comte et entouré de
palmes et lauriers. Au-dessous on lit: Benoit
MarsoUier des Yiveiières, Ecuier Secrélaire du
Roy.
L'abbé Morellet, littérateur, membre de l'Insti-
tut, mort en 1849, eut pied-à-terre à Auteuil;
son petit ex libris, très simple et gravé sur bois,
se composait de ses initiales A. M. , avec la devise :
Veritas omnia vincit, dans un cercle enrubanné
entouré de branches de laurier.
Avant de quitter définitivement le xviii* siècle,
mentionnons encore Vex libris très simple de
la bibliothèque des abbés de Sainte-Geneviève,
qui servait probablement à marquer les livres de
leur maison seigneuriale d' Auteuil, et se compo-
sait de trois fleurs de lis dans un double filet cir-
culaire contenant en latin la mention d* Abbaye de
Sainte-Geneviève de Paris. Le tout sans indica-
tion d'émaux.
Passons maintenant au xix* siècle.
Le comte Treilhard, célèbre ministre et joris-
consulte, qui avait eu maison de campagne rue
des Batailles (avenue d'iéna) et mourut en 4810,
eut, à la fin de sa rie, un ex libris héraldique ano-
nyme surmonté d'une tooue empanachée et entouré
de riches lambrequins. Ecu d'azur à trois palmes
d'argent, chargé d'un canton échiqueté d'argent
et d'azur. Devise : Multa magis quant multorum
lectione formanda mens.
La duchesse de Berry, très amie des livres et
propriétaire, sous la Restauration, du château de
Bagatelle, eut plusieurs ex libris à double écusson
entouré de lis et, depuis 4820, de la cordelière des
veuves, pour son importante bibliothèque du châ-
teau de Kosny ; elle s'en serait probablement fait
faire un spécial pour Bagatelle, si la maison n'eût
été par va, et non opta.
Le général baron Jomini, célèbre écrivain mili-
taire, qui habita de 4855 à 4869, date de sa
mort, une villa située au n^ 4âO de la rue de
la Tour, s'était fait faire , au commencement du
siècle, et probablement en Suisse, quand il n'é-
tait que chef de l'administration de la guerre ,
un ex libris très artistique où l'on voyait son
nom et son titre dans un encadrement ovale en-
touré de branches de chêne et de laurier et d'at-
tributs militaires.
Le comte de Las Cases, l'auteur du Mémorial
de Sainte-Hélène, qui avait son hôtel sur l'em-
placement actuel de la rue de Siam, avait un ex
libris à ses armes : écu d'or à la bande d'azor
accompa(;née d'une bordure de gueules, avec la
jolie devise : Semper para tus.
Le comte J.-M. Porlalis, homme d'État et an-
cien ministre, mort en 4858, en sa belle oropriété
du n^ 62 ancien de la rue de la Tour (78 actuel),
avait un bel ex libris héraldique surmonté d'une
toque empanachée entourée de riches lambrequins,
avec croix de la Légion d'honneur suspendue sous
l'écu.
Lamartine avait un ex libris assez ordinaire,
imprimé avec son fer à dorer. Écu ovale à deux
burettes d'or entre lesauelles est un trèfle (?) et
timbré d'une couronne de comte. Supports : deux
lions.
Guizot, qui habita une partie de l'ancienne mai-
son de François Gérard, à Auteuil, avait un ex
libris à ses armes. Ecu d'azur à une règle d*ar-
gent posée en fasce, timbré d'un heaume adextré,
et entouré du cordon de la Légion d'honneur et
de la chaîne de la Toison d'Or. Devise : Omnium
recta brevissima.
Rossini, dont la bibliothèque devait être sur-
tout musicale, s'était fait faire, dit-on, un ex libris
approprié, très humoristique. Un lion tient deux
palmes au-dessus d'un écusson rond, sur lequel
on lit : Ex libris Rossini ; au-dessous, un fou
ANNEXES
393
cbanUDt à tue-tète est accompagné par un mosi-
cieo moyenâgeux, jouant comme an Tioion snr
un eril, avec des pincettes (1).
Henri de Riancey, cet honnête publiciste, si
fidèle à sa foi religieuse et à sa foi monarchique,
mourut en 1870 en son hôtel du n^ 6 de la rue
Louis-David. Son ex libris héraldique se compo-
sait d'un écn d*azur au chevron d*or accompagné
de trois têtes de bélier. Au-dessus un bras armé
sortant de trois monticules et d'un bourrelet.
Devise : Virtuti et honori. Avant cet ex libris,
il en avait eu un autre d'une très grande simpli-
cité, en communauté avec son frère Charles.
Théophile Gautier, qui est bien un peu des
nôtres, puisqu'il passa quelques années de son
enfance à Auteuil, près du pont de Grenelle, s'était
fait faire à la fin de sa vie, par l'aquafortiste
Aglaûs Bon venue, un ex libris inspiré d'on an-
cien camée, et composé de son monogramme placé
au fronton d'un temple égyptien, au-dessus d'un
grand scarabée.
Jules Janin se contentait d'une petite étiquette
ovale à la Nodier, tirée en or sur fond rouge ;
deux branches de laurier entourent l'incription :
Ex libris Jules Janin ; cette marque n'est pas
commune, la bibliothèque du prince des critiques
ayant été en partie donnée par sa veuve à l'Ins-
titut.
Notre collègue, M. Quentin Bauchart se contente
d'une marque du même genre.
Le gendre de Yillemessant, B. Jouvin, célèbre
critique théâtral du Figaro, qui demeura dans
l'avenue du Bois-de-Boulogne, avait un petit ex
libris à son nom, accompagné de la devise : Vna
vox librorum, sed non omnes œque loquentur.
Thiers, qui habita pendant un certain temps le
château de la Tuilerie, n'eut pas de son vivant (dit
le D' Bouland dans ses Archives) de marque spé-
ciale pour ses livres ; mais après sa mort, sa bi-
bliothèque ayant été placée par MlleDosne dans la
Fondation que sa saur, Mme Thiers, l'avait char-
gée de consacrer à la mémoire de son mari (2),
tous ses livres furent frappés, en tète, d'un petit
timbre portant son nom entouré d'une couronne
de lauriers, et de plus, â l'intérieur, d'un autre
portant les mots: Fondation Thiers. Tout timbre
qu'on trouverait en dehors de la Fondation, portant
les indications ci-dessus, proviendrait donc d'un
détournement de livres. Avis aux collectionneurs
d'ex libris trop passionnés !
Curmer, le célèbre éditeur qui demeura long-
temps rue de l'Annonciation, n^ 4, avait son fer
â dorer.
J.-G.-D. Armengaud, autre éditeur de livres de
luxe, rue Singer, n^ 2, avait des ex libris variés
portant son nom en toutes lettres au-dessus d'un
éeusson à monogramme.
Gambetta, notre hôte de la rue Saint-Didier, eut
un grand ex libris que lui dessina et grava très
largement vers 4874, l'aquafortiste Alphonse Le-
gros ; mais il n'en existe guère que des épreuves
d'essai, avec celles qui ont été données oans les
(i) Cet ex libris, quoiqu'il soit dans la collection
du Cabinet des Estampes, n'est-il pas tant soit
peu apocryphe?
(a) C'est coez nous que cette Fondation a été
établie.
Archives de la Société française des collection-
neurs à*ex libris. Gambetta, trop absorbé par ses
occupations de toutes sortes, n'avait pas eu le
loisir de les employer. Kn voici la description
officielle : « Le soleil se lève au mot France, sur
la terre qui tourne et illumine dans les airs le bon-
net de la Liberté, au-dessus duquel se lit la devise
du titulaire: Vouloir, c'est pouvoir; deux mains
sortent des nuées i droite, brisant un bâton ; en
face d'elles, à gauche, le coq gaulois chante. » —
La planche arrivée au troisième état, le bonnet
phiygien fut enlevé par ordre de Gambetta. — Il
existe de cette planche une adroite contrefaçon...,
s'en mé6er!
Le peintre réaliste Edouard Manet, qui n'est
notre hôte ^ue depuis sa mort* c'est-à-dire qui
repose depuis 1883 an cimetière de Passy, avait
un ex libris gravé par Bracquemond, portant la
devise, peut-être un peu risquée : Manet et
manebit.
Le prince Jérôme Napoléon, qui s'était fait éle-
ver au n^ 18 de l'avenue Montaigne un palais
pompéien , après avoir eu un buen-retiro au n® 10
de la rue Raffet actuelle, à Auteuil, avait un ex
libris typographique au milieu duquel se voyait
un N majuscule à tête d'aigle. Autour, encadré par
deux filets à pans coupés, on Usait : Bibliothèque
de S. A. I. Mgr le prince Napoléon. Il est cu-
rieux de rappeler ici que, vers 1849, voulant dé-
mocratiquement embêter (c'est son root) le prince
Louis Napoléon, futur empereur, son cousin, il
avait fait apposer sur tous les livres du roi Jérôme
son père , un timbre humide rouge de forme
ronde portant ces mots : Bibliothèque du Citoyen
Napoléon Bonaparte.
En 1870, AglaUsBouvenne composa et grava, à
titre gracieux pour Victor Hugo, alors à Haute-
ville-House, dans l'Ile deGuemesey, un ex libris
représentant Notre-Dame de Paris dans la nuit,
ayant, en avant, le monogramme Hugo^ et sur le
sillon d'un éclair, l'inscription Ex libris Hugo. Le
grand poète, très satisfait, écrivit à l'artiste:
« Vex libris fait par vous pour moi me charme,
j'accepte avec reconnaissance cette jolie planche.
Votre ex libris marquera tous les livres de la
bibliothèque de Hauteville-House. » Mais, par
suite des grands événements qui suivirent et per-
mirent enfin à Victor Hugo de rentrer en France,
la promesse ne fut tenue qu'incomplètement; la
planche, qui avait peu tiré, resta entre les mains
d'Aglaus Bouvenne, qui Ta prêtée à la Société des
collectionneurs d'ex libris mrar en faire un tirage
spécial pour ses membres. Depuis, la Bibliothèque
Nationale a décidé de se servir de cet ex libris
pour marquer tous les manuscrits de Victor Hugo
qu'elle possède.
La vicomtesse de Bonnemains, la célèbre Mar-
guerite du général Boulanger, qui fut tant soit peu
notre hôte à Chaillot (1), avait un ex libris très
héraldique assez compliqué, de forme roqde, dont
le fond, à l'instar du cbinre de Henri H et de Diane
de Poitiers, était semé de croissants et de D entre-
lacés.
Le célèbre imprimeur éditeur Jouaust, qui a
(i) Il habita la rue Dumont d'Urville, au n* ii
ou 11 biSf et rue \ illarceau, n* 3.
394
HISTOIRE DU XVl*^ ARRONDISSEMEiNT
publié de si rarissantes éditions, et ayait son domi-
cile familial dans la rue Scheffer, s'était fait faire
un petit ex libris par notre regretté collègue
Chauvet. Sur une ancre, est un livre portant la
devise : Non loquetur nisi rogatus^ etaa-dessus
retombe une banderoUe avec Tinscription : Ex
libris /). Jauauxt. Ijb tout dans un ovale entouré
d'un cartoudie de style Louis XlII.
Ferdinand de Lesseps. qui eut, pendant les six
dernières années de sa vie, son bôtel dans l'avenue
Montaigne, avait un grand ex libris à ses armes :
Ecu d'argent avec ceps de vigne (Les ceps) surmon-
tés d'une étoile d'azur, et timbré d'une couronne
de comte tenue par un sauvage. Lion pour autre
support. Devise bien appropriée: Aperire ter-
ram gentibus,
ïje général lune, notre recette collègue, mort
le 3 octobre 1896, demeurait au n** 23 bis de la
rue de la Faisanderie. Directeur de Vlntermé-
diaire des chercheurs et des curieux^ c'était
un véritable érudit. Son minuscule ex libris, re-
produit un peu partout; était vraiment charmant.
Une Renommée, tenant une plume de la main
droite et sonnant de la trompette, est assise sur la
majuscule G du mot Gallia, — Près d'elle, voltige
une banderolle sur laquelle on lit : Vive la France ! —
1^ plume. — L'épée.
livres relatifs à l'art culinaire ; aussi s'est-il fait
faire en 1888, par son ami le peintre Fnnds
Tattegrain un grand ex libris k l'eau^forte, des-
tiné spécialement à sa collection d'ouvrages gas-
tronomiques, et le représentant en costune de
cuisinier, le tablier ^mi de couteaux, la broche
au côté, livre en main, plume en l'autre, debout
devant une haute cheminée, et ayant derrière kû
un assortiment de plats, casseroles et chaudrons,
et à ses pieds, des livres épars. — Malgré l'ins-
cription UHima mise par lattegrain au bas de sa
planche, nous espérons bien que ce ne sera pas
la dernière, et qu'il donnera des frères à cette
pièce si originale.
M. le comte de Mou y, ancien ambassadeur de
France, 26, rue Nicolo, a un ex libris typogra-
phiaue aussi simple que possible.
M. Maurice Cooramt, ex-interprète en Chine,
en Corée et au Japon, gendre de feu M. Ch. Sche-
fer de l'Institut, demeurant rue Desbordes-Val-
more, marque ses livres d'un timbre gras presque
circulaire,et à l'encre rou^;il est composé de ca-
ractères chinois assez originaux.
Feu notre collègue, M. de Godrio de Refuge,
avait un ex /t^rts néraldique en deux formats, et
pour ses manuscrits, un troisième, très original,
représentant un ours debout, lisant près de sa
Ex libris de M. Eni. Potin.
Qui ne connaît Vex libris des deux frères de
Concourt, dessiné par Gavarni, et composé d'une
main écartant deux doigt sur les initiales Ë.-J.
tracées sur un papier (Edmond-Jules, les deux
doigts de la main). Jules de Concourt grava lui-
même à l'eau-forte en fac-similé, cette pièce in-
téressante, et depuis la vente après décès des livres
d'Edmond de Concourt, on la rencontre assez sou-
vent chez les libraires.
Il ne nous reste plus guère à parler que des vivants,
qui nous l'espérons, le seront longtemps encore.
Le prince Roland Bonaparte, un des premiers
membres donateurs de notre Société, a pour les
livres de sa splendide bibliothèque un ex libris à
l'aigle impérial, avec l'inscription : Bibliothèque
du prince Roland Bonaparte.
M. Georges Vicaire, un des nouveaux bienve-
nus parmi nous, 51, rue Schefier, est un biblio-
graphe bien connu qui s'est beaucoup occupé des
bibliothèque. Mme la comtesse de Nok, belle-sœur
du caricaturiste Cham, possède sur les livres de sa
bibliothèaue, rue de la Pompe, deux ex libris de
formats différents, un petit, ovale, représentant
l'arche de Noé sur des eaux antéesavec arc-en-ciel
et colombes ; autour de Tovale écosson couronné
au monogramme N.O. E. et listel avec la devise :
Posldiluviurriyprimus sum. — Le grand, eau-
forted'Âglaûs Bouvenne,nous montre également une
arche de Noé, avec le monogramme NÔE en avant.
M. Emile Potin, notre dévoué secrétaire géné-
ral, s'est composé un ex libris bien professionnel,
représentant la Chambre des députés, vers laquelle
se dirige, venant d'Âuteuil, la plume ailée du
sténographe ; l'inscription nominative est en ca-
ractères sténographiques (i)
(i) M. Mar oublie seulement de dire que. si
je lui ai donné l'idée, c'est lui qui m'a dessiné
mon ex libris. (Note de M. E. P.).
ANNEXES
395
l/artiste Aglaùs-BouTenne, déjà cité, a fait
récemment pour Tarcbiviste Fernaod Bournon,
d'Aateoil, on petit ex lihris à Tean-forte, repré-
sentant la Bastille, en sonvenir de la belle mono-
nographie de cette forteresse qu'a publiée notre
^dit collèjpie.
Enfin, bien qu'il n'habitât pas notre région,
nous devons citer Adolphe Yarin, qui fut un des
premiers membres de notre Société et s'était com-
posé sept ou huit jolis petits ex libris variés. Il
faut être graveur pour pouvoir se payer un tel
luxe de marques.
Nous ne pouvons mieux terminer cette nomen-
clature, peut-être un peu aride et forcément
incomplète, malgré toutes nos recherches, que
par la description sommaire de deux ex libris de
moyen format, aussi bien composés qu'exécutés à
l'ean-forte par E. Valton. Ils sont étrangers,
croyons-nous, à notr^arrondissement, mais ce-
pendant nous intéressent particulièrement, parce
qu'ils contiennent un juste horomage rendu au talent
poétique de notre cher président défunt. Le pre-
mier, celui de M. A. H. (A. Héna), représente
une fenêtre ouverte, près de laqudle est une table
garnie de deux livres et d'un feuillet de papier sur
Kquel on lit : fai lu Manuel. — Les Ouvriers,
— Le second, celui de A. M. (Alfred Morin), nous
montre sur une tablette, deux livres posés à plat,
servant de piédestal à une lampe allumée ; un
troisième est appuyé contre, il est entr'ouvert,
et ses feuilles portent an-dessous des majuscules
A. M. : Aux livres je dois tout, — Manuel, —
Les Ouvriers,
Résumons. — On voit, par les citations que nous
venons de faire, oue l'habitude de marquer ses
livres au moyen à ex UMs était jadis assez répan-
due parmi les bibliophiles, surtout au xvin* siècle,
où leur nombre s'était accru considérablement.
De nos jours cette habitude, un moment ralentie,
s'est fort ravivée depuis quelque temps. Nous di-
rons même que, depuis la création de sociétés de
collectionneurs, il y a abus ; ne connaissons-nous
pas des gens qui, pour suivre la mode, se sont
fait faire de pompeux ex /t^rts, sans avoir, hélas!
de livres pour les coller ? Cela ne fait-il pas son-
ger à certains grands seigneurs des siècles passés,
sachant à peine lire, qui, pour éblouir la galerie,
avaient des rayons ou des meubles de bibliothè-
ques richement garnis de simples dos de livres à
titres ronflants?... Le reste était creux ! — Ne
les imitons pas, ayons de vrais et bons livres,
prêtons-les même au besoin aux véritables
amis, en dépit du dicton de Charles Nodier :
Tel est le triste sort de tout livre prêté,
Souvent il est perdu, toujours il estgàlé.
Et s'ils portent nos ex libris, , .ils reviendront. . .
intacts, nous l'espérons.
Peut-être dira-t-on avec quelque raison que le
sujet que nous venons de traiter n'est pas d'un
intérêt palpitant ; au moins doit-on lui recon-
naître le mérite de n'être pas banal, et puis... qui
sait ? parmi la liste d'élite des membres de notre
Société, il y a peut-être un plus grand nombre
de bibliophiles et d'héraldlstes que nous le suppo-
sons, pour lesquels cet article ne sera pas tout à
fait indifférent et qui sauront bien — nous en
avons l'espohr — réclamer pour nous l'indulgence
de nos autres collègues.
Léopold Mar.
DOCUMENTS CONSULTÉS
1* La collection complète des Archives de la
Société française des colleclionneurs d'ex librU ;
2" Les 60 ou 70 volumes dVx lihri» du Cabinet
des Estampes de la Bibliothèque nationale (i5 à
ao.ooo pièces) ;
3* La collection L. Mar (i./^co pièces).
LE SERVICE DES EAUX
DANS LE XVI® ARRONDISSEMENT EN 4899
La première distribution d'eau exécutée à Paris
était basée sur le fonctionnement d'une usine à
vapeur dont l'histoire peut intéresser notre So-
ciété, car cette usine est située à Chaillot, sur le
territoire de l'ancienne commune de Passy.
Pompe à feu de Chaillot, — Les frères Périer
constituèrent, avec l'approbation du Bureau de la
Ville et l 'autorisation du Parlement (7 février i 7 77 ) ,
une compagnie d'actionnaires, en vue de distri-
buer l'eau de Seine dans plusieurs quartiers de
Paris; cette compagnie se chargeait d'établir à
ses frais tous les ouvrages et de les faire fonc-
tionner pendant quinze ans ; le privilège lui était
accordé sous la condition que, dans un délai de
trois ans, eUe distribuerait aux Parisiens un vo-
lume de 150 pouces d'eau, soit 2.879 mètres
cubes, ou environ i/490^ de la consommation
actuelle de Paris (\),
L'usine fut établie en i'78i; cette date se
trouve encore inscrite au-dessus de la porte d'en-
trée du bâtiment dans lequel étaient placées les
machines destinées à élever les eaux de la Seine.
Pour une usine élévatoire,il doit y avoir au moins
deux machines, afin d'éviter toute interruption de
service, en cas de nettoyage ou de réparation. On
installa, en effet, deux pompes ; Tune s'appelait
la Constantine, du nom de M. Constantin Périer ;
l'autre s'appelait l'Augustine, du nom de son
frère Auguste. Ces machines étaient du système
de Newcomen, importé d'Angleterre en France
par les frères Périer. Le premier essai des pompes
à feu de Chaillot fat fait en présence du lieute-
nant de police, et les eaux furent conduites, pour
la première fois, le 17 juillet 1782, à une fon-
taine publique, établie à la porte Saint-Honoré.
Ces machines à vapeur excitèrent beaucoup la
curiosité des habitants, parce que leur emploi en
France était tout récent. Aussi Mercier, auteur
du Tableau de Varis, s*écrie-t-il : « Voici donc
une innovation yoîi porte un caractère de grandeur
et d'utilité nationale ; quel immense service va
rendre aux habitants de la capitale la prompte
distribution de l'eau (S) ! »
(i) La consommation moyenne d'eau par jour
a été, à Paris, de iib.ooo mèlres cubes en i86i,
3&7.000 en 1880, 445.000 en iSgo, 550.000 en i8q5
et 645.000 en igno.
(2) Voir le Tableau de Paris, par Mercier, 3» vo-
lume, p. 83.
396
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
On s^étonnait cependant de ce que Teaa était
puisée dans la Seine, au-dessous de Paris (i) et
à une assez grande distance du centre de la TÎUe.
Les uns prétendaient que remplacement de Chail-
lot avait été choisi parce qu*il était sur le chemin
a ne suiTait le roi pour aller à Versailles. D'autres
éclaraient au^on avait voulu favoriser le fau-
bourg Saint- Honoré, comme étant le plus en état
de souscrire des abonnements dVau en faveur de
la Compagnie, qui avait dépensé plus de deux
millions pour l'établissement des machines à feu.
Il est probable «{u'on avait voulu profiter d'un
emplacement qui se trouvait disponible au bord
de la Seine et qui présentait l'avantage d'être peu
éloigné de la colline sur laquelle il fallait monter
l'eau, afin d'être au-dessus des principaux quar-
tiers de Paris. Les résenoirs aans lesquels la
pompe à feu de Chaillot montait Fean de la Seine
à cette époque étaient situés sur l'emplacement
occupé aujourd'hui par la place des Etats-Unis.
Ces r^ervoirs, dont la hauteur aunlessns du ni-
veau de l'étiage de la Seine variait entre 31 et
34 mètres et ^ui ont alimenté d'eau la plus grande
partie de Paris jusqu'en 1857, étaient au nombre
de quatre (î) ; le premier recevait l'eau montée
par les pompes ; elle séjournait dans le second
réservoir, pour y déposer les matières en suspen-
sion, afin d'être clarifiée ; le troisième servait à la
distribution et le quatrième en cas de réparation.
L'action de la pesanteur suffisait pour laire cir-
culer l'eau dans les tuyaux depuis ces réservoirs
jusau'aux maisons des abonnes et aux fontaines
Bubliques, qui étaient placées à la porte Saint-
lonoré, à la Chaussée-d'Antin, à la porte Saint-
Denis et à la rue du Temple. Le prix de l'abon-
nement était de 50 livres par an, pour un muid
(soit 274 litres) par U heures (3).
Les travaux de canalisation nécessaires pour la
création et l'alimentation de ces quatre fontaines
occasionnèrent des dépenses excédant les prévi-
sions ; le nombre des actions émises à i .200 livres,
qui était primitivement de i .300, fut porté en
1786 à 6.100. Les opérations de la Compagnie
furent critiquées par le comte de Mirabeau, père
du grand orateur, dans un premier mémoire (4)
publié en 1785. La Compagnie attribua ces attaques
à l'agiotage des spéculateurs à la baisse; elle
avait pour avocat le célèbre Beaumarchais, qui,
dans une réponse intitulée «les mirabelles», déclara
que le comte de Mirabeau ne connaissait nulle-
ment le sujet qu'il traitait. Un second mémoire
du comte de Mirabeau impressionna sans doute
l'opinion publique; les actions baissèrent rapide-
(i] Il aurait été, en efTet, préférable d'établir
l'usine en amont de Paris, afin d'avoir des eaux
moins impures, puisqu'il s'agissait alors de pro-
curer Teau potable. Dans les derniers temps,
les eaux refoulées par la pompe à feu de Chaillot
ne servaient que pour la voie publique.
(a) Ils avaient chacun do toises de longueur,
lo de largeur et 9 pieds de hauteur. La capa-
cité des quatre réservoirs était d'environ i3.ooomè-
tres cubes.
(3) Actuellement l'eau de source est vendue
aux abonnés à raison de o fr. 35 par mètre cube :
une consommation de 274 litres par jour à ce
taux correspondrait à une dépense annuelle de
35 francs. ,
(4) M. Ém. Potin possède ce document, avec
la réponse, dans ses archives personnelles.
ment ; d'ailleurs, Fapproi^he de la Révolution in-
quiétait les capitalistes. Un seul banquier (1)
réunit entre ses mains la presque totalité des
actions et les vendit à la Ville de Paris, suivant
,un traité passé le 4 avril i788, iprès approbation
de l'assemblée générale des actionnaires et dn
Conseil d'Eut.
L'entreprise des frères Périer,qui avait bien réussi
au point de vue technique, puisque la Constantine
et 1 Augustine ont continué à fonctionner pendant
plus de soixante-dix ans, n'est restée que pen-
dant très peu de temps entre les mains de ses
promoteurs et ne leur a procuré que des mé-
comptes.
Le décret du 7 septembre 4807 remit les pom-
pes à feu de Chaillot et les autres établissements
hydrauliques de Paris au service des ponts et
chaussées, qui en est actuellement chargé {2).
Le 8 août 4852, la pompe à feu Augustine fut
remplacée par la machine Iéna,et le \*' juin 1853
la machine Aima fut substituée à la Constantine.
Ces deux nouvelles machines, plus puissantes que
les précédentes, étaient du svstème Comouailles
et avaient été construites dans 1 usine de MM .Schnei-
der, an Creusot. En 1866, les anciennes chau-
dières à bouilleurs furent remplacées par des
générateurs tubulaires du système Farcot. Ces
divers perfectionnements ont permis de sextupler
le débit des pompes (3). C'est la pose des géné-
rateurs Farcot qui a nécessité la construction de
deux bâtiments en briques, de chaque cdté de
l'édifice carré qui avait suffi jusque-là pour con-
tenir les machines.
La pompe à feu de Chaillot ne sera bientôt plus
'à 1 état de souvenir. Elle est en effet remplacée
Sar de nouvelles machines installées à 1 usine
'Anteuil, sise entre le quai et l'avenue de Ver-
sailles, un peu en aval du pont Mirabeau.
Grand réservoir de Passy. — Le premier
grand réservoir construit à Paris pour la distri-
bution des eaux est celui de Passy ; les bassins
dans les(fuels étaient emmagasinées auparavant
les eaux élevées par la pompe à feu de Chaillot
ont donné leur nom au quartier des Bassins ((pi
a repris récemment le nom de quartier de Chail-
lot), ainsi <iu'à la rue des Bassins. Jusqu'en 1898
le réservoir de Passj comprenait deux bassins
supérieurs où le niveau de l'eau se trouve à l'alti-
tude de 75*^,83, deux bassins inférieurs et un
(1) Recherches sur les eaux publiques de Paris,
ouvrage in-4* publié & Paris, en 181a, par Girard,
qui a été ingénieur du service hydraulique de
Paris, au commencement du xix' siècle.
(a) M. Girard a dirigé le service des eaux de
Paris sous le premier Empire et sous la Restau-
ration ; SCS successeurs ont été : MM. Mary, de
i83aà 1848; Darcy. de i848 à i85o; Dupuit, de
1800 à i856 ; Belgrand. de i856 à 1878 ; Couche,
de 1878 a 188,5*, Ëechmann et Humblot. de i885
à 1888; Humblot seul de 1888 a 1898: Bechmann,
chef du service des eaux et de l'assainissement,
depuis i8jM.
(3) M. Girard, directeur du service des eaux,
déclare qu'on était arrivé, en 1807, à porter le
débit de chacune des deux pompes de Chaillot
à 217 pouces d'eau par a4 heures, soit à 4*i65 mè-
tres cubes, chiffre beaucoup plus élevé que celui
qu'avaient pu atteindre les frères Périer ; or,
chacune des deux nouvelles pompes peut
élever 34.000 mètres cubes d'eau par a4 heures.
qu
398
HISTOIRE DU XYl* ARRONDISSEMENT
bassin de résenre. L'eaa de Seine non filtrée élefée
par les machines de Chaillot s^emmagasinait dans
ces derniers ainsi que dans nn des bassins supérieurs ;
l'autre, Toùté et ^recouvert de terre, est réserré à
l*ean de source. En 1898 on y a ajouté un nourean
bassin pour Tean de rivière, an niveau des bassins
supérieurs, et sis parallèlement à la rue Copernic
derrière les maisons en bordure de cette rue (i).
Les eaux de Seine ne servent plus aujourd'hui
pour les besoins domestiques, auxquels il est pour-
vu actuellement au moyen d*eaux de sources;
maïs pendant la première moitié du xix* siècle,
tontes les eaux potables distribuées dans la ville
de Paris consistaient en eau de rivière filtrée.
Cette eau filtrée dans les fontaines publiques, dites
fontaines marchandes, était approvisionnée dans
des tonneaux à bras par les porteurs d*eau; à qui
mille litres étaient vendus à raison de 90 centimes
à 1 franc; ils la montaient à domicile au prix de
10 centimes par voie de 20 litres, ce qui faisait
ressortir le prix du mètre cube à 5 francs, soit
environ quinze fois plus que ce qu'on paie aujour-
d'hui. Je me souviens d'avoir vu, dans ma jeu-
nesse, les porteurs d'eau monter la voie d'eau
dans les cuisines, où ils versaient dans une fon-
taine filtrante (^), ou dans tout autre récipient,
le contenu de deux seaux de métal, tenus en
équilibre aux deux bouts d'une barre de bois cin-
trée reposant sur leur épaule.
C'est sur le territoire du XYI° arrondissement
que furent établies les pompes à feu de Chaillot et
les réservoirs des frères Périer, berceau de la
première distribution publique, puis les grands ré-
servoirs de Passy ; cependant ces ouvrages n'étaient
destinés qu'au service de l'ancien Paris. Les habi-
tants de Passy et d'Auteuil s'alimentaient autrefois
nr des puits creusés dans leurs propriétés (3),
usqu'au niveau de la nappe aquifere retenue par
'argile, ou de la nappe d'infiltration de la Seine.
Sources (TÀuteuu, — On désignait sous ce
nom un ouvrage qui était situé rue de la Cure et
ob étaient réunis, dans un regard, trois filets
d'eau sulfureuse et ferrugineuse, provenant des
drainages opérés dans le coteau. De ce regard
partait une conduite en plomb de 0'",04i, qui
aboutissait dans un réservoir situé à l'angle de
la rue d'Auteuil et de la me Donizetti. L'eau
amenée dans le réservoir (4) pouvait être puisée
(1) Les grands réservoirs de Passy, qui ont été
conHlniils sous la direction de M. ringénieur en
chef BelKrand, ont été établis de manière à
f>ouvoir renfermer 37.100 mètres cubes d'eau,
a contenance étant de 5-700 mètres cnbes pour
le bassin supérieur de Bel-Air, 10.000 pour le
bassin inférieur de Bel- Air, 6.aoo pour le bassin
supérieur de Villejust (eau de source) ii.«)uo
pour le bassin inférieur de Villeju^st et 3.900
Cour le bassin de réserve. La capacité du nouveau
assin est de 2X.000 mètre».
(a) Le tarif actuel est, par mètre cube, de
35 centimes pour l'eau de source et d'environ
16 centimes pour l'eau de rivière (non filtrée).
(3) La profondeur de ces puits variait entre i3
et 10 mètres sur Auteuil, entre ai et ay mètres
sur Passy.
(4) La capacité de ce réservoir n'était ciiic de
i".r)6; d'après un jeaupeagc datant de i8G(j, le
débit du tuyau alimentaire était d'environ i^6 mè-
tres cubes par 24 honrcs ; il est probable que le
débit était plus élevé au commencement du
siècle.
à une fontaine installée sur le terre-plein de la
place de l'ancien marché et munie d^une pompe
à volant.
Les ouvrsji^es avaient été exécutés par le sieur
Faber, à qui la commune d'Auteuil avait concédé,
le 19 ventAse an IV, le trop-plein de la source
d'Auteuil, sous la condition d établir divers tra-
vaux de canalisation et d'aménagement et de cons-
truire à ses frais la fontaine sur l'emplaoemeot
de l'autel de la Patrie et de l'arbre de la Liberté.
La concession avait été définitivement confirmée
par un arrêté municipal du 45 germinal an VI,
constatant que le sieur Faber avait rempli ses
euffagements. La commune d'Auteuil n'avait droit
qu aux deux tiers de l'eau, on tiers étant réservé
à la villa Montmorency ; le partage d'eau s'opérait
dans la citerne placée au pied de la fontaine.
Ouand les eaux de la Vanne furent introduites
dans les conduites du XVI® arrondissement, c'est-
à-dire vers 1875, on alimenta par nn branche-
ment de la canalisation publique la fontaine dont
le débit diminuait de plus en plus, par suite du
développement des constructions exécutées dans
ce quartier. U population parut regretter les
eaux de la source d'Auteuil auxquelles on attri-
buait des propriétés curatives (1).
Usine d'Auteuil. — C'est vers 18^ que la
Société des eaux d'Auteuil et des oommones envi-
ronnantes fit construire l'usine d'Autenil et les
petits réservoirs cootigus au cimetière de F^ussy.
L'usine d'Auteuil, qui vient d'être transformée
pour recevoir les nouvelles machines destinées à
remplacer celles de Chaillot et qui ne fonctionnait
plus déjà depuis quinze ans, comprenait, au mo-
ment du rachat opéré en 1857 par la Compagnie
générale des eaux (MM. A. Durouret Cie), trois
machines (2) et quatre pompes. Cette usine d'Au-
teuil puisait les eaux dans la Seine et les refoulait
dans les petits bassins de Passy, placés à 48 mè-
tres au-dessus du niveau du fleuve ; en outre, elle
alimentait une cuve construite sur les terrains où
a été ensuite établie la gare d'Auteuil et fournis-
sait l'eau de Seine à la commune de Boulogne.
Les petits bassins de Passy étaient divisés en
trois compartiments dont un était muni d'un
filtre à sable ; l'eau ainsi filtrée n'était vendue
au'aux porteurs d'eau ; la vente d'eau était située
ans les dépendances du réservoir.
Le filtre a été supprimé en 1876, après l'intro-
duction des eaux de la Vanne dans les conduites
du XV^ arrondissement. Les petits bassins de
Passy ont reçu depuis l'eau de Seine, montée par
(1) Il ne reste plus de cette source qu'un écou-
lement intermittent, qui se produit a un [>etit
oriflce placé dans le socle du lampadaire situé
dans la villa Montmorency, en face de la grille
d'entrée de la rue Poussin. Le jet, froid, dé-
^age une assez forte odeur d'œufs et colore en
jaune la vasque de fonte. De temps à autre,
uuelq^ues fervents y viennent puiser. En réalité,
d'après l'analyse, l'eau serait plutôt inefficace,
lourde et indigeste. Elle avait disparu momenta-
nément, à la suite de travaux de tranchées
exécutées dans la villa. (N. d. 1. R-)
(2) Ces machines à vapeur étaient verticales
et à balancier ; leur marche était onéreuse ; car
elles consommaient, par heure et par cheval, en
eau montée, 3i',i5 de charbon, tandis que les
niarhifics modernes ne consomment guère plus
d'un kilogramme.
Annexes
399
la pompe à fea de Chaillot; ils ne sont plus en
service aojoard*hui et sont destinés à disparaître
prochainement.
Séparation du service public et du sertnce
privé, — La distribution d*oaa a été complète-
ment modifiée à Paris par suite de Fadoption du
système de la séparation des services public et
privé, qui a été admise en principe, dès 1854,
par le conseil municipal, mais n*a pu être appli-
quée au XVI" arrondissement qu'en 1875. Le sys-
tème consiste à desservir les maisons au moyen
d*eaux de source et à n'employer les eaux de ri-
réservoirs d'où partent les conduites de distribu-
tion soient assez élevés pour que les étages supé-
rieurs des maisons puissent être alimentés.
La dérivation des eaux de la Dhuis, qui ont été
introduites pour la première fois dans le réservoir
de Ménilmontant en 1865, et celle des eaux de
la Vanne, qui sont arrivées en 1874 dans le réser-
voir de Montsouris,' constituent les premiers tra-
vaux exécutés au xix" siècle pour Tadduction des
eaux de source à Paris. Une conduite maltresse
de 0™,60 de diamètre, passant sur le pont de
TÂlma, amène les eaux de la Vanne aux grands
ANNÉES
1861
1869
1895
1900
PoDuIation de Paris •
1.700.000
1.850.000
2.512.C00
2.700.000
/ Service public
60.000
S5.000
128.000
90*.000
360.000
173.000
419.000
226.000
Nombre de mètres cubes \ ^^^^^^ j^^
consommés par Jour #
V Total
115.000
218.000
533.0C0
645.000
/ Service oublie
36
82
69
48
143
69
165
89
Nombre de litres d'eau V g j j ^
consommés par jom* < ' *^ ^
et par haoitant f
\ Total
68
117
212
254
vière que pour les besoins de la voie publi(|ue et
de rindustrie. Le service public et le service privé ont
chacun des canalisations parfaitement mstinctes
et séparées.
Les fleuves et rivières sont contaminés par
rapport des éffouts ; ils sont Tinstrument naturel
de transport des déjections de toute nature et des
résidus industriels ; dans les centres de popula-
tion, Teau des puits peut être corrompue par des
infiltrations de toutes sortes, et on sait que Teau
peut servir de véhicule à beaucoup de germes
pathogènes ou suspects et favoriser ainsi le déve-
loppement de diverses maladies endémiques, telles
aoe les affections inflammatoires du tube digestif :
ysenterie, choléra, fièvre typhoïde, etc. Il y a
donc un grand intérêt à affecter exclusivement
Teau de source à Tusage des habitants et à n'em-
ployer l'eau de rivière que pour Tarrosage des
voies publiques, des squares, des plantations, le
lavage des chaussées, les réservoirs de chasse des
égonts,les besoins industriels (1). Mais ce système
est dispendieux parce qu'il augmente la longueur
des canalisations et repose sur Tadduction des
eaux de source. 11 convient, en outre, que les
(1) La moyenne annuelle du nombre de bac-
térieii contenues dans un centimètre cube d'eau
est de ogo pour la Vanne (K>scrvoir de Mont-
de
usine
pour la Seine près de l'usine
de Chaillot; il dépasse 18 millions pour Teau du
collecteur d'Asnieres. La qualité de l'eau de
source est donc très supérieure à celle de l'eau
de rivière non filtrée, au point de vue hygiénique.
Le filtrage améliore la qualité des eaux de ri-
vière ; mais aucun filtre ne peut donner, d'une
manière permanente, une enu comparable h
l'eau de source convenablement choisie. — V.
aussi Bulletin, t. II, p. -jX».
réservoirs de Passy (bassin supérieur de Ville-
just), ce qui a permis de distribuer, à partir de
1875, Teau potable dans les quartiers du XVI° ar-
rondissement où le terrain ne se trouve pas à
plus de 45 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Mais pour desservir les quartiers plus élevés,
c*est-à-aire la partie de Passy comprise au nord
de la rue Raynouard et de la place duTrocadéro,
entre la rue de Ranelagh et Tavenue du Bois-de-
Boulogoe, il a fallu établir, sous le sol des boule-
vards extérieurs, une grande artère mettant le
XVl*" arrondissement en communication avec le
grand réservoir de Ménilmontant (1). Les quartiers
élevés de Passy ont ainsi été desservis avec Teau
de la Dhuis ou de la Vanne, de 1875 à 1893,
c'est-à-dire antérieurement à Texécution de la
dérivation de FAvre. D'ailleurs, on n*a pas main-
tenu ce système d'alimentation, qui laissait beau-
coup à désirer à Passy, étant donnée la situation
désavantageuse résultant* de ce que ce quartier se
trouvait à Textrémité des conduites de distribu-
tion et surtout de ce que la pression dans les
tuyaux de conduite était affaiblie par le dévelop-
pement énorme qui s'est produit dans ces der-
nières années pour la consommation en eau de
source, comme l'indice le tableau ci-dessus :
On voit que l'accroissement de la consommation
(1) Si le réservoir de Ménilmontant, qui e^t
fdacé à l'altitude de 107 mètres, n'avait reçu que
es eaux de l'aqueduc de la Dhu}rs, dont le déoit
est de ao.ooo mètres cubes par jour, il n'aurait
pas suffi à cette extension de service ; en con-
séquence, une usine de refoulement fut établie
à l'extrémité de la rue Lafayette, ce qui permit
de puiser chaque jour un cube d'eau considé-
rable dans la canalisation mattresse de la Vanne
et de l'élever dans le réservoir de Ménilmontant.
Ce régime a pris fin en i8;^3, lors de l'arrivée des
eaux de l'Avre.
l^OO HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMEXT
d'Ma Mt cKon pins rapide que celui de b popn- L'MbèTemeiil, ea 1893, de la dériTeliM de
btioa. La ruson prindpale ta est qoe ju^'à la V.Ktn (prOTenant da dêparteBenI de l'Eiire) per-
Teone das eaai de source, od itait Migk de mil d'apporter ane amitioratioo tràHwiMedMii
mooUr l'eao i hrasdlimiM dau lo éU|es : le la diMnbalioa d*eaa da XVI* amoditteBCOt (1).
ioor où, parl'rfittdela preasioD dant les tnjraoi. Les nnx de l'A Tre sont enaiagastnéM à l'ilii-
rraa a pa s'eleier ;v;>qa~tai snbbH >
sv«s. k ptirtfar dVia a •3.>MrD. et la <<
bM d(«ê<J>ia*ie*a et »atxt* t pr» d
diamèlre, en [ûle d'acier, les amène & U porte et i1im>>Dle les grands réservoirs dePassj, où U
d'Auteoil, par laquelle elles ealrent dans U capj- pression se tronve rédnile d'ennran 35 mètres,
tile, en se subdÎTUinten deux grandes branches, La seconde branche se dirige, par les bouleTanfa
4ont la première, ayant an diamètre de i^.lO. militaires, vers le réserrair de Monisonris.
suit le bonlefard Suchet, l'avenue Victor-Hugo et La première branche de la dérÎTation de I'Atts
ensuite les bnnlefards extérieurs, pour se jonc- alimente directement, en ean potable, les qaariiers
tionDerprèsdiibouleTardMaEentaaTecUcDDduile les plus életès, c'esta-dire la partie de Passjr
maîtresse de HéoilmontaDt ; de celte première comprise entre la rue do Kanelagb, la rue Ray-
branche se détache une conduite de 0'".60 de dia- nacard, la place et l'aTcoue du Trocadéro. Les
mètre, qui est placée sous le sol de la rue Copernic grands rèserroirs de Passv ( Villejost ) euToient
4o2
Histoire du Xvi* ARRONDissEMENt
Teau de l'Avre dans le Quartier des Ternes et jus-
qa*à l'avenue du Bois-de-Boulogne. La partie de
Passy qui se trouve dans le voisinage de la Seine,
le quartier d'Auteuil et celui de Grenelle sont ali-
mentés en eau potable par la Vanne.
Alimenlation actuelle en eaux de rivière.
— Le service public est fait, dans le quartier de
Grenelle, au moyen des eaux de TOorca, mais
dans tout le XYJ* arrondissement, c'est 1 eau de
Seine qu'on emploie pour ce service.
Il a été dit ci'dessus que les grands réservoirs
de Passy recevaient Peau pompée en Seine pur
Pusine de Qiaillot; ils recevront désormais la même
eau de la nouvelle usine d*Auteuil par une con-
duite de refoulement unique de 0"\90 de diamètre
qui suit Tavenue de Versailles, traverse le parc
du Trocadéro et va rejoindre avenue dléna les
deux anciennes conduites ascensionnelles de 0*^,60
de diamètre de Pusine de Chaillot.
Quand le plan d*eau dea réservoirs est peu
élevé au-dessus du sol, ils ne peuvent pas des-
servir convenablement les parties situées aux
abords immédiats de ces bassins : c'est pour ce
motif que la partie haute de Passv (située entre
la place du Trocadéro, la rue de Passy et la rue
de la Pompe) est alimentée directement, en eaux
de Seine, par la conduite maltresse venant du
réservoir de ViUejuif, en attendant l'amélioration
projetée, qui consistera daos un service spécial
surélevé commandé par l'usine d'Auteuil.
Les grands réservoirs de Passy alimentent, en
eau de Seine : 1<* la partie du XVl*' arrondisse-
ment située à l'est de l'axe des jardins du Troca-
déro, de la place du même nom, de l'avenue
Malakoff, de la place Victor-Hugo et d'une ligne
tracée parallèlement à l'avenue Bugeaud ; 2* l'ex-
trémité de Pavenue Victor- Hugo (dans le voisi-
nage de la station Henri-Martin) et la partie
située entre le chemin de fer de ceinture, près
de cette station et des forliOcations (avenues Ra-
phaël, Ingres et Prudhon).
Le surplus du XV1° arrondissement, compre-
nant tout le quartier d'Auteuil, est alimenté en
eau de Seine, pour le service public, par les petits
réservoirs de Passy.
La consommation d'eau de source est beau-
coup plus forte en été que pendant la saison
froide; il résulte de ce fait que, pendant la plus
Srande partie de l'année, dix mois environ sur
onze, les abonnés n'absorbent pas toute la quan-
tité d'eau de source fournie par les dérivations,
et c'est à Passy que s'opère le déversement dans
le service public du cube d'eau d'Avre qui n'est
pas utilisé par le service privé et qu'il convient
d'affecter en ce cas au service public, afin de
diminuer le travail des machines et des pompes.
Deux canalisations de 0,60 et de 0,92 reçoivent
cette eau et la dirigent l'une sur le réservoir de
ViUejuif, par le pont d'iéna, et l'autre vers le
réservoir de Gharonne. Enfin, lorsque la consom-
mation de l'eau de source se réduit dans de telles
proportions que les différentes conduites maîtres-
ses de distributions d'eau de rivière ne sufdsent
plus à absorber l'excédent disponible, le service
public, au lieu d'être fait par les bassins inférieurs
des graads réservoirs de Passy, s'accomplit par
Les bassins supérieurs, ce qui produit un supplé-
ment de pression d'environ 3™ ,50 et une augmen-
tation de débit de près de 20.000 mètres cubes
par 24 heures.
Fonctionnement des grands réservoirs de
Passy, — Les réservoirs de Paris sont disposés
de manière à pouvoir être alimentés de diverses
façons, suivant les circonstances ; sans cette pré-
caution, le moindre accident sufHrait pour inter-
rompre la distribution des eaux. Les divers com-
partiments des grands réservoirs de Passy peuvent
recevoir :
l** L'eau de la dérivation de l'Avre, qui y
aboutit directement par la canalisation de la rue
Copernic ;
t* L'eau de la dérivation de la Vanne, qui y est
amenée, au besoin, par la conduite du pont de
l'Aima ;
3* L'eau de la dérivation de la Dhnis et Peau
relevée de la dérivation de la Vanne, le réservoir
de Villejust pouvant être mis en communication
avec ces eaux par Ja canalisation de l'avenue Vie-
tor-Hueo ;
4° L eau de Seine, pompée par l'usine d'Au-
teuil et qui est directement refoulée dans ces
réservoirs ;
5® L'eau de Seine pompée à Ivry, par l'inter-
médiaire du résersoir de ViUejuif et de la canali-
sation du pont d'Iéna ;
6^ L'eau de Seine pompée à Bercy et refoulée
d'abord dans la cuve de la place Saint-Pierre, à
Montmartre ; cette dernière eau peut être amenée
par la canalisation dite de Lariboisière, qui se
détache à l'avenue Friedland de la conduite réunis-
sant les grands réservoirs de Passy à ceux de
Gharonne.
Un pareiUe variété d'alimentation procure une
grande élasticité pour la distribution générale des
eaux ; d'ailleurs les services en eau de source et
en eau de Seine sont complètement séparés, sans
communication possible de l'eau de Seine avec
l'eau de source, mais avec faculté du déversement
des eaux de source surabondantes dans les bassins
alimentés en eau de Seine.
Quand le temps se met au froid, la consomma-
tion diminue, et on en profite pour réduire le
volume d'eau à élever par les machines, en recu-
lant les Umites d'influence des grands réservoirs
de Passy jusqu'au pied du coteau de Gharonne,
sur la rive droite, et jusqu'à l'avenue du Maine,
sur la rive gauche.
Si, au contraire, la chaleur se manifeste avec
une grande intensité, les services de lavage de-
viennent plus exigeants, en même temps que le
produit des dérivations d'eau de source doit être
entièrement consacré aux besoins domestiques ; U
résulte de cette situation que Passy a besoin d'être
soutenu, et on emploie, par ordre de priorité, les
moyens suivants pour donner au service public un
volume suffisant d'eau de rivière :
1^ Ouverture de la communication avec le ré-
servoir de Villejuif.aUmenté par les i .700 chevaux-
vapeur de l'usine dlvry ;
2"^ Renforcement par la cuve de Montmartre,
sur laquelle refoule l'usine de Bercy (600 che-
vaux) ;
3^* Mise en marche simultanée des machines de
l'usine d'AuteuU (450 chevaux).
ANNEXÉS
4o3
Si un accident se produit sur la canalisation
maîtresse de TAvre, la Vanne et la Dhois accom-
plissent seules le service des eaux potables.
Si, au contraire, c'est la Vanne qui fait défaut,
pour arriver à son secours, Passy fournit Teau
nécessaire par la canalisation du pont de TAlma.
Beaucoup d'autres cas peuvent se produire,
notamment si des conduites viennent à se rompre.
Le service est très complexe et demande beaucoup
de soin, car Texécution de manœuvres intempes-
tives présenterait de graves inconvénients ; si,
d*ailleurs, l'ouverture d une communication entre
réseaux différents apporte une amélioration dans
le réseau le plus bas, elle cause dans l'autre une
dépression qui ne doit pas être excessive. Le
maniement de la distribution d'eau de Paris est
donc des plus délicats, il exige une sûreté de lou-
che que seule peut donner une longue expérience.
PuiU artésien de Passy. — Le forage du puits
artésien de Passy (i), qui se trouve dans le square
Lamartine, près de l'avenue Henri-Martin, a été
entrepris à la suite du succès constaté du puits
artésien de Grenelle. Il a été confié, par un traité
du 44 juillet 1855, au sondeur saxon Kind. La
couche des sables aquifères fut atteinte, en 1861,
à STG'^JO an-dessous du sol (soit à 523"',53 au-
dessous du niveau de la mer (2), et à 12">,53
plus bas qu'à Grenelle).
Le débit ^uotiden du puits de Grenelle fut
réduit d'un' tiers, dès 1861, par suite du fonc-
tionnement du puits de Passy, dont le produit,
par 24 heures, s'est élevé d'abord à 20.000 mètres
cubes, a subi au début de nombreuses oscillations,
s'est fixé longtemps à environ 8.000 mètres
cubes et n'est plus que de 4.500 mètres cubes
en 1897.
L'eau du puits artésien de Passy est tiède (en-
viron 28 degrés ; il est difficile d'abaisser la tem-
pérature de grandes masses d'eau ; d'ailleurs,
l'eau du puits n'est pas aérée, c'est-à-dire qu'elle
est dépourvue d'ox^fgèue; elle ne renferme qu'une
très faible proportion de carbonate de chaux et
d'acide carbonique, ce qui lui donne un goût
fade. Elle ne doit donc pas être employée comme
eau potable; elle conviendrait plus aux usines
qu'aux usages domestiques et serait susceptible
d'être utilisée pour des bains ou des lavoirs, ainsi
que pour des arrosages, ce qui faciliterait le la-
vage des ruisseaux quand le temps est assez froid
pour faire craindre la gelée.
Une conduite en fonte de 0">,50 de diamètrç
prend actuellement les eaux du puits artésien de
Passy et les envoie dans le bois de Boulogne, oti
elles concourent à l'alimentation des lacs (3).
Fontaines. — Le XVI^ arrondissement pos-
sède : 21 fontaines à repoussoir, mises à la dis-
position des habitants dans les quartiers ou les
maisons ne sont pas pourvues d'abonnements —
4 fontaines Wallace, à débit réduit, permettant
(i) Voir la note sur le pulls arlésim de Passy,
due à M. Léopold Mar, pp. 2i3 à 2iô du II* volume
du Bulletin de notre Société.
(2) Le puits de Passy, aui débouche au square
Lamartine, est revêtu en nois, avec un diamùtre
de o"* .80 jusqu'à la prorondeur de 55u mètres; au
delà, il a un diamètre de o",7o et le tubage est en
lOle de o'°,02 d'épaisseur.
(3) V. Bulletin, vol. 111, p. 3i.
aux passants de s'abreuver — 3 fontaines monu-
mentales, dont la plus importante est la cascade
du Trocadéro, qui débite à l'heure 1.273 mètres
cubes, tandis que les beaux jets de la place de la
Concorde n'exigent ensemble que 330 mètres cubes
à l'heure. L'eau jaillissant de la gerbe du rond-
point du Trocadéro est amenée par une galerie
spéciale à la cascade, d'où elle gagne des con-
duites qui la versent dans les canalisations d'eau
d'Ourcq du Champ de Mars; elle y sert finalement
à l'arrosage.
L'aquarium du Trocadéro, siège de l'établisse-
ment de pisciculture,consomme par jour 1.110 mè-
tres cubes d'eau de source (1).
Améliorations projetées. — La population
des dix premiers arrondissements de Paris était
de 1.010.970 habitants en 1886 et de 1.0U8.170
en 1896; elle est donc restée stationnaire dans
cette première zone depuis dix ans ; mais dans la
seconde zone (du XI* au XX* arrondissement) elle
a passé de 1.333.580 habitants en 1886 à
1.503.785 habitants en 1896, soit une augmen-
tation de 170.000 âmes; d'ailleurs, le nombre
d'habitants par hectare n'est que de 273 dans la
seconde zone, tandis qu'il s'élève à 438 dans la
première. Ces chiffres semblent indiquer que là
population s'augmentera encore d^ins la seconde
zone, qui forme la périphérie de Paris et a été
annexée en 1860; en même temps il parait cer-
tain que la consommation d'eau continuera à croî-
tre plus rapidement que la population. Il faudra
augmenter les quantités disponibles,tant en eau de
source qu'en eau de rivière. La dérivation des sour-
ces du Loing et do Lunain, votée en 1897 et misé
en service en 1900, est bien loin de suffire aux be-
soins nouveaux du service privé et dans un avenir
peu éloigné de nouvelles amenées d'eau de source
devront être entreprises.
Cependant Le XVl* arrondissement est aujour-
d'hui très convenablement desservi en ce qui con-
cerne les eaux de source; mais le réseau des
eaux de rivière a encore besoin d'y être amélioré
et étendu.
L'importance du grand réservoir de Passy, déjà
augmentée par la juxtaposition du nouveau bassin
établi en lo98 sur un terrain acheté depuis long-
temps pour cette destination, est appelée à s'ac-
croître encore par suite de l'établissement projeté
d'un service haut en eau de Seine surélevée.
Enfin la nouvelle usine d'Auteuil va renfermer
— outre les deux machines qui remplacent celles
de Chaillot — une machine spéciale, permettant
d'élever 18.000 mètres cubes par 24 heures, pour
le service du bois de Boulogne, dont les besoins
s'accroissent progressivement : on évitera ainsi le
long circuit que font les eaux de la Seine pour
aller d'Ivry au réservoir de Villejuif, puis à celui
de Passy et finalement au bois.
On trouvera des renseignements très détaillés
(i) D'après le récolcment arrêté le 3i dé-
cembre 1^)6 pour les conduites et les princi-
paux appareils en service, le XV1« arrondisse-
ment possédait à cette date : 65i bouches de
lavage, 1.147 bouches d'arrosaj?e, 44^ bouches
d'incendie, vji réservoirs de chasse pour le la-
vage des égo\ils et. en nombres ronas. 38 kilo-
mètres de conduites enterrées et i<S5 kilomètres
de conduites sous galerie.
4o4
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
et fort intéressants sur la situation actuelle et sur
les besoins futurs de la distribution des eaux à
Paris, dans la brochure de M. Ernest Gay, con-
seiller municipal (Porte-Dauphine), notre collègue,
et intitulée : Etude et programme pour le com-
plément de V alimentation de Pans en eaux de
source et de rivière jusqu*en i9S0, Cette bro*
chure, dont Tauteur a gracieusement offert un
exemplaire aux archives de notre Société, a été
imprimée à la Bourse du commerce, 33, rue Jean-
Jacques-Ronsseau (Ch. Bivort), en 4898.
AUCUSTE DONIOL.
MADAME CARNOT
Mme Cnrnot a voulu reposer au cimetière de
Pansy. Elle fui la femme que tous savent. Noire
BuUeiin croit remplir un devoir envers sa mé-
moire en lui conHacrant les lignes suivantes,
extraites du discours prononce par M. Arthur Des-
jardins, président de i Académie des Sciences mo-
rales et politiques, dans la séance publique an-
nuelle du samedi 3 décembre 1898.
€ Une femme de grand cœur, qui portait arec
une noblesse d'âme admirable le deuil d*un vrai
citoyen, Mme Carnot, avait, tous le savez, pris
depuis plusieurs années une part utile à la croi-
sade contre le paupérisme en donnant à notre
Académie une somme assez forte pour lui per-
mettre de distribuer tous les ans des bourses de
300 francs à cinquante-cinq veuves d'ouvriers
que recommandaient particulièrement leur grande
misère, le nombre de leurs enfants, leur esprit
d*abn^ation. Comme, Tan dernier, une somme
de 3.D0O francs, envoyée sous une enveloppe
discrète qu'encadrait une large bordure noire,
nous mettait à même d'accorder il secours sup-
plémentaires ; une dernière somme de 500 francs
nous était en outre adressée par le Grand
Cercle. Bref, nous pouvons distribuer aujourd'hui
74 bourses. Nous avions reçu 588 demandes en
1896 ; nous en avons reçu 820 pour le concours
de 4898 ; encore à peine le délai de rigueur
pour le dépôt des demandes (31 décembre 1897)
etait-il expiré que 150 pétitions nouvelles af-
fluaient au secrétariat. Les secours se répartis-
sent entre 29 départements, dont 14 ne figuraient
pas sur la précédente liste. En thèse générale, nous
éliminons toutes les familles qui comptent moins
de 5 enfants ; c'est ainsi que, sur les 74 familles
secourues, nous n'en avons admis aucune de
moins de 4 et nous en avons admis seulement 7
de 4 enfants par des motifs très exceptionnels :
par exemple la mort du père survenue dans l'hé-
roïque accomplissement d'un devoir professionnel,
la maladie de la mère, les infirmités des enfants
eux-mêmes. Nous apprenons avec une précision
terrible, en étudiant ces nombreux dossiers, par
des exemples pris dans les régions les plus di-
verses, jusqu'à quel point est souvent lamentable
la situation d'une famille ouvrière, sans patri-
moine et sans épargne, à dater du jour oii dis-
paraît le père qui la faisait vivre, et nous adres-
sons on adieu suprême de reconnaissance & la
femme qui, sentant la profondeur d'une telle
plaie, fonda cette œuvre de bienfaisance nationale.
< Notre reconnaissance et notre émotion se
sont encore accrues quand on nous a lu, dans la
séance du 22 octobre, cet extrait du testament
de Mme Carnot : < Je veux que ma double ri-
vière de diamants et mes gros boutons d'oreilles
soient vendus le plus avantageusement possible
et que le prix en soit versé de ma part à la fon-
dation Carnot. Je désire faire à cette œuvre un
legs de 50.000 francs, mes enfants ajouteront
le nécessaire si les diamants n'atteignent pas ce
chiffre. 5 août 1898. Cécile Carnot. > Telle
devait être la destination finale de ces bijoux
achetés et portés exclusivement pendant que
M. Carnot était chef de l'Etat. On les vend aux
enchères aujourd'hui même, pendant que je vous
parle. L'histoire a conservé la réponse de cette
dame romaine k qui l'on demandait de montrer
SCS bijoux et qui fit venir ses enfants : Tibérius
et Caïw Gracchus. Si l'on demande jamais aux
enfants de Mme Carnot oU sont les bijoux de leur
mère, i*s pourront montrer les pauvres. »
L'ARCHITECTE BLOUET
Guillaume-Abel Blouet, architecte français,
naquit à Passy, le 6 octobre 1795. 11 mourut à
Paris le 11 mai 1853. Le don que nous a fait
notre collègue, H. Huber, d'une médaille qui
reproduit ses traits (1), le soin qu'a pris M. Mar
de la dessiner, nous ont conduit à rechercher pour
la Société historique ce qu'avait été G.-A. Blonet.
M. Achille Hermant, dans une notice intéres-
sante, a retracé assez longuement les travaux et
la vie de Blouet. Notre cadre ne nous en permet
qu'une courte analyse. C'est le moins qui soit dû
à cet enfant de l'ancienne commune de Pas^.
Son maître en arrJiitecture avait été Pierre-
Jules Delespine (1756-1825), descendant de
Mansart, constructeur du marché des Blancs-
Manteaux, membre du Conseil des bâtiments ci-
Tils et de l'Institut. Blouet fut un élève hors ligne,
avant de passer maître lui-même. A l'Ecole des
Beaux- Arts, il obtint six médailles, le secon dgrand
prix , et enfin le premier grand prix de Home en 1 821 .
A la deuxième période de sa vie, celle de son
séjour à Rome, nous voyons Blouet étudier les
monuments de l'antiquité arec une assiduité qui
allait être couronnée du plus grand succès. Ses
patients efforts, ses laborieuses et savantes recher-
ches eurent pour résultat un enroi à l'Académie
qui fut immédiatement jugé par elle hors de pair :
(1) Gravée par Domard (1792-1858). — Grand
prix de Rome (médailles et pierres fines), élève
de JoiifTmv et de Carteller. — Ses médailles sont
des chers-d'œuvre comparables h ce que l'art
monétaire a produit de plus noble et de plus
frranô. Parmi les plus belles on cito justement
celles de Carlelier, Percier. BloueL Molière. Vol-
taire, el celle de l'Exposition Universelle de
Londres, dont la Monnaie de Paris conserve le
poinçon.
U restaontion d«8 iheimei d'Antooia Csracalla.
L'habilelè, l'inUlligeDee de l'art antique éclatent
de toutes parts dins cette ingénieuse et vsste pn>-
dnction. La seclioD d'arcbitectnre de l'Académie
obtint que ce travail fût publié lux frais du pou-
Ternement ; la publication, en grand in-fotia, dura
trois années, de 48^7 i ISIJO.
Troisième période : Bloael entre dans h pra-
tique. L'Académie le désigne comme chef dei
artittas attachés 1 l'eipéditioD Bcienlifique de
Horée. Il a décrit set découvertes et précisé teor
portée dau trois volumes in-folio, où sa science,
xEs 4a5
divers od l'on discerao, toujours avec le goùl le
plus sûr, un sens d'adaptation remarquable. Ran-
{lelons que c'est ï Blouet qu'on doit la tombe de
Casimir Delavigae, celle de Bellioi. C'est loi qui
a construit la colonie atiricole de jeunes détenus
de Mettra;, module du genre. (1 a restauré,
agrandi ou embelli le palais et les jardins de Fon-
tainebleau ; il a contribué k la décoration de
nombreoses fêtes publiques. Ses études de prisons
ont servi de type i un grand nombre de nos péni-
tenciers modernes. Il a toucbé aux genres les plus
divers, avec le même boobear et le mémo éclat,
Mtdaillon UAbcl BloueU
on l'infailliliililé de son exanvcD et de son juge-
ment sont marquées d'une touche indélébile.
Quatrième période : Blonet professeur. Sïs
éminentes qualités firent de lui un professeur
ëmérile, modéré, éclectique. Pour ses andilears,
il n'allait pas jnsqu'i l'enseignement exclusif de
l'art romain et de l'art grec ; il disait, au con-
traire, que iout ce qui éuit beau, d'où qu'il
Tint, devait être étudié. Ses idées et son goût
personnels, toutefois, penchaient toujours vers tes
premières étodes.et la direction de son alelierincli-
nail i l'imitation préférée de Rome et de la Grèce.
Il avait eu de nombreux élèves dès son retour
de Rome ; les jeunes artistes venaient en foole
■oUiciter ses conseils et ses leçons. Hais ce fat
seulement en 1846 qu'il aborda renseignement
public. Baltard père venait de mourir : la chaire
de Théorie de rArchitecture èchnt à Blouet,
qui étendit alors sou ensei|tnement. lui imprima
un raraetère plus général, plus pratiaue.
Membre de l'institol, on a de lui att ouvrages
Mais voiâ oii Blouet est bien vraiment un fils
du XVI' arrondissement, plus que par le hasard
de la naissance t Passy : c'est lui qui a achevé
l'arc de triomphe de l'Ëtoile. Cette Œuvre sufli-
rait ï marquer la place de Bboel parmi les plus
célèbres arcfaiiecles dn xix* siècle, mainlenaut
disparu dans le passé.
Faut-il rappeler ici brièvement l'histoire de ce
monument, que Blouet termina?
Napoléon I*' en avait dècréié la construction
le 18 février 1806. Elle fut mise au concours.
Le concours ne donna pas de résultats. Raymond
et Cbalgrin furent alors chargés de fdire de nou-
velles études. Hatheoreusement elles furent-pré-
cipitées et incomplètes, tant on avait hâte d'ache-
ver les fondations et de célébrer la pose de la
première pierre pour le 15 août 1806, anniver-
saire de là naissance de l'empereur ; ce qui eut
lieu, en effet. Puis un désaccord surgit entre les
deux architectes sur l'ornementation des façades.
Le 31 octobre 1R08, Cbalgrin resta seul chir|é
/«o6
HISTOIRE DÛ XVr ARRONDISSEMENT
dn monument; mais il mourait le 20 janvier 1811,
alors que la hauteur de 6 mètres au-dessus da
sol n*élait pas encore atteinte. Son élève et suc-
cesseur, Goust, suivit ses dessins, ei Tédification
des arcs allait être commencée, lorsque Tannée
1814 arriva. Louis XVIU, avec Tarrière-pensée
peut-être de transformer le monument, commença
par faire détruire les échafaudages. En 1823, il
fît reprendre le grand arc, qui dut être consacre
aux souvenirs de la guerre d'Espagne. Goust eut
de nouveau la direction des travaux ; Huyot lui
fut adjoint pour la décoration. Bientôt destitué
pour avoir voulu trop remanier, ce dernier fut
remplacé par une commission (1) qui seconda
bien Goust, mais non sans modifier Tentablemput
et la grande voûte. Goust se retira en 1830.
Huyot, réintégré depuis 1828. allait introduire
dans la frise des scènes où auraient 6garé Charles X
et le duc d'Angoulème, quand Louis-Philij)pe
s*empressa de rendre le monument à sa première
destination. C'est alors que Blouet (1832) rem-
plaça Huyot et termina Tédifice. L'inauguration
en eut lieu le 29 Juillet 1836. Il avait coûté
9.051.114 francs.
Huyot paraît s'être arrêté au socle de l'attique.
L'attique est donc de Blouet : il est surmonté
d'une corniche dentelée, terminée par un garde-
corps en têtes de Médase.
En 1840, à l'occasion de la translation des
cendres de Napoléon, Blouet figura en peinture
l'empereur debout sur un trophée qui couronnait
la plate-forme.
Une critique a été faite de l'arc de triomphe ;
nous avons Quelque raison de la mentionner. Le
style, a-t-on dit, manque d'unité. L'ensemble est
romain, l'ornementation est grecque. La partie
supérieure serait trop délicatement ornée, tandis
que la base est très sévère, très simple, quelques-
uns ont dit trop lourde. La critique a été même
poussée jusqu'au point de se formuler en ces
termes, dans un article récemment paru.
« liO couronnement dentelé qui sert de balus-
trade et d'acrotère à la terrasse, ce couronnement
est mesquin ; l'attique et tout l'entablement le
sont également. La corniche manque d'ampleur et
de saillie ; elle n'est pas dans la proportion des
autres membres de l'édifice. La frise où chemi-
nent les armées est trop étroite. L'architecte n'a
pas calculé ses dimensions en raison de la hauteur
du monument... »
Nous avouons manquer de compétence pour
juger. Nous avons cité avec impartialité. 11 y
aurait beaucoup à dire, pour et contre, sur le
grandiose monument, dont nous esquissons, à
trop grands traits sans doute, une physionomie
un peu exclusive, en ce qui touche simplement la
part qui y revient à Blouet. En insistant précisé-
ment sur ce fait que la partie supérieure est son
œuvre propre, peut-être pourra-t-on tirer de la
critique cet éloge qu'il a su achever avec la mar-
que ae son génie personnel une colossale construc-
tion dont il n'avait pas été appelé à harmoniser
les diverses parties, déjà exécutées avant lui.
fO Klle était composée do Percier, Dehret, Guy
(le Gisors, Labarre et Fontaine.
Au surplus, n'y a-t-il pas quelque ^rt un projet
primitif de Cbalgrin, de celui qui avait conçu l'arc
de triomphe, où Napoléon, de sa main, avait effacé
les trophées ébauchés, les trouvant trop mes-
quins? U ne faut donc point être si sévère 'pour
celui qui venait, onzième, achever le monument.
Une réfiexion nous est venue au cours de cette
note, assurément très résumée. Elle nous parait
pouvoir lui servir de conclusion.
La vie marche si vite, le champ des connais-
sances va se développant si éperdoment, oue c'est
à peine si l'on peut distinguer, une fois disparus
les contemporains qui vous les eussent montrés,
les hommes qui ont eu leur heure de célébrité
dans une des branches si multiples des lettres, des
sciences on des arts. Il est des noms dont la
notoriété, forcément restreinte i une catégorie
d'hommes d'élite, mais spéciaux, risquerait de
s'éteindre et de rentrer dans une ombre imméritée,
de glisser dans un injuste oubli, si une chance
heureuse, guidée par une main bienfaisante, ne
venait à temps leur donner un regain de vie.
rappeler ces précurseurs au souvenir reconnais-
sant de leurs confrères d'aujourd'hui, les signaler
au respect et à la reconnaissance de la postérité.
Ainsi a fait, par le don de sa médaille, M. Huber
pour Blouet : c'est en quoi ce don demeure dou-
blement précieux pour la Société historique d'Ao-
teuil et de Passy, qui est heureuse, en remer-
ciant de nouveau le généreux donateur, de saluer
le grand architecte dont la mémoi<% est mainte-
nant pour elle à jamais fixée.
Emile Potin.
EXTRAIT DES MÉMOIRES
DO BARO.V HAUSSXANN
M. Alphand faisait le !26 décembre 1891, i
l'Académie des Beaux-Arts, l'éloge du baron
Haussmann,en des termes empreints de sincérité,
de reconnaissance, dignes à la fois de l'un et de
l'autre. U montrait les grandes choses dont
M. Haussmann avait été l'initiateur, et ce que
Paris lui devait de ses embellissements.
Il nous a paru intéressant de rechercher et de
reproduire ici, extraits des Mémoires du baron
Haussmann (1), les passages qui concernent
notre arrondissement. Et, chemin faisant, nous
trouverons le jugement que M. Haussmann avait
porté sur M. Alphand.
Ce sera comme le complément des communica-
tions qui précèdent dans ce Bulletin même.
PIJ^N DE PARIS
« Je fis (2) graver le plan au 5/ 1 000*, en grandes
feuilles, où toutes les indications nécessaires aux
(i) Vol. m, édition de 1893. — Nous rappelons
que M. llauHsinann e»l mort le 11 janvier 1891,
âgé de R'2 ans.
('2 C'est M. Haussmann lui-tnème qui écrit.
ANNEXES
407
différents services de mon administration se
voyaient distinctement.
< La juxtaposition et Tentoilage d^ezemplaires
de ces nombreuses feuilles dans un cadre porté
par des montants sur pieds à roulettes, et placé
bien en vue au milieu de mon cabinetde travail, y
constituait, derrière le fauteuil de mon bureau, un
immense paravent od je pouvais, à toute minute,
en me retournant, chercher un détail, contrôler cer-
taines indications, et reconnaître les coirélations to-
pographiques des arrondissements et quartiers de
Paris entre eux. Bien souvent, je me suis livré, devant
ce tableau fidèle, à des méditations fructueuses.
« Une réduction de notre nouveau plan au
i 0/1 000® le rendit moins encombrant, quoique bien
grand encore (2™, 50 de long sur ^"'.SO de haut).
€ L'édilion au 20/ i 000*" était seule pratique pour
le public.
€ L'original, de dimensions supérieures même
à celles de la première édition au 5/1000*, per-
mettait au service du plan de donner l'alignement,
sans coup férir, aux constructeurs de maisons on
bordure des voies publiques, même de celles qui
n'étaient pas encore ouvertes. Jamais aucune
erreur ne vint révéler une inexactitude quelconque
des remarquables travaux de mes géomètres et de
leur chef éminent, M. Deschamps.
« Mais il ne pouvait me suffire d'avoir une pla-
nimétrie parfaite de Paris.Il me fallait, en outre,
constater les ondulations du sol, au moyen d'un
nivellement général, qui n'avait pas encore été
fait. .. Je dus en faire exécuter le travail parallèle-
ment à la triangulation de Paris, et nous prîmes
pour point de repère un plan idéal passant à
50 mètres au-dessus du niveau normal des eaux
du bassin d'arrivée du canal de l'Ourcq, niveau
supérieur de 51 "^,49 & celui de la mer moyenne...»
TRAVAPX DE PARIS
« Un traité de 180 millions fut passé,le 18 mars
1858, entre l'Etat, représenté par M. Rouher et
M. Magne, et la Ville de Paris. Les travaux de voirie
devaient être exécutés en dix ans. L'Etat contribuait
pour 60 millions dans la dépense totale nette. »
— L'article l**" énumérait en neuf paragraphes
les travaux. Le 5*^ paragraphe nous intéresse spé-
cialement.
< 1^ place de l'Etoile était hors de l'enceinte
de Paris, au moment de la conclusion du traité, et
j'avais dû faire classer l'avenue de llmpératricc,
ouverte directement de cette place à la porte Dau-
phine du bois de Boulogne, sous le titre de route
départementale, avec la largeur exceptionnelle
voulue par le décret de 1854 et les dispositions
spéciales dont la Ville de Paris, propriétaire du
bois, couvrit les frais.
< Le plan primitif de l'Empereur ne prévoyait,
en plus de cette voie et du boulevard Baujon
(Haussmann), de l'autre côté de la place de
l'Etoile, que l'ouverture d'une avenue nouvelle
dans le prolongement de l'axe transversal de l'arc
de triomphe. Traversant les terrains occupés par
l'ancien hippodrome et les pelouses de 1 Etoile,
elle aboutissait par le boulevard de Longcbamp
au Trocadéro, c'est-à-dire à remplacement du
palais, jadis projeté, du Roi de Rome.
« Cette voie, appelée par nous avenue du Roi-
de-Rome (aujourdhui Kléber),... fut continuée...
et vint aboutir... après l'annexion... près de la
porte d'Asnières.
« La réunion de ces deux arenues, sous l'arc
de triomphe, formait une ligne droite croisant
d'équerre l'avenue des Champs-Elysées,continuée
par l'avenue de Neuilly (de la Grande-Armée)...
« En dehors de ces indications, j'avais à tenir
compte de l'existence de l'avenue de Saint-Cloud,
autrefois de Charles-X, que nous appelâmes avenue
d'Eylau, mais qui n'a pas conservé ce nom ; le
gouvernement actuel... lui fait porter celui de
Victor Hugo, qui l'habitait à sa mort.
« R n'était pas facile, avec de telles sujétions,
de trouver un arrangement symétrique de la place.
« Je commençai par ouvrir l'avenue de l'Impé-
ratice, à moitié distance de l'avenue de la Grande-
Armée et de l'avenue d'EyIau, de manière à mé-
nager deux terrains à bâtir égaux, à sa droite et à
sa gauche ; je fis un lot unique, à peu près double, du
reste du quart de cercle compris entre les avenues
de la Grande- Armée et du Roi-de-Rome.
€ Je coupai de la même façon, mais dans un
ordre inverse, le quart de cercle allant de cette
dernière avenue à celle des Champs-Elysées, par
les amorces des avenues d'Iéna et Joséphine (au-
jourd'hui Marceau)...
€ Je reproduisis cette disposition dans le quart
de cercle allant de l'avenue des Champs-Elysées
à l'avenue de Wag^ram...
€ Enfin, je décrivis, au delà de mes douze lots
à bâtir, une rue circulaire nommée rue de Tilsitt
d'un côté de la place, et rue de Presbourg de
l'autre, destinée à donner des issues aux hôtels
d'architecture symétrique, précédés sur leurs faces
de parterres, enceints de grilles uniformes, dont
je fis déclarer rétablissement obligatoire. Je dé-
gageais ainsi la place des encombrements que la
circulation des voitures pourrait y produire à cer-
tains Jours.
« Cette belle ordonnance, que je suis très fier
d'avoir su trouver, et que je considère comme une
des œuvres les mieux réussies de mon administra-
tion, apparaît, dans son ensemble, comme sur un
plan, du haut de l'arc de triomphe, où montent
beaucoup plus d'étrangers que de Parisiens...
« IsB o*^ paragraphe du traité du 18 mars 1858
s'appliquait à deux boulevards de 40 mètres de
largeur, partant du pont de l'Aima (rive droite),
savoir :
€ 1^ L'un, nommé depuis lors avenue de l'Aima,
percé dans le prolongement direct du pont et
allant du quai de Billy à l'avenue des Champs-
Elysées ;
\ 2° L'autre, nommé avenue de l'Empereur (1)
(1) L'avenue de TEmpercur fut ouverte après
l'annexion, de 1862 à 1806, d'abord entre la place
du Roi-de-Rome à la Muette, puis^ de cette
place à travers celle d'Eylau, jusqu'à la naissance
du quai de Billy, devant le pont de l'Aima, sur
une longueur lotalc de 1.400 mètres et une lar-
geur de ^o. Elle ne cmlta guère moins de
2.35O.O0O francs, h cause des mouvements de
terrains et des murs de soutènement. Elle se
compose de deux trottoirs plantés de 6 mètres
chacun, de deux voies carrossables de 9 mètres,
d'une allée cavalière centrale de 10 mètres,
bordée de deux rangées d'arbres.
4o8
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
(maintenant du Trocadéro)... monte diagonale-
ment d*abord... jusqu'au débouché de l*aTenue
Marceau ; puis, prenant en écharpe le coteau du
Trocadéro, il croise Tayenoe d'Iéna, au point d'ar-
rivée de la rue Pierre-Charron, et aboutit à Tan-
cienne barrière Sainte-Marie, sur le boulevard de
Passy, an centre de la place du Roi- de-Rome
(actuellement du Trocadéro).
€ La seconde voie, prolongée (avenue Henri-
Martin), après Tannexion, jusqu'à la Muette, on
l'avenue Victor-Rugo vient se confondre avec elle,
forme un des plus agréables accès du bois de Bou-
logne. »
— Plus tard, après l'annexion, intervint un
troisième réseau. C'est celui-là qui acquitta pour
24 millions de dépenses de percements dans Chail-
lot et pour 30 millions de régularisation vers
Passy,
€ Le troisième réseau comprenait les travaux
suivants :
€ En bas de la butte du Trocadéro, la jonction
de l'avenue d'Iéna et de la rue Pierre-Charron,
d'un côté, avec l'avenue Delessert, continuation de
la rue de Passy ; de l'autre, avec le quai.
€ En haut, sur la place, une nouvelle étoile de
larges voies formées par la convergence :
€ D'une avenue centrale aboutissant au point
de croisement des rues des Sablons, deLongchamp,
des BeUes-Feuilles et Decamps, à laquelle on a
donné le nom d'Eylau, que portait jadis l'avenue
Victor-Hugo :
« Puis, à droite, de l'avenue Malakoff (autrefois
de Saint-Denis), partant de la porte de Neuillv, de
l'avenue du Roi-de-Home (Kléber) venant de la
place de l'Etoile et de la première partie de l'ave-
nue de l'Empereur (du Trociidéro) montant du
quai Debilly.
€ Et, à gauche de l'avenue Henri-Martin,
d'une autre grande voie à percer quand on aura
pu déplacer le cimetière dePassv, voie qui se diri-
gera vers le Ranelagh,et enfin de la rue de Fran-
klin, élargie.
< Non loin de là, je fis régulariser le rond-point
de l'ancienne avenue d'Eylau (Victor- Hugo), qui
forme également une étoile régulière au croise-
ment de cette avenue avec l'avenue Malakoff et
l'ancienne avenue Dauphine(Bugeaud), en face de
laquelle se bifurquent les rues Boissière et Co-
pernic. »
SERVICES d'ingénieurs
« C'est en 1869 que M. Alphand devint ins-
pecteur général et que je réunis dans ses mains le
service de la voie publi(^ueà celui des promenades
et plantations, qu'il avait depuis 1850, et l'inves-
tis du titre de directeur.
€ M. Belgrand fut élevé au grade supérieur
d'inspecteur général de ^^ classe et reçut le titre
de directeur des eaux et des égouts. »
— M. Alphand avait sous ses ordres : 1° pour
la voie publique, 2 ingénieurs en chef et 10 ingé-
nieurs ordinaires ; 2® pour les promenades, 1 in-
génieur en chef, les 10 ingénieurs ci-dessus et
tous les agents des promenades, parcs, squares, etc,
A son service ressortissaient encore l'éclairage, les
voitures, les stationnements, etc.
En passant, M. Haussmann, parlant d'une
enquête faite par M. Belgrand et concernant:
1» Teau à discrétion dans 1 habitation ; 2* l'envoi
immédiat des vidanges à ' Fégout, déclare qu'il
n'a jamais admis que partiellement la seconde coo*
clusion.
M. ALPHAND
« L'Empereur avait fait commencer la transfor-
mation du bois de Boulogne, coocédé par l'Etat à
la Ville, sous la condition de consacrer 2 millions
au moins à l'embellir.
€ Je me hâte de dire qu'elle en dépensa suc-
cessivement plus de 14, non seulement à l'embellir,
mais à l'agrandir par l'annexion de la plaine de
Longchamp et du parc de Madrid. Heureusement,
je pus faire rentrer ou compenser la différence,
surtout au moyen de la vente autorisée par l'Etat
de parties extrêmes ou en bordure retranchées du
plan général, notamment du c6té de Neuilly et da
Parc-des-Pnnces. J'eus toutes les peines du monde,
en fin de compte, à justifier d'une dépense termi-
nale de 2 millions, conformément à la condition
imposée.
€ 1^ direction des premiers travaux avait été
confiée à un ancien jardinier de Saint-Leu, do-
maine du roi Louis de Hollande, un sieur Varé,
qui se qualifiait de jardinier-paysagisie, mais
i|ui, sans manquer de talent, pour dessiner sur
place des pelouses, n'était pas à la hauteur de sa
mission. Il aurait certainement bien dessiné un
square, un jardin an|[lais, un petit parc, mais la
transformation du bois de Boulogne excédait sa
compétence. Dès le début, il avait commis une
erreur, sinon un oubli complet de nivellement,
que je relevai de suite, dans le tracé de la rivière
projetée par l'Empereur entre le Kond-Royal et le
Rond-Mortemart.
< La position de celui-ci, tout en haut d'une
butte d'où l'on apercevait par une percée en pente
le château deSaint-Cloud, eût été on avertissement
pour le premier ingénieur venu. Bien loin de là,
M. Varé s'empressa de faire abattre les arbres
d'un rond à l'autre, et attaqua le creusement du
sol sur nombre d'endroits dans l'intervalle, en
réservant toutefois le sol des deux Iles voulues par
Sa Majesté. J'arrivai sur les lieux au milieu de ce
beau dégât... et je chargeai le jour même un in-
génieur ordinaire du service municipal... de rele-
ver un profil en loue et quelques profils en travers
du sol bouleversé. Il ne nous fallut pas longtemps
pourreconoaltre une différence de niveau teUement
considérable entre les deux points extrêmes de la
rivièreen cours d'exécution,que, certainement, elle
se fût trouvée tout à fait à sec en amont, sur une
assez grande longueur, pendant qu'elle eût dé-
bordé non moins simplement en aval.
€ Que faire? Avant tout je m'empressai de
rendre compte de ma découverte à l'Empereur,
stupéfait et un peu confus. Il ne pouvait croire ce
que je lui rapportais...
c Alors, je proposai de faire, à la place, ce qu'on
voit aujourd'hui : deux lacs, à niveaux différents.
ANNEXES
409
séparés par QDe large chaussée carrossable, ser-
Yant de digae au premier, qui déverserait le trop-
plein de ses eaax dans le second car une cascade.
Pour donner à celui-ci, qui devait embrasser les
lies du programme, une profondeur d*eau suffisante
à son point iniliaJ, on élèverait le sol autour do
son grand bassin terminal, an moyen d'une parte
des terres du déblai de son lit, répandues en talus
allongés, gazonnés et plantés, dissimulant cette
seconde barrière; le trop-plein irait alors alimenter
comme au premier projet, des ruisseaux répandant
la fraîcheur et la fertilité dans les parties plus
basses du bois, dont Taridité n'était pas le moindie
défaut.
€ L*Empereur ne put jamais prendre son parti
d*avoir deux lacs au lieu de la rivière qu*il désirjit
tant! »
— M. Haussmann dit ensuite, non sans quelque
raison, que les Parisiens et les étrangers ont ap-
prouvé la promenade telle qu'il Ta fait transfor-
mer et qu*ainsi Faccès du bois et de la plaine de
Longchamp ne se trouve pas intercepté par la ri-
vière, qui eût coupé le bois en deux parties.
11 ne tarda pas à constater que, quel que fût
son mérite, son ingénieur ordinaire manquait de
qualités paysagistes.
€ J'appelai, sans retard, à Paris, M. Alphand,
ingénieur ordinaire des ponts et chaussées, dont
je m'étais fort utilement servi, pendant mon sé-
jour comme préfet à Bordeaux, en des circons-
tances et pour des travaux exigeant le sentiment
de l'art, et, déplus, un goût éprouvé...
c Allié, par son mariage, à l'une des familles
des plus honorables du grand commerce, il avait,
à Bordeaux, une excellente situation, des relations
agréables dans le meilleur monde, et il exerçait
même une influence marquée sur la jeunesse do-
rée de cette ville, non moins élésante que riche,
depuis l'organisation des fêtes de chanté qu'on
lui devait. Mais consentirait-il à ouitter tout cela
pour venir me seconder i Paris, aune façon per-
manente, dans l'accomplissement d'une œuvre qui
ne rentrait pas absolument au nombre des attri-
butions habituelles de son corps... Sans doute,
avec la vive intelligence et la perspicaté qui le
caractérisent, M. Alphand comprit de suite la por-
tée du rôle qu'il s'agissait, pour lui, de remplir
auprès de moi ; car il n'hésita pas à l'accepter. »
— On commença par plaisanter beaucoup au
sujet de cet ingénieur, qui venait d'accepter de
se faire jardinier. Mais quand son service devint
le service des plantations et promenades de Paris,
comprenant tous les travaux de transformation,
d'embellissement que l'on sait, la mission du
jardinier grandit et la raillerie fit place à l'envie.
Entre temps, M. Haussmann, grand découvreur
d'hommes, avait su lui donner comme bras droit
et bras gauche l'architecte Davioud et le jardinier
Barillet-Deschamps (1), horticulteur de premier
(1) Petit cousin do noire famille, ainsi que
M . Lafourcade, qui fut si longtemps son succes-
seur. — E, P.
ordre, qu'il avait également remarqué à Bor-
deaux.
€ M. Alphand avait cette vertu, bien rare chez
les fonctionnaires, et, en général, chez tous les
hommes hiérarchiquement subordonnés à d'autres,
qu'ils les aient acceptés pour chefs, volontaire-
ment ou non, de savoir mettre de côté ses pro-
pres conceptions, complètement, loyalement, sans
aucune réserve, lorsqu'elles ne cadraient pas avec
les vues de l'Administration qu'il servait. Dans ce
cas, il s'assimilait avec une facilité merveilleuse
les idées qu'il devait adopter, si différentes qu'elles
pussent être des siennes, pour s'en inspirer dé-
sormais, et, toujours, il en poursuivit l'applica-
tion pratique avec une fidélité consciencieuse, avec
un zèle absolument irréprochable. Cette grande
Sualité, chez un fonctionnaire de sa valeur, était
'autant plus méritoire que l'esprit d'initiative ne
lui faisait pas défaut: il l'a prouvé nombre de
fois ; et, depuis, ses actes l'ont bien suffisamment
démontré.
€ Tel brille au second rang qui s'éclipse au
premier. Cet axiome ne saurait trouver ici d'em-
ploi. Mais il est certain pour moi qu'on ne se pré-
pare bien à tenir d'une manière brillante le pre-
mier rang, comme le fait M. Alphand aujourd hui,
qu'après avoir observé longtemps, du second rang,
les diverses façons d'occuper et d'exercer l'auto-
rité suprême.
«... C'était ici le lieu de dire... le parfait et
constant accord entre nous, son entier dévoue-
ment au succès de mon œuvre, et, une fois pour
toutes, quel auxiliaire sûr cet ingénieur éminent
fut pour moi, comme caractère et comme talent.
€ Je ne fus pas ingrat envers lui. Après l'acte
ni loi mit le pied à l'étrier, je crois pouvoir le
re, je n'ai jamais failli au devoir de le tenir
solidement en selle, envers et contre tous, et de
lui faire franchir, en temps opportun, tous les
degrés du corps d'élite dont il était assurément
un des meÀabres lei plus distingués. »
91
— M. Haussman, fait ensuite le rappel des pro-
motions de M. Alphand, de tous les services qu'il
eut dans sa main. € Je le savais capable de les
conduire à bien, ensemble, sans embarras. » Et il
termine le portrait ainsi :
« L'ingénieur ordinaire, l'ingénieur jardinier
de 1855 occupait, à la fin de 18t)9, dans le corps
impérial des ponts et chaussées, un grade com-
parable à celui du eénéral de brigade, et, dans
le service de la Ville oe Paris, un poste sans équi-
valent dans le reste de la France. Il était comman-
deur de la l^ion d'honneur. Depuis lors, sa po-
sition s'est encore et justement accrue, et j'en ai
ressenti, chaque fois, une double satisfaction ;
pour lui, pour moi-même...
€ Aujourd'hui, mon ancien collaborateur, de-
venu depuis bien des années inspecteur général
de première classe, puis grand officier de la Légion
d'honneur, dirisre presque tous les services d*) la
Ville de Paris. C'est le véritable préfet de la Seine.
Celui qui porte ce titre auprès d'un conseil muni-
cipal élu souverain de Paris, est, en fait, une sorte
de président de la République parlementaire pari-
4io
HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
sienne. Il a M. Alphand pour premier, qoedis-je?
pour uni(jue Ministre dirigeant, soutenu par la
confiance immaable dn conseil et par Testime uni-
verselle de la population.
« A la suite du succès inouï de rExposition
universelle de i889, la belle carrière de M. Al-
phand vient d*étre couronnée par son élévation à
u dignité de grand-croix de la Légion d'honneur.
€ Lui réserve -t -elle, en se prolongeant, de
nouvelles satisfactions ? Je Tignore. Dans aucun
cas, elle ne saurait le trop grandir, à mon gré.
Mais, dès à présent, je considère comme sans
égale, dans Tordre administratif, la grande re-
nommée qu*il a conquise et que personne au
monde ne conteste. Rare bonheur, ou plutôt rare
mérite. >
— Nous dirons : Tun et Taotre.
Gomme toutes les carrières humaines, si grandes
qu'elles soient, celle de M. Alphand a eu la fin
commune. Il est allé rejoindre son ancien préfet et,
dans les Champs-Elysées de Tau delà, ils ont,
sans doute, repris ensemble leurs travaux. Ils
bouleversent, en les améliorant, les ombrages et
les eaux qui, dans les mythes gracieux que nous
devons aux anciens, voient circuler dans la paix
étemelle les grands génies de l'humanité. M. Al-
phand y serre les mains immortelles de Virgile,
de Delille, de Lambert, de Rouchpr, et autres
poètes jardiniers, et celles de Xénophon, de César,
de Napoléon, qui ont fait à travers les mondes,
eux aussi, de grandes percées; Archimède, Aris-
tote, Pascal, Newton, Vauban, Carnot, grands
remueurs d'hommes, d'idées et de terres, tiennent
les jalons pour rétablissement des vallonnements
nouveaux. La bar(]ue de Caron a une hélice fonc-
tionnant à l'électricité ; elle est éclairée à l'acéty-
lène, et, dans l'intervalle des fatales traversées,
firomène Victor Hugo et Pasteur, qui président à
'inauguration des nouveaux jardins, dénommés,
lâchas, jardins français, et non jardins anglais.
Pendant ce temps nous, qui demeurons encore
ici, nous avons cru que notre Bulletin devait re-
produire l'hommage rendu par le baron Haussmann
h M. Alphand, parce que M. Alphand, dont
M. Haussmann n'a pas vu s'achever la magni-
fique carrière, est mort dans notre arrondissement
après y avoir véca et que sa mémoire, impéris-
sable, survit parmi nos membres en la personne
de son petit-nls, qui a inscrit sur notre liste le
nom illustre dont il a l'héritage.
« »
PROMENADES ET PLANTATIONS — L ART DES JARDINS
€ La création de promenades, parcs, jardins,
squares, spécialement affectés à l'usage du public,
est à peu près sans exemple avant la seconde
moitié de ce siècle. L'empereur Napoléon III lui
donna l'impulsion que tout le monde connaît. An-
térieurement à son règne, on signale quelques
rares exceptions, telles que la plantation des
quinconces d'ormes à droite et à gauche des
larges contre-allées bordant l'avenue des Champs-
Elysées par le duc d'Antin, ministre de la maison
dn roi Louis XV, qui livra ses massifs au libre
usage de la population parisienne. Il n'jr avait
alors pour promenades que les jardins des Tuileries,
du Palais-Royal et du Luxembourg, propriétés
du domaine de la couronne ou faisant partie d'apa-
nages princiers, et le jardin des Plantes, affecté
normalement aux collections desv^étaux dn Mu-
séum d'histoire naturelle. De savants écrivains se
sont livrés à l'étude patiente des documents histo-
riques et des œuvres artistiques que nous a laissés
l'antiquité, comme aussi des traditions recueillies
par eux de toutes parts. Au temps deSémiramis,
les fameux jardins suspendus de Babylone con-
sistaient en plantations d'arbres, d'arbustes et de
tieurs sur des murs épais remplis de terre, sur
des terrasses, entourant et déix)rant les pilais
bûtis sur des points élevés. Aucune tradition n'a
trait au moindre souvenir de jardins publies. Dans
l'Egypte de Sésostris, dont le règne est antérieur
de plusieurs siècles à celui de Sémiramis, le
castes supérieures n*:ivaient d'autre souci que d'en-
tourer leurs habitations de jardins clos oe mas-
sives murailles... avec sphinx, encore plas que
de statues. J'aime beaucoup mieux ce qa*on rap-
porte des jardins de la Grèce : on y retrouTait le
sentiment des beautés naturelles, dans le soin que
paraissent avoir eu les architectes qui les dessi-
naient de tirer parti des mouvements du sol, du
relief et des perspectives offertes par les paysages
lumineux d'une contrée au ciel d'azur. Il est juste de
dire que la Grèce n'avait pas la monotonie d*aspeet
des plaines de la vallée du Nil ; mais même les
jardins d'Académus et ceux des gymnases ne peu-
vent être assimilés à nos jardins publics. A Rome,
l'art des jardins ne parait pas avoir été grande-
ment développé jusqu'aux derniers temps de la
République."»
— Les Romains ne songeaient guère, en effet,
à donner à la plèbe des promenades publiques.
Panem et circense% ont suffi, paratt-il. Si nous
faisons un saut jusqu'au moyen Age, nous ne
sommes pas plus avancés. Les rois s'occupent sur-
tout de leurs jardins privés, où régnent les arbres
fruitiers avec un labyrinthe au bout du rerger.
Pas de jardins publics non plus sous la Renais-
sance; l'inévitable labyrinthe est encore de mode,
mais domine les parterres coupés en carrés égaux,
dessinés en arabesques. L'art des jardins renaît
seulement avec Le Nôtre ; mais il faut arriver à
Napoléon III — ceci est Tanalyse rapide de quel-
ques pages des Mémoires — pour assister à la
véritable création de jardins publics destinés à la
population des villes.
EXTENSION DU BOIS DE BOULOGNE
JUSQU'A U SEINE
€ Ce bois, quelle que fut son étendue (767 hec-
tares environ, avec toutes ses dépendances), étouf-
fait dans les murs dont il était enceint de tous
côtés. De longues avenues droites s'entre-croi-
saient ainsi que celles de tous les bois de la cou-
ronne, de toutes les forêts de l'Etat, avec une
raideur géométrale favorisant, à la fois, la sur-
veillance et les grandes chasses ; elles le traver-
saient de part en part, entre des portes extrêmes
ANNEXES
fm
dont la Yue, plus on moins rapprochée, ne per-
mettait au visiteur aucune illusion sur les limites
de la promenade qu'il y faisait. Les seules de ces
avenues que nous ayons conservées, celles des
Acacias et de la Reine-Marguerite, peuvent en don-
ner une idée ; mais, si toutes deux partent en-
core d*eiitrées du bois transformé, Tune dé-
bouche aujourd'hui dans la plaine de Lon^champ
parle carrefour de la Cascade, Tautre se bifurque
en deux voies qui se rattachent à Tensemble du
nouveau parc.
« Le mur qui bordait Tancien bois dans le sens
delà longueur,du côté delà plaine de Longchamp,
était odieux. Il me suffoquait ! Peu de personnes
savent aujourd'hui que cette plaine n'a pas tou-
jours fait partie intégrante du parc, tant elle y
fat habilement reliée par mes collaborateurs ; et,
d'ailleurs, les promeneurs pouvant retrouver dans
leurs souvenirs, à trente-cinq ans en arrière, l'as-
pect deTancien état de choses, deviennent déplus
en plus rares.
€ Ce n'était pas une petite affaire oue d'expro-
prier la plaine de Longchamp et celle de Bagatelle,
ayant ensemble une longueur de 5 kilomètres et
une largeur de 800 mètres, soit iOO hectares di-
visés en parcelles multiples livrées à la culture
maraîchère, comme tous les environs de Paris gé-
néralement, plus le parc de Madrid, indispensable
pour rattacher cette dernière plaine an bois même.
Mats je reçus carte blanche.
€ La loi du 43 juillet 4852 obligeait la Ville à
consacrer 2 millions à ces travaux. C'était insuf-
fisant. L'Empereur promit une subvention do
3 millions. Le reste de la dépense serait payé
avec les aliénations des terrains détachés du bois
par la ligne des fortifications, et de parties ex-
trêmes sans valeur pour l'ensemble. Le duc de
Morny faisait adopter l'idée de la création de l'hip-
podrome de Longchamp, qui devait rendre le
champ de Mars complètement à l'autorité mili-
taire .
€ Je me doutais bien, dit M. Haussmann, que le
produit de la vente des lots dépasserait notable-
ment le montant du contingent de la ville, mais je
ne pouvais pas supposer qu'il atteindrait 8 mil-
lions. »
— Le décret du 29 août 4854 et la loi du
13 avril 1855 autorisèrent les diverses opérations
nécessaires. Ainsi s'accrurent de parcelles les ter-
ritoires des communes de Passy, d'Auteuil, de
Boulogne et de Neuilly.
« Je Bs délimiter ces parties sans retard, afin
de les mettre en toute valeur par l'ouverture de
boulevards extérieurs et, à l'ouest, le boulevard
formaitqnatre parties: les deux premières portant
le nom de boulevard d'Auteuil, et les deux autres
relui de boulevard de Boulogne. Il s'étend de la
porte nouvelle, dite des Fortifications, à la nou-
velle porte des Princes: puis, de cette porte qui
maintenait en communication le bois et le Parc-
des-Princes, que la Ville était autorisée à vendre
sur le carrefour de la porte de Boulogne où vient
aboutir la route départementale de Paris à Saint-
Cloud, dont le bois transformé devait, comme
l'ancien, supporter la servitude, de là sur la nou-
velle porte dn Saint-Cloud, où se détache l'allée
intérieure du Bnrd-dc-l'Ean. C'est là que com-
mence la nouvelle route de Saint -Cloud, appelée
à l'origine route de l'Empereur. »
Le bois était ainsi porté à 846 hectares, aucune
clôture ne gênait plus la vue ; des massifs iso-
laient seulement de la route de ceinture les forti-
fications.
€ Parmi les propriétés se trouvait, entre les
deux portions de la plaine, l'enclos de l'ancienne
abbaye de Longchamp, devenue propriété privée ;
Ïtuis le moulin de ce nom, séparé de l'enclos par
e chemin de Paris à Suresnes, oui devint route
départementale... Il était facile ae faire du mou-
lin, posé sur un terre-plein élevé, le sujet décora-
tif que tout le monde connaît. Quant à l'ancienne
abbaye, il n'en existait plus rien que la tour mas-
sive (ancien colombier) non restaurée par mon
administration, telle qu'on la voit, et comprise
dans le nouvel enclos. »
— M. Haussmann fit arranger la propriété qui
en dépendait, pensant que l'Empereur la réserve-
rait au prince impérial comme lieu de repos, le
sentiment public n'ayant pas vu favorablement la
proposition faite par lord Hertford de prêter Baga-
telle dans cette intention. Mais Napoléon III,
d'accord avec le conseil municipal, l'offrit à son
préfet comme résidence d'été, à sa grande surprise,
€ non sans une lourde charge ajoutée à son état
de maison à l'hôtel de ville». M. Haussmann de-
manda à son tour d'affecter à la résidence d'été
des fonctionnaires ayant à s*occup«r du bois, les
autres immeubles dont la ville était devenue pro-
priétaire, notamment l'ancien parc de Madrid.
C'est ainsi que le préfet de police, les secrétaires
généraux, le conservateur du bois, l'ingénieur
chargé des travaux d'entretien, et le jardinier en
chef eurent aussi leur villégiature au bois.
€ C'est par un arrêté du 24 juin 4856 que je
pus faire la concession de l'hippodrome de long-
champ. Je m'abstiens de le décrire par le menu,
ainsi que ses tribunes, construites par M. Bailly,
l'un des architectes de la Ville... Je consUte seu-
lement que dans celle qui s'élève à droite du pa-
villon de l'Empereur, réservé de nos jours an Pré-
sident de la République, étaient les loges desprinces
et princesses de la famille impériale, des ministres
et chefs des grands corps de l'Etat.dn préfet de la
Seine et du préfet de police, du corps municipal et
du commandant en chef de l'armée de Paris, et
que celte de gauche était attribuée aux nombreux
membres de la société concessionnaire, dénommée
le Jockey 'Club.
« L'emplacement du champ de courses était
coupé dans le sens de sa lon|peur par un ancien
bras de la Seine, qu'il avait fallu combler au
moyen de terres fournies par l'abaissement d'un
gros monticule, occupant, i l'entrée de Boulogne,
l'angle sud-ouest de la plaine. Les déblais du sur-
plus servirent à relever la rive du fleuve, de ma-
nière à mettre l'allée du Bord-de-l'Eau et la plaine
entière à l'abri de toute inondation en temps de
crue. Sur le champ de courses bien nivelé fut
tracé, d'après les indications de commissaires de la
Société d'encouragement, une piste ovale de
4l2
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
2.000 mètres de déreloppemeot pour les courses
plates ; une piste complémentaire, décrivant ane
courbe montante et descendante sur la colline
abaissée, la porte à 3.000 mètres au besoin...
€ M. Alphand sot exécuter dans un délai d'en-
viron dix-huit mois les opérations énumérées plus
haut parallèlement & la transformation de l'ancien
bois, de telle sorte que tout fut près lors de
rinau^ration solennelle du Champ de courses de
Longchamp (mai 1857), un des plus beaux jours
de mon aoministration. En effet, les assistants,
frappés de la grandeur et des difficultés de l'œuvre
si rapidement accomplie, étaient unanimes pour
reconnaître ce qu'avait gagné le bois à l'annexion
considérable dont j'avais pris l'initiative et la rei-
ponsabilité... L'ensemble de la transformation
fut achevé dans le courant de l'année 4858, soit
en cinq ans, grâce au concours actif, intelligent,
convaincu de mon valeureux auxiliaire. »
« •
TRAVAUX DE TOUT ORDRK
— 11 nous faut abréger nécessairement les em-
prunts que nous faisons aux Mémoires. Certains
détails, même d'ordre technique, méritent cepen-
dant de trouver leur place dans notre résumé.
Les routes du bois donnent un développement
total de 58 kilomètres environ, puisque, depuis
M. Haussmann, il en a été ajouté quelques-unes.
Les allées sablées mesurent i4.850 mètres de
longueur. Les chemins de piétons comprennent
26.162 mètres. Sur une longueur totale de 95 ki-
lomètres de tous chemins, 272.500 mètres sont
sur le sol naturel, 189.400 mètres ont été sablés.
612.511 mètres ont été empierrés; total :
1.074.411 mètres.
Le service d'eau comprenait 2 réseaux de con-
duites ; le premier alimentait les 14 hectares
d'eau des deux lacs supérieur et inférieur ; le se-
cond, toujours en charge, alimentait les bouches
d'arrosage, au nombre de 1.600. La longueur
des deux réseaux atteignait 16 lieues et demie.
Dès le début, la pompe à feu de Chaillot fournit
toute l'eau nécessaire aux services du bois ; elle
seule pouvait arriver au-dessus du niveau de la
cascade du lac supérieur. Mais les 30.000 mètres
cubes quotidiens de son débit ne tardèrent pas à
devenir insuffisants. On put heureusement prendre
l'eau de l'Ourcq au réservoir de Monceaux, qui
dépassait de 7 mètres le point de chute des cas-
cades du Grand-Lac, et l'eau de la Seine, coû-
teuse (1), fut réduite à 3.500 mètres et réservée
au Petit-Lac et aux conduites d'arrosement de la
partie supérieure du bois. Enfin, en 1861, l'eau
du puits artésien de Passy, refroidie et emmaga-
sinée à la cote 58 au-dessus du niveau de la mer,
moins limoneuse et sentant moins mauvais en
été que les précédentes, suffit aux rivières avec
ses 10.000 mètres cubes.
Tous les travaux de plantations, de grottes, de
cascades n'ont été évidemment si réussis qoe
grftce au concours constant de l'ingénieur, du jar
dinieret de l'architecte. Voici les détails les plus
intéressants sur les pièces et cours d'eau :
Cascade du Petit-Lac, hauteur 4 mètres ; cas-
cades du Grand-Lac, hauteur 6 mètres. CtUe de
Longchamp est formée d'une nappe de 16 mètres
de largeur et se précipite d'un réservoir de
80 ares dans un autre bassin à 7m. 50 plus bas.
Les autres pièces d'eau sont la mare d'Anteoil *-
dont on a seulement régularisé la forme et rendu
le niveau constant, — la mare aux Biches, les lacs
d'Armenonville, de Saint-James et de Longchamp.
La mare aux Biches est alimentée parle ruisseau
de Longchamp, qui reçoit le trop-plein du Grand-
J^c et se décharge dans leréservourdela Grande-
Cascade. Il reprend son cours au-dessous du bas-
sin d'en bas et va remplir, d'une part, le lac de
Lonf;champ et celui de Bagatelle, d'antre part,
la pièce d'eau du Moulin et celle qui se trouve près
du pont de Suresnes. Deux embranchements,
greffes non loin du Grand- Lac, se dirigent sur les
lacs ou mares d'Armemonville et de Saint-James.
Les premières plantations absorbèrent 420.000
arbres, arbustes et touffes. Le bois n'est plus,
comme il l'était jadis, exploité à trente ans; on a
laissé les taillis se convertir en futaies et l'on se
contenta de tenir les sous-bois garnis d'arbrisseaux
vari^. Les anciennes pépinières (1) lurent réunies
aux massifs boisés qui les entouraient, et Ton
créa les pépinières nouvelles de la Muette, qui ont
servi à toutes les promenades et voies plantées de
Paris.
Suivent d'autres détails sur les concessions, et
M. Haussaiann achève cette partie de ses Mé-
moires en déclarant qu'il a vérifié un grand
nombre d'indications dans les Promenades de
Paris par M. Alphand, magnifique ouvrage édité
en 1868, dont nous sommes assez heureux pour
avoir reçu de notre père les deux volumes qui le
composent. Ils seront à la disposition de ceux de
nos collègues qui désireraient les consulter.
E. P.
(i) Le8 arbres nécessaires aux plaDtalions des
avenues et boulevard et du bois de Boulogne furent
tirés de ces pépinières. L'ancien bois avait des
pépinières résineuses : les unes, comprises dans le
nouveau périmètre et peuplées de sujets de
toute venue, furent conionaues avec les massifs
forestiers avoisinant. Les autres furent gardées
au Parc-des-Princes, où elles étaient.
On sait que, depuis la suppression du Fleuriste
de la MuelLc, les serres de la Ville sont venues
s'installer au Parc-des-Princes. C'est ainsi que se
sont trouvés transformés les 33.o98 mètres qui
depuis 1859, alors qu'on avait voulu dégager la
mare d'Auleuil, avaient servi à constituer un ar-
borelum pour la consen^ation el la multiplication
des espèces à feuilles caduques ou des conifères.
(1) Les eaux étaient réunies dans des bassins
dont la hauteur au-dessus du fleuve variait de
3o à 36 mètres. Insuffisantes pour les besoins d'un
bon service, elles collaient déjà, par le charbon
consommé, 3 centimes le mètre cube, sans compter
les autres dépenses qui gravitaient autour des
machines élévaloires.
ANNEXES
4i3
PLACE DE L^TOILE
ET AVENUE DU BOIS-DE-BOULOGNE
i« Loidu22juini854.
ARTICLE PREMIER. — Le ministre des fîuaDces
est autorisé à concéder à la Ville de Paris les por-
tions de Tancien promenoir de Chaillot réserrées à
FËlat par la loi da 8 juillet 1852.
Art. 2. — La Ville de Paris est autorisée à
Tendre toutes les parties de ces terrains et de ceux
concédés par la loi précitée, qui ne sont pas né-
cessaires pour acherer et embellir les abords de
l'Arc de Triomphe de FÉtoile, à la charge par
elle:
1° De remplacer cet ancien promenoir par des
promenades noutelles établies conformément aux
délibérations de la Commission départementale de
la Soine, du 24 novembre 4853, et delà Commis-
sion municipale de Paris, du 9 décembre 1853,
sur les parties latérales de la route départemen-
tale (1) qui doit être ourerte entre la place de
l'Etoile et la porte Dauphine du bois de Boulo-
gne;
2® De conserrer et entretenir ces promenades.
Art. 3. — Un décret impérial déterminera les
dispositions de constructions et do clôtures qui de-
vront être observées sur les terrains provenant de
l'ancien promenoir de Chaillot, et en façade sur
la place de l'Etoile.
J<e même décret déterminera également les
genres d'industrie et de commerce dont l'exploita-
tion sera interdite dans les maisons construites sur
ces terrains.
Art. 4. — Les terrains joignant les parties laté-
rales de la route départementale devront être clos
par des grilles de fer établies suivant un modèle
uniforme.
Aucune construction ne pourra être élevée aune
distance moindre de dix mètres de ces grilles.
Les prohibitions portées par le décret à interve-
nir, en vertu du dernier para^aphe de Tarticle 3,
seront applicables à ces terrains et constructions.
Art. 5. — Aucune plus-value ne pourra être
demandée aux propriétaires des terrains qui sont
assujettis à ces servitudes.
Art. 6. — Les propriétaires des terrains gre-
vés oui, dans les trois mois do la notification à
eux faite par l'administration, n'auront pas dé-
claré se soumettre aux servitudes créées par la pré-
sente loi, seront expropriés de leurs immeubles
dans les formes de droit.
2' Décret du i 3 août /S5L
NAPOLÉON, elc
Avons btcntrÈ et décrétons ce qui suit :
Article premier. — La disposition générale de
la place de l'Etoile et de ^es abords est arrêtée
conformément au plan ci-dessus visé.
En conséauence, les terrains bordant la place
seront clos de grilles, et aucune construction ne
pourra être élevée qu'à seize mètres en arrière.
Ces terrains n'auront d'entrées que sur les ave-
nues ra^j'onnant vers la place et sur la rue circu-
laire reliant ces avenues entre elles.
Art. 2. — Les grilles de clôture, tant sur la
place au'en retour, aux points indiqués au plan
général, sur les voies rayonnantes, et les cons-
tructions prenant aspect direct tant sur la place
que sur les parties des voies rayonnantes com-
prises entre la place et la rue circulaire, seront
établies suivant les lignes de ce plan et complète-
ment uniformes quant à leur élévation et leur dé-
coration extérieure.
Les erilles reposeront sur un socle bas en pierre
de taille ; elles seront en fer avec ornements en
fonte et candélabres aux angles, sans aucune pile
en pierre ; elles seront bronzées de la même teinte.
Les façades des constructions seront en pierre de
taille, avec pilastres, balustres, moulures sail-
lantes, corniches et autres ornements de même
matière. Aucune enseigne ni indication quelconque
n'y pourra être placée. Les toitures seront en
zinc, à deux pentes, raccordées par une galerie en
fonte ; elles seront percées de mansardes dans la
partie inférieure. Le tout sera conforme aux des-
sins annexés au présent décret.
La face supérieure du sole, des grilles, la re-
traite des soubassements, les cordons, entable-
ments et autres lignes horizontales des façades et
des constructions seront aux mômes niveaux sur
toute la circonférence de la place.
I^ Préfet de la Seine donnera les alignements
et les nivellements, et il fera surveiller l'exécu -
tion des conditions ci-dessus.
Art. 3. — Les grilles de clôture et les façades
des constructions devront être constamment tenues
en bon état de propreté, selon les prescriptions
du Préfet de la Seine.
Art. 4. — Les terrains réservés entre les grilles
et les constructions seront cultivés en parterres
d'agrément et ne pourront devenir, sons aucun
prétexte, des lieux de réunions publiques.
Art. 5. — Aucun genre de commerce ou d'in-
dustrie ne pourra être exercé sur les terrains pro-
venant du promenoir de Chaillot qui seront com-
pris entre la place et la rue circulaire, et sur
tous ceux oue la Ville de Paris pourra ultérieure-
ment acquérir dans les mêmes limites, si ce n'est
en vertu d'une autorisation du Préfet de la Seine
qui en déterminera les conditions pour chaque cas.
Ces autorisations seront toujours révocables.
Art. 6. — Les dispositions des articles 2, 3, et
4 touchant les grilles et les parterres réservés, et
les prohibitions contenues dans l'article 5 seront
applicables aux terrains bordant les parties laté-
rales de la route départementale n° 4 (i), entre la
place de l'Etoile et la porte Dauphine du bois de
Boulogne.
Art. 7. — Un extrait du plan général et un
exemplaire des dessins de grilles et constructions,
annexés au présent décret, seront joints aux con-
(i) Avenue du Bois de-Boulogne.
(i) Avenue du Bois-de-Boulogne.
4i4
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
trats de vente oa d'échaoge des terrains de l'an-
cien promenoir de Cbaillot frappés des sujétions de
clôtare et de construction ci-dessus établies.
Des exemplaires du dessin de la grille seront
notifiés à tous leâ propriétaires des terrains bor-
dant les parties latérales de la route départemen-
tale n° 4, qui se soumettront aux servitudes im-
posées par l*article 4 de la loi du 2i juin 1854 et
annexés aux contrats de vente et d'échange des
terrains expropriés en vertu de Tarticle 6 de cette
loi.
Fait à BiarriU, le 13 août 1854.
Signé: NAPOLIîX)N.
L0N6CHAMP
I
OlilGlNC DE LA PnOMENADE DE LONCCUAHP
Tout le monde connaît Torigine très Ionique
de Tusage très bizarre qui faisait des trois jours
de la Semaine Sainte, le mercredi, le jeudi et le
vendredi, la grande fête du luxe et de la vanité,
la pompeuse cavalcade ob s'exhibaient avec fracas
toutes les nouveautés et toutes les folies des modes
printanières. On sait que cette promenade eut pour
point de départ un pèlerinage à Tabbayc de Long-
champ, fondée par Isabelle de France, sœur de
saint Louis et où ses restes mortels opéraient des
miracles. Personne n'ignore comment cette abbaye,
gâtée par sa puissance et sa richesse, par les pri-
vilèges dont les papes et les rois s'étaient plu à la
combler, tomba peu à peu dans un état de déca-
dence, d'indiscipline et de dérèglement contre le-
auel saint Vincent de Paul s'élevait avec une
force tout apostolique au xvii*^ siècle : comment en-
suite elle imagina de combattre le discrédit où ses
désordres l'avaient réduite et de reconquérir l'af-
fluence publique autour du tombeau de sainte Isa-
belle par ses offices de la Semaine Sainte en mu-
sique.
A la fin du xvii<^ siècle, les Ténèbres de Long-
champ avaient déjà la vogue, et il était de mode
parmi les courtisans de s'y rendre.
En 1727, la retraite de M"" Le Maine, fameuse
cantatrice du grand Opéra, qui était allée y pren-
dre le voile, accrut cette mode jusqu'aux propor-
tions d'un engouement inouï. Pendant les trois
ans qu'elle y resta, la beauté extraordinaire de sa
voix, étendue, puissante et moelleuse, l'art de sa
diction et l'accent pathétique qu'elle savait met-
ire dans son chant, attirèrent aux ofiices de la
Semaine Sainte un immense mais très profane pu-
blic, heureux de retrouver ainsi une favorite si
vivement regrettée.
Le jour où elle se fit entendre pour la première
fois, on s'écrasa dans la nef, dans la tribune et
jusque dans la galerie qui conduisait à la chapelle
dont il fut impossible de fermer les portes. L*ht-
bitude persista après son départ, grâce au soin que
prit l'abbaye de recruter partout, et même insque
dans les chœurs de l'Opéra, dit-on, les voix les
plus pures et les plus parfaites pour soutenir la
réputation de ses concerts rebgieux. La mode
était fixée. Pendant un mois d'avance, pas une
femme du grand monde ou du demi-monde, si
l'on peut employer cette expression sans anachro-
nisme, qui ne songeât jour et nuit à la façon vic-
torieuse dont elle s'y prendrait pour faire Ténè-
bres, selon le mot consacré, au prochain Long-
champ.
L'auteur anonyme de VHùtoire de Laurent
Marcel, ou l'observateur sans fré jugés, publiée
en 1779, mais dont les observations remontent à
quelques années plus haut, a parlé de ces concerts
et décrit leur physionomie très mondaine. € L^
célébrité des lamentations de Longchamp nous dé-
termina à les aller entendre, et ce furent de t(»nt«rs
nos pratiques de piété celle dont je fus le moins
conlent. Il se forme à ces sortes d'assemblées une
émulation de voix et d'instruments qui ne parais-
sent se surpasser que pour briguer de nombreux
suffrages. Les musiciens s'y rendent comme à
l'Opéra, avec un extérieur d'effronterie qui révolte.
La moitié des assistants oublient l'objet qui de-
vrait les y attbrer pour ne s'occuper que de la mé-
lodie des sons et de la beauté des vibrations et
des roulades ; on y parle, on y rit, on y klate
avec aussi peu de ménagement que dans un mar-
ché. Une quêteuse, entre autres, s'y fait voir dans
une parure peu faite pour exciter la dévotion. »
L'usage survécut à la cause qui lui avait donné
naissance, et quand l'archevêque de Pari^, Chris-
tophe de fieaumont, scandalisé de voir la foule se
donner rendez-vous dans une chapelle comme ^
un thé&tre, la fit fermer au public, celui-ci n'en
continua pas moins à défiler pendant les trois jours
saints dans les Chauips-Elysées et dans l'allée du
bois de Boulogne oui conduisait à Longchamp. On
garda la promenade et l'eihibition dont le chant
des Ténèbres n'était plus depuis longtemps que le
prétexte. On ne fit plus Ténèbres; on fit Long-
champ toujours : c'était le principal. On n'avait
plus la fatigue et l'ennui de de>cendre du carrosse
où l'on était si bien, où l'on s'étalait en une pose
si savamment calculée pour mettre dans tout leur
jour les avantages de sa personne et de sa toUette,
de s'étouffer dans l'église au risque d'y gâter sa
dentelle et d'y friper son falbala. Au lieu d'entrer
dans la chapelle, on en fit le tour, et ce fut là toat
le changement.
Les règnes de Louis XV et de Louis XYI furent
Tige d'or de Longchamp. Celait à qui s'y mon-
trerait avec la toilette la plus écrasante, l'équipage
le plus riche et le plus original, les bijoux les plus
éblouissants.
Les femmes de théitie, surtout, allaient y éta-
ler leur luxe insolent, un luxe asiatique, comme
dit Prudhomme. En 174^, M^'* Le Duc s'y montre
toute couverte de diamauts dans un carrosse à six
chevaux, puis dans une microscopique calèche
bleue et argent attelée de six chevaux pas plus
gros que des ^koes. < Un petit postillon et un petit
hussard richement habilléi, l'un en veste rouge
toute couverte de galons d'argent, avec une plume
ANNEXÉS
4i5
bleue au chapeau, Tautre en robe bleue, le sabre
et le bonnet tout garnis de plaques d*ai]gent. »
En 1753, au plus fort de l'autorité royale
contre le Parlement et contre le Chitelet, au mo-
ment où Ton parlait de supprimer Fun et Tautre» et
où la fermentation de Paris était à son comble par
suite de Tarrestation de plusieurs conseillers, le
luxe de carrosses, de magniâoues livrées, de pa-
rures et de diamants déployé dans le cortège de la
mode parut une sorte de bravade aux esprits
agités.
£n 1768, M"*" Guimard, la danseuse, attirait
tous les regards par un char d*une élégance ex-
3uise, décoré d'armes parlantes : un marc d*or
"où sortait uo guy de chêne dans unécusson sup-
porté par les Grâces et couronné par les Amours.
Les femmes du monde avaient parfois le mau-
vais goût de vouloir lutter contre ces créatures
qui étalaient leur honte en étalant leurs richesses.
Au Longcùamp de 1780, la duchesse de Valenti-
nois produisit une sensation énorme en se prome-
nant dans un carrosse de porcelaine attelé de che-
vaux gris pommelé aux harnais de soie cramoisie
brodés en argent. Mais une simple figurante de
rOpéra, W^^ Beaupré, éclipsa la duchesse : son
carrosse, également en porcelaine et traîné par
quatre chevaux isabelle, harnachés de velours bleu
foncé que rehausse une somptueuse broderie d*or,
éiait décoré de peintures représentant Diane et
Ëndymion.
Belle Valenlinois,
s*écriait à ce propos an poète,
Laissez souâ la remise
Ce carrosse fragile avec raison vanté.
La vertu d'Opéra doit, en toute entreprise.
L'emporter en fragilité.
Longchamp servait alors de théâtre h des exhi->
bitions de tout genre, même en dehors de la mode.
Les Mémoires secrets de Bachaumont nous ap-
prennent en 1782 aue Taéronaute Blanchard avait
eu bien des fois Tiaée d*y montrer la voiture mar-
chant sans chevaux, qu'il avait imaginée, mais
n'avait pas eu le temps de faire. Il la fabriqua un
peu plus tard et on la vit fonctionner, plus d'une
fois peut-être, pendant le fameux défilé des jours
saints, dans la grande avenue des Champs-Elysées.
Un Anglais parutàLon^^champdansuncarros^
d*argentdont les roues étaient rehaussées de pierres
précieuses, et les chevaux ferrés du même métal.
C'était à qui étalerait le plus de richesse dans les
équipages, le plus d'élégance dans les attelages, le
plus de faste dans les livrées.
Les approches de la Kévolution ne changèrent
rien à Tusage reçu.
U cavalcade de 1786 fut des plus brillantes, et
M^^*" Àdeline, de la Gomédie-Italienue, dont la dé-
pense en cette occasion s*éleva jusqu'à mille louis,
y éclipsa tout le monde par la magnificence de sa
voiture, de son attelage et du harnachement deses
chevaux. (Extrait du Vieux Paris, fôteSy jetut et
spectacles, par Victor Fournel.)
Mais il est temps de s'arrêter ici, car si l'on
vottlaitrelracer en détails l'histoire de longchamp,
ce ne serait pas des pages qu'il faudrait écrire,
mais un volume. Nous avons simplement voulu rap-
peler en quelques mots l'origine de cette promenade,
qui était le rendez-vous de toutes les élégances, et
où l'on exhibait toutes les modes nouvelles.
O*-' Fea.NAMD DE l'Eguse deFerrier bE Félix.
II
On lisait dans le numéro de la Liberté du ig
février i^^t le passage suivant :
Auteuil vient de rouvrir les portes de son hip-
podrome. A ce sujet la description d'une course
sur le même emplacement au xvn^ siècle est pres-
que d'actualité.
Elle est extraite du journal do Dubuisson-Au-
benay, à la date du 15 mai 1651.
€ Ce jour après dîner il y a eu prix et gaj^e de
mille écus pour courses de chevaux au bois de
Boulogne entre le prince d'Harcourt et le duc de
Joyeuse sur chacun un cheval.
€ Us ont mené leur course en la clairière de la
Muette et passant par le grand chemin droit vers
Saint-Cloud. Tournant sur la rive droite au de-
dans de l'enclos par la grande route qui revient au
château de Madrid, ils ont été également et sans
avantage.
€ Le prince d'Harcourt vêtu d'un habit gris fait
exprès et très étroit, un bonnet entête juste et ses
cheveux dedans, mais ayant trois livres de plomb
en sa poche pour peser autant que Le Plessis du
Vernet, maître d'académie qui courait en place et
sur le cheval du duc de Joyeuse.
« Force gens de la cour y assistaient. »
Telle est peut-être l'origine des réuuious spor-
tives d'Auteuil et de Longchamp.
m
Doit-on écrire Longcham/? ou Longcham/7S ? de-
mande Tun de nos confrères.
A notre avis, on peut écrire l'un et l'autre, car
de tout temps on s'est servi des deux orthographes.
En effet, Dubreuil, dont les Antiquiti's de
Paris parurent en 1 61 1 , dit indifféremment € Long-
champs » et < Longchamp ».
Cependaut, s'il faut s'en rapporter aux docu-
ments, c'est Longchamp, sans s, qui devrait pré-
valoir. En effet, dans les chartes, les abbesses
sont ainsi désignées : Abbaiissa sororum mino-
rissarum incmsarum humilitatis nostrœ Do-
minœ de Longo Campo.
L'abbé Lebœuf, très soucieux des étymologies,
a adopté cette dernière orthographe et il la fonde
sur la remarque suivante : « Le nom de Long-
CJiamp, que portait ce terrain dès le treizième
siècle, convient à sa situation dans une grande
plaine à l'extrémité du bois de Rouvret, dit depuis
de Boulogne. »
Aux édiles de choisir, mais de cesser de jeter
le trouble dans l'esprit des Parisiens en inscrivant
ici « rue de Longchamp » et, un peu plus loin, € rue
de Longchamps. »
(Le Soleil, 9 juin 1894.)
4i6
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
INAUGURATION DU MONUMENT ALPHAND
Le jeadi i4 décembre dernier, k iO heures et
demie du matin, a eu lieu, avenue du Bois-de-
Boulogne, rinauguration du monument Alphand.
A rentrée de cet admirable bois aui fut son
œuvre, Tancien directeur des travaux de Pans se
tient penché, donnant des ordres à quatre de ses
collaborateurs : un ingénieur, un architecte, un
peintre et un sculpteur, personnifiés par MM. Huet,
Bouvard, Roll et Dalou, auteur lui-même du mo-
nument. Sur rhémicycle de pierre qui entoure le
socle, sont reorésentès ses autres collaborateurs,
les plus humbles, des maçons gâchant le plâtre, et
des jardiniers transportant des plantes.
Le sculpteur a voulu ainsi ({ue tous ceux qui
avaient été à la peine, ^ui avaient aidé Alphand
dans la lourde tâche qu*il s*était imposée : la mé-
tamorphose de Paris, fussent, avec le maître, ù
l'honneur.
Malgré le froid qui avait mis son manteau de
givre à tous les arbres de l'avenue qu'Alphaiid
aurait voulu toujours riante de soleil et de prin-
temps, de nombreux amis du grand metteur en
scène de Paris et le monde officiel (1) au grand
complet avaient tenu à lui apporter Thommage do
leur admiration.
La Société historique d'Auteuil et de Passy avait
voulu, en déléguant à cette cérémonie plusieurs
membres de son bureau, à la tète desquels, son
vénéré président M. Manuel, et Mme Manuel ; son
secrétaire général, M. Emile Potin ; MM. et Mme
de l'Eglise, M. Botrel, MmeFlobert, etc. (2), prou-
ver sa sympathie et sa reconnaissance à l'homme
aui avait fait la plus belle place à « son Passy »
ans le grand amour qu'il portait à Paris tout
entier.
M. Mesureur, vice-président de la Chambre,
prend le premier la parole pour remettre, au nom
du Comité Alphand, le monument à la Ville de
Paris.
€ Ce monument, dit-il, est ce qu'il devait être :
la synthèse du travail accompli en moins d*un demi-
siècle pour transformer notre vieille capitale en
une incomparable cité, rivale moderne des plus
belles cités antiques.
€ Dans son attitude habituelle, faite de grandeur
et de simplicité, Alphand domine cette page vi-
(i) Reconnu ou pnssa^e : MM. Poubelle, om-
bassadeurde la République française au Vatican,
Roujon*. directeur des Beaux-Arts; de Selves,
I)réret de la Seine ; Lépinc, pr^-fet ôv police ;
)rumann, secrétaire général de la préfecture de
la Seine ; Alfred Picard, commissaire général de
l'Exposition de 1900; Ernest Gay*, Caplain*, con-
seillers municipaux du XVl* arrondissement ;
Berthemet*, adioint au maire; Bouvard, archi-
tecte en cbef ; Bechmann, ingénieur en chef de
la Ville ; Anlonin Dubost, Bassinet, sénateurs;
Beauregard*, Berger, du Péricr de Larsan, dé-
putés; Corroyer*, Nénot, membres de l'Institut ;
Mareuse', secrétaire du Comité des Inscriptions
parisiennes; le docteur Thuilier, etc.
(a) MM. Ferdinand Périer, Ch. Dupuy, Gaston
Duchesne, etc.
' Egalement membres de la Société.
Tante des travaux de Paris. De cette place, il peut
contempler la ville de pierre sans limite et les
perspectives sans fin de son bois de prédilection. >
Après avoir félicité M. Dalou, M. Mesureur rap-
pelle la longue carrière d*Alphand.Il nousie montre
refusant, après la guerre civile et étrangère, le
poste de préfet de la Seine que luioffraitM. Thiers :
« Je n*ai jamais, disait-il, voulu être qu'un mo-
deste fonctionnaire, entièrement dévoué aux travaux
de sa fonction, et je veux rester toujours étranger
à la politique. »
C'est alors qu*on le nomma directeur des travaux
de Paris.
M. Lucipia, président du conseil municipal, rap-
pelle les luttes qu'Alphand dut soutenir avec ce
même conseil.
Puis le préfet de la Seine retrace la vie et Tœuvre
d'Alphand € qui, dit-il, a travaillé pour tous, et
pour la tombe de qui tous doivent avoir une fleur,
celui pour qui la nature semble avoir été le plus
avare, de même que les plus heureux dece monde. >
Enfin, M. Larroumet prend la parole au nom de
TAcadémie des Beaux-Arts, < qui est, dit-il, heu-
reuse et fière de réclamer comme un des siens celui
qui a fait un Paris nouveau avec le vieux Paris. »
« Les rues de Paris, dit-il, étaient étroites et
sombres, il fallait les élargir et les éclairer ; mais
partout s'élevaient d'antiques monuments, joyaux
de sa couronne, dont la ruine eût été une profa-
nation. Comment les conserver au milieu des voies
nouvelles et leur garder un caractère qui semblait
inséparable du cadre oii le temps les avait placés 1
€ Alphand résolut ce problème redoutable à
force de goût, de mesure et de sens artiste. >
Les discours terminés, M. Gustave Vautrey lit
une fort belle pièce de vers dédiée à Alphand.
La Société historique d'Auteuil et de Passy vient
apporter son tribut de reconnaissance au Comité
qui a entrepris d'élever ce monument et au conseil
municipal qui a permis de le placer dans sa sphère
d'études. Cette statue, ainsi que le disait un vidl
architecte américain, élevée à Alphand dans cette
ville qu'il a rajeunie, restaurée, refaite, sera comme
la signature du peintre au bas du tableau.
Comte F. de l'Eglise.
DISCOURS DU ROI CHARLES X
AUX HABITANTS DE PASST
Ce ne fut guère que vers 1824 au*on commença
à bâtir dans ce qu'alors on appelait iû piaine à
Passy, c'est-à -dire dans tout cet espace compris
entre la rue de la Tour, les fortificatious, l'avenue
de Neuilly et l'avenue Kléber. On se mit alors à
tracer des rues spacieuses que l'on coupa par le
milieu par une route magnifique allant de la place
de l'Arc-de-Triomphe de l'Etoile à l'extrémité du
parc de la Muette et qu'on baptisa du nom d*ave-
nue de Saint-Cloud (actuellement avenue Victor-
Hugo et partie de l'avenue Henri-Martin).
Les entrepreneurs de cette voie conçurent alors
ANNEXES
417
le dessein de la faire déclarer route départemen-
taie, pour que les frais d'entretien dont ils étaient
S rêvés fassent supportés ^r les fonds de voirie
a département. La municipalité de Passy s'em-
pressa de seconder Tentreprise dans ses démarches ;
mab, comme l'affaire traînait en longueur, on
résolut de la porter jusqu'au roi lui-même. Char-
les X, qui régnait alors, accueillit avec bienveillance
les ouvertures qui lui furent faites à ce sujet; il
voulut, avant tout, voir les choses de ses propres
yeux et promit de passer par la nouvelle route, lors
de son premier voyagea Saint-Cloud. On s'informa
du jour oh le roi effectuerait cette promesse, et,
le jour pris (22 mai 1826), M. Auge de Fleury,
maire de Passy, accompagné des entrepreneurs
et d'un grand nombre d'habitants, se rendit au-
devant du roi jusqu'au rond-point (place Victor-
Hugo). Dès que le roi aperçut le cortège municipal
placé sur son passage, il donna l'ordre d'arrêter.
Le maire, s'avançant alors respectueusement, pro-
nonça d'une voix émue le discours qu'il avait pré-
paré pour la circonstance. Et Sa Majesté lui répondit
par ces mémorables paroles: « Je suis enchanté de
cette belle route t qui me rapproche des habitants
de votre commune. Je sais qu'ilsm'aiment bien,
je les aime beaucoup aussi ; assurejr-les de ma
bienveillance et de ma protection, » Et la calè-
che royale repartit au galop.
(Extrait en partie des Chroniques de Passy,
de Quillet, 1. 1, p. 232 à 235.)
LA FILLE DE LAW AU ROND-POINT
DE L'ÉTOILE (1720)
Tons les ans, au xviti® siècle, la mode était
d'aller au rond-point de l'Etoile (emplacement de
l'Arc de Triomphe) voir le retour de la foire de
Bezons, oh les Parisiens se rendaient en foule le
premier dimanche après la Saint-Fiacre, c'est-à-
dire après le 30 août. Or, voici l'anecdote que
raconte l'avocat Barbier dans son Journal, à la
date du l*** septembre 1720. Il faut se rappeler
qu'alors le fameux financier I^w, après avoir
ruiné par son système un grand nombre de fa-
milles, était devenu l'objet de l'exécration géné-
rale.
< C'a été cette année, comme toutes les autres,
la mode d'aller à l'Etoile pour voir le retour de
la foire dé Bezons ; j'étais à m'y promener,
lorsque Mlle Law vint sur les six heures dans un
carrosse à sept glaces. Tous les laquais et la po-
pulace qui étaient à FEtoile ont commencé à dire :
€ Cest 1(1 la livrée de ce b,,. de gueux oui ne
paye pas les billets deiO litres! » Dans le mo-
ment, ils ont pris des pierres et de la terre, ils en
ont accablé le carrosse. Le cocher n'a eu que le
temps de fuir à toutes jambes ; Mlle Law a été
blessée. Voilà la réception qu'elle a eue. ^.
L. M.
RUES PAUQUET, NEWTON ET DES BASSINS
Ordonnance royale du 18 mars iS36.
LOUIS-PHILIPPE, etc.
Sur le rapport de notre Ministre, Secrétaire
d'Etat au département de l'Intérieur ;
Vu l'offre faite par les sieurs Dumoustier, Lan-
rent et Grassal, pour l'ouverture de trois rues
dont ils sont propriétaires entre le chemin de
ronde de la barrière de l'Etoile et de la rue de
Ghaillot, à Paris, lesdites rues désignées sous le
nom de rues Pauquet, Newton et des Bassins sur
le plan ci-annexé ;
Vu la délibération du Conseil général du dépar-
tement de la Seine, faisant fonctions de Conseil
municipal de la ville de Paris, en date du 24 no-
vembre 1834 ;
Ensemble l'avis du Préfet du département de la
Seine ;
1^ Comité de l'Intérieur de notre Con%il d'Etat
entendu,
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:
Article premier
Les sieurs Dumoustier, Laurent et Grassal sont
autorisés à ouvrir sur les terrains oui leur appar-
tiennent entre le chemin de ronde de la barrière de
l'Etoile et la rue de Chaillot, à Paris, trois rues
désignées sous le nom de rues Pauquet, New-
ton et des Bassins, sur le plan ci-annexé. Les ali-
gnements de ces voies publiques, dont la largeur
est fixée à douze mètres, sont a^^&tés conformé-
ment aux lignes noires et aux procès-verbaux de
points de repère portés sur ledit plan.
Art. 2.
L'autorisation résultant de la disposition qui
précède n'est accordée aux sieurs Dumoustier,
Laurent et Grassal qn à la charge par eux :
1<^ De livrer sans indemnité à la Ville de Paris
le sol qui sera occupé par les nouvelles voies pu-
bliques ;
2® De supporter les frais de premier établisse-
meut du pavage et de l'éclairage desdites rues ;
3® D'y établir des trottoirs en pierre dure, de
la forme et de la largeur qui seront déterminées
par l'autorité municipale ;
4^ De pourvoir à l'écoulement souterrain ou à
ciel ouvert des eaux pluviales et ménagères ;
5* De ne pouvoir élever les constrtictiom
riveraines au delà de la hauteur de douze
mètres.
Le tout conformément à la délibération du Con-
seil municipal de la Ville de Paris, en date du
24 novembre 1834.
Art. 3.
Notre Ministre, Secrétaire d'Etat de ITntérieiir,
est chargé de l'exécution de la présente ordon-
nance.
Donné au palais des Tuileries, le 18 mars
1836.
Signé : LOITS-PHILIPPE.
27
4l8
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
COMMENT, DE PARIS, ON VENAIT JADIS
A PASSY ET VICE VERSA
On a TQ dans notre petite monographie da
Cours-la-Rcine, qu*au xvui* siècle, si les voitures
poar Versailles étaient nombreuses, il n'en était
pas de même des moyens de locomotion pour venir
à Passy. Nous n'avions guère alors, à part les
batelets à 4 livres pouvant contenir seize personnes,
que la galiote ou coche d*eau, faisant de Pâques à
la Toussaint, ponr 5 sols et deux fois par jour, le
service du Pont-Royal à Saint-Cloud (ou plutôt
au pont de Sèvres) avec escale à Passy, devant
la ru^de la Montagne (Beethoven), puisa Auteuil,
et la voiture de Passy à Saint-Cloud, qui exigeait
deux heures de route, coûtait 7 sols et descendait
les voyageurs à Passy. En dehors de ces deux
services à peu près réguliers, il y avait bien des
voitures à volonté, stationnant généralement à
rentrée du Cours-la-Beine, les voitures à tant
par lieue ou à Theure, dont le bureau était à Feu-
trée du faubourg Saint-Honoré, et les voitures de
poste allant à la Muette (i) ; mais ces dernières
ressources n'étaient pas à la portée de toutes les
bourses. Au résumé, le meilleur moyen d'aller à
la capitale ou d'en revenir, pour les gens très
peu fortunés et bien portants, ou désirant le de-
venir, était peut-être le voyage à pied, quand on
ne voulait pias tenter de s'accrocher, sans être vu,
à l'arrière d'un bateau de marchandises, pour se
ifaire remorquer, moyen économique qu'employa
un jour le célèbre peintre Latour, pour venir du
Louvre au château seigneurial de Passy.
Pour se faire une idée du transport par eau, il
faut lire le drolatique Voyage à Saint-Cloud par
mer et par /err«, publié par Néel vers 1748 (2).
Le héros du voyage, après avoir fait tous ses pré-
paratifs, trouve prudent, avant de s'embarquer,
de faire sa confession générale et son testament
olographe. Il est 8 heures du matin, on va
partir, le drapeau est hissé, on sonne le boote-
selle pour appeler les voyageurs en retard ; enfin
deux lourds chevaux, ornés d'un charretier,
hèlent la galiote. Notre jeune voyageur inexpéri-
menté débute mal. L'odeur du goudron lui mon-
tant à la tète, il veut, pour 1 éviter, se retirer
plus loin, cherche à se lever, impossible de le
ifaire. Le malheureux s'était assis sur un tas de
cordages nouvellement goudronnés, et la chaleur
qu'il leur avait communiquée les avait incorporés
fM intimement à sa culotte, qu'il fallut en couper
des lambeaux pour le débarrasser. Mais conti-
nuons notre voyage. On passe devant le port de la
Conférence, devant le petit Cours (Cours-la-Reioe)
ayant à gauche les Invalides et le Gros-Caillou,
(1) Il y avait voitures de po»te ordinaire et
voitures de poste royaie pour la MucUo ; voi-
lures de poste pour Versailles, desservant la
Muette et le ronu-point Morteniart et enfin voi-
tuves de poste pour Saint Denis et le Rour^el,
passant également par la Muette.
(3) Se trouve aux archives de la Société et,
hluslré, dans celles de M. Em. Potin.
puis on découvre une grande Ile déserte, sans
arbres, sur laquelle on ne voit que des piles de
bois, quelques cabanes, des bœufs et des vaches
paissint en liberté ; c'est cette Ile qui portait ja-
dis un nom peu décent (i) et qu'on nommait alors
Vile des Cygnes, En face, sur la rive droite» est
le dépôt des pierres de Saint-Leu, et au-dessus,
sur la colline, le village de Chaillot, sur la pente
duquel s'étagent des maisons sans nombre, plus
jolies les unes que les autres. Au bord de 1 eao
fourmille un essaim de blanchisseuses, ^ Agnès de
Chaillot, jeunes et vieilles, mêlant au bruit de
leurs battoirs de gros propos de barengères à
l'adresse des passagers. Après avoir loogé les
murs dudit Chaillot et ceux qui leur font suite,
murs fort longs et fort élevés, renfermant le grand
clos et les beaux jardins du couvent de la Visita-
tion, on aperçoit un gros corps de logis percé de
mille croisées antiques et adossé à une église dont
la pointe du clocher semble se perdre dans les
airs : c'est le fameux couvent des Bonshommes.
Arrivé devant les deux jardins de nos Eaux miné-
rales, le pilote appelle trois fois Jacob, le passeur ;
enfin le maussade Jacob arrive, aborde la galiote
avec sa barque, prend et décharge les voyageurs
pour Passy.
Tels turent pendant bien longtemps nos seuls
moyens de transport ; puis nous eûmes, sous la
Restauration, une station ^e carrosses et de ca-
briolets de place, le long du inur qui touchait à
la barrière des Bonshommes, dite aussi barrière
de Passy ; mais ce n'était pas assez. Nous avions
toujours à gravir ou à descendre la montagne,
dont la pente rapide et glissante était peu agréable,
surtout par les mauvais temps. Enfin, vers 1824,
dit Quillet dans ses Chroniques de Passy, un
nommé Nansot imagina, le premier, d'établir sur
le sommet de cette montagne une espèce de' ca-
briolet à six ou huit places, dans le ^enre des
voitures à volonté qui desservaient Samt-Cloud,
Sèvres et Versailles et qu'on nommait vulgaire-
ment coucous ; c'est dire assez que ce moyen de
transport n'était ni élégant ni commode. Il eut
cependant plein succès. On payait 75 centimes
par place et l'on s*en allait, en traversant Chaillot,
dans les environs àa Palais-Royal. La Compagnie
des Accélérées, ({ui faisait alors le service de Ver-
sailles et de Saint- Germain, voyant le succès de
cette entreprise, résolut d'en établir une sur le
même plan, et Nansot, étant dans l'impossibilité
de soutenir la concurrence, se trouva trop heureux
de céder son matériel à la nouvelle Compagnie.
Sans modifier le prix de ses transports, elle fit
construire de nouvelles voitures plus commodes,
qui, partant du centre de Passy, près de l'ancienne
mairie, avaient des départs plus fréquents et se
rendaient au même lieu. Quelques années après,
l'entreprise des Omnibus, voulant à son tour aller
sur les brisées des Accélérées, poussa ses voitures
jusqu'au bois de Boulogne, et de là pour 25 cen^
times conduisait à la place du Carrousel. C'en
était fait des Accélérées, qui ne pouvaient suppor-
ter une pareille concurrence, sans l'intervention
de l'administration municipale de Passv, qui, par
arrêté du maire daté du 21 octobre loi9, inter-
(1) Ile Maqucrelle.
ANNEXÉS
4*9
dit aux ûmnibas toat service dans le centre de la
commune. Les Omnibus allèrent donc piteusement
stationner sur le quai, à la barrière des Bons-
hommes, et les Accélérées yictorieuses restèrent à
leur emplacement primitif; mais, pressées par
la concurrence, elles abaissèrent leur prix à
35 centimes. Ce que voyant, les Omnibus aug-
mentèrent leur prix de 5 centimes et se mirent à
gratifier leurs clients de correspondances, mesure
qui nuisit considérablement aux Accélérées, qui
ne piirent se soutenir que grâce à leur service de
Chaillot, interdit aux Omnibus, à leur plus grande
propreté, à Taise qn*on y trouvait, puisqu'elles ne
contenaient dans un même espace que douze
voyageurs au lieu de quinze qu*on entassait dans
les Omnibus, et à leur service prolongé jnsqu^à
près de minuit, ce qui facilitait le retour du spec-
tacle. Dans cette lutte à outrance, Tadministration
des Omnibus périclita pendant quelque temps, à
tel point qu'un de ses principaux fondateurs, le
colonel Baudry, miné par le chagrin ou'ii en res-
sentit, alla se précipiter dans le canal Saint-Mar-
tin. On consacra sa mémoire en donnant le nom
de Baudriville à un établissement situé à Passy,
près de TArc de Triomohe, et destiné au lo|;e-
ment des palefreniers de la Compagnie, ainsi
qu'aux écuries et remises pour les chevaux et les
voitures.
Tout ceci se passait avant 1836, date du livre de
Qùillet que nous avons mis à contribution. En 1854,
quand je vins à Passy, nos services de transport
ne s'étaient nullement améliorés, nous n'avions
toujours que la ligne d'omnibus ayant son point
terminus à la barrière des Bonshommes, et, dans
l'intérieur de la commune, que les lentes Accélé-
rées s'en allant alors i la porte Saint-Martin et oh
il était prudent de retenir ses places à l'avance.
Mais depuis, que de changements ! que d'amélio-
rations ! Vint d'abord, en cette année 1854, le
chemin de fer de Paris à Auteuil, et vers la même
époque, le chemin de fer dit américain qui suit
les quais. An moment de l'annexion furent créées
de nouvelles lignes d'omnibus, et, plus tard des
lignes de tramways ; en 1862, on choisit (on n'a
jamais su pouranoi) le jour anniversaire de la
prise de la Bastille pour ouvrir la ligne de ceinture,
et enfin 1867 inaugura le service des bateaux-
mouches, qui, aujourd'hui, pour la minime
somme de 10 centimes, nous font traverser tout
Paris, presqu 'aussi bien en hiver qu'en été, ne
nous font pas asseoir sur des tas de cordages
fraîchement goudronnés, et od l'on n'est plus
scandalisé, comme dans l'antique et lourde galiote,
par les lazzis et les gestes incongrus des laveuses
de Chaillot.
Léopold Mar.
Garde nationale sédentaire, garde qui ne gardai
pas grand'chose, belle et noble institution qui ne
semblait, au moins à cette époque, avoir été créée
({ue pour le bonheur des bons bourgeois aimant à
jouer au soldat, fiers d'être mis en faction pour
protéger l'Obélisque, et souvent heureux de quit-
ter un instant le foyer conjugal. Institution bénie
surtout des cafetiers et des restaurateurs ! Belle
occasion, en effet, qu'un jour de garde, pour par-
faire à l'aise une bonne petite noce, ou, pour le
moins, sa partie de pi(|uet ou de dominos ! Mais
pour Cavarni, son fusil de garde national et son
sabre n'étaient pas, comme ceux de Joseph
Prud'homme, leplu$ beau jour de sa vie, il ne
demandait guère à s'en servir pour défendre nos
instilutùms et au besoin pour les combattre ;
aussi tâchait-il souvent, sous un prétexte plus ou
moins fallacieux, d'échapper à la corvée, ce qui
finit, hélas ! par le conauire à la maison d'arrêt
de la rue de la Gare, c'est-à-dire à V Hôtel des
Haricots (1), où il laissa sur les murs des fa-
meuses cellules 7, 8, ou 14, des traces artistiques
de son passage, en compagnie de celles d'A. Dé-
véria, de Decamps, de Français, de Célestin
Nanteuil, de Traviès, de Charlet, de Bertall,
d'Yvon, etc. (2), et des poésies fantaisistes d* Al- '
fred de Musset, de Théophile Grautier, de Frédé- <
rie Bérat, de Théodore de Banville et de tant
d'autres illustres réfractaires.
Voici, à l'appui de notre dire, ce qu'il écrivait
un jour, de sa nouvelle maison du Point-du-Jour, '
au Président du Conseil de discipline de la Garde '
nationale de Passy, dont il relevait : (
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, '
f
Je me serais rendu ce matin, quoique sauf* :
frant, au Conseil de discipline, si une affaire
de la dernière importance ne me retenait •
absolument au logis.
fai rhonneur de vous prier de vouloir bien
remettre la cause à huitaine.
Veuillez, Monsieur le Président, agréer Us
salutations de votre obéissant serviteur.
Gavarni.
Auteuil, 25 juillet 47 (3).
Quoique souffrant.,, hum! en était-il bien
sûr ?... affaire de la dernière importance...
hum! hum!... voilà bien les deux défaites ordi->
naires, très usées mais toujours neuves, des ré-
calcitrants, et notez, aggravation du délit ! qu'a-
vant la citation à comparaître devant le Conseil
de discipline, il y avait eu la sommation et Taver*
tissement ordinaires, dont Gavarni, comme on le
voit, n'avait tenu aucun compte, le malheureux !
Et, très probablement, ildevait être récidiviste !
L. Mar.
GAVARNI, GARDE NATIONAL
Intelligent et occupé comme il l'était, Gavarni,
qui n'avait pu se décider à prendre la chose au
sérieux, était fort réfractaire au service de la
(i) Voir au Dictionnaire de la Convernalion, l'ar-
ticle : Hôtel des HaricoU. Un exemplaire se trouve
dans les archives de M. Em. Polin.
(a) Un fragment du mur sur lequel avaient été
faiU quelques-uns de ces dessins est conservé au
musée Carnavalet.
(3) Lettre inédite, communiquée par Mme Bar'
rial, de Passy.
420
HISTOIRE DU XVI*^ ARRONDISSEMENT
BOULEVARDS LANNES ET SUCHET
Contrat de vente das terrains des boulevards
Lannes et Suchet
(Extrait.)
Art. s.
CONDITIONS SPÉCIALES
1«'. Droit d'issues et de jours, chaussée,
égoulf écoulement des eaux, trottoirs et
éclairage.
Le terrain présentement mis en vente aura, sur
les boulevards de la Muette (1 ) et du Rtnelagh (2),
les mêmes droits dejonretaissueque sur la route
départèmenule n^ 2 (3). Quant à la route straté-
gique (4), il se conformera, pour les jours et
issues à y prendre, aux lois et règlements sur la
matière. Ledit adjudicataire supportera, au droit
de sa façade, les frais de mise en état de viabilité
des chaussées et de plus, s' il y a lieu, les frais de
pose des trottoirs ainsi que ceux de premier éta-
Missement d*égout et d*appareils d'éclairage. Il
devra pourvoir à Tabsorption des eaux pluviales
et ménagères sur son propre terrain, de manière
qu*il n*en coule aucune sur les voies publiques
jnsqu*à réUblissementd*cgouts publics, au droit
des constructions qui seront édiûées sur le ter-
rain dont il s*agit.
dans toute la largeur des xones de servitudes ci-
annexé dessusprescrites, pour servir de clôture tant
entre le terram réservé par la Ville de Paris et
celui présentement mis en vente qu'entre tontes
les subdivisions qui pourront être faites par la
suite de ce dernier terrain. Ces grilles ne pour-
ront être obstruées par aucun volet ni aucune per-
Kienne et devront toujours être entretenues en
bon état de propreté. Un exemplaire du modèle
obligatoire de ladite grille, dûment timbré an
droit de deux francs et qui sera enregistré en
même temps que les présentes, est demeuré ci-an-
noxé après que M. le Préfet Ta eu certifié véritable
et signe et après ^e dessus il a été fait mention du
tout par les notaires soussignés.
§ 3. Obligation de bâtir, interdiclton de
professions et autres,
L'adjodicitaire ne pourra élever sur le terrain
mis en vente que des maisons d'habitation bour-
geoise ; en conséquence, aucun genre de commerce
ou d'industrie ne pourra y être exercé. Ces cons-
tructions devront, dans un délai de deux années,
à partir du jour de l'entrée en jouissance complète,
présenter une superficie de six cents mètres carrés au
moins. Les propriétaires devront, avant de cons-
truire, demander le nivellement et obtenir les
permissions ordinaires, à la charj^ de payer les
droits de voirie. Les façades principales des cons^
tructions devront être parallèles à la voie publi-
que ; les parties latérales des maisons qui ne se
relieraient pas entre elles devront recevoir une
décoration analogue à celle générale de l'édifice
sans obligation d'ouvertures sur laites parties
latérales. Enfin aucune des faces de ces construc-
tions ne devra présenter de mur pignon.
§ 2. Zone de servitudes et de clôtures.
Aucune construction ne pourra jamais être
élevée sur le terrain mis en vente dans une zone
de dix mètres en arrière de l'alignement des
boulevards de la Muette (1) et du Kanelagh (2)
et de la route départementale n® 2 (3) et dans
une zone de cinq mètres en arrière de l'aligne-
ment de la route stratégique (4). Cette zone devra
être cultivée en parterres d'agrément qui ne pour-
ront, dans aucun cas et sous aucun prétexte, de-
venir des lieux de réunions publiques. Ledit terrain
devra être clos, à perpétuité et aux frais de l'adju-
dicataire, dans le délai é'un an à compter du jour
où il aura la jouissance de la totalité dodit ter-
rain, par une grille en fer, sur socle en pierre
dans toute l'étendue de ses façades sur les boule-
vards de la Muette (i) et du Ranelagh (2), la
route départementale n^ 2 (3) et la route stra-
tégique (i). Cette même grille devra être établie,
(i) Aveniif* PnH]lioii.
\'A, Avenue Hnplinël.
(3) Avenue Injures.
(^) Boulevards Lnnne«i etSiicliet.
L'AMIRAL D'ESTAING
A PASSY ET A SAINTC-PÉLAUC
« Du mardi, 5 novembre.
« Ce jour, on apprend de témoins oculaires que
M. le comte d'Estaing, vice-amiral de France, qui
avait pris congé du roi quelaoes jours auparavant,
était parti, le vendredi précèdent, 4*' novembre,
de sa maison de Passy, en deux berlines à six
chevaux avec beaucoup de bagages pour se rendre
à Cadix, où il devait, à son arrivée, disait-on, faire
occuper une flotte composée de vaisseaux espagnols
et français pour se rendre ensuite à La Jamaïque
avec i 0.000 hommes de troupes (1). »
Puisque le nom du comte d'Estaing se trouve
ainsi évoqué, permettez-moi, mes chers collègues,
de vous entretenir quelques instants de cet illustre
compatriote.
E
(i) Journal înéilit de Iltirdy (année 1788, t. V,
•2'Si), extrait communiqué par Mme Chocbod
avergnc.
ANNEXES
421
Charles-Henri comte dTstaing (4), amiral de
France, possédait à Passy, toat près du dac de
PenthièTre, one maison de campagne, dont la vae
embrassait la plaine d'Issy et de Vaugirard pour
ne s'arrêter qu'à Thorizon fermé par les hauteurs
de Meudon et de Saint-Cloud.
Dans les derniers jours de 1780, au lende-
main *de son triomphe de la Grenade, d*£staing,
qui avait débarqué k Bordeaux, où des ovations
chaleureuses lui avaient été faites, voulut se
soustraire au triomphe que lui préparaient les
Parisiens, et il descendit à Passy, sans se douter
que les habitants du village avaient pris posses-
sion de sa demeure |>our Fomer comme il conve-
nait à Tamiral victorieux qui venait d'inscrire son
nom dans l'histoire glorieuse de la marine fran-
^-aise.
On était en hiver ; mais il restait du lierre, et
tous les jardins furent dépouillés pour tresser des
guirlandes qui couraient le long des murs des salons
et de la salle à manger, entremêlées d'inscriptions
qui rappelaient les noms des batailles et ceux des
vaisseaux français qui avaient servi sous les ordres
du comte d'Esûdog.
Un accueil aussi gracieux toucha jusqu'aux
larmes l'illustre marin, qui décida de passer l'hiver
dans sa maison de Passy ; il ne la quitta qu'au
mois de février 1784 pour assister à cette fête,
organisée à l'Opéra par le duc de Chartres, et dont
l'écho s'est conservé dans tous les mémoires du
XVI 11* siècle.
Mais les triomphes ont des lendemains, et la
Fortune a des retours ; d'Estaing, resté populaire
auprès des petites gens, ne tarda pas à subir les
jalousies et les mauvaises volontés de la cour. La
reine se mêla à ses ennemis, et ce fut bientôt la
disgrâce non d^isée.
Cependant, en 1783, & la date indiquée par le
journal de Hardy, d'Estaing put reprendre du ser-
vice; mais la paix générale le rendit bientôt inu-
tile.
A partir de ce moment, le vainqueur de la Gre-
nade partagea son temps entre sa maison de
Passy et son hôtel de la rue Sainte-Anne ; il s'y
abandonnait aux charmes de la société et cultivait
les lettres, ne dédaignant pas d'écrire des poèmes
et des tragédies dont quelques-unes ont été con-
servées.
1789 arrive ; partisan des idées nouvelles, d'Es-
taing est violemment attaqué par les royalistes ;
mais les constitutionnels et les modérés s'honorent
de le compter dans leurs rangs.
Lors du procès de la reine, dont cependant il
avait eu à se plaindre, d'Estaing voulut témoigner
en faveur de l'infortunée princesse, et par cette
générosité, tout autant que par ses victoires, il a
recommandé son nom à la postérité.
Malheureusement, en 1793 comme aujourd'hui,
Auteuil et Passy étaient suspects à la commune
de Parts. Avec André Chénier, Roocher, Con-
dorcet, Chamfort et tant d'autres, d'Estaing fut
arrêté et incimré à la prison de Sainte-Pélagie.
(1) Et non pas Charles- Hector, comme le disent
tous les biof^raphes de l'amiral. Ces prénoms
Charles-Henri ont été relevés par moi sur son
acte de décès
L'amiral y retrouva Roucher, et j'ai la bonne
fortune de posséder, de la main du poète, le
récit touchant de cette rencontre.
Vous m'excuserez, j'en suis sûr, mes chers col-
lègues, d'insister sur un événement qui me touche
d'aussi près, mais que je regarde comme très glo-
rieux pour la mémoire de mon aïeul.
Roucher avait une fille, Eulalie, que M°^* Hel-
vétius avait baptisée du nom de Minette ; c'est à
elle que le poète écrivait la lettre que je vais vous
lire.
Il avait aussi un fils, Emile, né aux beaux jours
de 1789. On permettait quelquefois à l'enfant de
venir consoler son père dans sa prison.
< II plaît à tout le monde, écrivait Roucher.
Hier, il a été salué, caressé, baisé, par le ci -devant
comte d'Estaing, le vainqueur de la Grenade. C'est
un homme de grande taille, plutôt élancé que|[ros,
âgé de soixante-quatre ans : il a bien l'air simple
à la fois et noble d'un héros. Il faut que mon
Emile se souvienne, pour le redire un jour à nos
petits-enfants, qu'à l'ûge de quatre ans et demi,
il a TU à Sainte-Pélagie, prisonniers avec papt
Roucher, d'ËsUîng, Rirôn et H. Robert. Je voudrais
que Minette, dans sa ptemiéie lettre, me dise quel-
que chose sur cette association fortuite ; mais
principalement sur cet ex-vice-amiral de France,
aujourd'hui, malgré ses brillants lauriers qu'a pleu-
res l'Angleterre, frappé de la foudre populaiie et
peut-être aussi grand dans son calme modeste à
àSainte-Pélagie,qu'ii l'était sur son bord amiral et
devant la Grenade dans son audace guerrièie et
dans sa soif de gloire. Engage l'oncle Guyot-Desher-
biers à te parler des exploits militaires de d'Es-
taing. Ce vieillard, avec une grâce vraiment tou-
chante, m'a demandé la permission d'aller me
visiter dans ma cellule. Je lui ai répondu que
c'était à moi à aller lui porter mon hommage chez
lui, car c'est d'un œil religieux qu'on regarde un
grand chêne frappé de la tondre. »
La gloire, les grands services rendus à la Patrie,
le génie étaient alors des arrêts de mort. D'Es-
taing, traduit devant le tribunal révolutionnaire,
fut condamné et exécuté le 28 avril 1794.
Au réquisitoire de Fouquier-Tinville, l'amiral
avait répondu par la simple énumération de ses
services; puis, s'adressant aux brutes avinées
Î[ui composaient le jury, il leur avait jeté à la
ace ces paroles sublimes :
€ Quand vous aurez fait tomber ma têle, en-
voyez-la aux Anglais; ils vous la paieront cher! »
Antoine Goillois.
LES MAIRES DE PASSY
M. DAUYERGNË
M. Dauvergne (François-Fortuné), fils d'un offi-
cier français an 81* de ligne, naquit à Parme
(Italie), le 4 aodt 1803.
Elevé au collège de Bourges, il y fit de brillan-
423
tM étndes et obtint le mad prix d'honnear en
1821.
Doué d'une jnlelli(;enee tupérieure, passionné
pour l'élude, il possédeit des canniissances lussi
' étendues que Tariàes. S'adonnant tour 1 toar lux
sciences et à ta littérature, «imanl également les
arts, il écrirait, sculptait et peignait avec la mtnie
facilité.
' Vers 1836, il vendit son élude de notaire et
HISTOIRE OU XVI' ABRONDISSEMBNT
témoignent de la haute estime q» son déTon^-
ment, pendant le choltra de 1849, inspira i tons-
A la suite de cette terrible épidémie, le ministre
de l'Agriculture et du Commerce loi décerna une
des deux médailles d'argent qui furent attribBécs
i la commune de Pass;(l).
M. DiUTKgne donna u démisston de maire an
mois de jnin ou de joillet 18S3, non sins' aToir
couru queli]ues dangers en raison de set connc-
Portrait de K.-K. Dauvergne, i
vint se retirer i I>assy, ob il Int peo après nom-
mé conseiller municipal, puis maire le 24 mai
1848, en remplacement do citoyen Tard, démis-
sionnaire.
Dans son passage 1 l'administration de la mai-
rie, il traversa des moments difficiles. Son attitude
énergique, dorant les émeutes de juillet 1848,
lui valut les félicitations unanimes de ses conci-
toyens.
Ud grand nombre de lettres émanant du cuié
de Passy (M. I«calelli), ainsi qoe des noubles de
Il commune, et demeurées entre les mains de la
famille, attestent son mérite et son courage et
lions républicaines, et il rentra dans la vie pri-
li mourut le 13 août 1877. à l'Age de soiiante-
Jualorze ans. Ses restes reposent an dmetière de
assy, dans une tombe de famille.
Je suis henreux, comme petit-tîls d'un des an-
ciens maires de noire vieil et aimé village de
Passy, de pouvoir, ici, rendre homaiage k la mé-
moire de relui qui m'a laissé, k moi et k tons
ceux qui l'ont connu, le souvenir d'un homme de
bien et l'exemple de solides vertus.
Henri Diuvei<«;iii.
ANNEXES
423
M. POSSOZ
Noas empruntons à V Annuaire de Passy de
1858 (seale année parue) les quelques détails sui-
vants donnés par M. Alf. LefeuTe sur M. Possoz,
maire de Pas^y de 1834 au 14 mars 1848, et du
94 juin 1852 an premier janvier 1860, date de
l*annexion.
€ 11 est des hommes dont la vie tombe dans le
domaine pablic ; la probité et le mérite de
M. Pôssoz, sa volonté droite et inflexible Tout
déjà assez fait connaître |)onr qu*il ne nous soit
pas permis, malgi^ le désir formellement exprimé
par Possoz, de passer sous silence une vie si labo-
rieusement remplie et vouée aux intérêts publics ;
d'ailleurs, beaucoup d'autres avant nous ont déjà
relaté la vie de M. Possoz dans des écrits plus
étendus que nous le pouvons faire, et c'est même
dans ces notes biographiques que nous puisons tous
nos éléments. (Voir les Hommes du jow\ par
Germain Sarrut et Saint-Edme. — La Galerie
administrative, par Pascallet. — Les Fastes
administratifs, par G. llaudard, et V Observa-
teur des Tribunaux, t. XVllI.)
M. Jean-Frédéric Possoz, né à Paris en 1797, fut
de bonne heure destiné à la carrière commerciale,
Su'il quitta en 1827, époque à laquelle il vint se
xer à Passy. Il restait complètement étranger
aux affaires publiques lorsque vint la Révolution
de 1830, ((Ui le tira du calme de sa vie privée. Il
fut successivement, par l'élection de ses conci-
toyens, nommé officier de la garde nationale, en
183Î adjoint au maire de Passy, et en 1834
membre du conseil général de la Seine par 578
suffrages sur 650 votants. En 1837 et 1846, il
fut i^lu dans ces dernières fonctions à une im-
mense majorité par l'arrondissement de Saint-
Denis. Cette faveur imposait à M. Possoz des
devoirs de dévouement auxquels il n*a jamais
manqué.
En 1832, à l'époque oQ le choléra sévissait
avec le plus de rif^ueur, M. Possoz organisa à
Passy un bureau médical destiné à procurer des
soins aux malades ; il se dévoua à la tâche qu'il
s'était imposée, tant que dura le fléau, avec un
zèle et un sentiment d'humanité au-dessus de
tout éloge. — Plus tard, désigné pour la médaille
d'honneur, il refusa cette distinction et demanda
qu*on substituât à son nom celui d'un médecin de
Passy (M. Petit), qui avait contribué à cette
bonne œuvre. La commission déféra à son vœu ;
mais les habitants de Passy n'ont pas oublié cette
dette de reconnaissance. Au mois d'avril 1834, il
fut nommé maire en remplacement de M. Gabriel
Delessert.
Parmi les améliorations importantes que la
commune dut à M. Possoz, nous pouvons citer,
entre autres, l'ouverture de la barrière Franklin
par la rue des Bons-Hommes, sur l'emplacement
de l'église des Minimes, et l'ouverture de la
barrière des Batailles; l'acquisition d'une maison
commune (place de Passy), faite an prix de 40.000
(i) L'autre fut décernée à M. Mâchez, phar-
macien.
3
l
francs sur les deniers personnels de M. Possoz.
Cette somme s'est trouvée plus tard remplie par
une subvention de SO.OOO francs alloués à la
commune par M. le préfet de la Seine, et par une
contribution extraordinaire de 20.000 francs dopt
s'imposa la commune de Passy. Quaut aux frais,
qui s'élevèrent à 12.049 fr. 60, il furent couverts
Sar une souscription volontaire ouverte à la mairie.
[. Possoz souscrivit pour 2.000 francs. On lui
doit encore l'établissement de trottoirs dans la
Grande-Rue, l'éclairage au gaz, l'embellissement
de la barrière des Bons-Hommes, et la plantation
d'une promenade sur un terrain dont la Ville de
Paris ne dut la jouissance qu'aux pressantes
sollicitations du conseil municipal de Passy.
M. Possoz n'a jamais cessé de provoquer, par
ses demandes et ses écrits, la sollicitude de l'au-
torité compétente sur la négligence et l'incurie
ue Ton mettait dans l'entretien et la surveillance
es carrières des environs de Paris, et notamment
de celles de Passy.
Après avoir analysé la vie publique de
M. Possoz, nous devons citer un trait qui ne lui fait
as moins. honneur. Après la faillite du sieur Cal-
ot, agent de change, une dame Labdent, âgée de
soixante-quinze ans, compromise pour une somme
considérable, avait eu recours aux conseils, soins
et démarches de M. Possoz, qui réussit à la faire
admettre au bilan de la faillite pour la somme entiè-
re.Cette dame, voulant témoigner tonte sa reconnais-
sance à M Possoz,lui offrit en viager tout ce qu'elle
possédait. Il refusa et obtint que la somme de
140.000 francs, reliquat de la faillite Callot, fut
léffuée au frère de Mme Labdent, M. A. VandD-
veTde, négociant à Amsterdam. Dans son procès
avec M. le prince de Talleyrand, ce Nestor deia
diplomatie, M. Possoz se fit remarquer par><la
loyauté de sa conduite ; cette affaire a eu un tel
retentissement qu'elle est aujourd'hui connue de
tout le monde ; nous croyons inutile de répéter
ces débats, qui n'étaient pas à l'honneur de la
famille de M. de Talleyrand.
M. Possoz fut nommé chevalier de la légion
d'honneur en mai 1838, puis oflicier. Le 14 mars
1848, M. Possoz fut dans la même journée, révo -
que de ses fonctions de maire par deux arrêtés
signés l'un par Recurt, adjoint au maire de Paris,
membre du gouvernement provisoire, et l'autre
par M. Ledru-RoHîo, ministre de l'Intérieur. Il fut
aussi révoqué, vers cette même époque, comme
membre du conseil général. En 1849, sur la pro-
position de M. le préfet de la Seine, une décision
ministérielle le réintégra dans ces dernières fonc^
tiens, et le 24 juin 1852, il fut réinstallé dans
celles de maire de Passy, qu'il remplit jusqu'au
1er janvier 1860, date de l'annexion. M. Possoz
mourut le 6 mai 1875 et fut inhumé au cimetière
de Passy. Son nom fut donné à une de nos places,
témoignage de reconnaissance qui lui était bien
dû pour avoir administré cette commune pendant
plus de vingt et un ans.
Noos ne pouvons oublier de mentionner, ici
Valter ego de M. Possoz, M. Vital, nommé son
premier adjoint en 1837, comme lui destitué en
1848 et rémstallé en 1852. C'est lui qui, anté-
rieurement à la création du quartier Guichard,
comprenant la nécessité, pour ta commujio, d'une
4a4
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
voie de communication de la placf^ de Passy à ce
qu'on appelait alors la Plaine, créa entièrement
sur ses terrains et de ses deniers personnels, la
rue qui porte justement son nom, et qu'il offrit
purement et simplement à la commune.
BARTHELEMY SAINT-HILAIRE
Dan» la même séance que celle où il avait été
parlé de Mme Carnol, M. Geotses Picot a lu une
notice historique sur la vie et les travaux de
M. Barthélémy Saint-Hilaire. Notre Société eut
le grand honneur de le compter parmi se» mem-
bres, et non des moins fldèles. C est pour elle un
acte de reconnaissance et de pieux souvenir que
de faire ici une place, trop modeste et malheu*
reuscment mesurée, à la notice de M. G. Picot.
€... M. Barthélémy Saint-Hilaire a montré
dans la science et dans la politiqi^e une âme
antique égarée en notre temps. La fidélité était
sa vertu propre : il aimait à se consacrer aux
hommes et aux idées. Ayant assisté à sept révo-
lutions^ ayant vécu sous les réfnmes les plus dif-
férents, il a préféré la République et il s*y est
attaché k jamais. Egalement constant en politique
et en amitié, semblant aux yeux du vulgaire
s'absorber jusqu'à Teffacement, il a toujours dit
la vérité aux hommes et aux gouvernements
qu'il servait.
€ Ardent patriote, très peu sensible aux hon-
neurs et ne les recherchant pas, il a exercé les
plus hautes charges sans être écrasé par elles.
Ayant consacré sa vie au travail et ne l'ayant
jamais interrompu, il a voulu à travers toutes
les crises de son existence, dans la retraite comme
à la tête des affaires, mettre an-dessus de tout
l'accomplissement de son devoir : il l'a fait avec
force et avec simplicité, sans se soucier de jouer
un rôle et sans se douter qu'il offrait à notre
temps l'exemple de ce que pouvait être, au mi-
lieu de nos imitations contemporaines, une Ame
de stoïcien.
€ Né le 19 août 1805, orphelin de bonne
heure, élevé par une tante qui se consacra à
lui, Jules-Barthélémy Saint-Hilaire suivit les classes
du lycée Louis-le^rand, où il se lia avec Buioz
et le frère d'Emile Uttré. Il acheva le cours de
rhétorique au collège Bourbon, ou il rencontra
Sainte-Beuve.
< Au terme de ses études, — ce qui est le
signe du succès, il conservait la passion d'ap-
E rendre. Non content de se perfectionner dans
\ langue grecque, il se sentait attiré vers les
langues orientales ; il trouvait dans la famille de
son ami des conseils et une expérience incom-
parables : M. Littré le père était un helléniste
distingué ; les deux jeunes gens qui devaient tra-
duire un jour Aristote et Uippocrate se prépa-
rèrent k son école et abordèrent ensemble les
éléments du sanscrit. Bientôt le jeune homme de
18 ans, avide de tout savoir, devait rencontrer
un professeur autrement savant : Burnouf,
de 2^ ans, lui donna des leçons de sanscrit qai
furent le point de dtoart de leur longue amitié.
€ En ce temps, l'accès des carrières n*était
pas encombré : on y débutait jeune. Barthéleoiy
Saint-Hilaire entrait à 20 ans, comme aspirant
surnuméraire, dans les bureaux du ministère des
finances, sur la recommandation de M. Littré. n
devait y passer dix-sept ans dans des ranp su-
balternes, V trouvant moins un emploi de ses
facultés qu une ressource matérielle et une dis-
cipline de la vie.
€ Assuré de son existence, il redouble d*ar-
deur ; il veut savoir les langues modernes. Les
lectures se multiplient. Avec Tardeur anxieuse
d*un jeune esprit qui cherche sa voie, il veut
tout connaître : philosophie, érudition, histoire,
l'attirent également.
€ Il n*aurait pas été de son temps si la fiè\re
de la politique ne s*était pas emparée de lui. Li-
béral avec toute sa génération, sa foi démocra-
tique était profonde... »
€ ... Un projet remplissait sa pensée. Vivant
avec les philosophes grecs, il avait conçu le des-
sein de publier Tœuvre du premier d*entre eux.
€ Suivant ses calculs, la traduction d^Aristote
devait occuper toute une existence. Il la com-
mençait résolument en janvier 1832 par la Poli-
tiqtte. Deux ans lui suffirent pour coUationner
les manuscrits, établir le texte et achever la tra-
duction. En 1834, il s'agissait d'imprimer deux
volumes in-8 ; on lui conseilla de demander à
la commission de l'Imprimerie royale l'impression
gratuite. L'influence de M. Cousin, lorsqu'il
s'agissait d'un ouvrage de philosophie, y était
dominante. M. Dubois (de la Loire-Inférieure),
qui avait patronné ses premiers essais dans le
Globe, l'introduisit auprès de M. Cousin, le phi-
losophe le reçut avec bonté, bien qu'il ne crût
guère à la possibilité de traduire Aristote en
entier ; il le garda plus d'une heure, le soumit
k un véritable examen.
< Cette entrevue décida de son avenir. M. Cou-
sin, écrivait-il au terme de sa vie, « s'assura que
ma résolution était sérieure et que j'étais en état
de l'accomplir, si Dieu m'en accordait le temps.
Dès ce moment, M. Cousin me fut acquis et il ne
cessa d'avoir les yeux sur moi ». De son côté,
M. Barihélemy Saint-Hilaire s'était à jamais
donné. Ni les dissentiments ni les crises poli-
tiques ne l'éloignèrent.
€ Ainsi, il allait continuer au milieu des encou-
ragements l'œuvre colossale qu'à 27 ans, sans
appui, il avait commencée de sa seule initiative.
Il entrevoyait tout un horizon d'efforts sans trêve.
Projeter une publication qui absorberait toute une
vie, suffire k soi seul à la traduction de l'œuvre
du plus grand génie de l'antiquité, eût été pour
tout autre une témérité ; à travers les révolutions,
il en vint à bout en soixante ans : sa résolution
était à la hauteur de l'entreprise.
€ L'Académie des Sciences morales et politiques
venait d'être rétablie. M. Cousin animait de son
esprit la section de philosophie. Au dehors, la
jeunesse était attirée par l'éclat des concours et
Sar la certitude du secret qui couvre à jamais les
éfaites. Les concurrents étaient conviés à l'étude
delà philosophie grecque. En 1835, la Mélaphy-
ANNEXES
425
sique d*Ari»to(6 mit eo lomière le nom d*un de
nos vénérables doyens, M. Ravaissoo ; en 1837,
la Logique fit proclamer le nom de M. Barthélémy
Saint-Hilaire... »
Le i*'mars 1840, il est appelé par M. Cousin
comme chef de son cabinet dans le ministère pré<
aidé par M. Thiers. Il n'y reste pas longtemps, et
bientôt,
« Il croit le moment Tena de recouTrer sa
berté pour retourner à la philosophie.
^ € Sa pensée revenait sans cesse à la Politique
d*Aristote, objet de ses premières études... Pla-
ton le retint longtemps. II fait ressortir ce que
Ini adû Aristote... Parmi tant d'esprits supé-
rieurs, il n*en voit qu'un qui ait pénétré jusqn au
fond du problème. Platon est le seul qui se soit
refusé à étudier le gouvernement des sociétés
avant d'avoir approfondi l'âme humaine... »
M. Barthélémy Saint-Hilaire fut secrétaire du
gouvernement provisoire le lendemain de la révo-
lution de février 1848, député de Seine-et-Oise à
l'Assemblée constituante, obéissant toujours à ses
convictions, jamais à un mot d'ordre. Il n'admit
pas le coup d'Etat.
« ... Il n*avait pas de fortune : on l'engageait
à prêter serment, il résista à ses amis et finit
par les convaincre que pour des philosophes une
ruine matérielle n'est rien auprès d'une ruine
morale : il doona sa démission d'administrateur
du Collège de France, où il avait remplacé, trois
ans auparavant, son ami Eugène Buroouf, et re-
prit, pÀuvre désormais, loin de Paris, aux portes
de la petite ville de Meaux, la suite de ses tra-
vaux.
« La retraite était sévère; jamais il ne se
montra plus philosophe. 11 n'av<«it pour vivre que
son traitement de membre, de l'Institut, et vous
en savez le chiffre. Il était grand partisan des
exercices du corps ; il avait toujours défendu la
gymnastkjue ; il l'imposait aux jeunes gens ; il
la conseillait aux hommes voués aux travaux de
l'esprit. On raconte qu'un jour, ayant appelé à
son aide l'autorité de Socrate, il entraîna M. Cousin
à sa suite jusqu'à des hauteurs vertigineuses où
le philosophe pensa se tuer. Jusque dans sa vieil-
lesse, M. Barthélémy Saint-Hilaire se plaisait à
la campagne et à pratiquer le métier de bûcheron
En 1852, il se 'fit jardinier, vivant des légumes
qu'il cultivait. Une fois par semaine, il venait à
Paris pour assister à vos séances ; il ne connais-
sait d autre consolation (|ue la poursuite labo-
rieuse du plan qui résumait sa vie. Ses amis ne
l'oubliaient nas. < Un jour, dit-il, MM. Cousin,
Mignet et Odilon-Barrot acceptaient le modeste
festin que je leur offrais dans une masure dont
tant d'illustres amitiés faisaient tout le charme. »
Appelé en i855 par son ami de Lesseps. il se
dévouait aux études du canal de Suez et devenait
le secrétaire général de la Compagnie en forma-
tion. Les années se succédaient. Il traduisait
Vlhade en vers français. Lié avec Mignet de-
fiuisi83o, il resserrait ses relations avec M. Thiers.
1 fermait les yeux de Cousin en 1867. En 1869,
les électeurs de Seine-el-Oise lui rendaient un
mandat interrompu depuis i85i.
< ... M. Barthélémy Saint-Hilaire demeura à
Paris pendant le siège. Il était de ceux qui purent
en cette longue crise répandre autour d'eux la
force morale ; comme M. Vitet, comme M. Du-
faure, comme M. Augustin Cochin, il se multi-
pliait partout ou il pouvait apporter, un peu de
courage. Sa vue seule, je m'en souviens, ré-
pandait l'énergie. C'était bien l'âme d'un stoïcien
s'atlendant à toutes les révolutions : il ne s'éton-
nait de rien. Mais à cette vertu toute passive il
joignait ce qu'inspire la philosophie spiritnaliste :
le devoir d'agir; il était disposé pour la patrie
aux derniers sacrifices, résolu pour lui-mÔme à
toutes les luttes, prêt k tout braver... »
Après ces lignes, il faut nous contenter de ré-
sumer le reste de sa vie. Secrétaire général de
la présidence de M. Thiers, il ressentit à la mort
de ce dernier le coup le plus terrible de sa vie.
« Il demanda des consolations aux Pensées de
Marc Aurèle, qu'il venait de publier, et se plongea
dans la préparation de la Métaphysique. Sénateur,
puis ministre des affaires étrangères en 1880, il
quitta définitivement les affaires après avoir con-
tribué à assurer à la Franee le protectorat de la
Tunisie. Vers la fin de 188a. il imprimait le 4* vo-
lume de sa traduction d'Aristote; il publiait le
35*, le dernier, en 1892. après 65 années de labeur.
Il avait ainsi affirmé la sincérité de ces nobles
paroles, tombées un jour de ses lèvres :
€ Il ne suffit pas de travailler, disait- il à un
jeune homme : le secret du booheur en ce monde
est de s'assigner une tâche tellement longue,
telleinent hante que. selon les vraisemblances, la
vie ne saurait y sutfire. »
< ... n souffrait amèrement de n'avoir pas
fondé une famille : il ne manquait pas une occa-
sion de manifester ses regrets et de les tourner
en conseils. A défaut de famille, il aimait à s'oc-
cuper des jeunes gens et les attirait ; il fallait le
voir à la fondation Thiers od se prépare une
élite ; il a manifesté le fond de sa pensée dans
son testament en confiant à l'Académie des
Sciences morales et politiaues la mission d'attri-
buer 15 bourses triennales aux plus brillants
lauréats du concours général.'.. »
€ ... Le S4 novembre 1895, dans sa 91" an-
née, en pleine santé du corps et de l'esprit, sans
souffrance, sans rien qui pût alarmer, M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire cessa de vivre.
« Nous perdions un bon citoyen et un sage,
un survivant d'un temps dont nul ne pouvait
plus nous rappeler les souvenirs, un conseiller
sévère sans misanthropie, un philosophe dont la
vie entière était un exemple, un citoyen pas-
sionné pour son pays, ayant rempli les plus
hautes charges sans orgueil comme sans ambi-
tion personnelle, ayant considéré la vie comme le
plus grand devoir, s'y étant dévoué sérieusement,
sans se laisser distraire; sa mémoire vivra dans
le sein de l'Académie qu'il a honorée par ses tra-
vaux; elle sera fidèlement conservée par ceux
3ui ont écouté sa parole, et qui ont vu en lui un
e ces hommes rares qui font comprendre sur
quelles vertus doivent se fonder les Républiques. »
426
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
ABORDS DU TROCADÉRO
AVENUE HENRI-flARTIN (1)
Bémian du Jury du 14 juiliel i860,
(Extrait.)
CONCLL'SIOKS POUR M. LE PrÉFET DE Là SeWE
REPRÉSENTANT LA YlLLE DE PaRIS.
Elles tendent à ce qu'il plaise à M. le magistrat
directeur du jury doooer acte à M. le Préfet de
la Seine, ès-noms, de ce qu'il déclare que les pro-
priétaires qui consen-eroot partie de leur propriété
seront soumis pour les portions qu'ils conserveront
aux conditions ci-après : i^ aucune construction
ne pourra jamais être élevée sur les terrains en
bordure de l'avenue Henri-Martin, dans une zone
de dix mètres en arrière de l'alignement. Cette
zone devra être établie de niveau avec l'avenue et
être toujours cultivée en parterres d'agrément qui
ne pourront, dans aucun cas et sous aucun pré-
texte, devenir un lieu de réunion publique ; ^ les
terrains devront être clos à perpétuité dans toute
l'étendue de leur façade sur l'avenue et en retour
sur les voies y aboutissant, aux frais des pro-
priétaires, dans les six mois qui suivront le jour
où l'avenue sera livrée à la circulation, par des
grilles en fer, sur socle bas, conformes au modèle
arrêté par l'Administration municipale pour tous
les terrains en bordure sur les boulevards de
ceinture du bois de ^Boulogne. La séparation des
propriétés contiguës ne pourra avoir lieu qu'au
moyen de grilles semblables dans toute la largeur
de la zone de servitude ci-dessus prescrite, aes-
2 uelles grilles un plan est demeuré ci-annexé.
es grilles ne pourront être obstruées par aucun
volet ni aucune persîenne et devront êlre entre-
tenues toujours en bon état de propreté ; 3» les
propriétaires riverains ne pourront élever sur les
terrains en bordure dont il est question que des
maisons d'habitation bourgeoise. En conséquence,
aucun genre de commerce ou d'industrie ne pourra
y être exercé. Ces propriétaires devront, avant
de construire, demander le nivellement à observer
par eux et obtenir la permission nécessaire, à la
charité de payer les droits de voirie. La façade
principale des constructions devra être parallèle
à l'avenue Henri-Martin ; les parties latérales des
maisons qui ne se relieraient pas entre elles de-
vront recevoir une décoration analogue à la déco-
ration générale de l'édiOce, sans obligation d'ou-
verture sur lesdites parties latérales. Enfin, les
maisons contiguës devront être raccordées de ma-
nière à ne prâenter aucune portion de mur à dé-
couvert. Et ce sera justice.
(i^ Ancienne avenue duTrocadéro, dans la partie
comprise entre ta place du Trocadéro et la porte
de la Muette
L'ANCIENNE PMPE A FEU DE CHAILLOT
Jusqu'à rinsUllalion de la pompe à feu de
Chaillot, Paris fut bien pauvrement alimenté d'eaox
de toutes sortes, et, sans vouloir remonter ao
déluge, nous pouvons dire que longtemps les habi-
tants de Lutèce ne se servirent que du liquide
puisé directement à la Seine. An iv« siècle, l'em-
pereur Julien fit venir à son palais d«s Thermes
les eaux de la source de Rungis — qui se trouve
au-dessus du village d'Areueil — à l'aide d'un
aqueduc que lesNormands détruisirent au ix^siècle,
et dont cependant on peut voir encore quelques
restes.
y M la même époque, fut construit l'aqueduc
(|ui, des hauteurs de Chaillot, amenait l'eau sur
1 emplacement actuel du Palais-Royal. Plus tard,
les moines de Saint-Laurent et ceux de l'abbaye
de Saint-Martin-des-Champs firent oonstmire i
leurs frais, et pour leurs besoins personnels, des
aqueducs amenant l'eau des sources de Belleville
et desPrès-Saint-Gervais; mais Philippe-Auguste,
roulant que ces eaux pussent servir aux besoins
du peuple de Paris, en retira la propriété exclu-
sive aux religieux. Henri IV, au moins aussi sou-
cieux que Philippe-Auguste du bien-être de ses
sujets, fit élever, sur le Pont-Neuf, la pompe de
la Samaritaine, qui fut terminée en 1608. Quel-
ques années après, Marie de Médicis confia à Jac-
3ues d^Aubry la reconstruction de laquedoc
'Arcueil, destiné & amener les eaux à son palais
du Luxembourg et à alimenter le quartier voisin.
£n 1670 furent installées les pompes du pont
Notre-Dame, qui furent perfectionnées en 1757.
Enfin, le 7 février 1777, les deux frères Périer,
habiles mécaniciens, obtinrent du roi la permis-
sion de faire élever à leurs dépens des pompes à
feu sur les bords de la Seine (1).
Ne nous plaignons pas trop, si l'eau ne circule
pas encore en quantité suffisante à Paris; en 1777
il s'en fallait de beaucoup que l'on eût atteint
même cette imperfection relative. Alors, les fon-
taines, en petit nombre, étaient maigrement et
irré^lièrement alimentées ; la plus grande partie
de l'eau n'arrivait dans les hauts quartiers de la
ville que transportée en tonneaux sur des char-
rettes, ou à bras. Faute de mieux, les boulangers
fabriquaient leur pain avec de l'eau de puits
plus ou moins infectée par l'infiltration des fosses
d'aisances et autres matières malsaines. Dans tous
les quartiers, une horrible odeur vous prenait à
la gorge, vous étouffait et vous suffoquait; les
égouts, sans eau pour les nettoyer, accumulaient
et retenaient des amas d'immondices.
Et cependant, il n'en était pas de même à Lon-
dres, qui devait depuis longtemps à onze machines
à vapeur l'avantage de voir circuler en abondance
l'eau de la Tamise dans tous ses quartiers.
Honteux de notre infériorité, que fait le savant
(i) Celle famille Périer n'a aucun rapport de
parenté avec celle du ministre du môme nom,
qui n'accentue pas Pe.
Jaeqots-CoDslaDliQPérôr, l'aini ittitai fHm? milieu
II se reod à Londres, étudie le système anglais,
fait l'acquisiliDD d'une machine de Watt et l'ins-
talla eu 1778 i Chaillot. prés de la barrière de la
Cooféreoce, au d" i dn quai Debilly. Peu de temps
après, ainsi qu'on le Terra plus loin, on en mil
437
delà SeiMel 11 c<ndtiire «ootle
Utiment, dans an bastin en pierres de tatUe. Ce
bassin ainsi qoe le canal était creasè i 1 mèlre
an-desson du siTean des plus basses eani. Les
deux pompes aspinutee et refoulintes, maes par
(•)
nne seconde, pour, au besoin, inpptéer la pre-
mière (1).
Hais il fïllait des capitani considérables pour
réaliser le rêïe des Péner. c'est-i-dire répandre
l'eau i prorDsion dans tous les quartiers de Pari?.
lU forment alors une Compagnie d'actionotiires qui
doTait établir i ses frais une ou plusieurs machines
i Tapeur, ï l'aide desquelles on éléTerait au moins
150 pouces d'eau. Ils ne demandaient que le wi-
vilége exclusif de construire des machines pendant
Soinie ans et de les employer comme ils reuten-
raient. La Société formée, ou dépense prés do
deui millions k l'acquisition des terrains, des mj-
tériaui, des ateliers et iosiruments nécessaires A
l'installatioii des deux machines du premier éta-
blissement, ainsi qu'à l'achat et i l'importation
des tuyaux et cylindres qu'on se Tit forcé de tirer
d'Angfeterre.
Le plus doulDureui pour les eonstruc leurs, c'est
qu'ils turent coniraints de traiter itoc l'ingénieur
Hathew Bonlton, de Birmingham (l'associé du
célèbre Watt), qui ^Tsit obtenu au moins d'avril
1776 le prÏTilége eiclusif d'élahlir des machines
à Tapeur dans tonte la France, et il leur fallut
acheter fort cher i cet Anglais le droit de faire
construire eui-mémes des machines à Paris.
Enfin, toutes les difficultés premières aplanies,
on construisit un bltimenl sohde sur le quai De-
billj. nn canal de 3"', 38 de largeur fut pratiqué
sous la route de Versailles pour recevoir l'eau du
BDsIogue,
PrsDçalg I
cnient d'une insUllation
re^ uii 11 reprochait aui
la vapeur qui s'échappail de chaudières coastruites
sur de grands foumeaui. élevaient cette eau, et,
par des conduites, la refoulaient dans des réser-
Toirs construits non loin de Ik.sur t'emp lacement
aciuel de la place des EtalsUnis, k 'il mètres
1 caractère de grandeu
(•)
au-dessus du lÙTeau moyen de la Seine. r«a réser-
Toirs, an nombre de quatre, placés dans un ter-
rain dos de mors, et disposés en amphithéâtre,
avaient chacun 5S'",i7 de longueur. 19'". 50 de
largeur et 3 mètres de profondeur. Il y en STait
toujours un qui s'emplissait, un oii l'eau se cla-
nliait en la laissipt déposer, un troisième qui
faisait le service et un quatrième qui pouTiit être
n Collecllari de M. Emile Potin.
428
HISTOIRfi DU XVI* AHRONDIS$SEMENT
en réparation. A la aortie de chaque réaerfoir, entrer dans les réserroirs. Un tu^an de fonte de
étaient placés des Ûttres an travers d^sque's l'eau 33 centimètres de diamètre partait de ces réser-
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se dépouillait de toutes les matières étrangères
dont elle pouvait être souillée. La nouvelle Com-
pagnie des Eanx avait même prévu le cas où, par
im|H)ssible, elle serait forcée de réparer les qua-
tre réservoirs en même temps, en établissant un
embranchement de tuyaux à robinets, permettant
à la rigueur de donner Teau à Paris sans la faire
(i) Ce dessin d'architecte, de la collection de
M. Km. Potin, reproduit, à vingt années de distance
de
environ, la maison précédente dont la construction
datait de l'installation de la première pompe
Cbaillot. Les deux vues ont leur intérêt et nous
ont paru pouvoir s'encadrer dans cet article. Nous
avons d(i retrancher une partie tachée sur Tori-
{^inal ; néanmoins il reste assez de fond pour
aisser apercevoir Cbaillot vers iSuo.
ANNEXES 429
imn, pUuit «DOS une partie de la ras da ¥m- général de police, H. Lenoir. el, rénstil tompUU-
bonrg-Saini-HaïKiré, soiTiit tonte li ligne des ment, ûoie mois tprès, gr3ce initayioide cod-
bonlcTards jiuqn'Â la Butille, se dirisaiteD pla- duite. on iiuDgarait nue fontsioe publique i la
sienrabrauchesquisuiTaient la directioudes ru«a porte Saial-Hooort, pui« de tembldtlesroataincs
Turent établies k Cbaillot. au houle. ï l'entra de .
la chaussée d'Anlin, à la porte Saint-Denii, ainsi
lisation s'étendait jusqu'aux extrémités du Tau- qu'à l'eitrémilé de la rue du Temple.
bourg Saint- Antoine. Rn même temps, les Trères Périer faisaient éla-
I.e premier essai de la pompe i feu de Cbaillot blir dans tous les quartiers où passaient les prin-
eat lieu le 8 août 1781 , en présence da lieulenaot cipales conduites, des robinets spéeiaut t ioeca-
43o
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
die, dont le service était entièrement gratuit. Le
premier robinet de ce genre fut installé me de
Chaillot, près de Tégiise et des ateliers de cons-
truction des frères Périer,* qui se trouvaient placés
dans un large terrain entre la pompe à feu et
Tancien n^ 28 de la Grande-Rue de Chaillot. Seuls,
les commandants de postes de gardes- pompes
avaient les clefs de ces robinets spéciaux.
Lors de l'établissement de la pompe de Chail-
lot, bien des gens prétendirent que 1 eau soumise
aux procédés importés d*Angleterre, c'est-à-dire
introduite sous forme de vapeur dans les corps de
pompes, avait perdu ses qualités, sentait le fer,
le feu, etc. ; et il ne fallut rien moins qu'un rap-
port favorable de la Société royale de médecine,
signé Vicçi d'Azyr, pour rassurer les Parisiens et
les convaincre que rean de Seine, ainsi traitée,
n'avait ni acidité, ni saveur ferrugineuse, rien en
un mot de désagréable ou pouvant nuire à la santé.
Le microbe n'était pas encore inventé.
Les frères Périer ne furent pas récompensés
comme ils le méritaient, et voici ce que dit Du-
laureà ce propos : < En 1785 et 1786, les actions
€ de la nouvelle Compagoie des Eaux devinrent
« un objet de spéculation pour les agioteurs, et
« le sujet d'une discussion très vive où se signa-
< lèrent, au premier rang, deux célèbres anta|;o-
« nistes, Mirabeau et Beaumarchais (1). Cette vive
« polémique provenait de l'impuissance pour la
« Compagnie de remplir ses engagements envers
« ses actionnaires. La plupart d'entre eux, par
« une manœuvre d'agiotase, avaient fait passer
c dans le trésor royal, en échange d'autres valeurs,
c plus des quatre cinquièmes des actions, si bien
< qu'à la fin de 1788, le gouvernement se trouva
c seul propriétaire des pompes à feu et des éta-
« blissements qui en dépendaient. Aussi, depuis
c cette époque,les pompes à feu furent-elles admi-
€ nistrées comme propriété publique. »
Avant d'abandonner la pompe de Chaillot, il est
juste de oonsaiTer encore quelques lignes aux vail-
lants ingénieurs qui l'avaient fondée ainsi que
celle du Gros-Caillou, et avaient ainsi rendu un
immense service aux habitants de la capitale.
Les frères Périer ne se découragèrent pas ; en
1788, ils élevèrent des moulins à vapeur à l'Ile
des Cygnes, pour remplacer les moulins à eau
que la gelée empêchait de marcher. Sous la Con-
vention, ils transformèrent leurs ateliers de Chail-
lot en arsenaux et fabriquèrent ainsi 1 .300 pièces
de canon de tout calibre, ainsi qu'une infinité de
pierriers, d'affûts et de caissons.
Tant de zèle fut bien mal récompensé ; payés
d'abord en assignats, ils finirent par ne plus être
paires du tout. C'était la ruioe presque complète ;
mais, d'un courage et d'une persévérance à toute
épreuve, ils se livrèrent à d'autres travaux, qui,
grâce à des temps meilleurs, leur rapportèrent
enfin gloire et profit. En 1811, le rapporteur des
prix oécennaux disait, en parlant de l'usine de
Chaillot: c Cet .établissement est lepremli/ et
€ presque le seul en France où l'on puisse faire
< exécuter toutes sortes de machines : on y fa-
< brique la majeure partie des pompes û vapeur
'i) La spéculation dura de lu fin de 17SA au
3i juillet 1788.
€ répandues dans le royaume, une grande qnan-
€ titè de pompes de toutes espèces, des balanciers,
« des découpoirs, des cylindres à papier. Les
« frères Périer fondent en fer et en cuivre toutes
€ sortes de pièces C'est à eux qu'on a ordi-
« nairement recours pour la construction de ma-
< nèges, pour les assortiments de machines à
€ filer le coton... etc. » Jacques-Constantin Périer
devint membre de l'Institut (section de mécanique
à l'Académie des Sciences). Il ne jouit pas long-
temps du repos qu'il s'était promis après cin-
quante ans de travaux incessants : il mourut,
accablé d'infirmités, le 16 août 1818. Il était né
à Paris le 2 novembre 1742.
Au résumé, parmi les immenses services de
toutes sortes rendus par les frères Périer, leur
plus beau titre à la reconnaissance publique fut
encore l'installation de la pompe à feu de Chaillot,
qui dota Paris d'une quantité d'eau relativement con-
sidérable. Au mois d'août 1805, M. Marguerite
apporta une amélioration notable à la pompe à
feu, en faisant construire dans l'intérieur de la
grande cuve à ébullition des compartiments dimi-
nuant de plus d'un tiers la quantité de combus-
tible. D'autres modifications suivirent, et enfin, en
1851, les dispositions de cette pompe ne répon-
dant plus aux progrès de la science des machines,
furent entièrement chants : l'établissement fut
considérablement agrandi, notamment en 1866
et 1867, et de nouveaux réservoirs, remplaçant
les anciens, furent construits dans la rue Lauris-
ton, entre les rues Copernic et de Yillejust, avec
entrée au n® 15 de cette dernière rue.
Notons en terminant qu'ils ne reçoivent plus
guère l'eau de la pompe de Chaillot que coname
complément à celles qu'y amènent les machines
élevatoires d'Ivry,c'est-à-dire pendant les dialeurs
de l'été. Inutile de dire que ces eaux de Seine,
depuis les nombreuses adductions d'eau de source
dont on a doté Paris, sont généralement destinées
à l'arrosage et au nettoyage des rues et des mai-
sons.
LtopoLO Mar.
LE PALAIS DU ROI DE ROME
Au sortir du Cours-la-Reine, à l'entrée do
XVI° arrondissement, le promeneur rencontre
d'abord la Pompe à Feu construite en 1778 par
les frères Périer (1\, et, tout près, l'emplacement
de la maison qu'hanitait Mme de Pompadour pen-
dant la construction de l'Ecole Militaire. Sur les
pilastres de la grille d'entrée, au bout de l'avenue,
Sophie Arnould, quand elle y vint demeurer, avait
(1) Le bâtiment qui donne sur Tavenue du Tro-
cadcro porte In date de 1781.
On avait composé ces vers à propos de la Porape
à Feu :
Ici, vois par un sort nouveau
Le feu devenu porteur d'eau.
Cf. Chroniques et Légendes des rues de Paris
circa p. iG^3), Ed. Fournier. Deutu, 1864.
ANNEXES
43l
fait placer les bustes de Néron et d*A^rippine.
Mais, hélas ! de cette retraite d'ane délicieuse ar-
tiste, il ne reste plus qa'an cèdre, planté en 1788
et décapité par les orales (i).
Continuons. Nous voici devant le numéro 12 du
quai de Billy actuel. Au commencement du siècle,
Cadoudal s\ cachait dans un asile mystérieux,
démoli depu's. On y tramait les plus noirs com-
plots, et c'est de là que Georges voulait, avec ses
affidés, s*élancer un jour < saLre aux dents » sur
Bonaparte et son escorte, au moment ou le pre-
mier Consul passerait sur le quai désert en se ren-
dant à daint-Cloud (2).
Ne nous arrêtons pas à la Savonnerie, dont nous
savons Finléressante histoire (3) et arrivons à ce
coteau dont les destinées vont nous fixer un ins-
tant.
C'était, il y a deux cents ans, un désert aride
et sauvage, « escarpé et hérissé, enfer des carriers
et paradis des chèvres » (4), cju*encadraient deux
monastères ; à droite, du cOte de Chaillot, celui
de la Visitation-Sainte-Marie oU Mlle de la Ya)-
lière était venue pleurer son roi ; à gauche, à
renti*ée de Passy, le couvent des Bonshommes,
situé à mi-cdte, et dont les jardins, plantés de
beaux arbres, descendaient jusqu'à la Seine (5).
Derrière les Bonshommes, € la vue s'étendait
sur des champs et des vignes et sur deux mou-
lins. Le meunier y avait la vie facile et de Tair à
sa guise,
Et de quelque côlé que vtnt souffler le vent,
11 y tournait son aile et s'endormait content (6). >
Le site avait frappé Napoléon et, quelques
mois avant la naissance du roi de Rome, il avait
décidé d'élever sur ces hauteurs la demeure de
son héritier. Il rêvait d'un autre palais plus ex-
(i) D'après Lefeuvc, les Anciennes Maixons de
Paru (art. Quai de Billy), le jardinier qui l'avait
planté vivait encore en i85o.
(a) Voir les Mémoires de Constant, 1. 1, p. 3a3.
(3J V. la communication du comte de l'Eglise,
Bulletin de juin i8^, Cf. aussi dans les Archives
curieuses de r Histoire de France i" série, t. XV,
p. 265, le • mémoire concernant les pauvres qu'on
appelle enfermez », i6ia.
(4) A travers le Trocadéro, par M. L. Lanier. Pa-
ris, 1894.
(5) Retz, dans ses Mémoires (liv. I) raconte com-
ment Turenne et lui, au retour d'une fine partie à
Sainl-Cloud, dégainèrent en cet endroit contre des
diables qui flrent un plongeon dans la rivière ; ces
diables n'étaient autres que deux minimes occu-
pés ù prendre leur bain matinal {V. Bulletin, t. 1,
|>. 182). — V. aussi la Description historique de la
ville de Paris et de ses environs, 1, 5a, où Figaniol
de la Force rapporte c^ue les carriers de Passy
vendaient aux apothicaires, pour guérir les flèvres
intermittentes, les pyrites qu'on découvrait dans
la glaise (V. Bulletin, L I, p. ii4)> — A propos des
carrières, le poète La Mesnordière raconie {Poésies,
Paris, 1^6, m-fol.) une des plus plaisantes aven-
tures de Mme de Sablé, quand celle-ci, partie
pour Rueil avec l'intention uese venger de n avoir
pas été invitée, tenta d'aller surprendre Julie
d'Angennes qui, oprès sept ans de recherches, ve-
nait enfin d'épouser le duc de Montausier. Ce fut
la tremblante Mme de Sablé qui fut surprise... par
un orage et qui ne trouva d'autre moyen de se
préserver du tonnerre que d'aller se cacher, elle,
sa voiture et ses gens, dans les carrières de
Chaillot.
(6) L. I^nier, /or. vit.
traordinaire et plus magnifique que celui du grand
Roi. C'était toute une ville impériale, un Kremlin
qu'il voulait attacher aux tlancs de la montagne.
Pour ce maître du monde, il fallait autre chose
que Versailles, cette € ville bâtarde, que la Révcv-
lution, qui a tant détruit, aurait hien dû démolir. »
Je n'aurais pas aujourd'hui, disait-il, un tort de
Louis XIV sur les bras et à rendre supportable
un vieux château mal fait, — comme ils ont dit :
< un favori sans mérites ».
Percier et Fontaine, confidents de ses pensées,
ont raconté que, partout où il voyait un beau pay-
sage. Napoléon y plaçait en idée un lieu de repos
et de délassements pour rétablir sa santé déjà af-
faiblie et pour jouir en paix d'un calme bien ga-
gné. An premier moment, Napoléon voulait faire
du coteau de Passy un lieu de retraite, un petit
Sans-Saucij une maison de convalescent.
Dans ses projets, le roi de Rome aurait de-
meuré à Lyon au centre de l'Empire. Mais, bientôt,
le caprice impérial avait changé et le projet avait
pris corps.
Un arrêté ferma les carrières, et les fondations
furent commencées. £n6n, au mois de juin 1814,
Napoléon achetait, moyennant 59.000 francs, du
prince de Bénévent, une maison « à l'extrémité
de Passy, à la droite de l'entrée du bois de Bou-
logne ». C'était l'ancien pavillon de droite de l'an-
cien château de la Muette (1 ) dont l'Empereur vou-
lait faire la vénerie de son fils.
Les plans furent, en grande partie, l'œuvre de
l'Empereur. Il avait, en matière d'art, des idées
grandes. € On pourrait faire de Tarchîtecture,
disait-il, jusque dans la cabane d'un charbonnier.
Il y faut seulement l'unité, le bel arrangement et
la méthode ; c'est la condition du beau et de l'im-
posant. » — < n n'y a de beau que ce qui est
grand, disait-il une autre fois au Conseil d'Etat.
L'étendue et l'immensité peuvent faire oublier bien
des défauts (2). »
Il avait voulu qu'en dehors de Percier et de
Fontaine, ses deux collaborateurs désignés, l'Im-
pératrice eût elle-même voix au chapitre. L'en-
fant ne devait naître que dans trois mois ; déjà
Napoléon était assuré que ce serait un fils. Et
comme Marie-Louise répondait : € Je ne m'y con-
nais pas », l'Empereur lui disait : € Ne craignez
rien. Parlez. Us s'y connaissent encore moins que
vous. Votre opinion m'est nécessaire. Il s'agit
du palais oh logera votre fils. » L'Impératrice,
ajoutent les deux architectes, fit quelques obser-
vations judicieuses dont 00 tint compte.
Le site seul l'emportait déjà sur celui de Ver-
(1) Vente du 11 juin 1811 par Tallevrand, de-
meurant rue deVarenne.À l'Empereur, de 2 h. 64a.
achetas par Talleyrana d'Etienne-Antoinc Bar-
bier de Saint-Hilaire, chez M* Thion de la Chaume
notaire, a germin. an XII. — Acquis des époux
Martin et provenant du morcellement de la Muette.
— Renseignement dA n M. Frédéric Masson.
(a) Déjà, le i5 prairial 1796, de Vérone, le géné-
ral Bonaparte, dans une lettre au Directoire,
avait exprimé les mêmes pensées : • Je viens de
voir l'amphithéâtre. Ce reste du peuple romain
est digne de lui. Je n'ai pu m'empécher de me
trouver humilié de la mesquinerie de notre Champ
de Mars. Ici, cent mille spectateurs} sont assis et
entendraient facilement 1 orateur qui leur parle-
rait. »
434
HISTOIBE DU XVI* ARRONDISSEMENT
récole des ponts et chaussées, sctaellement ins-
tallés sur le terrain domanial dont il sera ci-après
parlé.
Elle prend en outre à sa charge:
i® L installation proTisoire des services dé-
placés, jusqu'à la reconstruction des bAtiments
qui leur sont destinés ;
Et 2® leur translation définitive dans ces nou-
veaux bâtiments.
Ces divers ouvrages et travaux seront exécutés
d'après les indications contenues dans les procès-
verbaux de conférences dressés le 20 novembre
courant, entre les services intéressés.
11 est stipulé :
i^ Quesur tous les points où ne serontpas élevés
des bâtiments en façade, ledit terrain R sera
fermé par une grille;
S"* Que les plantations et les constructions qui
pourraient être faites dans la portion de ce ter-
rain comprise entre le côté est de Tamphithéâtre,
et une ligne LM du plan, ne dépasseront pas la
hauteur tnaxima de douze fnètres, sauf une
tourelle de trois mètres de diamètre (i) ;
3^ Que la même hauteur ne pourra être excédée
par les constructions et plantations qui seraient
faites sur les terrains appartenant déjà à la Ville
de Paris ou qu'elle achètera ultérieurement, et
le quai Debilly, le côté est de Tamphithéâtre,
Tavenue d'Iéna et la ligne LM prolonffée' (N.-O.);
4^ Qu'il ne sera fait, tant sur la place que sur
l'amphithéâtre, aucun travail de construction et
de plantation de nature à gêner le champ visuel
nécessaire aux expériences de photométrie de
rétablissement des phares ;
b^ Que les matériaux de démolition provenant
des établissements existants et qui ne seraient
pas réemployés resteront la propriété du domaine.
2» Loi du iS mars 1869.
(Extrait.)
Article previer.
Est approuvée la convention passée le 6 dé-
cembre io66 entre le Ministre des finances, agis-
sant an nom de TjiiUt, et le Préfet de la Seine,
agissant au nom de la Ville de Paris, ladite con-
vention annexée à la présente loi, et portant:
4' Allocation à la Ville de Paris d'une subven-
tion de trois millions de francs pour la création de
la place du Trocadéro et dépendances ;
2° Cession réciproque de terrains sis à Paris,
an lien dit le Trocadéro ;
3° Engagement par la Ville de Paris de renon-
cer à rappel formé par elle contre un jugement
du Tribunal de la Seine, en date du 46 août 4865.
(l) Servitude de hauteur qui o été abandonnée
par l'Etal et la Ville de Paris. {Voir la lettre du
Minmlre de» Travaux publics, en date du 22 marn
i8«3 et l'arrêté préfectoral^ en date du i4 jum 1 883.)
5*» Lettre du Ministre des Travaux nublics
au Prélet de la Seine, du 9t mars i883.
Paris, le 23 mars i883.
Monsieur le Préfet,
Vous m'avez fait part, le 29 janvier dernier,
de votre intention d'appeler le Conseil municipal
à délibérer sur la Question de savoir s*iln*y a pas
lieu de renoncer à la servitude dont a été fra|>pée
une bande de terrain longeant la place du Tro-
<»déro, par suite du traité passé en 4866 entre la
Ville de Paris et TEUt, servitude qui consiste à
interdire des constructions de plus de douze
mètres de hauteur, sauf une tourelle de 3 mètres
de diamètre.
Vous m*avez demandé de faire examiner au
préalable cette question en ce qui concerne les
terrains appartenant à VtMi et occupés par le
service des phares et balises.
Vous pensez. Monsieur le Préfet, quecettesea*vi-
tude est devenue inutile depuis les modifications
apportées à la nature même des lieux par Fédifi-
cation du palais du Trocadéro.
Cette servitude, à laquelle FEtat avait dû se
soumettre lors de la construction du dépôt des
phares, avait pour but de conserver pour les pro-
meneurs de Tamphithéàtre la perspective de la
vallée de la Seine du côté de Paris ; elle n'a point
été éublie dans Tintérèt du services des phares.
L'horizon visuel nécessaire aux expériences de ce
service comprend principalement le plateau de
Chàtillon et accessoirement les hauteurs entre
Fleury et Clamart ou le sommet des Hantes-
Bruyères, près de ViUejuif.
iSdi horizon se trouve tout entier dans Tangle
oui correspond à la promenade du Trocadéro,
d'une part, et se termine de l'autre avant le côté
de la promenade où se trouve la zone de terrain
frappée de servitude, de sorte que la suppression
de cette servitude ne peut en rien nuire aux inté-
rêts du service des phares.
Il est d'ailleurs incontestable que cette suppres-
sion ne pourra qu'accroître la valeur du terrain
sur lequel est installé le dépôt des phares.
Quant à la conservation de l'horizon visuel i
ménager pour le service des phares, elle est assu-
rée par une autre clause du même traité ainsi
conçue :
« Il ne sera fait, tant sur la place ({ne sar
l'amphithéâtre, aucun travail de constructions ni
de planutions de nature à ffèner le champ visuel
nécessaire aux expérieices de photométrie. »
J'ai l'honneur de vous informer, Monsieur le
Préfet, qu'après avoir consulté sur cette question
le Conseil général des PonU et Chaussées, j'ai
reconnu que l'fitat, an point de vue du service
central des phares, n'a aucun intérêt au maintien
de la servitude établie par le traité de 4866 sur
les terrains qui bordent, atit nord-est, la prome-
nade du Trocadéro.
Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma
considération la plus distinguée.
Le Minintre des Traoaux publics.
Pour le Ministre et par autorisation :
Le Conseiller d'Etal,
Directeur des Ponts, delà Navigation el des Mines,
Signé: Leblanc.
ANNEXES
435
-!• Arrêté préfectoral du i4 juin i883,
LE PRÉFET DE LA SEINE.
Siégeant en Conseil de préfecture, od étaient
pitsents MM. Aubin, fielin, Louis Fabre, et Ma-
ruéjouls, conseillers ;
Vu la délibération, en date du 21 mai i883,
Ï^ar laquelle le Conseil municipal a autorisé
'abandon par la Ville de Paris de la servitude,
oui, aux termes de la convention passée entre
1 Etat et la Ville de Paris relatiyement à la place
du Trocadéro, interdit d*élever des constructions
de plus de douze mètres de hauteur sur une zone
de terrains situés au nord- est de la place et limi-
tée au plan par une lisne L, M, N, 0 ;
Vu la lettre, en date du 22 mars 4883, par
laquelle M. le Ministre des Travaux publics,
après avoir pris Tavis du Conseil général des
Ponts et Chaussées, déclare que TEtat n*a aucun
intérêt au maintien de ladite servitude ;
Vu le plan ;
Vu le décret du 26 mars 4852 sur la dé-
centralisation administrative, tableau A, n<* 44 ;
Vu les lois sur les Conseils municipaux en date
des 48 juillet 4 837 et 24 juillet 4867, article 47 ;
Le Conseil de préfecture entendu.
Arrête :
La délibération susvisée du Conseil municipal
est approuvée.
En conséquence, la Ville de Paris est autorisée à
renoncer à la servitude qui, aux termes delà con-
vention passée le 6 décembre 4866 entre TEtat et
la Ville de Paris, relativement à la place du Tro-
cadéro, interdit d'élever des constructions de plus
de 12 mètres de hauteur sur une zone de terrains
situés au nord-est de ladite place, et limitée au
plan par une ligne L, M, N, 0.
Fait à Paris, le 44 juin 4883.
Signé: Oustrt.
AVENUE DU TROCADÉRO
Convention du 27 octobre i868 passée
entre VÉtat et la Ville de Paris,
(Extrait.)
Le samedi 27 octobre 4868, devant nous,
Alfred-Pierre Blanche, commandeur de l'ordre
impérial de la Lésion d*honneur, conseiller d'Etat,
secrétaire général de la Préfecture de la Seine,
substituant, pendant son congé, M. Georf^es-Ëugène
baron Haussmann, sénateur, grand-croix du même
ordre, préfet dudit département ;
Agissant comme en l'acte administratif du
2 octobre 4866, qui précède :
En conséquence, comme alors aussi, de M. le
commandant do génie Servet, y dénommé {
Et pour, en donnant suite à cet acte, auquel il
en est, au surplus, référé, compléter la cession
qu'il renferme et ainsi réaliser définitivement les
conventions antérieurement conclues entre les
parties ;
A, par ces présentes, au nom de la Ville de
Paris et en vertu des, mêmes pouvoirs,
Vendu et cédé à l'État, ce qui est accepté, pour
lui et en son nom, par le magistrat ci-dessus qua-
lifié et toujours en conformité des décisions de S.
Exe. le ministre de la guerre, des 25 août 4865«t
48 septembre 4866, et spécialement d'une troi-
sième décision rendue^le 7 août dernier:
Une zone de terrain situé à Paris, rue de la
Manutention, ci-devant Basse-Saint-Pierre-de-Chail-
lot (XVI" arrondissement, partie des Bassins), te-
nant du nord à l'avenue du Trocadàro, du midi, à la
Manutention des vivres militaires, appartenant à
l'Etat, de l'est, à un terrain récemment acquis de
la Ville de Paris par la Société Leteissier, Oelau-
nay et C**, et de 1 ouest, à la rue susdénommée;
Ce terrain, oui affecte la forme d'un trapèze
allonsé, dont 1 un des cdtés (à l'est) se termine,
toutefois, par une ligne oblique légèrement brisée,
ce qui, en réalité, en fait un pentagone, a une
largeur de dix mètres et mesure une superficie
de mille quatre-vingt-onze mètres seize centi-
mètres.
Il se compose de deux parcelles d'origine dif-
férente, comme on le verra plus loin, mais qui n'en
constituent pas moins un tout homogène.
L'une des parcelles, figurée avec une couleur
verte et cotée B, au plan du 48 avril 4865, an-
nexé au contrat du 2 octobre 4866 précité, con-
tient une superficie de cent soixante-quatorze
mètres trente-six centimètres,
ci 474m. 36
L'autre, teintée en violet et cotée C
au même plan, a une contenance
de neuf cent seize mètres quatre-
vingt centimètres , . . . . 946 m. 80
Total parbil : mille quatre-vingt-
onze mètres seize centimètres, ci, 1.094 m. 46
CLAUSES ET CONDITIONS
§ 4«''. — Mur de soutènement.
Il est d'abord expliqué, à l'aide d'une figure
établie par M. Alphand, ingénieur en chef des
Pont et Chaussées, directeur de la voie publique
et des promenades de la Ville de Paris, et du
projet ae l'avenue du Trocadéro, que la zone de
terrain présentement vendue se trouve en contre-
bas de l'avenue du Trocadéro, dont le sol est
maintenu, comme l'indique le profil en long tracé
sur ladite figure, par un mur de soutènement avec
arcades, lequel, construit par la Ville et à ses
frais, sera entretenu par elle aussi à perpétuité,
et formera, de ce côte, la clôture dudit terraiui
L'état devra souffrir l'existence d'un mur, de
436
HISTOIRE DU XVl^ ARRONDISSEMENT
ses pieds-droits saillants et des voûtes de sup-
port des plates-bandes de flears qui occupent en
totalité une zone de trois mètres sur le terrain,
ainsi que le démontre également le profil en tra-
Vers pareillement ci-annexé, dressé par le même
ingénieur.
Il devra aussi permettre, sans indemnité, toutes
les fois qu'il s'agira de réparations, l'entrée des
ouvriers qui en seront chargés, l'établissement des
échafaudages et l'approche des matériaux néces-
saires à ces travaux.
§ 2. — Servitude non aedificandl.
Article premier.
L'Etat ne pourra élever, sur la zone et dans
toute son étendue, aucunes constructions ni clô-
tures autres que des grilles de division, en tout
semblables à celles imposées pour les façades qui
sont au niveau de l'avenue.
Toutefois, la naissance des voûtes du mui
soutènement se trouvant sur le point dont il s'agit,
c'est-à-dire le long du terrain ci-dessus vendu,
à plus de 3 mètres au-dessus du sol, le mur ac-
tuellement construit entre la Manutention et le
terrain de la Société Leteissier, Delaunay et O^,
lequel n'excède pas, d'ailleurs, la hauteur de
3 mètres, maximum fixé par l'administration
municipale et regardé par celle-ci comme suffisant,
sauf, bien entendu, à l'Etat et au propriétaire
toisin de le remplacer, si bon leur semble, par
une grille de la condition prescrite.
Art. 2.
Le terrain dont il s'agit devra être exclusive-
ment occupé par un parterre d'agrément ou par
une cour sablée.
Art. 3i
En tous cas, le niveau actuel du sol ne pourra
être modifié, et il ne devra être fait le long au mur
de soutènement aucune plantation de nature à le
détériorer.
AU TROCADÉRO
31 AOÛT 1826
Dans un livre de luxe, très documenté, de MM.
Ernest Maiodron et Camille Viré, intitulé : Le
Champ de Mars, et publié en 1889 par L. Danel,
à Lille, nous trouvons un chapitre qui nous ex-
plique clairement l'origine du nom donné à l'une
de nos plus agréables promenades... nous voulons
{»arler au Trocadéro. Nous publions intégralement
a partie qui nous concerne, avec l'autorisation de
l'éditeur.
< Lorsque, après la prise du Trocadéro, le duc
d'Angouléme rentra en France, il n']^ fut point
accueilli comme il méritait de l'être, il semblait
qu'on le rendit brutalement responsable des agis-
sements du fournisseur concussionnaire Onvrard,
dont la scandaleuse fortune, outrageusement aug-
mentée par l'expédition de 1823, fixait depuis
longtemps l'attention des esprits les moins pré-
venus
< En 1826, Charles X pensa qu'il était équita-
ble de revenir sur cette impression aussi mauvaise
qu'elle était irréfléchie. Il choisit le troisième an-
niversaire de la prise du Trocadéro pour donner
une fête militaire, dont la pose de la première
pierre d'une caserne devint la raison apparente.
La fête, fixée à huit heures du soir, devait rap-
peler dans ses grandes lianes le combat du 31 août
1823.
K La caserne au'il s'agissait de construire, de-
vait occuper les hauteurs deChaillotqui, i partir
de ce jour, prirent le nom du Trocadéro.
€ Sur l'emplacement de la future caserne, on
avait élevé un arc de triomphe, à la frise duquel
on lisait :
AU prince généralissime^
« Et plus bas :
Son nom, ses vertus et sa gloire
Sont à jamais inscrits au Temple de Mémoire.
< Quatre bas-reliefs décoraient les faces de Tare
et représentaient :
« Le prince récompensant la bravoure d'nu
soldat sous le feu de la place Saint-Sébastien ;
«Le prince refusant les honneurs qu'on lui avait
préparés à Burgos ;
€ Le prince donnant l'exemple de la valeur
et du sang-froid à la batterie de Santi-Pe-
tri;
« Le prince recevant le roi et la reine d'Espa -
gne à Sainte-Marie.
< Cinq figures : Madrid, Barcelone, Valence, la
Corogne et Cadix, ornaient cinq niches ménagées
dan^ l'attique.
« Deux trophées et un quadrige portant la France
entre deux Renommées, couronnaient le monu-
ment.
€ Entre l'arc de triomphe et le palier supérieur
des rampes de Chaillot, douze colonnes militaires
chargées de drapeaux et d'armes, rappelaient les
actions principales de la campagne de 1823. Qua-
tre grands trophées limitaient une voie triomphale.
Des pots à feu, des trépidis et des girandoles
éclairaient cette voie.
€ Sur un tertre à droite de la position, on avait
disposé, pour le dauphin et la dauphine (1), une
tente, celle-là même qui avait servi au prince pen-
dant la campagne. Quatre autres tentes avaient été
dressées à droite et à gauche pour les ministres,
le corps diplomatique, les principaux fonction-
naires et les officiers généraux présents à Paris.
Une enceinte réservée, à l'extrémité septentrionale
du Champ de Mars, contenait 2.000 invités, 2.000
hommes pris dans les régiments de la garnison et
500 invalides.
(i) Le comte de Charobord et sa sœur.
ANNEXES
437
€ Le daaphÎD et la danpbine arriyèrent à hait
heures et demie. Le mÎDistre de la guerre les re-
çut et les accompagna jusqu^à la tente du duc
d*Angouléme.
« C'est alors que dix bataillons de la garde
royale, commandés par le maréchal de camp de
Samt-Hilaire, se formèrent sur la rive gauche de
la Seine, à droite et à gauche du pont d'Iéna, et
commencèrent un feu de mousoneterie. Des pièces
d'artillerie les soutenaient. D'autres bataillons
postés sur la rive droite et représentant les Espa-
gnols répondirent à ce feu. Au bout d'un quart
d'heure, les bataillons de 4a rire gauche se for-
mèrent en colonne d'attaque, traversèrent le pont
et refoulèrent les Espagnols, qui se replièrent sur les
rampes deChaillot. Les rampes attaquées à leur tour
etenlevées, les Taincus se reformèrent en arrière de
la position. Cette petite guerre terminée, le dau-
phm et la dauphine se rendirent à l'arc de triomphe
et posèrent la première pierre de la caserne. Des
salves générales d'artillerie et de mousqueterie ter-
minèrent cette fôte militaire, dont le Moniteur ût
un pompeui récit. »
Les journaux de l'opposition, le Courrier fran-
çais et le Constitutionnel, entre autres, furent
beaucoup moins enthousiastes que le journal oflB-
ciel ; suivant eux, la fôte avait été mesquine, in-
complète ; heureusement, disent-ils, qu'on sa-
vait par le programme que tout cela repré^
sentait V attaque du Trocadéro et la pose (f une
première pierre. Quand les fusées ont cessé
de briller dans Voir, on a présumé que le fort
était pris et la pierre posée, et les spectateurs
ont repris paisiblement le chemin de leur
domicile,
L. M.
L'APOTHÉOSE DE LAMARTINE
( Vers prononcée, le 7 iaillel i886, à Imauguraiion
de la statue de Lamartine, à Passy.)
Ils disaient : « Son prestige croule
El fuit comme Teau du torrenl ;
Déjà l'insouciante foule
Ne sait plus même s'il fut grand.
Les durs poètes de l'épêe
Font encore à coups cTôpopèe
Tressaillir le vieux genre humain ;
Mais lui, le chantre de la chute,
N'a pas môme un joueur de flrtle
Pour l'escorter par le chemin ! »
Et voici que ton front se lève,
Calme, pensif et glorieux,
Dans la sérénité du rêve.
Devant la majesté des cieux,
Devant les choses éternelles.
Devant le battement des ailes
Eparses dans les rameaux veiis.
Devant la nature infinie
gui fut l'Ame de ton génie,
a musique de tes grands vers !
Et pourquoi ces passants d'une heure
Pensaient-ils, en leur vanité.
Que le temps, le temps qui t'effleure
Sapait ton Immortalité ?
Supposaient-ils que les prophètes
N'ont plus droit aux rumeurs des fêtes,
Aux lauriers cueillis autrefois.
Parce qu'un jour, dans notre histoire.
On les a chassés du prétoire
Avec iin roseau dans les doigts ?
Depuis quand Tiniure qui tombe.
Depuis auand l'outrage qui ment
Pèsent- ifs assez sur la tombe
Pour la clore éternellement?
Depuis quand le mépris stupide,
La haine basse au crâne vioe,
S'épuisant en lâches efforts,
Empêchent-ils dans l'ossuaire
Les plis tragiques du suaire
De s écarter au front des morts !
Est-ce que l'effort du brin d'herbe
Qui frissonne dans notre orgueil
Interdit aux prêtres du Verbe,
Mal cloués dans le froid cercueil,
De pousser du coude la pierre.
De remettre dans leur paupière
La pure extase du révei*.
De tuer l'oubli qui les tue.
Et de se redresser statue
Dans l'éternité du soleil ?
Eh quoi ! la foule aurait pu croire.
Elle qui par toi triomphait,
'>ue la gloire n'est pas la gloire,
|uand cest un livre qui la fait ;
{ue les œuvres les plus divines
!'ombent tôt ou tara en ruines
Comme l'autel des Ormensuls,
Et qu'en nos temps où rien ne dure
L'immortalité se mesure
A la tunique des consuls !
Ce qui te vaut l'apothéose.
Au nom' des bons et des petits.
Ce n'est point ta harangue éclosc
Sous le souffle ardent des partis ;
Et pourtant ta phrase superbe
Etait comme une grande gerbe
De fleurs et d'épis dans tes mains,
?uand, le front lourd de rêverie,
u la rendais à la patrie
Avec des gestes surhumains.
Non, non, ce q^ii t'immortalise,
Ce qui te sacre pour toujours.
C'est d'avoir chanté quand la brise
Chantait aussi dans les bois sourds ;
C'est d'avoir, aux pieds d'une femme,
Laissé le rêve de ton âme
Fondre en harmonieux sanglots,
Pendant que la rame alourdie
Attisait le vague incendie
Des étoiles au bout des flots !
C'est d'avoir sondé le mystère
Et tressailli comme Ariêl
Devant les filles de la Terre
8ui tentaient les Anges du Ciel !
'est d'avoir pris dans ta corbeille,
Pour nous et pour notre Mireille,
Un petit bouquet rose et vert,
Aumône tout ensoleillée
Oue la Provence émerveillée
Porte à son corsage entrouvert.
C'est à travers la vie amère,
8uand tu tremblais comme un roseau,
e t'être tourné vers ta mère
Comme aux premiers jours du berceau ;
C'est d'avoir, comme aux temps bibliques.
Répandu tes pitiés lyriques,
Sur le pauvre et sur l'orphelin ;
C'est d'avoir au cœur de Laurence
Fait cicatriser la souffrance
Par le pardon de Jocelyn !
C'est ta large strophe inondée
Du fluide énorme des mots.
Où les hauts cèdres de Judée
Penchent l'ombre de leurs rameaux.
438
IIISTOIRK nu XVI" ARnONDlSSEMKNT
Où, comme uq ffooflement de houle,
La période se déroule
Dans de l'azur, ol dans de l'or,
Et qui, sans colère et sans haine.
Fait souligner l'histoire humaine
Par les éclairs du mont Thabor !
Non ! non ! ce qui fait qu'on t'admire*
C'est l'abandon mélodieux
De ton front dans les mains d'Elvire
Buvant les larmes de tes yeux !
Ce qui t'impose à notre culte,
C'est ton fier dédain pour l'insulte
Des impuissants et des jaloux !
Ce qui fait que ton nom demeure,
C'est ton vers qui médite et pleure,
Avec la prière aux genoux.
Or, maintenant, 6 doux génie!
Mort vivant entre les vivants !
Recueille-toi dans l'harmonie
Des Rameaux, des nids et des vents;
Et l'âme à demi réveillée
Incline-toi sous la fouillée,
Avec le geste d'écouter
Le rossignol et la fauvette
Qui, frères ailés du poète.
Ne chantent qu'afln de chanter.
Nous, les autres fils de la Lyre,
Noua te lirons avec amour.
Tant qu'on verra des flammes luire
Au sommet de la grande tour,
Tant que la brise de Sorrente
Bercera la gondole errante
Sur les vastes flots querelleurs ;
Tant que tu charmeras les âmes ;
Tant que la terre aura des femmes.
Tant que les champs auront des fleurs.
Et par-dessus l'horreur du gouffre
Dans la paix du soleil levant,
Hugo çiui voit, Musset qui souffre,
Toi qui contemples, en rêvant.
Nous vous bénirons dans nos œuvres ;
Et trois fois malheur aux couleuvres !
Trois fois malheur aux envieux.
Qui baveraient sur votre gloire !
Car vous êtes dans notre nistoire
La trinité des demi-dieux I
Clovis Hugues.
LE PUITS ARTÉSIEN DE PASSY
L^étranger qui passe an »qaare Lamarlioe, situé
entre Tavenne Henri-Martin et Tavenae Victor-
Hago, à l'extrémité de la rue Spontini, est loin de
se douter qu*au milien de ce sqnare se cache trop
modestement, dans une touffe de verdure de forme
octogonale, le fameux puits artésien de Passy dont
le forage fut décidé lors de la transformation du
bois de Boulogne. Il était d'abord destiné à fournir
des eaux pour Tarrosement des parties hautes de
ce bois et à suppléer an service d*eau de Seine
dans ((uelques arrondissements de la rive droite
de Pans. Il alimenta ensuite en grande partie le
lac inférieur.
Mais n'anticipons pas, et résumons les articles
très documentés qu'a publiés le Magasin pitto^
resque en 4862 sur la création de ce puits, ren-
voyant au précieux recueil lui-même les lecteurs
arides de plus de détails techniques (i).
L'idée de transformer le bois de Boulogne en
jardin anglais conduisit à y créer des lacs et des,
ruisseaux. Un ingèoienr saxon, M. Kind, déjà
connu par des sondages qu'il aTsit exécutés au
Creosot, promit à cette occasion de faire jaillir
dans la plaine de Passj (2) une fontaine artésienne:
qui donnerait à elle seule douxe fois plus d'eau
que le puits de Grenelle. U offrit de faire le travail
à forfait en une année, moyennant 350.000 fr.,
et le préfet de la Seine sic la le traité proposé
5ar n . Kind. Les travaux furent commencés à la
n du mois de septembre 4855. On eut bientAt
construit une espèce d'édifice en planches (voir
notre dessin) qui pendant longtemps attira des
milliers de visiteurs. La cheminée longue et étroite
qui s'élève à côté de la grande tour eo bois, appar*
tenait à la machine à vapeur de cette usine tem-
poraire et était destinée i mouvoir les gigantesques
outils de perforation. Si rien n*avait dérangé les
opérations, on en fût venu à bout pendant la pé-
riode que M. Kind avait fixée; mais on rencontra
des obstacles imprévus.
Le 34 mars 4857, le forage était déjà parvenu
à la profondeur de 5S8 mètres, l'arrivée de Teau
était imminente, on pouvait prévoir qu'elle jailli-
rait au bout de quinze ou vingt jours, lorsque
tout à coup le tube en tôle qui retenait les argiles
fut écrasé à 30 mètres an-dessous du sol. U s'en-
suivit un retard de près de trois ans et une aug-
mentation du triple dans les dépenses. Tous les
calculs se trouvaient bouleversés par ce sinistre.
M. Kind était dorénavant hors d'état de remplir
les conditions de son marché ; l'administration
municipale le résilia et prit à sa charge la conti-
nuation des travaux, qui furent mis en régie.
M. Kind resta, comme par le passé, charsé de la
direction du sondage, mais il dut s'entendre avec
la commission de surveillance, qui devenait en
quelque sorte responsable de la réussite de l'opé-
ration.
Enfin, après bien des travaux, longs, pénibles
et même dangereux, on arriva à une profondeur
de 587 mètres et l'on trouva la nappe aquifere,
qui jaillit à la surface du sol le 24 septembre 4864
à midi. U a fallu six ans d'un travail continu. Le
volume d'eau quotidien atteignit, au premier coup
de sonde, 45.000 mètres cubes; il s'éleva bientôt
jusqu'à 25.000 et ne redescendit pas au-dessous
de 47.000 tant qu'on laissa couler l'eau au niveau
du sol. Il est actuellement — la force ascension-
nelle ayant été réduite — d'enriron 40.000 mètres
cubes par jour.
Jusqu'au jour où la nappe d'eau jaillit du. puits
de Passy, le puits artésii>n de Grenelle donnait
630 mètres cubes, ce qui était son débit normal;
mais vingt-quatre heures après il ne donnait plus
que 560 mètres, et, après avoir diminué successi-
vement, il tomba à 460 et même à 430 mètres.
(i) Jouve et C'*, éditeurs, rue Palatine, n* 5, à
Paris (ancienne maison Fume).
(a) A cette époque, tout le joli quartier qui
avoisine le puits faisait partie de ce qu'on ap-
pelait alors à juste titre fa plaine, c'est-a-dire un
grand espace plat et sans constructions rap-
prochées.
439
M qoi Bt Tmr qae lei ntppM de Patty et d« fire- du paits ie Grenelle a uDsibleiVMt Bogmcnli
f^lf^f
Construction ti élevées pour le forage du puits artésien de Passy (cOté est)
[Dessin in«dlt de M. L. Hsr.)
nelle o'ttaieot pis indtpeDdiDles l'nae de l'antre, quand on n dimiané celai de Piaij en réduisant
Aimi deroQs-Dous remanjaer que le rendemepl artificieUeioeat la Torce agceosiooiwUe du jel, ^oi
44o
HISTOIRE DU J^Vl^ ABftONDISSEMBNT
coulait alors ayec la même vitesse qoe si le plan
de déversement eût été élevé à 78 mètres au-dessus
du niveau de la mer.
I^ tableau suivant des couches traversées don-
nera aux géologues de notre Société une idée
exacte de la constitution du terrain de Passy.
Épaisseur
de chaque
couche
TERRAINS TRAVERSES
VKTRES
0,80
3.20
i4,65
i,35
5,99
3.20
1,81
16,14
2,53
3,12
5,94
263,30
22.89
17,29
4.23
20,58
56,23
33.80
10,99
14.96
20.73
42.33
11,00
2,60
6.90
Terrain végétal.
Marne mélangée de parties calcaires, et
sable jaune.
Roche calcaire coquilleuse.
Sable et coquilles.
Sable pur.
Argile bleue avec lignite.
Argile grise.
Argile rouge panachée.
Argile jaune panachée.
Argile grise mélangée de calcaire.
Galets calcaires.
Craie blanche de Meudon, mélangée de
silex.
Craie gris clair, pure.
Craie blanche avec silex.
Craie gris clair pure, très compacte.
Marne blanche et silex.
Marne blanche pure.
Marne grise pure, très plastique.
Craie claire dure.
Marne ar|[ileuse verte, foncée.
Marne gnse avec pyrite.
Marne grise avec aébris fossiles.
Marne très noirâtre.
Première couche aquifère, non jaillissante.
Marne noirâtre. Commencement de la
seconde couche a(|uifère, jaillissante.
Couche aquifère jaiUissante.
On trouvera une coïncidence des plus remar-
quables et des pins instructives, si on compare ce
tableau à Téchelle des terrains traversés à Gre-
nelle. La ressemblance est telle que M. Elie de
Beaumont avait pu prévoir Tarrivée de Teau à
quelques heures près. Le même rapport se retrouve
dans la composition des eaux provenant des deux
puits. La température de celles du puits de Passy
est de 28 degrés centigrades été comme hiver ; il
s'en exale une odeur très appréciable d'hydro-
gène sulfuré qui existe aussi à Grenelle, quoi-
qu'elle y soit bien moins sensible, ce qui tient
uniquement à la différence des volumes et non à
celle des compositions chimiques. L'eau du puits
artésien de Passy renferme moins de sels calcaires
que les bonnes eaux; mais après les avoir aérées
et refroidies, on peut les employer comme boisson,
faute de mieux. On avait projeté d'établir le tube
ascensionnel et le réservoir dans une tour en fonte
à claire voie, remarquable par sa légèreté et ses
dispositions, mais on jugea la chose inutile et Ton
y renonça.
L. Mar.
RÉCLAMES AU SUJET DE LA FÊTE
DE LA FÉDÉRATION
Voici deux réclames insérées dans le Journal
de Paris j numéros du 4 et du 11 juillet 1790,
c'est-à-dire quelques jours avant la grande fête de
la Fédération.
c Maison de campagne à Chaillot. rue des Ba-
tailles, n^ 6, ayant vue sur toute l'étendue du
Champ de Mars. Les billets d'abonnement pour
les trois jours de la Fédération seront d'un louis
par personne. S'adresser chez Mme Duroselle,
rue du Mail, n<* 8, au premier.
« Il y aura concert pendant les trois jours. »
AVIS
PLACES POUR LÀ FÉDÉRATION
Il n'existe pas, dans tous les environs du Champ
de Mars, une situation plus heureuse, plus tran-
Juille, ni plus avantageuse pour voir Tensemble
e l'auguste Cérémonie qui se prépare, que celle
que l'on offre en ce jour au Public. Un enclos
élevé dans la forme d'une tnrrasse, qui se trouve
en face du nouveau pont de bois que l'on cons-
truit, et qui domine sur tout le Champ de Mars,
est cet emplacement agréable que l'on destine aux
Curieux.
Il y aura des places où l'on sera commodément
assis, à 6 et à 3 livres par personne. Il y en aura
d'autres à 12 sols pour ceux qui voudront rester
debout. Cet enclos est adjacent à la barrière de
Passy. On peut y arriver par la grande rue de
Chaillot ; par la barrière de la Conférence, en tra-
versant la cour de la Pompe à feu ; par les rues
qui aboutissent sur le quai de la Conférence; enfin
par la montagne des Bons-Hommes à Passy, au
naut de laquelle on prendra adroite la rueNeuve-
des-Minimes oui conduit à la barrière de Passy.
On peut s assurer des Places à l'avance en
s'adressant sur les lieux, et à Paris rue Bourg-
l'Abbé, vis-à-vis la rue du Grand-Hurleur.
Il y a aussi à louer un très grand terrain nropre
à fournir des salles pour Restaurateurs et Limo-
nadiers. On peut s'adresser comme ci-dessus.
DISCOURS PRONONCÉ LE 4 JUIN 1901
aux Obsèques de M. Eugène Manuel
PAR M. AUGUSTE DOmOL
VICE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE D'aCTKDIL
ET DE PASSY
C'est avec une profonde douleur que je viens
dire un dernier adieu, sur celte terre, à Eugène
ANNEXES
44 i
Manoel, le cher et vénéré Président de notre So-
ciété historique d*Auteuil et de Passy.
U y a déjà longtemps qne j'ai commencé à le
connaître et à Taimer, car j*ai été pendant pla-
sieurs années son condisciple à la pension Jauffret
(collège Charlemagne), qu'il a <|uittée en 1843
pour entrer à FÉcole normale, digne début dans
rUniyersité de sa carrière qui devait être si bril*
Itnte.
Les orateurs qui m'ont précédé vous ont rap-
pelé les éclatants services qu'il a rendus à l'Uni-
versité de France, à la littérature, à Tart drama-
tique et à la poésie, qui lui doit tant d'œuvres
exquises, animées du souflle patriotique, de l'affec-
tion pour les humbles, d'un ardent amour pour
rhumanité et de l'esprit de famille.
Il a consacré une bonne partie de ses dernières
années à notre Société historique, qu'il dirigeait
avec autorité, prudence et douceur, avec un grand
esprit de conciliation et un tact parlait, sachant
la maintenir toujours en dehors des préoccupations
politiques. C'est à lui qu'elle doit de s'être aug*
mentée d'un grand nombre de membres et d'avoir
largement prospéré sous sa glorieuse présidence.
Nous avions tous pour lui une telle estime et une
telle déférence que ses conseils étaient toujours
écoutés. C'est qu ils étaient marqués au coin de la
sagesse et de la modération — cette qualité des
sages.
Voyant sa santé décliner, Eugène Manuel ma-
nifesta à plusieurs reprises l'intention de quitter
la présidence de notre Société. Nos vives instances
l'ont retenu, jusqu'à la fin de sa vie, à notre tète.
Nous espérions le conserver lon^mps; la mort,
qui ne compte pas avec les espoirs des hommes,
vient de nous l'enlever; c'est pour nous une perte
rrép arable !
ABORDS DU RANELAGH
AVENUES PRUDHON, RAPHAËL ET INGRES
Contrat de vente des terrains des Avenues
Prudiwn, Raphaël et Ingres.
(Extrait.)
ART. 5.
CONDITIONS SPÉCIALES
i"*. Droit d'issues et de jours^ chaussée,
égout, écoulement des eaux, trottoirs et
éclairage.
Le terrain présentement mis en vente aura, sur
les boulevards dé la Muette (i ) et du Ranelagfa (S)
les mêmes droits de jour et d'issue que sur la
route départementale n'* 2 (3). Quant à la route
stratégique (4), il se conformera, pour les jours
et issues à y prendre, aux lois et règlements sur
la matière. Ledit adjudicataire supportera, au
droit de sa façade, les frais de mise en état de
viabilité des chaussées et, de plus, s'il y a lieu, les
frais de pose des trottoirs ainsi que ceux de pre-
mier établissement d'égout et d'appareils d'éclai-
rage. Il devra pourvoir à l'absorption des eaux
pluviales et ménagères sur son propre terrain, de
manière qu'il n'en coule aucune sur les voies pu-
bliques jusqu'à l'établissement d'égouts Dublics,
au droit des constructions qui seront édinées sur
le terrrain dont il s'agit.
§ 2. Zone de servitudes et de clôtures.
Aucune construction ne pourra jamais être
élevée sur le terrain mis en vente dans une zone
de dix mètres en arrière de l'alignement des
bonlevards de la Muette (i) et du Ranelaeh (2) et
de la route départementale n° S (3) et dans une
zone de cinq mètres en arrière de l'alignement
de la route stratégique (4). Cette zone devra être
cultivée en parterres d'agi^ment qui ne pourront,
dans aucun cas et sous aucun prétexte, devenir
des lieux de réunions publiques. Ledit terrain
devra être clos, à perpétuité et aux frais de l'ad-
judicataire, dans le délai d'un an à compter du
jour ob il aura la jouissance de la totalité dudit
terrain, par une grille en fer, sur socle en pierre
dans toute l'étendue de ses façades sur les boule-
vards de la Muette (i) et du Raneiagh (2) la
route départementale n® 2 (3) et la route straté-
gique (4). Cette même grille devra être établie,
dans toute la largeur des zones de servitude ci-
dessus prescrites, pour servir de clôture tant
entre le terrain réservé par la Ville de Paris et
celui présentement mis en vente qu'entre toutes
les subdivisions qui pourront être faites par la
suite de ce dernier terrain. Ces grilles ne pour-
ront être obstruées par aucun volet ni aucune
persienne et devront tiiuiours être entretenues en
bon état de propreté. Un exemplaire du modèle
obligatoire de ladite grille, dûment timbré au
droit de deux fraocs et qui sera enregistré en
même temps que les présentes, est demeuré ci-
annexé après que M. |e Préfet l'a eu certifié vé-
ritable et signé, et après que dessus il a été fait
mention du tout par les notaires soussignés.
§ 3. Obligation de bâtir, interdiction de
profession et autres.
L'adjudicataire ne pourra élever sur le terrain
mis en vente que des maisons d'habitation bour-
geoise ; en conséquence, aucun genre de com-
merce ou d'industrie ne pourra y être exercé. Ces
constructions devront, dans un délai de deux an-
(i) Avenue Prudhon.
(2) Avenue RaphoCl.
(3) Avenue Ingres.
(4) Boulevards Lannes et Suchei.
44'2
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
nées, à partir du joar de rentrée en joaissance
complète, présenter une superficie de six cents
mètres carrés au moins. Les propriétaires devront,
avant de construire, demander le nÎTellement et
obtenir les permissions ordinaires, à la diarge de
payer les droits de voirie. Les façades principales
des constructions devront être parallèles à la voie
publique; les parties latérales des maisons qui ne
se relieraient pas entre elles devront recevoir
une décoration analogue à celle générale de Tédi-
fice sans obligation d'ouvertures sur lesdites par-
ties latérales. Enfin aucune des faces de ces
constructions ne devra présenter de mur pignon.
UNE RUE DE CHAILLOT
II y aura bientôttrente-sixans, mon père m*em-
mena promener un matin dans les Champs-Elysées
jusqu'àla rue des Batailles, laquelle — entre paren-
thèses — eût été peut-être mieux placée dans le
Quartier du Combat. Après avoir un moment hésité,
s*engagea allègrement dans cette rue au nom
retentissant, aux cahnes allures, et la suivit au train
de mes petites jambes, tant haut qu'elle monta jus-
qu'à la barrière des Bassins, derrière Qiaillot.
Là, seconde hésitation, nouvd embarras. 11
avait fortement plu la veille, et le chemin, déjà
assez mauvais, menaçait plus loin de tourner à la
fondrière. Et puis, fallait-il continuer par la voie
Î|ui descendait an rond-point marque par une
ontaine sur la route de Versailles, qu^n tra-
versait pour aller au bois de Boulogne par la
porte Dauphine ?... Il parait que non, puisque
mou père, arrivé à la barrière des Bassins, prit
le chemin de ronde à gauche, en passant près d'un
gazomètre abandonné. Il m'avait hissé sur ses
épaules, à cheval autour de son cou; du haut de
mon observatoire, improvisé autant qu'ambulant,
je découvrais de vagues espaces. Quelques pas
plus loin, à cinquantes mètres environ du gazo-
mètre, il me dit: Nous sommes arrivés. U me
mit à terre. Je lus sur le pilastre de droite d'une
grille géante, ouverte et rouillée. Dieu sait comme !
ces mots : Cbs Nitau.
II y a quelques jours, je remontais tranquille-
ment l'avenue du Trocadéro sur un confortable
trottoir bitumé. Une idée me prit de passer der-
rière le musée Guimet. J'entrai dans la rue de
Lubeck; puis, tournant à gauche, j'arrivai à la rue
de Jnigné. Soudain mes yeux, en se portant sur
l'écriteaudela rue que je venais de quitter, lurent:
rue Nitot.
Ce changement d'orthographe me déroutait un
peu. Et cependant, ce devait bien être là que
j'étais venu jadis; mais le vaste horizon de ter-
rains vagues était bouché par de hautes et belles
maisons ; mais la boue légère et aristocratique du
macadam avait remplacé l'épaisse et gluante boue
de misère de 4857, de laquelle, une fois qu'on y
était enlisé, on ne pouvait plus sortir : mais le
manque d'équilibre entre la population travailleuse
et les moyens de la loger restait le même, et cette
partie de la question sociale, toujours stagnante,
n'avait été l'objet d'aucun progrès notable.
Pourquoi Nitot et pas mïati, comme je l'avais
lu autrefois, comme je le retrouvais sur une note
paternelle qui, d'ailleurs, n'ajoutait rien sur ce
philanthrope modeste, dont l'histoire garde à
peine le nom? Peut-être était-il assez connu alors
pour qu'on n'eût pas besoin de s'étendre à son
sujet; mais on ne pense jamais assez à la posté-
rité.
Je chert-herais peut-être encore, si laProfidence
et le dieu Hasard ne m'avaient fait mettre It main
sur de vieux papiers et sur une facture de mon
grand-père. iVttou est dû à la fantaisie inexpéri-
mentée des pauvres diables dont je vous entre-
tiendrai tout à l'heure ; Nitot est la vérité.
Nitot père fut un des bijoutiers fournisseurs
de Napoléon I^'; il était contemporain et rival du
fameux Fossin, également bijoutier-joaillier de Napo-
léon. Son fils, qui fut un client de mon grand-père,
joaillier lui-même, était, en 4854, colonel de cui-
rassiers et a dû mourir général de brigade. M. Nitot
S ère avait acquis à Chaillot d'immenses terrains,
ont un était clos de murs. Dent l'humanité, vers
4856, et en attendant que son acquisition prit de la
valeur, d'en abandonner précairement une partie
à tonte une population travailleuse, honnête et
misérable, dont l'industrieuse activité, à défaut de
ressources plus sonnantes et trébuchantes, s'était
immédiatement appliquée à transformer la physio-
nomie do lieu pour s y loger. Un an après, vers la
moitié de 4857, le Clos mtau éuit devenu la Cité
Nitau ; et, si les voies, très jprimitives, qui tra-
versaient cette ébauche de vule n'avaient guère
de noms, on trouvait du moins des numéros sur
les maisons de cette autre petite Pologne de l'ancien
Paris, plus pittoresque souvent que la nôtre.
L'histoire de l'architecture populaire française
pourra trouver à glaner dans ce qui suit.
A la Cité NiUo , il y avait le quartier des Taupes :
parmi les plus malheureux, ceux qui avaient une
pioche ou qui avaient pu en emprunter une, s'étaient
creusé dans le sol, à une profondeur variant de
4 mètre à 2 m. 50, des Unièrcs où tout était en
terre : degrés, murs, toitures, mobilier, sièges.
Seule, la porte était en bois... vermoulu, assem-
blage bizarre et patient de fragments innommés.
La plupart des taupiers étaient des chiffonniers.
Il y avait également des ouvriers terrassiers. Les
logis souterrains, de même que ceux que nous
dfons rencontrer plus loin, chemin faisant,
étaient précédés d'une sorte de jardinet, grand
comme la moitié de la main, où il poussait plus
de tessons et d'éclats de faïence que de Ûeurs.
*Mais l'herbe se dressait sur les taupinièreB, et j'y
vis même brouter une façon d'âne, Âsinus in
toyti/», disaient les Romains, d'un spectacle extra-
oHinaire, invraisemblable!... C'était chose très
réelle de voir un àne sur un toit à la cité Nitau.
Les clôtures des jardinets n'avaient point de
porte : c'eût été bien inntile, puisqu'elles étaient
faites de lattes de tonnelier reliées par une latte
courante et que bêtes et gens pouvaient passer à
travers. De-ci de-là, dans ce qui cherchait à
ressembler à des mes, des voitures à bras boi-
teuses, et, par places, des tombereaux éventrés,
ANNEXESl
443
attestant au monde et au ciel leur misère, de
lears brancards levés, fourbus et éplorés.
Cétait du côté des taupiers qu'il était bumaio
d*avoir une aumOne toute prête. Je me rappeUe,
comme sic*était hier, que mon père me fit donner
une pièce blanche à deux petits enfants dont la
mère, répondant à ses (gestions bienteillantes,
disait: € C*est vrai, Monsieur, j*ai cela à moi —
son Ic^ement souterrain — mais mon homme s'y
meurt et nous n*avons pas de pain ! »
Y a-t-il plus de pain aujourd hui ? Il y a. certai-
nement moins de logements, ou bien Ton n'en cons-
truit plus aue de trop chers et d'inabordables...
Mais chut f notre Société ne fait pas de politique.
Plus loin, dans la cité Nitau, 1 air retentit du
bruit des marteaux. Ce sont des naturels de l'en-
droit qui font les murs de leur bfttisse. Quels
murs ! Sur un cloisonnage incliné en treillis de
lattes entrecroisées, soutenu par quelques voliees
dont la faiblesse égale la brièveté, on enfonce aes
clous à bateau et autres, on jette des poignées
d'un plâtre fort coulant: et voilà le mur fait,
voilà les distributions intérieures établies, voilà ce
qui supportera une toiture !
Puis nous abordons une division plus riche. Il
y a à la clôture des jardinets une porte qui ferme
au loquet: signe caractéristique d'aisance, on de
méfiance?... Sans doute l'une engendre l'autre.
Voici le boulevard des Italiens, comme les autres
quartiers de la cité Nitau l'appellent: voici de vraies
maisons. Il y est entré de tout, mais en débris :
pierre, moellon, brique, ardoise, tuile. Surla même
maison on serait prêt à rêver que la partie droite
de la toiture est due à quelque Mansard moderne,
si la partie gauche n'était en tuile. Gomme dans
les divisions précédentes, absence totale de par*
ouets : le sol du bon Dieu et de M. Nitau ne snl-
nt-il pas ? Il indique avec une rare précision au
dedans le temps qu'il fait au dehors.
Gomme dans tonte ville qui se respecte, il y a
des hôtels pour les étrangers de passage. A côté
du numéro 11, oh s'étale sur la façade le nom
du locataire, Jauberty — je n'ai pas retrouvé ce
qu'il était, c'était peut-être le citoyen le plus impor-
tant de cette étrange commune! — une planchette
porte cette inscription, en lettres peintes par un
enfant ou par la main hésitante d'un travailleur
des rudes outils : Chambres a (sans accent) lotie
(avec accent, sans doute par compensation, mais
sans r, ce qui est inoniétant pour Thygiène des
Toyaf^urs). Il est une de ces chambres dont le volet
extérieur, plein — chose rare! — est fait de
douves de tonneaux assemblées. Inutile d'ajouter
que les chambres ne sont pas garnies: les quatre
mors, rien de plus ; mais elles ferment à clé !
Plus loin, ce doit être le logis d'un artiste, ou
du moins le titulaire, malheureusement absent, a
des goûts artistiques. De chaque côté de la porte
de la maisonnette, précédée d'un jardinet dans
lequel il pousse quelaue chose, un buste apparaît
à un mètre environ du sol. L'un est à tous crins,
à la tète puissante. En y regardant de près, il lui
manque le nez et il a un trou dans la joue. Il aura
vu sans doute une révolution. L'autre buste offre
une face imberbe: sans doute quelque Néron ou
quelaue Galba échappé à la réclame sans pitié des
marchands de < la vue pour tous ». U paraît bien
conservé. Ah ! que les apparences sont trompeuses !
la derrière de la tête a fui le devant. (!e n'est
qu'un buste a priori... en plâtre, car, on l'ima-
gine facilement, le marbre est totalement inconnu
ici.
Au numéro 17 dti bouleyard des Italiens, nous
sommes en face d'un industriel sérieux du bâti^
ipeot, d'un fumiste. C'est un personnage de l'en-
dioit: sans doute si la cité était upe çomqittney
Voiliery, fumiste, en serait le maire, avec Jauberty
comme adjoint! Ancien ouvrier,' il a construit lui-
même sa maison ; devenu entrepreneur, il ne Ta
point quittée, et c'est hors de la cité — on s'en
doute — qu'est sa clientèle. Il n'en est pas plus
fier, et il assure oue, la nuit, on est plus en
sûreté dans la cité Nitau que vers ses abords.
Enfin, s'il n'y avait ni bureau de tabac ni bu-
reau de poste dans la bourgade, il y avait au
moins un débitant! U craigûait Dieu certainement,
mais surtout la patente, la licence et l'exercice,
car il n'avait pas. mis son nom -sur la porte. On
pouvait cependant lire,, avec quelque efifort, cette
inscription en caractères très petits : « Demi-tasse
de calé, cc^ac compris, 15 centimes. »
C'était le bon temps!...!.
Je ne demande pas, certes, qu'on rétablisse les
terrains vagues et la cité Nitau, qu'on démolisse
la rue Nitot et qu'on oblige M. Jean-Casimir
Périer, ancien président de la République et de la
Chambre des députés, qui y demeure encore, à se
mettre en quête d'un nouveau domicile privé. Je
me borne à dire à ceux de qui cela dépend :
Imitez au moins Nitot — je crois que je ne
compromets pas la Société en formulant ce vœu
— en faisant an goût du jour des logements d'ou-
yriers à Chaillot, qui nous est aussi cher qu'Au-
teuil et que Passy, ainsi qu'au Pont-du-Jour,
quand vous démolirez, pour les assainir à tous les
points de vue, les rues Lancret, Teniers, Van-
Loo. Vous avez encore des terrains nombreux à
employer boulevard Murât au même usage. Vous
ferez une bonne œuvre, une œuvre sociale, et,
ce ^ui n'est pas à dédaigner non plus, vous ferez
plaisir à la aeuxième section de la Société histo-
rique d'Auteuil et de Passy, sans oublier Chaillot.
Énile Potin.
DÉMOLITION DE LA PETITE-MUETTE
£n 1891, on démolit en face de la gare de
Passy ce qui restait des bâtiments dits de la
PetiU'Muetle^ qui venaient d'être aliénés et
vendus à un entrepreneur de travaux publics.
Avant rétablissement du chemin de fer ue Cein-
ture, qui les sépara du château et du grand parc,
ces bâtiments s'étendaient jusqu'à la me de la
Pompé et même au delà, puisqu'à l'angle de la
rue de Passy, au n^ 84, on avait installé sons
I^uis XV le cabinet de physique de la Muette,
dans un hôtel qui existe encore.
444
HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENT
Dans cette partie de la Petite-Moette se troa-
V aient les écuries de Loais XVI et de Ha rie- An-
toinette ; sons le premier Empire, les valets de
chiens de Temperêar y avaient leurs logements.
L'architecte Percier nous apprend qu*à cette
époque le château de la Muette était la Vénerie
impériale. Napoléon poursuivait quelquefois le
cen an bois de Bouloene, qui ne ressemblait en
rien à celui d*aujourd hui.
(Extrait en partie du n® 221 de la Curiosité
universelle, i8 avriH^9i,)
gendarmes, pouvons-nous dire, que nos enfants
chanteront comme les chantaient nos pères.
Et Passy, qui vit mourir Nadaud, salue Roubaix,
qui le vit naître.
E. P.
LE MONUMENT DE GUSTAVE NADAUD
On sait que le bon chansonnier nous appartient
par sa mort. Il 8*est éteint, en effet, dans un pe-
tit logis bien modeste, à l'entresol de la maison
qui porte le n<* 63 de la rue de Passy, où notre
ancien président, son ami, Tavait si souvent
visité. Gustave Nadaud allait sVnrôler dans nos
rangs, quand la mort vint le surprendre.
Une de nos rues porte maintenant son nom.
On se rappelle Tétincelante conférence dont
notre érudit et aimable collègue, M. Léo Claretie,
avait donné la primeur à notre Société le 22 dé*
cembre 4894. c La vie de Nadaud, disait-il, offre
peu d'intérêt ; il n'en est pas de même de son
œuvre. » Il nous avait permis de revivre avec lui
l'œuvre du chansonnier.
Aussi ne pouvons-nous laisser passer, sans en
dire ici quelques mots, la revendication que fai-
sait, il y a quelques mois, de Gustave Nadaud sa
ville natale, Roubaix. Nous nous associons au
légitime et juste hommage qu'elle lui rendait le
li octobre en élevant un monument à sa mémoire
et à ses chansons.
Chansons ! dit la foule dont on n'a pas été le
contemporain. Et viendraient l'abandon et l'oubli.
Mais Roubaix a voulu en préserver le doux chan-
sonnier, son fils, qui fut si populaire il y a trente
années, ce satirique si fin, ce musicien si accom-
pli et si bonhomme à la fois, que personne ne
chanta < les Deux Gendarmes » — « Carcas-
sonne » — € Si la Garonne avait voulu » — le
« Voyage aérien » et tant d'autres mélodies
exquises, comme lui-même les interprétait avec
un art si naturel.
Le monument élevé à Roubaix par le sculpteur
Cordonnier a la forme d'un hémicycle, précédé
de trois marches et terminé à ses deux extrémités
par un socle qui supporte une figure allégorique.
Celle de gauche accompagne sur Te violon celle de
droite, j]ui tient, ouvert sur ses genoux, un cahier
de musique, et chante, en marquant la mesure de
la main droite en un geste gracieusement familier.
Au milieu, sur une colonne délicatement ornée,
apparaît le buste de Nadaud, vers lequel, appuyée
à la colonne, une jeune femme élève une palme.
Plusieurs bas-reliefs de Thémicycle rappellent les
sujets de quelques chansons ; celui du milieu
montre les « Deux Gendarmes i^, les immortels
L'ŒUVRE DE GUSTAVE NADAUD
Nous réparons une omission et nous comblons
une lacune que nous avait en quelque sorte im-
posées le défaut de place dans le dernier BulU"
tin.
n eût été à propos de publier les Troi» Hus-
sards, chanson dite par Mme Marie Laurent à la
fin de la conférence de M. Léo Claretie. Nous
n'avions pas réussi à nous la procurer.
Les œuvres de G. Nadaud ont paru, à diverses
époques, chez différents éditeurs et ne semblent
point avoir été réunies. Nous croyons être agréa-
ble et utile en même temps à nos lecteurs en
leur communiquant le résultat de nos recherches.
S'ils relevaient des inexactitudes ou des omissions,
nous accepterions avec reconnaissance les rectifi-
cations.
GUSTAVE NADACD
Chansons populaires;
Chansons ae salon ;
Chansons légères;
Ces trois volumes se trouvaient chez Jouaust
(1879). Voir chez Flammarion.
Chansons inédites (Pion, 4876).
Contes, proverbes, scènes et récits en vers
(id.). — Voir, 0. 435, Dimanche matin^
pièce dédiée à M. Eugène Manuel.
Opérettes (id.) — (La volière, le Roseau
chantant. — Porte et fenêtre. -^ Le Docteur
Vieuxtemps.).
Chansons nouvelles (id.). — Il est probable
qu'elles font double emploi avec les Chansons
inédites et une partie delà publication de Jouaust.
Mes Notes d'injfirmier(ià., in-48jésus).
Idylle (in-48, roman, sans indication d'édi-
teur).
Tout ce qui était édité par Pion est épuisé,
sauf quelques exemplaires des Contes, pro-
verbes, etc. (sur Chine, 60 francs).
Les Trois Hussards, chanson-musique, ont
été édités et chantés par les frères Lionnet.
Le Médecin Philopathos (ch. inéd.) a été
édité avec musique par Heugel.
— Chansons dites an Caveau, dont Nadaud
était membre honoraire :
Bonhomme au Caveau (avril 4873); Le
Coucou (1875, air : Mon Galoubet), mot échu
par le sort dans la série de l'année : Les oiseaux.
E. P.
ANNEXES
445
AUTEUIL AU XVIII« SIÈCLE
LE ROI LOUIS XT AU CHATEAU DU COO- — LE PEINTRE
LA TOUR. — LES BOUFFLERS. — MADEMOISELLE
AKTIER. — LES DEMOISELLES DE YERRItRES.
Si Ton vent se faire une idée de ce qu*était
Auteuil vers 1750 et jusqu'à Tépoque de la Ré?o-
tion, il faut se transporter en pensée vers les mai-
sons de campaene qui s'étendent aujourd'hui entre
Rueil, la Jon<mère et la Malmaison.
Autour de l'église et du presbytère, à l'ouest,
Toici la propriété seigneuriale, celle des MM.de
Sainte-GeoeyièTe, qui s'étend sur les bords de la .
Seine jusqu'au Pomt-du-Jour, embrassant ainsi
le parc actuel de Sainte-Périne ; dans l'intérieur
du village, elle passe derrière le groupe des mai«
sons oji se pressent les vignerons, les blanchis-*
seurs et les rares commerçants, pour englober les
iardins et les bâtiments de TËcole J.-B.-Say, de
l'Ecole normale, une partie de la rue Molitor et
la villa qui porte ce nom.
Au nord de l'église, c'est la maison de Long-
pré, assez fidèlement reproduite, comme super-
ficie et comme dessin, par l'ancienne propriété
Chardon-Lagache, aujourd'hui vendue et morcelée,
mais dont la maison et l'entrée existent encore,
i6, rue d' Auteuil.
La rue des Garennes, qui ne prendra le nom
de Boileau que sous le premier Empire, est occu-
pée dans toute sa partie gauche par le parc des
Génovéfains ; à droite, à l'angle de la rue, c'est
la maison de V Image Saint- Jean ; puis, les
|(randes propriétés commencent; celle deGendron,
immortalisée par Despréaux et que Binet de la
Bretonnière, receveur général des domaines et
bois de la généralité de Paris, va bientôt occuper
à son tour; celles de Mme de Calabre, de l'avo-
cat Lemaltre, de Baron.
Sur la rue d'Auteuil, en allant vers le bois de
Boulogne, à droite, c'est la place de la Fontaine,
dont l'eau est si salubre que quand le roi vient à
la Muette il ne veut pas en boire d'autre ; puis, les
arbres du parc de Bonfflers et la porte du bois.
Vis-à-vis de la fontaine d'Auteuil, au fond
d'une cour d'honneur, un château qui rappelle
dans les sculptures modernes de sa façade la
carrière artistique de ses anciens possesseurs ; et,
sur la rue, deux pavillons d'oti l'on dominait alors
la campagne.
Cette magnifique propriété existe encore au-
jourd'hui ; elle porte, sur la Grande-Rue, les nu-
méros 43, 45 et 47 ; les deux façades du bâtiment
ont gardé tout leur cachet ; le parc, avec ses vases
de marbre, ses colonnades, ses berceaux, ses
statues d'Atalante et d'Hippomène et ses gi*oupes
allégoriques, n'a pas changé (i). C'est le joyau
de notre Auteuil contemporain, c'est le dernier
(i) Deux de ces statues sont de Couslou. — Danâ
Un des groupes allégoriques, un amour lient d'une
main le masque de la Comédie et dans l'aulre une
banderolle sur laquelle on peut lire: Describo more»
hominum.
vestige du xviii* siècle dans notre quartier. Cette
perle a été et est encore aujourd'hui religieuse-
ment conservée et, avant de pousser plus loin ma
communication, je suis heureux d'en saluer res-
pectueusement ici les aimables propriétaires.
Mlle Antier d'abord, les demoiselles de Ver-
rières ensuite, ont habité cette demeure, de 1740
environ à i767.
Les deux amies du maréchal de Saxe et de Co-
lardeau ont pour voisin immédiat le peintre La
Tour qui, à la mort d'Helvétius, cédera sa maison
et son parc à celle qui fut vénérée sous le nom de
Notre-Dame df Auteuil,
Enfin, le château du Coq sépare du bois de
Boulogne la propriété du fameux pastelliste.
En comptant les quelques maisons isolées qui
s'espaçaient du côté de la rue de la Fontaine (qui
n'était alors qu'un sentier conduisant à Passy) et
en regardant l'ancien château du chancelier
d'Aligre, propriété vers 1750 du chanoine Rouillé,
nous arrivons aux quatre-vingts feux qu' Auteuil
âc|cuse dans le dénombrement de 1749.
I
LE CHATEAU DU COQ
Entouré d'arbres centenaires, qui, autrefois,
avaient fait partie de la forêt de Rouvray, le
château du Coq a été coupé, puis démoli lors du
percement de la rue Erlanger. Il avait été cons-
truit par Richelieu et légué par celui-ci au do-
maine de la couronne en même temps que le Pa-
lais Cardinal.
Sous Louis XIV, c'était une dépendance, à peine
sardée, de la Muette, tout au plus un rendez-vous
de chasse. Dans la jeunesse de Louis XV, comme le
petit roi avait montré du goût pour la botani(|ue,
on aménagea le château en vue de cette destina-
tion. Des serres y furent élevées à grands frais;
elles étaient luxueusement aménagées, et les
étrangers de distinction, dans leurs passa|[es à
Paris, ne manquaient jamais de venir les admirer.
Les goûts du roi changèrent, malheureusement
pour lui et pour la France, et le château royal
devint une de ces mille petites maisons que
Louis XV occupait, de temps à autres, dans les
environs de Paris. Le bâtiment principal fut sé-
{>aré, agrandi, orné ; rien n'était trop beau pour
es caprices de ce roi : tapisseries des Gobelins
et de. la Savonnerie, glaces de Saint-Gobain,
étoffes somptueuses, meubles ciselés; on dépen-
sait de 350 à 400.000 livres par an pour l'ameu-
blement du château. Il y avait des jardiniers à
12.000 livres de gages et des fournitures de fleurs
qui montaient à 30 et 40.000 livres par saison.
Ces prodigalités durèrent dix ans. Les factures
ont été conservées et forment un gros dossier aux
archives nationales.
En 1764, Louis XV, voulant sans doute pro-
fiter de ces dépenses, décida qu'il passerait l'été
à Auteuil. Dès son arrivée, Colardeau le salua par
ces vers :
Vous voilà donc bourgeois d'Auteuil,
Sire, et voilà noire village
Oui va jouir de l'avantage
Dont se vantent avec orgueil
446
HISTOIRE DU XVI* AHRONDISSEIIENT
Choisy, La Meute el riIermitHffe ;
Vous y viendrez chercher l'ombrage,
Le doux lilas, le chèvrefeuil;
Tant mieux pour nous. Bon voisinage
Fut toujours d'un heureux présage.
Nous voudrions vous faire accueil,
Immortaliser notre hommage
Par quelque éclat; mais ce hameau
Qui vit les Muses rassemblées
Se promener dans les allées
Du jardin qu'habitait Boileau,
Auteuil ne voit plus sa fontaine
Abreuver le sacré troupeau
Qui s'enivre dans l'hypocrène.
Les Muses n'aiment plus notre eau.
Nous nous en consolons : les Grâces
Valent tout au moins les Neufs Sœurs;
Elles tiendront ici leurs places.
Après 4764, Louis XV ne revint plus à Au-
teuil ; Mme Elisabeth y passa Quelques mois dans
les étés de 1785 et de 4786. Elle amenait
avec elle Ghamfort, son lecteur, oui n'avait que
quelques pas à faire pour aller saluer Mme Hel-
vétius, sa yieille amie.
La pieuse princesse avait laissé dans sa de-
meure une pendule dorée, qui resta dans sa cham-
bre jusqn^à la démolition du château; cette re-
liane est gardée aujourd'hui par le vénérable ec-
clésiastique qui fut le dernier propriétaire de la
maison.
U
U^^ DE BOOFFLERS. — LE PEINTHE L\ TOUR.
■lie
AirriER
En face du Coq, c'est le parc et le château de la
marquise de Boutilers. Tout Paris vint y admirer
ces jardins an|[lais que Walpole avait mis à la
mode et qui étaient, alors, en France, dans toute
leur nouveauté. Les mémoires do xviii* siècle en
ont donné des descriptions détaillées. Il est inutile
d*y revenir. Faisons comme les maréchaux de
Lowendal et de Richelieu, comme la reine et le
président Hénanlt, et, en quittant la charmante
marquise, arrêtons-nous un instant chez l'artiste
QUI eut pour modèles toutes les célébrités de
lépoque.
La maison du peintre La Tour avait été construite
an commencement du règne de Louis XV sur des
terrains qui dépendaient de la seigneurie de
Passy. Elle était confortable, mais simple, comme
il convenait à son caractère orieinal et indépen-
dant. Elevée d'un seul rez-de-chaussée, elle
était placée au fond d'un parc étroit, dont quel-
ques arpents allaient faire le bonheur de Mme Hel-
vétius.
Au midi, les fenêtres rej^ardaient la plaine du
Point-du-Jour, alors en pleine culture, le bois de
Boulogne, les hauteurs de Vanves et de Meudon.
La Tour visitait souvent sa voisine, Mlle Antier,
cette actrice dont les salons répétaient les bons
mots et célébraient le cynisme. C'était contre elle
qu'un auteur s'était fâché en lui reprochant le
laisser-aller et rindifféreace de son jeu dans le
rôle d'une femme délaissée, et comme, & bout
d'argument, il lui disait : « Mais, madame, suppo-
sez que vous soyez à sa place. Que feriez-vous ? »
elle répondait tranquillement : « Ce que je ferais !
Je prendrais un autre amant, et voilà tout. »
En 1744, lorsque le Roi, qui avait manqué
mourir à Metz, entra en convalescence, il y eut
une explosion populaire de jok et de con6ance. On
l'appela le Bien-- Aimé! Comme la tâche de la
monarchie était encore facile à cette heure !
Mlle Antier voulut prendre sa part des réjouis-
sances publiques et, dans son parc, au milieu des
statues, dont quelques-unes existent encore, elle
donna un bal champêtre où toute la noblesse se
rendit et où l'on vit danser jusqu'au lever du so-
leil les plus grandes dames de la cour.
in
LES DEMOISELLES DE VERRIERES
Dans les nombreux ouvra|[es signés de son
seul nom comme dans ceux où il a eu pour colla-
borateur un écrivain bien cher aux lettres fran-
çaises, M. Gaston Mangras a fait revivre les figu-
res les plus gracieuses et les plus intéressantes
du XYin** siècle.
Les demoiselles de Verrières l'ont récemment
attiré; il a traité ce sujet avec science et avec
amour, et je considère comme un devoir de rc^
porter sur lui tout l'intérêt que pourra présenter
la suite de ma communication.
Tandis que Mme d'Epinav habitait tantôt à
Chaillot, me des BaUilles (1), Untôt à la Che-
vrette, son mari offrait à Marie et à Geneviève
de Verrières la propriété que nous connaissons et
où, hier encore, Mlle Antier recevait la coor et
la ville.
On était à peu près en 4752.
<( Les deux sœurs, dit M. Maugras, s'installè-
rent somptueusement dans leur nouvelle demeure
et y continuèrent la série de fêtes qu'elles avaient
inaugurées pendant l'hiver, dans leur hôtel de
Paris. Elles poussèrent même le raffinement jus-
qu'à faire établir un théâtre fort bien agencé,
afin que leur séjour aux champs n'interrompit pas
les représentations dramatiques qu'elles avaieni
coutume de donner et qui attiraient tout Paris. »
Ce théâtre existe encore aujourd'hui, en par-
tie du moins, dans la propriété Ronllay. Il pou-
vait contenir de 350 à 400 personnes. Ia façade,
ornée de deux statues de grandeur naturelle, et
l'antichambre en rotonde subsistent comme, aussi,
les souterrains qui allaient de ce théâtre à la mai-
son, en passant sous le parcdans toute sa longueur.
C'est là que fut jouée la Partie de chasse
d* Henri /F, de Collé, qui avait été interdite sur
les théâtres publics, mais qui fut donnée à Ba-
gnolet, chez le duc d'Oriéans, et à Auteuil, chez
nos demoiselles. Ici, elle eut quatre représentations.
Le président de Salaberry, qui tenait le r<yle, res-
semblait à Henri IV à s'y méprendre. Son succès
fut un triomphe.
Ce fut aussi la représ«intation à Auteuil d'une
pièce de Colardeau, Camille et Constance, qui
fit de ce poète un habitué d'abord, un commensal
(i) C'est de là qu'elle écrivait à Troocbin le
17 juillet 1782 : • Je suis établie à Chaillot où j*ai
dénuté par une rechute de toux à laquelle s est
jointe l'épidémie courante que l'on nomme Vin-
fluenza . »
ANNEXES
447
eosuite, pais, bientôt, rheoreax seigneur de la
maison d'Antenil.
Marie de Verrières, arrière*graiid'mère de
George Sand (1), n^aorait pas tracé de son ami
ce portrait que nous en a laissé Di4erot : € Co«
lardeau n*a pas une once de chair sor le corps ;
nn jpetit nez aqoilin, une tète allongée, un TÏsage
effilé, de petits yeux perçants, de longues jambes,
un corps mince et fluet ; couvrez cela de plumes,
lyoutez à ses maigres épaules de longues ailes,
recourbez les ongles de ses pieds et de ses mains,
et TOUS aurez un tiercelet aéperrier. »
Golardeau et Marie allaient à Meodon ou à
Saint-Cloud, en descendant les bords de la Seioe;
Marie, qui dessinait, donnait des leçons au poète,
qui lui aoprenait, en retour. Fart des vers. Dans
les bois d*Auteuil, Golardeau disait à son amie :
€ Ecoute ! Que la Toix du rossignol est pure !
Que ses accents sont mélodieux ! ainsi derraient
être mes yers ! »
Il j ayait aussi des réunions champêtres oii
Ton inritait les yiUageoises des environs. Au
i5 août, |M>ur la fête de Marie, on faisait éclater,
dès le matin, des bottes d'artifice. Dans la jour-*
née, les jeunes filles du village apportaient des
gâteaux, des fruits et des fleurs ; le soir, il y
avait banquet, feu d'artifice sur les pelouses et
janses jusqu'au matin.
I.es deux châtelaines étaient adorées, car elles
faisaient beaucoup de bien dans le pays. Le di-
manche, elles allaient à la messe et elles étaient
dans les meilleurs termes avec leur curé.
Ghaque soir, arrivaient les amis de Paris qui
apportaient la nouvelle du jour ; on faisait ensuite
de la musique et Ton jouait au billard, aux
échecs, aux dames ou au trictrac.
Si l*on voulait être le bienvenu et sous peine
d'impolitesse, il fallait s'extasier devant la beauté
de deux abominables carlins à qui deux domes-
tiques en livrée venaient apporter sur des plats
d'argent leur part des meilleurs mets de la table.
Un jour, le diplomate baron van Swieten fut
rappelé par Mane-Thérèse. G'était un des intimes
de la maison et son départ fit un grand vide. Puis,
vint l'hiver et il fallut partir.
G>lardeaa adressa ces adieux aux ombrages
d'Autenil :
Oui, je vous reverrai, délicieux berceaui;
£n vain les aquilons dépouillent vos rameoui,
Vous avez moins d'altraits, mais celle que j'adore
Peut, au sein des hivers, vous embellir encore^ ;
Vous m'intéresserez même par vos débris.
Vous allez rappeler et peindre è mes esprits,
A mon âme, a mes sens, enfin à tout mon être,
Des jours trop tôt passés que vous ferez renaître.
Vous fûtes confidents de mes premiers plaisin^.
Je m'en fiais h vous encore plus qu'aux zéphirs,
Et de mille baisers donnés aans vos retraites
Aucun ne fut trahi par vos ombres muettes.
Au printemps suivant, on revint, et la même
(i) Sous le nom de Marie Rainteau. elle fit
partie de la troupe théâtrale du maréchal de Saxe ;
elle eut de celui-ci une fille, Aurore, qui ressem-
blait à son père d'une façon frappanle. Aurore
épousa le comte de Horn en premières noces et,
en secondes, elle se maria avec Diipinde Fran-
rueil ; de ce mariage naquit un fils, Maurice-
François-Elisabeth Dupin, qui fut le père «b*
George Sand.
vie recommença. Pendant qu'on jouait, à Paris,
la Jeune Indienne de Ghamfort, on vit, un jour,
se présenter à Auteuil, dans un accoutrement
bizarre, une jeune sauvage qui demandait à offrir
nn bouquet à Geneviève Claudine :
Chemin faisant, soit justice ou méprise,
Soit préjugé pour ma patrie,
Je n'ai point. encore vu de blanche assez jolie
Sui, sur nos teints de jais, put remporter le prix;
ais on m'avait bien dit que certaine Claudine
Dont la vue embellit les bocages d'Autcuil
Nous surpassait par l'esprit et la mine.
Aimable sans étude et belle sans orgueil.
Elle charme, dit-on, d'un mot et d'un coup d'œil.
Cette beauté, c'est vous, je le devine,
Je le sens au plaisir que je ^oûte à vous voir :
C'est donc à vos attraits que je viens rendre hom-
[mage.
La neige de vos lis triomphe du beau noir ;
Et l'Europe, par vous, sur l'Inde a l'avantage.
Un jour, Golardeau, oui était à Paris, allait
rentrer à Auteuil, quand un fâcheux survient. Il
envoie alors aux deux demoiselles ce billet qui a,
pour nous, double intérêt.
O mes chères moitiés, je revolais vers vous,
J'allaispartir, j'allais, dans les bras de mes femmes,
Jouir de ces plaisirs et si purs et si doux.
Les délices des belles âmes,
Quant un Frère à mes yeux tout à coup présenté
A fait changer l'ordre de -mon voyage.
11 est dans le simple équipage
D'un bon Génovéfin hors ne son hermilage,
De noir et de blanc marqueté.
Qui demande la table et l'hospitalité ;
Vu donc noire fraternité
Au Révérend, j'ai promis le potage,
Qu'il va manger en toute humilité
Et puis, le dévot personnage
Va, dans sa communauté.
Passer la nuit afin d'être plus sage.
Partant, ce soir, je vole vers Auteuil
Et, défilant le long des rives de la Seine,
Modestement et sans org[ueil
Une voiture à l'heure h vos pieds me ramène.
Je reverrai mon frère h ce fameux château
Que les Génovéfins, voaseigneurs et vos maîtres.
Comme vous le savez, ont du côté de Tenu,
D'où ces messieurs par leurs fenêtres
Peuvent voir voguer maint bateau.
A ce soir, mes aimables veuves,
A neuf heures et pas plus tard.
Un mari ne doit point encourir le hasard
De mettre ses moitiés à de longues épreuves.
Lorsque la nuit viendra, dites : Le Coco part.
Mab les plaisirs dbparaissent : la société di-
minue ; le charme de 1 amour est près de s'étein-
dre, on parie de vendre Auteuil.
Auteuil, où l'amitié sacrée,
Sceur et compagne des amours,
Filait sur le fuseau d'Astrée
Le brillant tissu de nos jours ;
Auteuil, asile frais et pur,
Où Boileau choisit son Parnasse
Etcrut retrouver leTibur
Qu'a chanté la lyre d'Horace ;
Auteuil, enfin, séjour heureux.
Où la beauté devient plus belle,
Le plaisir plus voluptueux,
I^ lélicité plus réelle.
Quel destin nous est préparé ?
Les deux sœurs s'en vont an village,
Ktce couple dégénéré.
Dans un châtel tout délobré,
Bientôt va devenir sauvage,
Ne s'occuper que de laitage.
Traîner le râteau sur le pré,
Et dans un obscur hermitage
Languir tristement enterré.
Bientôt, Golardeau était définitivement aban-
/^48
HISTOIRK DU XVI" ARRONDISSEMENT
doDDé. La passion avait daré trois ans, réternite
pour Marie de Verrières ! Le poète en fat incon-
solable jusqu'au jour oii il se vengea de l'abandon
par des vers et des satires qui touchaient au pam-
phlet.
Le 27 avril i767, par devant M" Perron,
notaire à Paris, Geneviève-Claude Rainteau de
Verrières de Lamarre, fille majeure, vendait la
maison et le parc à M. de Kouhault.
Avec ce propriétaire, c'en fut fini des chants
et des vers, du rossignol et des feui d'artifices.
A quelques années de là, les terres et les bâti-
ments des Génovéfains étaient confisqués, le châ-
teau du Coq était vendu à un usurier, les Bouf-
flers partaient pour l'émigration, chez Mme Hel-
vétius on discutait les Droits de l'homme. La
Révolution commençait à ponder.
Auteoil, comme la grande viUe, allait en con-
naître bientôt les tragiques beautés et les
cruelles horreurs.
Antoine Gcillois.
FRANÇOISGÉRARD & SA MAISON D*AUTEU1L
François Gérard, le célèbre peintre d'histoire et
de portraits dont une rue d'Auteuil porte le nom,
naquit à Rome en 4770, à l'hôtel de l'ambassade
française, au palais Colonna, où son père était
attaché à la maison du cardinal de Bernis. Sa
mère était Italienne. A l'Age de douze ans, il fut
amené à Paris, entra dans une école élémentaire de
dessin, puis apprit à modeler chez le sculpteur
Pajou; de là, il passa dans l'atelier du peintre
Brenet, et enfin, en 4786, devint élève de David.
Ayant perdu son père en 4790 et sa mère en
4793, il se trouva chargé de deux frères et d'une
jeune tante, sœur de sa mère, dont il était le seul
appui ; remplissant courageusement son devoir,
malgré la situation précaire où il se trouvait alors,
il pourvut à l'éducation de ses frères, puis épousa
sa parente en 4795. .
La même année, il exposait son Bélisaire^
exécuté en dixrhuit jours, et en 4796 terminait
V Amour et Psyché^ tableau exposé seulement en
4808 et qui est actuellement au Musée du Louvre.
Ces deux compositions, d'un genre si différent,
commencèrent à établir sa réputation ; mais les
temps étaient difficiles, on ne songeait guère alors
à des achats de tableaux, et, pendant trois ans,
malgré son talent, Gérard n'eut pour toole
ressource que le prix des dessins qu'il fit pour les
belles éditions classiques des frères Didot.
Enfin, l'horizon s'éclaircit, et notre peintre
s'affirma définitivement en 4802 et 4803 par
l'exposition des portraits du premier consul (4) et
de Joséphine. Depuis cette époque, il alla de suc-
cès en succès. En 4808 il exposait (^x Trois Ages^
actuellement dans la collection du duc d'Aumale,
et en 4810 son grand tableau de la Bataille
(i) Ce portrait est n Chantilly dans la collection
du duc d'Aumale.
<r Austerlitz. En 4847 V Entrée de Henri IV à
Paris lui valut d'être nommé premier peintre du
roi, et, le 5 septembre 4849, il reçut le titre de
baron. Il avait été nommé membre de la L^ion
d'honneur dès la fondation de l'Ordre, pois élu
membre de l'Institut à l'unanimité en 4842.
En 4 832, il exposait Corinne au cap Misènes^
dont la figure principale semblait rappeler Mme de
Staël légèrement embellie ; en 4824, Dapknis et
Ckloé, actuellement au Louvre ; en i82f. Sainte
Thérèse, et en 4829 le Sacre de Charles X (1).
Nous ne mentionnons ici que ses oeuvres prin-
cipales ; mais la carrière de François Gérard a
été sans conteste l'une des plus fécondes qu'il y
ait à enregistrer dans l'histoire des peintres. EÎn
quarante-deux années de travail, ce veintre des
rois (2) et ce roi des peintres a proauit plus de
30 tableaux d'histoire, an grand nombre ae com*
positions diverses, 83 portraits en pied et près de
200 portraits en buste ou à mi-corps. On peut
dire que tout ce jjui fut célèbre à n'importe quel
titre, sous l'Empire et sous la Restauration, a
posé devant lui ; aussi sa maison a-t-elle été pen-
dant trente-cinq ans l'un des points de réunion
les plus fréquentés des personnages les plus hauts
plaôés et les plus distingués soit par leur rang,
soit dans les sciences, dans les lettres et dans les
arts.
On se pressait tous les mercredis dans son sa-
lon et dans son bel atelier de la me Saint- Ger-
main-des-Prés, n<^ 6 (3), « et bientôt — dit
Mme Sophie Gay dans ses Sabns célèbres — on
était distrait, par sa conversation, du plaisir de
contempler ses ouvrages; il semblait que son
esprit fût envieux de son talent et lui disputât
les suflrages. Après être venu visiter le grand
peintre, on voulait connaître le causeur spirituel
et se lier avec l'homme aimable. » Nul, en effet,
ne parlait avec plus de grâce, nul ne montrait
plus de délicatesse de goût dans ses jugements.
Louis Xyill, qui s> connaissait, disait que Gé-*
rard était l'homme le plus spirituel de France, et
Talleyrand lui trouvait toutes les qualités propret
à faire un bon diplomate.
Pour se délasser de ses travaux et trouver un
repos relatif sans trop s'éloigner de Paris, Fran-
çois Gérard s'était décidé, vers 4842, à acheter
à Auteuil, des héritiers du ministre de l'intérieur
Cretét, une maison élevée sur l'emplacement de
l'ancien hôtel seigneurial des abbés de Sainte-
Geneviève, située près du côté méridional de l'an-
cienne église, sur l'emplacement actuel de la rue
Wilbem et des établissements Chardon-Lagache
et Sainte-Périne. Elle avait été en partie cons-
truite sur les grands caveaux des Génovéfains, et.
(i) Quand ce tableau fut exposé, le roi fit offrir à
Gérard le titre de comte et le j^rand cordon rouge
de la Lésion d'honneur ; mais le peintre ne crut
pas devoir accepter.
(2) On vit Gérard, dans une même journée, don-
ner séance dans son atelier à trois souverains.
(3) L'emplacement actuel est rue Bonaparte, vis*
à-vis de Saint-Germain-des-Prcs. Gérard s'était fait
construire sa maison, vers i8i3, par ses amis Pei>
cicr et Fontaine ; l'atelier communiquait avec
elle et donnait rue Saint-Benoit. Il avait demeuré
antérieurement au Louvre, dans les bâtiments de
rinsUtut.
dn lemps même de Francait Géiird, on y Tojait
encore d'aDciennes pierres lombgles. L'u grand
SiK. qae H. de Humboldt, Ismi le plna inlime
e U maison, appelait plaiaammeut les foréU
vierges d'Auleuil, enloarait TbabitaiioD.
des amisiniimes. H. de Homboldl et H. Thiers,
entre autres, y vinrent souvent.
Dans ses dernières années, la santé de Fran-
çois Gérard s'était sCTïibtJe, sins eependant insn-
rer d'inquiélnde, qnand, altaqnè presque stuii-
1^1
I
« S
Cérard seplaisailbeaDcoupdansceltedemeare,
jrpasuit une partie de l'année, mais revenait le
joari Paris, préférant peindre dans l'atelier au-
qad il était habitni.
Dans sa villa d'Aaleait, il y avait souvent
fête le dimanche, pendant la belle saison, et les
lundis étaient ipécialement consacrés aui visites
tement d'une lièvre de paralysie, il y saccombt
dans sa maison de Paris, où il peignait encore
quatre jours avant sa mort. Sa réunion du mer-
credi 4 janvier 1837 avait été nombreuse et ani-
mée comme d'habitude ; les personnes qui m
présentèrent pour celle du H apprirent avee stu-
peur qu'il était mort. Accablée sous le coup «[ui
09
45o
la frappait, la hmtat a'aTiit pas pensé il en pré-
Tenir ses amis. U société, les arts et U France
Tenaient de faire une ^nde perte.
Après U mort de Gérard, la propriété fut cod-
KTTée par sa \euTe, qui i mourot le l"' dé-
cembre 1848. Ne pouvant plos l'habiter entière-
ment, et Toulanl la garder malgrA les frais d'un
entretien considérable, elle ta loaait une notable
partie, et c'est ainsi que H. Gnizot et sa famille
d'Aabns
i de la Fenillade, qui l'avait louée.
Tier4836,c
basson de la Fenillade la cédèrentlla Ville de Paris,
qoi désirait transférer sur son emplacement l'éla-
blissemeol de Sainie-Périae-de-Chaillot, qui allait
être démoli.
La plupart des biographies de François Gérard
étant muettes, on à peu près, sur m maison d'An-
l.c liaron François Gérard.
(Collcclion de M. Éin. Palin.)
furent ses locataires pendant plnsieurs années.
Après elle, M. Henri Gérard, attaché A la Direc-
tion des Musées royaux, devint le propriétaire de
la maiion de son oncle, comme seul héritier de la
fortune et du nom (François Gérard n'avait pas
en d'enfants), et, Tera 4850, la propriété, qui
représentait la plus grande partie de la fortune,
ne poavBDt plus être conservée, Mme la comtesse
teuil, nous avons fait appel i la bienTeillance do
baron Henri Gérard, député du Calndot, qni a an
véritable culte pour la mémoire de son oncle, et
s'est empressé, arec sa courtoisie babitaelle, ie
nous adresser les notes qui nous ont permis d'amé-
liorer et de compléter cet article. Nons loi aii
adi-eisons nos bien siocères renerriemmU.
Lëopold Mar.
ANNEXES
45i
LE SALON DE MADAiE HELVÉTIUS
EXTRAIT D*Ult RAPPORT DE M. EMILE POTIN
Le liTre de M. Gaillois sur Mme Helvétim et les
Idéologues rèsumt une époçiae, an coin, nne société
de l'ancien village d'Ânteail. 11 montre ce que des
recherches habilement dirigées par un esprit sagace,
patiemment investigateur, amoureux du sol natal,
capable en même temps de vues d'ensemble, et
dont la plume met facilement en relief les hommes
et les faits, peuvent exhumer d*un espace restreint,
de ce qu'en langue de cadastre on nomme nne
parcelle. De cette parcelle, qu'il frappe de sa
plume, sort une femme généreuse et aimable ;
sa vie reconstituée ressuscite celles de Condorcet,
de Cabanis, de Ginguené, de Chamfort. de Pran-
klin, de Volney, de Dannou, de M. J. Chénier,
de Tracy; par endroits apparaissent Roucher,
Andrieux, de Gérando, Garât, Mmes Roland, Caba-
nis, de Gronchy, et tant d'antres intéressantes
figures, que l'on croit voir et toucher, tant elles
sont nettement dessinées. Puis, dominant bientôt
toute la seconde partie du livre, présente dés la
première page, la {grande figura de Napoléon. Ce
n'est pas cale qui a le moins de vie. Il est là,
consul ou empereur, avec tontes ses grandeurs,
toutes ses faiblesses, avec son caractère heurté,
souvent généreux, mesquin ailleurs, toujours
volontaire, opiniâtre, autoritaire. L'autocrate,
le desiwte ne s'accommode point des idées
spéculatives ; il lui faut les vastes conceptions
qui mènent à l'action. Quand le grand homme
a passé, lorsque les fumées de l'épopée se sont
dissipées, on retrouve, avec une heureuse impres-
sion de paix tranquille et calme, les débris, déjà
éparpillés par les ans, de la Société d'Auteuil, et
1 on finit le livre sur les touchantes et douces
impressions de l'amitié de Cabanis, qui meurt, pour
Gtngoené, qui survit ; avec la mort de Mme Caba-
nis on tourne la dernière page. Deux femmes ont
répandu sur le volume leur grâce aimable, et
sous une impression pleine de charme font faire
aux lecteurs une trop courte promenade de cent
vingt-cinq années. On n'a pas lu le livre, on l'a
yécu. Voilà, pour finir, la marque du talent de
notre collègue Guillois : vos votes de tout à l'heure,
messieurs, ont justement fait de lui un des vice-
présidents de notre Société. (Applaudissements.)
L'Académie française, le i^ novembre, a attri-
bué à M. Guillois une partie du prix Bordin. Et
voici en quels termes. L'éloge officiel sera le digne
couronnement du nôtre :
€ M. Antoine Guillois, chercheur tenace, ha-
bile et heureux, a su recueillir, sur la célèbre
Société d'Auteuil, une grande quantité de faits
inédits et curieux ; en les publiant, il a rectifié et
détruit certaines erreurs accréditées jusqu'alors.
Petit'fils du poète Roucher, à qui il a consacré
déjà une pieuse et touchante étude, ce jeune
écrivain est, à tous égards, digne d'encouragé^
ment, d'estime et de sympathie. »
12 octobre 1894.
LE MONUMENT DE MADAME HELVÉTIUS
Discours de M. Gcillois
Le dimanche, 4 septembre 1892, en se ren-
dant le matin au cimetière d'Auteuil, M. Antoine
Guillois apprenait avec étonnementqu'un monument
érigé à la mémoire de Mme Helvétins devait être
inauguré, le jour même, à 3 heures 1/2 du soir.
Rien n'indiquait dans l'inscription mise sur la
pierre les noms des promoteurs de cette solennité ;
néanmoins, ^ùa9.n[q;aelaSociétéhistoriqued*AU'
teuil et de Passy devait être représentée à cette
inauguration, M. Guillois s'entendit immédiate-
ment avec le secrétaire général, M. Emile Saint-
Lanne, malheureusement retenu chez lui par une
indisposition et dans Timpossibilité, dès lors, d'as;
sister à la cérémonie.
Il fut convenu que M. Guillois déposerait une
couronne sur la tombe de Mme Helvétins et ({u'il
prendrait la porole an nom de la Société histo-
rique.
A l'heure indiquée, la Société occidentale^
sous la présidence de M. Pierre Laftitte, se trou-
vait au cimetière. M. Emile Antoine a rappelé les
titres de Mme Helvétius à Thommage qui lui était
rendu.
Puis M. Guillois a pris la parole en ces termes :
« Mesdames, Messieurs,
« La Sociétéhistoriqued'Auteuil et de Passy, dont
la fondation ne remonte qu'à quelques mois, avait
inscrit dès sa première séance, parmi ses travaux
à accomplir, l'érection même du monument qui se
dresse aujourd'hui devant vous. Le temps lui a
fait défaut et elle s'est laissé devancer. Mais, sur
le terrain du respect .et de la. reconnaissance, il
ne saurait y avoir de discussion ; aussi les géné-
reux prouioteurs de cette solennité, consacrée à
la mémoire de Mme Helvétius, ont-ils bien voulu
m'auloriser à prendre la parole et à déposer sur
cette tombe, érigée par leurs soins, une couronne
qui montrera, du moins, que les habitants d'Auteuil
n'ont pas oublié leur charmante bienfaitrice.
€ Vous avez rendu. Messieurs, à la dépouille
mortelle d'Anne-Catherine Helvétius, née de Li-
gniville d'Autricourt, un hommage qu'à défaut de
sa famille nous lui devions depuis longtemps.
€ Mme Helvétius avait apporté ici les traditions
de générosité, de grâce et de douceur qui rendaient
si charmantes les réceptions de Voré et de Lù-^
mi|ny. Quand, au commencement de septembre
1800, elle fut inhumée dans sa propriété, oui avait
vu Franklin et Turgot, Chamfort et Roucher, Ca-
banis et Destutt de Tracy, la population tout en-
tière voulut témoigner par sa présence du souvenir
ému qu'elle gardait à celle qui avait si ffénéreu-
sement donné ses revenus pour le soulagement
des calamités publiques. Puissé-je apporter, ici,
aujourd'hui, comme un écho de ce souvenir d'au-
trefois ! Et si j'osais évoquer aussi des motifs per-f
sonnels, pourquoi ne bénirais-je pas ce jour qui
452
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
permet aa petit-fiUde Roacherde saluer, aa nom
de la nouvelle Société (TAui^uil, celle qui fut
rétoile et la protectrice de la première phalange
qui a porté ce nom dans Thistoire de la littérature
et de la philosophie.
r Femme généreuse et charmante dont l'image
est restée populaire parmi nous, vous reposez
enfin sous un monument di^ne de tous, dans le
pays même que vous affectionniez entre tous. A
quelques pas a*ici, Hubert Robert et Rumford, (jue
TOUS aimiez à recevoir, dorment leur dernier
sommeil; et, plus près encore, Toici le cœur de
Cabanis, Totre tils adoptif, que tous chérissiez
tant, parce qu'il ressemblait à Tenfant que tous
aTiez perdu !
€ Mme Helvétius, désormais rappelée, grâce à
ce monument, à la mémoire des générations futu-
res, aura la bonne fortune de ne pas être séparée,
dans la mort, de ceux qu'elle avait aimés pen-
dant sa vie. »
On s*est alors rendu aux tombes de Cabanis, de
Legeodre etd*Hubert Robert, oh quelques paroles
ont été prononcées.
La Société historique (TAuteuil et de Passy,
a reçu la garde du monument qui venait d'être
érij^é. « Il ne saurait être en meilleures mains »,
a dit M. E. Antoine.
Le bureau de la Société historique, d'accord
aTec les promoteurs de la solennité du 4 sep-
tembre 4892, indiquera, dans une des plus pro-
chaines séances, les mesures à prendre pour que
le nom de la Société historique soit rappelé, sur
le monument de Mme Helvétius, à côté de celui
des membres de la Société occidentale.
MADAME DE CONDORCET A AUTEUIL (I)
Sjphie de Grouchy, fille du marquis de Grouchy
et de Gilberte Fréteau, naquit, au printemps de
4764, au château de la Villette, prés de Meulan.
I^ 28 décembre 4786, elle épousa le marquis de
Condorcet, secrétaire perpétuel de TÂcadémie des
Sciences. Son salon de 1 hôtel des Monnaies était
le rendez-Tous des philosophes, des écrivains et
des artistes. Elle fréquentait beaucoup aussi chez
Mmd Helvétius, alorsà Auteuil.
Dans ce milieu hospitalier où Mme de Condor-
cet fut reçue à partir de 4787, accueillie d'abord
en considération de l'estime affectueuse qu'on
avait pour son mari, elle sut bientôt conquérir
pour elle-même les sympathies les plus vives.
Bien que tout près de la grande ville, on en
était assez loin cependant pour sentir l'influence
pacifique des larges horizons dans des campagnes
boisées. Aussi, dans l'intervalle des agitations qui
précédèrent la grande tourmente, Sophie vint-
elle jouir plusieurs fois, et toujoure avec délices,
de ce calme précieux ; elle en garda pour l'humble
(i) Extrait de la Marquise de Condorcet^ sa fa-
mille, son salon, «es amU (176V1S2J), Parîîs, Ollea-
dorff, 1897.
village une sincère reconnaissance et, quand les
événements l'obligèrent à quitter Paris, ce fut à
Auteuil qu'elle vint se fixer, assurée d'y rencon-
trer de bons amis et d'y retrouver, croyait-elle,
une tranquillité qu'hélas! elle ne devait pluscon-
naitre.
Condorcet venait d'être élu par cinq départe-
ments membre de la CouTention nationale. Comme
s'il eôt éprouTé le besoin de àe reposer et de
marquer une étape dans sa Tie, ce fut le moment
qu'il choisit pour aller s'établir définitlTement,
avec sa femme et sa fille, dans ce joli village
d'Auteuil, où il aTait goUté jusqu'alors tant d'ins-
tants délicieux.
Déjà le 5 août, il y aTait assisté, aTec Mme de
Condorcet, à l'inauguration de la nouTelle maison
commune ; tous deux aTaient suiTi le cortège de
jeunes filles, escortées des gardes nationales Toi-
sines, qui étaient Tenues couronner les bustes de
Voltaire et de Rousseau, et, quand on arrÎTa à
celui d'HeUétius, quand la musique joua l'air
Où peulon être mieux qu'au sein de sa famille ?
M. et Mme de Condorcet furent de ceux, parents
et amis du philosophe, qui, après aToir orné de
fleurs la statue, s'embrassèrent doTant la foule
émue.
Le 40 août, ils étaient encore chez Mme HelTé-
tius. € On sonna le tocsin, dit Condorcet dans son
Fragment de justification, j'étais à Auteuil. Je
me rendis à Paris. J'arriTai à l'Assemblée quel<^nes
moments aTant le Roi. Je la trouTai plusinamète
qu'effrayée, courageuse mais sans dignité. Je
n'étais point dans la confidence et, seulement un
peu après la cannonade, un de mes amis Tint me
dire que l'Assemblée serait respectée. »
Condorcet aTait amené avec lui à Auteuil sa
femme, sa fille, sa belle-mère et sa belle-soeur,
Félicité-Charlotte. D'après les registres de la mu-
nicipalité, Condorcet avait deux chevaux et un
carrosse. On se logea chez la citoyenne Pignon,
au n? 2 de la Grande-Rue du Tillage, dans une
maison qu'habitait déjà le législateur Jean Debry.
Mlle de Grouchy occupait, moyennant deux cents
livres par an, deux chambres qui avaient vue sur
la Grande-Rue et sur la cour. Son mobilier était
succinct : une table ronde en acajou à dessus de
marbre blanc, avec couvercle en maroquin et drap
vert, une baignoire en cuivre en sabot, une ber-
gi're de vieux damas vert et sa housse, un lit,
quelques fauteuils et quelques chaises (4).
C'est dans cette maison, où Condorcet espérait
trouver la sécurité et le calme, que se passèrent
ses dernières heures de joie.
En effet, les événements se précipitaient, et
Condorcet ne tarda pas à être personnellement
menacé.
Il passait tout son temps à Auteuil, au milieu
des siens, avec Cabanis et Jean Debry. Cette
tran({uille intimité, dans une retraite studieuse,
n'était ni sans charmes ni sans douceur. Cabanis,
que Ton a pu, sans blasphème, comparer à Fé-
(1) Déclaration par la citoyenne Félicité-Char-
lotte Grouchy, maieurc, devant la municipalité,
de Hon intention d être imposée séparément '69
ses sœur et beau-frère (4 janvier 1794)*
ANNEXES
453
Delon, trouvait, daos sa bonté inânie, les atten-
tions les plus délicates. Ce tendre rêveur, ardent
cependant lorsqu*il s'agissait de défendre ses idées,
connaissait toute la générosité du coeur de Sophie,
et il voyait, dans le courage de cette femme supé-
rieure, sinon les moyens de sauver le philosophe,
du moins un secours assuré pour le jour où les
circonstances deviendraient plus difficiles et plus
dangereuses.
Lénerjpe ingénieuse de Mme de Condorcet
complétait à merveille la bienveillance un peu
mélancolique de Cabanis. Aussi, la pure sympathie
née avant 1789 entre ces deux Ames d*élite gran-
dissait-elle chaque jour au contact des événe-
ments. Sophie, loin de s*en cacher, s'en montrait
fiére et heureuse ; elle trouvait dans son amitié
la muse inspiratrice de ces Lettres immortelles,
dédiées à Cabanis et si peu connues aujourd'hui.
€ Elles furent achevées dans ce pâle Elysée d'An-
teuil, plein de regrets, d'ombres aimées. Elles
parlent bas, ces lettres; la sourdine est mise aux
cordes sensibles (1). >
Lorsqu'elles parurent pour la première fois en
Tan VI, elles accompagnaient la traduction par
Mme de Condorcet de la Thétnie des sentiments
moraux, d'Adam Smith : elles purent être légè-
rement retouchées à cette époque ; mais la vraie
date, celle qui les explique, est Tannée i793, o(i
elles furent composées. La première de ces lettres
débute ainsi :
« L'homme ne me parait point avoir de plus
< intéressant objet de méditation que Thomme,
« mon cher Cabanis. Est-il, en effet, une occupa-
« tion plus satisfaisante et plus douce que celle
€ de toiirjier les regards de notre âme sur elle-
« même, d'en étudier les opérations, d'en tracer
« les mouvements, d'employer nos facultés à
« s'observer et à se deviner réciproquement, de
« chercher à reconnaître et à saisir les lois fugi-
« tives et cachées que suivent notre intelligence et
« notre sensibilité? Aussi, vivre souvent avec soi
« me semble la vie la plus douce, comme la plus
< sage; elle peut mêler aux jouissances que
« donnent les sentiments vifs et profonds les
€ jouissances de la sagesse et de la philosophie . »
Quand elle parle des sympathies individuelles,
2ui ne sont autre chose que l'amitié, Mme de
ondorcet est heureuse, on le sent, de s'adresser
à son < cher Cabanis, qui, dévoué sans choix et
sans effort à ses travaux et à ses a Sections, Cbt
peut-être par le sentiment habituel de la raison
et de la vertu trop loin des hommes pour aperce-
voir leurs erreurs, ou, du moins, pour en discer-
ner les profondes racines », et elle lui dit :
« Elles (ces sympathies naturelles) sont plusin-
€ times entre ces âmes mélancoliques et réflc-
« chies qui se plaisent à se nourrir de leurs sen-
€ timents, à les goûter dans le recueillement;
€ qui ne voient dans la vie que ce qui les y a
€ attachées et qui restent concentrées dans leurs
« affections, sans pouvoir désirer an delà, car,
€ quelque insatiable que soit le cœur humain, il
« n'épuise jamais le vrai bonheur quand il veut
« s'y arrêter. »
(i) Michelet, le* Femmes delà Révolution, p. 87.
S'agit-il de la beauté et de l'amour, son lan-
%zgt n'est pas moins éloquent, sfa philosophie
moins saine ou moins élevée. Elève de Rousseau,
fille de Voltaire et de son siècle, Sophie de Con-
dorcet, s'il est permis de continuer cette image,
préférait secrètement son professeur à son père ;
on le sent, à travers toutes les réticences, et de
telle façon qu'on ne s'y peut tromper :
« Rousseau a parlé davantage à la conscience,
« Voltaire à la raison. Rousseau a établi ses opi-
« nions par la force de sa sensibilité et de sa lo-
« gique, Voltaire par les charmes piquants de son
« esprit. L'un a instruit les hommes en les tou>
« chant, l'autre en les éclairant et en les amu-
< sant à la fois. Le premier, en portant trop loin
« quelques-uns de ses principes, a donné le goût
« de l'exagération et de la singularité; le second,
« se contentant trop souvent de combattre les
« plus funestes abus avec l'arme du ridicule, n'a
« pas assez généralement excité contre eux cette
< indignation salutaire qui, moins eflicace que le
€ mépris pour châtier le vice, est cependant plus
< active à le combattre. La morale de Rousseau
« est attachante, quoique sévère, et entraîne le
« cœur même en le réprimant ; celle de Voltaire,
« plus indulgente, touche plus faiblement pent-
« être parce qu'imposant moins de sacrifices elle
< nous donne une moins haute idée de nos forces
« et de la perfection à laquelle nous pouvons
< atteindre ; Rousseau a parlé de la vertu avec
€ autant de charmes que Fénelon et avec l'em-
« pire delà vertu même; Voltaire a combattu les
€ préjugés religieux avec autant de zèle aue s'ils
« eussent été les seuls ennemis de notre félicité ;
< le premier renouvellera d'âffe en âge l'enthou-
« siasme de la liberté et de la vertu ; le second
€ éveillera tous les siècles sur les funestes effets
« du fanatisme et de la crédulité. Cependant,
« comme les passions dureront autant que les
« hommes, l'empire de Rousseau sur les âmes
« servira encore longtemps les mœurs quand celui
< de Voltaire sur les esprits aura détruit les pré-
« jugés qui s'opposaient au bonheur des so-
« ciétés ».
L'éloquente conclusion de la dernière lettre,
tout en affirmant le pouvoir de la morale et de
la vertu, traduit bien l'irrémédiable regret jus-
qu'au sein des spéculations de la philosophie :
€ On ne trouve la douceur de la vie que dans
« la bienfaisance, la bonne foi, la bonté, et en
« faisant ainsi de ses dieux pénates un asile où
« le bonheur force l'homme à goûter avec délices
« sa propre existence. Jouissances intimes et
« consolantes, attachées à la paix et aux vertus
« cachées ! Paisirs vrais et touchants qui ne quit-
te tez jamais le cœur que vous avez une fois
« attendri ! Vous dont le sceptre tyrannique de
« la vanité nous éloigne sans cesse! Malheur à
< qui vous dédaigne et vous abandonne ! Malheur
« surtout à ce sexe comblé un moment des dons
« les plus brillants de la nature et pour lequel
« elle est ensuite si longtemps marâtre, s'il vous
« néglige ou s'il vous ignore ! Car c'est avec vous
« qu'il doit passer la moitié de sa vie et oublier,
< s'il est possible, cette coupe enchantée ^ue la
« main du Temps renverse pour lui au milieu de
€ sa carrière ! »
^54
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
r.
Mme de Coodorcet n*allait pas tarder à faire
ar elle-même Inexpérience cruelle de la doa«
eur.
Dans les premiers jours de juin, sa mère tomba
subitement malade cbez elle.
Le 8, Fréteau écrivait à sa femme M) :
« Le mauvais temps et Tabsence des voitures
« de toutes les places ne m*ODt permis d'arriver à
« Auteuîl que tout au soir. Ma sœur était aux
« abois. Les médecins Cabanis et Portail avaient
« cru rémétique nécessaire (la malade avait la
« gan^ne à la jambe)... Elle n*a plus que des
« élans vers les objets de son affection. Notre
« enfant, tes filles, les siennes, ta tendresse,
« voilà ce qui lui a fourni les choses les plus tou-
« chantes à me dire, mais par demi-phrases. Je
« suis pénétré de cet affreux spectacle. »
Le 10 juin, la marquise de Grouchy expirait
dans les bras de sa fille, dont la douleur fut dé-
chirante. Deux jours après, Mlle Fréteau en ren-
dait compte ainsi à son frère (2) :
« Ma prédiction ne s'est trouvée que trop vraie,
« mon cher ami. Ma tante n'est plus. Elle est
« morte lundi, à 4 heures après midi. Papa nous
< a mandé que sa fille (Mme de Gondorcet) est
« tombée dans des convulsions telles qu'il n'en a
« jamais vu de semblables. Si on ne l'eût jetée à
« l'instant dans le bain, elle serait expirée. Juge
« de sa douleur, mon cher ami. Ce qu'il y a de plus
« chagrinant, mon frère, c'est que les instances de
« papa tendant à procurer à ma tante des conso-
« lations spirituelles ont été vaines. Uuelle cir-
« constance alarmante ! Gémissons, prions pour
« elle. Voilà les services que nous pouvons lui
« rendre. Acquittons-nous-en, mon cher ami,
« voilà le retour que nous devons à sa ten-
« dresse (3). »
Gondorcet et les autres parents, disent les re-
gistres de la paroisse d'Auteuil, assistèrent à la
cérémonie et à l'inhumation, qui fut faite dans le
cimetière du village (4).
Pendant ce temps, le marquis de Grouchy était
à Villette, très malade lui-même. Aussitôt les der-
niers devoirs rendus à sa mère, Mme de (^ndor-
cet partit avec Charlotte pour rejoindre, dans le
manoir paternel, son frère Emmanuel, qui venait
(i] Archives Fréleau de F*ény.
(2) la juin 1793. Félicité à Emmanuel Fréteau.
Archives Fréleau de Pén^.
(3) Il parait bien que l'influence de Condorcet
ail été, ici, toute-puissante. M. Louis Amiable,
dons une brochure sur Lnlande franc-maçon
(Paris, Charavuy frères, 1889). dit, à trois re-
prises, pp. 3o et 3i, que Condorcet opjpartint
comme iranc-ma(;on à la loge des IX-Sœurs.
J'ai eu entre les mains presque tous les papiers
de cette Loge, dont mon arrière- grand-père, le
poète Boucher, fut orateur et premier secrétaire,
et je puis affirmer que Condorcet ne flgure dans
aucun des tableaux de la Loge et, notamment,
dans celui de 17S4, où il serait inscrit certaine-
ment.
Condorcet fit-il fjartie d'une autre Loge, ou
n'appartint-il jamais à la fronc-mnçonnerie,
comme c'est mon opinion personnelle, c'est là
une question intéressante, mêlée à un fait diffi-
cilement explicable, je le reconnais; mais elle
n'est encore résolue ni dons un sens, ni dans
l'autre.
f/i) Premier registre de la paroi« d'Auteuil,
folio 5.
d*étre privé de son commandement en Norman-
die (i). Mais elle ne resta que peu de jours à Vil-
lette, ayant été rappelée à Auteuil par la situation
de son mari, qui s ageravait tous les jours.
Condorcet, bien qu il fût encore en liberté, ne
se faisait plus d'illusions, etU se préparait à toot
événement, comme en témoigne ce billet de son
ami :
« A Auteuil, ce jourd'hny, 30 juin 4793, à
« minuit, Gondorcet, proscrit, par rexécrable fae-
« tion du 31 mai dernier, avant de se dérober au
« poignard des assassins, a partagé avec moi,
€ comme don de Famitié qui nous unit, le poison
« qu'il conserve pour demeurer en tout événe-
« ment seul maître de sa personne. Jean Debrv. »
En effet, sur la dénonciation de Chabot, le
8 juillet i793, Condorcet était décrété d'accusa-
tion à cause de son écrit : Aux Français, mr le
projet de la nouvelle Constitution.
Les scellés furent mis sur ses papiers, rue de
Lille et à Auteuil. La Roche n'avait pu éviter
cette formalité, mais il avait, du moins, prévenu
Condorcet, qui s*échappa.
Le philosophe trouva asile, la première nuit,
chez Mme Heivétius. Mais, comme il était dange-
reux de rester plus longtemps dans la propre
maison du maire charjgé de procéder contre lui,
il se rendit le lendemain chez Garât, oui n'hésita
pas à recevoir le proscrit dans l'hôtel même du
Ministère.
Condorcet se réfugia ensuite rue Servandoni,
dans une maison que son ami (^banis avait re<
connue comme un asile sûr.
La femme d'un homme déclaré hors la loi ne
pouvait pas coucher dans la capitale; Sophie,
deux fois par semaine, dé^isée en paysanne, ve-
nait donc, à pied, d'Auteuil à Paris, avec l'espoir
trop souvent déçu, de passer quelques instants
auprès du proscrit. Pour franchir la barrière, elle
se mêlait à la foule qui allait voir la guillotine et,
afin de ne pas être remarquée, elle accompagnait
cette foule jusqu'à la place de la Révolution.
Uuelle joie lorsqu'un avis secret la prévenait
qu'elle pouvait aller passer quelques instants au-
près du proscrit ! Comme elle cherchait à le con-
soler ! avec quel amour elle prodiguait au captif,
devenu subitement un vieillard, les soins du corps
et de l'àme (2)
Son influence, déjà si grande aux jours de la
prospérité, ne connaissait plus de liinltes; Con-
dorcet était froid et timide, elle en avait fait un
homme plein de sensibilité et de chaleur. Comme
il s'épuisait à rédiger une justification de sa con-
duite politique, Sophie remarqua bien vite com-
bien ce travail le faisait souff'rir moralement et
physiquement et, obtenant du philosophe qu'il y
renoncerait, elle lui fit entreprendre ceUid Esquisse
des progrès de Vesprit humain, qui est restée
(1) 23 juin 1793. Félicité à Emmanuel Fréteau.
Arcbives Fréteau de Pèny. Ce ne fut que quel-
que temps oprès que le marquis de Grouchy
fut arrête et enfermé à Sainte-Pélagie.
(2) Parfois les anciens serviteurs de Con-
dorcet purent aussi pénétrer auprès de lui et lui
apporter, avec des nouvelles des siens, leurs
soins dévoués et affectueux.
ANNEXES
455
oh des plus beaux titres philosophiques et litté-
raires de rillustre révear (1).
Pais, comme Ta dit Cabanis, « descendant des
plos hautes réj^ions du calcul et de la philosophie,
il ne dédaignait pas de rédiger des leçons d'arith-
métique pour les instituteurs et les enfants des
classes indigentes de la Société ».
Mais le trarail ne pouvait plus Tarracher à ses
tristes pensées. L*idée de la mort ne le quittait
pas et il interrompait son labeur pour écrire ces
Avis d'un proscrit et ces Conseils à sa fille, où
Ton retrouve le cœur, la générosité et la haute
raison de son admirable épouse.
C'est pour son Elisa qo il écrivait ces Ans d'un
proscrit, admirable testament qui honore à jamais
sa mémoire et qui commence par ces lignes su-
blimes : « Mon enfant, si mes caresses, si mes
soins ont pu, dans ta première enfance, te conso-
ler quelquefois, si ton caur en a gardé le souve-
nir, puissent ces conseils, dictés par ma tendresse,
être reçus de toi avec une douce confiance et con-
tribuer à ton bonheur.
€ Dans quelque situation que tu sois, quand tu
liras ces lignes que je trace loin de toi, indifférent
à ma destinée, mais occupé de la tienne et de
celle de ta mère, songe que rien ne t*en garantit
la durée.
< Prends Thabitude du travail... »
Et, après avoir insisté sur cette douce source de
bonheur, Condorcet cherchait à détourner sa fille
de la personnalité et de Tégoïsme ; il lui parlait
€ de 1 habitude des actions de bonté », et il lui
traçait pour ainsi dire tout un code merveilleux
de générosité et de bienfaisance.
Quelquefois la poésie, ce cri des grandes dou-
leurs, lui dictait des vers où il exprimait lesmémes
sentiments d*amour et de regret pour les deux
êtres qui lui étaient si chers. Au mois de dé-
cembre 1793, il avait adressé à sa femme une
pièce quMl avait intitulée le Polonais exilé en
Sibérie :
pour la septième fois renaît cette journée
Oui vit à tes beaux jours unir ma destinée.
Je n'ai point par des vers célébré mon bonheur,
Mais on aime à parler sitôt qu'on est à plaindre :
(1) Sur le manusiicrit autographe de la Jaslifica-
Hon^ Sophie a écrit : « Quitté à ma prière pour
écrire TEitquisse des progrès de r esprit humain. »
— Condorcet fit plusieurs fois passer, sous le
voile de l'anon^'me, des mémoires patriotiques
au Comité de Salut public. — A propos du livre
de Condorcet. imprimé en l'an vil et intitulé :
Moyen Rapprendre à compter sûrement et avec faci-
lité, il y eut un regrettable débat entre Mme de
Condorcet et J.-B. Sarrel. qui avait publié, h la
même époque, une arithmétique élémentaire.
Celui-ci fut injustement accusé de s'être ap-
proprié le manuscrit de Condorcet pour le publier
sous son nom. Un verdict de l'inslilul, choisi
comme arbitre, innocenta complètement Sarrut
de tout soupçon de plagiat. Celui-c' ne conserva
de cette anaire aucun mauvais souvenir, puis-
qu'il donna, à quelque temps de là. une notice
très bienveillante sur Condorcet. Pendant les
huit mois de la captivité du philosophe, Sarret
n'avait cessé, disaitil, d'admirer sa douceur, sa
patience, le calme de son âme. sa résignation à
un sort immérité, <■ je pourrais dire son indirfé-
rence pour lui-môme, car les objets de ses plus
vives sollicitudes étaient la République, sa
femme, ses epfanls et ses amis. »
Sa fille se souviendrait-elie de lui? Cétait là sa '
grande préoccupation :
Crois-tu que notre enfant puisse encore retenir '
De son père proscri tun faible souvenir,
Que son cœur de mes traits ait gardé quelque image?
Dis-lui que je l'aimais...
Ailleurs il défendait sa mémoire :
Ils m'ont dit -.Choisis d'être oppresseur ou victime.
J'embrassai le malheur et leur laissai le crime... .
£t, revenant à sa délicieuse Sophie :
J'ai servi mon pays, j'ai possédé ton cœur :
Je n'tturai point vécu sans goûter le bonheur.
Tenant déjà dans sa main la coupe fatale, il
écrivait (i) :
« Je ne puis re|;retter la vie que pour ma
« femme et mon Elisa ; elles en auraient embelli
« les derniers instants. Ma vie pouvait leur être
€ utile; elle était chère à Sophie. Je périrai
« comme Socrate et Sidney, pour avoir servi la
« liberté de mon pa^s. »
Le lendemain du jour oii il traçait ces h'gnes, il
inscrivait ces pensées sur la feuille de garde d*une
histoire d'Espagne (2) :
« Les conseils que j'ai écrits pour EUsa, des'
€ Lettres de sa mère sur la Sympathie, serviront
€ à son éducation morale. D'autres fragments de
« sa mère donneront sur le même objet des vues
« très utiles (3). »
Il était persuadé que, non seulement il n'échap-
perait pas à la mort, mais que Sophie elle-même
ne tarderait pas à le suivre sur Téchafaud. Aussi
le testament écrit, adressé à Mme Yernct, débutait-
il ainsi :
« Si ma fiUe est destinée à tout perdre, je prie
« sa seconde mère (Mme Vernet) d'écouter ces
« derniers désirs d'un père innocent et malheu-
€ reux. Je recommande de lui parler souvent de
« nous; d'entretenir le souvenir qu'elle en con-
« serve ; de lui faire lire quand il sera temps nos
< instructions dans les originaux mêmes.
« Si elle conserve Sophie, je prie celle-ci d'ap-
« prendre à Elisa à connaître, à aimer sa seconde
< mère. Je prie celle-ci de lui parler de la ten-
< dresse de sa mère pour moi et de son courage
« pendant tout le temps de cette longue persécu-
« tion. Je ne dis rien de mes sentiments pour la
« généreuse amie à qui cet écrit est destiné; en
« interrogeant son cœur, en se mettant à ma place
€ elle les connaîtra tous. »
Le philosophe terminait en recommandant
qu'on éloignât de sa fille tout sentiment de ven-
geance ; € c'est au nom de son père que ce sacri-
€ fice sera réclamé ». Puis il conseillait à Elisa
(1) Fragment fmars 179A) qui était resté entre
les mains de Mme Vernet.
(3) Testament (mars 1704)-
(3) Cet ouvrage est malneureusement non seu-
lement inédit, mais 1res probablement perdu
pour toujours. Malgré toutes mes recherches
dans les papiers de famille, ie n'ai rien pu
trouver è ce sujet. Quant aux Mémoires de Con"
dorcet, en 2 vol. in-8*, parus en 1824, ai-je besoin
de dire qu'ils sont aosolument apocryphes et,
par conséquent, indignes de toute confiance.
456
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
d'apprendre Tanglais, parce qae, si Mme Veroet
?eoait à lai manquer, elle devrait passer en An-
gleterre, chez Milord Stanhope on, en Amérioue,
chez Bâche, petit-fils de Franklin, on chez Jef-
ferson.
Ces trois hommes excellents avaient été, aux
jours heureux, les hôtes assidus et choyés du sa-
lon de rhôtel des Monnaies.
L'heure fatale, dont le philosophe avait depuis
plusieurs mois le terrible pressentiment appro-
chait. Le 5 germinal an II (25 mars 1794), Con-
dorcet apprit aucune visite domiciliaire serait faite
le lendemain chez Mme Vernet, et il résolut aussi-
tôt de quitter sa retraite pour aller se cacher dans
les environs de Paris.
On connaît la cruelle odyssée de Bourg-Ia-Reine
et la mort tragique du philosophe. Cette mort fut
ignorée pendant plusieurs mois; sa famille le
croyait passé en Suisse, tandis que ses biens
étaient vendus comme propriétés d'émigré.
. Sophie, ruinée, avait d'abord songé à se rendre
à Yillette, auprès de son père. Un passe-port dé-
livré par la municipalité d'Auleuil en tait foi;
mais elle s*était bien vite ravisée, en songeant que
son devoir était de rester aussi près que possible
du proscrit. Après avoir rendu la liberté à chacun
de ses domestiques, renvoyé sa femme de chambre
et la gouvernante anglaise de sa fille, elle restait
seule pour subvenir au service et aux besoins de
trois personnes: Elisa, âgée de trois ans; Char-
lotte de Grouchy, sa sœur, toujours malade; et
Mme Beauvais, une vieille ^uvernante, qui était
incapable du moindre travail.
Du peu d'argent qui lui restait, Mme de Condor-
cet acheta, au n° 352 de la rue Saint-Honoré,
tout près de la maison de Robespierre, une petite
boutique de lingerie, ob elle établit Auguste Car-
dot, le jeune frère du secrétaire de son mari. A
l'entresol, au-dessus de la porte cochère, elle avait
un petit atelier où elle peignait des tableaux, des
miniatures et des camées. Quelquefois aussi elle
pénétrait dans les retraites où se cachaient les
proscrits et dans les cachots pour reproduire les
traits des malheureux condamnés qui n'avaient
plus que ce souvenir à léguer à leur famille. Sou-
vent, pour gagner la bienveillance des geôliers,
des soldats ou des municipaux, elle dut peindre,
dans la fumée des corps de garde, ces brutes
avinées qui n'avaient aucun respect pour ses déli-
catesses de femme, ni pour ses malheurs d'épouse.
Des paroles cruelles qui retentirent alors à son
oreille, Sophie conserva toute sa vie un douloureux
et terrible souvenir ! Jusqu'au9 thermidor, elle crut,
chaque jour, qu'elle serait arrêtée à son tour. Elle
eut de fréquentes visites du Comité révolutionnaire
d'Auteuil. Un jour, il y eut une perquisition chez
elle ; on lui dit même de préparer son paquet pour
aller en prison. Mais elle s'en tira encore une fois
en faisant le portrait de chacun des membres du
Comité.
Enfin, le soin de sa sûreté et le désir de sauve-
{;arder, s'il était possible, la fortune de sa fille,
'obligèrent à faire une démarche qui lui fut très
pénible. Le 14 janvier 4794, elle se présenta de-
vant la municipalité d'Auteuil pour lui fnire con-
naître son intention de divorcer et de continuer à
vivre dans la commune « comme une artiste qui
cherche à subsister paisiblement par ses tra-
vaux > (i).
Mme de Condorcet, réintégrée dans ses biens,
continua à habiter parmi nousjusqu^en 4800. Le
mariage de sa sœur avec Cabanis et l'établissement
du jeune ménage dans la propriété de Mme Helvé-
tins, l'avaient retenue à Auteuil. La mort de celle
que Franklin appelait N.-D. d'Auteuil, arrivée au
mois d'août 4800, dispersa les habitués de la mai-
son. Mme de Condorcet s'établit alors à la Maison-
nette, au-dessus de Meulan. Elle y recevait,
comme elle faisait à Paris avant 4789, toutes les
illustrations de la France et de l'étranger : Benj.
Constant, Baggesen, Manzoni, Guizot et tant
d'autres.
Au mois de septembre 4822, la névralgie dont
elle souffrait depuis longtemps prit subitement un
caractère des plus alarmants. Au milieu de ses
cruelles souffrances, elle ne retrouvait auelque
force que pour s'entretenir des besoins et du sort
futur des pauvres qu'elle avait coutume de secou-
rir, et, lorsque sa langue devint embarrassée, ce
furent encore les noms de ces personnes qu'elle
prononça le mieux et qu'elle répéta le plus sou-
vent.
La douleur de ses parents, de ses amis et de
ses protégés fut navrante.
Son souvenir aimé, gardé comme un culte par
tous ceux qui l'ont approchée, vivra toujours.
C'est que, à l'éternelle beauté dont elle fut l'un
des types les plus parfaits, elle sut joindre la dou-
ceur qui charme, l'esprit qui pénètre et la charité
qui purifie.
Antoine Guillois.
VOLNEY
Franklin, comme il venait de rentrer en Amé-
rique après avoir rempli la mission glorieuse qui
lui avait été confiée, adressa sa première lettre
aux amis qu'il avait quittés et qui ne pouvaient se
consoler de son départ.
« Donnez-moi, leur écrivait-il, des nouvelles
de l'Académie des belles-lettres d'Auteuil, de la
bonne Dame que nous aimons tons et dont je
chérirai le souvenir tant qu'il me restera un souffle
de vie ; toutes les fois que, dans mes rêves, je me
transporte en France pour y visiter mes amis,
c'est d'abord à Auteuil que je vais. »
Volney fut un des plus grands, le plus original
peut-être de ces philosophes et de ces écrivains
qui se réunissaient autour de Mme Helvétius dans
(i) Le divorce fut prononcé le i8 mai, c'est-à-
dire plus de six semnines après la mort ijfnorée
de Condorcet : « Pour cause de séparation de
fait, depuis plus de six mois, la dame « Grouchy
« étant domiciliée dans la commune depuis deux
« ans et demi et ledit Condorcet étant séparé
<« d'elle depuis plus de dix mois par son eva-
« sion. •» Signé : P.-J.-G. Cabanis, médecin,
36 ans, domicilié à Auteuil, témoin, et Benoît,
officier public. Le divorce fut une précaution
3ue prirent, à cette époque, beaucoup de femmes
'émigrés.
ANNEXES
457
cette chapelle « où Ton fêtait encore les saints
de rencyclopédie », dans ce salon oii, comme on
Ta dit, « les Etats Généraux de Tesprit humain »
tinrent nn moment lears assises immortelles.
Et Toi là pourquoi. Messieurs, un habitant d*Âu-
teuil, un petit-fils des idéologues, qui fut un jour
leur historien, a le grand honneur de prendre au-
jourd'hui la parole derant tous.
Mme HelTétius, après la mort de son mari et
rétablissement de ses deux tilles, était Tenue se
fixer dans Thumble TÎllage où Ton jouissait alors,
malgré la proximité de la capitale, du calme paci-
fique des champs et de la poésie des larges hori-
zons dans des campagnes boisées.
Dans une maison modeste, entourée d'un grand
jardin où les arbres les plus rares dissimulaient,
dans leurs verdures, des volières d'oiseaux chan-
teurs, la maltresse du logis, Notre-Dame d'Au-
teuil — c'est ainsi qu'on l'appelait — n'avait
d'autre luxe que de reccToir ceux dont l'affection
aTait sunrécu à la double épreuve du temps et du
malheur.
L'abbé La Roche, Morellet, Chamfort, Maies-
herbes, Tnrgot, Sieyès, Garât, Roucher, Cabanis
étaient les hôtes habituels de la maison.
Cabanis, grand et délicieux jeune homme, à la
parole ardente, à l'esprit toujours en éTeil, au cœur
si doux qu'on Ta pu comparer pour sa bienfai-
sance à Fénelon et l'appeler Tangélique Cabanis,
Cabanis sTait présenté, un jour, à Mme HelTétius,
Totre illustre compatriote.
Retrouver un intérieur où l'amitié lui faisait une
Î^lace de choix, aToir constamment sous les yeux
e spectacle de cette bonté et de cette joie tran-
quilles, auréole des Tieillesses heureuses, c'était
là, certes, une bonne fortune (|ue Yolney devait
d'autant plus goûter qu'il n'sTait connu jusqu'a-
lors de la vie que les cruautés et les amertu*
mes.
Il jouissait pleinement de son bonheur pendant
ces années charmantes qui suivirent l'avèoement
de Louis XYI, années dont on a dit que ceux qui
ne les aTait pasconnuesavaient ignoré ce que c'est
que la douceur de vivre.
Toujours prêt pour le combat, lutteur préférant
l'offensive, Volney, certes. Tétait toujours, et le
sa|[e Franklin, s'approchant du groupe où il cau-
sait avec animation dans un coin du salon, le lui
avait bien dit : € A votre âge, l'àme est en de-
hors. Au mien, elle est en dedans. »
Mais l'ardeur de la jeunesse et le frémissement
de la vocation allaient arracher Volney à la dou-
ceur de cette vie trop calme à son gre.
Il partit en 4783 et, ouand il revint, tout était
changé. Les théories, discutées avec éclat chez
Mme Helvétitts, entraient dans la pratique du pou-
voir. \a Révolution commençait à gronder.Auteuil,
comme la grande ville, allait en connaître bientôt
les tragiques beautés et les cruelles horreurs.
Membre de la Constituante, Volney avait repris
sa place au foyer hospitalier. Dans la journée,
chacun allait à ses devoirs ; mais, le soir, on ren-
trait à Anteuil pour se retrouver tous, groupés
comme autrefois, autour de la maltresse de maison
qui ne Tieillissait pas.
Le 15 juillet 4789, Cabanis était à Versailles.
n parlait, aTec son ardeur accoutumée, des éTéne-
ments de la Teille, et les auditeurs séduits faisaient
cercle autour de lui, lorsque Mirabeau Tint à pas-
ser et demanda quel était ce jeune homme. Volney
nomma Cabanis, qu'il présenta au tribun. Celui-ci
entretint longuement le médecin-philosophe et,
quand ils se séparèrent, l'amitié était née, amitié
qui allait bientôt se traduire par une collaboration
de tous les jours et qui ne devait cesser qu'au lit
de mort de l'orateur.
Volney, de son côté, était resté fidèle et comme,
à une séance, Mirabeau montait à la tribune au
milieu des cris de ses adversaires : « Hier, au
Capitule! Aujourd'hui, à la Roche Tarpéïenne ! »
s'écria Vohiey. Mirabeau eut un sourire de remer-
ciement.
Au mois d'août de cette année 4791 , votre com-
patriote faisait paraître son grand ouvrage tes
huines. « Il livrait, comme il l'écrivait à Garât,
son Taissean aux Tents et à la fortune, sous les
auspices d'une bonne conscience et l'amour de la
Térité. »
Deux ans plus tard, c'étaient là des titres à la
captivité et souvent à la mort. Volney resta dix
mois dans les cachots de la Terreur. Il en sortit
plus doux, plus accueillant, pourquoi ne dirais-jo
pas le mot, plus humble. Il avait des paroles d'in-
dulgence et de haute humanité ; pruoent et sage,
il reservait sa colère pour le régime décemviral et
pour Jean-Jacques Rousseau qu'il en rendait res-
ponsable. € 11 était, dit Sainte-Beuve, redevenu
pacifique, modéré, disciple de Franklin, un philo-
sophe d*Auteuil. P
Après la tourmente et en vertu même d'une loi
historique fatale, le pouvoir devait appartenir aux
vaincus et aux opprimés de la veille. Les idéolo-
gues, — c'est eux-mêmes qui se donnèrent ce nom,
— arrivaient au |;ouvernement dans les condi-
tions les plus difiiciles. Tout était à recons-
truire.
La Constitution de l'an III fut leur ouvrage et
devint la charte de leur politique. Ces aimables
rêveurs pouvaient croire de bonne foi à sa durée;
mais auraient-ils, dans la pratique du pouvoir,
les qualités indispensables de science, de force et
d'énergie ?
U 48 brumaire répondit à cette question, et
l'enthousiasme qu'il provoqua à Anteuil, comme
dans toute la France, est la preuve même de l'im-
puissance des théories humaines quand elles sont
aux prises avec les événements.
Pendant que ses amis et lui étaient au pouvoir,
Volney, au printemps de 4795, avait reçu la vi-
site de Bonaparte. Le général était en disgrâce.
Découragé, il voulait prendre du service soit en
Turquie, soit en Russie.
Volney le consola, le détourna de ses projets et
l'invita à venir le lendemain, déjeuner chez lui
avec La Réveillère-L^peaux. La conversation de
Bonaparte frappa le représentant, déjà prévenu en
sa faveur. La Réveillère, à son tour, présenta
quelques jours après le général à son collègue
Barras. On sait le reste ; mais on peut dire que le
nom des idéologues se trouve à l'origine de la
carrière et de la fortune de Napoléon.
Volney partit peu de temps après pour l'Amé-
rique.
C'est là qu'il apprit sa nomination à l'Institut
458
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
et l*élé?ation de Bonaparte tu commandement de
Tarmée d*Italie. Volney le connaissait déjà depuis
son voyage en Corse, au temps delà Constituante,
et il dit aussitôt :« Pour peu que les circonstances
le secondent, ce sera la tète de César sur les
épaules d'Alexandre ! »
Quelques jours avant le 18 brumaire, Volney,
déjà gagné à la cause du général, se trouvait à
Auteuil quand Napoléon vint y rendre visite à la
veuve d'Helvétius. Le futur consul s'y montra
dans tout le charme de sa séduction incompara-
ble ; il s'entretint longuement avec Cabanis et
Volney. Ce fut ce jour-là que, s*étonnant devant
Mme Helvétius de la petitesse du parc d* Auteuil,
il reçut d'elle cette réponse spirituelle : « Vous ne
savez pas, général, tout le bonheur qu'on peut
trouver dans trois arpents de terre. »
On a reproché à Volney, comme à tous les
idéologues, sa participation au 48 brumaire ; Ca-
banis a répondu pour tous : «Quelques personnes
assez malheureuses pour ne chercher dans les ac-
tions humaines que des vues coupables ou viles
s'efforcent de rapporter à certaines ambitions
personnelles la cause de ce dernier mouvement...
Elles sont à plaindre de ne pouvoir pas même
supposer ou'il existe des âmes assez généreuses
pour attacher tout leur bonheur au souvenir d'un
grand service rendu au pays. >
L'adhésion de Volney était, du reste, absolu-
ment désintéressée; il refusa la place de troisième
consul et le ministère de l'intérieur. En revanche,
il fut un des trente et un premiers membres du
Sénat conservateur : il s'y retrouvait avec Cabanis,
Choiseul-Praslin, Destuttde Tracy, tous ses vieux
amis d'Auteuil.
Les honneurs le laissaient froid ; il les recevait
sans enthousiasme et il ne s'en parait point. On a'
souvent cité, et aujourd'hui encore, la lettre
charmante qu'il écrivait à un de ses amis, ptiur
lui annoncer qu'il avait été fait comte et que
l'Empereur l'avait nommé commandeur de la Lé-
gion d'honneur.
Les dernières années de Volney furent consa-
crées à la science, aux bonnes œuvres, et au
culte d'un foyer qui lui donnait, dans sa vieillesse,
la chaleur qui avait manqué à son adolescence.
Mme Helvétius était morte au début du siècle;
Cabanis l'avait suivie bientôt dans la tombe ; Tracy.
seul, survivait des amis d'autrefois. Hais Auteuil
n'avait plus qu'un attrait mélancolique pour Vol-
ney, qui, dans les derniers jours de sa vie,'n'yviut
plus que très rarement.
Le village de jadis est devenu l'un des quar-
tiers de la srande ville ; placé comme aux avant-
postes, pendant l'année terrible, il a beaucoup
souffert du premier siège et l'insurrection a com-
plété la tâche barbare oes ennemis. La maison de
Mme Helvétius a été brûlée au mois de mai 1871.
Vous non plus. Messieurs, dans cette province
pourtant moins accessible aux révolutions, vous
ne possédez plus la maison natale de celui que
nous honorons ensemble aujourd'hui.
VoloejT, si son ombre assiste à cette cérémonie,
ne saurait s'étonner de ces ruines qui jalonnent le
chemin de l'humanité.
Il verrait, du moins, ^ue nous avons gardé son
souvenir et gloritié son image.
Sur les débris des demeures qu'il a le plus ai-'
mées, son âme, pensive comme autrefois, mais
souriante enfin, vous remercierait d'avoir aussi
noblement consacré son immortalité.
Antoine Goillois (1).
TUR60T A AUTEUIL
Les quelques lignes qui suivent, et que M. Guil*
lois a bien voulu donner sur notre demande, ne
figurent ici en quelque sorte qu'en attente et
pour sacrifier à l'actualilé. La presse, en effet,
s'est récemment occupée de Turgot, h l'occasion
des recherches faites pour connaître le lieu
exact de sa sépulture. Nous croyons pouvoir laisser
espérer aux lecteurs du BuUelin une série d'ar-
ticles dans lesquels M. Guil lois fera revivre tour
à tour non seulement Turgot, mais encore quel-
ques autres de ces personnages qui fréquentaient
chez Mme Helvétius, et dont il parle si bien
qu'on croirait que, nouveau comte de Saint-Ger-
main, il a déjà vécu parmi eux.
L. S. G.
Turgot était encore en Sorbonne et, portant le
petit collet, jouait à la paume avec Mlle de Ligni-
ville, chez Mme de Graffigny, tante et mère
adoptive de ladite demoiselle de Ligniville —
Mme Helvétius dans la suite.
Il l'avait surnommée Minette, et Mme Helvé-
tius, à son tour, rendit plus tard, ce surnom à
ma grand-mère, ËulalieRoucher, devenue Mme Guil-
lois.
Turgot était un assidu de la maison d'Auteuil.
Après la mort d'Helvétius, — et avant Franklin,
qui fit la même demande, — il sollicita vainement
la main de Notre-Dame d'Auteuil.
Turgot amena à Auteuil mon arrière-graod-père,
le poète Roucher (voir la lettre dâiciense de
Turgot à mon aïeul, dans mon livre Pendant la
Terreur), et, à son tour, Roucher présenta à
Mme Helvétius le doux, l'angélique Cabanis.
Tels sont les liens qui rattachent Tui^ot à notre
village.
Anioine GuiLLOiS.
PREMIÈRE PROMENADE HISTORIQUE
DE LA SOCIÉTÉ BISTOBIQUE o'aDTEUIL ET DE PASST
Le dimanche 13 octobre dernier, a eu lieu,
favorisée par un temps superbe, la première pro-
menade historique de la Société. Elle était présidée
par M. Eug. Manuel, notre président, et dirigée
par M. Ant. Guillois.
S'étaient fait exuser de ne pouvoir y prendre
(i) Discours prononcé à Tinauguralion de la ala^
lue de Volney à Craon, le 9o octobre 1898.
ANNEXES
459
part : M. Seré-Depoin, président de la Société du
VeiÎD français, retenu par un deuil cruel ; MM. Ma-
reuse, Vaquez, Cbapuy, Bagros, membres de la
Société: M. Lorin, secrétaire général de la Société
archéologique de Rambouillet.
M. Lefebrre, membre de cette dernière Société,
avait bien voulu tenir de Rambouillet pour se
joindre à nous. M. Couet, archiviste adjoint k la
G>médie-Française, secrétaire du Comité des Ins-
criptions parisiennes, avait également demandé à
suivre la promenade.
Étaient présents: Mmes Eugène Manuel.la mar-
quise de TEglise, Chochod-Lavergne, Brunet,
Petrovith, Michel; Mlles Pelingem, Gobé, Chocbod-
Laver^pe, Vasticar, etc. ; MM. Eugène Manuel, le
marquis et le comte de TEglise, Gobé, Bauche,
Couet, Vasticar, Petrovitch, de Méric, Gaston Le-
moine, G. Ducbesne, le D^ Henry, Escard, Michel,
Pérois, Levassor, Besnard, Alfred Guillois, etc.
En tout, soixante peronnes environ.
Se joignirent en cours de route à la réunion :
MM. Barthélémy Raynaud et Fernand Bournon,
puis M. Alfred Guérin, venu pour demander son
inscription parmi les membres de la Société his-
torique (i).
A 1 h. 35, la réunion quittait la place duMarché
(ancienne propriété Boufflers) pour se rendre,
presque en face, à la tnaison de Mme Helvétius,
occupée aujourd'hui par l'Ecole normale Israélite
orientale.
Nous avons été parfaitement accueillis par
M. Marx, directeur de cette institution. Dans la
cour, M. Guillois a indiqué rem[)lacement exact et la
distribation de l'ancienne habitation de Mme Hel-
vétius. Il a rappelé les noms des hôtes célèbres de
cette maison : Cabanis, Laroche, Moreliet ; ceux
des visiteurs habituels: Chamiort, Boucher, Dide-
rot, Franklin. Tout ce que le xviu® siècle compta
d'hommes illustres défila sous les ombrages de ce
parc, où s'élèvent encore deux acacias qui ont vu
cette époque déjà lointaine. En parcourant ces
jardins oii Bonaparte était venu et avait appris
€ tout ce qu'il y a de bonheur dans trois arpents
de terre », M. Guillois a rappelé la journée du
18 brumaire, l'écho qu'elle eut dans la petite mai-
son d'Auteuil, la visite du vainqueur de l'Italie ;
il s'est étendu sur les habitudes généreuses et
charmantes de Mme Uelvétius, qui n'oubliait pas
plus les habitants du village que ses oiseaux et
ses chats.
U a fait revivre les voisins de la propriété ; en
face, de l'autre côté de la rue, c'était la comtesse
de BouflOers ; adroite le château du Coq, qui appar-
tint successivement à Louis XV, au bijoutier Strass,
au ministre Joly de Fleury, au sénateur Le Cou-
tenlx de Canteleu ; à gauche, c'est la maison et
le parc des demoiselles de Verrières, on nous serons
tout à l'heure: Au fonddelapropriété, un pavillon
construit pour Cabanis, habité par lui jusqu'en
iSOO et qui ne fut démoli qu'en iS77, après avoir
abrité longtemps la dépouille mortelle de Mme Hel-
vétius, surnommée pour sa bonté inépuisable
Notre-Dame (TAuteuil,
(i) Le Secrétaire général, retenu par un deuil de
famille, ne pouvait rejoindre ses collègues que
vers la fia de la promenade.
*^ N. p. h. R
En d772, la veuve du philosophe avait acheté
cette propriété au peintre pastelliste Quentin de la
Tour; elle resta dans la famille jusqu'en 4817 et
compta depuis, parmi ses propriétaires, M. Thu-
ret, ambassadeur des Pays-Bas, et le prince Pierre-
Napoléon Bonaparte. On sait ses destinées. Incen-
diée en i 871, elle foi remplacée par l'hôtel moderne
qu'occupe aujourd'hui l École normale israélite
orientale.
Il n'était pas possible de ne pas parler en ces
lieux des deux tilles de Mme Bel vétius, Mmes de
Mun etd'AndIau, ^ue Franklin appelait les f^oi/es
et que la Révolution, en souvenir de leur père,
avait nommées les filles de la nation.
U était moins possible encore d'oublier et les
visites de Condorcet, et le mariage de Cabanis, et
surtout l'amitié qui liait Frankun à la maltresse
du lo|^is. A ce propos, M. Guillois a lu cette partie
du dialogue entre FVanklin et la goutte, daté de
Passy, â§ octobre 4780. — et qui rappelle bien
toute la spirituelle bonhomie du grand philosophe :
« Regardez votr» amie d'Auteuil, une femme
qui a reçu de la nature plus de science vraiment
utile qu'une demi-douzaine ensemble de vous, phi-
losophes prétendus, n'en avez tiré de vos livres.
Quand elle voulut vousfaire l'honneur de sa visite,
elle vint à pied. Elle se promène du matin jusqu'au
soir et laisse toutes les maladies d'indolence en
partage à ses chevaux. Voilà comme elle conserve
sa santé, même sa beauté ; mais vous, quand vous
allez à Auteuil, c'est en voiture. Iln'y apas cepen-
dant plus loin de Passy à Auteuil que d'Auteuil à
Le 43 août 4800, Mme Helvétius mourait dans
cette demeure, où elle avait été si heureuse et autour
de laquelle elle avait répandu tant de bien. De ses
mains défaillantes, elle pressait celles de l'angé-
lique Cabanis, qui l'appelait < ma bonne mère »,
et elle répondait : « Oui, je la suis toujours. » Elle
fut enterrée au bout du parc, sur le désir qu'elle
en avait manisfesté, sous la rotonde qui dominait
le pavillon de Cabanis. Elle y resta jusqu'en 4847.
Par son testament, elle laissait la jouissance de
la propriété à Cabanis et à Liroche,ses deux fidèles
commensaux.
Au moment où nous quittions la maison de
Mme Helvétius, quelques âèves de l'Ecole normale
Israélite nous demandèrent la permission de se
joindre,sous la conduite de leur sous-directeur, à
notre excursion. Cette antoritation leur fut accordée
bien volontiers et nous en profitâmes pour appren-
dre d'eux le rôle de l'institution et ses conditions
d'existence.
L'Ecole normale israélite orientale a pour but
de recevoir les meilleurs élèves des écoles israé-
lites établies en Orient et en Afrique et de les per-
fectionner, par des cours qui durent quatre ans,
dans la connaissance de la langue française et des
langues orientales, de façon à les metti*e à même
de distribuer à leur tour renseignement primaire
et de surveiller les institutions Israélites d'en-
seignement professionnel ou agricole.
Les élèves, au cours de leurs études, subissent
les examens pour le brevet de capacité d'instituteur
en France et, 4 l'expiration de la quatrième année,
ceux du brevet supérieur.
Les dépenses de l'Ecole sq sont montées,en4894,
HISTOIRE Dl' XVI'' ARRONDISSEMENT
venir du fabalUle, qiù donna le nom à 11 rue
iiraélile unifenellé. L'Ecole possède, en outre, qui d'Aateuil conduit i Passy.
proTenant de deux legs, up capital de !}3.0C0fr, Nous arriioog alors au d° 43 de la Grande-Rii«
Vers 2 heures et demie nous passions devant d'Auteuil ; c'esl lu que demeuraient, il y a on peu
l'ancien emplacement de h fontaine d'Aiilenit. plus d'un siècle, les demoiselUi de Verrièret.
dont l'eau était si pare que le roi, lors de ses Mme Rapy, aujourd'hui propriétaire de cette
Toyages à la Muette, ne voulait pas en boire magnifique demeure, voulut recevoir elle- même les
d'autre. C'est cette fontaine, et non pas le sou- membres de la Société, et son gracieui accueil
ANNEXES
46i
proiohi^éa Tillasion des souvenirs peadant toàte
cette Tisile d*ane habitation où rien n*a été changé
depuis que les amies da maréchal de Saxe y
demearaient.
C'est le dernier vestige complet du xyiii* siècle
dans notre «piartier; c'est le bijou, le joyau de
notre Auteuil contempoi'ain, la plus belle pro-
priété assurément de tout le XVI* arrondisse-
ment.
C*est là que, vers 4740, MUe Antier recevait
la cour et la ville ; là, dans ce parc où les vases
de marbre alternent avec les berceaux, les colon-
nades et les statues, qu'en i744 cette aimable
actrice célébra une fête pour la convalescence du
roi. Vers i 7S0, la propriété passa entre les mains
de Geneviève et de Marie de Verrières, celle-ci
arrière-grand'mère de George Sand.
Le théâtre subsiste encore dans une propriété
aujourd'hui voisine, chez Mme Boullay. On y
joua la Partie de Chasse de Henri IV, de Collé,
et Camille et Constance, de Colardeau, un des
amis de la maison.
Au 15 août, jour de la fête de Marie de Ver-
rières, il y avait des danses champêtres sur les
pelouses, des repas et des feux d'artifices.
M. Guiliois s'est borné à rappeler un long
article consacré par lui, dans notre Bulletin, à
cette propriété historique, et, après avoir fait le
tour du parc, on a pris congé de l'aimable châte-
laine.
A 3 heures, la Société passait devant }a mai-
son du jardinier de Boileau et devant le fa-
meux marronnier planté du vivant du poète. Nos
Bulletins renferment plusieurs études sur cette
propriété qui appartient aujourd'hui à M. Perri-
chont, conseiller municipal, un de nos membres
donateurs.
Puis voici la maison de Hubert Robert, bien
connue maintenant après les travaux de notre col-
lègue M. Gabillot.
Enfin, à 3 heures et quart, nous arrivons au
Cimetière, fondé en 4800 par M. Benoit, maire
d* Auteuil, agrandi en 4807 grâce à la générosité
du sénateur Le Couleulx deCanteleu.
A gauche, en entrant, M. Guiliois fait remarquer
une table de pierre, encastrée dans le mur, dont
il serait bon de reproduire l'inscription dans nos
colonnes. Le musée Carnavalet désire l'exposer
dans des collections, et il y aurait utilité à ce que,
auparavant, nous en ayons la teneur.
■ On passe devant les tombes d'Ad. Yvon, de
Gounod, de Gavarni, de Legonidec, curé d* Auteuil
et celtisant illustre; de Musard, qui fut notre
maire; d'Elias Robert, dé la famille de Cabanis,
dé Benoît, de Pérignon, de (jretet, de Rumford
pour arriver à la tombe de Mme Helvétius, oii la
société peut remarquer l'inscription, de son nom.
Voici encore les pierres tombales de la comtesse de
Boufflers, du jeune Corot, frère du grand peintre,
artiste lui-même plein de promesses, mort à Au-
teuil, à son retour de la ville éternelle.
. Devant le monument du mathématicien Legendre,
nous trouvons notre nouveau collège, M. Guérin,
administrateur du bureau de bienfaisance. Sa ren-
contre était tout indiquée en ce lieu, Legendre et
sa femme ayant laissé toute leur fortune à la com-
mune d'Autcuil, à la charge de bonnes œuvres et
de fondations charitables. La tombe du savant a
été lamentablement ravagée, en 4 87 1 ,par les obus.
Ce serait pour la Société une trop lourde charge
pécuniaire que de la rèédifier; et, du reste, il
semble bien que c'est à l'Assistance publique qu'in*
combe ce devoir de reconnaissance. M. Guérin
l'admet volontiers, et nous promet de s'employer
de tout son pouvoir pour obtenir cette réparation.
- La réunion se rend, par la rue Chardon-Lagache,
à la maison de Choiseui-Praslin et à l'église d'Au-
teuil, où se terminera l'excursion.
Au n® 29 de cette rue, on s'arrête un instant
devant la maison mortuaire de Gavarni, Voici
maintenant Sainte-Périne, chSimp de bataille,
témoin en 4844 d'un sérieux engagement de cava-
lerie ; c'est là que commençait le parc seigneurial
des Génovéfains.
A notre gauche,c'est l'école J.-B.^ Say,autrefois
le château Temaux ; puis voici la maison de notre
savant confrère, M. Mauréau, de l'Institut. Elle a
vu passer successivement Georges de la Fayette,
Victor de Tracy, Lenormand, Mme Récamier.
Devant l'entrée actuelle de la maison Chardon-
Lagache on voyait encore, il y a cinquante ans,
les pierres de la justice seigneuriale.
La réunion fait ensuite une station devant la
colonne d'Aguesseau. C'est là, à la pointe ex-
trême de l'ancien cimetière, qui s'étendait triangu-
lairement devant l'église, que Mmed'Agoesseau,
morte en 4735, demanda à être enterrée .'En 4754,
le* chancelier, son mari, vint l'y rejoindre. Un
monument avait été élevé, en cet endroit, parles
ordres et aux frais du roi Louis XV. Il fut détroit
en 47d3 ; les cercueils furent violés et dépouillés
de leurs ornements. Cependant, des mains pieuses
avaient recueilli ces dépouilloi illustres, et, en
Tan IX, le monument actuel fut construit à la
place de l'ancien. Le maire Benoit, obéissant aux
ordres des consuls, s'y était employé avec zèle et,
le 30 frimaire, eut lien une cérémonie solennelle
à laquelle assistèrent le préfet . de la Seine, le
sous-préfet de Saint-Denis et toutes les notabilités
d' Auteuil. Le maire y prononça un ^and discours,
qui a été conservé. La Société historique est la
première qui, depuis quatre-vingt-quinze ans, se
soit réunie en corps autour de ce monument.
De là, on se rendit à la maison de Chciseul"
Praslin, occupée aujourd'hui par des reli^ieusei
dominicaines. Ces dames nous accueillirent tr«s
gracieusement, et, après quelques mots consacrés
au sénateur Choiseui-Praslin, à sa femme, qui
voulut que son cœur fût enterré dans le jardin,
auprès d'un fils chéri qu'elle avait perdu ; après
avoir rappelé que Mme de Praslin avait demandé
que cette propriété ne fût ni vendue ni louée
jusqu'à la septième génération, — ce qui fit qu'elle
fut prêtée successivement à la princesse d'Hénin,
au comte de Lally-Tollendal et enfin .à Marie de
Quélen de la Vauguyon, princesse de Carignan,
qui y mourut d'une façon si dramatiouele 40 fé-
vrier 4 829 ; — après avoir rappelé la yisite que
fit à cette maison, en 4876, S. M. rimpératnce
du Brésil, M. Guiliois a conduit la réunion au
Temple de Molière, qui se trouve dans la pro-
priété. I^ € dîner d'Auteuil » fut évoqué sur les
lieux mêmes qui furent témoins de cette scène
douloureuse et joyeuse à la fois ; et, sans se pro-
462
HISTOIRE DU XVI** ARRONDISSEMENT
Doncer d*ao6 façon définitive snr remplacement
exact qu'occupait la demeure de Molière, M. Guil-
lois, appuyé par notre président, a fait remarquer
que la construction de ce temple, en ce lieu, aa
début du siècle, à quatre-vingt-dix ans plus près
des événements, constituait nue présomption se-
rieuse en faveur de Thabitation de Molière en cet
endroit.
Quant au temple lui-même, menacé de destruc-
tion prochaine, s il n*est pas promptement réparé,
il a semblé à la Société, dans une discussion entre-
prise sur les lieux mêmes, au'il n*était pas de son
ressort de s'en occuper : d*abord, il y a, malgré
tout, incertitude sur remplacement; puis, ce
monument n'est pas contemporain de Molière;
enfin, queloue intéressant qu'il soit, il est placé à
l'intérieur a une propriété privée, et il ne semble
pas, dès lors, que la Société ait autre chose à
formuler qu'un vœu pour l'entretien de ce monu-
ment par les soins de ses propriétaires actuels.
, Du temple de Molière, la Société s'est rendue
dansi le jardin du presbytère, ancienne propriété
Destutt de Tracy. lA, les ruines de l'ancienne
église d'Auteuil, un moment conservées dans le
parc Ghardon-Ligache, ont été érigées, en une
sorte de petit monument encadré de verdure, sur
les indications de la Société historiaue et par les
soins et sous la direction de notre collègue M. l'ar-
chitecte Hector Guimard.
. On est entré dans l'église, œuvre de notre
illustre confrère M. Vaudremer, et, après en avpir
admiré, l'architecture ainsi une le monument de
M^r Lamazou, ancien curé d Auteuil, on se pré-
parait k descendre à la crypte, pour v voir la
tombe de Mme Ternaux et la Mater dolorosa de
Carpeaux, lorsqu'on apprit que cette partie de
Tj^îlise ne pouvait être visitée, par suite d'un
office qui s'y taisait en ce moment.
Vers 5 heures on se séparait ; et chacun em-
portait un bon souvenir de cette première prome-
nade historique.
UÊCOLC JEAN-BAPTISTE-SAY
Notre aimable collègue, M. Lévèque, directeur
de l'Ecole, a adressé au Secrétaire général un
exemplaire de son rapport au Comité de patro-
nage.
C'est un devoir pour la Société de donner l'hos-
Eitalité de son Butletin à cet important travail.
l'Ecole Jean-Baptiste Say contribue au mouve-
ment et à l'accroissement de la population d'Au-
teuil et du Point-du- Jour et à l'instruction de ses
enfants.
L'Ecole occupe l'ancien château Ternaux, dont
la cour d'honneur et le pavillon central disent en-
core le grand caractère. Ce château avait été trans-
formé successivement en une teinturerie, rattachée
à l'industrie des châles Ternaux, puis en une ins-
titution libre, connue sous le nom de pension Lé-
vègue, enfin en l'institution Notre- Dame-d' Auteuil,
qui. disparut après les événements de 4870.
Les bâtiments et les terrains furent achetés en
f872, snr la proposition de M. Gréard, alors di-
recteur de l'Enseignement primaire de la Seine,
et par l'entremise de M. Margueriu, administra-
teur des écoles municipales supérieures. En 4873
fut fondée l'Ecole primaire supérieure d' Auteuil
par le Conseil général ; elle faisait partie d'un
plan d'ensemble qui comprenait une école nor-
male d'instituteurs et une école primaire élémen-
taire. Bientôt envahie, tant elfe répondait aux
besoins de la population, elle obtint son autono-
mie en 4875, fit retour à l'administration muni-
cipale et prit, le 40 juin 4876, le nom d'Ecole
Jean-Baptiste-Sa^.
La propriété fut alors divisée en deux parties à
peu près égales: Tune, aflectée à l'Ecole Say)
l'autre, i l'Ecole normale et à son annexe, cons-
truites aux frais du département de la Seine.
Les directeurs de l'Ecole Jean-Baptiste-Say ont
été: M. Harffuerin ; M. Contant, pmfesseur d'his-
toire au collège Chaptal, oh il est retourné en
4888 comme directeur. C'est M. Lévèque, ancien
professeur et préfet des études à l'école Turgot,
puis directeur de l'école Colbert, qui la dirige au*
jourd'hui.
Pour loger les nombreux élèves qui s'inscrivaient
à l'Ecole, il avait fallu construire des annexes un
peu à la hâte. Un jour, on avait dû les étayer.
Une reconstruction s'imposait. Elle fut décidée le
48 juillet et commencée le 48 décembre 4894.
La nouvelle Ecole, où le pavillon central, la
cour d'honneur et les vieux arbres du pare ^ront
seuls conservés, sera disposée pour recevoir 300 in-
ternes, 200 demi-pensionnaires, 400 externes
surveillés, 400 externes boursiers. En raison de
sa situation, c'est surtout à l'internat et au, demi-
pensionnat qu'elle doit sa raison d'être. En l'an-
née 4891-4892, elle avait 434 élèves sédenUircs
et 242 externes.
Il a été fonde à l'école J.-B.-Say un certain
nombre de bourses par la Ville de Paris, le dé-
partement de la Semé et le général Myliûs; En
outre, grâce à la fondation de deux bourses spé-
ciales, de 4.500 francs chacune, sept élèves ont
été, depuis le mois d'octobre 4889, envoyés en
Allemagne et en Angleterre. Cet exemple a été
imité, à leurs frais, par quarante-cinq familles
d'élèves appartenant à Técole.
Nous n avons pas à faire ici l'éloge d'un enseî-'
gnement qui est donné par des hommes comme
[. Audra, Proust, nos collègues, etc., sous l'ha-
bile direction de M. Lévèque. Disons seulement
comment se divise et à quoi peut mener cet en-
seignement.
fi se répartit en sept années. Dans les trois
premières, les programmes sont ceux des écoles
communales, avec cette différence que, dès la pre*»
mière année, les élèves ont été initiés à l'étude
des langues vivantes. Cette période est close par
l'obtention du certificat d'études primaires (de 8 à
42 ans).
L'enseignement primaire supérieur, qui vient
ensuite, comprend trois années normales d'études.
Dans les deux premières, consacrées aux notions
générales, les aptitudes des élèves se révèlent, les
professeurs les constatent. En troisième année
commence la spécialisation des études,et les élèves
ANNEXES
463
se parUgent entre la section indastrielle et la
section commerciale.
Des sections de préparation anx Ecoles d'Arts
et Métiers sont annexées an cours de renseigne-
ment primaire supérieur.
Ennn, la septième année, où le nifean élevé des
létndes s'expliqne par la présence de boursiers
ayant chaque année justifié de leurs aptitudes et
de leurs progrès, est partagée en trois sections:
industrielle, commerciale, préparatoire à TEcole
•centrale des Arts et Manufactures.
En résnmé, FEcoIe J.-B.-Say, yéritable école
préparatoire, forme des candidats an baccalauréat
de renseignement secondaire moderne, à FEcole
centrale, à FEcole de physique et de chimie, aux
Ecoles des Arts et Métiers. LUe complète Tinstmc-
tion commerciale ou industrielle de ceux <|ui
Yenlent entrer dans le commerce, dans Tindustrie,
ou s'associer immédiatement aux travaux de leurs
parents.
Dans ces dernières années, quelques élèves ont
même été admis, grâce à un concours de circons-
tances spéciales, à TËcole polytechnique, à Saint-
Cyr, à 1 Ecole navale. Mais, en principe, Fécole
Say ne peut conduire les élèves qu*au baccalau-
réat; ils vont ensnite achever leurs études dans
les colley municipaux, où sont organisés des
cours spéciaux préparatoires & ces Ecoles.
E. P.
LA CHAMPMESLÉ A AUTEUIL
Deux fois déjà, j*ai prononcé devant la Société
historique le nom de Champmeslé; d*abord, en
vous parlant. Messieurs, des relations de Racine
avec Anteuii et, ensuite, dans mon étude sur la
vieille église de ce village.
Par une de ces rencontres littéruires qui ne sont
pas rares et qui font dire, avec trivialité, mais
très justement, qu'un sujet est dans l'air, au mo-
ment même où je vous entretenais de la Champ'
mesié, M. Geôles Monval, l'aimable archiviste
de la Comédie-Française, donnait dans ta Revue
d'art dramatique (n® du l"** novembre 1892),
une étade remarquable sur le comédien-auteur et
sur la grande tragédienne qui fut sa femme.
Marie Desmares, fille d'un receveur du domaine
de Normandie, était veuve, à 23 ans, de Pierre
Fleury, bourgeois de Harfleur, au pays de Caux,
près du Havre-de-Grâce. En épousant^ le 9 jan-
vier 1666, Charles Chevillet, sieur de Champmeslé,
elle prit, suivant les habitudes du théâtre, le nom
de Mademoiselle de Champmeslé,
Je passe rapidement sur sa carrière dramatique
pour arriver aux derniers points de celte existence
si remplie.
Aussi bien, ces derniers jours nous appartieU'-
nent seuls. € Le H décembre 1697, la Champ-
meslé faisait sa dernière création » Iphigénie de
YOreste et Pylade de Lagrange-Chancel; ce fut
dans ce rùle, dit M. Mon val, qu'elle parut pour
la dernière fois sur la scène, le 3 janvier 1698. »
Gravement malade, elle vint s'établir à Auteuil,
où elle espérait recouvrer la santé, et elle s'y
logea chez un maître à danser. Vous connaissez.
Messieurs, sa longue résistance, puis son abjura-
tion et sa mort ; tout cela fut raconté par Boileau
à Racine, qui était alors plongé dans les mortifi-
cations de Port-Royal et qui ne songea même
pas à pleurer celle qui l'avait autrefois si pasion-
nément charmé.
M. Mon val a eu la bonne fortune de retrouver
le testament de l'artiste et il le donne tout entier
-dans l'article dont je vous ai parlé. En voici les
premières lignes :
« Au nom du Père, et du Fils, et du Saint->
Esprit.
€ Je, soussignée, ne désirant pas mourir sans
dispjser des biens qu'il a plu i Dieu me donner,
j'ai fait le présent testament ainsi qu'il en suit :
premièrement, je recommande mon âme à Dieu,
suppliant sa divine bonté de me pardonner mes
péchés et d'avoir miséricorde et pitié de moi.
€ Je veux être inhumée dans la paroisse où je
serai an jour de mon décès.
« Je veux qu'au jour de ma mort ou dans la
huitaine, deux cents messes soient dites pour le
salut de mon Ame dans ma paroisse, au couvent
des grands Cordeliers, aux Capucins du Faubourg
Saint -Jacques et à Picpus... » Suivent des legs à
des parents, amis et serviteurs.
La Champmeslé laissait une bibliothèque de 400
volumes d 'histoire, poésies, mémoires. Ovide,
Corneille, Tite-Live, Ronsard, La Bible, Senèque
s'}r rencontraient à cêté des comédies et des pas-
quinades du temps.
Ses costumes sont curieux à détailler ; ils inté-
resseront surtout les dames qui font partie de là
Société. J'y relève :
Un habit à la Romaine^ composé d'un corps,
veste et jupe de brocart à fond bleuet fleurs d'or;
à l'exception de ladite iupe qui est de raz d'ar-
gent, garnie d'un grand ralbala de point d^Es-
pagne d'or, prisé 1.1 00 livres.
Cinq autres habits à la Rotnaine, composés
comme celui ci-dessus, d 'étoffe brodée, brochée à
fond blanc, rouge et vert sur satin et velours,
prisés 800 livres.
Un manteau et une jupe de gros de Tours jaune
à fleurs d'argent, ledit manteau doublé de taffetas
noir et la jupe de toile, prisés 80 livres.
Un manteau à la mode turque, de velours rouge,
garni d'une grande dentelle d'argent avec une
veste de velours noir, garnie de franges et apé-
ments d'or, une écharpe de points d'Espagne d'ar-
gent et or, une paire de bottines de velours rouge
avec des agréments d'argent, prisés 200 livres.
Un collier composé de. 40 perles de baïoques,
1 .400 livres.
Le ménage Champmeslé avait un certain train de
maison. Comme domestiques, il y avait laquais,
cocher et servante : Etienne, Lapierre et Louise.
«
Mlle de Champmeslé, on l'a vu, avait demandé^
par son testament^ à -)è(re enterrée dans la pa-
roisse où elle mourrait. Ce vœu ne fut pas exaucé.
Sur les registres de la paroisse d' Anteuii, qui
m
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
furent conservés à l'H6tel de Ville de Paris jus-
qu'à rincendie de 1871, on pouvait lire cette
mention : « 16 mai 1698, transport de Marie
Desmares, épouse de Charles de Chevillé, sieur de
. »
La Champmeslé fut inhumée à Saint-Sulpice et
rien ne rappelle la {)lace où elle repose. Si ses dé-
airs eussent été suivis, une pierre, posée dans
notre vieille église, nous aurait transmis le récit
enthousiaste de sa vie et la longue énumération
de ses qualités et de ses vertus.
M. Mon val n*a pu préciser le nom et la de-
meure du maître à danser chez qui la Champ-
meslé était venue mourir. 11 m'a demandé de le
tixer sur ces deux points ; mais avant de lui ré-
pondre, j'ai voulu donner à la Société histo-
rique la primeur de mes découvertes.
En 1698, il n'y. a à Âuteuil qu'un seul maître
à danser (qui pourrait s'en étonner?); il s'appelle
Jacque Rocqne et est marié à la fiUe de Pierre
Bâtas, huissier de salle de M. le Prince. Lra
Socque possèdent une maison, Grande-Rue, près
de 1 église : cette maison, en 1775, tiendra à la
propriété du président Louvet et à celle du chi-
rurgien d'Auteuil, M* Jean-Pierre Abadie. En de-
hors de cette maison, les Rocque avaient, à Au-
teuil, au lieu dit le Niblet, c'est-à-dire là ou est au-
jourd'hui la rue des Fontis(l),6 perches et demie
de vigne d'un bon. apport. Ces propriétés apparte-
naient au ménage Rocque, des propres de la fille
Bâtas dont la famille occupait.depuis le xvi' siècle,
des charges honorables dans le village : marguil-
lier, huissier de prévôt, etc., etc.
Après eux, leur fortune se morcela ; la vigne
fut vendue à Julien Olivier, archer-garde de la
ville de Paris ; quant à la maison, elle resta dans
la famille. Mais celle-ci déchut plutôt et, en 1775,
l'héritier du maître à danser, son petit -tils sans
doute, était l'uuiqae cordonnier d'AuteuiL
Maison et vigne avaient autrefois appartenu au
sieur Macheco, un de ces Juifs Lombards venus à
Paris, au inoyen âge, pour y faire le métier de
changeur. Macheco était devenu peu à peu le
propriétaire de tout Auteuil : c'était un vrai mar-
quis de Carabas. 11 y a bien peu de propriétés,
aujourd'hui, qui ne le trouvent dans leurs oii-
gines. Au xviii' siècle, après le morcellement iu-
détini des deux siècles précédents, il y eut une
nouvelle tentative d'accaparement de la propriété
dans notre quartier. Cette fois, c'était au profit de
Samuel Beruard, un gros financier, lui aussi, qui
ne dédaignait pas, au dire de Barbier, dans son
Journal (1,350) d*avoir dans Auteuil des pro-
priétés fastueuses et des« maisons-guinguettes >,
Je me suis laissé entraîner, Messieurs, bien
loin des Champmeslé. Je vous en demande pardon.
J'y reviens, et si j'insiste sur leur passage parmi
nous, c'est que j'y vois le seul moyen peut-être
de rattacher Racine à notre histoire. Comme pour
Molière, il sera très dîTficile, je le crains, de pré-
ciser la demeure de l'auteur de Phèdre et de Ba-
jazet. Molière et Racine ne furent pas, comme
(i) Devenue rue du Doc leur-Blanche.
Boileau, dont je tous parlerai à la prochatne
séance, des bourgeois d' Auteuil, et, simples loca-
taires, leurs noms ne se retrouvent pas dans les
documents que j'ai pu consulter aux archives. Ils
nous appartiennent, cependant, poisone Molière
fut ici, en dépit de Voltaire, le héros d'une aven-
ture qui ne peut être sérieusement discotée;
puisque c'est à Auteuil que Racine, écrivit les
Plaideurs, à Auteuil où il vivra, ne fût-ce que
par le souvenir touchant de celle qui, un jour,
posséda tout son cœur et qui inspira les plus
incontestées de ses tragédies immortelles.
Antoine G lillois.
LA MAISON DE BOILEAU
« Un soir après dîner, nous nous entretenions
de Molière, de La Fontaine, de Boileau. Noos
disions que les dîners que ces trois bommes-là
faisaient quelquefois ensemble à Auteuil devaient
èti-e bien intéressants si l'on en juge par ce que
de pareils esprits pouvaient avoir à se dire dans
l'intimité. « Comment, dis-je à Meissonnier,
n'avez-vous pas eu l'idée de faire un tableau re-
présentant ces trois poètes devisant, discutant?
— J'y ai pensé bien des fois, me dit-il, je n'ai
jamais osé. »
C'est ainsi que M. Alexandre Dumas s'exprime
dans les pages qu'il vient de consacrer à l'expo-
sition des œuvres du peintre qui est mort il y a
deux ans.
Il est téméraire, sans doute, de tenter ce que
Meissonnier n'avait pas osé faire ; et cependant la
Société historique d^ Auteuil manquerait à sa
mission si elle ne consacrait pas une de ses pre-
mières communications à l'auteur du Lutrin et
de l'Art poétique.
Déjà, notre secrétaire général s'était préoccupé
de la question; son travail, paru dans le
deuxième de nos Bulletins^ a été apprécié comme
il le méritait par un de nos vice-présidents,
M. Anatole France, .et je tiens, dès le début de
ces ligues, à bien établir que c'est à lui que
revient l'honneur d'avoir retrouvé, par intuition
et par un véritable sens de divination historique,
l'emplacement exact qu'occupait la maison et la
propriété de Boilea^u.
il y a eu d'autant plus de mérite, qu'il avait à
lutter contre la tradition et contre l'histoire
écrite ; car, de même que plusieurs villes de la
Grèce se disputaient Thonneur d'avoir vu naître
Homère, de même presque tous les propriétaires
de la rue Boileau prétendaient avoir la possession
des murs et des arbres qui abritèrent le poète*
M. de Feuardent, notre seul historiographe
jusqu'à ce jour, se trompait, de son côté, d'une
façon étrange, en plaçant au n** 22 actuel, Tim*
meuble dont nous parlons.
En réalité, c'est au n» 26 de la rue Boileao
que le saliri<)uc a vécu peudant plus de vingt ans.
ANNEXES
465
I
En i685, Boileaa acheta, des libéralités du
roi qu*il venait d'accompagner dans ses expédi-
tions militaires, une petite maison qa'il paya, dit
Urossette, huit mille livres à la veave d*un sollici-
teur au Palais, nommé Banteail. C'était une sim-
ple maisonnette à un étage, aux mars tapissés
de vigne, dans laquelle il allait recevoir ses amis :
Racine, Molière, Chapelle, Baron, Hapin, les PP.
Bouhonrs et Bourdaloue et le curé d*Auteuil,
M. Loyseau, aumônier du roi.
€ Ce lieu de retraite, dont il fut enchanté, dit
Racine, le jeta les premières années dans la dé-
pense. Il Tembellit et y tint table ouverte. »
Il avait pour voisins M. de Frégeville et l'avo-
rat Lemaltre ; à droite, en regardant la maison,
une longue ruelle dite des Processions et qui
allait jusQu'au bois de Boulogne, séparait Boileau
de Mme ae Mouchi, sœur du premier président
de Harlay.
An bout de quelques mois, Boileau s'était con-
sidérablement agrandi par une acquisition, dans le
sens de la profondeur, d*une dizaine d'arpents.
La propriété embrassait ainsi la villa Boileau, la
traversée de la rue Molitor et une grande partie
du hameau Boileau actuel .
Df^préaux fit, de plus, conslruire une remise
pour le carrosse dans lequel il allait, le dimanche,
à la messe du couvent des Bonshommes et une
écurie où, à côté d*un vieux cheval, il y avait
une ànesse dont le lait lui était recommandé pour
ses fréquentes extinctions de voix. « Elle y a
perdu son latin, dit-il, aussi bien que les méde-
cins >.
Une cour, quelques dépendances et, dans le
jardin, deux berceaux, un potager, deux puits et
un jeu de boules complétaient la propriété.
Le jardinier, Antoine Riquié, occupait la maison
qui existe encore aujourd'hui ; il avait 250 livres
de gages par an et l'honneur de prêter une de ses
pièces à Boileau, qui y avait établi son cabinet de
travail, fuyant ainsi la maison qui était bruyante
et encombrée € comme une hôtellerie », disait
Racine.
M. le vicomte de Grourhy, dont les beaux tra-
vaux sont déjà connus de la Société historique,
a eu la bonne fortune de retrouver chez le succes-
seur de M" Dionis, notaire de Boileau, l'analyse
de Tacte même de la vente faite par le poète à
son ami Le Verrier. Comme c'est un document
absolument inédit et qui contredit certaines lé-
gendes, je me permets, en dépit de l'aridité du
style, de vous en donner connaissance.
\ Grosse en parchemin d'un contrat passé de-
vant Desescures et Boisseau, notaires à Paris, le
2 janvier 4701), par lequel le dit feu sieur Boi-
leau-Despréaux a vendu à Pierre Le Verrier une
maison sise au village d'Auteuil et quelques por-
tions de terre dépendantes, appirtenautes audit
sieur Despréaux, tant sur le terroir d'Auteuil
quès-environs, moyennant la somme de 6.000 li-
vres et par le même contrat ledit sieur Boileau-
Despréaux a vendu audit sieur Le Verrier les meu-
bles meublants de ladite maison et ustensiles du
jardin, avec les tablenux étant dans ladite maison
u.oyennant la somme de Î.OOO livres, lesquelles
deux sommes de 6.000 d'une part et de 2.00() de
l'autre, ledit sieur Le Verrier s'est obligé de payer
dans le courant dudit mois de janvier i 709 et au
pardessus dudit prix ledit sieur Le Verrier a
constitué audit sieur Boileau-Despréaux 300 livres
de pension pendant la vie et jusqu'aux décès de
lui sieur Despréaux. Et par acte ensuite passé de-
vant lesdits Desescures et Boisseau, notaires, le
26 février audit an 1709, il est stipulé que ladite
somme de 8.000 livres ne sera payable qu'au
26 janvier 1742 et que cependant ledit sieur Le
Verrier payera l'intérêt de ladite somme au denier
vingt et a* été ladite grosse inventoriée par ledit
Dionis, sous le n* 3. »
On le voit il n'est nullement Question de la ré-
serve d'une chambre au profit de Boileau ; et si
celui-ci vint quelquefois, — bien rarement, —
coucher dans son ancienne propriété, il dut l'hos-
pitalité à l'amitié de Le Verrier et non pas à l'une
des clauses du contrat.
Boileau disait: € Je suis un solitaire fréquen-
tant M. Le Verrier », et l'on prétendait qu'il ne
le faisait que pour s'entretenir dans l'esprit de sa-
tire. Le Verrier était un fournisseur qui prétait au
ridicule en affectant de passer pour un homme à
bonnes fortunes, familier des grands et des sa-
vants. On disait de lui qu'il portait toujours à la
messe un livre grec à reliure bariolée et voyante.
Le monde l'appelait le traitant renouvelé des
Grecs, M. de Pontchartrain à qui il demandait
d'être intéressé dans un armem*)ntluidit: «Mais,
monsieur, on n'arme pas pour la Grèce » (4 ).
L'acquéreur de Le Verrier fut Mme de Calabre,
qui agrandit de plus du double la propriété du
poète ; cette dame possédait pr^que toute cette
partie d'Auteuil qui, sur les plans déposés aux Ar-
chives nationales, porte le nom de canton des Ga-
rennes. Il y a encore, du côté de l'avenue de la
Frillière et autour du viaduc, un lieu dit : Les Ca-
labres.
Après Mme de Calabre, c'est le fameux docteur
Gendron qui acquiert la propriété. D'après l'abbé
I^bœuf, ce médecin de grande réputation reçut la
visite de Voltaire qui vint en pèlerinage à la mai-
son de Boileau. Après sa première visite, Voltaire
écrivit cet impromptu :
C'est ici le vrai Parnasse
Des vrais enfants d'Apollon.
Sous le nom de Boileau, ces lieux virent Horace;
Esculape y parait sous celui de Gendron.
L'auteur de Zaire trouva, d'ailleurs, « la mai-
son fort vilaine et le jardin aussi ».
Lel*'' août 1752, Gendron vendait l'immeuble
à M. Rahault de Richebourg, commissaire des
guerres, qui le cédait à son tour, le 31 juillet
1758, à la duchesse d'Ayen. Celle-ci n'en resta
propriétaire que jusqu'au 23 février suivant, date
ou fa maison passa à Jacques Boujeot, bourgeois
de Paris.
Charles Binct de la Brotonnière, écuyer, con-^
seiller du roi, receveur général des Domaines et
Bois de la généralité de Paris, l'acheta, de Bou-
jeot, le 4 mai 1767. Celui-ci s'enorgueillissait des
origines de sa propriété, sans oublier cependant
1. Rolœana.
3o
466
HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENt
les intérêts matériels. Le 2â janvier 1773, il éeri-
Tait au marquis de Marigny, dans une de ses in-
cessantes réclamations : € 11 est de notoriété et de
fait que ce mur a coûté plus de 20.000 livres ;
qu'avec mes terres qui Tavoisinent il fait le prin-
cipal prix et agrément de ma maison d' Au teuil qui
n'a pour elle que la mémoire du grand poète Boi-
leau, Tnn de mes prédécesseurs, et celle du fa-
meux oculiste Gendron. » Il réclamait donc 20.000
livres et, au dire des experts appelés, ce mur en
valait 3.000 au plus.
Le 2 mai 1785, Binet cédait à Pierre-Thomas
Jubault.
Là s'arrêtent les documents (](ue j*ai pu trouver
aux Archives nationales. La suite ininterrompue
se trouve dans les titres de propriété de notre gé-
néreux confrère, M. Perrichont, conseiller muni-
cipal da quartier d*Auteuil.
De Jubault la propriété passe successivement à
M. Razuret (11 février 1801), puis à Mlle Baudin
(8 avril 1807), au général Caulaincourt, duc de
Vicence (19 février 1813), à M. Loveday (6 avril
1816), à Mme Colombat(â4 mail819),à M.Pierre
Divoff, conseiller d*Etat et chambellan de TEm-
Îiereur de Russie (1 i novembre 1825), aux époux
Yessard, maîtres de pension (29 mai 1841), à
M. Lamonroux (8 février 1845), en6n à M. Per-
richont, le 18 novembre 1867.
Les héritiers de M. Lamouroux se préoccupèrent
seuls de constater la valeur histonque de Tim-
meuble, et, dans un acte notarié, ils exigèrent,
après la description de la maison de Boileau, celle
de son jardinier : € Dans ce corps de bâtiment, dit
Tacte, se trouve le cabinet de travail de l'auteur
du Lutrin. »
Un plan, très exact, de 1774, montre la mai-
son actuelle plus protonde qu'elle ne l'est aujour-
d'hui. A gauche, de l'autre côté de le porte co-
chère, il y avait un bâtiment plus large que long,
et un mur bas, percé d'une ouverture, fermait la
cour et la séparait du parc. La grille, dans laouelle
était encastré un médaillon portant la lettre B, est
aujourd'hui placée dans la villa Boileau, rue Mo-
litor.
Enfin, la maison du jardinier subit, sous le pre-
mier Empire, certaines réparations et reçut quel-
aues ornements architecturaux, caractéristiques de
1 époque.
De grands souterrains régnaient dans toute
cette partie d'Auteuil et allaient jusqu'à la Grande-
Rue; on y a trouvé, dans la propriété de Boileau,
deux bustes en marbre malheureusement perdus
aujourd'hui et, dans la maison voisine, qui appar-
tient à M. KoUowrath (n® 24 actuel), deux pla-
ques de cheminée : l'une est aux armes royales,
avec la date de 1680, et l'autre représente le pas-
sage du Rhin. J'en avais indiqué l'existence à
M. Cousin, l'aimable et savant conservateur du
musée Carnavalet (1).
II
Je n'ai pas la prétention, Messieurs, de vous
rappeler la vie que l'on menait chez Boileau. Je
(t) M. Cousin est mort et a élé remplacé par
M. Gain.
•
i
m'attacherai seulement aux points inédits et à ceux
qui sont peu connus. Sur les registres de notre
ancienne paroisse, détruits par l'incendie criminel
de 1871, on pouvait lire, à ladatedu9 août 1690,
la signature de Boileau, sieur Despréaux, au ma-
riage de François de Monginot, chevalier de l'ordre
du Mont-Carmel et de Saint-Lazare, seigneur de
Grissé et autres lieux, avec Anne-Thérèse Petit-
jean-Marehand, fille d'un pourvoyeur ordinaire de
a maison de Monsieur, frère du Roi, et de Marie
de la Treille.
On jouait aux quilles dans cette maison, où < le
Gouverneur dirigeait l'If et exerçait l'art de La
Uuintinie ». Comme on l'a fort bien dit, on voit
qu'il y avait encore du Versailles à Auteuil.
On y recueillait des fruits superbes qui allaient
orner la table de Mme de Caylus ; on y faisait des
confitures qui souvent devenaient pour Mme Ra-
cine une véritable sujétion, si l'on en croit les
lettres de son mari.
L'aventure du souper d'Auteuil. mise à la scène
par Andrieux, et devenue légendaire, a été niée
par Voltaire. Racine fils et Dulaure en maintien-
nent l'exactitude ; mais ils affirment en même temps
(qu'elle eut lieu chez Boileau et non pas chez Mo-
lière, où l'on croit généralement qu'elle s'est pas-
sée.
Ajouteraije qu'en d*'pit de la légende, La Fon-
taine ne fut jamais l'hôte de Boileau ? On sait que
celui-ci l'aimait peu et que, dans son Art poéti-
aue, il n'a pas daigné parler de la fable, que le
Bonhomme avait, cependant, élevée au premier
rang littéraire.
lin contemporain de Boileau, l'abbé Legendre,
chanoine de Notre-Dame et secrétaire de M. de
Harlay, a longuement parlé de la maison du poète
et de ses hôtes. Comme ses mémoires sont abso-
lument introuvables et qu'ils sont presque incon-
nus, je crois, j'en ai fait. Messieurs, quelques ex-
traits à votre intention.
« Sa maison n'était ni belle, ni laide. Le jar-
din, sans être peigné, ne laissait pas d'être agréable.
1^ vue en est charmante. L'appartement du poète
était d'un négligé cynique. La salle à recevoir le
monde était un peu plus arrangée. Il y avait sur
la cheminée un portrait vivant de la reine Chris-
tine de Suède. An-dessus d'une vieille Bergame
dont cette salle était tapissée étaient des portraits
d'imagination, représentant Timon le Misanthrope,
Ménippe, Lucilius, Horace, Perse, Juvénal, Ré-
gnier et autres aïeux satiriques du maître de la
maison.
« Je ne le voyais point à Paris, quoiqu'il de-
meurât dans notre cloître (1). Cependant, quand
il sut que j'étais à Auteuil, il me vint offrir sa
maison et m'invita à y passer au moins les après-
dtners. Il y avait une compagnie triée d'hommes
et de femmes de lettres. J'y vis Mme Desbou*
lières: c'était un bel esprit. Autrefois, c'avait été
une beauté. A voir ce qu'il en restait, on n'était
pas surpris qu'elle eût fait fracas dans son
temps.
« J'y vis l'abbé Régnier, M. Racine et Mme Da-
cier. »
Le mémorialiste fait ensuite le récit d'une con
1. Chez Ménafie.
ANNEXES
467
tenatloD sar Haute, Térence, Phèdre et Horace.
L*abbé Legendre y parla latio, dit-il, poar faire
honneur anx dames qai se piquaient de le savoir,
et il ajoute malicieusement : « Mme Dacier bron-
cha deux ou trois fois en répliquant. »
III
Nous avons, Messieurs, le bonheur de posséder
ici la demeure même du poète, vierge encore de
la plaque banale du Comité des Inscriptions pa-
risiennes.
Je demande donc, pour bien affirmer le carac-
tère littéraire et artistique de notre Société, que
la maison de Boileau soit maintenant la première
uni recevra un de ces bas-reliefs ou de ces mé-
daillons que nous avons rêvés.
Il faut qu'au lendemain de Tinauguration du
monument deCarpeaux, nous puissions répondre,
à ceux qui nous Font reproché, que nous n*ou-
blions pas les anciens. Il s'agit, pour la Société.
dans cette œuvre qui ne soulèvera aucune critique,
de rendre hommage à Tun des plus illustres de
nos compatriotes, au poète qui vécut longtemps
parmi nous.
En lui élevant un monument, nous ne faisons
que lui rendre la justice qui lui est due ; car il
est, parmi toutes nos gloires, celui qui a le plus
contribué à immortaliser le nom d'Âuteuil.
AnTOINK GUILLOIS.
doute aidés. Quoiqu'elle vienne un peu tard, elle
garde néanmoins quelque saveur par les termes et
par le nom de Tauteur.
Dans le tome V de /a Correspondance générale
de Voltaire (édition de Baudouin frères, 4829),
on lit la lettre suivante, adressée par Voltaire à
M. de Cideville :
> Aux Délices, le 16 mai 1757.
€... Vous savez, d'ailleurs, qu'on n'est pas
oisif pour être campagnard; il vaut bien autant
planter « des arbres que faire des vers. Je
n'adresse pas d'épltres à mon jardinier Antoine,
mais j'ai assurément une plus jolie campagne que
Boileau et ce n'est point la fermière qui ordonne
nos soupers. J'ai eu la curiosité autrefois de voir
cette maison de Boileau ; cela avait l'air d'un fort
vilain petit cabaret borgne ; aussi Despréaux s'en
défit-il, et je me flatte que je garderai toujours
mes Délices.
< J'en suis plus amoureux plusla raison m'éclaire.
Je n'ai ^ère vu ni un plus beau plain-pied, ni
des jardins plus agréables, et je ne crois pas que
la vue du Bosphore soit si variée. »
Voltaire eût été Gascon, s'il n'eût été... proprié-
taire!
Mais Boileau n'était plus li pour la réplique.
Concluons que chacun est satisfait de ce qu'il
a et le trouve plus beau aue le bien du voisin.
C'est la meilleure philosophie et le plus sûr moyen
d'être heureux. Souhaitons, pour la paix sociale,
que ce sentiment soit ou devienne celui de tout le
monde.
E. P.
MONUMENTS HISTORIQUES
I^a supérieure des dominicaines d'Auteuil a eu
l'occasion de signalera notre collègue M. Lemoine
le délabrement du € temple de Molière », situé
dans le jardin de la communauté, et elle fait de-
mander à la Société si elle serait disposée à se
charger des réparations.
Le Président rappelle que la Comédie-Fran-
çaise avait antérieurement paru vouloir se char-
ger de ces réparations pour lesquelles la Société
avait voté une contribution de 50 francs. On
Siurrait prier M. Boujon d'intervenir auprès de
. l'Administrateur de la Comédie. M. Chabée
offre de visiter le monument pour se rendre
compte de son état exact et de la dépense qu'exi-
geraient les réparations.
LA MAISON DE BOILEAU APPRÉCIÉE
PAR VOLTAIRE
Lorsone M. Saint- Lanne et un autre de nos col-
lègues faisaient des recherches sur l'emplacement
exact de la maison de Boileau, j'aurais voulu leur
communiquer la note que voici , qui les eût sans
BOILEAU HOMME DE SCIENCES
M . Baoul Lucet (.\7X'« Siècle, i 7 novembre i 893)
faisait tout récemment savoir au public qu'il avait
gardé contre Boileau < une sorte de haine rétros-
pective obil y avait de l'horreur, du mépris et...
de l'indigestion. « Les doigts me cuisent encore,
disait-il, au lamentable souvenir des monceaux
de papier noircis, dans les loisirs du < séquestre »
ou de la « retenue », à copier des centaines de
fois :
Aa pied du mont Adule, entre mille roseaux.
Le Rhin tranquille et fier du progrès de se«
[cnux, etc.
< Mais j'étais injuste pour ce pauvre Boileau. La
vérité est qu'il valait mieux que la répuUtion
piteuse dont l'avaient affublé mes rancunes. Ma
seule excuse est que je n'en savais rien. »
L'excuse est excellente, et nous n'hésitons pas,
nous aussi, i nous en approprier le motif.
Boileau fut, en effet, un précurseur, un yulga-
risateur de science, ainsi que le montrait récem-
ment M. H. Folet, dans la Revue Rose.
Harvey venait de découvrir la circulation du
sang. C'est ce que la Faculté de Paris ne pouvait
468
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
lui pardonner. Elle inaagarait alors contre lai
une série de polémiques écrites en latin, ardentes
jttsqu^à la grossièreté, dans lesquelles le mot cir-
culator (charlatan) était exploité avec la maa-
Taise foi la plus éhontée et la haine la plus
jalouse. Uarvey manqua-t-il donc de défenseurs ?
Non. Mais < chose curieuse, dit encore M. Raoul
Lucet, dont nous aimons Toriginale et piquante
manière, ce furent les littérateurs qui épousèrent
alors la cause de la vérité scientifique, contre les
gens du bâtiment ».
On n*a pas oublié que Molière, vulgarisant par
le théâtre les opinions d'un petit cercle de dilet-
tanti intelligents et perspicaces, livrait aux
rires du parterre Guy Patin et consorts, dans la
personne de Diafoirus, dont le fils avait justement
soutenu € une belle thèse à images contre les
circulateurh ».
Mais le plus valeureux champion de Harvey, ce
fat encore Boileau. On lui doit, en effet, ileux
parodies bouffonnes des actes juridiques du temps,
que ne contiennent pas les éditions scolaires. S*il
faut en croire Ménage, ces deux pièces eurent
le mérite de prévenir par le ridicule un arrêt très
sérieux que 1 Université se préparait à obtenir du
Parlement contre ceux qui se permettaient d'en-
seigner une autre philosophie que ceUe d*Aris-
toto.
VAnêt burlesque concerne exclusivement les
choses médicales :
« Attendu que, depuis quelques années, une
inconnue, dénommée la Raison, a entrepris d*en-
trer par force dans les écoles de TUniversité, et,
par une procédure nulle de toute nullité, a attri-
bué au cœur la charge de recevoir le ch^le appar-
tenant ci-devant an foie, comme aussi de faire
voiturer le sang par tout le corps, avec plein
pouvoir au sang d*y vaguer, errer et circuler
impunément par les artères et veines, n'ayant
d*aulre droit ni titre pour faire lesdites vexations
que la seule expérience — dont le témoignage
n*a jamais été reçu dans lesJiles écoles.
€ Plus, par un attentat et voie de fait énorme
contre la h acuité de médecine, se ser^iit ingérée
de guérir quantité de fièvres intermittentes, tierces,
doubles, quartes et même continues, avec pou-
dres et écorces de quinquina et autres drogues
inconnues à Aristnie et à Hippocrate ; — et ce,
sans saignées ni par^ations, ce qui est non seu-
lement irrégulier, m»is tortionnaire et abusif..-
€ La Cour ordonne au chyle d'aller droit an
foie, sans plus passer par le cœur, et au foie de
le recevoir; fait défense au sang d'être plus
vagabond, errer ni circuler dans le corps ; défend
à la Raison et à ses adhérents de guérir les fièvres
par quinquina et autres drogues non approuvées
ni connues des anciens. Et, en cas de guèrison
irrégulière par icclles drogurs, permet aux méde-
cins de ladite Faculté de rendre, suivant leur
méthode ordinaire, la fièvre aux malades, avec
casse, séné, juleps, sirops et autres remèdes pro-
pres à ce, pour être ensuite traités selon les
règles, et, s'ils n'en réchappent, conduits, du
moins, en l'antre monde suffisamment purgés et
évacués. »
Boileau avait déjà appliqué sa verve satirique
à défendre» dans la Requête en faveur éCArisiote,
d'autres vérités déjà anciennes sur un terrain
scientifique différent.
« Plaise à la cour d'ordonner que Ton délivrera
au plus tôt Saturne du cerceau dans lequel M. Huy*
ghens le tient emprisonné ; que Jufiiter congé-
diera ses quatre gardes ; que le Soleil se débar-
bouillera le visage et ne paraîtra plus en pubUc
avec ses vilaines taches ; que la lune laisseia la
Terre en poisession des montagnes et des vallées
et renoncera pour jamais au titre d' < autre
monde » ; que M. Cassini sera obligé de faire
réparer à ses frais toutes les brèches et crevasses
3u'il a pratiquées dans la voûte des cieuz pour y
onner passage aux dernières comètes, attentat
préjudiciable à l'état du firmament solide d'Aris-
toîe ; que Tair sera reconnu désormais plus léger
3u*une plume, et qu'on rompra tous les loyaux
e verre de M. Pascal, qui le rend*>nt pesant et
qui attentent aux intérêts du plein, partie adverse
du vide; qu'aucuns pilotes ou navigateurs nd
tourneront plus autour de la Terre sous peine de
devenir antipodes et d'être précipité! au ciel ; que
la Terre se reposera ; que le Soleil tournera pour
elle sous peine d'excommunication ; que MM. Gus-
sendi, Descartei et leurs adhérents seront con-
damnés à faire amende honorable pour avoir
composé des livres diffamatoires et injur.eux à la
mémoire du défunt seigneur Aristote, en son
vivant précepteur d'Alexandre le Gr^nd, roi de
Macédoine, et qu'à l'avenir on ne prétendra plus
sottement et imperlinemment à de nouvelles décou-
vertes qui ne soient pas dans Aristote. »
Cette ironie, au xvii* siècle, n'allait pas sans
un certain courage. Ce sera pour Boileau un nou-
veau titre aux yeux de la postérité.
E. P.
RACINE ET LA CHAMPMESLÉ
Avant 1677, date de son mariage et de son en-
trée dans la vie régulière. Racine, qui, depuis,
devint notre hôte à Auteuil, avait longtemps
aimé l'actrice Desmares, dite la Champnicslé,
qu'il avait formée à la déclamation, lui explif|uant
le sens des vers qu'elle avait à réciter, lui indi-
quant les geste, lui dictant les intonations, ot
plus tard, quand l'élève était devenue célèbre,
créant des rôles pour elle.
Quand la Champmeslé eut quitté la scène, elle
vint également se retirer à Auteuil, où elle mou-
rut le 15 mai 1698, âgée d'environ cinquante-
six ans, et repentante de ses fredaines passées.
— Qu'il lui soit beaucoup pardonné, parce qu'elle
a beaucoup aimé! En effet, quoique mariée à
l'acteur Chevillet, dit Champmeslé, la chronique
aftirme qu'elle ne sut ^ue trop partager son cœur.
Après avoir oublié le jeune Sévigné, et plusieurs
autres, elle avait également sacrifié le trop ten-
dre Racine au comte de Clermont-Tonnerre, et
c'est alors qu'un mauvais plaisant commit le qua-
train suivant :
ANNEXES
469
A la plus tendre amour eHe fut destinée,
Sui prit longtemps racine dans son cœur ;
ais par un insifoie malheur
Le Tonnerre est venu, qui l'a deBacinée,
DéfendaDt avec piété la mémoire de 9on père,
Louis Racine affirme que les rapports qu'il eut
avec la Champmeslé furent seulement ceux d'au-
teur à acteur, de professeur de déclamation à
élère. Qui doit-on croire, Louis Racine ou le qua-
train du temps (i) ?
Une autre singularité peu connue, c'est que la
femme de Racine, ^ui lui survécut trente-trois
ans, ne connut jamais, dit-on, soit par la lecture,
soit par la représentation, les œuvres qui avaient
acquis à son mari une si grande réputation.
femme et enfants ; perdez tout, hors l'hon-
neur ! »
Il garda soo honneur ; mais, par son opposi-
tion, il encourut la disgrâce de Louis XIV.
Kn 17i7, il fut nommé chancelier par le Ré-
Sent ; Tannée suivante, ayant combattu le système
e Law,son exil de Paris fut prononcé, etd'Agues-
seau se retira dans ses terres de Fresnes, qui
devinrent célèbres par son séjour.
Quand on eut reconnu tout ce qu'il y avait de
désastreux dans Torganisation financière de Law,
d'Aguesseau fut rappelé, en 4720 ; mais, deux
ans après, le cardinal Dubois le fit destituer, et les
sceaux ne lui furent rendus qu'en 1737, sous le
ministère du cardinal Fleury.
Voici la copie du Tableau généalogique de la branche ainée de la famille Racine, offert par
M. Mirleau d'illiers et déposé aux Archives :
Jean RACINE, Catherine de ROMANET,
de TAcadémie française, i652 — 1782
21 décembre 1689 — 20 avril 1699
Louis RACINE,
de rAcadémie des Inscriptions
et Belles-Lettres,
6 novembre 1692 — 29 janvier 1768
Marie PRESLE de l'ECLUSE,
1700 — 1794, Marraine de Louis-Marie
Mirleau o*Illiers ci-après
Louis-Grégoire MIRLEAU de NEUVILLE Anne RACINE,
DE SAINT-HERY, Seigneur de la Berruère, Née à Lyon en 1700,
dos Radrets, d'illiers Décédée à Blois'le 10 Brumaire an XIV
5 octobre 1712 — 4 novembre 1788 (Erratum. Lisez : Née à Lyon vers 1780)
Louis MIRLEAU de NEUVILLE des RADRETS
d'Illiers,
Avocat au Parlement de Paris
1757 — 1829
Marie-Louise-Claude de BONVOUST,
1765 — 1847
{Armoriai de France, registre /, p. 80)
Louis-Marie MIRLEAU d'ILLIERS.
!•' avril 1786 — 14 novembre 1870
M"* BL\cine, sa marraine
LouiSE-AsPAsiE de GUÉROUST de la FONTELLE,
1796 — 1871
[Armoriai de France, registre 5, tonie /"')
I m
Louis-Marie-Pierre MIHLEAU dILLIERS, né à Vendôme le 3 avril 1829.
NOTICE
SUR HENRI- FRANÇOIS D*A6UESSEAU
Si la ville de Limoges s'enorgueillit d'avoir vu
naître Henri-François d'Aguesseau, le 1^' novem-
bre 1668, le village d'Auteuil est également fier
d'avoir été affectionné par ce grand magistrat,
honneur du barreau français, qui, pendant plu-
sieurs années, habita la maison ayant appartenu
à Boileau, et dans laquelle mourut sa femme le
!«' décembre 1735.
Ce fut d'Auteuil que d'Aguesseau partit pour
Versailles s'opposer à l'enregistrement de la bulle
« Unigenitus> ; et, à cette occasion, Mme d'Agues-
seau lui adressa ces paroles, au moment de son
départ : « Mon ami, allez oublier, devant le Hoi,
(1] II n'est pas contestable que c'est au quatrain
qu'il faut ajouter fol. et la piélc liliale ne saurait
changer la vérité et l'histoire.
Il les conserva jusqu'en 1750, remplissant en
sage la charge qu il avait acceptée en bon citoyen.
Il mourut à quatre-vingt-trois ans, le 9 février
1751.
D'Aguesseau demanda a être enterré dans le
cimetière d'Auteuil, oh reposait le corps de sa
femme, qu'il avait tant aimée.
Coulanges avait dit à l'époque de son mariage,
qui eut lieu en 1694, qu'on avait vu pour la pre-
mière fois € les Grâces et la Vertu s'allier en-
semble ».
En 1753, leurs enfants firent mettre leurs
cendres dans un monument élevé aux frais et par
ordre de roi Louis XV, en face de la porte de
l'Eglise (1).
En 1793, alors que tout sentiment de res-
pect était étouffé et que le ravage et la destruc-
tion faisaient leur œuvre, la sépulture de d'Agues-
seau fut violée et les cercueils de plomb ouverts,
(1) Ce monument était composé d'une pyramid
à base de marbre, couronné d'un globe d or sur-
monté d'une croix.
IfJO HISTOIHK DU SVI* ARRONDISSEMENT
Hais les osiemcDls furent réanis pir tes soins et « Ouand il eut le mslhenr de p«rdre si fenine,
en présence du mire, H. Benoit, dont on ne • li douleur de d'Aguesseau égala sa tendresse
lanrait assez louer la pieuse TÎgilance, dans un * pour elle. Cependant 1 peine eatii essuyé ses
cercueil de bois que l'on replaça sous lo monn- > larmes qu'il se livra aux fonctions de u place.
ment. *■ Comme on craignait que le poids des affaires,
LeSOfrintaireanlX, le tombeau fut restau ré(l) < joint à celui de l'affliction, ne l'aceablit ; < Je
et, i cette occasion, M. Benoit prononça nn * me dois au public, disait-il, et il n'est pas
discours duquel il faut retenir c« passage : * juste qu'il souffre dios mes malheurs doneslJ-
< Dans un de ces moments oii d'Aguesseau * qoes. >
< méditût sur ses devoirs, on croyait l'entendre Je lermiDerai en eit^ot une des quatre inscrip-
« dire à la Patrie : Je n'ai à t'offrir que ce que tions latérales du tombeau de d'Aguesseau :
' m'a donni la nature. ma vie courte et passagère; La nature ne fait qiie prêter \et grattât
- mais j'eu déposerai dans ton sein tous les ins- hommes à la terre; lit t'éièvmt, Mlunt et
< tants. — Beçoig le serment que je fais de ne dnparaissent; lewr exemple et leurs ouvrage*
« vivre que pour toi I restent.
* Il était digne d'avoir pour amis le sage au- He-nbi db Forues de HmiAOSAC.
« teur de t'Arl poétique et l'auteur sublime
. d'Athalie.
* Il n'avait point l'orgueil de protéger ces deux
« hommes, l'hounenr de leur siècle ; mais il ap~
. preiuil J'». 1 boDorer m joar le m. PÉTITION lU COaSEIL HUIIICIPIl
(j) Oti pcul lire aui Archinl^^ ik la mnirie rie^ Nous doiinnni ici, A litre do docament. l'eipasé
elle reslau- dts moiifa de In p^llUnn au Conseil muDîclpal,
expoït qui » clé tiàigo par H - GuHlols
ANNEXES
471
RUE DE LA TUILERIE
Une rue noatelle vient d'être ouverte dans la
me Mozart, en face da débouché de la rue de la
Cure. Cette me ne porte pas encore de nom. La
Société historique propose que cette voie soit dé-
nommée rue de la Tuilerie, en souvenir du châ-
teau historique sur les dépendances duquel elle est
établie.
Le château de la Tuilerie a été habité sous le
Directoire et le Consulat par le général du génie
d* Arçon, collaborateur du grand Carnot. Depuis,
il fut la demeure de la tragédienne Rachel et de
Thiers.
Les arbres centenaires qui existent encore dans
un immeuble voisin (couvent de TAssomption)
sont les arbres mêmes du parc de la Tuilerie. Il y
a là, semble-t-il, un souvenir d'histoire locale
qu'il serait bon de conserver et qui ne saurait son-
lever aucune objection de principe.
RUES DU COLONEL-COUTELLE ET DUClS
Le morcellement de la propriété Chardon-La-
gâche, ft Auteuil, rue Théophile-Gautier, a créé
deux nouvelles rues qui ne portent encore aucun
nom.
La Société historique d'Auteuil et de Passy pro-
pose qu'une de ces voies prenne le nom du brave
colonel Cautelle, premier aérostier de Tarmée, et
qui, à ["leurus, par son ballon, rendit les plus
grands services à Tarmée française. Coutelle se
retira à Auteuil, place de TEclise; il y mourut,
léguant aux pauvres une partie de sa fortune et aux
écoles de la commune d'Auteuil deux prix qui,
chaque année, jusqu'à l'annexion de 1860, furent
distribués en son nom.
La seconde voie pourrait être appelée rue Ducis,
en souvenir de ce littérateur estimé, qui demeura
longtemps à Auteuil, sur la place de TEglise. Ducis,
le premier, a fait connaître à la France les beautés
de Shakespeare; on peut dire qu'il a popularisé,
dans notre pays, l'œuvre du grand tragique an-
glais. A ses titres littéraires. Ducis joint le mé-
rite d'avoir su rester, sous l'Empire, le républi-
cain qu'il avait été pendant la Révolution.
Trois fois, il refusa sa nomination au Sénat
conservateur : € En voyant les dorures de l'habit,
disait-il, jamais je ne pourrais m'habituer à porter
cette casaoue-là. » La détermination de Ducis était
d'autant plus noble que le poète était dans le be-
soin. € Je ne veux faire en ce monde que des tra-
gédies, écrivait-il à Fontanes. Je suis au pied de
mon saule ou de mon palmier. Il faut que j'y vive
et que j'y meure. Le nom d'une place est, à mes
oreilles, le bruit du ciseau de Dalila. Laissez-moi
m^ cheveux. » Et, une autre fois, à Bernardin de
Saint-Pierre : € Je suis poète, républicain et soli-
taire. Voilà les éléments qui me composent et ne
peuvent s'arranger avec les hommes en société ou
avec les places. Je vous donne ma parole d'honneur
que j*aimerais mieux mourir tout doucement, dans
le lit de ma mère, pour être ensuite déposé auprès
d*elle, que d'accepter la place de sénateur. Je n'au-
rai qu'une physionomie, celle d*un bonhomme et
d'un auteur tragique qui n'était pas propre à autre
chose. »
Cette modestie, cette indépendance, l'habitation
longtemps continuée de Ducis à Auteuil, à deux
Eas de la nouvelle voie, font espérer à la Société
istorique que le Conseil municipal de Paris voudra
bien donner le nom de ce poète républicain à
l'une des deux rues récemment percées (i).
BOILEAU A AUTEUIL
Depuis que j'ai eu l'honneur de lire devant la
Société historique mon étude sur la maison de
Boileau, j'ai eu connaissance d'un autographe bien
précieux.
C'est une lettre qu'Henry du Trousset de Valin-
cour, le successeur de Racine à l'Académie fran-
çaise, écrivait, de Messine, le 3 septembre 1703,
à Boileau, pour lui conseiller de ne pas vendre
sa maison d Auteuil. Il lui rappelle l'exemple d'Ho-
race et de Térence et lui conseille de consulter
€ avant que de rien faire M. le Procureur géné-
ral, M. l'abbé Renaudot et M. Le Verrier; que si,
pourtant, ajoute-t-il, vous êtes teUement déter-
miné que nen ne puisse vous faire changer, je ne
pourrais voir qu'à r^ret Antoine et Babet et la
vache et la chatte passer à un autre maître et
je m'offre à les recueillir tous à Saint-Cloud, si
vous voulez bien les adresser à M. ou Mme d'Hé-
ricour. »
Antoine Riauié, originaire de la Picardie, est
ce fameux jardinier qui exerçait dans l'hermitage
d'Auteuil
... Tart de la Quintiiiie
Il semble, au dire de Brosette (2), que Boileau
avait eu Quelque peine à vaincre ses préjugés à
son égara. Antoine, qui faisait pour ainsi dire
partie de l'immeuble, puisqu'il passa après Boileau
au service de Le Verrier, avait été, pendant
dix-huit mois, le jardinier de M. deBanteuil, pré-
décesseur du poète. Boileau disait de son venaeur
que c'était un homme fort décrié à cause de ses
friponneries, et que jamais personne ne lui en
avait dit du bien. « Uy a même, ajoute Brosette,
un abbé, diyne de foi, oui lui avait assuré que
Banteuil était parent du bourreau, »
Antoine Riquié et sa femme Babet firent revenir
Despréaux sur sa première impression, en ce qui
les concernait du moins. Antoine, qui ne manquait
ni d'intelligence ni de bon sens, — Brosette qui
aimait à causer avec lui en témoigne, — Antoine
fut pour son maître, pendant les vingt ans qu'il
resta à son service, d'une fidélité à toute épreuve.
Boileau a récompensé ce « laborieux valet » en
inscrivant son nom dans la xi* épltre.
Antoine Gcillois.
(1) Jusqu'ici il n'a pas été donné satisfaction à
celte pétition.
2. Mémoires de Brossette sur Boileau-Des-
préaux. Msc. de la Bibliothèque Nationale, dont
quelques fragments ont été publiés par Aug.
Haverdet, en i858, Parit», Técbener.
472S
HISTOIRE DU XVI' ARRONDISSEMENT
NOTES SUR BOILEAU
Boileao était né à Paris en 1636. Il était le
dernier enfant d*un greffier du parlement. .
Son .enfance ne lat pas très heureuse. Il cou-
chait dans une espèce de poivrière placée au niveau
des cheminées, froide en hiver, chaude en été, et
qu'il quitta avec honheur pour descendre... au
grenier, ob on lui fit enfin la charité de rinstaller.
An sortir du collège, il fit son droit ; mais la
première fois qu'il voulut plaider, il fut si intimidé
qu'il oublia le discours ^u'ilavait préparé et appris
par cœur. De ce jour, il dit adieu an barreau et
se consacra à la poésie.
Ce fut à vingtnquatre ans que Boileau composa
sa première satire, dont le succès lut très çrand.
Il se lia avec Racine, Molière, La Fontaine ; il
eut ainsi l'avantage de vivre dans le commerce
intime des esprits les plus distingués et les plus
délicats de son temps.Il eut pour Racine une amitié
tendre, dévouée, sans réserve.
En 1669, il avait publié déjà toutes ses satires,
n avait alors 33ans.Présenté à Louis XIV, il sortit
de cette première audience avec une pension con>
sidérable. Plus tard, le roi le nomma son his-
toriographe, avec une pension de 2.000 livres,
conjointement avec Racine, qui en touchait une
de 4.000 livres.
Plusieurs paroles et divers traits de la vie de
Roileau méritent d'être remis en lumière.
D'abord sa réponse à Louis XIV, bien connue,
répétée cent fois, et qui mérite encore de l'être,
moins remarquable peut-être cependant que la
réplique de Louis.
— Quel est le plus grand écrivain du royaume?
lui demandait le roi.
— Sire, c'est Molière.
— Âh ! je ne l'aurais pas cru, dit le roi, mais
vous vous y connaissez mieux que moi.
Un autre trait, moins connu, mérite d'être
relevé.
Dans une compagnie où se trouvait un jour
Roileau, à Auteuil, — l'anecdote ne désigne la
maison que par l'initiale V..., — une jeune per-
sonne fut priée de chanter, de jouer du clavecin,
et de montrer quelques dessins qu'elle avait faits.
Rien de nouveau sous le soleil. Déjà il y a un
siècle, on demandait à bébé de jouer son grand
morceau.
On voulait faire briller les talents de la jeune
personne. Malheureusement, ses talents étaient
fort médiocres. Chacun, néanmoins, s'empressa
de lui faire des compliments : politesse des salons
qui n'a rien de la franchise du vieux soldat.
Boileau ne voulait pas mentir, et cependant il
ne voulait pas manquer de politesse.
Sans parler ni du chant de la demoiselle, ni
de son exécution musicale, ni de ses dessins, il
se tira d'affaire en disant, de la meilleure grâce
du monde: « On vous a tout appris, mademoiselle,
hormis à plaire; c'est pourtant ce que voussave^
le mieux. >
J'en reviens aux relations de Boileau avecRacine.
Il n'avait pour lui aucun secret, et leur confiance
était réciproque. Leur prose,leuts \er8, leurs sen-
timents, leurs intérêts, leur vie, ils se commu-
niquaient tout. Lorsque Racine mourut, Boileau,
inconsolable, quitta la cour et se confina dans
sa maison d' Auteuil, que nous sommes tous heu-
reux d'avoir retrouvée.
Dans ses relations avec Racine, Boilean avait
souvent mis les pouces, comme on dit. Le croi-
rait-on? c'était lui dont le caractère était le plus
souple, et le doux Racine avait des vivacités.
L'auteur de Phèdre était parfois amer dans
ses railleries et, dans la vie, il avait l'esprit plus
mo(|ueur que l'auteur du Lutrin, quoique tem-
père — il est juste de le reconnaître, — par un
grand fonds de vertu et de religion. Mais, enfin,
ses amis ne trouvaient pas toujours grflce devant
lui. Boileau ayant un jour, à l'Académie, avancé
une proposition qui n'était pas juste, Racine lui
prouva assez vivement, et même d'une un peu
rude façon, qu'il s'était trompé. Boileau se con-
tenta de lui répliquer: € Je conviens que j'ai
tort, mai j'aime mieux avoir tort qu'orgueilleu-
sement raison. »
Racine mort, Boileau n'eut plus qu*une passion :
le jeu de quilles ! « 11 faut avouer, disait-il avec
une modeste bonhomie, que j*ai deux grands talents
aussi utiles l'un que l'autre à la société, l'un de
bien jouer aux quilles et l'autre de bien faire des
vers. »
Boileau ne pouvait voir un homme de lettres
dans la peine, et il venait au secours de tous ceux
dont il apprenait les embarras.
Cx)lbert mort, la pension de Corneille fut suppri-
mée, il demanda qu'on la rétablit en supprimant
la sienne. Toutes les deux furent maintenues.
Le célèbre avocat Patru, sans ressources, ven-
dait ses livres pour une somme assez modique.
Boileau l'apprend, accourt, surenchérit, paie et
écrit dans le marché que Patm conservera ses
livres jusqu'à sa mort.
Boileau, dont la plume fut si mordante, était,
au demeurant, le meilleur des hommes et eut
l'estime de tous. Ses écrits mêmes la comman-
dent. € Vos satires, lui disait-on, vous feront une
foule d'ennemis. » — « Non, répliqua-t-il, je
vivrai si honnêtement que je ne laisserai même
pas de prétexte à la calomnie, r^
Il mourut en 1711, à l'âge de 75 ans, disant
aux amis et aux parents réunis, éplorés, autour
de lui : « C'est une grande consolation, pour un
{loète qui va mourir, de n'avoir jamais offensé
es mœura. »
Éhile POTIR.
LE JARDINIER DE BOILEAU
On a cru longtemps que le jardinier de Boileau
se nommait Antoine Riquié ou Riquet. D'après
les minutieuses recherches de Jal (1), qui a trouvé
(i) Voir son Dictionnaire critique de biographie ei
d'histoire^ article Riqué.
ANNEXES
473
rois 8Îgnatare8 de riDgéoieux gouverneur du
jardin d*AuteuU et une de son tils, apposées au
bas d*actes de famille, on sait aujourd'hui que
son Trai n^m était Riqoé (sans I).
il naquit à Paris yers 1654 (i), et ce fut pro-
bablement en 1684 qu'il épousa Marie de
Lamare (!2) qui avait le même Age Que lui. 11 en
eut quatre enfants: Jérâme, né à Àuteuil le 15
avril 1687 ; Marie- Jeanne, tenue sur les fonts
de baptême, le 6 mars 1689, par Jean-Baptiste
Racine, fils aîné de l'illustre poète ; Marie- Louise,
née en 1691, et Perrette, baptisée le 20 mai
1695, ayant pour parrain le jeune fils de Gilbert
de Voisins, président au parlement de Paris. An-
toine avait 3â ans en 1685, quand Boileau le
trouva établi dans la maison d'Aoteuil et le garda
à son service, et 41 ans quand le poète lui dédia
sa onzième épltre, qui fit passer son nom à la
postérité:
« Laborieux valet du plus commode maître
Qui pour te rendre heureux ici -bas pouvait naître,
Antoine, gouverneur de mon jardin d'Auteuil,
Qui diriges chez moi l'if et le chèvrefeuil.
Et sur mes espaliers, ingénieux génie.
Sait si bien exercer lart de La Quintinie... >
Marie de Lamare mourut le 9 mars 1722, Agée
de 68 ans. L*acte d'inhumation nous apprend qu*à
cette date Antoine était jardinier du docteur Gen-
dron, médecin du régent et célèbre oculiste. Deux
vers satiriques de Voltaire dans son Épitre à
BoUmu, où il parle de sa visite à Gendron, con-
firment l'assertion de Jal :
Je vis le jardinier de la maison d'Aaleuil
Qui chez toi, poar rimer, planta le chèvrefeuil.
Gendron, en 1722, était donc déjà propriétaire
de Tancienne maison de Boileau ; peut-être An-
toine n*avait-il pas quitté la maison et, après avoir
servi M. Le verrier, avait-il été conservé par
Mme de Calabre, qui aurait fait une bonne affaire en
gardant ce précieux serviteur. A partir de son veu-
vige, on ne trouvait plus son nom sur les registres
d'Auteuil. Déjà vieux, il prit sans doute sa retraite,
qu'il avait bien gagnée, et peut-être se retira*t-il
chez sa fille Marie- Jeanne (3) qui avait épousé un
jardinier d'Asnières, avant de venir à Paris, où il
mourut sur le territoire de la paroisse de la Made-
laine de la Ville-rÉvéque, le 3 octobre 1745,
âgé de 95 ans. Le lendemain, on Tinhuma au
grand cimetière de cette paroisse.
L. Mar.
BOSSUET CHEZ BOILEAU
Avoir l'indication authentique que Bossuet est
venu à Auteuil chez Boileau, ou, tout au moins,
qu'il en a fait le projet, ce n'est pas un souvenir
(1) Voir l'édition des œuvres de Boileau publiée
par Viollet le Duc en i8ai.
(2) On l'appelait familièrement Babel.
(3) Marie-Louise, qui avait épousé également
un jardinier, était morte en 1716.
banal, sans intérêt pour la Société historique !
Hecueillons-en précieusement la preuve.
Nous trouvons dans la correspondance de Bos-
suet le billet suivant, adressé, en 1695, à l'abbé
Renaudot, le petit-fils du fondateur de la Gazette
de France. Ùkymne céleste dont il s'agit est
V Epitre XII de Boileau sur rAmour divin; Tabbé
Boileau, dont parle Bossuet, était un prédicateur
et un théologien qui n'avait aucune parenté avec
Boileau -Oespréaux. C'est à l'abbé Renaudot que
Tépltre est dédiée.
€ Si je me fusse trouvé ici. Monsieur, quand
vous m'avez honoré de votre vibite,je vous aurais
g reposé le pèlerinage d'Auteuil avec M. l'abbé
oileau, pour aller entendre, de la bouche inspi-
rée de M. Despréaux, l'hvmne céleste de l'Amour
divin. C'est pour mercredi : je vous invite avec
loi à dîner ; après, nous irons ; je vous en con-
jure. »
Le dîner où Bossuet invitait les deux abbés a-t-
il eu lieu? S'est-on rendu chez Boileau po^ cette
lecture ! Il y a tout lieu de le croire ; mais nous
n'en savons pas davantage sur ce point. Il s'agit
évidemment de l'êpttre, avant qu'elle ne fût pu-
bliée ; car elle ne parut qu'en 1697, et nous lisons
dans une lettre de Racine à Boileau, datée d'octo-
bre 1697 : « Je sois bien aise que vous ayez
donné votre épltre à M. de Meaux... » — Et dans
la même lettre, après lui avoir fait un récit de
ses préoccupations de famille, il ajoute : « Plai-
gnez-moi un peu, dans votre profond loisir d'Au-
teuil. »
Tout cela est à noter pour nous.
Eugène Manuel.
HUBERT ROBERT ET SON TEMPS
ParC. Gabillot (1)
Voici un ouvrage qui intéresse doublement la
Société. D*abord, parce qu'il est écrit par un de ses
membres les plus érudits et les plus sympathiques,
et ensuite parce qu'il est consacré à l'un de nos
concitoyens les plus illustres.
Hubert Robert, né à Paris le 22 mai 1733, fut
enterré à Auteuil, où il habitait Tété depuis qua-
rante ans. On a prétendu que sa maison était celle
que Boileau avait occupée ; mais la liste des pro-
priétaires successifs de cet immeuble historique
montre que c'est là une erreur. La propriété de
Robert, qui fut vendue 25.000 francs après sa
mort, — comme le prouve un passaj^ du testa-
ment de la veuve du peintre, — était voisine, du
reste, de celle de Boileau, et les recherches, conti-
nuées par M. Gabillot, nous font espérer que nous
en connaîtrons bientôt l'emplacement exact et
l'histoire.
Le nom d'Hubert Robert rappelle toute une
époque de l'art français, et c'est à juste titre que
(1) Paris, librairie de l'ArL 41, rue de la Vic-
toire.
474
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
son biographe, brisant un cadre trop étroit, s*est
attaché, en parlant da peintre des Ruines, à faire
revivre la société dans laquelle il a vécu et les
jours de cette période heureuse dont on a pu dire
que ceux qui ne Tout pas connue n*ont pas su ce
qu*est la douceur de vivre.
Fils d'un des serviteurs familiers du marquis de
Stainville, issu d'une de ces familles de braves gens
qui faisaient, à bon droit, sonner très haut leur
titre de bourgeois de Paris, Robert dut, comme
tant d'autres, lutter contre la volonté paternelle
pour suivre une vocation irrésistible. La famille de
Choiseul Taida à ces premières heures de sa car-
rière, et M. de Stainviile, notre ambassadeur à
Rome, en conduisant avec lui Hubert dans la ville
éternelle, rendit facile au jeune peintre un pèleri-
nage vers ces pays dont on commençait à tant
parler, vers ces chefs-d'œuvre et ces monuments
qui attiraient les regards de tous les artistes.
£tt Italie, Robert passa onze ans d'un labeur
acharné, d'un travail quotidien , à peine inter-
rompu par des aventures qui sont devenues célè-
bres et par ce voyage merveilleux ob deux peintres,
Robert et Saint-Non, ressentirent les plus vixes
jouissances que l'Art et l'Antiquité puissent faire
éprouver.
A son retour, Robert était célèbre. Reçu à
l'Académie royale de peinture et de sculpture,
choyé par les grands seigneurs, dont il ornait les
demeures et dessinait les jardins, peintre du roi et
eardien des tableaux de son Muséum, mari d'une
femme élégante et belle autant que bonne, le
peintre voyait la fortune lui sourire.
C'est à ce moment, vers 1787, qu'Hubert Ro-
bert vint s'établir à Auteuil. Dans sa maison il
plaça les tableaux les plus rares : Ruysdael, Té-
niers, Watteau, (Ihardin, Sébastien Bourdon, Bou-
cher; des marbres de Pajou et des reproductions
de l'antique, et, au milieu de ces chefs-d'œuvre,
il se plut à recevoir ses amis avec une bonté qui
devint proverbiale. Robert charmait ses convives
par son esprit et ses bons mots, tandis que ses
notes trouvaient chez lui des distractions variées
qui leur faisaient aimer la maison d' Auteuil.
Cependant un grand chagrin avait attristé cet
heureux intérieur ; le ménage avait perdu succes-
sivement ses quatre enfants. Bientôt aussi la Ré-
volution allait venir et avec elle l'emprisonnement
et les menaces de mort.
Boucher nous à conservé tous les détails de la
captivité d'Hubert Robert à Sainte-Pélagie et à
Saint-Lazare; M. Gabillot a fait de nombreux em-
prunts & ce dramatique journal d'une existence
qui n'était jamais sûre du lendemain ; mais le
peintre, plus heureux que le poète, échappa du
moins à la guillottine et put reprendre, après le
9 thermidor, sa place au foyer domestique.
Ces dernières années de Robert — il devait
vivre encore quatorze ans — furent occupées par
l'organisation du musée du Louvre, par un second
voyage en Italie et par le culte de relations chaque
iour plus nombreuses et plus illustres.
Deux ans avant de mourir, le peintre quitta les
galeries du Louvre € où s'étaient, écoulées ses
belles années d'artiste», pour aller habiter rue
Neuve-du-Luxembourg. C'est là qu'il mourut, à
l'âge de soixante-quinze ans, le 15 avril i8Q8, < Le
bonheur dont fut accompagnée sa vie, dit Mme Vi-
gée-Lebrun, semble avoir présidé aussi à sa mort.
Le bon, le joyeux artiste, n'a point prévu sa Un,
n'a point enduré les angoisses de l'agonie ; il était
fort bien portant et tout hahillé pour aller dtner
en ville. Mme Robert, qui venait elle-même de
terminer sa toilette, passa dans l'atelier de sou
mari pour l'avertir qu'elle était prête et le trouva
mort frappé d'un coup d'apoplexie foudroyante. >
Comme nonr témoigner par là de l'affection
qu'Hubert Robert avait toujours eue pour notre
cher Auteuil, sa femme voulut que la dépouille
mortelle du peintre y fût déposée, et elle-même,
quand elle mourut, en 4824, demanda à être en-
terrée tout pr^ de ce coin de terre que l'artiste
avait tant aimé.
L'histoire de la peinture devra beaucoup à
M. Gabillot pour avoir fait revivre cette figure,
bien peu connue jusqu'à ce jour, et dont les traits
effacés étaient épars dans de nombreux ouvrages.
Auteuil et sa Société historique devront aussi lui
avoir une particulière reconnaissance.
Antoine Guillois.
UN AMI D'ALFRED DE MUSSET
Cette nuit, dans le bois, une calèche errante.
De sa double lanterne effrayant l'écureuil.
A travers les rameaux revenait, scintillante,
De Boulogne au bassin d'Auteuil.
La rêveuse, aux buissons d'une étroite choussée.
Laissait nonchalamment balayer ses panneaux.
Dans le sable sans bruit doucement balancée
Comme une barque sur les eaux.
Et pour charmer encor ce nocturne voyage,
Dont la lune des bois gardero le secret.
Les jeunes baliveaux ogitaient leur feuillage
Où la serpe d'argent brillait.
Do projets de bonheur la calèche était pleine;
Nul ne sait quels regards venaient s'y caresser
Ni de quelle main blanche on ôtait la mitaine
Pour cueillir un premier baiser ;
Ni quelles voix ont fait de ces aveux qu'inspire
I /ombrage parfumé des arbres défendus.
Pourtant bien des échos, au moins pour en médire.
Voudraient les avoir entendus !
Beoux diseurs de secrets, voua perdiez un mystère
Echappé de Paris pour ce cher entretien :
Les paroles allaient tomber sur la fougère,
Et le salon n'en saura rien.
Car aux légers panneaux les écussons s'effacent
A l'heure ou dans le bois va dormir l'écureuil.
Et vous ne suivez pas les lanternes qui passent
La nuit près des bassins d'Auteuil.
(Juillet, 1834.)
L*auteur de cette pièce de vers intitulée Minuit
dans le bois, — je ne veux pas écrire inédite,
mais, en tout cas, assez peu connue, — a été,
comme on peut s*en douter, un habitant d'Auteuil.
Qui est-il ? Quel est son nom?...
Laissez-moi faire durer votre curiosité jusqu^à
la 6n de ceUeoote,
ANNEXES
475
l/anteur était né en 180i. 11 mania plus le
crayon qoe le pinceau, le pinceau plus que la
Silume. Sa plume nous a donné quelques pièces
e Yers bien tournées ; mais c'est à son crayon
qu'il doit sa gloire impérissable, que noasdeTons,
nous, des ehefs-dVuTre de haute philosophie.
Délicat, raffiné- parfois, tant qu il fut nenreux
et joyeux, il eut Thonneur d'être dessiné à son
tour par la plume de Théophile Gautier, dont le
nom appartient maintenant, lui aussi, à Auteuil.
€ C était un très beau jeune homme, dit
Th. Gantier, orné d*une abondante cheyelure
blonde, aux boucles irisées et touffues, très soigné
de sa personne, très fashionable dans sa mise...
11 ne traraillait qu*en jaquette de Telours noir,
pantalon de la meilleure coupe, fine chemise de
batiste à jabot, souliers vernis à talons rouges.
Il avait plutôt l'air d'un dandy s'occupant d art
que d*nn artiste... »
Il ne fut pas toujours ainsi. Après la jeunesse
et la coquetterie vinrent d'autres années et d'au-
tres goûts, moins compatibles avec l'élégance.
Après les joies — les siennes et celles qu'il cé-
lébra avec son crayon — vinrent les tristesses,
comme si le miroir des ans lui renvoyait le reflet
détourné des misères qu'il avait décrites. Les der-
nières années de notre dessinateur furent remplies
d'amertume et de douleur. Il eut le malheur de
perdre un fils qu'il aimait beaucoup. Une révolu-
tion se fit subitement dans sa pensée et dans tout
son être.
U quitta le dessin pour la lecture des livres de
mathématiques et il passa les derniers jours de sa
vie à faire des mémoires pour l'Académie des
Sciences. On dit que ces mémoires ne sont pas
sans valeur.
Son talent génial l'avait de bonne heure enri-
chi. U avait acquis i Auteuil un assez vaste jar-
din ; il y avait construit son atelier. Le jardin
était plein d'arbres rares, € de ces arbres, dit
M. Victor Frond, qui exhalent une odeur funèbre
sans attrister profondément la pensée ». C'était,
sans doute, l'impression qu'en emportaient ceux
qui le visitaient. En réalité, cette verdure sombre,
persistante, ne disait pas tout le deuil de la pen-
sée et de l'âme du père inconsolable, du pand
artiste dont les yeux et le cœur, sans cesser d'ado-
rer passionnément les merveilles de la nature,
devaient jusqu'à la mort silencieusement pleurer.
Il avait beaucoup aimé le bois de Boulogne,
déjà embelli, demeuré sauvage encore près de la
mare d'Auteuil. Mais, dans ses dernières années,
il ne sortait plus de son précieux jardin, où l'âme
de son cher défunt semblait revivre, où lui-même
espérait exhaler la sienne. Bientôt il ne bougea
plus de sa chambre ; ses regards toutefois
allaient toujours chercher ces arbres, ces plantes,
ces fleurs auxquels s'attachait son dernier amour.
J'ai la bonne fortune d'avoir entre les mains
la reproduction d'une fine litographie qui le re-
présente debout dans son jardin. Je la joins à
ces quelques lignes. Elle était datée de 4867
— quelques mois après la mort de mon héros —
et devait être un précieux original.
Un peu plus que de trois quarts, presque de
face, sa bonne physionomie apparaît sous le cha-
peau de paille sans prétention de l'homme qui
est chez lui. Les yeux sont encore vifs sous les
épais sourcils du penseur et du chercheur. La
barbe, la moustache, les cheveux ont grisonné.
Une ébauche de sourire épanouit ce symphatique
visage : on sent le propriétaire jardinier-ama-
teur, content d'être « croqué » sur son terrain
de prédilection. La main droite retire de la bou-
che ou y porte la cigarette par un mouvement
simple et familier. La main gauche s'enfonce
légèrement dans la poche du veston, boutonné
haut, qui est à la fois de l'artiste et du rentier.
Le pantalon n'est sans doute plus à pied : le temps
et la mode avaient marché. On dirait que ce por-
trait, qui regarde bien droit, va parler, et la
lèvre infériirnre semble se mouvoir. On surprend
presc|ue dans le geste un souhait de bienvenue au
voisin et à nos lecteurs en visite.
Nous lui rendons ce bon accueil en le plaçant
dans notre Bulletin.
Mais ce n'est qu'un éclair. Le portrait aimable,
attachant, disparaît. Ce qui reste, ou plutôt ce
qui revient, c est le souvenir des tout derniers
jours de l'artiste, lor(^u'il fallut le contraindre à
prendre quelque noumture pour soutenir une vie
qu'il lui était indifférent de voir s'évanouir.
U mourut d'anémie le 23 novembre 1866.
Le Panthéon des Illustrations françaises
au XIX* siècle^ auquel j'ai déjà emprunté, ter-
mine la notice qu'il consacrait à celui dont je vous
. entretiens, par cette réflexion :
« De sa retraite, que le chemin de fer d'Auteuil
' — disons : de Ceinture, pour être exact — avait
amoindrie... » < il sembla alors qu'on lui enle-
vait Quelque parcelle de lui-même » «... mais
dont ta vue était encore belle ; plus d'une fois t7
jetait un regard, pour dernier spectacle, mais
non plus pour d'autres études, sur la foule
bruyante, active, plus folle, mais bienmoinsgaîe et
jeune que jadis, qui s'écoulait les après-midis
dans les allées de son bois de Boulogne. Il revoyait
ses personnages avec d'autres modes, d'autres
costumes, il ne retrouvait plus leur esprit. »
Cet homme-là s'était appelé devant l'état civil
€ GuiUaume-Sulpice Cheinilier ». Jamais il
n'avait voulu donner ses œuvres sous son nom .
Enfin, un jour, pour plaire à ses amis connus et
inconnus, et sans trop se trahir, il avait choisi
une signature, en souvenir de la fameuse chute et
du non moins célèbre cirque des Pyrénées, pour
lesquels son admiration était sans iJomes.
Nous, Messieurs, qui sommes citoyens,d' Auteuil
et qui formons, vis-à-vis des hommes disparus
en 4866, le commencement de ce qu'on est con-
venu d'appeler la postérité, nous ne connaissons,
pour le saluer d un souvenir respectueusement
ému,que « Gavarni ».
Mon grand-père maternel, M. B. Picard, avait
parfaitement connu Gavarni chez M. Polack, avec
lequel Gavarni aimait beaucoup, vers 4856, à
venir jouer au billard.
Mon aïeul — soit dit en passant — a été l'un
des premiers propriétaires du hameau Boileau, où
il possédait et transmit à ma mère ses deux mai-
sons, au rond-point du fond, attenant à la pro-
priété Givert.
A l'époque où il connut Gavarni, celui-ci habi-
tait une maisop entourée d'un vaste jardin, située
476
HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
près de la station da Point-da-Jour. Ce jardin
poQTait avoir 4 à 5.000 mètres et allait jus-
qii*à la Seine. Gavarni fat exproprié par les
travaux du chemin de fer de Ceinture pour la
presque totalité de sa propriété, et toucha une
indemnité d'environ 200.000 francs.
Si le parc était grand et beau, il semble,
d*après certains souvenirs que j'ai recueillis, que
la maison était fort ordinaire. Elle n'avait pour
elle que ses vastes proportions. Gavarni j recevait
beaucoup d'artistes et ae littérateurs. Il était sur-
tout lié avec Alfred de Musset. Musset venait sou-
vent Tété à Autenil, la plupart du temps chez Ga-
varni, qui a fait du poète après sa mort le portrait
aue je vous ai montré (llliLstraiion^ i6 mai 4857).
On m'a assuré que Musset eut un petit coin de
terre près de Gavarni, mais que cela ne dura
qu'une saison. Ce n'est pas sans raison qu'on a
tenu à donner à une rue d'Auteuil le nom de
l'illustre poète.
Il nous faudrait maintenant une rue Gavarni ;
on pourrait très bien nommer ainsi la partie de la
rue du Point-du-Jour à laquelle Théophile Gau-
tier a bien voulu laisser sa désignation actuelle.
Cette rue du Point-du-Jour a déjà assez de fois
changé de nom — rue Benoit, rue de la Munici •
palite — pour qu'on lui applique une désigna-
tion que l'admiration universelle rendra immuable
et définitive.
Je demande à notre Société de bien vouloir
émettre un vœu en ce sens. 11 existe déjà à Passy,
courte, pas jolie, étroite, une rue Gavarni : on'
Sourrait lui aonner un nom plus modeste. Usant,
'ailleurs, de la définition de l'avenue qui est une
rue plantée d'arbres, nous pouvons réclamer une
aventie Gavarni. Elle serait à sa place dans un
Îuartier oti l'on relève, après les rues Jouvenet,
.ancret. Van Loo, Téniers, la rue Daumier.
ÉsiiLE Potin.
\ propos de cette communication, M. Guillois^
dont la famille est liée avec celle du poète depuis
plus de cent ans, a entretenu la Société des rela-
tions qui rattachent Alfred de Musset au quartier
d'Auteuil. Il a rappelé que le poète habita parmi
nous, dans sa jeunesse, rue Boileau, presqu'à
hauteur de la rue de Musset actuelle. Ce fut là
qu'il fit, à seize ans, ses premiers vers, une élé-
gie inspirée d'André Chenier et qui n'a pas été
publiée :
Il vint sous les flguiers une vierge d'Athènes
Douce et blanche, puiser l'eau pure des fontaines,
De marbre pour les bras, d'ébene pour les yeux.
Son père est Noémon de Crète, aimé des Dieux.
Elle, faible et rêvant, mit l'amphore sculptée
Sous les lions d'airain, pères de l'eau vantée
Et féconds en cristal sonore et turbulent...
C'était à Auteuil qu'il pensait dans une de ses
Nuits immortelles :
Quand dans les bois d'Auteuil perdu dans mes
[pensées...
Ce fut à Auteuil encore qu'il fit la connaissance
de Mélesville, chez qui il jouait la comédie et
dont il pensa sérieusement à épouser la fille.
Dn dernier souvenir rattache Musset à notre
Ïtartier. Le poète laissa, en mourant, un chien,
arzo, confié à la garde du concierge de la rue
du Mont-Thabor. A la mort du pauvre animal,
le concieive, pour ne pas le jeter au tombereau,
l'emporta du c^té des fortifications. IJ s'arrêta à
un endroit oit des terrassiers travaillaient et leur
demanda la permission de déposer le corps dans le
terrain qu'ils étaient en train de remuer. Marzo
fut enseveli sous une charretée de terre, dans une
rue nouvelle, et cette rue s'appelle aujourd'hui
rue de Musset !
AUTEUIL QUI S'EN VA
Passy se construit de plus en plus. Les hantes
maisons sortent chaqae jour de terre et gagnent
du terrain vers Autenil. Les jardins, les jarainets
tendent à disparaître. Arbres, arbustes tombent,
deviennent bûches ou fagots. A la place des verts
gazons s'ouvrent des trous béants, nientôt garnis,
revêtus de pierres meulières. Les hôtels et les
maisons familiales font place aux constructions de
six ou sept étages, bientôt peuplées d'hôtes de
passage qui n'auront pas connu notre vieux sol,
et qui, sans doute, ne lui accorderont qu'un très
mince intérêt.
Et cependant n'est-il pas bon, n'est-il pas sain,
moral, utile, de savoir, au moins dans ses j[éné-
ralités, l'histoire, la géographie du petit coin où
l'on doit vivre, ne fût-ce que quelques-unes des
années qui nous sont départies ? Enfants, nous
apprenions à respecter le nom, à vénérer la mé-
moire de bisaïeux que nos yeux ne virent point,
mais qui nous tracèrent le sillon de notre modeste
vie. Hommes, ne devons-nous pas reporter notre
affectueuse et respectueuse sympathie sur les rues,
les maisons, les sites que les générations précé-
dentes nous ont préparés, façonnés, en y laissant
comme un reflet d'elles-mêmes ?
Si le progrès, si les nécessités croissantes de
l'extension des populations vers l'ouest menacent
les vieux coins, les arbres ou les antiques maisons
que nos regards aimaient à contempler, hâtons-
nous d'en conserver l'image pour nous et pour
les autres.
C'est dans cette pensée, sons cette impression
que nos collègues MM. de l'Église ont bien voulu
recueillir les trois photographies que ces quelques
lignes accompagnent.
Voici d'abord la maison, 29, rue Chardon-
Lagache, dans laquelle vint mourir Gavarni (i), non
chargé d'années, mais inconsolable de la mort de
son fils et de T'expropriation par le chemin de fer
de Ceinture du magnifique parc dont il était si fier,
et qu'il avait plante des essences les plus rares.
Cette maison, qui a appartenu à Mlle de Roland,
(i; Voir Bulletin, t. III, p. 173.
477
Q dit. Elle est con- l'incieune maisaa de retraite desHessienn de Bon
ci elle poarra dire, le joar Seconrs. Les démolisseurs étaient mêmes déjà ei
Oli la pioche s'abattra sor elle : n<>n omnts mû- pleioe lips(fneqaand l'objectif se dressa. Campât
riar. ubi Troja fuit... L'immeuble, ausnrplus, o'atait
Dans les premiers mais de l'aonée 1808, nous rien de remarquable. MaisCarpeaui y avait lécn.
élione préTenos qu'on illait démolir la maison de Kniîn, irn-; petite rue modeste, trioquilte, i
l'illastre statuaire C^rpeaDi. à l'angle du boule- peine aftilée même dans les périodes électorales, est
lard Eielmans el de la rue Boileau, en face de la me Désaagiers, de la rue d'AuteuU A la me du
478 HiaTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Bail. Cfst Dn petit coin que les Alloliena ne cou-
naissent pas toas, oii ils ne passent gnère. Celts
D]inascnlerDeiDène(lenDsarchives(l]ijasqDO cbez
notre collègue M. Lévèque. directeur de l'école i,es DEMEURES DE 6AVARNI
Say. Un jour, je ae sais lequel, on redressera la
rue d'Autenil, l'école Say s'agrandira, on mettra
la rue Chardon-Lsgache à rarignement, et la rue Le médailloa de GiTarni, eiécalé par H. Char-
du Buis, Qétrie, sera emporli^, la rue Verderel pentier pour la Société, est presque achevé (1|
sera recouierte par les maisons nouTelles, la me Ataot de délennioer l'endroit où il sera placé.
Désanpers aura disparn comme le ^ai chanson- nous avons recherché quelles furent les de-
nierdont elle porte le nom. En voici l'image, avant meures de Gavarni. Voici une note très complète
qu'elle ne soit plus qu'un souvenir. de H. Mar.
Gavarm (IIij)polyl«-Guillaume-SulpiM Che\'*i.>
i.iEH.dil), dessioatear, aquarelliste et lilhognpbe,
1804-1866. St ï Paru, rue des Vieilles-Han-
driettes, n" .'i. A Bordeaux, habita impasse des
Minimes, qaartiH Saint-André, de la iin de 4834
e DiédailloD n
té» ayant lurg
ANNEXES
479
à la fin de i825; à Tarbes, chez M. Lelea, ins-
pecteur da cadastre, pais aax Pyrénées de la fin
de i825 au commencement de 48^. Revint à
Paris en mai 1828 et demeura rue Saint-Lazare,
n"* S7, jusau'en juillet 4829. A Montmartre, de
juillet i829 à 4835. Enfermé pour dettes à la
prison de la rue de Clichy, de la fin de mars à
décembre 4835. Rue Blanche, »"> 43, en 4836-
4837; rue Fontaine-Saint-^eorges, n° 4, de no-
vembre 4837 à 4846 environ; au Point-du-Jour,
route de Versailles, iV* 49, ancieriy depuis 4846
environ, A Londres de la fin de décembre 4847
à la fin de 4850. Rentra alors à sa maison du
Point-du^Jour, où il resta jusqu^à 4865, tant
dans cette maison même que dans celle à côté.
Avenue de l'Impératrice (du Bois-de-Boulogne) en
4865 et 4866. Enfin à la villa de la Réunion,
route de Versailles, n«422, et y mourut à la
fin de novembre 4866. Fut inhumé au cimetière
d*Auteuil.
Sa veuve mourut en mai 4890, âgée de 66 ans,
au château de Tréchaussade (Haute- Vienne).
En résumé, c*est dans sa maison de la route de
Versailles qu*il resta le plus longtemps (une ving-
taine d'années). A défaut de l'emplacement de
cette maison, on pourrait peut-être encore mettre
son médaillon sur la maison on il mourut, dans la
villadelaRéanion,routede Versailles n^" 422 (?)(4).
M. Mareuse a extrait, du Journal de Con-
court, les divers passages concernant Gavarni :
ANNÉE 4852.
Sur la route de Versailles, au Poinl-du-Jour,
à côté d'un cabaret ayant pour enseigne : A la
Renaissance du Perroquet savant, un mur qui
avance avec de vieilles grilles rouillées qu'on ne
dirait jamais s'ouvrir. Le mur est dépassé par un
toit de maison et par des cimes de marronniers
étëtés, au milieu aes<{uels s'élève un petit bâti-
ment carré, une glacière surmontée d'une statue
de plâtre tout écaillée : La Frileuse, d'Hondon.
Dans ce mur fruste, une porte à la sonnette de
tirage cassée, dont le tintement grêle éveille
l'aboiement de deux chiens de montagne. On est
long à venir ouvrir ; à la fin, un domestique appa-
raît et nous conduit à un petit atelier dans le jar-
din, éclairé par le haut et tout souriant. C'est là
que nous faisons notre première visite à Gavarni.
Il nous promène dans sa maison, dont il nous
raconte l'histoire : un ancien atelier de faux-mon-
nayeurs sous le Directoire, devenu la propriété
du fameux Leroy, le modiste de Josépnine, qui
utilisa la chambre de fer où l'on avait fabriqué
la fausse monnaie, à serrer les manteaux de
Napoléon, brodés d'abeilles d'or. Il nous fait tra-
verser les ^andes pièces durez-de chaussée, déco-
rées de peintures sur les murs représentant des
vues locales: la porte d'Auteuil en 4802.
(i) Le laa est l'origiae de la Villa de la Réu-
nioD; mais c'est dans une maison donnant à la
fois Villa de la Réunion et 99 rue Chardon-La-
gacbe qu'est mort Gavarni. (Voir l'article Auleuil
qui t'en pa, p. 477.)
Nous parcourons avec lui toute la maison et les
interminables corridors du second étage, ob d'an-
ciens costumes de carnaval, mal emballés, s'échap-
pent et ressortent de cartons à chapeaux de femme.
^ Nous redescendons dans sa chambre ob, près
d'un petit lit étroit, — une couche d'ascète, —
il y a sur la table de nuit un couteau en travers
d'un livre ayant pour titre : Le Cartésianisme.
AVRIL 486i.
Jeudi 28. — Un long moment, nous regardons,
à travers la clôture de planches, la démolition de
la maison Gavarni, son pauvre atelier èventré. . .
Gavarni s'est campé dans la petite maison àcêté,
en un pauvre intérieur, dans l'arrièn^-boutique
d'un épicier de banlieue, ou un teinturier occupe
le devant. (/(i.,p. 492.)
ANNÉE 4866.
30 décembre. — Passé aujourd'hui devant l'an-
cienne maison de Gavarni, avenue de l'Impératrice.
Il y a presque du cimetière dans cette bâtisse
lugubre ; avec sa grille rouillée, son jardinet à
plates-bandes de buis, ses arbustes verdâtres. Le
moisi de la tombe mange les marches descellées
des portes-fenètres du rez-de-chaussée. Nous
regardons cette misérable maison ambitieuse de
bourgeois de l'Empire, cette maison de plâtre, pla-
quée de fenêtres d'occasion, avec son fronton de
temple grec, grignoté par la pluie. Nous regar-
dons le vide à travers ces fenêtres sans rideaux,
battues d'une moitié de persienne, et nous pensons
à tout ce que cette maison a eu des mauvaises
chances de la vie du (trand artiste, de ses tris-
tesses, des absorptions de sa maladie.
Et malgré tout, nous sommes encore heureux
de la voir debout, cette maison : elle nous le rap-
pelle. Les maisons de ce temps durent si peu,
gardent si peu longtemps la mémoire de ceux qui
y ont vécu! (lïl, p. 94.)
ANNÉE 4808.
Nous attendions l'omnibus au Point-du-Jour,
contre le terrain de Gavarni, au-dessous de l'écri-
teau portant : Sept mille mètres de terrain à
vendre.
La porte de la grille était entr'ouverte. Nous
entrons, nous nous promenons sous le quinconce
de marronniers, sous lequel nous nous sommes
promenés si souvent ensemble axec l'ancien pro-
priétaire, quand un homme vient à nous, nous
tendant la main, un revenant, un spectre, lui, Ga-
varni ! Il a son air, son costume rustique, sa
barbe inculte, son teint sanguin, ses yeux sail-
lants. Il a un chapeau de paille comme lui, et peut-
être le sien qu'il aura retrouvé dans le jardin,
qu'il vend, lopin par lopin, pour le tils de Gavarni.
(W., p. 237.)
48o
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
ANNÉE 1869.
16 février. — Nous étions accoudés à la bar-
rière, d'od l*on plonge dans le jardin en contre-
bas de Gavaroi. Une main sur notre épaule. C'est
le bohème, gardien marron des sept mille mètres
de terrain à vendre. Tout le jardin abandonné,
inculte, ruineux, le lierre s'étalant sur la bosse
des anciens mouvements de terrain, et le pitto-
resque des ravages de la nature et de la plante
parasite.
Nous promenant à travers ce fouillis de la na-
ture, le bohème nous mène, tout en bas du jar-
din, à la ligne des beaux arbres qui le finissaient
dans leur grande ombre... Ici sera une guinguette,
un bouchon pour les dimanches et les lundis des
parties de campagne, et où la canaille, abhorrée
de Gayarni, viendra, sous le portique toujoui's
vert, où il promenait sa haute rêverie, arroser de
bleu des tnpes à la mode de Caen, dans des ber-
ceaux qu'arrondit devant nous un marchand de
y'm basque.
Curieux invalide, que ce bohème, cet ancien
graveur sur bois, goutteux et presque aveugle,
espèce de philosophe agreste et crapuleux, sorte
de Thomas Vireloque, laissé en sentinelle là par
l'Œuvre de Gavarni, faisant sa compagnie de deux
terriers féroces et, remisant, le jour, dans le trou
noir de la Glacière où frissonne, sous le plâtre
tout écaillé, la Frileuse de fioudon.
LES BOUFFLERS A AUTEUIL
Grâce précieuse, frivolité aimable, audace des
doctrines, culte factice de la Nature et royauté
des Philosophes, amour du plaisir et mépris du
devoir, règne de la sensibilité et triomphe de la
Philanthropie, vices légers mêlés aux qualités per-
sistantes de l'âme française, tout cela ne s'est-
il pas comme incarné dans une famille illustre
et charmante entre toutes, celle des Boufflers ?
Une branche importante vint se fixer parmi
nous, tandis que les descendants du maréchal
restaient au premier rang à la cour de Nancy,
auprès du bon roi Stanislas (1).
C'était l'heure généreuse et riche d'illusions où
Louis XVI montait sur le trône, dans ces années
où, comme l'a dit le prince de Talleyrand, on
sentait si bien la douceur de vivre.
Il y avait alors, à Aoteuil, trois grandes pro-
Priétés : tout près de la rivière et proche de
église, MM. de Sain te-Genevièye, nosseigneurs;
'{\) La descendance directe du maréchol s'étei-
gnit bientiH; mais la branctie des Remiencoiirt,
celle de Nancy, s'élanl alliée à la dernière des-
cendante dn maréchal, les Remiencourt, par les
femmes, se trouvèrent n un moment descendre
du maréchal. Ainsi, le chevalier était sou arrière-
pelit-lils.
puis, le château du Coq, habitation royale dont
Louis XV avait fait une de ses petites maisons ;
enfin, les Boufflers venaient d'acheter, en face
du Roi, la propriété qui, longtemps, porta leur
nom.
I
L'entrée était à peu près située où se trouve
aujourd'hui la porte principale de la villa Mont-
morency ; mais les bâtiments regardaient du cdté
de Paris, et leurs fenêtres donnaient sur la place
de la Eonlaine.
Apres être passé devant le pavillon de Louis
Chouard, portier (1), le mur se dirigeait obli-
quement vers la Grande-Rue, en suivant à peu
près la ligne du marché actuel. Un peu après
avoir tourné, on rencontrait un belvédère que les
anciens habitants d'Auteuil ont connu. C'est là
que la duchesse de Montmorency venait, sous la
Restauration, attendre le passage des équipages
de Charles X qui se dirigeaient à fond de train
vers Saint-Cloud. Le roi saluait la vieille duchesse
qui ne quittait son observatoire que lorsque les
voitures avaient disparu à l'horizon.
A partir de ce bâtiment, et jusqu'à la porte du
bois, la Grande-Rue du village longeait le mur et
le parc du château. Du dehors, on apercevait
une longue allée formée par ces beaux arbres
que l'abbé Morellet voyait de sa fenêtre, quand il
logeait chez Mme Helvétius. Avant d'atteindre la
maison de maître Jacques Lefranc, garde de la
porte du bois de Boulogne, à Auteuil (2), on ren-
contrait, adossé au mur, un banc de pierre
qu'ombrageait un acacia ; an-dessus, dans une
niche toujours fleurie, la statue de la Vierge te-
nant dans ses bras le Sauveur du monde.
C'est sur ce banc qu'un jour Piron s'était assis.
Absorbé dans sa lecture, il n'avait pas vu deux
paysans qui s'étaient approchés sans bruit de
l'ima|;e respectée. A la fin, le murmure des prières
l'avait tiré de sa réflexion et, regardant, il
avait vu une bonne vieille agenouillée devant lui
et un homme découvert et incliné. Piron ne sait
pas pourquoi on lui adresse de pareils hommages,
mais il ne doute pas qu'ils ne soient pour lui et
il salue, d'un air gracieusement étonné, Philémon
et Baucis qui continuent à prier dans la posture
de la plus profonde vénération.
Delà porte d'Auteuil, le mur du parc remontait
en suivant le tracé actuel des fortifications (3) ;
il longeait la sablière du bois de Boulogne et arri-
vait à un pavillon qui servit d'orangerie, puis fut
loué dans la suite et qui s'élevait à peu près sur
l'emplacement du bastion 61.
(i) Il ne mourut que le la septembre i8io,
âgé de 75 ans. —V. les registres paroissiaux, r> go.
(2) Août 1778. Archives nationales.
(3) 29 mars 1766. M. de Barillon écrit au marquis
de Marigny, frère de Mme de Pompadour, con-
seiller du roi, commandeur de ses ordres, direc-
teur et ordonnateur général des bâtiments, jardins,
arts, académies et manufactures de Sa Majesté,
f»our lui exposer que les murs du bois de Bou-
ogne jusqu'au Cabinet de son enclos tombent
en ruines cl demandent | une réparation avant
l'hiver prochain. (Arch. nationales O*. arch. de
la Couronne, ancien régime, n" i585-i586.)
ANNEXES
48i
De cet endroit, le mar redescendait par le chemin
des TÎgnes, c'est-à-dire par les roes actuelles
Raffet, de la Source et Bosio, pour Tenir rejoindre
le point de départ de notre excursion.
Le parc et les bâtiments avaient une conte-
nance totale d'environ dix hectares (i).
Bien des auteurs ont dit que cette propriété
avait été détachée du bois de Boulogne par
Louis XIV, au profit du maréchal de Boufflers.
C'est là une erreur qu'il convient de rectifier.
D'après l'abbé Lebeuf, la terre qui nous occupe
appartenait, en i656, à Etienne d'Aligre, con-
seiller du roi et directeur de ses finances ; il la
laissa à Marie Orceau, femme Bouille, son héri-
tière, et celle-ci à son fils, Léon-Louis Rouillé,
chanoine de l'Église de Paris. Celui-ci la légua à
sa nièce, Anne-Marie Rouillé, qui avait épousé
Louis de Bema^e, conseiller d'Etat. Mme de
Bemage la vendit, le 47 mars 4738, à Jean-
Hyacinthe Davassede Saint-Amsrand, conseiller,
secrétaire du roi, maison, couronne de France et
de ses finances, receveur général des finances de
la i^néralité d'Orléans et trésorier général des
maison et finances de S. M. catholique la Reine
seconde douairière d'Espagne. Le 47 mai 4750,
M. de Saint-Amarand vendait l'immeuble à Louis-
Alexandre du Brocard de Barillon, ancien rece-
veur de rentes.
Le château avait une chapelle particulière ou
(i) D'après le plan manuscrit du terroir d'Au -
ieuil, dressé par Charles Rozy, arpenteur juré,
au mois d août i658, pour le compte de MM. de
Sainte-Geneviève du Mont de Paris, seigneurs
dudit Auteuil (Arch. nat. Plans N. n* la, Seine,
1" classe), l'enclos de M. d'Aligre, cour, jardins
et maisons, contenait 26 arpenU 1 quartier, dont
5arpentsenla censive de Sainl-Germain-l'Auxer-
rois. Une partie de la propriété d'Aligre était sur
le terroir de Boulogne; de grandes bornes où
se voyaient les armes d'Auteuil et de Boulogne
indiquaient la limite des deux terroirs, ^uelque;»-
unes de ces bornes ont été retrouvées lors des
travaux entrepris pour l'aménagement actuel de
la villa Montmorencv. En dehors de l'enclos
proprement dit, de l'autre côté du chemin des
vignes, d'Aligre Dossédait 3 arpents de vigne
ressortissant à Saint-Germain-l Auxerrois pour
droits de lods, vente et censive. Entre le plan
de Rozy (i658) et celui de Roussel (1765), la pro-
priété, par suite d'une emprise sur le bois de
Boulogne et du reculement du mur de clôture de
ce bois, fut agrandie d'environ 4 arpents, soit
13.676 mètres carrés.
>^ alpole, dans une lettre citée plus loin, donne
une contenance de 52 acres. En comptant l'acre
anglais, comme on le fait généralement, pour
4o a. /|6 c, les 5a acres feraient ai h. o4a. 38 c,
ce qui est beaucoup plus que la contenance
exacte. Walpole aura vu double.
En réalité, et pour nous résumer, la conte-
nance était, du temps de M . d'Aligre, de 8 h.
86 a. &o c. ou, en cbinres ronds, 9 hectares, aux-
quels il convient d'ajouter : 1* un arpent de vigne
situé en dehors du plan, cet arpent dépen-
dant de Saint-Germain-l'Auxerrois pour droits de
lods, vente et censive; et a* deux arpents pris
sur le bois de Boulogne et acquis entre i65N et
1765 ; ces trois arpeuts faisant plus d'un hectare
et portant la totalité de la propriété Boufflers à
39 arpents 1 quartier, soit 10 hectares environ.
Voir encore aux Arch. nat. N'. n* i57, Seine,
année 1666. Sur ce plan, on voit le bois de M. d'Ali-
ffre, sur les hauteurs oÙRontaujourd'hui la villa
Montmorency, la rue RafTet, etc. avec, en haut,
un « pavillon de M. d'Aligre >. et, conduisant à
ce pavillon, un sentier (rue RaÏTel ou avenue des
Tilleuls actuelle).
domestiaue, comme on disait alors, dans laquelle
avait été célébrée, en septembre 4719, Tunion
du comte de Guitaud, marquis d'Epoisses, avec
Mlle de Chamillard et 0(1, en avril 4 752, Chomel,
ancien évéque d*Orange, bénit le mariage du comte
de Saisseval avec Mlle de Barillon.
Enfin, le 6 mars 4773, M. de Barillon cédait
à son tour les maisons, le parc et les dépen-
dances à Marie-Charlotte-Hippolyte de Campet
de Saujon, veuve d'Edouard, comte de Bouitlers-
Bouverel.
II
LesBoufflers étaient originaires delà Picardie (1 ).
Ils s'étaient, de tous temps, distingués dans la
carrière des armes.
Un Louis de Boufflers, sous les règnes de
François I*** et d*Henri II, avait été remarquable
par sa force prodigieuse. Un autre, François, lieu-
tenant-général de la province d'Isle-de- France
a, lui aussi, signalé son nom par une aventure
bizarre, qui eut des suites littéraires. Le 43 fé-
vrier 4672, il fut tué en duel à Couches et on le
rapportait à Boufflers lorsque la voiture versa en
route et tua le prêtre qui raccompagnait. La Fon-
taine a tiré de cette aventure la fable qu'il a
intitulée le Curé et le Mort.
Un partage de terres, fait entre trois frères et
daté du 6 juillet 4585, avait divisé la famille en
trois branches : Talnée, qui reçut de Louis XIV,
en 4695, le titre ducal: la branche des Rouverel
et, enfin, celle des Remiencourt (2).
Le maréchal, dont Mme de Maintenon disait:
< En lui, le cœur est mort le dernier », est une des
gloires les plus pures de Tancienne France. Pour
sa belle défense de Lille et pour avoir sauvé Tar-
mée après Malplaquet, il mérite Tadmiration de>
la postérité.
Son fils, Joseph-Marie, duc de Boufflers, ravi-
tailla Gènes assiégée et fut inscrit, ainsi que sa
famille, parmi les nobles de TÉtat; il fiérit, le
2 juillet 4747, laissant une femme qui allait deve-
nir la maréchale de Luxembourg, et un fils,
Charles- Joseph, qui mourut, à Paris, de la p<^tile
vérole, en 4754 , le jour même de la naissance du
duc de Bourgogne. Charles-Joseph o*avait qu'une
fille de deux ans qui sera, un jour, la duchesse
de Biron et qui mourra surféchafaud révolution-
naire, le 3 juillet 4794. « Ost avec Charles-
Joseph que s*éteigoit cette branche dont le maré-
chal avait fait Tillustration, » dit le duc de Croy-
Sobre, dans ses Mémoires, dont la découverte
toute récente, duc au savant vicomte de Grouchy,
a été un véritable événement.
La troisième branche, celle des Boufflers-
Remiencourt, s'était fixée en Lorraine. Le maniuis
de Boufflers était maréchal de camp et capitaine
1) La commune qui porte aujourd'hui ce nom
est située dans le canton de Crécy, arrondissement
(»:
d'Àbbeville. Elle ne compte que 3o6 habitants.
(2) Dictionnaire de la noblettse, par La Chesnaye
des Bois, 2« éd., Paris. 1771, p. 718. Les armes
des Boufflers étaient u'erKcnt h 9 croix recroi-
setlées de gueule, 3,3 et 3 et 3 molettes de feules
et 1.
3i
482
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDlSStlMENt
des gardes du roi de Pologne, Stanislais Leczlnski.
Il avait épousé, en 1738, Marie-Françoise-Cathe-
rine de Beauvau-Craon, amie du vieux roi et con-
nue sous le nom de Dame de volupté. Voltaire lui
envojrait la Henriade en écrivant ces vers sur la
première page :
Vos veux sont beaux, votre âme encore plus
[belle.
Et sans prétendre n rien vous triomphez de
[tous ;
Si vous eussiez vécu du temps de Gabrielle
Je ne sais pas ce qu'on eiU dit de vous,
Maison n'aurait point parlé d'elle.
La marquise de Boufflers avait fait, elle-même,
son épitaphe :
Ci -^11. dans une paix profonde,
Celle Dame de voluulc
Qui, pour plus grande sOreté,
Fit son paradis de ce monde.
De cette union étaient nés une fille, qui devint
la comtesse de Boisgelin de Cucé (1), et un fils, le
fameux chevalier de Bouflicrs, meilleur que sa
renommée; tour à tour abbé, chevalier de Malte,
gouverneur du Sénégal, académicien et député;
sur le tard, il épousa Mme de Sabran, après
avoir échangé avec elle une correspondance exauise
Que MM. Prat, de Magnieu et de uroze ont publiée
aans ces dernières années (2).
III
Nous arrivons enfin, Messieurs, aux Boufilers-
Ronverel, ceux-là mêmes qui se fixèrent, en
1773, à Anteuil, et nous allons abandonner un
peu l'histoire générale pour nous retrouver sur
notre terrain de prédilection, dans notre petite
patrie.
Cette branche des Ronverel, rameau détaché
en 1585, a eu des destinées bizarres. Son pre-
mier chef fut un voyageur aventureux qui mourut
le l!2 janvier 4596. Un de ses petits-fils, Oudart,
marquis de Boulfiers-Rouverel, avait dû s'exiler
pour échapper aux conséquences d'un duel où il
avait tué son adversaire, et c'est ainsi qu'Edouard,
marquis de Boufîlers-Rouverel, était né en Espa-
gne, en 172^2; l'enfant redevint français à l'âge
de sept ans, puis il entra au service comme capi-
taine de cavalerie au régiment de Bel fort, passa
colonel du régiment de Chartres-infanterie et se
(1) Elle périt sur l'échafaud le 3 juillet 1795.
[-2) C'est à celte branche des Bourtlers-Hemien-
court qu'il faut, je crois, rattacher sœur Angé-
lique de Bourflcrs, religieuse converse au couvent
de la rue Neuve-Saint-Etienne, qui soigna la jolie
Îtetile Marie Philippon (plus lard Mme Holand),
orsque celle-ci entra, le 7 mai 17C5, au couvent où
elle allait faire sa première communion (Mémoires
de Mme Roland). Sœur Angélique, devenue
infirme, vitmourir son ancienne élève ; elle demeu-
rait tout près de Sainte-Pélagie, où Mme Roland
était incarcérée, et elle ne mourut que le 25 ger-
minal an V (i4 avril 17^7), A 56 ans. Ce côté Port-
Royal, associé au nom de Roufders, est assez pi-
quant et mérite d'être signalé.
maria an château de Saint-Cload, le i5 février
1746, avec Marie-Charlotte Hippolyte de Campât
de Saujon (i); chef du nom et des armes en
1750, il mourut en 1764, laissant un fils dont
nous n'aurons guère à parler car, désormais,
ce sont les femme» seules qui soutiendront l'illus-
tration du nom de Boufders.
Fille de Charles- François, comte de Campet de
Sauion et de Marie- Louise- Angélique de Barberin
de Keiffuac, Marie-Charlotte-Mippolyte était née à
Paris le 4 septembre 17i5 (:2). Son père était
lieutenant des gardes du corps du roi ; sa mère
épousa en secondes UKes M. de Montmorency.
Mariée à vingt ans et demi, la comtesse de BoufQers
donna le jour, le 3 décembre 1746, à Louis-
Edouard de Boufders. Dame de la duchesse d'Or-
léans, elle demeurait au Palais-Royal et ne tarda
pas à devenir l'amie du prince de Conti, frère de
fa duchesse. C'est alors qu'elle passa à la cour
du Temple, € oh elle prit, comme l'a dit Sainte-
Beuve, ta position équivoque et brillante qui fit
sa i^loire, si ce n'est son honneur, et qui fit
aussi son tourment. »
Nous passftrons rapidement sur ces années très
connues de son existence, sur sa rupture avec
son mari, sur sa royauté qui lui valut, de la part
de Mme du Deffand, Ce surnom d'Idole qui est
resté inséparable de son souvenir.
A la mort de son beau-pàre, ea 1750, elle
refusa de prendre le titre de marquise, « soit, dit
Sainte-Beuve, pour éviter une confusion avec
l'autre marquise du même nom, soit pour ne rien
devoir de plus à son mari. »
Enthousiaste de Rousseau qu'elle voyait, on
jour, irrité des sottises qu'on débitait autour de
lui et à qui elle disait : < Tais-toi, Jean-Jacques,
ils ne t'entendront pas » ; mêlé.}, sans vouloir y
prendre parti, à la querelle qui s'éleva entre le
philosophe de Genôve et Hume, un autre de ses
amis, comme à la brouillerie qui sépara Mme du
Deffand et Mlle de Lespinasse ; correspondante de
Gustave III, comme l'était aussi la comtesse de
la Marck, née de Noailles (3), sacrée par son cou-
(1) Voir sur celle famille la Bevae de Saintongeel
d'Auniit, imprimée à Saintes, numéros de juillet et
septembre 189^. Il y est surtout question d'un Denys
de Campet de Saujon qui vivait au xvi* siècle. '
(2) Sainte-Aulaire dit en 1724 ; Sainte-Beuve, le
5 ou 6 septembre 1735. La date vraie est le £ sep-
tembre ; c'est du moins celle qui est indiquée
dans l'acte de décès de Mme de Bouftlers, acte
que Sainte-Beuve, comme tous les historiens,
avait vainement cherché et que nous avons eu
la bonne Torlune de retrouver. Elle fut baptisée
ù Saint-Siilpice, le 6 septembre 1725.
(3) M. de F'euardent, dans son //rVr/o/re (Mu/eu//,
a donné quelques lettres échangées, en 1771 et
1772, entre la comtesse de Bonfflers et Gustave III.
Il possédait, dit-il, toute une correspondance
inédite de ces deux personnages. Il est très regret-
table qu'il ne l'ait pas publiée. Si je ne craignais
de paraître bien sévère, je dirais que les lettres
de Gustave III, données par M. de Feuardent
dans son ouvrage, constituent la seule contri-
bution intéressante fournie par cet auteur à
l'histoire de notre quartier. L,e chapitre qu'il
consacre à la propriété des BoufOers n'est qu'un
ti'isu d'erreurs qui viennent surtout de ce qu'il a
confondu constamment la marquise et la comtesse
de Boufflers.
AMNEXES
/»83
sin le chevalier du titre de Uinerve savante (1 ) ;
aussi célèbre par les agréments de sa figure
que par son esprit et ses connaissances ; belle
et choyée par tout ce que le \sm^ siècle comp-
tait de charmant et d*illustre ; amie d'un prince
du sang, il semblerait que Mme de Boufflers,
peu gênée par ses scrupules, aurait dû aroir
l'existence la plus heureuse et la plus enyiée.
Il n'en fut rien. Son air triomphant cachait plus
d'un mécompte et d'une tristesse. Elle n'avait ni
un nom, ni un état régulier, et, devenue veuve,
son seul rêve, son unique ambition aurait été
d être unie religieusement au prince de Conti.
Elle ne put y parvenir, et sa considération s'en
ressentit (!2). Faut«i ajouter aussi que, quel-
quefois, malgré tout son esprit, elle se mettaitd'elle-
même dans une fausse situation, et c'est ainsi
qu^un jour, ayant reproché à son amie, la maré-
chale de Mirépoix, de voir Mme de Pampadour,
en lui disant qu'au bout du compte ce n'était que
la première tille du royaume, elle s'attira cette ré-
plique : « Ne me forcez pas d'aller jusqu'à trois. »
La seconde aurait été Mlle Marquise, amie du
duc d'Orléans, et, par ordre de préséance, Mme de
Boufflers venait la troisième.
Une autre fois, dans une circonstance presque
semblable, comme on lui faisait sentir son incon-
séquence, elle répondit : € Je veux rendre à la
vertu par mes paroles, ce que je lui ôte par mes
actions. »
Désespérant d'être princesse, elle n'attendit pas
la mort de Conti pour se créer un intérieur et
pour s'éloigner, peu à peu et sans éclat, de la
cour du Temple. C'est alors qu'elle acheta Auteuil.
Walpole, qui l'avait connue en Angleterre (3),
(i) Mme de Boufflers avait demandé au chevalier
les Fabien de La Fontaine. Son cousin les lui
envoya avec ces vers, dont on ne cile ordinai-
rement que les quatre derniers:
Voilà le bonhomme qui fit
Cent Prodiges qui nous enchantent.
Des fables» qui jamais ne mentent
Et des bêtes pleines d'esprit.
La morale a besoin, pour ôlre bien reçue,
Du masaue de la fable et du charme des vers ;
Et c'est la seule vierge, en ce vaste univers.
Ou 'on aime à voir un peu velue.
ai Minerve même, ici-bas.
Venait enseigner la sagesse,
Il faudrait bien que la déesse
A son profond savoir joignit quelques appas :
Legenre humain estsouroquand on ne lui platt pas.
Pour nous éclairer tous, sans déplaire à personne;
La charmante Minerve a pris vos traits charmants ;
En vous voyant, je le soupçonne.
J'en suis sûr quand je vous entends.
{Correspondance littéraire de Grimm, l.V,pp. 432
et 433.)
{2) Mlle de Lespinasse disait d'elle : « Elle s'est
fait victime de la considération et, à force de
courir après elle, elle en perd. »
(3) Mme de Boufflers y alla plusieurs fois. A son
premier voyaji^e, en 1763, elle fut reçue par l'aris-
tocratie anglaise avec enthousiasme, un aimait
cette noble française qui allait inaugurer en per-
sonne ce goût de l'Angleterre qui allait bientôt de-
venir une mode et une manie. Walpole, le 17 mai
1703, écrit à son ami Montasu : « Elle est déjà
éreintée à force de courir aune curiosité à une
autre. Elle se lève chaque matin si excédée des fa-
tigues de la veille qu'elle n'aurait pas la force, si
elle en avait le goût, d'observer le fort et le faible
de tout ce qu'elle voit. Elle est venue ici, aujour-
d'hui, à un grand déjeuner que j 'avals organisé
pour elle, avec les yeux renfoncés d'un pied daus
vint lui rendre visite, et il dépeint à son ami le
Révérend William Maso», à la date du 10 sep-
tembre 1775 (1), le château et les jardins de
Mme de Boufflers : ^c Hier je suis allé à Auteuil voir
le jardin anglais de la comtesse de BouflQers. C'est
elle qui l'a créé d'après un jardinier anglais, il
contient 52 acres de terre qui vont en montant
depuis la maison jusqu'à une hauteur qui s'avance
dans les champs, avec des lices, des arbres et
des arbustes détachés. Le gazon est supportable
bien que grossier et d'un vert rarement en usage
dans le jardin d'un gentleman en Angleterre. Sur
toute l'étendue du sommet règne une terrasse
imposante, entourée par le bois de Boulogne, oii
conduit une grille ouvrant sur une avenue qui se
termine par une colline en pain de sucre. De la
terrasse, la vue s'étend à travers la plaine, sur
une magiliâque perspective qui commence à gauche
par un des châteaux du roi, se continue par un
bois hors duquel se détache Passy (il appar-
tenait au duc de Penthièvre), qui forme déco-
ration et laisse par échappées une vue admirable
sur des coteaux et des villas, à une grande dis-
tance. Le milieu du paysage fait encore une pointe
en avant ; sur le premier plan sont des villages
et des maisons de campagne, au-dessus desquels
s'étend tout Paris, avec son horizon découpé par
les tours et les dômes de Notre-Dame, de Saint-
Sulpice, des Invalides et du Val-de-Gràce. L'ex-
trémité de l'hémicycle, formé de coteaux couverts
de clochers et d'habitations de toutes sortes, est
close par Meudon et par des forêts sur des col-
lines plus élevées. Dans ce magnifique point de
vue, il ne manque que de la verdure et de l'eau
dont on ne voit pas une goutte. En somme, on
n'aura jamais ici d'aussi beaux paysages que chez
nous, tant que le cliihat ne sera pas aussi mau-
vais que le nôtre. »
Walpole ne voulait pas avouer le mélange du
genre anglais au genre français ; cependant, les
grandes allées régulières, qui faisaient presque
tout le tour de la propriété, appartenaient à l'art
de Le Nôtre. Le chevalier de Boufflers, pendant
l'émigration, dans une lettre à Mme de Sabran,
semblait se rappeler les jardins d' Auteuil (2) :
la tête et les mains pendantes, à peine en état de
porter son sac... » 11 y eut, après ce déjeuner,
promenade dans le parc, visite à l'imprimerie, et
la presse livra un madrigal à Mme de Boufflers»
qui fut traduit de suite par le duc de Nivernais ;
Boufflers (qu'embellissent les Grâces
Et qui plairait sans le vouloir, etc;..
(1) Lettrées d* Horace Walpole, publiées par là
comte de Bâillon. Librairie académique, 1873.
(î) Lellres du chevalier de Boufflers à la comtesse
lie Sabran, publiées par Paul "rat ; Pion, 1891,
p. 129;
~ Delille, dans son poème des Jardins^ a dit :
Les Grâces, en riant, dessinèrent Montreuil,
Maupcrtuis, le Désert^ Bincy, Limours, Auteuil...
Il adressa aussi, en 177^, à la comtesse uneépltr^
qui commençait ainsi:
Boileau eut son Auteuil**.
Et ailleurs, dans ses œuvres, je lis 1
J'ai parcouru ce jardin enchanté*
Une autre fois ;
Jadis, j'ai chanté le jardin, elct
ANNEXES
485
< C*6st un mélange assez bien enteoda de]*aneien
genre et do noaveaa qui fait qu'après s*élre pro-
mené sous de belles allées françaises, on peut
ensuite s^égarer dans des sinuosités anglaises.
Cela prouve une chose déjà bien prourée, que les
Yoies des Français sont droites et celles des An-
glais tortueuses. »
Thiéry, dans son Guide des voyageurs à Pa-
ris (i), 9. décrit le parc de BoufOers avec un
luxe de détails qui ne laisse rien à désirer et qui
est aussi précis qu'un inventaire d'officier de judi-
cature. Je vous en fais grâce, Messieurs, me
bornant à lui emprunter ce que nous n'avons pas
trouvé dans la description de Walpole : allées de
tilleuls ayant à leurs pieds des touffes de chèvre-
feuille, pins, charmilles de lilas, essences rares
et odoriiérantes. € Un joli petit pavillon, élevé sur
la terrasse et adossé à une itlacière, jouit des plus
charmants points de vue. Il peut contenir deux
tables de jeu et est tapissé d*un papier en ara-
besques de bon goût. Sur la droite, une machine
hvdraulique, mue par deux chevaux, fournit Teau
d un réservoir placé près du potager... Enfin,
l'allée est terminée par un pavillon assez grand,
formant un petit salon tendu en papier bleu de
ciel; de ce salon, on domine sur le château de la
Muette.sar Paris, la plaine de Grenelle, Vaugirard,
Issy et Meudon ; deux petits pièces, sur les cotés,
ont des croisées sur le bois de Boulogne. En face
de ce pavillon est un escalier qui descend au pota-
ger, au bout duquel vous entrerez dans une allée
très agréable, bordée d'arbres, d'arbustes et de
fleurs. En suivant les sinuosités de cette route,
vous arriverez sur la gauche à une charmante
allée couverte. En la traversant, vous trouverez un
bosquet de forme triangulaire, garni d'orangers,
grenadiers, lauriers-roses, aloès, etc. A près avoir
respiré l'air embaumé de ce bosquet, vous revien-
drez dans l'allée sinueuse qui vous conduira à la
serre des orangers, pnis à un petit bâtiment cou-
ronné d'un fronton triangulaire avec médaillons,
dont la porte, ornée de vases et de coquilles en
bas-reliefs, peints de bronze, vous annoncera que
c'est une laiterie. L'intérieur n'a d*autre déco-
ratioTi que d'être peint en pierre avec des traits
d'appareil ; immédiatement après cette laiterie,
vous vous trouverez à la fin de votre promenade
et vous quitterez à regret ce jardin champêtre. »
Voilà, Messieurs, ce qu'était le parc d'une
grande dame, il y a un peu plus de cent ans. La
maison n'était pas aussi luxueuse que sembleraient
l'indiquer les jardins ; mais elle était hospitalière,
ouverte aux grands seigneurs, aux nobles étran-
gers, aux poètes et aux philosophes.
C'est là que Roucher était venu lire, devant
un auditoire choisi, son poème des Mois, trop
vanté alors, trop critiqué depuis, — depuis sur-
tout qu'on ne le lit plus (2); là, que Rivarol batail-
lait avec Champcenetz; là, que le duc de Niver-
(i) Voici le litre exact: Guide des amateurs el des
étrangers voyageurs à Paris, ou description raison-
née de cette ville, de sa banlieue et de tout ce quelles
contiennent de remarquable, par M. Ttiiéry. Paris,
a vol. in-12, 1787- Description du Jardin Boaf tiers,
l. I, p. 30.
(2) Voir le Bulletin de notre Société, 1'* année,
P- 69.
nais rivalisait d'esprit, de gaieté ou de hardiesse
avec l'abbé Galiani, les deux Ségiir, Lauzun,
Tressan, Narbonne, le prince de Ligne, le che-
valier de BoufQers. Les dames étaient la maré-
chale de Luxembourg, cousine de la maltresse
de céans, et qui s établissait souvent pendant
plusieurs mois chez la délicieuse comtesse (4); il
y avait encore ces deux femmes exquises que
Franklin avait appelé les Etoiles^ Mmes de Mun
et d'Andlau, qui n'avaient qu'à traverser la rue
pour venir de chez leur mère, la respectable veuve
d'Helvétins (2).
Tout ce beau monde ne se réunit guère à
Autenil qu'après la mort du prince de Conti,
arrivée le i août 4776. Dans les premiers
moments, Mme de BoufOers, tout entière à sa don-
leur, n'aurait voulu voir personne, ni prendre
Kart à aucune distraction. Le 4 aotkt, Mme du
^effand, qui pourtant ne l'aimait pas beaucoup,
écrivait : € V Idole est dans lapins grande douleur.
Elle s'est retirée à Autenil. La maréchale de
Luxembourg l'y a suivie ; elle vient de me mander
tout àTheureque j'y serai reçue; c'est une très
grande faveur. J'y irai cette après-dln^e. » Et le
lendemain de cette visite : € J'ai vu ï Idole. Elle
observe très bien le costume. Il n'y a rien à
dire. » Le 9 : « L'afDiction de la divine comtesse
est toujours extrême. Je loi ai rendu deux visites
àAuteuil oii elle est établie avec sa belle-fille et
Mmes de Luxembourg, de Lauzun, de Virville et
de Barbentane. J'irai y souper lundi. »
L'hiver se passa à Arles et, au printemps, on
revint à Auteuil : € Je ne connais rien de mieux,
disait le prince de Ligne, que le jardin de la
comtesse de BoufQers. On y voit le goût, la raison
et la simplicité. »
Le 4 avril \ 780, Mme du Deffand écrivait à
Walpole :
€ Elle a, dit-on, quatre- vingt ou cent mille li-
vres de rentes ; elle en fait bon usa^e. L'année
dernière, elle passa trois mois à Autenil dans une
très jolie maison qui lui appartient; Mme de
Luxembourg s'y était établie avec elle et parta-
Î;eait la dépense d'un fort bon état qu'elle y tenait,
e ne sais si cette année elle fera de même ; je le
voudrais. J'y allais passer la soirée pour le moins
une fois la semaine. Elle est fort aimable chez elle
et beaucoup plus que partout ailleurs. Ses ridi-
cules ne sont point contraires à la société ; sa
vanité, quoique extrême, et tolérante, elle ne
choque pas celle des autres. Enfin, à tout prendre,
elle est aimable. Sa petite belle -fille a de l'esprit,
mais elle est bizarre, folle, et je la trouve insup-
(1) Mme du DefTand écrivait, en 1775, à l'abbé
Barthélémy : « La maréchale est mieux, mais pas
assez bien pour s'établir à Auteuil. *
(a) Mme de Boufflers était fort liée avec ses voi-
sines. Le 4 septembre 1778, Mme de Sabran écrit
au chevalier: « Votre cousine (c'était l'Idole) part
le ao pour Voré (propriété de Mme d'Andlau) ;
j'ai bien envie de suivre votre conseil et d'y aller
avec elle. » — Voir aussi dans les Lettres du che-
valier de Bou^ers à la comtesse de Sabran, publiées
par Paul Prat, Pion, 1891, p. 74, une lettre du
30 octobre 1779 où il est question de Mme de
Boufflers et des chagrins de cœur de Mme d'And-
lau, quittée par M. de Salm el consolée par
Chamiort.
m
HISTOIRE m; XVI* arrondissement
fiortable. Sa belle-mère est son esclave et paraft
*aimer avec passion. >
IV
Quelle était donc cette belle-fille ? C'était la
comtesse Amélie de Boufflers, une des plus belles
femmes de son temps, très fêtée pour son talent
quand elle jouait de la harpe.
Mme de BoufiQers avait en, en 1746, un (ils,
I^uis-Edouard, qu'elle avait fait élever à l'uni-
versité protestante de Leyde. Colonel du régiment
de Conti, il avait époasé, en 1768, Amélie Cons-
tance Puchot des Alleurs, fille de notre ambassa-
deur à Constantinople ; c'était là qu'elle était
née, en 4751, dans ce palais qui avait vu, sous
ses galeries de marbre, la belle Mme de Chénier,
mère d'André et de Marie- Jospeh (1).
Pour la distinguer des autres on n'appelait la
jeune Mme de Boufflers que < la comtesse Amélie» ;
c'était une enfant gâtée, adorée de sa belle-mère.
Un jour qu'elle parlait mal de son mari à Mme de
Boufflers, celle-ci lui dit: < Mais vous oubliez qu'il
est mon fils. — Ah ! s'écria Amélie avec une vi-
vacité charmante et en se jetant à son cou, excu-
sez-moi. Je crois toujours qu'il n'est que votre
gendre. »
On avait inventé, à cette époque, un amusement
de société qui s'appelait le jeu des bateaux. Il
consistait à répondre à cette question : « Si vous
étiez dans un bateau avec deux personnes, ^ et
l'on désignait ces personnes parmi les intimes de
l'interrogé, — que le bateau vint à couler et que
vous ne puissiez en sauver qu'une, laquelle sau-
veriez-vous ?» Il s'agissait de répondre avec esprit ;
c'est ce que fit Talleyrand à Mme de Staël qui lui
disait : « Vous m'assurez que vous me trouvez très
aimable, que vous m'aimez; mais vous donnez
sur moi la préférence à Mme de Flabault. Avouez
que si vous, elle et moi, nous étions seuls dans un
bateau et que le bateau chavirât, je ne serais pas
la première que vous songeriez à sauver. »
L'évéque, un peu embarrassé d'abord, reste muet,
puis, tout d'un coup, d'un ton qui se devine : < Mais,
Madame, vous avezl'air desavoir mieux nager (2). »
La comtesse Amélie n'y mit pas moins d'esprit.
Elle était dans le bateau avec sa mère qui ne
l'avait pas élevée et sa belle-mère qu'elle adorait :
« Je sauverais ma mère, répondit-elle, et je me
noyerais avec ma belle-mère. » (3)
(i) Roland Puchot. comte des Alleurs, ambas-
sadeur de France à Conslantinopic, était le pro-
tecteur de Louis de Chénier. — Au comte des
Alleurs succéda M. de Tergennes, qui fut bien
loin dentourer de la mC-me faveur le père d'An-
dré. Il y a une explication curieuse et bien peu
connue de ce fait dans un article consacré aux
Chénier par le journal VArlisle (n" de novembre
1890, p. 3^0).
(2) Cette anecdote est racontée par Roucherdans
lea Consolatinnft de ma raplivilé et se trouve repro-
duite dans Pendant la Terreur : Le poêle liourher.
Paris, Calmann-Lévy, 1890.
(3) Mémoires de Mme de Genlis, ÏX, p. 128. — \Val-
pole, lors de son voyage de 177.'), écrivait à la
comtesse d'Ossary : « Mon Dieu, comme je pour-
rais être fat, si je voulais î Mme de Boufnersm'a
dit, hier au soir, que j'*»vais fait la conquête de
sa belle-fille, la comtesse Amélie. Je vais, ce soir,
prendre le thé avec elle soux un hosquel dejtlumes^
dans le jardin anglais de sa mère, à Auteuil. >
I
Mme dé Genlis aimait beaucoup Mme de Bouf-
flers, < qui avait l'esprit d'à-propos, détestait les
lieux communs, aimait à faire valoir les antres
avec un naturel et une grâce bien rares » ; mais
elle ne trouvait rien de remarquable dans la com-
tesse Amélie et elle ajoutait méchamment : « Sa
belle-mère contait d'elle des mots charmants
u'elle seule avait entendus. Mais, depuis la mort
e la comtesse deBoufQers, on n'en apln; cité. »
Les dames d* Auteuil étaient an mieux avec la
nouvelle cour, celle de Marie-Antoinette (i). Un
jour que la reine était à la Muette, la duchesse de
Polignac à qui Mme de BouflBers avait dit souvent
de vouloir bien disposer, le cas échéant de sa
maison d'Auteuil, crut pouvoir profiter de l'offre.
La comtesse Amélie eut un caprice et il fallut se
dédire. La lettre d'excuses se terminait par les
vers suivants :
Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs,
Vos jours toujours sereins coulentdans les plaisirs.
La cour en est pour vous l'inépuisable source.
Ou si quelque cnagrin en interrompt la course,
Tout le monde, soigneux de les entretenir.
S'empresse à 1 effacer de votre souvenir.
Mon Amélie est seule. A l'ennui qui la presse
Elle ne voit jamais que moi qui s'intéresse ;
Etna pour tout plaisir qu'Auteuil et quelques fleurs
Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs.
Grimm (2) nous raconte que ces vers, lus dans
la société de Mme de Polignac, furent généralement
trouvés détestables. Des jours toujours, des qui,
des que, quelque chagrin. Quelques pleurs,
quelquefois, etc. Ce ne fut qu'à la réflexion qu'on
s'avisa qu'ils avaient été pris, mot pour mot pour
ainsi dire, dans la troisième scène du deuxième
acte de Britannicus:
Britannicus est seul. Quelque ennui C|ui le presse
Il ne voit dans son sort que moi qui s'intéresse,
Et n'a pour tout plaisir, Seigneur, que quelques
[pleurs
Qui lui font oublier ses malheurs.
C'était le moment où André Chénier écrivait :
Le critique imprudent, qui se croit bien habile.
Donnera sur ma joue un soufflet à Virgile...
C'était décidément à la mode, comme le jeu
des bateaux. Mme de Ek)uiflers pouvait se vanter
d'avoir bien mystifié son monde.
Mais les jours douloureux approchaient, et
Mmes de Boufflers allaient, comme leurs hôtes et
leurs amis, en subir la cruelle étreinte. Au moment
delà prise de la Bastille, elles étaient à Spa; elles
passèrent de là en Angleterre pour y rester
jusqu'après la fuite de Varennes et encore ne
revinrent-elles que sous la menace pressante des
confiscations.
Les archives municipales de la commune d' Auteuil
enregistrent leur retour aux dates des i 6 et 2 7 mai
1792; après cela, c'est le don d'un cheval à la
(1) On raconte l'histoire d'un peuplier planté
dans le parc de Boufflers par la comtesse le jour
du mariage de Marie-AnXoinetle, et l'on ajoute
que, sous la Restauration, quand la propriété fut
passée aux Montmorency, la fille de Louis XVI ve-
nait souvent en pèlerinage revoir cet arbre, qui
lui rappelait les heureuses années de la vie de
SCS inTorlunés parents.
(2) V. p. /|05, Paris, mars 1871.
ANNEXES
487
nation par la citoyenne Boufilers ; puis, en
mai ] 793, an sccoors de trois cents livres pour
l'expédition de Vendée. Ces pauvres femmes en
étaient arrivées à ne pins ouvrir les lettres Qu'elles
recevaient de l'étranger ; elles les remettaient au
comité de surveillance d*Auteuil qui, à son tour,
les déposait aux bureaux de laCx>nvention.
Malgré ces preuves de civisme, malgré des dons
fréquents et importants (i), Mmes de BoufDers
furent arrêtées par ordre du Comité de sûreté
générale; on examina, puis on saisit leurs papiers
et, le 23 janvier 1794, à l'aube, elles furent
conduites à la Conciergerie.
Caillot, un de leurs anciens fermiers ou régis-
seurs, qui commandait la garde nationale d'AuteuiJ,
agit en leur faveur et, dés le lendemain, apporta,
au nom du O^mité d*Auteuil, un certificat qui
affirmait leur civisme et leur parfaite soumission
aux lois (2).
Toutes deux échappèrent à la guillotine et
elles durent ce rare bonheur au dévouement de
Tabbé Le Chevalier, instituteur du jeune Boof-
flers(3). Ce brave homme vendit sa bibliothèque et
sa petite terre de Normandie pour faire vivre ces
dames dans leur prison. Bien mieux, il s'ingénia à
détourner d'elles le coup fatal et il y réussit. Il
avait connu Fouquier-Tinville chez un procureur
au Parlement; il rentra en relations avec le
sinistre magistrat et obtint que les papiers des
dames de BoufDers resteraient toujours au fond du
carton. C'est ainsi qu'elles atteignirent la fio du
(1) 3 octobre 1793. Dépôt des lettres arrivées de
l'étranger. — a novembre 1703. Don de 100 livres
Ïiour repas du détachement de l'armée révolii-
ionnaire. — 1^ novembre 1793. Don d'argenterie
dépassant 90 I.
(2) Le 5 germinal an II (a5 mars 1794). le Comité
de surveillance d'Auteuil envoyait au Directoire
du district de Franciade (Saint-Denis) des ol)scr-
valions « en conriance » («ir) :
• 1* Marie-Cliarlolle-Ilippolyte Campet-Saujon,
veuve depuis trente ans a Edouard Boufflers-Kou-
verel, domiciliée à Auteuil avant sa délention.
soixante-neuf ans. Elle a un fils de quarante-sept
ans, émigré.
« 2* Détenue à la Conciergerie depuis le 4 plu-
viôse dernier par ordre du Comité de srtreté gé-
nérale portant qu'elle était émigréc 1 entrée.
• 3* Vivant de son revenu.
• V Avant et en 1789, son revenu était, charges
déduites, de 4iaoo livres ; aujourd'hui, net. 28.0t>4
livres.
• 5* Dans les premiers jours de son rctouren An-
gleterre (.27 avril 1792), on a vu venir chez elle
ses anciennes connaissances, ce qui a duré peu
de temps, puis elle a vécu très retirée avec sa
bru, son petit-fils Tigé de huit ans et demi, un
instituteur réputé bon citoyen et une Anglaise
qui lui est attachée depuis trente trois' ans,
veuve d'un Florentin (il s'appelait Lorenxi) qui
est en état (l'Auj^laise) d'arrestation chez elle, avec
un garde, depuis la loi sur les étrangers. Celle
Anglaise ne reçoit aucune compagnie.
6* • Bien de suspect. A la fuite du tyran, elle était
en AngleteriHi. A Auteuil, le lô aort. Klle a tou-
jours paru désirer la victoire des patriotes.
• Soumission d'elle et des gens ne sa maison. •
La comtesse Amélie, dil Sainte-Beuve, avait
aussi son dossier favorable.
(3) Mémoires de Morellel, t. II, p. lag. — Elles res-
tèrent soixante-quinze jours dans un cachot hu-
mide, où elles ne pouvaient entrevoir la lumière
que par un Irou carré dans la porte ; elles étaient
tore ces de se coucher avec leurs v«'lcmenls pour
ne pas se réveiller paralysées parlhumidilé des
murs.
règne de Robespierre. Elles ne furent remises en
liberté que le 5 octobre i794.
Ici, tous les historiens perdent la trace de la
comtesse de Boufllers. Je ne parle pas de Feuar*
dent, qui la fait mourir pendant la Terreur; mais
Sainte-Beuve lui-même ne pouvait qu'invoquer
une vague tradition, diaprés laquelle elle serait
morte en 1800.
Déjà la Soriétéhistoriqve&JÙieuUhonnefoT'
tune de signaler (1) un acte du 2i pluviôse an VIH
qui prouvait qu'à cette date, € la divine comtesse »
vivait encore. C'était une donation de la propriété
d'Auteuil, déguisée sous forme de vente, au profit
de la comtesse Amélie, devenue veuve et demeurant
alors à Ëlettes, canton de Saint-Jean-du-Cardon-
naj, département de la Seine-Inférieure.
De temps à autre, Mme de BoufQers était reve-
nue à Auteuil, car, au recensement de juillet 4798,
nous la retrouvons habitant encore le n*^ 2i de la
Grande-Rue ; de même, dans les Petites Affiches
des iS brumaire et 2 frimaire an VIII, oii elle
apparaissait comme vendeuse d'une maison faisant
partie de Tenclos du Temple (23.000 livres), et
aune autre maison à Paris, rue deChoiseul, n® i
(19.200 livres), on la dit toujours domiciliée à
Auteuil. Cependant, son habitation réelle parais-
sait être à Rouen, rue du Faucon, 6. C'est là
qu'elle passa l'acte important du 22 pluviôse
an VIII et là qu'elle mourut, le 7 frimaire an IX
(4 décembre 1800), à 10 heures du matin, âgée
d'environ soixante-seize ans, d'après son acte de
décès que j'ai eu la bonne fortune de retrouver (2).
Ces dernières ventes, les pelouses ensemencées
de blé pendant le Directoire paries soins des Eco-
nomistes, la location de la maison principale à Tal-
leyrand et d'un des pavillons du parc à Van-
nelet (3), tout cela montre bien que la comtesse
de Boufilers vivait, depuis 179i, dans un état
voisin de la gène. Ainsi finissait, dans la tristesse
et dans le besoin, cette femme charmante qui avait
été choyée comme une reine au Palais-Royal, au
Temple" et à Auteuil même, pendant près de
soixante-dix années.
La comtesse Amélie revint, après la mort de sa
belle-mère, se fixer à Auteuil. Elle est signalée,
par deux rapports de police (4), comme l'àme
d'une coterie où Ton annonçait publiquement le
retour des Bourbons, coterie qui se réunissait aux
Eaux de Passy et à Auteuil. « qui n'est peuplé que
d'étrangers de haut parage ». Elle ne devait donc
(i) T. I du Dnllelin, p. 09.
(2) Acte du i3 frimaire an IX. Témoins : Pierre
Marc, notaire, et Pierre-Nicolas Roch-Delahaye,
rentier à llénouville, amis de la défunte . Sigiié :
Demadii»res, adjoint. — Son portrait a été gravé
Far Colinet, au Lycée, houlevard de la Cuiiiédie-
talienne ; il porte ces mots : • Dédié à la com-
tesse Amélie, par son très humble et très obéis"
sant serviteur, Julien Fatou. • — ^uant à la
comtesse Amélie, son portrait fut grave en Angle-
terre par C. Hcalh. d'après R.-R. Faulkner, dans
Henth» Gallery of hritinh entfraringx, i8'M, t. IIÏ.
(.3) Vannelet, dont l'existence si bizarre a été
racontée, avec tant de talent, par M. Léonce
.Pingaud, dans le livre qu'il a consacré à Un agent
secret sous le Directoire : le comte d'Antraiaues, —
recevait, dans sa maisonnette d'.Vuteuil, les Po-
lonais réfugiés Dombrowski et Koziusko.
{\) Des 19 fructidor an IX et :j8 germinal an
XllI.
488
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
guère avoir de relations arec ses voisins d*en
face, les Cabanis, qui, cependant, recevaient fré-
quemment, à cette époque, son cousin le chevalier
de Boufïlers, qui rentrait d'émigration.
Mais la ruine la guettait à son tour et, en 1814,
la maison d*Auteuii étant saisie (1); elle dut aller
s'établir, presque en face, an n° 44 de la Grande-
Rue, chez Fauriez, son ancien cuisinier. De sa fenê-
tre, elle voyait le parc et le château ou elle avait
vécu et qui devinrent, lei4 juilleti8i9, la propriété
de M . de Ravneval, ancien ministre d'Etat, et bien-
tôt après celle de la duchesse de Montmorency (2).
Réduite à une pension de i .500 francs, absorbée
d'avance par ses créanciers, elle vit accourir
auprès d'elle deux femmes de chambre du temps
de sa prospérité, Mmes Morta et Martin, c Je puis
bien mourir toute seule, leur dit-elle, et je n'ai
pas de gages à vous donner. > Mais ces excellentes
femmes ne voulurent pas la quitter ; elles mirent
peu à peu tout leur petit avoir au Mont-de-Piété
et elles arrivèrent ainsi à assurer ses derniers
jours, attristés encore par une douloureuse cécité.
M. Ludovic Halévy, dans une solennité acadé-
(i) L'hdtel de Boufflers, enclos du Temple, n ao,
esl vendu par jugement du tribunal civil de la
Seine du a3 mal i8ia, moyennant lao.oSo francs
[Petite* affiches du 7 novembre). — Maison d'Au-
teuil, mise en vente le ai juillet iSi^iPetites affi-
ches du 19 mai). — Le 3 mars 18I8, elle écrivait à
Chiappe, ancien député de la Corse, qu'elle vou<>
drait vendre par son intermédiaire à la reine de
Suède, Eugénie Clary, femme de Bernadotte, de
petits tableaux qui lui avaient été oflTerts par le
roi Gustave-Adolphe IV.
(u)i4 juillet 181Q, M. de Raynevalpourda.AgSfr. 3o
et la duchesse de Montmorency pour le surplus
de iii.aoo francs se rendent adjudicataires sur
poursuites de saisie immobilière dirigée à la re-
3uéte des syndics et mandataires des créanciers
e la Société ayant existé à Paris sous la raison
sociale Constantin et Cie et du sieur Caron, li-
auidateur de cette Société contre Mme Amélie-
Constance Puchot des Alleurs, veuve de Louis-
Edouard de Boufflers. — Le 8 janvier 1839, la
duchesse de Montmorency acquiert de M. de Rav-
neval. — 37 avril 1839, inventaire après décès
d'Anne-Françoise-Charlotle de Montmorency-
Luxembourg, veuve d'Anne-Léon, duc de Mont-
morency. Les héritiers sont le duc Charles, le
prince Chrislian, la marquise de Mortemart, née
Anne-Eléonore-Pulchérie, les Rohan-Chabot, la
marquise de Gerbevillers, les comtesses d'Estour-
nel et de Gontaut, pelils-enfants. —17 juillet
i83o, le duc Anne -C/iar/tf«- François de Montmo-
rency devient adjudicatre du tout, le mobilier
étant compté pour 40.000 francs. La propriété,
plus 4 pièces de terre avoisinant le parc au lieu
dit le Niblet, d'une contenance de 5 ares 97, le
tout pour 340.100 francs. — a5 mai 1846, mort du
duc Anne-C/tar/c*-Francois. La propriété reste
indivise entre ses héritiers : le duc ae Montmo-
rency, son fils, la princesse de BaufTremont et la
duchesse de Valença]^, ses filles, chacun pour un
tiers. — La Compagnie du chemin de fer de Saint-
Germain fMM. Emile Péreire et Rodrigues llen-
riquez) acnète les io-i5 novembre et 10 décembre
i8ôa moyennant 400.000 francs, des héritiers de
Montmorency. Les 1-11 aoAt i854, la Compagnie
de Saint-Germain devient Compagnie de l'Ouest.
Celle-ci morcela déflnilivement la propriété : une
partie fut occupée par les emprises de la voie,
une autre devint la villa Montmorency actuelle,
d'autres parcelles furent vendues et partagées
depuis. (Renseignements dus à des titres de
propriété communiqués par nos excellents con-
frères,.MM. Barthélémy et Ludovic Raynaud). —
Vers 1860, on voyait encore, sur l'emplacement
actuel du marché, les ruines de quelques-uns des
bâtiments occupés autrefois par les Boufflers.
mique récente (1) disait de ce genre de domes-
tiques : € L'aisance était entrée dans une maison
et la misère y est entrée. Le maître dit à la ser-
vante : « Je n'ai pins rieil, ma pauvre fille, il
faut nous séparer. — Nous séparer. Pourquoi ? —
Puisque je n'ai plus rien. — Je veux rester. —
Sans gages ? — Sans sages. » Et ce sams^gages
comme le sans-dot de Molière, ce sans-^foges
est l'invariable refrain de ces touchants récits.
« J'ai mes petites économies, dit la servante. —
Mais elles sont à toi. —Non, elles sont à vous. »
£t quand il ne reste plus rien de ces petites écono*
mies, la servante très souvent s'en va travailler
au dehors pour faire vivre son maître. Car elle
dit toujours mon maître et veut toujours rester
la servante. C'est à se demander en vérité si,
pour avoir de parfaits serviteurs, il ne suffirait
pas de n'être plus en état de leur donner des gages.
Ce serait là cependant. Messieurs, une expérience
qu'il ne faudrait pas, peut-être, pousser trop loin.
Messieurs, à la Société kUtorique d^AuteuU,
nous nous vantons parfois et seulement ouand nous
sommes entre nous, d'être, en quelque façon, une
petite académie locale; aujourd'hui, imitons publi-
quement ce qui se fait ch«z notre grande sœur et
que notre souvenir ému salue, en les rappelant,
les noms de Mmes Morta et Martin, qui ont voulu,
sans gages, servir leur ancienne maltresse jusqu'à
sa mort.
La comtesse Améliemourut, en effet, dans leurs
bras, le 4 mai 4825, vers 5 heures du soir. Fauriez
fit la déclaration du décès (2| et, de cette femme
qui avait été l'une des plus belles de la cour de
Marie-Antoinette, qui avait eu, à un moment,
iOO.OOO livres de rente, il reste le nom d'une
avenue ; dans U villa Montmorency, un tilleul, un
orme, quelques acacias et quelques peupliers et,
au cimetière d'Auteuil (3), une pierre fendue par
les obus et que la mousse envahit si jalousement
qu'avant quelques années le nom même de Bouf-
flers ne s'y lira plus !
De son mariage, la comtesse Amélie avait eu
un fils, Amélie-Joseph-Emmanuel-Hippolyte de
Boufflers, qui était né, le 46 novembre 4785, sur
la paroisse Sainte-Marie- Madeleine de la Ville-
l'Evêque. Il avait été tenu sur les fonds baotis-
maux par La Fayette et par Amélie de Boufuers,
duchesse de Lauzun, sa cousine paternelle.
C'était, à six ans et demi, un enfant d'une taille
ordinaire pour son âge, aux cheveux et aux sour-
cils ardents, avec des yeux bleus, un nez, une
bouche et un menton petits, un front grand, cou-
vert de cheveux ; le visage délicat et plein, ajou-
tait le signalement (4).
Nous savons déjà (]u'il eut pour précepteur
l'abbé Le Chevalier ; mais, oublieux des excellentes
leçons d'un tel maître, il devint bientôt, par ses
mœurs et par sa paresse, indigne du nom qu'il por-
ta it.
(1) Rapport sur les prix de vertu, 2a novembre
(a) Actes de l'état civil de la commune d'Au-
teuil. — Déclarant Louis- Félix Fauriez, proprié-
taire de la maison où le décès a eu lieu.
(3) Et non pas au Père-Lachaise, comme Mme de
Genlis le dit par erreur.
(4) Signalement du 10 juillet 179a. Actes de
unicipalité. L'enfant ne sait pas siffi
municipa
pas signer.
ANNEXES
489
Il eut à eomparaltre devant les tribnnaax dans
des conditions tja'il ne contient |Misderappeler(i),
et, cependant, pour donner nne idée de son carac-
tère, je parlerai d'un de wi procès, qui serait
amasant, s*il n*était lamentable (2).
Le i7 novembre 4845, BonfOers était tradait
devant la 6* chambre correctionnelle ponr outrages
au garde champêtre d'Anteoil. Voici, dans toute
sa »ntaisie, le procès-verbal de cet agent : « Pas-
sant à Autenil, le 23 septembre, sur la place de
la Fontaine, le sieur Genty, garde champêtre,
était revêtu de ses insignes, quand il a entendu
des cris et des blasphèmes devant la maison de
santé de M. le doctrnr Lemoine. Ces blasphèmes
étaient adressés à remployé des voitures pour Paris
et, en les entendant, les personnes qui étaient
aux croisées les ont fermées. Ayant invité l'indi-
vidu qoi proférait ces blasphèmes à cesser ce va-
carme, à ne pas faire un pareil esclandre etd'étre
plus conséquent avec les personnes qui étaient pré-
sentes (sic) à cette scène, nous avons reconnu que
cet individu était le comte de BoufDcrs, demeurant
à Auteuil. M. le comte de BoufHers m'a dit que
je n*étais qu'on valet et m'a accablé indûtingue-
ment^ moi et toutes les personnes présentes, des
propos les plus outrageants. » BoufQers fat con-
damné, par défaut, à six semaines de prison. Le
48 décembre, sur opposition, la peine était réduite
à 50 francs d'amende, sans emprisonnement.
Jules Favre défendait BoufQers. L'avocat du roi,
Mongis, dit : « A votre dernière audience, ce
n'e&t pas seulement l'absence du prévenu qui
vous a rendus divisés, c'est aussi le nom qu'il
a l'honneur de porter. Un tel nom oblige, non pas
à être un poète élégant et gracieux, mais adonner
des gages de courtoisie et d'urbanité; un tel nom
oblige à accorder aux hiérarchies sociales un res-
pect d'autant plus facile que, soi-même, on adroit
d'y aspirer! » Ce pauvre BoufQers, n'en déplaise
à M. Tavocat du roi, n'avait guère le droit
d'aspirer au respect ! M. Mongis terminait en di-
sant qu'il admettait néanmoins un adoucissement
de la première sentence et il laissait deviner
qu'il croyait à la folie du prévenu, c M. le comte
de Boufders nous a entendu, disait-il, et s'il ne
nous a pas compris, — et peut-être le langage
du prévenu nous autorise à le craindre, — il y
aurait donc dans cetie circonstance quelque chose
qui ne se dit pas, qui se sent, qui s'apprécie et
qui, de la commisération, conduit à l'indulgence. »
Si BoufQers n'était j^as fou, c'était, du moins,
le plus bizarre des orif^naux. Il est resté, dans la
mémoire de tous ceux qui l'ont rencontré (3), comme
« un petit vieillard de tournure assez falotte
et qui avait plutôt l'air d'un mettre de danse re-
tiré des affaires que d'un gentilhomme de bon lieu ».
< Je le vois encore, dit Louis Judicis, avec son
castor à longs poils, son habit bleu barbeau, son
grand gilet blanc, son pantalon de nankin et ses
escarpins à boucles d'argent, trottinant par les
rues du village, le nez au vent, les pieds en équerre.
(1) Gazelle des Tribunaux des 28 novembre i83i
et !•' février i83a.
(a) Gazelle des Tribunaux des a8 novembre et i9 dé-
cembre 1S45.
(3) Nota de Louis Judicis. Intermédiaire des cher-
cheurs, 18S3, p. 411.
et les mains toujours agitées par une gesticulation
extravagante. Tout en marchant, il se livrait à
des monologues interminables qui paraissaient
l'amuser prodigieusement, car il les accompagnait
d'ordinaire d'un petit rire strident qu'un accès
de toux ne manquait pas d'interrompre. » Il était
suivi d'enfants qui l'appelaient Coco-Boufflers ou
Caco^lŒ'Tour et qui le torturaient de mille ma-
nières.
Il vivait seul, sans amis ni relations, avec un
vieux domestique, dans une maison qui existe en-
core et qui est contiguë à l'ancienne propriété de
Mme llelvétius, un peu avant d'arriver i la rue
Erlanger.
Unand il mourut, le 5 avril 1858, à li heures du
matin (i), son valet prévint MM. Charles de
Uémusat, Georges de La Fayette et Francis de
Gorcel. Seuls, ils assistèrent, avec le domestique,
aux obsèques d'un parent qu'ils n'avaient jamais
voulu voir pendant sa vie. La cérémonie fut faite
à Tcylise et l'inhumation au cimetière d' Auteuil.
Ainsi disparaissait de la scène du monde, le
petit-fils d'une femme que le duc de Lévis {^)
trouvait € une des personnes les plus distinguées
de son temps par la justesse et l'étendue de son
esprit >.
Oublions, Messieurs, cette triste fin d'une
famille gracieuse et illustre pour ne nous rappeler
aue les heures enivrantes où les dames de BoufQers
nrent, il y a plus d'un siècle, la gloire de cet Au-
teuil qu'elles aimaient tant et qui leur devait bien,
en retour, un modeste souvenir et une sympa-
thique pensée.
Antoine Guillois.
ANCIENNE SOCIÉTÉ D*AUTEUIL
La comtesse deBoufflersh Roucher (3).
Auteuil, ce 28 juin.
Je serai charmée, Monsieur, d'entendre l'ou-
vrage dont vous me faites Thonneur de me parler.
Je ne doute pas qu'il ne soit aussi di^e du sujet
qu'il peut l'être. Je vous prie de choisir votre jour
et votre heure. Tous les jours me sont égaux,
excepté vendredi, et l'heure de midi est celle que
je préférerais, si vous n'y mettez point d'opposi-
tion.
J'ai l'honneur, etc.
H. DeS\UJON, COMTESSe DE BOUFFLESS.
(1) Actes de l'état civil de la commune d'Au-
teuil, aujourd'hui détruits; décès constaté par
Pierre-Anloine-Louis Jebenol. officier de la Lé-
f^ion d'honneur, maire d'Auteuil, sur la déclara-
tion de Charles Bourset, 4a ans. coiffeur à Paris,
rue Chariot, 18, et de Thomas-Elie Simon, 44 ans,
nourrisseur à Auteuil.
(a) Dans ses Caraclères et Portraits.
(3) D'après Torigioal- Inédit. Commuoication de
M. Guilloii.
ANNEXES 49^
et, dtDS Paru néme, rue des Troit-Bornes, rue coup que VeraiDeéiorii reaail de doon»' lésinai
Pien«-Le*èe, au Gros-Caillou, rue Pierre-Assise, de la révolle 1 GergoTie, où de toutes parts lui
rue des Siinls-Pères et i la Tombe-Issoire. arriTaient des secours. Jastemeot alarmé, il ac-
Il
■3 S.
Au commencement del'anSSaTani Jésus-Christ, court, el. par aoe de ces maoïEnTrcs inrraisem-
César, qui croyait la Gaule paciRée, passait le blables que sareot seuls eiéculer les graudscapi-
reste de l'hiver i Lacques, quand il apprit toat i taincs, il franchit les CéTeimes, ccnTertei de sii
494
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
pieds de neige, stupéBe ses adversaires par sa
promptitude, iocendie Orléans et Baurges, et pen-
dant que, remontant la rive droite de rÀllier, il
marche sur Gergorie, il donne Tordre à Labiénus,
son plus habile lieutenant, d^aller avec quatre
légious et la moitié de sa cavalerie punir les Pari-
siens de Tappui qu'ils avaient les premiers prêté
à Vcrcingétorix.
Labiénus laissa ses bagages à Sens, suivit la rive
gaucho de TYoune et de U Seine, franchit avec
ses \ingt mille hommes quelques rivières de peu
d'importance, le Loing, l'EcolIe, TEssonne, TOrge,
et vers le soir du troisième jour de marche, il lut
forcé de s'arrêter et de camper sur les bords des
marais que formait alors la Bièvre à sa jonction
avec la Seine.
Cependant, au bruit de son approche, les ban-
nis, les outlaws, € les scélérats », comme César
les appelle, les anciens compagnons dlndutiomare
et d'Ambiorix, sortaient des bois et affluaient à
Lutèce. Il eu vint du Mans, de Chartres, de Rouen,
d*Evreax; il» furent bientôt près de cinquante
mille et éliront pour chef le vieux Camulogèue,
chargé de gloire et d'années.
Camologène comprit que le mont Lucotitius
était le vrai rempart de Paris du côté de l'est. Au
matin, Labiénus rit au delà du marais l'armée
gauloise rangée sur la colline. Pendant une longue
journée, il chercha à se frayer un passage à l'aide
de claies, de fascines, de manteiets. Il dut s'avouer
raincu, et, au milieu de la nuit, dans le plus grand
silence, il fitrebousser chemin à ses troupes. Uuand
le soleil se leva, Camulogène ne vit plus aucun en-
nemi dans la plaine d^Ivry et put croire un mo-
ment que Lutèce était sauvée.
C'était bien mal connaître Topiniâtreté romaine.
Labiénus revint rapidement à Melun, passa la
Seine sur une cinquantaine de bateaux abandon-
nés là imprudemment par les habitants, et reprit
son chemin vers Paris en descendant la Seine, —
sur la rive droite cette fois, — les bateaux qu'il
avait saisis le suivant au til de l'eau. U^elques
fuyards de Melun apportèrent ces mauvaises nou-
velles à Camulogène, qui, n'ayant plus le temps
d'aller défendre le passage de la Marne à Cha-
renton, n'hésita pas à incendier Lutèce, à couper
le grand pont et le petit pont, et se tint sur la
défensive, campant vers le Luxembourg, sa droite
couverte par le mont Lucotitius et les marais.
Cependant Labiénus avait passé la Marne et
était venu camper en face des ruines de F^utèce fu-
mante. I^ fleuve séparait les deux armées.
Les préoccupations du général romain étaient
extrêmes. On racontait que les Eduens avaient
fait défection ; que César, obligé de lever le siège
de Gergovie, errait sans vivres entre F Allier et
la Loire, et que lui-même était menacé sur ses
derrières par les Bellovaques, qui venaient au se-
cours des Parisiens.
Plein de perplexité, il ne songea plus qu'à
frapper un grand coup qui le dégageât, et à ra-
mener ensuite son armée intacte à Sens.
Il convoqua à la nuit un conseil de guerre, dis-
tribua les cinquante bateaux qu'il avait amenés
de Melun à autant de chevaliers romains, leur or-
donna de descendre la rivière vers 9 heures du
soir, de s'avancer dans le plus grand silence jus-
aa'à une distance de quatre milles et de l'y atten-
dre. Il laisse pour (prder son camp, — situé vers
le Chàtelet, — les cmq cohortes les moins propres
à combattre, et commande aux cinq autres de la
même légion de remonter la riTière à minuit en
faisant beaucoup de fracas. Il envoie des nacelles
dans la même direction à grand bruit de rames.
Lui-même, peu d'instants après, part en silence
avec les trois légions qui lui restent et se rend
au lieu oh les chevaliers avaient conduit les ba-
teaux, c'est-à-dire au bas d'Auteuil.
Il y arriva vers 2 heures du matin. Profi-
tant de ces orages subits, si fréquents au mois de
mai, il fait passer la Seine à son infanterie et à
sa cavalerie ; les éclaireurs gaulois placés sur la
rive opposée sont surpris et égorgés.
Malgré toutes les précautions de Labiénus, ses
opérations en aval comme en amont, furent con-
nues presque aussitôt dans le camp de Camulo-
gène. Toute la nuit, des nouvelles confuses y ar-
rivèrent : on entendait une rumeur extraordinaire
dans le camp romain ; une troupe considérable
remontait le fleuve ; une autre le descendait et
cherchait à forcer le passage. Camulogène se per-
suade qu'une partie des Romains, effrayée de
l'approche des Bello vaques, se prépare à la fuite ;
que les autres vont passer le fleuve en trois en-
droits. Il divise aussi ses forces en trois corps (l)
en laisse une partie à la garde du camp, charge
une autre de surveiller les bateaux qui remon-
taient vers Corbeil ; quant à lui, avec le gros de
ses troupes, il marche au-devant de Labiénus,
dont l'armée s'était déployée dans la plaine de
Grenelle.
La pluie avait cessé. La bataille s'engagea au
soleil levant dans le vaste espace qui s'étend
d'Issy au Luxembourg, de la Seine à Montrouge.
Les trompettes retentissent. Les Gaulois répondent
par leur cri : Terriben, cassez les tètes ! A l'aile
droite, la septième légion les enfonce dès le pre-
mier choc et les met en fuite ; à l'aile gauche,
quoique la douzième légion eût fait tomber sous
ses traits les premiers rangs de Gaulois, ceux qui
restent se défendent avec acharnement ; pas un
ne pense à fuir. Au milieu d'eux Camulogène, qui
semble avoir recouvré la vigueur de sa jeunesse,
excite leur ardeur ; la victoire reste incertaine.
Mais les tribuns de la septième légion, n'ayant
plus d'ennemis devant eux et apprenant ce qui se
passait à l'aile gauche, entraînent leurs soldats
victorieux, viennent charger les Gaulois par der-
rière et en font un grand carnage. En ce moment
suprême, pas un Parisien ne faillit, pas un ne
quitta son poste ; tous furent enveloppés et péri-
rent à leur rang. Camulogène tomba percé de
coups au plus fort de la mêlée.
Les Parisiens surent sa défendre, mais ils ne
savaient pas écrire; aussi n'avons-nous que le
seul récit de César, et ce récit suggère bien des
doutes.
Un fait reste certain, la mort héroïque de Ca-
mulogène ; mais les résultats de la prétendue vic-
toire des Romains paraissent avoir été nuls.
(i) Combien de fois, depuis celle époque, nos
géniraiix nnl-ils aussi, helas ! commis celle er*
reur! (N. D. L. R.)
ANNEXES
495
Les Parisiens perdirent si pea de inonde qn*ils
furent en état, trois mois plus tard, d'euToyer un
contingent assez considérable, huit mille hommes,
an secours de Vercingétorix assiégé dans Alaise.
Lutéce se releva promptement de se.^ rnines, puis-
que nous la Toyons florissante et l*une des soi-
xante cités de la Gaule sous Auguste et sous
Tibère.
Après la chute de Vercinsétorix, les Parisiens
et leurs alliés les Sénonais turent les derniers à
soutenir une lutte déiormais désespérée. C'est un
Séoonaii, Drappès, < un brigand », selon César,
oui rassembla jusqu'à cinq mille vaillants, reste
de la grande guerre, et, traversant la Gaule de
la Loire à la Dordogne, se jeta avec eux dans
Uxellodunum. Il fut pris, et, plutôt que de servir
au triomphe du vainqueur, il s'abstint de nourri-
ture pendant plusieurs jours et se laissa mourir
de faim.
Le doux César, maître de la ville, sachant bien
que sa clémence était trop connue pour qu*on
pût jamais attribuer un acte de rigueur à la
cruauté de son caractère, fit grâce de la vie à tous
ceux qui avaient pris les armes contre lui,... mais
il leur fit couper les mains pour attester le châti-
ment réservé âde pareils pervers.
J'aimerais voir la statue deCamulogène dominer,
du haut du pont Mirabeau, le champ de bataille
où il est mort en défendant le berceau de Paris, et
ou toutes les nations du monde viendront demain
contempler les splendeurs de 1 Exposition de i900.
CHARDON -LAGACHE
Le Conseil municipal de Paris a décidé en 1894
sur une pétition des habitants d'Auteuil, que la
partie de la rue du Point-du-Jour comprise entre
régiise et la rue Jouvenet prendra le nom de rue
Ckardon-Lagache, La dénomination nouvelleaura
son origine sur les murs mêmes de la maison de
retraite fondée par M. Chardon, figurera sur le
mur de rétablissement deSainte-Périne et s'arrê-
tera à chacune des maisons qui forment, Tune,
Tangle de la villa Molitor, Taulre, Tangle de la
villa de la Kéuuion.
H est peu de personnes qui ne connaissent lu
maison de retraite Chardon-Lagache, dont la
grille d'entrée se profile si heureusement en
pan coupé sur la place de l'église. Peut-être en
est-il moins qui, tout en se souvenant du fonda-
teur, l'aient bien connu ou sachent exactement
le rôle qu'il a joué dans la commune d'Auteuil. La
génération dont nous faisons partie est mal in-
formée du caractère de l'homme et de son œuvre;
aosii nous a-t-il semblé utile et juste, pour l'his-
toire de notre quartier et pour la mémoire d'un
homme de bien, d'accueillir les renseignements
qu'on a bien voulu nous fournir et que nous som-
mes allé puiser à la meilleure source.
€ M. Chardoa-Lagachc naquit, le 6 avril I80T,
dans la maison qui porte actuellement le n°4 de
la rue d'Auteuil (ancienne rue Molière).
« Son père, M. Pierre Chardon, exerça la mé-
decine à Auteail pendant un demi-siècle, avec
tant de désintéressement qu'il ne laissa aucune
fortune. On l'avait surnommé le médecin des
pauvres. Sa digne femme le secondait dans ses
inépuisables charités. Leurs deux fils durent se
faire leur position eux-mêmes. L'alné succéda à
son père commme docteur à Anlenil et y recueillit
les mêmes sympathies.
< M. Chardon-Lagache, le plus jeune, entra de
très bonne heure dan i le commerce. Après un tra-
vail opiniâtre de plus de quarante-cinq ans, il ac-
quit une grande fortune. 11 passait la plus {grande
partie de l'année dans sa belle propriété, sise an
n"* 16 de la rue d'Auteuil (autrefois 26, rue Mo-
lière). Il s'y occupait sans relâche du bien du
pays. Ses conseils, sa bourse étaient constamment
au service de tous.
« En souvenir de ses parents il créa à Auteuil,
en 1865, de concert a7ec sa femme et son fils, la
maison de retraite qui porte son nom, destinée à
abriter ceux qui, en dépit d'un long travail, n'ont
pu réunir les ressources suffisantes pour vivre chez
eux. Elle peut recevoir jusqu'à cent cinquante
vieillards. M. Chardon-Lagache lui consacra son
zèle et son dévouement jusqu'à sa mort, survenue
en quelques heures le 12 juillet 1879, dans sa
maison, 16, rue d'Auteuil.
€ Ce ne sont passes seuls titres à la reconnais-
sance des habitants d'Auteuil. Président du con-
seil de fabrique de la paroisse, il contribua puis-
samment à l'érection de la nouvelle église en se-
condant Mgr Lamazou de tous ses efforts et de s^
nombreuses démarches.
« Membre du Conseil général de l'Assistance pu-
blique et dts beaucoup d autres institutions chari-
tables, il apportait à toutes ces œuvres un con-
cours actif, intelligent et dévoué.
« Son fils, M. Alfred Chardon, après la mort de
sa mère, continua de s'occuper, avec le m^me dé-
vouement, de la maison de retraite. La mort l'en-
leva à l'aîection de tous le 17 novembre 1893.
Par sa bonté inaltérable, sa modestie et sa parfaite
affabilité, il avait su conquérir l'estime et la re-
connaissance générales. »
II n'y a pas, hélas! que les hom^nes qui passent.
Les choses mêmes qu'ils ont animées, réchauffées
de lejr vie, sojvenirs vivants de leur passage, ten-
dent à disparaître, et l'oubli des générations futures
risquerait de monter lentement, si M. Chardon
n'avait laissé, heureusement, des œuvres impérissa-
bles. Voici qu'après lui c'est le parc qu'il aima qui
va périr, morcelé par le prolongement de la rue de
Rémnsatetde la rue George-Sand. De giands arbres
ont été abattus, notam;nent sur la belle terrasse
en bordure de la rue Théophile-Gautier ; le lo-
tissement est préparé, le tracé des prolongements
indiq Je. la vieil Auteuil s'en va. Fixonsen quel-
ques derniers traits.
Le vaste parc de M. Chardon-Lagache s'étendait
jusqu'à la rue Théophile-Gautier et la rue George-
Sand ; il prenait naissance derrière la maison si-
tuée 16, rue d'Auteuil, qui domine le parc. Celte
maison, nous l'espérous, sera conservée et gardera
au moins comme jardin la partie de pelouse qui
496
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
encadre une charmante pièce d*eao. A It pointe de
ce petit étang, sur une antre pelouse, près d'une
ailée sablée, entre trois arbres séculaires dont les
troncs, cachés sous le lierre, formaient berceau,
était une petite statue d'Orphée. Nous ne parlerons
pas du magnifique potager, des serres, dans l'une
desquelles on remarquait une cascade, et nous
irons tout de suite aux ruines entrevues dans un
massif, près de la rue des Perchamps. Ce sont
les restes de la rieille église d'Auteuil.
Des pierres provenant de réalise ont été réunies
avec soin, placées sans joints les unes sur les au-
tres et disposées en hémicycle ; l'ensemble s'a-
baisse aux deux extrémités. A droite, reposent les
anciens fonts baptismaux, desquels s'élance une
gerbe de fleurs. A gauche, un banc de l'ancien
porche ; sur ce banc, un des clochetons des contre-
forts du chevet. Au centre, on a rétabli en maçon-
nerie la niche en façade de la vieille église, dans
laquelle la Vierge apparaissait aux habitants.
Cette Vierge y flgurait encore la veille ; elle venait
d'être enlevée, ainsi qu'Orphée, et transportée
rue de Berry, i9, dans la propriété du marquis
de Casa-Riéra, acquéreur du parc de M. Chardon.
Au-des3us, dominant l'ensemble des ruines, une
petite croix de fer, provenant de l'ancien caveau
de M. Chardon-Lagache père. Sur le tout, le
lierre avec les années avait jeté son manteau de
verdure.
Ainsi le temps, qui adoucit les regrets sans les
effacer, avait poétisé sous un voile naturel les rui-
nes de la vieille éf^Use et la dernière pensée que lui
donna un de ses bienfaiteurs. Le tableau évoM(|uait,
inséparables l'un de l'autre, le souvenir du Vieux
sanctuaire et celui de son premier fabricien.
Le silence s'est étendu sur eux, et l'on se prend
à songer qu'ils auraient dû être réunis dans la
mort, que les vieilles pierres de la maison de
Dieu eussent été le digne tombeau de son chari-
table et bienfaisant serviteur. C'est avec un senti-
ment de respect ému que, M. F. de l'Eglise etmoi,
nous avons salué ces débris muets, et pourtant si
parlants, pendant que les feuilles frissonnaient aux
premières brises et miroitaient au soleil de mars.
Que deviendront ces ruines, le jour où ce coin
de terre sera vendu ou nivelé ?... — On souhaite-
rait de les voir reprises pierre par pierre et re-
constituées, avec les bons soins de notre collègue,
M. le curé Depontaillier, dans le jardin du pres-
bytère (i). Ou bien notreancien collègue, M. 1 abbé
Pourtié, aumOnier de h maison Chardon-Lagache,
ne pourrait- il pas transporter ces ruines daos le
jardin de l'établissement ?. . .
Nous ouvrons le concours entre ces messieurs ;
la Société, les habitants d'Auteuil pourront les ai-
der. Nous faisons appel à leur émulation, qui ne
saurait s'employer à un plus digne objet. Qu'elles
fussent au presbytère on à la maison Chardon-La-
Sache, ces vénérables ruines seraient enfin assurées
e la stabilité et de l'immortalité.
E. P.
(i) On sait que ce vœu a été exauce (V. p. ^6a).
DÉMEMBREMENT
DE LA PAROISSE D'AUTHUEIL
D'après les manuscrits on imprimés consultés à
ce sujet, il a été déjà relevé ou Auteuil, Boulogne
et Passy ne formaient, autrefois, qu'une seule et
même paroisse.
Ce n'est qu'en 4299 que certains écrits, et no-
tamment une lettre du religieux Pierre Barrier au
seigneur de Poriis (Mémoire sur cette famille), re-
latent que Philippe IV, dit le Bel, eut l'idée de
faire construire une église aux Muns, petit village
de cinauante feux, situé dans la forêt de Rouvret.
Mais, la mort survenant, le roi ne put voir son
projet exécuté.
Quelques années après, l'abbesse de Mont-
martre, Jeanne de Repentie, ayant donné cinq
arpents de terre nécessaires à la construction de
ladite église, la première pierre fut posée en l'an-
née 1349 par Philippe le Long, accompagné de
Charles, son frère, et de son cousin Philippe de
Valois.
La séparation juridi<}ue de la paroisse de Bou-
logne de celle d'Auteuil fut prononcée après la
grand'messe du premier dimanche de juillet 4330,
par Hugues de Besançon, alors évêque de Paris.
Puis vint plus tard une tentative de division en
faveur de Passy.
Le seigneur Claude Chahu, qui y avait sa de-
meure, trouvant à juste titre, que les habitants
de ce village avaient à souffrir, pour se rendre
aux offices religieux, de la distance et de la diffi-
culté des lieux, Ht de pressantes démarches auprès
de Mgr Hardouin de Beaumontde Péréfixe, arche-
vêque de Paris, membre de l'Académie française,
en vue d'obtenir l'autorisation de taire construire
et doter une chapelle à Passy, qui serait dépen-
dante de celle d'Auteuil.
La bénédiction de cette fondation eut lieu le
26 mai 1667 par M. Loyseau, aumônier du roi,
curé d'Auteuil.
Ci-dessous le dispositif du décret du 26 décem-
bre 4 666 :
« Vu et étant apparu, par le rapport de notre
Vicaire général (4), que beaucoup des habitants
de Passy ne peuvent aller sans beaucoup d'incom-
modité en leur paroisse et assister à l'office divin,
à cause de la distance et de la difficulté des lieux,
avons érigé et érigeons par ces présentes une
église succursale audit Passy, dépendante et aide
de la paroisse d'Auteuil, et, à cet effet, nous avons
permis et permettons d'achever la chapelle en-
commencée de bâtir, et sera ladite église succur-
sale sous l'invocation de Notre-Dame-de-Gràoe,
de laquelle la principale fête se fera chaque année,
le jour de l'Annonciation de la Vierge, à la charge
que le vicaire qui desservira ladite ^ise de Passy
sera nommé par le curé d'Authiieil, destituable à
volonté.
« Lequel vicaire résidera actuellement et per-
sonnellement audit lieu de Passy, sera par nous
spécialement approuvé pour faire les fonctions
curiales en ladite église, savoir : pour y baptiser.
(i) M. de la Brunelière.
ANNEXES
497
marier et administrer les sacrements de péni-
tence, d*eacharistieetd'eitréme-onction. Que pour
cet effet, il sera constmit des fonts baptismaux
en ladite église et un tabernacle posé sur Tautel
pour y faire reposer le saint Sacrement, et un
cimetière béni pour y inhumer les cornsdes défunts
du lien ; que ledit sieur Ghahu et les habitants
dudit Passy seront tenus de fournir à ladite église
succursale toutes choses quelconques nécessaires
à la célébration du divin service et administration
des sacrements pour cette fois seulement. Que
ledit vicaire aura pour sa rétribution cent cin-
Suante livres données par les sieur et dame Chahu
'une part et cent cinquante d'autre part données
par les habitants de Passy: faisant en tout la
somme de trois cents livres par an, pour Tentre-
tien dudit vicaire, comme il est porté et spécifié
par lesdits contrats et qu'il sera pourvu de loge-
ment par lesdits habitants avec les meubles néces-
saires à un ecclésiastique, moyennant quoi il sera
obligé de dire quatre messes par semaine, y com-
pris les fêtes et dimanches, pour les habitants
dudit Passy ; et pour les trois jours restant de
chaque semaine, il célébrera à sa dévotion ou
quand bon lui semblera ; mais qu'il dira la messe
haute les fêtes et dimanches, à l'heure du diocèse,
savoir : à huit heures en été et à neuf heures en
hiver.
< Qu'il percevra ses assistances des services,
baptêmes, mariages et autres fonctions, suivant
la taxe du diocèse et sera comptable audit curé
desdits mariages, baptêmes, services d'enterre-
ments, oblations, cire, pains bénits, ouverture
des fosses, suivant l'usage d'Authiieil, et sera
tenu de donner avis audit curé des baptêmes,
mariages, etc. , qui se feront à ladite église
de Passy, excepté en cas de nécessité; comme
aussi de tenir 1 école pour les garçons audit lieu
et de faire les cathéchismes suivant les ordon-
nances de notre diocèse. A la charge aussi que les
habitants dndit lieu seraient obligés de faire leurs
confessions et communions pascnales en la pa-
roisse dudit Authiieil et (^u'il ne se fera le jour
de Pftques ni eau bénite m pain bénit, et que l'on
n'y dira point de messe paroissiale ni de vêpres,
et ne s'y fera point de prédication audit |our,
mais seulement se dira une messe basse le matin
avant la grand'messe dudit Authiieil pour les in-
firmes et les vieillards et un salut au soir, que les
antres cnriales néanmoins se pourront faire suivant
l'exigence des cas : que Ton ne dira pas de grand'
messe dans ré|[lise de Passy le jour de l'Assomo-
tion de la sainte Vierse, patronne principale
d'Authueil, ni le jour de la fête de la Dédicace de
celle-ci, mais seulement une messe basse —
3 n'en considération des bienfaits et fondations
udit seigneur de Chahu, le vicaire de l'église de
Passy dira, à la fin de chaque messe, un Salue
Regtna, pour lesdits sieur et dame Chahu, et un
De profundis^ à perpétuité, pour le repos de leurs
Ames. Et en reconnaissance de leur pitié et bien-
faits, nous leur avons permis de faire poser un
marbre dans ladite éfflise contenant la fondation
faite par eux au profit de ladite pour servir de
perpétuelle mémoire. »
La dame Christine de Heurles, veuve de Claude
Chahu, n'avait pas entière satisfaction ; elle vou-
lait l'érection de Passy en paroisse complètement
distincte de celle d'Authetîil, et, pour arriver à
ce résultat, elle eut à lutter, respectueusement,
contre le chapitre et le curé, qui voyait, par ce
fait, diminuer les ressources de sa paroisse. A la
suite d'une transaction passée devant Grégoire,
notaire à Paris, le 13 avril 4673, et par laquelle
elle dédommageait la cure d'Authueil, la dame
Chahu obtint enfin la séparation tant désirée, qui
fut prononcée par Mgr François de Harlay, sei-
foeur de Champvalon, archevêque de Paris, le
8 mai 1672:
« Nous avons érigé en paroisse régulière l'église
succursale de Passy. »
Henri de Forges de Montagnac.
MICHELET CHEZ BÉRAN6ER A PASSY
Bfichelet a rendu deux fois visite à Béranser
alors (ju'il demeurait à Passy : une première rois
le 28 juillet 1843, pour lui apporter lui-même le
volume qui avait pour titre les Jésuites^ et où se
trouvaient réunies les leçons qu'il avait faites avec
Quinet au Collège de France ; la seconde fois, le
24 décembre de la même année, pour lui porter
son volume de V Histoire de France sur Louis A7,
et pour lui présenter son fils Charles et son gendre
Alfred Dumesnil (i). Nous savons par le livre
d'Eugène Noël sur Michelet et ses enfants qu'à
sa première visite, il avait été un peu inquiet des
dispositions de Béran^er à son ^rd, tant il le
sentait différent de lui-même. Mais l'accueil avait
été parfait, et Michelet, qui n'avait jamais vu
Déranger jusqu'alors, fut ravi de sa conversation,
et le trouva digne — ce sont ses propres paroles
— de son immense popularité.
La seconde visite ne pouvait être que très
agréable. Nous en trouvons la relation complète
dans le livre dont je viens de parler. Elle est du
gendre même de Michelet, Dumesnil, qui le soir,
en rentrant, en consigna tons les détails, repro-
duits par Eugène Noël. Le livre est rare et peu lu
aujourd'hui. Je ne puis donc mieux faire que de
le citer. Je ne connais pas sur Béranger à Passy
de pages plus vivantes ni plus dignes d'inté-
rêt.
€ Le 25 décembre 1843, nous allons, M. Mi-
chelet, Charles et moi, à onze heures, en petite
citadine, chez Béranger. Nous quittons la voiture
Barrière-Bleue ^2), à Passy. Béranger demeure rue
Vineuse. Mon émotion est grande dans cette rue
avant de savoir où est la maison, et, dans la
maison, plus encore, avant d'entrer chez lui. Une
vieille demoiselle, les cheveux pomponnés comme
sous la Restauration, nous ouvre, et nous montons
(i) Béranger avait 63 ans : Michelet, 4ô ««ns.
(?.) Nous n'avons nas encore réussi à idenlifler
cette barrière, dont le nom ici rapporté ne figure
sur aucun plan et doit être une cle ces désigna-
tions populaires dont les géographes ne font point
toujours état. ^N. d. 1. R.)
3'2
HISTOIRE DU XVr AtlBONDISSEMENT
jusqu'à la miutsirde, conduits pu- une jeune fille.
D'une fenêtre de l'escalier, j'aper(,'oia au petit
jardin que Béraager cultive lui-même, arec une
allée m fond.
« Béranger était mielqne part d'oli il sort pour
nous faire entrer. Celte introduction rapide el
vulgaire me mit de suite dans la vraie situation,
surtout quand je vis, sans tarder, sa figure pa-
raître brusquement derrière la porte. Nous en-
trâmes dans une petite chambre mansardée, oti
était son lit, tendue oarlout en raies bleues et
blanches et tapissée d une moquette : deui Tan-
teuils longs, des livres entassés sur un pelitsecré-
taire eu nover, une table à écrire, quelques mé-
dailles et dessins.
Bé ranger i
par Cbai
H. Hichelet lui offrit son livre de Louis M et
me présenta. BéraDKer, tout en rallumant son Teu,
lui dit : 11 est bien jeune.
H. Micbelet ajouta : C'est un sage.
Et comme, 1 propoi du feo que Bêranger souF-
flait toujours, H. Hicbelet disait que le malin î
sii heures, je fais faire mon feu :
— Ëb bien ! moi qui n'ai pas dedomestique, je
le fais moi-même.
Bêranger nous dit qu'il nous recevait dans sa
chambre, qu'il avait eu toujours besoin d'avoir un
che;t lui ; qu'il vivait aTec_ une amie Agée de
soixante-quatre ans, que lui en avait soinaote-
Irois ; qu'il était sans iniirmité, bienqu'il eat été
très ^vemeut malade, pendant trois mois, l'été
dernier ; que c'était peu rassurant pour deui
vieillards de vivre seuls et de ne pouvoir être en-
tendus de personne, s'il leur arrivait quelque
chose la nuit ; qu'il mangeait en bas, au premier,
en pension chezsa propnétaire, femme d'un vieux
militaire. Puis, la conversation s'engageant, il
demanda où était H. Uaiuet.
— Il voyage toujours.
Bêranger [ui reproche de mêler à sa prose un
peu trop de poésie, d'étreun peu vague, sauf dans
le livre des Jésuitet.
— Vous avez rendu un grand service, dit-il l
M. Hichelet, autant que peut le faire un livre
aujourd'hui... de mon temps, c'était beaucoup
plus aisé desaisirte public: il y avait deux camps,
on avait toutle camp pour lequel oo écrivait ; au-
jourd'hui on a toutle monde et l'on n'a personne
entièrement.
Bêranger, lidessus, citait l'exemple de La-
martine, qui « dit éloquemment ce que tout le
monde sent >.
— Eh bien, reprenait-il, Lamartine a pen de
gens à lui ; OQ a affaire il un public électrique.
De li, une plaisanterie sur Cousin, auquel il
dit un jourqu'ilabasé sa philosophie sur rien.
Puis, il en viol à Louis XI. 11 critique H. de
Barante. qu'il aentendu lui-même attacher très peu
d'importance à son livre.
il est familier avec Commines et très au cou-
rant de l'histoire de France.
— Quentin Durward fut le premier roman de
Waller Scott qui me fil soupçonner la science
histuriqae. Hais combien il savait peu !
Une lui pardonne pasd'avoir fait venir LonisXI
de Plessis -les- Tours t Pêronne. < C'est parce
qn'il avait été a Péronne, ajoutait judiciensemenl
Bêranger, qu'il s'enferma i Pleasis-les-Toors. Le
vieux reuapl nes'est mis anterrier qu'aprèsavoir
perdu la queue.*
Puis, on parla d'histoire en général. Bêranger,
critiqua vivement Augustin Thierry d'avoir trans-
formé en opprimés les Saxons, qui étaient des
Normanda et des oppresseurs.
— C'est lauï, c'est faux, c'est faux I répéta-t-
il, et je l'ai dit i Thierry, quand il cotrigeail ses
épreuves. Suivre ainsi ces influences de races dans
la fusion des générations, c'est comme si un
homme, dupent de la Concorde, l'amusait à dit-
tiugaer les eaux de la Marne des eatii de la
Seine.
De même pour ses Communes, je Ini ai dit que
nous ne procédions pas de là, el que c'était un
grand bien, car nous n'aurions pas notro cenlrali-
satioQ... Ces recherches sont comme celles des
vieilles armures, quand on a la pondre à ca-
non...
Ea parlant de notre mauvais gouvernement, il
voit, dil-il, avec peine, la désorganisation de l'ad-
minislration... «Mais après tout, nous sommes un
peuple qui pouvons vivre sans loi. C'est la Provi-
dence qui nous gouverne. Nous tommes desgrands
seigneurs qui faisons administrer nos affaires par
des intendants, et lei chassons quand ils déplai-
sent.La France est le pays de l'iDspiration. ».
Bêranger a été très sensiUe au bon accueil que
lui a fait l'autre jour H. Miebelet père (il s'agit
du père de l'historien), et promet de revenir voir
H. nicbelel. « Pourvu, dit-il, que je sois t six
heures chez moi. »
Il a les yeux, le front et le haut du nez Infini-
ment spirituels. Il est très bien conservé, gai,
animé, causeur, il trouve queM. Hichelet s'en va
bientôt.
ANNEXES
499
Mais cet iDtérieor est triste. Cependant tout
cela est relatif, et il est bien mieux sar cette mon-
tagpe <]ae dans Paris.
Je dis, en sortant, à M. Michelet : € C*est bien
là ridéal de Noël (c^est Eugène Noél), ce qfâ me
frappe, c'est le parfait bon sens. Mais il dit soa-
Tent : « Oii allons-nous! » An milieu de la con-
Tersation, il dit à Charles et à moi avec bonho-
— € Jeunes gens, approchez donc du feu ! ne
comptez pas trop sur le feu de la jeunesse! »
*
Ici s*arréte le récit même de la visite qne j*ai
cru intér<»sant de vous faire connaître. La suite
se rapporte aux paroles échangées sur le poète
entre les visiteurs, qui rentrèrent à [»ed par la
place de la Concorde.
On y voit que Michelet avait pour Béran^fer
uneréelle admiration ; mais le causeur lui parais-
sait encore supérieur au poète. Ajoutons aue le
soir de cette visite, Alfred Dumesnil fit relire à
son beau-père trois chansons de Béranger : les
Quatre âffes historiques, le Juif-Errant et
Jeanne la rousse,
€ Pour faire des choses si exquises, il faut des
années », dit M. Michelet.
DU DES DISCOURS PRONONCÉS LE 27 OCTOBRE 1901 A
L*INAUGDRATION DELA PLAQUE COMMÉMORATIVE DÉ-
DIÉE PAR LA SOaÉTÉ HISTORIQUE d'AUTEUIL ET DE
PASST A SON ANCIEN PRÉSIDENT, EUGÈNE MANUEL.
DISCOURS DE M. ADRIEN DUPUY
Inspecteur général de Vlnslraction publique,
délégué du Ministre de V Instruction publique et des
Beaux-Arts.
Madame (1),
Messieurs lesmembresdelaSociété historique,
Mesdames, Messieurs,
Ce n'est pas sans intention que le Ministre de
rinstruction publique a déléj^é un universitaire
pour le représenter à cette cérémonie. Il a touIu
par ce dioix attester que T Université considère
comme un droit et plus encore un devoir de faire
entendre sa voix partout où Ton célèbre une mé*
moire qui lui est et lui restera chère. Aussi ma pre-
mière parole sera-t^elle, Messieurs de la Société
historique, pour vous remercier, au nom de l'Uni-
versité et de son chef, du tribut de regrets et de
haute estime qne vous offrez aujourd'hui à votre
ancien président. Nous éprouvons une légitime sa-
tisfaction à le voir honoré de Totre suffrage et
placé à son rang parmi les illustrations dont vous
vous efforcez de faire revivre ou de prolonger le
souvenir.
Depuis neuf ans que vous poursuivez vos re-
cherches, combien de noms n'avez-Tous pas remis
en lumière et comme en circulation ! Grftce à vos
(t) Mme Manuel assistait à la cérémonie.
travaux, on ne fait plus un pas sur le territoire
qui constitue votre domaine sans être arrêté par
quelque précieux vestige du passé. Vous avez ins-
crit sur votre livre d'or la peinture avec Gérard,
la sculpture avec Carpeaux, la musique avec Ra-
meau, Piccinni, Spootini, Ros^ni et Gounod, les
œuvres de bienfaisance avec les Delessert, l'his-
toire avec Commines et Henri Martin, l'économie
politique avec Tnrgot et J.-B. Say, la linguistique
avec Raypouard et Fanriel. 11 ne tient qu'à vous
d'y inscrire l'éloquence sacrée, puisque Bossuetet
Bourdaloue ont prêché plus d'une fois dans l'hum-
ble chapelle où vinrent tour à tour prier et pleu-
rer deux reines détrônées, Henriette de France et
Marie deModène. Vous pouvez au nom de Franklin
joindre celui de Bailly et entourer du même res-
pect ces deux serviteurs de la science et de la
liberté. La philosophie vous appartient aussi avec
cette vaillante Société d'Auteuil qui maintient les
droits de la pensée en face d'un pouvoir défiant et
jaloux. Enfin, et c'est votre plus belle richesse,
vous avez la poésie. Si Anteuil reste'fidèle au sou-
venir classique de Boileau et de Molière, Passy
s'honore d'avoir abrité la vieillesse de Lamartine
et de Hugo. C'est, je ne dirai pas à côté de ces
ffrands poètes, mais à leur suite, pas trop loin
d'eux et comme dans leur ombre protectrice, que
TOUS assignez sa place à Manuel. L'honneur est
mérité et vous n'avez pas à. craindre d'avoir trop
accordé à l'affection et à la reconnaissance le jour
où, sur la proposition de votre dévoué secrétaire
ffénéral, vous avez voté l'érection du modeste mais
durable monument que nous inaugurons aujour-
d'hui.
Poète d'inspiration, poète de race. Manuel
n'était pas seulement un beau talent : c'était une
conscience. Ënvisageons-le d'abord sous cet as-
pect. L'étude de sa nature morale nous fera mieux
comprendre sa carrière et son œuvre.
Il nous a dit lui-même comment il s'était
formé :
Trois peuples m'ont donné ce qu'il me faut pouf
[vivrCi
Les Romains et les Grecs et mon vieux peuple
rhébreui
Home m'apprit le droit dont son code est le livre^
Athènes la beauté, Jérusalem son Dieu.
Certes, je ne contesterai pas qu'il ait subi cette
triple infiuenceni qu'il en ait profité. Mais j'aime
encore mieux me le représenter comme un de ces
stoïciens attendris dont Marc-Aufèle reste, à tra-
vers les âges, le chef et le modèle et dont l'àmé
élargie s'aide du sentiment autant que de la vo-
lonté pour répondre sans hésitation, sans arrière-
pensée, à tons les appels du devoir.
Son extérieur disait mal ce qu'il était. A le voif
frêle de corps et presque débile, Tolontiers replié
sur lui-même dans une attitude mélancolique,
réservé dans son abord jusqu'à la froideur, on
était excusable de ne pas deviner de suite son
énergie persévérante, sa chaleur de cœur, son
besoin de dévouement. Mais il suflBsait d'un peu
d'attention pour lire la bonté avec l'intelligence
sur ce visage aux traits fins, au regard limpide «
à l'expression séduisante sitôt qu'il s'éclairait d'un
sourire. Un moment de conversation vous révélait
rhomme de conviction, l'homme d'action, plus
5oo
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
épris encore du bien que da beau et qui dans une
méditation chaque jour plus approfondie de la vie
et de la mort, avait sa se garder du doute et de
la désespérance. On peut loi appliquer, presque
mot pour mot, le jugement qu^ii a porté sur son
maître préféré, le philosophe Franck. Il était, lui
aussi, « de la famille des optimistes sincères.
Nature sereine et douce, aimante et consolante, il
se refusait à admettre que le mal fût la loi de
Tunivers. Frappé de Tenchalnement des choses,
plus sensible à Tordre qu*au désordre, sagement
résigné à ne pas tout savoir, à ne pas tout expli-
quer, il croyait fermement à Dieu, à la spiri-
tualité et à la permanence de Tàme, à la liberté,
au progrès continu par la justice et par la vertu. »
Avec ces principes, trois sentiments ont dominé
sa vie. Enfant, homme, vieillard, il a eu le culte
du foyer et il a toujours considéré le respect et
Tamour de la famille comme la première et la
plus importante des lois sociales. — Serviteur
dévoué et clairvoyant de la démocratie, il a eu
constamment présentes à Tesprit, avec le désir
d'en trouver le remède, les misères, les inégalités,
pour ne pas dire les injustices, la démoralisation
dont nous souffrons. 11 en a démêlé les vraies
causes : en haut, Tégoïsme ; en bas, l'ignorance,
et, contre ce double vice public, il a combattu le
bon combat. — Enfin il a passionnément aimé
son pays. Son âme de citoyen et de patriote vou-
lait une France indépendante, libre, unie, armée
de toutes les forces matérielles et morales oui
peuvent la maintenir à son rang dans le monde.
Aussi détestait-il nos discordes, nos luttes de
{partis et de classes, comme le pire obstacle à
'accomplissement des destinées glorieuses qu'il
rêvait pour la patrie et auxquelles il n'a jamais
cessé d'avoir foi.
Ce qu'il fut comme universitaire, nous n'avons
pas maintenant de peine à le comprendre. Profes-
seur, il admirait les anciens, mais sans supersti-
tion. Il voulait, il savait être de son temps. Moins
préoccupé de former de beaux esprits que des
nommes, il éveillail dans ses élèves la conscience
de leurs devoirs prochains et les préparait à les
bien remplir. Il a pu s'écrier, sans être taxé d'or-
gueil :
Est-il un sentiment
De ceux dont notre siècle a vu l'enfantement,
Est-il un cri d'amour, de gloire ou de colère,
Est-il un saint élan de vertu populaire,
Un péril, un efTort, un espoir, un regret,
Pour la cause du juste est-il un intérêt,
Un éloge à Thonneur, à l'infamie un blâme
Où nous n'ayons pris part de la voix et de Tàme?
Son activité ne se limitait pas à sa chaire.
Dans son quartier natal du Marais, il se multi-
pliait en lectures, en conférences, en leçons de
choses ; il fondait un patronage d'adultes, si bien
qu'on peut le compter parmi les initiateurs de ces
belles œuvres complémentaires de l'école aux-
quelles il n'a pas fallu, depuis ces premiers es-
sais, moins de trente ans pour s'établir et s'épa-
nouir.
Inspecteur général, il eut le discernement, la
justice tempérée par la bienveillance et, ce qui ne
vaut pas moins, l'art d'encourager le talent et d'é-
veiller les bonnes volontés.
Au Conseil supérieur, il se fit remarquer par
ses tendances libérales, par ses vues à la fois lar-
ges et sages sur l'éducation publique. Il s'associa
résolument aax réformes successives de Jules
Simon et de Jules Ferry ; il contribua à organiser
renseignement moderne et l'enseignement des
jeunes filles ; il prit en main les intérêts du per-
sonnel à tous les degrés, mais peut-être avec une
préférence secrète pour ceux dont le labeur est le
plus modeste, mais non le moins utile.
L'œuvre du poète est intimement unie à celle
de l'éducateur, qu'elle complète et qu'elle cou-
ronne. Si, dans sa modestie. Manuel s est défendu
d'aborder les grands sujets, encore qu'il fût capable
de s'élever jusqu'à eux, et qu'il ait trouvé plus
d'une fois, notamment pour glorifier Hugo et Pas-
teur, de hautes et éloquentes paroles, il a su être
original et donner sa note toujours personnelle,
sans concession aux modes passagères de la litté-
rature, sans parti pris d'école. 11 le dit, et on
peut l'en croire : € Rien n'a compté pour lui au
prix de la sincérité du sentiment. » 11 n'a chanté
3 ne ce qui l'a ému, ce qui l'a touché d'amour ou
e pitié. J'ai déjà signalé les sources principales
de son inspiration. 11 a d'abord cherché la poésie
au foyer et il en a dit avec une tendresse péné-
trante et communicative les simples plaisirs, les
modestes joies et surtout les tristesses profondes
qui y sont la rançon nécessaire de la joie et du
plaisir. Puis, élargi>sant son domaine, sa muse
pudique s'est aventurée « sur les places, dans les
rues, dans les ateliers, dans les taudis, dans les
hôpitaux ». Elle est entrée en contact avec l'indi-
gence, le vice, l'ignorance, les consciences en
sommeil et, de ce pèlerinage de compassion et de
consolation, elle est revenue éplorée, mais non
découragée, souriant à travers ses larmes à un
avenir meilleur.
Il ne s'est pas contenté d'être le poète des
malheureux et des humbles : il s'est tait inter-
prète des deuils et des espérances invincibles de
la Patrie. Une de ca*urs ont battu à l'unisson du
sien en entendant : Pour les Blessés, les Pigeons
de la République, le Curé de Plouizy, le Der-
nier Délais le Codicille de Maître Moser. Ces
nobles poèmes ont été interdits par les maîtres de
l'Alsace-Lorraine. Rien n'en dit mieux la valeur
et la portée : ce sont de vibrantes leçons de
patriotisme.
Je ne m'attarderai pas à louer en Manuel des
Snalités que personne ne lui conteste : le bonheur
e l'invention, l'ordonnance harmonieuse de la
composition, la pureté d'un style sobre et ferme.
J'aime mieux constater (|ue, de tous les sujets
qu'il a traités, il a su, bien que tons ne s'y prê-
tassent pas également, dégager une morale tou-
jours pure et qu'il ne lui est pas échappé, en
parlant des choses même les moins relevées, un
seul de ces mots qui ne peuvent être entendus de
la femme et de l'enfant. Nul n'a poussé plus loin
le respect de soi et des autres. Il y a gagné de
devenir le vrai poète de Técole.
Que dire maintenant de l'homme, sinon qu'il a
mis d'accord ses principes et sa conduite et qu'il
a prêché d*exemple autant que par la parole ou
par le livre ? Son amour de la famille a été récom-
pensé par quarante ans d'un bonheur intime, d'un
ANNEXES
5oi
bonhear à deux, sur ieqael je D*ose insister par
respect pour nne doaleor qui ne vent pas être
consolée. Et cependant, comment ne pas nommer
ici celle qnî, après avoir fait Torgueil de sa jea-
nesse et la joie tranquille de son âge mûr, Ta
défendu par des soins maternels contre les atteintes
de la vieillesse et a empêché jnsqa^au bout les
maax da corps d*empiéter sur la vigneur de son
esprit? Qa*elle en soit remerciée au nom des amis
de celui qu'elle pleure et qu*elle soit de moitié
dans ses honneurs comme elle a été de moitié
dans sa vie.
Avec les douceurs du foyer. Manuel a connu
celles de Tamitié et il en était bien digne, lui
qui
Sur trois chagrins en eut deux pour les autres.
11 sut se concilier de hautes et puissantes affec-
tions. Mais dans Téclat montant de ses succès, il
n'oublia pas les compagnons de ses débuts, il ne
se reprit pas après s être donné. — Il fut pour la
jeunesse un bon conseiller : combien à leur entrée
dans le monde lui ont dû d*ètre mis et maintenus
dans la bonne voie ! — Il ne lui suflBt pa.« de louer
et de recommander la bienfaisance : il fut bienfai-
sant. Nombreuses sont les œuvres auxquelles il a
prodigué, sans compter, son temps, son argent,
ses sympathies actires. — 11 eut ses déceptions
et ses peines, ya*i\ supporta en homme. Même
quand il vit lui échapper cet honneur auquel il
avait le droit de prétendre comme à une récom-
Knse méritée, son regret ne prit pas la forme de
nvie et de la rancune. Son ardeur an travail
n*en fut pas ralentie et on ne le vit pas s'arrêter
un instant dans Taccomplissement des multiples
devoirs auxquels il se donnait, sans que Tun nuisit
à l'autre.
Il s'est endormi, il y a cinq mois, dans la paix
de la conscience et du cœur, riche de jours et
d'œuvres. On lui a fait de belles funérailles et
voici qu'on grave son nom aux murs de la cité.
C'est une promesse de durée. Ses amis en accep-
tent l'augure et ils ont plaisir à se persuader que
le poète Manuel ne sera pas effacé du souvenir
des hommes et que, de génération en ffénération
ses vers chanteront dans de jeunes mémoires et
formeront de jeunes consciences aux sentiments
généreux et aux viriles résolutions.
INDEX ALPHABETIQUE
DES RUES, BOULEVARDS. AVENUES, MONUMENTS ET PRINOPAUX ÉTABLISSEMENTS
EXISTANTS DANS LE XVI» ARRONDISSEMENT DE PARIS EN i902
N.-B, — I^s noms inscrits entre parenthèses indiquent, pour chaque voie, ceux qu'elle a
portés antérieurement.
Ifoms
Rae Adolphe-Yvon {me de la Toar)
Place d'Aguesseau (voir place d*Auteoil) . .
Villa Aimée
Rue Alboni
Avenue de VAlma (VII1« arrondiasement) . .
Ancienoe aveDue de VAlma^ à Auteail (voir
rae Chanez)
Place de VAlma
Vaai deVAlma
Rue de V Amiral- Courbet
Rue Andréine (supprimée par Taveoue du
Bois-de-Boulogne)
Rue de {Annonciation (rue du Moulin, des
Tierrées, de la Paroisse, de la Raison, de
TEfflise)
Rue Anioine-Roucher (me François-Millet).
Ancienne rue Appert (voir rue du Général-
Appert)
Arc de Triomphe (voir place de l'Etoile) . .
Ancienne rue des Arches (voir rue Wilhem).
Ancienne place d Urm«< (voir place de Passy).
Ancienne rue des Artistes {xoir rueGavami).
Ancienne me des Arts (voir rae Géricault). .
CdViyenidtV Assomption. . .
Rue de YAssomptum (chemin,
Tombereaux)
Rue Auguste- Hoquet (nouvelle rue) . . . .
Rue Augusie-Vacquerxe (rae des Bassins) .
Cimetière d*Auteuil
Eglise d'Auteuil
Anciennes mairies d^Auieuil
A reporter. . .
Largeur
légftle
puis rue des
i2m
5
45
»
20
42
8
40
»
»
40
»
42
»
»
Longueur
440»"
»
65
203
»
»
60
453
90
345
425
»
862
50
268
»
»
2.334»
Pages
66, 388.
446.
36, 80, 465,
429.
429, 430.
427, 428.
464.
404,424.
34, 45, 345.
222.
»
»
»
484, 204, 202.
26, 55,204,202,344,346.
224.
409.
202, 203, 386.
476, 477, 238 à 242, 462.
476, 486, 487.
5o4
HISTOIRE DU XV1« AKRONDISSEMENT
Hoxns
Report ....
Marché d'AtUeuU
Fondation et démembrement de la paroisse
à*Auteuil
Place d'Auteuil (place d'Aguesseau)
Pont-viadac à'Auteuil, ou du Point-dn- Jour.
Quai â'Auteuil, autrefois chemin de halage .
Rue d'Auteuil (partie de la Grande-Rue, de
la rue Molière, de la route départementale
n» 30)
B
Ancienne me du Bac (voir rue Van-Loo). . .
Ancienne rue du Banquet (voir rue Galilée).
Ancienne congrégation des Bamabites . . .
Rue de Bassano (ruelle des Jardins) ; la lon-
gueur indiquée ci-contre est celle comprise
dans le XVl*^ arrondissement
Ancienne rue Basse (voir rue Raynouard) . .
Ancienne rue Basse-Saint-Pierre(yoitTVLede
la Manutentioik
Ancien rond-point des Bassins (voir place
Victor-Hugo)
Ancienne rue des Bassins (yotr rue Auguste-
Vacquerie et rue Copernic)
Rue Bastien-Lepage (villa Michel-Ange). . .
Ancienne rue des Batailles (voir avenue dléna) .
Rue des Bauches (sentier des Rauches) . . .
Boulevard fi;au<^;(nir
Villa Beauséjour
Rue Beethoven (rue de la Montagne, partie de
la ronte départementale n° 2)
Ancienne rue du Bel- Air (voir rue Lauriston).
Cité des Belles- Feuilles
Rue des Belles -Feuilles (rue des Biches, entre
les avenues Victor- Hugo et Bugeaud) . . .
Ancienne rue de Bellevue (voir rue Chalgrin
et rue de Traktir
Rue BeUini (rue de la Planchette)
Rue de Belloy . .*
Ancienne rue Benoit (voir rue de Musset). .
Rue Benjamin-Godard (chemin, puis rue de
la Galiote)
Rue Bénouville (rue Chabrol)
Hameau Béranger
Ancienne place Béranger (voir place de Passy ).
Rue Berlioz I .
Rue Berton (rue de Seine, pour la partie
aboutissant an quai de Passv)
(et rue du Roc pour la partie aboutissant à
la rue Raynouard et presque parallèle à
cette rue)
Ancienne rue des Biches (voir rue des Belles-
Feuilles)
Rue de Billancourt (chemin du Point-du-Jour
à Billancourt
Ancienne place de BUche (voir place des Etats-
Unis)
A reporter . .
Largeur
légale
»
30"^
43,15 et 20
42
»
»
43
>
42
»
8
42
»
45
»
40
»
7
42
»
30
40
>
>
40
8
6
»
40
»
Longueur
2.334-
490
4.635
732
»
290
»
»
52
200
650
»
447
640
47
»
472
272
»
40
98
»
440
445
»
330
8.3^24
m
Pages
248.
6,496.
474 à 476, 464
247, 369. 385.
498, 499.
468 à 474, 387. 445, 446,
464.
»
45.
454.
447.
222
43. 32. 439, 344.
427.
447 à 449.
449, 387.
7, 44, 36, 37, 344 à 343,
448.
443.
98, 99.
86.
452.
456, 206.
427.
482.
464.
50, 54 .
494.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. 5o5
noms
Report
Rue Bizet (ruelle des Toorni^oels et rue des
Blanchisseases pour la partie qui est com-
prise entre l'aYeniie Marceau et la rue de
Chaillot), dont la largeur est de
entre la nie de Chaillot et ravenoe d'Iéna,
la largeur est de
Ancienne m^ Blanche (voir rue Greuie). . .
Ancienne me des Blanchisseuses (voir rue
Bizet)
Rue Bkmchon (villas Saint-AUais, Bamboul,
Exelmans)
Hameau Boileau (ensemble de voies privées,
dont chacune fifpare à Tindex)
Impasse Boileau (impasse des Pauvres) . . .
WlhBoiUau
Rue Boileau (chemin, puis rue des Garen-
ne»)
Quai des Bonshommes (voir quai Debilly) . .
Ancien couvent des Bonshommes
Ancienne rue des Bornes (voir rue des Sa-
blons et rue Girtambert)
Bois de Boulogne
Avenue du Bois-de-Boulogne (avenue de Tlm-
pératrice, avenue Uhrich) ; la largeur est de
40 mètres sur 90 mètres à partir de la
place de TEtoile
Fondation de la parobse de Boulogne-sur-
Seine, en 4349
Rue du Bois-de-Boulogne
Square du Bois-^- Boulogne
Rue Bois-le-Vent (rue de la Paroisse et, pour
une partie, rue des Vignes)
Ancienne rue neuve Bois-le-Vent (voir rue
rue Talma)
Rue Boissiêre (rue de la Groix-Boissière pour
la partie comprise entre la place dléna et
Favenue Kléber)
pour le surplus de la rue Boissiêre, la lar-
geur est de
Ancien couvent des Bonshommes (Minimes)
Ancien quai des Bonshommes (voir quai
Debilly)
Ancienne rue Bonvin (voir rue François-
Bonvin)
Rue Bosio (villa Gaprice)
Ancienne rue des Bouchers (voir rue Ciial-
grin)
Avenue Boudon
Avenue Boufflers hiïïtL Montmorency). . . .
Château des Boufflers
Ancienne rue de Bouille (voir rue Duban) . .
Ancienne avenue de Boulainvilliers (voir rue
de Boulainvilliers)
Ancien château de Bon lainvilliers (voir château
seigneurial de Passy)
I/argeur
légale
Gté de Boulainvilliers
A reporter
40
12
»
»
42
m
5«,50
»
8
»
»
420
»
40
8
8
46
42
42
»
9
»
»
»
8
Longueur
8.324»
300
244
486
>
975
».
»
4.300
»
60
400
270
750
»
85
425
472
»
»
250
43.408°»
Pages
84, 82, 439.
84.
487.
483.
487:
485.
421, 483 à 487, 445, 473,
476.
7,44,45,258.
5, 447 à 420, 227, 440 et s.
420 à 422, 443, 446.
6, 496.
464.
464.
48.
73, 74, 88.
7, 43, 44, 65. 258, 263,
278, 448, 449.
»
»
223.
207.
205.
468, 493, 248, 446, 480 à
489.
46à 49,37,404. 402,409,
445, 284 à 287.
403, 404.
5o6
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
noms
Report ....
Rue de Boulainvilliers (avenue de BoolaioTiU
liera entre le quai et le rond-poiot ; partie
de la roate départementale n^ 40)
Ancienne rue de BoulainidUiers (voir rue
Nicole)
Rue dn Baiiquet^^Longchamp
Rae de Brignole
ÀTenae Bugeaud
Rue Bugeaud
Ancien chemin dn Calwnre{yù\r medoRane-
lagh)
Ancienne rilla Caprice (foir me Bosio) . . .
Impasse des Carrières
Ancienne me des Carrièret (foir me Nicolo
et rae Vital)
Ancienne rae Chabrol (voir rae BénouTilte) .
Ancien bouleyard de Chaillot (Toir tTenoe
dléna)
Ancien quai de Chaillot (voir quai DebiUy) .
Rue de Chaillot
Ancien village de Chaillot
Ancienne impasse de la Chaise (voir impasse
Mozart)
Avenue des Chalets
Rue Chalgrin(rfxt de Bellevue, rae des Bou-
chers)
Rue Chamfort (sente de la Petite-Fontaine) .
Avenue des Champs-Elysées
Rue Chanez (avenue de TAlma)
Rue Chapu (rae Maxime)
Rue Chardin
Maison de retraite Chardon-Lagache ....
Rue Chardon-Lagache (sente des Tas-deCail-
loux, rae de la Municipalité, rue du Point-
du-Jour)
Ancienne avenue Charles-X (voir avenue
Victor-Hugo)
Ancien rond-pomt Charles-X (voir place Victor-
Hugo)
Ancienne rae du Chàteau-des-Fleurs (voir
rue de Bassano)
Chaussée de la Muette
Chaussée du pont de Grenelle (voir Gre-
nelle)
Chemins de fer et stations de la Compagnie
de r Ouest
Largeur
légale
42«
»
40
42
45
42
»
>
4
»
»
»
de 40 k 42
»
»
6
8
42
>
42
40
Long:a6ur
43.408~
20
44»,50
Ancienne rae du Chemin-^de-la-Croix (voir
rae Eugène-Delacroix)
Ancienne rue du Chemin-de-Versailles (jo\t
rae Galilée)
Ancien chemin de la Chenille (voir rae du
Ranelagh)
A reporter . .
»
»
820
448
60
542
88
»
»
32
»
950
340
P«g6S
46, 49, 39, 48, 404 à 403,
409,443,494.
»
86.
459.
88, 95, 96.
464.
»
32.
84.
»
»
»
»
54.
490
29à32, 315, 448, 430.
»
6, 44, 26. 27, 233, 257.
»
»
400
465.
273
86, 87.
27
220 à 222.
>
74, 75.
280
206, 387.
68
224.
440
458.
»
246,346.
80, 489, 214, 244 à 247.
476.477.495.
47.436«
64. 315.
27, 54, 58, 64, 62. 402,
442,447 à 449, 426,434.
43!l, 445, 446, 462, 463,
466, 204, 205, 247, 248,
226, 228, 449.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC, Boj
If Oins
Report , . •
Passage Cheyssan
Ancienne roe Christine (voir me Léonard-de-
Vind)
Rue Cimarosa (rne Saint-André)
Cimetières (voir cimetière d'Anteaiiet cime-
tières de Passy)
Ancienne allée da Cimetière (yoir rae Claude-
Lorrain)
Ancienne nie Circultnre (voir rae de Près-
bourg)
Rue de Civry
ïine Claude-Chahu
Rue Claude-Lorrain (allée du cimetière, puis
rue et ayenue des Qos), entre la rue Char-
don-Lagache et la rue Boileau
pour le surplus de la me
Ancienne rue et avenue des Clos (voir rue
Claude-Lorrain)
Ancien faubourg delà Ctm/!ifr^ce( voir village
de ChaiUot)
Rne Copernic (me des Bassins)
Château dnCoq
Impasse Corneille
Rue Corot
Chapelle de la rue Cortambert
Rue Cortambert (d*abord me des Bornes,
entre Favenue Henri-Martin et la rae Schef-
fer), avec largeur de
me Saint-Hippolyte (entre lame Schefferet
la place Possoz) avec largeur de
ensuite rue des Sablons
Temple de la me Cortambert
Passade Cothenet
Rue Cremux
Ancienne me de la Croix (voir rae Decamps).
Ancienne impasse de la Croix-Boissière (sup-
primée par Favenue d*Iéna)
Ancienne rae de la Croix-Boissière (voir rue
Boissière)
Ancien carrefour de la Croix-Vineuse {lok
carrefour de Passy)
Ancienne rae Cuissard (voir me Félicien-
David)
Rue de la Cure
Ruelle de la Cure
Rue Dangeau (sente de la Petite-Fontaine)
Rue Daumier
Ancienne avenue Dauphine (voir avenue Bu-
geand)
Ancienne rae David (voir rae Louis-David). .
Rue Davioud (raelle Saint-Pol ou du fief
Saint-Pol, puis rue des Fortes-Terres,
ensuite me de la Glacière, enfin rue Pajou)
entre les raes Mozart et du Ranelagh. . .
pour le surplus de la rae
Ancienne rae du Débarcadère (voir
Poussin)
A reporter
rae
Largeur
légale
5»
»
8 et 42°»
»
12
iO
8
42
»
42
»
42
»
40
42
»
>
42
»
»
»
6
4-.50
42
42
42
8
Longueur
47.436°»
440
440
230
95
335
390
»
62
405
540
420
420
»
448
30
90
98
270
20.259»
Pages
223.
88,96.
244,242,346.
166,344.
202.
44.
88, 96, 97.
468, 469, 445, 459, 484.
483.
249.
407.
406, 407, 424, 444.
406.
444, 426.
464.
440.
>
36.
»
495, 497,
497, 224.
224
222
»
55
5o8
Hlf^TOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Noms
Repari ....
Ancienne rue Debelleyme (voir me Leroux) .
Passerelle Debilly
Quai Ikbilly (qaai des Bonshommes, grande
route n<* 40 de Paris à Bordeaux, quai de
la Savonnerie, quai de Chaillot)
Rue Détrousse
Rue Decamps (rue de la Croix)
Rue Delaroche (rue Saint-Georges) ....
Boulevard Delessert (a remplacé la rue Benja-
min-Delessert et une parlie de la rue
Beethoven)
•
Ancienne rue de la Demi-Lune (voir rue
Gudin) ,
Musée Dennery
Rue Désaugiers
Rue DesbordeS'Valmore (rue Noire-Dame) .
Passage Dietz^Monnin
Rue da Docteur-Blanche (sente, puis rue des
"* Fontis)
Rne da Dôme
Couvent des Dominicaines d*Anteuil (Hôtel
Ghoiseal-Preslin)
Rne DonizeUi (me de Montmorency). . . .
Rue Dosne
Rue Duban (me du Marché, puis me de
BonUlé)
Rne Dufrénoy (me du Puits- Artésien) . . .
Rue Dul?Km^a(/^vt//e (remplace le chemin de
mnde de TEtoile et une partie de Tancien
boulevard de Passy)
Villa Dupont (cité Dupont)
Rue Duret (me de la Pompe)
Eaux minérales d*Anteuil
Eaux minérales de Passy (voir Pussy) ....
Passage des Eaux (melle oies Eaux, puis pas-
sage des Anciennes-Eaux)
Ecoles chrétiennes (voir Frères)
Ecole Jean-Baptiste-Say (voir Say)
Ecole normale d'Auteuil
Ecole normale israélite orientale
Rue Edmond-About
Eglises dn XVI« arrondissement (voir Notre-
Dame d*Aoteuil, Notre-Dame-de-GrAce de
Pannr, Saint-Honoréni'Eylaa et Saint-Pierre
de Chaillot)
Ancienne me de V Eglise (voir me de 1* Annon-
ciation)
Ancienne me de YEgout (voir me Téniers) .
Boulevard Emile-Augier
Passage Emile-Meyer
Ancienne avenue (fe V Empereur (voir avenues
dn Trocadéro et Henri-Blartin)
Raed*£r/an^^
Avenue de V Ermitage
Place des Etats-Unis (me de Juigné, place
Galilée, place de Bitche)
A reporter • ....
Largeur
légale
27«
10
10
30
»
»
6
iO
5
9«»,85
»
15
8»,85
10
12
12
4
12
Longueur
20.559»
»
120
1.230
84
560
42
250
2
»
12
>
7«»,85
5
12
7
55
»
31
290
100
530
105
»
95
134
153
300
368
190
310
»
210
»
»
»
80
»
. . .».
640
100
»
970
140 .
. . 60
27.351"»
Pages
52, 53.
51à 53,371,419,431
155.
67 à 79, 315.
124, 125.
7,114,157,158,315.349,
350.
121.
194,' 195, 478.
115. 124, 125.
223.
220, 221 .
96.
219.
205. 206, 218.
101.
115. 316.
126, 127.
143, 145, 325.
122.
57.
195.
»
50, 315, 364 à 366.
»
172. 187. 188, 214.
170. 460.
163.
45.
123. 163.
223.
168,211.387.
217.
30, 152.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. 5og
Noms
Repart ....
Place de VKtoile (Etoile de Chaillot, puis rond-
point de Neuilly)
Roe Eugène-Delacroix (rue du Chemin-de-la-
Croix)
Roe Eugène-Lahiche
Villa Eugénie (?oir villa du Redan)
BonleYara Exelmans (entre la rue d*Âuteuil et
ravenne de Versailles)
pour le surplus du boulevard
Impasse Exelmans
Ancienne villa Exelmans (voir rue Blan-
chon)
Avenue d* £v2au (avenue du Prince-Impérial),
jnsqu*à 98 mètres de distflnce de la place
du Trocadéro
pour le surplus de Tavenue
Ancienne avenue A'Eylau (voir avenue Victor-
Hugo)
Villa à'Eylau •
Rue de la Faisanderie (rue de 1* Ancienne-Fai-
sanderie)
Rue FamUn-Hélie (rue Sainte-Qaire) . . .
^ne Félicien-David (chemin et rue des Pâtures,
chemin et rue de la Prairie, ensuite rue
Cuissard, puis rue Hérold)
Gté Félix
Ancienne roe dn Fie f- Saint- Pol(\oïrrw Da-
vioud)
Boulevard Flandrin (boulevard latéral au
chemin de fer d'Autçuil)
Ancien boulevard Flandrin prolongé (voir
boulevard Emile-Augier)
Fleuriste de la Muette
Ancienne rue de la Fontaine, à Auteuil (voir
rue La Fontaine)
Ancienne rue de la Fontaine, à Passy (voir
rue Lekain)
Ancienne sente de la Fontaine (voir rue
Raffet)
Ancienne rue des Fontis (voir rue du Docteur-
Blanche)
Ancienne me des Fortes-Terres (soir rue Da-
vioud)
Fortifications de Paris
Ancienne sente du Four (voir rue Raffet) . .
Rue Foucault
Rue Francisque- Sarcey (voie nouvelle) . . .
Rue François- Banvin (voir rue François-Millet)
Rue François-Gérard (rue des Planchettes),
entre la rue Chardon - Lagache et la rue
d'Auteuil
pour le surplus de la rue
Rue françois-Millet (rue Richard- WaUace,
puis rue François-Bon vin)
Ancienne rue François^Mitlet (voir rue An-
toine-Roucher)
A reportdr . .
Largeur
légale
rayon de
1Ï0",43
S'-
il
»
4i
60
10
36
i6
»
8
42
iO
8
3",75
»
12
»
12
8
12
Longueur
27.351»
160
115
»
1.205
42
300
»
65
795
121
450
22
820
280
92
31 . 883"»
Pages
74 à 78, 422. 330,
405, 407, 413.
67 à 69.
163.
80, 187, 217, 218.
224.
158.
458.
90.
141,112.
124, 125.
199, 200.
57.
55.
426.
423.
136,' 163, 389, 412.
»
» • •
»
221.
65
112, 413, 203,229, 2J0
155. 156.
166.
»
»
200, 201
22a, 224.
I
5io
HISTOIRE DU XVI® ARRONDISSEMENT
noms
Report
Ancienne me des Francs-Bourgeois (Toir rue
Raynonard)
Rae Pranklin (rue Neuve-des -Minimes) . . .
Rne de Franqueville / * * *
Pensionnat des Frères des écoles chrétiennes à
Passy (ancien hôtel de Valentinois) ....
Rue Fresnel
Rue de Freycinet (passage de laPompe-à-feu
entre l'ayenae dnlrocadéro et la rae Pierre-
Charron, imnasse des RéserToirs entre la
rae Pierre-(3iarron et TaTenoe d*Iéna) . .
Avenne de la Frillière
Place Galilée (voir place des États-Unis) . .
Rue Galilée (rae du Qiemin-de -Versailles, rae
du Banquet), dans le XVI" arrondissement.
Ancienne rae ne la Galioie (voir rae Benjamin-
Godard)
Musée Galliéra
Rue Galliéra
Ancienne rae des Garennes (voir rae Boi-
leau)
Rue Gaston^^'Saint-Paul
Rue Gavami (rae des Artistes)
Rue du Général' Appert (rae Appert). . . .
Génovéfainn d'Auteuil Orovt SainteGeneyiève)
Rue George-Sand (précédemment avenue Bou-
don, entre cette aTenue et la rae La Fon-
taine, arenne Heymés entre les raes i4i
Fontaine et Mozart^
Rne Géricault (rae des Arts)
Rue Girodet
Ancienne rae delà Glacière{jo\rmB Datioud).
Avenue de la Grande-Armée (grande-roule
n° 43 de Paris à Gherbouiv, avenue de
Neuilly, avenue de la Porte-Maillot). . . .
Rue des Grandes-Papeteries
Ancienne Grande-Rue (voir rae d*Antenil ou
rae de Passy)
Ghaussée du pont de Grenelle
Pont de Grenelle
Rue Greuze (rae Blanche), entro la rae des
Sablons et la rae Decamps
pour le surplus de la rue
Rne Gros (faisait autrefois partie de la rue La
Fontaine)
Rue Gudin (rue de la Demi-Lune)
Roe Gu^tom (supprimée par Tavenue Kléber)
Villa Guibert
Rue Guichard
Rue Guillou
Musée Guimet
^w Gustai^-Courbet
Rue Gtistaue-Nadaud (avenue de la Petite-
Muette, la largeur de la partie ancienne est
de 8 mètres]
Rue Guy~de-Mavpassant
A reporter . .
Largeur
légale
»
H",70
42
»
42
43
42
»
42
9
42
»
42
42
42
Longueur
34.883'
240
440
295
70
9°»,75
40
42
40
42
40
»
»
40
8"»,30
»
42
40
42
320
440
680
»
436
404
400
240
342
90
55
790
49
»
54
290
384
310
450
»
400
230
470
85
90
Pages
37.344™
37.
95i 43, 44.
463.
42, 409.
457.
450, 454, 345.
223.
404, 405.
459 4 164.
459.
483.
54.
34, 407.
446.
»
207.
205.
248.
»
80.
224.
32, 37.
494.
104, 494, 368.
444.
479, 482.
203.
443.
67.
34, 424.
51.
444, 442.
464.
58, 463, 444.
463.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. 5 11
Ifoms
Beport ....
Rue Hamelin
Ancienne rue Haute (Toir rue Raynouard) . .
Ancienne rae Hébert (voir rae Keppler) . . .
Rue Henri-Heine
Afenue Henri-Martin (avenue de l'Empereur,
près avenue du Trocadéro)
Ancienne rue à^HérivauU (voir rue deMagde-
bourg)
Ancienne rue Hérold (voir rue Félicien-David).
Rue Herran
Villa Herran
Ancienne avenue Heymès (voir rue George-
Sand)
Ancienne place de VHippodrome (voir place
Victor-Hugo)
Œuvre de ïHospitaliié du Travail
Ancienne rue Houdon (voir rue des Vignes) .
Avenue d 'i^na (rue des Batailles et boulevard
de Chaillot)
Place d7^na
Pont d'iéna (s*est appelé pont des Invalides,
del81ià4830)
Ancienne rue à*léna (voir rue de Musset) . .
Ancienne avenue de VImpératrice(yo\r avenue
du Boîs-de-Boulogne)
Avenue Ingres (boulevard Rossinij
Rue Jsahey
Lycée Janson-de-Sailty
Ancienne impasse des Jardins (voir rue de
Bassano)
Rue /<umm (partie de la sente de la Glacière,
puis rue de la Cure)
Ecole Jean-Baptiste-Say (voir Say)
Knt Jean-Botogne (rue Neuve-de-rEglise),
partie latérale à 1 église
pour le surplus de la rue
Avenue Jean-ihllfus
Ancienne avenue Joséphine (voir avenue Mar-
ceau)
Impasse Jouvenet (impasse de la Réunion) .
Rue Jouvenet (rue de la Réunion)
Ancienne rue de Juigné (supprimée par la
création de la place des Etats-Unis). . . .
Avenue Jules-Janin
Boulevard Jules-Sandeau
Rue Keppler (rue Hébert, rue Sainte-Périne,
rue Sainte-Geneviève). .
Avenue Kléber (avenue du Roi-de-Rome), rem-
place le boulevard de Longchamp et la plus
grande partie du boulevaiâ de Passy . . .
A reporter . .
Largeur
légale
12"
12
40
>
12
6
36
6
14
30
12
12
»
10
8
7
»
8
8
»
7
10
10
36
Longueur
37.344»
315
285
1.313
135
100
1.185
100
157
»
420
54
235
»
160
14
25
368
158
342
Page»
108
1.135
43.953»
151, 152.
37,
»
223.
129à 137, 144,318,387,426.
»
154.
154.
207.
190.
13, 129, 138 à 142.
141.
51, 52, 367, 370.
146 à 150. 387. 389, 441
218.
58 à 61, 227, 380.
195, 197.
36, 47. 48.
223.
192.
191, 192.
165.
163.
85.
73, 74, 129, 142 à 144.315.
324.
5l2
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
Homs
Report
Hameau La Fontaiyie
Rue La tontaine (partie de la route départe-
mentale n<» 29 ; — rue de la Fontaine ;~
me de la Tuilerie entre la rue Boulainvil-
liers et la rue Gros)
entre la rue Boulainvilliers et la rue Gros .
entre la rue Gros et la rue PierreGuériu .
entrela rue Pierre-Guérin et la rue d*Auteuil
Rue Lab
Square Lamartine
KneLancret (impasse ou passage des Miracles)
Boule?ard Latines (rue militaire)
Rue Lapérouie (un des côtés remplace une
partie deTancien bonlevanide Passy). . .
Rue Largillière
Rue Laurent'Pichat (partie de la rue Leroux) .
Rue Lauriston (chemin, puis rue du Bel-Âir).
Kue Lecontede-Lisle
Ancienne rue Lefuel (Toir rue de Sontay) . .
Rue Lekain (me de la Fontaine)
Rue Le Marais (chemin du vieux pont de
Sèvres)
Rue Le Nôtre
Rue Léo-Delibes
Rue L^narc{-d«-Ktnct (rue Christioe). . . .
Rue Léonce-Reynaud
Rue Leroux (me Debelleymc)
Rue Lesueur (me Saint-Ange)
Roulevard extérieur de Longchamp (remplacé
par l'avenue Kléber)
Abbaye de Longchamp
Rond-point de Longchamp, 25"^ de rayon . .
Rue de Longchamp
Villa de Lon^c/iamp (me Rigaud)
Rue Louis-David (rue des Toumelles, rue Da-
vid)
Rue de Lota
Rue de Lubeck
Lycées (voir Janson et Molière)
Rue de Uaqdehourg (ruelle d*Héricourt et
chemin Samte-Marie)
Ancienne me de Magenta (voir me Pierrc-
Guérin)
Anciennes Mairies (voir Auteuil et Passy) . .
Mairie du XV J* arrondissement. . . '. . .
Ancienne place de la Mairie (voir place de
Passy)
Avenue de Malakoff (avenue de Saint-Denis,
partie de la route départementale n° i9) .
Impasse de Malakoff
Société Malézietix
Manutention militaire
Passerelle de la Manutention (voir passerelle
Debilly
Rue de la Manutention
A reporter . .
Largeur
légale
»
10
20
12
40
10
variable
12
12
10
10
U
»
8
10
15
12
10
12
12
10
»
12
,50
9
12
13
»
12
»
23™,50
5
»
Longueur
43.933'»
962
228
105
62
1.920
408
66
140
1.012
192
»
95
300
100
135
276
130
220
250
»
»
1.540
103
195
70
490
120
>
»
1.493
150
. »
»
54.717'»
Pages
182.
179 à 182.
166.
100. 137, 437.
192.
112! 113, 420.
143, 145. 146.
154, 388.
115
88, 96, 1 44.
216, 224.
111, 315.
202.
7, 155. 314.
164.
115.
164.
114.
88, 89.
82.
88, 89.
82. 83, 88, 415.
154.
70, 71.
165.
84, 85, 314.
»
13, 84.
58. 131, 187.
35.
94.
145.
67, 69.
54.
»
83.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. 5l3
Ifoms
Report ....
Ancien nom de rue Marat (Yoir rue de
Pdssy)
Rue Marteau
Avenue Marceau (avenue Joséphine) ....
Ancienne me du Marché (voir rue Duban) . .
Marchés du XVI" arrondissement (voir Au-
teuil, Passy et Saint-Didier)
Rue des Marronniers
Ancienne rue Maxime (voir rue Chapu) . . .
Ancien village des Menvls (Boulogne -sur*
Seine)
Rue Mérimée
Ancienne rue Mérodée, ou Merderée, ou Mer-
deret (voir rue Verderet)
Rue Mesnil
Chemin de fer Métropolitain de Paris. . . .
Rue Michel-Ange
Villa Michel-Ange (voir rue Bastion- Lepage) .
VWhMichon
Rue Mignard^rw Spontini, rue Neuve-du-
Puits-Artésien)
^utMignet
Ancienne rue Militaire (voir boulevards Lan-
nes, Suchet et Murât)
Ancienne rue ^euve-des-Minimes (voir rue
Franklin)
Pont Mirabeau
hviB Mirabeau
Ancienne impasse des Miracles (voir' rue Lan-
cret) ! . . , .
Rue de la Mission-Marchand
Ancien chemin des Moines (voir rue de la
Tour)
Avenue Molière
Lycée Molière
Ancienne rue Molière (voir rue d'Auteuil et
rue Rémosat)
Rue et porte Molitor ',
Villa Molitor
Ancienne rue de la Montagne : à Auteuil (voir
rue Wilhem)
à Passy (voir rue Beethoven)
Ancien carrefour de la Montagne (voir carre-
four de Passy)
Avenue Moîitespan
Avenue de Montmorency
Boulevard de Montmorency
Ancienne rue de Montmarewy (voir rue
Donizetti)
Villa If^m^mdreMCj/ (ensemble de voies privées
dont chacune figure à Tindex)
Ancienne me Morny (voir rue Pierre-Char-
ron) ....
Ancienne impasse des Moulins (voir rue Pé-
trarque)
Ancienne rue du Moulin, ou des Moulins
(voir rue de l'Annonciation ou Schelfer). .
Ancienne rue du MouUn-de- la-Tour (voir rue
de la Tour)
A reparler . .
Largeiir
léffale
»
40
40
>
»
8
»
»
8
»
40
>
20
»
42
40
42
»
20
20
»
12
«".es
>
»
20
8
»
7'",50
40
42
Longueur
54.717»
208
910
244
»
100
255
»
1.156
»
67
186
85
Pages
173
470
»
55
»
110
»
650
225
»
160
290
960
32.
123.
31, 129, 139.
»
113.
6, 7.
165, 166.
88, 105.
27, 78 à 80, 92, 135, 143,
159, 165. 226, 227
211.
164.
100, 144, 145.
216, 224.
214,368,491,495.
241, 214.
»
224.
183.
104, 202.
168, 174.
80, 211 à 214, 387,
214.
14, 36.
36.
127.
205.
205, 387, 490.
204, 205, 480, 484.
63.
60.986'^
^33
bi4
HISTOIRE DU XVI^ ARRONDISSEMENT
Noms
Report . .
Impasse Mozart (impasse de la Chaise) .
Rue Mozart
Villa Mozart
Château de la Muette
Chaussée de la Muette (voir Chaussée) ....
Pelouses de la Muette (voir Hanelagb). . . .
Villa Mulhouse (ensemble de voies privées
dont chacune figure à rindex|
Ancienne rue de la Municipalité (voir rue
Chardon-Lagache)
Boulevard Murât (partie de la voie militaire).
Passage Mural
Hue de Musset (rue d'féna, puis rue Denoit).
N
Rue ^arciise-Diax, (partie de la rue Wilhem).
Ancienne avenue de Neuitly (voir avenue de
la Grande- Armée)
Ancien rond-point de Neuittu (voir place de
rEtoile)
Ancienne rue Neuve-Boileau (voir rue Pierre-
Guérin)
Ancienne me Neuve-Bois-le-Vent (voir rue
Talma)
Ancienne rue Neuve-de-P Eglise (voir rue
Jean-Bologne)
Ancienne rue Nétwe-de-ta-Pelouse (voir rue
dmiigado)
Ancienne rue Neuve^du-Puits-Artésien (voir
rue Mignard). . . .'
Hue Newton .
Rue Nicoto entre la rue de la Pompe et la rue
Vital (anciennement rue Saint-Pierre) . . .
entre It me Vital et la rue de Passy (an-
ciennement me des (arriéres)
Village de Nigeon
Ancienne rue Nilson (voir rue Weher) . . .
Rue mtot
Ancienne rue Notre-Dame (voir me Desbordes-
Valmore)
Eglise Notre'Dame~d*Auieuit (voir église
d'Auteuil)
Eglise Notre-Dame-de-Grâcef à Passy. . . .
Oiû^We àe Notre- Dame-du'TrèS' Saint Sacre-
ment (voir (^apellc de lame Cortambert).
Rue d'Obligado (rue Neuve-de-la-Pclouse) .
Hue Octave-Feuillet
Hue Pajou (impasse Pajou)
Ancienne rue de la Paroisse (voir rue de
TAnnonciation)
Boulevard extérieur de Passy (supprimé par la
À reporter . .
Largeur
légale
12
variable.
3m
8
6
10
8
12
10
12
Longueur
60.986»
28
1.180
58
»
»
»
1.940
80
220
135
80
380
70
65.975™
Pages
154.
152 à 154. 228.
154, 224.
19 à 24,227, 295 à 298, 300
à 310,313,418, 431,443.
223.
203, 204.
204.
187, 192, 193.
179.
»
»
»
47.
»
»
»
96
109, 140, 417, 420.
540
110, 124, 385.
»
192
5, 7.
155, 442 et s.
»
»
15, 45 à 47, 282, 283, 284,
315.
86.
163.
55.
45.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUÉS, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. 5l5
Nomi
Report
création de Tayenae Klébcr et des mes
DnmoDt-d'Unrilie et Lapéroase)
Carrefour de Passy
Anciennes barrières de Passy
Anciennes carrières de Passy
Ancien chiteau seigoenrial de Passy (voir
château de Boulainvilliers)
Cimetières de Passy
Eaox minérales de Passy
Eglise de Passy (yoir Notre-Dame-de-Grâce) .
Anciennes mairies de Passy
Marché de Passy
Fondation de la paroisse de Passy
Société des terrains de la plaine de Passy
(yoir Société)
Passerelle de Passy
Place de Passy
Puits artésien de Passy
Qnai de Passy (grande route n° iO de Paris
à Rayonne par Versailleâ et Bordeaux, dite
route de Versailles)
Rue de Passy (rue qui conduit au bois de
Boulogne, puisGrande-Rue.pendantquelques
mois me Marat, et ensuite de nouveau
Grande-Rue
Rue des Pâtures
Ancienne rue des Pâtures (voir me Félicien-
Darid)
Rue Pauquet, entre la me Lapérouse et TaTo-
noeKléber
pour le surplus de la rue
Ancienne rue Pauquet-iU-Vitlejust (voir rue
de VUlejust) .•.••••
Ancienne impasse des Pauvres (voir impasse
Boileau)
Ancienne me de la Pelouse (voir me d*Obli-
gado et me de Saigon)
Place des Perchamps
Rue des Perchamps
Rue Pergoiése (faisait autrefois P^ie de la
me Spontlni,entre Tavenue du Bois-de-Bou-
logne et rarenue Malakotf, se nommait me
Perier entre TaTenue Malakoff et celle de la
Grande-Armée)
Ancienne rue Perier (voir me Pergolèse) . .
Avenue Perriclumt
Ancienne sente de la Petite-Fontaiiie (voir
rue Dangeau et rue Ghamfort)
Ancienne avenue de la Petite Muette (voir
me Gnstave-Nadaud)
Ancienne rue du Petit-Parc (voir me Spontini)
Rue Pétrarque (impasse des Moulins). . . .
Avenue des Peupliers
Dépôt des Phares
Rue Piccinni (faisait autrefois partie de la
me de VUlejust)
Rue Picot
Rue Pierre- Charron (rue de TUnion, rue
Moray)
A reporter . .
Largeur
légale
»
»
»
»
»
»
34-
»
iO
10
8
26
12
»
12
8
10
>
12
»
»
»
12
10
10
10
20
Longueur
65.975™
»
»
»
»
»
»
»
»
»
160
30
700
76
490
»
»
37
240
595
140
»
83
290
215
215
400
Pages
990 54.
70.636'»
142, 14*, 146, 146, 151.
36, 22.
54, 324 à 332.
26,26,34,135,143, 151.
71 à 73, 318.
15. 16, 50, 54.
34, 35, 36, 44.
36.
15 et d'autres aux annexes.
158, 159, 165, 368.
34, 35.
137,139,403, 438 à 440
32 à 34, 315, 334, 335,
338, 444.
119, 206.
97,98,142,147,420.
189.
188, 189,
88, 100, 101
222.
»
71.
205.
132, 133.
97.
101.
31, 115, 116.
5i6
HISTOIRE DU XVI« ARRONDISSEMENT
Noms
Repari
Rue Pierre^Ducreux
Hue Pierre-Guérin (sente, pais rue des Vignes,
me Nea?e-Boileaa, lue de Magenta), entre
la rae d'Auteuiietla place des Perchamps .
entre la place des Perchamps et la rue de la
Source
Ancien rond-point de la Plaine (voir place
Victor-Hugo)
Anciennerue de la Planchetle {voir rue Bellini)
Ancienne rue des Plancheiles (foir rue Fran-
çois-Gérard)
Ancienne rue du Poinl-duJour(\ù\£ rueCbar-
don-Lagache)
Viaduc du Poinl-du-Jour (?oir Auteuil). . .
Rue de Potnereu, . ."
Rue de la Pompe (partie de la route dépar-
tementale n<» iO), entre les arenues Henri-
Martin et Victor-Hugo
pour le surplus de la rue
Pompe à feu d'Auteuil
Pompe à feu de Chaillot
Ancien passage de la Pompe à feu (voir rue
de Freycinet)
Rue Pomard (nouvellement ouverte) ....
Pants du XVI* arrondissement (voir Aima,
Auteuil, Grenelle, léna, Debilly et Passy) .
Place P08SOZ
Rue Poussin (rue du Débarcadère)
Ancienne rue de la Prairie (voir rue Félicien-
. David) r . .
Rue de Pres^our^ (rue Circulaire)
Presbytère de Passy
Impasse des Prêtres
Ancien Prieuré de Saint-Martin-des-Champs .
Ancienne avenue du Prince-Impérial (voir
avenue d*Evlau)
Avenue Prudhon (faisait aul refuis partie de
la chaussée de la Muette)
Puits artésien de Passtf (voir Passy) ....
Ancienne rue du Puits-Artésien (voir rue
Dufrénoy)
Impasse Racine
Rue Raffet (sente de la Fontaine)
Ancienne rue de la Raison (voir me de TAn-
nonciatioo)
Avenue du Ranelagh
Bal du Ranelagh
Ancien boulevard du Ranelagh (voir avenue
Raphaël)
Pelouses du Ranelagh
Rue du Ranelagh (sentes de la Chenille et du
Calvaire), entre la rae Mozart et le boule-
vard Beauséjour . . .
pour le surplus de la riie
Avenue Raphaël (boulevard du Ranelagh). .
Rue Raynouard (Grande-Rue, ou ancienne
A reporter . .
Largeur
légale
8
»
»
12
do
12
35
15
»
4-.50
»
27»»,50
4'",40
12
27™, 50
»
»
12
H«,70
28
Longueur
70.636»
«
71
390
»
300
1.690
»
45
390
17?
120
»
190
45
367
190
1.135
523
Pages
76.267"»
224.
193, 194.
»
»
166
55 à 58, 315, 372 à 379.
190, 398, 403.
132. 150, 190, 396, 426 k
430.
150.
58.
125, 423.
205, 387.
78, 122, 139, 407 <
47, 48, 283, 362.
185.
6.
146 4 150,441.
183.
220.
45.
146 à 150.
24, 25,310,311
146, 227.
51, 104.
146 à 150, 441.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. BlJ
Xfoms
A reporter
GrandeRoe, Vieille-Rue, me Hante, rue qui
conduit à la Seigneurie, rue des Francs-
Bourgeois, et pendant longtemps rue Basse).
Villa du Bedan (TÎlla Eugénie) »
Rue de Rémtuat (faisait partie de Tancienne
Grande-Rue d'Autenil, pois de l'ancienne
rue Molière)
Ancienne impasse des Réservoirs (voir rue
de Bassano et rue de Frevcinet)
Rèserroir de Passy (grand)
Rue des Réservoirs
Ancienne impasse de la Réunion (voir impasse
JouTenet)
Ancienne rue de la Réunion (voir rue Joure-
net)
Villa de la Réunion
Rue Ribéra (rue de la Croix)
Ancienne rue Richard- Wallace (yoir rue Fran-
çob-Millet)
Ancienne rue Ai(/atMi(ToirTillade Longcbamp)
Ancienne rue du Roc (voir rue Berton). . . .
Palais do Roi de Rome
Ancienne avenue du Roi-de-Rome (voir
avenue Kléber)
Ancienne place du Roi--de-Rome (voir place
du Trocadéro)
Ancien boulevard AoMmt (voir avenue Ingres).
Fondation Rossini
Orphelinat de l'abbé Roussel
Routes départementales
Rue Rude
S
Rue des Sablons (rue des Bornes)
Villa 5aîd
Rue de «Sa^on (nie de la Pelouse)
Ancienne rue Saint-André (voir rue Cima-
rosa)
Ancienne me'Saint-Ange (voir rue Le Sueur).
Ancienne avenue de Saint- Cloud (voir avenue
Victor-Hugo)
Ancien rond-point de Saint-Ctoud (voir place
Victor-Hugo)
Ancienne avenue de Saint-Denis (voir avenue
Malakoff)
Marché Saint-Didier
Rue Saint Didier, entre les avenues Malakoff
et Victor-Huco (la partie comprise entre
les avenues Kléber et Malakoff se nommait
autrefois rue du Télégraphe)
pour le surplus de la rue
Ancienne rue Sainte-Claire (voir me Faustin-
Hélie
Abbaye de Sainte-Geneviève et ancienne mai-
son seigneuriale des abbés de Sainte-Gene-
viève
Report
8«
6™,30
20
»
»
8
8
»
Longueur
76,267»
880
437
243
>
184
»
»
»
»
10
^0
7"»,.')0
10
»
»
10
9™.7r5
230
247
»
»
70
390
200
100
615
Pages
15, 16, 37 à 43, 315, 343»
351, 357, 360 à 362,
123.
172, 178, 179.
151
396,' 402.
71.
217.
189.
50.
134, 430 et s.
217.
182.
107. 109.
123.
88,105,106,144,318.
122.
87.
79.563™
100,
99, 100, 144.
6, 14, 26, 168, 178, 201,
212, 244 à- 247, 257,280,
448, 491.
5i8
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Noms
Repart ....
Ancïennerue Sainte-Geneviève jkXntmi (foir
roe Wilhem)
Ancienne rne Sainte-Geneviève, à Cbûllot
(voir rue Keppler)
Ancien rond-point Sainte-Marie (voir place
da Trocadéro)
Ancienne rue Sainte^Marie (voir rue de Mag-
deboarg)
Institution do Sainte-Périne
Ancienne rue Sainte-Périne (voir rue Kep-
pler). ....
Ancienne rue Saint-Georges (voir rue Dela-
roche)
Ancienne me SainUHippolyte (voir me des
Sablons et me Cortambeft)
Eglise Saint'Honoré-d'Eylau
Eglise Saint' Pierre-de-Ckaillot
Ancienne me Saint- Pierre (Yoir rue Nicolo).
Avenue Saint-Philibert
Ancienne melle Saint-Pot (voir me Da-
vioud)
Salle Hnmbert-de-Romans
Rae Francisque-5arc^ (nouvelle)
Manufacture de la Savonnerie .......
Ancien quai de la Savonnerie (voir quai De-
billy)
École Jean-Baptiste-Sa^
Rue Scheffer (rue du Moulin ou des Moulins),
entre les rues Vineuse et Bellini
pour le surplus de la rue
Villa Scheffer
Asile Schiïizzi
Ancienne me c qui conduit à la. Seigneurie »
(voir rue Raynouard)
Ancienne me de Seine, à Auteuil (voir me
Wilhem)
Ancienne rue de Seine à Passy (voir me Ber-
ton)
Rue de Siam
Rue Singer
Rne de S fax (rue Vaudoyer)
Société des maisons ouvrières de Passy et
d*Auteuil
Société des terrains de la plaine de Passy . .
Largeur
léffftle
Société foncière lyonnaise
Société Thome
Rue de Sontay(rue Lefuel)
Villa Souchier, largeur entre les clôtures des
jardinets
Rue de la Source (sente des Vignes) ....
Rue Sfontini (rae du Petit-Parc)
Villa Spontini
Boulevard Suchet (partie de la rue Mili-
taire)
Avenue des Sycomores
A reparler . .
»
»
»
»
8
iO
»
»
9»,75
»
»
»
15 ^
8
10
8
variable.
10
Longueur
79.563»
»
110
»
505
165
525
83
»
»
153
108
330
680
50
1.725
350
Pages
84.
85, 139, 169, 178, 246,
217,257,450.
93, 94.
6, 29, 30, 334.
113, 114.
100.
166.
13, 51, 257.
171, 172,187, 214, 273 à
277. 462,
69. 70.
70.
212.
50.
58, 165.
42, 109.
164.
223.
88, 89, 91, 92, 99, 100,
106. 114.
164.
84,85, 116,130,139,140,
150 à 152.
165.
69.
195.
88, 101.
101, 164.
112, 113, 203, 4i0,
205.
84.349«
INDEX ALPHABÉTIQUE DES RUES, BOULEVARDS, AVENUES, MONUMENTS, ETC. BlÇ)
Xfomt
Hepori
Rue Talma (me Neove-Bois-ie-Vent) ....
Ancien chemin da Tas-de-Cailhux (loir rae
Chardon-Lagtehe)
Ancienne rae da lélégraphe (foir rae Saint-
Didier)
Temple protestant (voir rae Cortambert). . .
Roe Téniers (sente, pais rae de l'Egoat) . .
Théâtre Rossini
Rue ThéophiU'Gautier (partie de la rae du
Point-du-Jonr)
Roe Tkéry
Fondation Thiers
Ancienne rae des Thierrées (voir rae de l'An-
nonciation)
Avenue des Tilleuls
Ancienne rae des lombereaux (voir rae de
l'Assomption)
Rue de la Tour (chemin des Moines, puis rae
dn Moolin-de-la-Tour)
Villa de la Tour^ largear entre les clôtures
des jardinets
Ancienne rae des Toumelles
Ancienne nielle des Tourniquets (voir rae Rizet)
Rue de Trakiir (rae de Bellevue)
Ancienne impasse 7rt6au(e( (voir rue Greuze).
Avenue da Trocad^ro (avenue de rEmpereur).
Parc du Trocadéro
Palais du Trocadéto
Place du Trocadéro (rond-point de Sainte-Ma-
rie, ensuite place du Roinde-Rome), rayon de
Ancien château de la Tuilerie
Ancienne rae de la Tuilerie (voir rae La Fon-
taine)
Ancienne rae de V Union (voir rae Pierre-
Charron)
Union d'assistance du XV1° arrondissement.
Ancienne avenue Uhrich (voir avenue du Bois-
de-Boulogne)
Rue Van-Loo (rue du Bac)
Rue de Varize
Ancienne rae Yaudoyer (voir rue de Sfax). .
Rue Verderet (rae ifêrodée, rae Merderée, rae
Merderet)
Rue des Vernis, supprimée par la création de
Tavenue du Bois-de-Boulogne
Avenue de Versailles (route de Versailles,
partie de la grande route de Paris à Rayonne
par Versailles, Tours et Bordeaux) ....
Avenue Victor-Hi^o (avenue Charles-X, ave-
nue de Saint- Cloud, partie de la route dépar-
tementale n^ 64, avenue d*Eylau)
Place Victor- Hugo (rond-point Charles- X, de
Largeur
8
m
»
»
20
12
10
variable.
4™
»
8
»
40
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»
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8
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36
Longueur
84.349"
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»
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»
550
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»
1.245
68
»
50
910
»
130
300
»
50
2.185
1.765
Pages
111
106.
197.
66.
172. 177, 219, 220.
155.
99.
•♦ t
■•> <
205.
62 à 66, 315, 382, 385, 387.
156, 157.
»
87.
129 à 135, 435.
134, 135, 315.
134, 135, 315, 322, 323.
134, 135, 433, 436.
181, 201, 202.
179 à 182.
190.
197.
211, 212.
164.
189.
121.
16. 189, 190. 479.
89 à 91. 144,407.
92.640»
520.
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Noms
Report ....
Saint-Cloud, des Bassins, de la Plaine, de
mippodrome, d*Eylau), rayon de
Ancien chemin da Vieux-Pont-de- Sèvres (voir
me f^ Marais)
Rue des Vignes (chemin des Vignes et, de 1876
à 1877, nie Iloudon)
Ancienne rue des Vignes (voir rae Bois-le-
Vent, roe Pierre-Gnérin et rae de la Source) .
Rue ViUebots-Mareuil, nouTelIement dénom-
mée
Rue de Villejust (rue Pauquet-de-Villejast) .
Rue Vineuse
Rue Virgile s supprimée par la création de
Tavenue Henn-Martin
Monastère royal de la Visitation
Rue Ffto/ (la partie comprise entre la rue
Nicolo et la rue de la Tour appartenait au-
trefois à la rue des Carrières)
Impasse Voltaire
W
Rue Weber (rue Nilson)
Rue Wilhem (sentier des Arches, rue Sainte-
GenevièTe, rue de la Montagne, pois rue de
Seine), entre le quai d'Auteuil et TaTeniie
de Versailles
entre FaYenue de Versailles et la rue Char-
don-Lagache
Rue de V Yvette (sente du Four).
Rue Yvon-de-Villarceait . . . ,
IX>NGUEUR TOTALE.
Largeur
légale
50»
10
10
9'»,60
Longueur
92.640"
9
10
6
12
12
12
490
>
65
470
350
345
45
200
420
194
90
95.309'«
Pages
91 à 94.
48 à 50.
48.
132, 166.
97, 144.
14, 44, 45.
132
11 à 14, 26,250,258,259
à273, 418, 431.
110, 111.
183.
165.
178.
220.
165.
INDEX ALPHABÉTIQUE
DES PERSONNES DONT LES NOMS SONT CITÉS DANS L'OUVRAGE
Abrantès (Mme d*), 290.
Aboat (Edmond), 463.
Acollas (René), 470.
Adeline (Mlle), 445.
Adolphe Y von (voir Ytod).
Affre(Mgr),20t.-
Agaesseaa (famille d*), 448,
474 à 476, 484, 485, 34S.
<249. 390, 464,469 et sui?.
Aigoin (Loais), 57.
Alembert (d*), S88.
Alboni, 465, 383.
Aldroff, architecte, 99.
Alesso (André d*), 7.
Alexandre P" (le tsar), 52, 374.
Aligre (famiUe d*), 242, 390,
484.
AUouard, architecte, 449.
Alphand, 87, 447, 449, 420,
443, 203, 205, 240, 249,
406. 408etsuiv.,446.
Alphand (Charles), 449.
Alzon (d*), 204.
Amovet, 444.
/Tmpère, 447.
Anceaame, adjoint de Passy, 35.
Andiaa (Mme d*), 485.
Andral (le docteur), 94 .
Andrieax, 466.
André Chénier(Toîr Chénier).
Angennes (Jalie d'), 434.
Angivilliers (comte d'), 346.
An^oaléme (dac et duchesse d'),
434.
A nned* Autriche (reine), 4 4 , 254.
Anne de Bretagne (reine), 7.
Antier (MUe), 470, 446.
Antin (duc d*), 43, 274, 275.
Antoine (le jardinier de Boilean),
484, 464, 474 à 473.
Appert (le général), 146.
Arçon (le général d*), 484, 474.
Argenson (d*), 287.
Argencourt (Mlle de La Motte d')
(voir Motte d*Argenconrt).
Argentiére (d*), seigneur de Pas-
sy, 249.
Arlandes (maronis d*), 24, 309.
Armengaud, 393.
Armenonville (Fleuriau d'), 49,
296, 301 .
Arnaud, directeur de Thippo-
drome, 92.
Arnaud, statuaire, 429.
A moud, architecte, 463.
Arnould (Sophie), 53, 374, 430.
Arsène Houssaye (voir Houssaye).
Artois (comte d*), puis Charles X,
24, 90, 94, 416, 445, 482,
330,447.
Ary Scheffer (voir Scheffer).
Aubert (Fabbé), 336.
Auhert, architecte, 406.
Aubert, membre du Cx>nseil des
Cinq-Cents, 328.
Aubry (Jacoues d*), 426.
AubussoQ de La Feuillade (d*)
(voir Feuillade).
Aucoc 99
Audebrand (Philibert), 375.
Audmot, 24, 314.
Auersuedt (dac d'), 52.
Auge de Fleury, maire de Passy,
35, 44, 250.
Augier (Emile), 57, 92, 423.
Aumont (duc d*), 42, 45, 409,
390.
AuviUain, maire d*Autenil, 248.
Ayen (duchesse d'), 465.
Babinet, ingénieur, 2, 94, 95,
453. 458, 463, 249, 220.
Bachaumont, 286.
Baguenault, 50.
Bailleux,.2l2.
Bailly, maire de Paris, 440, 327.
Balzac, 42, 440, 360 à 362.
Bamberaer (Edmond), 66.
BandevUle (la présidente de), 34,
334, 335.
Barabant, ingénieur, 249, 220.
Barbantane (Mme de), 292, 485.
Barbier (Mme), 362.
Bardoux, ancien minisire, 99.
Barillet'Descbamps, 420, 409.
Bamabites, 45, 283, 284.
Barra (Mme), 335.
Barrail (général du), 407.
Barras, 34, 32.
Barraud, 478.
Barre, 353.
Barré, curé d'Auteuil, 394.
Barrias, 92.
Bartet, ingénieur, 95, 453, 458,
459, 495, 249, 369.
Barthélémy, archéologue, 203.
Barthélemy-Saint-Hilaire , 99,
426, 424.
Bartholdi (baronne), 357.
Barye, sculpteur, 52.
Bashkirtseff (Mlle), 73.
Basilewski (comte), 443.
Bassano (duc de), 454.
Bassomplerre, 8 à 44, 250, 253
256, 390.
Baudry (colonel), 449.
Bastien-Lepaf^e, peintre, 223.
Bavière (Louise-Marie, princesse
palatine de), 264.
Bazaine (maréchal), 445.
Beaudard de Saint-James, tré-
sorier, 394.
Beaufort (duc de), 264.
Beaumont (Mgr Christophe 'de),
444.
Beaupré (Mlle), 445.
Beaure, 437.
Beauvallet, 69, 383.
522
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
Beauvau (maréchal de), 327.
Beau vais (Mme de), S65.
Béchet, 164.
Bechmanu, ingénieur, 2, «S96.
Beetboven, 37, 342.
Bébague, li2.
Belgrand, ingénieur, 396, 398,
Bellanger, 372.
Bellini, 86.
Belloy (cardinal de), 152.
Bénédictins d'Auteuil, 195.
Bénière, coré de ChaiJIot, 334.
Bénit, 36.
Benoit, maire d'Auteuil, 174,
176, 192. 203, 248, 456,
461, 470.
Bénoarille, 127.
Béranger, 40, 45, 70, 376, 377,
497.
Berget, 156.
Bérmghen (de), 301, 302, 391.
Berlioz, 161.
Bemage (Louis de), 481.
Bernard de Boulainvilliers (mar-
quis), 46, 18, 19, 101,
102, 103, 249. 287, 391.
Bernard de Bieux, 16, 103,
249,250,391.
Bernard, ingénieur, 211, 369.
Bernard (Samuel), 16.
Bemu, 15, 25.
Berryer, 60, 380, 389.
Berry (duchesse de), fille du Ré-
gent, 19, 296, 299, 300, 301 ,
381.
Berry (duchesse de), née prin-
cesse de Naples, 24. 392.
Berthelot (André), 79.
Bertin, trésorier, 391.
Bertinot, 58.
Berton (Henri Montan), 50.
Bertram, évéque du Mans, 5.
Beugnot (le comte), 371.
Beurlier (abbé), curé d'Auteuil,
70. 176, 182, 183, 248.
Bianchon, 217.
BieuTeniie, ingénieur, 79.
Bige. 86, 88.
Bigottini, 50, 383.
Binet de la Bretonnière, 445,
465.
Bizet. 82.
Blanc, 166.
Blanche, conseiller d*Etat. 435.
Blanche (docteurs). 51. 72. 221.
Blanchard. 415.
Bianchon (docteur), 187.
Blois (Mlle de). 269.
Blondean, 338.
Bloiiet. architecte, 75, 404 et
suiT.
BlQcher (maréchal), 370. 371.
Boileau. 183 à 185. 464 et suiv.,
471 à 473.
Boileau (Jardinier de) (voir An-
toine).
Boigne (Ch. de), 24.
Boitelle, 155.
Bolingbroke. 259.
Bologne (Jean). 48.
Bonaparte (général) (voir Napo-
léon I«').
Bonaparte (prince Pierre^, 170.
Bonaparte (prince Roland), 140,
394.
Bonnat,151.
Bonnemains (baron de), 251.
Bonnemains (vicomtesse de), 393.
Bonnet, ingénieur, 92, 102.
Boreax, ingénieur, 2, 51, 91.
163.
Borgnis-Desbordes (général), 70.
Boscheron-Saint-Ange, 88.
Bosio, statuaire. 57, 222.
Bossuet, 11, 266, 270, 271,
473.
Botrel, architecte, 101, 166.
Boucher, peintre. 303. 474.
Boucheron (Fabbé). 47.
Bouchot, peintre, 139.
Boudon, 194, 207.
Bouifé, 103, 104, 182, 383.
Boufflers (famille des), 203, 204,
205, 445, 459, 461, 480 à
490.
Bouille (le général de), 115.
Boujeot (Jacques), 465.
Boulainvilliers (marquis de), (voir
Bernard de Boulainvilliers).
Boulanger (le général), 145.
Boulé, ingénieur, 366.
Boullée, 114.
Boulton (Mathew), 427.
Bourbon (abbé de), 339.
Bourbon (duc de). 45, 184.
Bonrdais, architecte, 134.
Bourdaloue, 184, 243.
Booré (Mlles), 174, 215.
Bourgogne (duc et duchesse de),
19.
Boumon (Femand), 26, 174,
395.
Boossard, architecte, 189.
Bouvard, 87, 229,381. 407.
Bouvenne (Aglaus). 393, 395.
Bonwenz van den Goyen, archi-
tecte. 165.
Brack, 88.
Brancas (colonel Dioville, comte
de), 53.
Brancas (famille de). 296.
Bran de Saint-Pol-Lias, 119.
Brazier, 42, 45.
Bressant, 67. 383.
Bret. ingénieur, 2. 51, 91, 163.
Briant, 42.
Brienne (comtesse de), 181.
Brienne (Loménie de), 324.
Brière, architecte, 83, 112.
Briffe (famille d'Armand de la)
seigneur de Passy, 249, 251.
Briouve, 199.
Brocard de Barillon (du) 481.
Broglie (prince de), 355.
Brohan (Augustine). 91, 201,
383.
Brossard d*Inval (Mme), 89.
Brossette, 471.
Brou (Mlle MeiUeret de) 201 .
Bugeand (maréchal), 95.
Buliion (Mlle), 259 et suiv..
267, 273.
Barnouf, 424.
Bussy (de), 187.
Cabal, notaire, 19.
Cabanis (le sénateur), 169, 170,
203, 222, 392, 456, 457,
459,461.
Cacheux (Emile), 223.
Cadoudal (Georges), 54.
CaU. 101, 159,187, 194.
CaUhava, 335.
Caillot, 487.
Gain, conservateur, 466.
Calabre (Mme de), 445, 465.
Galonné, 11, 324.
Calsabigi (de), 357.
Campan (Mme), 304.
Camulogéne, 279, 491.
Capefigue, 16.
Gaplain, 166.
Capon (Gaston), 32.
r.apron, 88.
Carignan (prince886de),219,220,
461.
Carlos (Don) (voir duc de Madrid).
Carmouche (Mme) (voir Vertpré).
Camot (général), 40, 181, 471.
Carnot(Mme), 72, 404.
Camot, président de la Repu*
bliqoe, 61, 109, 202.
Carochez. opticien, 338.
Carpeau.\. 187, 218, 477.
Casa-Riéra (le marquis de), 216,
224, 496.
Casimir-Perier (voir famille Ca-
simir-Perier).
Gassard, 145.
Castellane (comte et comtesse
Boni de). 122.
Castiglione (comtesse de). 110.
Gastii!e(M. etMme).252.
Castries (abbé de), 300.
Catelan, 295.
Gaulaincourt, duc deVicence,! 85
Cavalier . 161.
Cerisi (Jean de), 7.
Cerrito (Fanny), 383.
César (Jules), 279, 493.
Gessard. 123.
Cessiat (Mlle de) (voir Lamar-
tine).
Chabert. ingénieur, 220.
Chabot, 454.
Chabrol, 112, 127.
Chahu (Claude), 15, 45. 103,
166, 249, 250, 280, 496.
INDEX ALPHABETIQUE DES PERSONNES NOMMEES DANS L OUVRAGE
523
Chaha (Christine de Heurles,
dame), 45, 46,45, i03, 280
4 283.362,497.
Cbalgrin, 75, 87, 405.
Chamboran (baron de), 137.
Chambord (le comte de), 330.
Chamfort, 470, 485, 222, 424,
446, 457.
Cbamillard, 46.
ChamUlard (Mlle de), 484.
Champmeslé (la), 257, 342,
383,-463 et suif., 468 et saÎT.
Champvallon (de Harlay de), 238,
242, 497.
Chanez (le général), 206.
Chandebois, 24 et difers.
Chantai (Mme), 264,262.
Chanzy (le général), 89.
Chapelle, 484.
Chaptal, 346.
Chapa, statuaire, 464, 224.
Chardin, 458.
Chardon -Lagache, 470, 245,
246, 445, 462, 495.
Charlemagne (femperear), 365.
Charles I*'', roi d*Angleterre,
258. 272.
Chartes IX, 49, 304.
Charles X (Toir comte d'Artois).
Charmes (Xavier), 444.
Charron (Pierre), 446.
Chartres (dac de), 292 et suiy.,
309.
Charrean, avoué, 202.
Chassagne (docteur), 449.
Chateaubriand, 447, 448.
ChAteauroux (duchesse de), 303.
Chanvet (l'abbé), 47.
Chauvet, architecte, 407.
Chénier (André), 48, 222, 362
à364,424, 486.
Chénier(Marie-Joseph),294 ,486.
Chenu (docteur), 365.
Chéradame(Mme),29i.
Chéri (Rose) (voir Montigny).
Oievalier (chanoine), 394.
Chevallier (Michel), 424.
Chevallier, conducteur des ponts
et chaussées, 94, 453.
CheviUé (Ch. de). 464.
Cheysson, 223, 388.
Chiévres (de), lOi.
Chirac, 300.
Chochod-Lavergne (Mme), 449,
484,483,420.
Cboiseul-Praslin (famille) (voir
Praslin).
Chollet, 403, 383.
Choquet, ingénieur, 453.
Chooard (Louis), 480.
Cimarosa, 96.
Qaretie (Léo), 33, 457, 463,
203, 444.
Claude Chahn (voir Chahu).
Claude Lorrain, 202.
Qaude Vignon (Mme), 66, 07,
389.
Claude Bonneau, 72.
Clermont-Tonnerre (famille de),
24,86,305.
OoUire II, 5.
Clovis Hugues (voir Hu^es).
Coade, conseiller municipal de
Passy, 35.
Colardeau (le poète), 470, 242,
445 et soiv.
Colbert, 43«
Colbert (!^uise-Antoinette),272.
Collongettes, 70.
Colle, 446.
Cofflbalot (l'abbé), 204.
Oiminet, 88.
Commines (Philippe de), 8, 250,
253.
0>ndamine (la). 47.
0)ndé (les princes de), 42, 45,
222.
Condorcet, 470, 424 , 452 et suiv.
Constant, 434 .
Constantin, 88.
ConUt (Mlle), 41 .
Conti (princes et princesses de),
42, 484. 482, 483, 485.
Copernic, 97.
Coquelin, 422, 383.
CorneiUe,342, 472.
Corot, peintre, 459, 249.
Corot (le frère du peintre), 464.
Cortambert(le8), géographes, 72,
406,444.
Corvetto (le comte), 304.
Cosnard, 88.
Cothenet, 444.
Cotte (Robert de), 43.
(touche, ingénieur, 396.
Coulomb, architecte, 407.
Coulon, vice-président du Con*
seil d'Etat, 490.
Courant (Maurice), 394.
Courbée, 464.
0)urbet (amiral), 464.
Courbet (Gustave), peintre, 464.
Courtavet de Pezé (marquis de],
304.
Couteulx de Canteleu (Le), 202,
459, 464.
Contelle (le colonel), 474, 474.
Coûtons, 88.
Créciat, 35.
Crémieux (Adolphe), 58.
Oétet, directeur général des
ponts et chaussées et ministre
de l'Intérieur, 468, 464.
Crevaux, 464.
Croiset, 99.
Croizette (Sophie), 73.
Cuissard, 499, 200.
Curés d'Auteuil (liste des), 2 47,
248.
Curés de Passy (liste des), 248,
249.
Curmer, éditeur, 393.
Cuvelier (Mme), 224.
CuvilUer-Fleury, 449.
Dacier, 484.
Dagobert (le roi), 365.
DaUoz(Paul), 422,203.
Dalou. 87, 446.
Daly (César), 449.
Daucourt (famille) (voir de Fon-
taine).
Dangeau (marquis de), 224.
Darcel, ingénieur, 94, 424, 430,
443, 447, 247.
Darcy, ingénieur, 396,
Daru (le comte), 432,
Danmas, 368.
Danmier, 222.
Daunou, 454.
Dansset, conseiller municipal, 92.
Dauvergne, maire de Passy, 425,
250,424.
Dauvergne (A.), 34.
Dauvei^e (H.), 422.
David (Félicien), compositeur,
200.
David (Louis), peintre, 70.
Davioud, architecte, 55, 434,
409.
Davoost (maréchal) (voir duc
d'Auerstaëdt).
Debilly (général), 54.
Debressenne, architecte, 46.
Debrie, architecte, 57.
Debroosse, 455.
Debry, membre de la (inven-
tion, 454.
Debucourt, peintre, graveur, 42.
Decamps, peintre, 67, 68.
Decou (Renoist), 212.
Deffand (Mme du), 482, 485.
Delacroix (Eugène), peintre, 69.
Dehaynin, 465.
Delan>nUine, sculpteur, 370.
Delahoussaye (Mme), 35.
Delapalme,' noUire, 437, 459,
487, 248.
Delaplanche, abbé, 48.
Delaroche, peintre, 425.
Delessert (famille), 46, 34, 36,
40, 74, 72, 457, 250, 343,
à 356, 392.
Delespine (Jules), 404.
Delestre-Poirson, directeur du
Gymnase, 384.
Delfaut, 244.
Delibes (Uo), 465.
Delmas, architecte, 83 .
Demagnv» 73.
Demidoff (prince Paul), 34, 220,
344, 376.
Dennery (M. et Mme). 121 .
Depontaillier, curé d'Auteuil,
476, 248, 496.
Desaix (général), 40, 368.
Désaugiers, 494, 495, 478.
DesbordesValmore (Mme), 425.
Deshayes, 424,442.
Desjardins (Arthur), 404.
524
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Destntt de Tracy (voir Tracy).
Deyanx, 368.
Deyeuz, 107, 340.
Diaz (Narcisse), 179.
Diderot, 170, 288.
Didier, 88.
DidoQ (le père), 100.
Diébolt, stataaire, 129.
Dieti-Monnin, sénateur, 223.
Domard, 404.
Doninl (Auguste), iogénieur. 3,
324.370, 381 , 395 à 40 i, 440.
Dooizetti, 206.
Dorimieux, 70.
Dorveao, 94.
Dosne (famille), 88, 99, 101.
Donay (général), 45.
Donvain (Pabbé), curé de Passy,
47, 248.
Duban, architecte, 115.
Dubois (le commandaDt), 182.
Ducatel, 204.
Dnehayla, 216.
Duchesne (Gaston), 5, 119.
Ducis. 174,175, 243, 471.
Duclos, 285, 288, 301.
Docouz, 354.
Ducreuzet, 115.
Dnfrénoy, 127.
Dumas (Alexandre), 464.
Dumersan, Tandevilliste, 42.
Dumesnil (Mlle) 83, 383.
Dumilâtre, statuaire. 148.
Dumont-dTrviUe, 145,146.
Dumoulin, architecte, 112.
Dumonstier, 97, 109.
Duperré (amiral), 152.
Dnperron, conducteur des Ponts
et (haussées, 211.
Dupin (famille), 16.
Dupont (Pierre), maître à la Sa-
Yonnerie, 13, 273.
Dupont, 123.
Duprez, 66, 383.
Dupuit, ingénieur, 396.
Dupuy (Aorien), inspecteur gé-
néral, 145, 499.
Dupuy (Charles), architecte, 381 .
Dureau (architecte), 83.
Duret, 57.
Dussault, maire de Passy, 72.
DuTal, 126.
Eglise (comte Fernand de 1*), 13,
19,119,277,298, 300,414
& 416, 431.
Egmont-Pignatelli (comtesse d*),
50.
Elisabeth (Mme), sœur de Louis
XVI, 168, 222, 375, 446.
Emile OUiYier (Mme), 137.
Empain (Edouard), 79.
Rntragues (Mlle de Balzac d'),
254.
Epinay (Mme d*), 139, 391 .
Erard (famille), 23, 298, 304.
Erianger (baron d*), 142, 155,
210, 2H.
Errienx (Mlle d'), 373.
Estaing (amiral d*), 34, 123,
146, 391, 420.
Este (Marie d*), relue d'Angle-
terre. 11,12, 267,268.
Estrades (fabbé d*), 47.
Estrées (Gabrielle d*), 139.
Eugène Delacroix (voir Dela-
croix).
Evans (docteur), 121.
Evrard, maire d'Auteuil, 195,
248.
Exelmans (maréchal comte), 218.
Faber, 398.
Faron (général), 44.
Favart (Mme). 34.
FausUn-Hélie, 72. 109, 125.
Faye (Hervé), astronome, 73,
107, 380.
Fédération, 440.
Félicien David, (voir David).
Félix Faure, président de la
République, 161.
Ferrari de Galtiéra, 159, 161.
Ferrero, banquier, 100.
Ferry (Jules), 58.
Feuardent, 464, 487 .
Feuillade (comtesse d*Aubus$on
de la), 169, 450.
Feuillet (OcUve), 163, 164.
Fiorentino, 389.
Flachat, ingénieur, 205.
Flahault (Mme de), 486.
Flammarion ((Emilie), astronome.
156.
Flandrin, peintre, 126.
Fleuret (fabbé), 47.
Fleuriot de Langle (amiral), 298.
Fleury (cardinal), 285.
Flenry (Joly de), 459.
Flobert (Mme), 137.
Florian, 43, 103.
Floorens, 348.
Fodor (Mainvielle), 383.
Fontaine (abbé), 182.
Fontaine, architecte, 133, 406.
431.
Fontaine, ingénieur, 121.
Fontaine (Mme de), 16, 249,
285,391.
Fontange (de), ingénieur, 195,
219.
Fontanien (de), 343.
Fon vielle (Ulrich de), 170.
Forge (Anatole de la), 92.
Forges de Montagnac (Henri de)
(voir Montagnac) .
Formentin, conservateur du musée
Galliéra, 161.
Formigé, architecte de la ville de
Paris, 381.
Foucault, 455, 156.
Fonlqnier, architecte, 224.
Fouquet, 40.
Fouquiau, 166.
Foumier, 224.
Fonrteau, proviseur, 60.
France (Anatole), 122, 464.
François de Paule (saint). 7*
François P', 115, 182.
Franklin, 16, 42, 43, 44, 109,
170, 452.
Franqueville(comtede),23, 163.
Fresnel, ingénieur, 157.
Fréteau, 452, 454.
Freycinel (amiral de Saulces de),
151.
Freycinet (de), ancien président
ciu conseil des ministres, 366.
Frochot, préfet de la Seine, 174.
Fruchère, 368.
Fulchiron, 35, 39.
Fulton (Robert), 53.
Gabillot, 187, 473.
Gabriel, architecte, 265.
Galilée, 105.
Galitzine (prince), 335.
Galliéra (duchesse de), 459. 161.
GambetU (Léon), 100, 393.
Garât, 451.
Gariel, 128.
Garus, 300.
Gary (Fabbé), 46, 248.
(iaston de Saint-Paul, 54.
Gâteau, 164.
Gauthier- Villars (Mme), 382.
Gautier (Théophile), 249, 393,
475.
Gavami, 107, 190, 217, 394,
419, 461, 474 à 476, 478 à
480.
Gay (Ernest), conseiller munici-
pal, 404, 416.
Gay (Sophie). 448.
Gayot (Edouard), 212.
Geneviève (abbés et chanoines de
Sainte).6,26,392,480,481.
Gendron, 185, 244, 445,465.
Genlis (Mme de), 17, 33, 103.
286, 288 à 295, 334, 486.
Gennot (GénolouGuénoi), 363.
Genoude (Fabbé de), 172.
Genty, 140.
Georges (RUle), 104,383.
Georges Y. roi de Hanovre, 122.
Gérando (de), 451.
Gérard (François, baron), peintre,
70, 169, 200, 201, 243,
448 et suiv.
Gérard (Henri), 450.
Géricault, peintre, 69, 205.
Germain, conducteur des ponts
el chaussées, 51.
Gibbon, 285.
Gil-Pérez, 72.
INDEX alphabétique: des personnes nommées dans l'ouvrage 525
Gioain, arthitecte, 161.
Girard, ingénieur, 396.
Girard (Jales), 99.
Girardin (Emile de), 98.
Girodet, peintre, 70, 218.
Glachant (famille), 43.
Gluck, 97, 378.
Gobé, 39.
Goblet (René), ancien président
da conseil des ministres, 1 41 .
Godard, 164.
Godard (Benjamin), 206, 207.
Godbeaf, architecte, 187.
Goncoort (les frères de), 205,
394, 479.
Gonzagne ^Marie-Louise de), 255.
Gontaut-Biron (de) (voirLanzan).
Gossec,17, 33, 103.
Got (Edmond), 10&, 383.
Gonnod, 461.
GoupU, 203.
GoQSt, architecte, 75, 406.
Gonthiére, ciseleur, 204.
Gouvion-Saint-Cyr, 203.
Gouzay, 115.
Grassal, 97, 109.
Gréard, 99,171, 188.
Greuze, 114.
Grével (Mme), 39.
Grévy (Jules), président de la
République, 140.
Grienenger, 142.
Grimm, 293, 483, 486.
Gros (le baron), 70, 182.
Groucby (famiUe), 312, 451 et
suiv., 465.
Gubbay, 165.
Gudin (le comte). 203.
Guépin (Félix j, 57.
Guérin (docteur), 23.
Guérin (Pierre), peintre, 69, 194.
Guibert, archevêque de Paris, 94.
Guiberl, conseiller municipal de
Passy, 124, 125.
Guichard, 35, 123 à 125.
Guillaumot, 316, 321.
Guillebard, 166.
Guillois (Mme), née Roucher,
458.
Guillois (Antoine), 6, 13, 15,
119, 169, 221, 222, 243,
256, 257, 280, 313, 373 à
380, 421 , 430 à 433, 445 à
448, 451 , 452 à 462, 463 &
4fc*8, 471, 474, 476, 480 à
490.
Guimard (Hector), architecte,
100, 179, 187, 214, 216,
217.
Guimard (Mlle), danseuse, 383,
415.
Guimet, 14J, 142.
Guiral (Fabbé), 47, 248.
Gustave Nadaud (voir Nadaud) .
Guizot, ancien président du con-
seil des ministres, 168, 169,
392, 450.
Hamelin (amiral), 152.
Hamilton, 259 et suiv., 267.
Hanotaux (Gabriel), ancien mi-
nistre, 75.
Harcourt (prince d'), 257, 415.
Uardon, 122.
Hardonin de Péréfixe (voir Pérc-
fixe).
Harlay (président de), 11.
Hauréau, 99, 172,461.
Haussmann (baron), 117, 210,
332, 406 et suiv.
Hébert (le trésorier), 212.
Heine (Henri), 223.
Helvétius, 372. «
Helvétius (Mme), 169, 170,
203, 222, 431, 458, 459,
461, 485.
Héna, 395.
Hénin (princesse d*), 461.
Henri I"', roi des Anglais, 6.
HenrilV, 8, 11,13, 139, 256,
273, 277.
Henriette d*Angleterre, 264.
Henriette de iPrance, 1 1 ,262,272.
Henri Martin (voir Martin).
Henriot (Jane), 73.
Hermant, 404.
Hérold, 200.
Herny, 25.
Herran, 114, 154.
Hersent, 386.
Heudebert, architecte, 92.
Heugel, 117, 154.
HeurUut, 113.
Heymès (général), 207.
Hittorf, architecte, 120.
Holbach (d*), 170.
Hottinguer, 165.
Houssaye (Arsène), 34, 127,128,
341, 374, 378.
Houssaye (Mme delà), 115.
Houssaye (Henri), 377.
Huber, 404, 406.
Hubert-Robert (voir Robert).
Huet, ingénieur, 87, 159, 369,
416.
Huet (le président), 341,374.
Huet, propriétaire, 224.
Hugo (Victor), 75 à 78,90,91,
o93.
Hugues (Clovis), 137, 437.
Hugues de Bezançon, évéque de
Paris, 6.
Humblot, ingénieur, 396.
Humboldt (de), 449.
Hume (David), 285, 482.
Huyot, architecte, 75, 406.
iDJalbert, H69.
Ingres, 149, 352.
Isabelle, sœur de Saint-Louis,
119.
Isabey, peintre, 218, 2(9.
lung (général), 112, 394.
Jacquemart, graveur, 101.
Jacques II, 12, 40.
Jsnin (Jules), 57, 58, 60, 165,
334, 341, 373 à 380, 393.
Janin (le président), 11.
Janson de Sailly, 60, 380.
Jasmin, 197.
Jauré|i[uiberry (amiral), 113.
Jean Bologne (voir Bologne).
Jean-Jacques Rousseau (voir
Rousseau).
Jehannot, maire d'Auteuil, 191,
248, 489.
Jomini (général), 392.
Joséphine (Fimpératrice), 139,
182, 216.
Jouaust, éditeur, 393.
Jourdain (Frantz), architecte,
148.
Jouvenet, peintre, 192.
Jouvin, critique, 393.
Joyeuse (duc de), 257, 415.
Joyeux, 86.
Jubainville (d*Arbois de), 235.
Jubault, 466.
Juigné (de), archevêque, 152.
Juillard, 135.
Julien (fempereur), 426.
Jûssieu (Uurent de), 117, 338.
Keller, inspecteur général des
mines, 316.
Keppler, astronome, 85, 86.
Kéralio (de), 338.
Kjéber (général), 40, 143.
Kind, ingénieur saxon, 438.
Kortz, proviseur, 60.
Krantz, 366.
Labiche (Eugène), 163.
Ubiénus, 279, 491.
Laborde (comtesse de), 354.
La Bruyère, 184.
La Chaise (le père), 117,
I«acoma, 335.
La (}ondamine (voir Gondamine).
La Croisade, maire d*Auteuil,
192, 248.
Lacrolle(rabbé), curé d*Au(euil,
203, 243, 248.
La Fayette (famille de), 70, 152,
178. 263.
La Fontaine, 148, 180.
Lafourcade, 409.
La Galisserie. ingénieur, 211.
La Cuéronniere (vicomte de)j
137.
U Harp\ 291.
526
HISTOIRE DU XVI* ARRONDISSEMENT
Laisné, architecte, 59.
UUy-Tollendal (comte de), 461.
Lalo, compositear, 166.
Lalo, conducteur des ponts et
chaussées, 121, 130.
Lamandé, ingénieur, 52, 367.
Lamare (Marie de), 472. 473.
Lamartine. 70. 137, 138, 389,
392, 437.
Lamazou (l'abbé), curé d'Âuteuil,
176, 243, 247, 462.
Lambalie (princesse de). 43, 50,
103, 293.
Lambesc (prince de), 327.
Lameire, peintre, 82.
Lamoipon, 184.
Lamothe (comtesse de), 203.
Lamothe-Langon (le baron de),
370.
Lancret, peintre, 192.
Langlois (Emile), 186.
Lanier, 133, 380, 431 et suiv.
Lannes (maréchal), 113.
La Pérouse, 146.
La Poupiinière (de) (yoir Poupli-
nière).
Largillière, peintre, 154.
Laroche (Fabbé), ou LefebvreLa-
roche,243,248,457,459.
La Rochefoucauld (de), 255.
La Rochefoucauld (cardinal de),
30, 119.
La Roche Jacquelein (de), 352.
Larroumet, 416.
Las-Cases (comte et marquis de),
35, 58, 72, 165. 392.
La Tour (Quentin de), peintre,
17, 169. 287, 288, 446.
La Tour d*AuTergne, 40. 356 à
360.
La Tour duPin-Gouvernet, 181.
Laubière, 222.
Lauerre, 112.
Lauraguais (comte de). 53, 372.
Laurent, 97, 109.
Lauriston (maréchal de), 96.
Lauzun (ducs de), 39, 40, 50,
83, 300, 343, 485.
UVallière(Mllede),ll ,266,267.
Laveillard ou La Veillard, direc-
teur des Eaux de Passy, 16 et
250.
Laveissière, 212.
LaYoisier (Mme), 170.
Lavoisier, 170.
Lavy, 100.
I^w, 96.
Law (MUe), 417.
Lazard (F.), 6, 233.
Lazard (Lucien), 2.
Leblanc, ingénieur, 49, 50.
Lebœuf (Fabbé), 6, 415.
Le Breton, ancien conseiller mu-
nicipal, 62, 381.
Le Brigant, 368.
Lechevalier (l'abbé), 488.
Lceonte de Hsle, 224, 487, 488.
Lecourbe (général), 40, 368.
Ledonx, architecte, 26, 328.
Le Duc (Mlle), 414.
Lefeuve, 423, 431 .
Lefèvre (Th.), 110.
Legendre, géomètre, 203, 243,
452, 461.
Le Gouidec de Kerdaniel (Fabbé),
curé d*ÂuteuU, 203, 243, 248.
461.
Le Ray de Chaumont. 42. 307.
Lekain, 111.
Le Maine (Mlle), 414.
Lemattre (Jules), 373.
Le Marois (général comte), 202.
Lena, 119.
Lenoir, lieutenant général de po-
lice, 316.
Le NAtre, 155.
Léonard de Vincy, 115.
Léon, conducteur des ponts et
chaussées, 91, 95.
Lepage (Bastien), peintre, 223.
Lepemtre aîné, 103, 383.
Lepeltier, conducteur des Ponts
et Chaussées, 91, 95,158.
Le Ragois (Pabbé), 15, 47. 54.
Leroux, 114, 115.
Leroy, physicien, 304, 327.
Lesar, l2o.
Lesseps (Ferdinand de),d94, 425.
Le Sueur, compositeur de mu-
sique, 89.
Le Sueur, peintre, 89.
Le Vachlade (l'abbé), curé d'Âu-
teuil. 241,248.
Levasseur, chanteur, 111, 383.
Lévèque, directeur de l'école
Jean-Baptiste-Say, 462.
Lévêque (1 abbé), maître de pen-
sion, 171, 188, 212.
Le Verrier, 185, 465, 471.
Le VoisYenel, architecte, 95.
I^ygues, ancien ministre, 172.
Lheureux, architecte, 154.
Liancourt (le duc de), 327.
Lié ven (princesse de), 117,118.
Lippmaon, 156.
Listz, 378.
Littré (famille), 424.
Locatelli (l'abbé), curé de Passy,
47, 94, 248.
Lochard (docteur), 112.
Lockroy, ancien ministre, DO.
Lomprez, conducteur des Ponts
et Chaussées, 153, 158, 195.
212, 219.
Lorges (famille du duc de), 11,
12, 40, 50, 261, 272.
Lorrain (voir Claude Lorrain).
Loubet, président de la Répu-
blique, 92.
Louis VI, roi des Français, 6.
Louis XI, 5,7, 238, 498.
Louis XII, 253.
Louis Xm, 13, 19, 277 à 279,
295.
Louis XIV, 11,13,15,40,117,
184, 185, 266.
Louis XV, 19 à 21, 34, 74, 111,
168, 174, 287, 296, 304,
305, 336, 339, 445 et suiv.
Louis XVI, 21 à 23, 30, 44, 74.
142, 297, 304 à 308, 309.
327 337 .
Louis XVin," 23, 52, 112, 367.
370. 371.
Louis-Philippe I*^', roi des Fran-
çais, 70, 103, 107.
Louis David, peintre (voir David).
Lourdet, directeur de la Savon-
nerie, 275.
Loyseau (l'abbé), curé d'Auteuil,
184, 242, 465, 496.
Lowendal(maréchal de) ,285, 446.
Lucipia, ancien président du Con-
seil municipal, 416.
Luneau, ingénieur, 366.
Luxembourg (la maréchale de),
485.
Luynes (famille du duc de), 50.
Mabille, 24.
Machault d'Ârnouville, 304.
Macheco. 464.
Mac-Mabon (maréchal de), 45.
Madrid (duc de), 58, 165.
Magniez, 299.
Mahieu, conducteur des ponts
et chaussées. 153.
Mailly (comtesse de), 19, 296.
Maine (duc et duchesse du), 54.
Maintenon (Mme de), 54.
Maire (Eugène Le). 211.
Maires d'Âuteuil et de Passy.
248, 251.
Maïstre (Henri), 13.
Malakoff (duc de) (voir Pèlissier).
Malesherbes, 310, 391.
Malézieux, 106, 114.
Manesson-Mallet, 236, 491.
Mancini (Marie), 11, 265.
Manet, peintre, 72. 393.
Mansard. architecte. 11.
Maniglier, 176.
Mannheim (colonel), 58, 376.
Manuel (Eugène), ancien prési-
dent de la Société historiauo
d'Auteuil et de Passy. 45, 144,
145. 166, 362, 364. 395.
440. 473. 499.
Mar(Léopold). 6.7, 13.15,17,
19, 21. 23. 25. 26. 32, 34,
37. 39, 40. 42, 45. 47, 51,
110, 119, 149, 183, 185,
236, 251, 252, 256,, 273,
279, 284, 287, 288, 303,
304, 309, 310, 315, 335,
338. 341, 356, 360, 362,
364, 365^372, 382 à 385,
390 à 395, 417, 418, 419,
423, 426 à 430, 436, 438 et
suiv., 448 à 450, 473, 491,
INDEX ALPHABÉTIQUE DES PERSONNES NOMMEES DANS L*OUVRAGE
527
Marbeaa (l'abbé), 04.
Marbeau (Paal), architecte, 30,
94.
Marbeaa, fondateur des crè-
ches, 427.
Marbeaa, trésorier, 423.
Marceaa (eénéral), 139.
Mareose, 472, 479.
Margaerite, ingénieur, 430.
Marguerite de Valois (reine), 49,
Marie-Antoinette (reine), 24, 24,
30, 97, 297, 298, 303. 305,
306,308,314,375.
Marie-Loaise (impératrice), 75,
329, 434.
Marie-Loaise de Gonzagae (voir
Gonzagae).
Marie-Thérèse (impératrice), 24,
446.
Marie-Thérèse, reine de France,
270, 282.
Marigny (chevalier de), 242.
Marigny (marquis de), 74, 336.
Marin, 254.
Marmontel, 47, 97, 403.
Marmottan, maire du XVI^ ar-
rondissement, 90, 448, 254.
Marquise (MUe), 483.
Marsollier, 392.
MarUn (Henri), 404, 444, 430,
431,254.
Marx, 459.
Mary, ingénieur, 396.
Massillon, 274.
Maupassant (Goy de), 464.
Mazarin (cardinal), 44 .
Médicis (reine Catherine de), 44 .
Médicis (reine Marie de), 44 , 43,
254, 275, 426.
Massenet, 440.
Maugras (Gaston), 440.
Maze (de), 242.
Meissonnier, 464.
MeUinet (général), 335.
Ménier, 466.
Ménorval (de), 243, 256, 279,
494.
Mentschikoff, 427.
Mercedes i^reine), 204.
Mercy d*Argenteau, 24 .
Méric (Louis de), 49.
Mérimée, 466.
Mesdames, filles de Louis XV,
304. 305.
Mesnil, 4U5.
Messier, 444.
Mesureur, 446.
Meurice (Paul), 92.
Meuriot (docteur), 224.
Mézeray, 257.
Mfiyer, 466.
Meyer (Emile), 223.
Micbaud, 44, 72.
Michel (Gustave), statuaire, 62,
384.
Michel-Ange, 214.
Michelet, 45,453, 497.
Michon, 464.
Migeon (comte), 184.
Mignard, 444, 445.
Mignet. 99. 224.
Millet, peintre, 223, 224.
Milne (voir Myln).
Milloué. 442.
Minguet, 88.
Mirabeau, 222, 394, 396, 430,
457.
Miré, 372.
Mirepoix (maréchale de), 483.
Modène (princesse de), 374.
Molier, 427.
Molière, 472 à 474, 242, 257.
Mo1in,maired'Auteuil, 492,248.
Molitor (maréchal), 244.
Moncey (général), 359.
Monchicourt (Mme de), 440.
Montagnac (Henri de Forges de),
7, 45, 42, 92, 470, 497.
Montausier (duc de), 434.
Montépin (Xavier de), 67.
Montespan (dachesse de), 44,
403, 427.
Montfort (général vicomte de),
248.
Montgolfier, 308.
Mont|;olfier (les frères), 24.
MontiRuy (M. et Mme), 66,
383.
Montijo (comtesse de), 184.
Montmorency (duchesse de), 20 4,
488, 490.
Monrose (Mlle), 247.
Monval, 463.
Moreau (général), 33, 40, 54.
Morel 443
Moreliet(râbbé),470, 392, 457,
i80, 487.
Moret, 85.
Morin (Alfred), 395.
Morisan, 24, 344.
Morlière (général de la), 338.
Moriot (cardinal), 94.
Morny (dac de), 332.
Mortemart (duc de), 44.
Mothe (comtesse de la), 4 03, 288.
Motte-d'Argencourt (Mlle delà),
265.
Motteville (Mme de), 41, 265,
267.
Mouchv (Mme de), 299, 465.
Mouy (comte de), 394.
Mozart, 37, 453.
Mun (Mme de), 485.
Murât (Hoi), 203.
Mnsard, 203, 248, 464.
Musset (Alfred de), 487, 493,
344, 474,476.
Myln, père et fils, mécaniciens, 22.
N
Nadaillac (comte de), 3.^)4.
Nadaud (Gustave), 33, 463, 444.
Nansot, 448.
Napoléon I*'' (général Bona-
parte), 43, 40, 52, 75, 89,
433, 443, 470, 484, 482,
329, 330, 331, 346, 347,
367, 434 .
Napoléon UI. 52, 354.
Napoléon (prince Jér6me), 393.
Narcisse Diaz (voir Diaz).
Navez, conducteur des ponts et
chaussées, 249, 220.
Navier, 367.
Necker, 327.
Nemours (ducs et dachesse de),
9, 40, 94, 264.
Nénot, architecte, 456.
Nerval (Gérard de), 378.
Nesles (marquise de), 296.
Neufchàteau (François de), 54.
Neuville (Mme Alphonse de), 205.
Nicolaî (Président de), 390.
Nicolas 11 (le tsar), 64. 62, 63.
384.
Nicole, 410.
Nitot, 455, 442.
Noë (comtesse de), 395.
Noèl (le père), physicien, 336.
Noir (Victor), 470.
Nollet (rabbé), physicien, 34,
336.
Normand, président de la Société
des Amis des monuments pari-
siens, 229.
Noves (Laure de), 74.
Oberlin, 369.
Odilon-Barrot, 325.
Ohnet (architecte), 425.
Orfila, 34, 335.
Orième, architecte, 83.
Orléans (duc d\ en 4393), 6.
Orléans (princes d') (voir égale-
ment: le Régent et Louis-
Philippe l^'), 58, 70, 449,
277 (note), 292, 293, 294,
299, 300,309,331.
Orsini, 355.
Oudry, peintre, 49, 297.
Pajol, 330.
Pajou, sculpteur, 55. 4i8.
Palikao (général comte de), 203.
Pasquier (chancelier), 468.
Pastoret (le marquis de), 48,-
363, 392.
Palru (Favocat), 472.
Paule (Saint François de) (voir
François).
Paulian (les frères), 3r)4, 357,
358.
Pauquet de Villejust, 97.
Pélissier (le maréchal), duc de
Malakoff. 95.
528
HISTOIRE DU XVI" ARRONDISSEMENT
Penthièvre (le doc de), 43, 103,
391.
Penthièvre (Guy de Bretagne,
duc de), 7.
Percier, 133, 404, 406.
Péréfixe (archevêque Hardouin
de), 45, 266, 496.
Perpolèse, 100, 101.
Pener (famille Casimir), 100,
101, 112, 178, 190, 206,
386, 443.
Périer (les frères), 395, 426 et s.
Pérouse, 368.
Perrens, membre de rinstitur,
279.
Perret '(Michel), 141.
Perrichont, ancien conseiller ma-
nicipal, 212, 222, 461,466.
Perronet, 74.
Pétrarque, 71.
Peyre, architecte, 25.
Philippe (Mme), 386.
Philippe-Auguste, 280, 426.
Philippe le Bel, 64, 382, 496.
Philippe le Long, 6, 176.
Philippe de Commines (voir Com-
mines).
Philips, ingénieur, 146.
Picara, auteur dramatique, 40.
Picard (B.), 475.
Piccinni, compositeur, 34, 71,
97, 111.
Piccinni fils, 37.
Pichat (Laurent), 115.
Pichegru (général), 51.
Picot, 88, 99, 101, 424.
Picquet, 88.
Pierre Guérin, peintre (voir Gué-
rin).
Piscatory (M. et Mme), 363.
Pierre le Grand (le tsar), 381.
Pigalle, sculpteur, 285.
Pilâtre de Rozier, 21 , 308, 309.
Piron, 480.
Pitt (William), 139.
Planteau (Mme), 187.
Poiloux (rabbé). 212.
Poirée, insénieur, 366.
Polignac (famille de), 54, 303,
307.
Pomereu (de), 166.
Pompadour (marquise de), 19,
53,287,297,371,376,430.
Ponchard, chanteur, 111, 383.
Ponchartrain ( de ) , 184.
Ponsard, 57, 59. 378.
Ponsondu Terrait, 211, 387.
Pontalba (baron de), 95.
Portalis (comtes de), 35, 66,
106, 392.
Possoz, maire de Passy, 35,
125, 250, 423.
Potin (Emile), secrétaire général
de la Société historique d'Au-
leuil et de Passy, 17,19.24,
42, 61, 120,220,280, 314,
381 , 385 à 390, 394, 396,
404 à 412, 418, 419, 427,
428, 442, 443, 444, 451,
462, 467, 468. 472, 474,
475,476,491,495,496.
Poujoulat, 44.
PoupUnière (delà), 1 7, 103, 251 ,
252, 284 à 287, 291.
Pourtié (Fabbé), 496.
Poussin, peintre, 205.
Pradier (Mme), 374.
Prahault de Richebourg, 465.
Praslin (comte deChoiseul-) , 1 74,
219, 458, 461.
Pravaz, médecin, 23.
Préault, 368.
Préfet de la Seine (voir Frochot,
ou de Rambuteau, ou de Selves)
Prévost (rabbé), 41.
Prévost de Longpérier, 70.
Proudhon, 33.
Prudhon, 149.
Puchot des AUeurs (Roland),
486, 490.
Uuatremère de Quincy. 42.
Ouentin-Bauchart. conseiller mu-
nicipal, 160, 393.
Quentin de La Tour, peintre (voir
La Tour).
Quillet, 34, 36,288,418, 419.
Rabel, ingénieur, 369.
Rabut, ingénieur, 102.
Rachel, tragédienne, 181, 201.
Racine, 173, 184, 311 à 313,
463 et s., 468 et s., 472.
Racine (Louis), 174, 466.
Raffet, 22C.
Raglan (lord), 127.
Ragotsky (princesse de), 268.
Rambuteau (de), préfet de la
Seine 199.
Rameaul 17, 18. 103, 284, 285.
Ranavalo (la reine), 98.
Ranelagh (lord), 24.
Raphaël, 148, 149.
Raspail, 34.
Ratisbonne (Louis). 379.
Raymond, architecte, 405.
Raymond (docteur Paul), 5, 15,
216.
Raynal (rabbé), 41.
Raynard, 285.
Ravnaud (Barthélémy), 242,
488.
Raymond, 75.
Rayneval (de), 488.
Raynouard, 38, 39, 72.
Récamier(Mme), 117. 118, 172,
461.
Reculé, 193.
Refuge (Gourio de), 394.
Regnaud de Saint-Jean d'Angély
(comte), 139.
Régent (Le), 19, 269, 296,301.
Rémusat, 178.
Renaudot, 471.
Renant, 47.
Rénel(de),212.
Repentie (Jeanne de), abbesse
de Montmartre, 6, 496.
Résal, ingénieur, 369. 370.
Retz (cardinal de), 263, 431.
Réveillon, 308.
Revoit, architecte, 85.
Reynaud (Léonce), 164.
Riancey (comte Henri de), 42.
44, 71, 393.
Riario Sforza (duchesse de), 380,
387, 389.
Ribéra, 189.
Richard (cardinal), 212.
Richelieu (cardinal de), 8 à 10,
205, 255.
Richelieu (duc de), ministre,
348.
Richelieu (maréchal marquis de),
17, 20, 285 à 287.
Rigaud, peintre, 15i.
Riou (comte de). 301.
Riqué, jardinier de Boileau (voir
Antoine).
Rivarol, 293.
Robert de C^tte (voir 0)tte).
Robert (Hubert), 186, 187. 203,
421, 473.
Rochon (Fabbé), 304, 336, 337.
Rocque (Jacques), 464.
Roëhn, 39, 103, 104.
Rohan-Gnéménée (prince de),
297.
Roi de Rome, 430 et s.
Roland (Mme), 451, 482.
Roll, peintre, 87, 416.
Romans (MUe de), 34, 339,340.
374.
Rosambo (Le Pelletier de), 391.
Rossini, 58, 117, 118. 148,
149, 217, 335, 388, 392.
Rossini (Mme), 388.
Roty, conducteur des ponts et
chaussées, 153.
Roucher (Antoine), poète, 170.
222,421,451,474,485.
Rousseau, architecte, 94.
Rousseau (Ernest), ingénieur,
91, 153, 158.
Rousseau (Jean-Jacques, 17, 31,
288, 310, 482.
Roussel, auteur du plan de
1731 3.
RousselO'âbbé), 182.
Roussel (le sénateur), 182.
Rouvier (Mme) (voir Claude Vi-
gnon).
Rude (François), 123.
Rumford (comte de), 170, 203,
4ri2.
INDEX ALPHABETIQUE DES PERSONxNES NOMMÉES DANS l'oUVRAGE
529
S
Sablé (Mme de), 434.
Sacy (famille de), 339.
Saîd pacha, 422.
Sailly (Janson de), /?oir Jansoo).
Saint-Amarand, 484.
Saint-Aroand (maréchal de) ,
427.
Saint-Didier (M. de], 99.
Saint-Georges (le cheTalier de),
260.
Saint- Hilaire (Barthélémy) (voir
Barthélémy).
Saint-Lanne (Emile), 472, 483,
488, 204.
Sainte-GenevièTe (abbés de) ,
(yoir Geneviève).
Saint-Simon (dnc etdachesse de),
40, 50, 299, 300, 343.
Saint-Simon (M. de), 412.
Saissac (marquise de), 50.
Salard, architecte, 472.
Sales (Saint François de), 264.
Salleron, architecte 488.
Samson,470,471,204.383.
Sand (George), 46, 207, 208,
446 464.
Sand (Maorice), 303.
Sandeau (Joies),. 163.
Sanson, architecte, 422.
Sarcey (Francisque), 466.
Sarret, 405.
Sarrien, 383.
Sanvan, architecte, 404, 407.
Savoie-Carignan (Ch.-E. de), 50.
Saxe (maréchal de), 470, 287.
Say (Jean-Baptiste), 462.
Say (Léon), ancien ministre, 99,
488, 490.
Scellier de Gisors, architecte du
Sénat, 384 .
Scheffer (Ary), peintre, 69, 70.
Schilizzi (Démétrins), 82, 242.
Scribe (Eugène), 409.
Scriwaneck (Mlle), 246.
Sedaine, 70.
Séguier (chancelier), 40.
Seigneurs de Chaillot, 250.
Seigneurs de Passy, 249, 250.
Seilneimer, conducteur des ponts
et chaussées, 94, 430, 443,
447.
Selves (de). Préfet de la Seine,
92, 472.
Sénécal, 224.
Severo, 405.
Siegfried, 223.
Sieyès, 222.
Simon (Jules), ancien ministre,
472, 488, 500.
Singer (Da\id), 402, 109, 114.
Sipière, 207.
Sisson (Mgr), 94.
Société du parc Guicbard (voir
Guichard).
Société des terrains de la plaine
de Passy (voir Tindex des
rues).
Société Roehn (yoir Roëhn).
Société Thome (voir Thome).
Soleil, opticien, 457.
Soobise (maréchal, prince de),
49,24,302,303.
Souchier, 69, 456.
Spitzer (Frédéric), 72.
Spontini, compositeur, 400, 298.
Staël (Mme de), 292, 486, 496.
Stainviile (de), 474.
Stem (Mme) (voir Croizette).
Strada, 94.
Strass, 459.
Suard, 285.
Suchet (maréchal), 443.
Suleyman-el-Halébi, 443.
Sully (Maurice de), évéque de
Paris, 6, 247.
SuUy-Prudihomffle, 448.
Swieten (baron van), 447.
Syracuse (le prince de), 25.
Tabariès de Grandsaignes, 5, 6,
45, 449, 420, 236, 253.
Talamon, 466, 344.
Tallemant des Réaux, 279.
Talleyrand, 23, 448,484, 423,
434, 486.
Talleyrand (princesse de), 448.
Tallien, 84.
Talma, 444, 471,383.
Tamiset, 413.
Tarbé des Sablons, 203.
Tardé, 24.
Tassu, architecte, 224.
Tavemier (de), ingénieur, 219.
Téniers, peintres, 497, 498.
Temaux-Rousseau, 474, 488,
203 242.
Temaux (Mme), 244, 462.
Terrier, architecte, 442.
Thalberg, 378.
Thérv, 426, 455.
Thiébaut, fondeur, 448, 369.
Thiers,88, 401,426,484,393.
425, 449, 474.
Thiers (Mme), 99.
Thomas, académicien, 243.
Thomas, statuaire, 464.
Thome, 84, 85, 446,430,439,
440, 450, 454, 452.
Thuret, 459.
Tillière (le comte), 44.
Tour (La), peintre, et La Tour
d*Auvergne (voir La Tour).
Tracy (Destutt de), 470, 243,
454,458,462.
Tracy (Victor de), 474.
Train, architecte, 47, 94.
Trant (Mme), 260.
Tréhouart (amiral), 86.
Treilhard(comte), 439, 455, 392.
Trénitz, 24, 344.
Tobiny (de), 30.
Turenne, 434 .
Turgot, 470, 391,457,458.
Uhrich (général), 420.
Urbain II (le pape), 6.
l'rville (Dumont d*), voir Dumont.
Valeotinois (famille de), 42, 45,
394, 445.
Vallière (Mlle de la), voir La Val-
lière.
Valon (vicomte de), 354.
Valton (E.), 395.
Van der Meulen, peintre, 49.
Van Loo (les), peintres hollan-
dais, 496, 497, 498, 285,
303, 336.
Vannelet, 487.
Varé, 420, 408.
Varin (Adolphe), 395.
Vaacanson, 285.
Vaudey (Mme de), 484.
Vaudoyer, architecte, 89.
Vaodremer, architecte, 82, 435,
476, 242, 242, 462.
Vaudrey, ingénieur, 368.
Vauguyon (duc de la), 306.
Vautrey (Gustave), 446.
Verdier, architecte, 204.
Vergennes (de), 486.
Verhoeven (Paul), 244.
Vernet (Mme), 455.
Vemiquet, 84, 86.
Vcron (le docteur), 481.
Verrières (les demoiselles de),
170, 446 et suiv., 460.
Vcrthamon (de), 242, 390.
Vertpré(Jenny), 33, 34, 64 , 444 ,
338, 383.
Vicaire (Georges), 394.
Victor Hugo (voir Hugo).
Vigée-Lebiun (Mme), 290.
Vignon (MmeClande) (voirQaude
Yignon).
Villarceau (Yvon de), astronome,
465.
Ville (Georges), 466.
Villebois-Mareuil (colonel de),
466.
Villejust(Pauquetde) (voir Pau-
quet).
Villemain, ancien ministre, 66.
VUlemessant (de), 424,203.
Villers (MM. de), 43.
Villette (le marquis de), 372.
Vincent de Paul (saint), 444.
VirvUle (Mme de), 485.
Vital, 444, 423.
Vitet, 433.
Vitu (Auguste), 92.
Vivonne (duc de), 440.
Voisins (Gilbert de), 473.
34
53o HISTOIRE DU XVl'* ARRONDISSEMENT
Volney, 451 , 456 et suiv. Weber, 165. Ytod (Adolphe), peintre, 66,
Voltaire, il 1 , 467. Wickersheimer, iogéoiear, 3^2. 203, 388, 46i.
Widmer, ingénieur, i02. Ytou de Viîiarceau (voir Villar-
-y^ Wilhem, 478. ceau). .
Wahl (Edmond), 44, 47, 33, 44, y Z
449, 295.
Walpole, 446, 481, 483, 485. Ysabelie II. reine d'Espagne, Zimmermann, beau-firère de Gou-
Washington, 444, 452. 443. nod, 203.
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pages.
Eglise et couvent des Bonshommes .... 7
Portrait de Phifippe de Commines 8
Vue de Chaillot 9
Catherine de Médicis . ; . . ; iO
Portrait da maréchal de Lorges i2
Paris et enyirons, plan de 4717 44
Ancien chAtean de Boulainvilliers (château
seigneurial de Passy 47
Rameau 48
Le château de la Muette, sous Ix>uis XV. . 20
Premier Toyage aérien 2^
Le bal du Ranelagh 25
Extrait du Plan de Paris, par Roussel
(4734) : Auteuil, Passy, Chaillot (hors
texte) 28
Barras 34
Jenny Veripré 33
Raynouard 38
L'abbé Prévost 44
Robert de Cotte 43
La princesse de Lamballe 49
Rentrée du roi Loais XYl à Paris 56
Ponsard 59
Jules Janin 60
Embarcadère de Passy 62
Pavillon où le tsar Nicolas II et la tsarine
ont débarqué le 6 octobre 4896 63
La tour de la rue de la Tour 65
Decamps 68
L'exposition du corps de Victor Hugo sous
Tare de triomphe de TEtoile 76
Victor Hugo, par Gustave Michel 77
Castel construit dans la plaine de Passy et
occupé autrefois par Tambassade de
Chine, place Victor Hugo 93
Piccinni 98
Gavami 408
Plan d'Auteuil, de Passy et de Chaillot en
1859 (hors texte) 416
Alphand 448
Faustin-Hélie 424
Arsène Houssaye 128
Henri Martin 434
Le chalet de Lamartine 136
Alphonse de I^martine 438
Portrait d*Eugène Manuel (hors texte) ... 444
Pa^es.
Le monument de La Fontaine, au Rane-
lagh 447
Rossini 448
La villa Rossini, à Passy ... 450
Le Musée Galliéra 460
Hector Berlioz 462
Cabanis 469
Condorcet 474
Molière, par Coypel 473
Jean-François Ducis 475
Ancienne éfim d'Auteuil, vers 4840. . . . 477
Jean de La Fontaine 480
Boileau- Despréaux 484
Hubert Robert, peintre 486
Louis-Michel et Jean-Baptiste Van Loo. . . 496
Carie Van Loo 498
GeorseSand 208
Façade sur le jardin, en 4800, de la pro-
priété, me d'Auteuil, 46. ...... . 213
ANNEXES
Vue de Tancienne église d'Auteuil 238
Porte d'entrée de Tancienne église d'Auteuil 239
Clocher de Fancienne église aAuteuil . . . 239
Vue de T abside de Tancienne église d'Au-
teuil 240
L'ancienne église d'Auteuil au xvii« siècle. 244
Armes de l'abbaye royale de Sainte-Gene-
viève 245
Armes du marguis de Boulainvilliers . . . 249
Armes de Philippe de Commines et du ma-
réchal de Bassompierre 250
Portrait de Bassompierre 254
Armes du maréchal de Lorges 264
Henriette de France, d'après Van IMck. . . 262
Vue du couvent des Bonshommes, vers 1 760 263
La Savonnerie au xvii« siècle 273
Dé Pardaillan, duc d'Antin 274
Armes du duc d'Antin 275
Atelier de la Savonnerie 276
Louis XIIl en 1623 277
Christine de Heurles, dame Chahu 284
l.e Riche de la Pouplinière 286
Madame de Genlis vers la tin de sa vie . . 290
534
HISTOIRE DU XVr ARRONDISSEMENT
Pages.
Rue Copernic, roe de Villejust et nie Paa-
quet 97
Roe des Belles-Feuilles 98
FpndatioD Thiers et roe Saint-Didier ... 99
Marché Saint-Didier, roe Pergolèse, rue et
villa Spontini 100
Rue Dosne, rue Picot, pont de Grenelle et
rue de Boulainvilliers iOi
Chemin de fer de Courcelles au Champ-de-
Mars 402
Cité de BoulainTilliers i03
Roe du Ranelagh et rue Galilée i04
Rue Mesnil et rue des Sablons 105
Rue CorUmbert ; 106
Temple et chapelle de la rue Cortambert. . 106
Rue Gavarni 107
Rue Singer, rue Newton et rue Auguste-
Vacqoerie 109
Rue Nicolo et rue Vital 110
Rue Lekain et rue Talma 111
Bue de la Faisanderie, boulevards Lan nés
et Suchet 112
Cité des Belles-Feuilles, rue des Marronniers
et avenue Saint-Philibert 113
Passage Cothenet , rue Greuze et rue Leroux . 114
Rue Duban, rue Léonard-de- Vinci et rue
Pierre-Charron H5
Villa Aimée 116
Plan d'Auteuil, Passy et Chailht en i859,
c'est-à-dire immédiatement avant Tan-
nexion,
3^ ROES OUVERTES DE 1851 A 1901, DANS LES
QUARTIERS DE CHAILLOT, DE LA MUETTE ET DE LA
PORTE-DADPHINE.
Boulevard Beauséjour 117
Bois deBoulo|pe 119
Avenue du Bois-de-Boulogne 120
Rue de Presbour^, villa Saïd et villa Dupont. 1 22
Rue Marbean, villa du Redan, boulevard
Emile- Augier et rue Rude 123
Rue Guichard et Compagnie du parc Gui-
chard 124
Rue Faustin-llélie, rue Delaroche, roe Des-
bordes-Valmore et place Possoz 125
Boulevard Flandrin et rue Dufrénoy. ... 126
Rue des Bauches, avenue Montespan et rue
Bénouville 127
PontdeTAlma 128
Avenue de TAlma et partie de la place de
TAlma , . 129
Avenue du Trocadéro, avenue Henri-Martin . 1 30
Dépôt des Phares et rue Villebois-Mareuil. 132
Palais du Trocadéro 133
Place du Trocadéro 135
Fleuriste de la Ville de Paris 136
Square Lamartine 137
Avenue Marceau et rue des Batailles ... 139
Avenue d'Iéna 140
Place dléna et musée Guimet 141
Avenue Kléber 142
Rue Mignard 144
Impasse de Malakoff, rue Dumont-d*Urville
et rue Lapérouse 145
Pajçes.
Rue Herran, rue du Général-Appert, pelouses
do Ranelagh 146
Avenue Raphaël 148
Avenoes Prodhon et Ingres 149
Rue de Freycinet 150
Roe de Bassano et roe HameUn 151
Rue de Belloy et place des Etats-Unis. . . 152
Rue Mozart 153
Impasse Mozart, rue Largilliére, villa Herran
et villa de Longchamp 15 i
Rue Nitot, rue Le Nôtre, rue Théry, roe
Debrousse et roe Foucault 155
Villa de la Tour 156
Rue Fresnel et boulevard Delessert .... 157
Avenue d'Eylau, impasse des Prêtres, me
Chardin et passerelle de Passy 158
Rues G alliera et de Brignole et musée Gal-
liéra 159
Rue Berlioz 161
Rue Gnstave-Nadaud, boulevard Jnles-San-
dean, rues Guy-de-Haupassant, Edimond-
About et Octave-Feuillet 163
Rues Eugène-Labiche, de Franqueville, Cre-
vaux, Gustave-Courbet, de rÂmiral-Cour-
bet, Bogeaud, Léonce-Revnaud et de
Sfax ." 164
Villa Spontini, rue et square du Bois-de-
Boulogne, villa Michon, rue Léo-Delibes
et rue de Sontay 165
Rues Weber, Yvon-de-Villarceau, de Siam,
de Lota, Alboni ; avenues Jules-Janin et
des Chalets, rues Mérimée et de Pomereu. 165
Roes Lalo, Claude-Chahu, Ponsard et de
Villebois-Mareuil 166
lU. — HISTOIRE DES RUES, BOULEVARDS
ET AVENUES D'AUTEUIL
i» Rues d'auteuil qui existaient en 1800
Rue d'Auteuil 168
Ecole normale israélite orientale 170
Ecole Jean-Baptiste-Say 172
Place d'Auteml 174
Eglise Notre-Dame d*Autenil 176
Rue Rémusat 177
Rues Wilhem 'et Narcisse- Diaz 178
Rue La Fontaine 179
Château de la Tuilerie 181
Hameau Ijbl Fontaine, Hameau Béranger et
Orphelinat de Tabbé Roussel et rue Gros. 182
Rue et Hameau Boileau 183
Villa Boileau 185
Impasse Boileau, rue Blanchon et Ecole nor-
male d'Auteuil 187
Rue et place des Perchamps 188
Rues Verderet, du Buis et Ribéra 189
Avenue de Versailles 190
2^ Histoire des rues étarues a auteuil
depuis 1880 jusque l*annexion
Rues de Billancourt et Jouvenet 191
Impasse Jouvenet, rues Lancret et de Musset. 192
Rue Pierre-Guérin 193
TABLE DES MATIERES
535
Pfl^es.
Pont de Grenelle, chaussée da pont et rue
Désaugiers 194
Rue de la Source, rue de ia Cure et rue Jas-
min 195
Rue Van-Loo et rue Téoiers 197
Quai d'Auteuil 198
Rue Félicien-David 199
Rue François-Gérard 200
Rue de TAssomption 201
Lycée Molière, rue Le Marois, rue Claude -
Lorrain 292
Cimetière d*Auteuil, rue Gndin, boulevards
Murât et Suchet 203
Passage Murât et villa Montmorency . . . -204
Roulevard de Montmorency, rues Géricauit,
Poussin et Donizetti 205
Rue Chanex, rue des Pâtures et rue Benjamin
Godard 206
Avenue Boudon et rue George-Saod .... 207
3^ Rues, boulevards et avenues classés a au-
teuil pemdafft les quatre dernières années du
xix* siècle.
Rue d'Erlanger 210
Rues Michel-Ançe, de Varize et de Civry . 211
Rue et villa Mohtor, rue et pont Mirabeau. 214
Rue Chardon-Lagache 215
Maison de retraite Chardon-Lagache et ins-
titution de Sainte-Périne 216
Fondation Rossini, avenues de la Réunion et
de TErmitage (villa de la Réunion), bou-
levard Exelmans 217
Rues Girodet et Isabey 218
Rues Corot et Théophile-Gautier 219
Rues de l'Yvette et Raffet 220
Rues du Docteur-Blanche, Dangeau, Cham-
fort et ruelle de la Cure 221
Rues Daumier, Antoine-Roucher, Bosio et
avenue Perrichot 222
RnesBastien-Lepage et Henri-Heine ; Société
des habitations ouvrières de Passy-Anteuil;
avenues de la Frillière et Jean-Dollfas;
passages Dietz-Moonin, Emile-Meyer et
Cheysson 223
Rues François-Millet, Chapu, Leconte-de-
Lisle, Mignet, des Grandes-Papeteries,
Pierre-Ducreux, Auguste-Maquet et de
la Mission-Marchand ... « 224
IV. — OBSERVATIONS SUR LA SITUA-
TION ET L'AVENIR Di] SEIZIEME
ARRONDISSEMENT 225
V. —ANNEXES
Reproduisant divers articles insérés dans le
« Bulletin de la société historique d'Auteuil
KT dk Passy », ainsi qoe la copie d* actes concer-
nant LE XVI^ arrondissement.
Une coutume de l'ancien village de Chaillot 233
Deux cents ans de querelles sur le nom d'An-
teuil 233
I^ vieille église d'Auteuil 237
Pages.
Les abbés de Sainte-Geneviève, seigneurs
d'Auteuil 244
Liste des abbés de Sainte-Geneviève. . . . 245
Liste des curés qui ont administré la pa-
roisse d'Auteuil 247
Liste des maires d'Auteuil et liste des curés
qui ont administré la paroisse de Passy. 248
Liste des seigneurs de Passy, des maires de
Passy 249
Liste des seisneurs de CbaiUot 250
Maires du XyI" arrondissement 251
Notes complémentaires sur les seigneurs de
Passyet de Chaillot 251
Charte primordiale d'Auteuil 252
Philippe de Commines et le maréchal de Bas-
sompierre 253
Paris depuis ses origines jusqu'à nos jours , 256
Souvenirs anglais sur Chaillot et le bois de
Boulogne 257
Le monastère royal de la Visitation de Chail*
lot (1651-1704) 260
La manufacture de tapis de la Savonnerie . 273
Louis XIII au XVI* arrondissement 277
Lycée Janson-de-Sail1y (distribution des prix
du 28 juillet 1892) 279
Fondation de la paroisse de Passy 280
Le chAteau seigneurial de Passy sous le
règne de M. de la Pooplinlère 284
LaTouràPassy et àAuteuil 287
Jean- Jacques à la fête de Passy 288
Madame de Genlis (1746-1830) 2X8
Le château de la Muette 295
Mort de la duchesse deBerry à la Muette . 299
Les quatre gouverneurs du château royal de
la Muette 300
Chaussée de la Muette, à Passy (personnages
qui y ont résidé) 303
La biche du roi 304
Projet de reconstruction du château de la
Muette 304
Cérémonie de révérences de deuil à la
Muette en 1774 304
L'édit de la Muette et les différents séjours de
la cour de Louis XVI au château de ce nom 305
\je premier voyage aérien (21 octobre 1783) 308
Vente des biens nationaux de notre région
sous la Révolution 309
Jean-Jacques Rousseau à Passy et au bois de
Roulogne 310
Le bal du Ranelagh 310
Documents inédits sur Racine 311
Racine et sa famille à Auteuil 312
Aspect général, en 1717, de la boucle de la
Seine qui renferme Auteuil et Passy . . 3i3
Audinot au Ranelagh 314
Passy et Chaillot souterrains 314
Les carrières et le soos-sol du XVI* arron-
dissement ... 316
Nos anciennes barrières 324
Extrait d'une brochure intitulée : Extension
des limites de Paris, communiquée par
M. Ranche â la Société historique d'Au-
teuil et de Passer (loi du 16 juin 1859,or-
donnant l'annexion des communes subur-
baines) ; limites des quatre quartiers du
XVI* arrondissement 332
ACHEVÉ D'IMPRIMER
PAR
MM. E. ARRAULT ET C"
Imprimeurs à Tours
Le 4 5 Novembre 1902.
V / & \ \ia:l.\ v\
-^ /
'«m4j
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3 9015 03934 4331
THE UNIVERSITY OF '' '"'